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XVème Congrès Français de Mécanique Nancy, 3 – 7 Septembre 2001

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PR O C E D U R E D E VALIDATION MULTIAXIALE D E S L O I S D E
C O M P O R T E M E N T H Y P E R- E L A S T I Q U E S P O U R L E S M A T E R I A U X
ELASTOMERES

Luc CHEVALIER, Yann MARCO

LMT-Cachan (ENS de Cachan /CNRS-UMR 8535 /Université Paris 6)

61, avenue du président Wilson 94235 Cachan cedex

Résumé :
Nous présentons dans cette étude une approche expérimentale de validation des modèles de comportement
utilisés pour les matériaux élastomères. Nous nous intéressons en particulier aux modèles à potentiel hyper-
élastique. Dans un premier temps, nous déterminons ce potentiel à partir de tests de traction et de compression
homogènes. Puis nous soumettons le matériau à des sollicitations biaxiales. Nous confrontons alors les résultats
expérimentaux aux prévisions données par le modèle indentifié. Une technique d' inter-corrélation d'images
nous permet de valider l'homogénéité de nos champs de déformations ou de mesurer des champs hétérogènes.

Abstract :
We present an experimental approach to discriminate constitutive models describing the mechanical behavior of
rubber-like materials. We focus on the particular case of hyper-elastic models. Assuming incompressibility, the
hyper-elastic potential is determined from tension and compression tests. A biaxial loading condition is obtained
in a multiaxial testing machine and model predictions are compared with experimental results. An evaluation of
the displacement field obtained by digital image correlation allows us to evaluate the heterogeneous strain field
observed during these tests.

Mots clés :

élastomères, hyper-élastique, biaxial, intercorrélation d'images, analyse inverse

1 Introduction

Depuis Mooney (1940), Rivlin (1948), Tréloar (1944) de nombreux modèles de


comportement ont été proposés pour les matériaux élastomères -Arruda et Boyce (1993),
Heuillet et al (1997)- . Il est particulièrement délicat de reconnaître celui qui décrit le mieux le
comportement du matériau pour différents chargements. Nous nous intéressons dans cette
étude aux modèles phénoménologiques.
Notre but est de constituer une base de données expérimentales et de proposer une
démarche de validation simple de la validité des différents modèles hyper-élastiques. Nous
nous appuierons pour cela sur deux outils spécifiques développés au LMT-Cachan. Il s'agit
d'une part d'une technique d'auto-corrélation d'images utilisée pour analyser le champ de
déplacement durant le chargement de l'échantillon, et d'autre part d'une machine d’essais
triaxiale appelée ASTREE qui permet d'imposer des sollicitations bi- et tri-axiales. Le

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matériau testé au cours de cette étude sera le SmactaneTM, un élastomère industriel choisi
pour ses qualités de très faible amortissement.
Dans une première partie, nous illustrerons l'apport de la technique de corrélation utilisée
sur des tests de traction et de compression homogènes. Nous présenterons l'identification du
potentiel hyper élastique pour différents modèles de comportement. Dans une seconde partie,
nous validerons les modèles identifiés en comparant des simulations numériques réalisées sur
Abaqus et les données expérimentales de chargement biaxial.
1.1 L'approche par potentiel hyper-élastique
L'approche macroscopique proposée par Rivlin (1948) consiste à introduire un potentiel
élastique. Les hypothèses classiques d'isotropie, d'indifférence matérielle et
d'incompressibilité permettent de montrer que ce potentiel W ne dépend que des deux
premiers invariants I1 et I2 du tenseur de Cauchy-Green droit C (avec C =FTF où F est le
gradient de la transformation). La loi de comportement dérive alors du potentiel W:
∂W ∂W  ∂W ∂W   ∂W ∂W 
S= =2 = 2 1 − C −2 (1) Σ = F.S. t F = 2 B − B −1 (2)
∂E ∂C  ∂I1 ∂I 2   ∂I1 ∂I2 
E est le tenseur des contraintes de Green Lagrange, S le tenseur des extra-contraintes de Piola
Kirchhoff II et Σ le tenseur des extra-contraintes de Cauchy .
Le tenseur complet de Cauchy σ s’écrit alors: σ = Σ - pI (3)
p est la presion associée à la condition d'incompressibilité. Finalement tant que le
comportement du matériau reste hyper-élastique, il est complétement défini par la
connaissance des dérivées partielles de W par rapport à I1 et I2. Nous noterons désormais :
∂W ∂W
= f ( 1I ) et = g(I 2 ) (4)
∂I1 ∂I2
1.2 Procédure d'identification
Les différentes formes de potentiel proposées par Mooney, Mark (1982), Gent et Thomas
(1958), Hart-Smith (1966), Alexander (1968), et même plus récemment par Lambert-Diani et
Rey (1999), aboutissent toutes à un découplage de f(I1) et g(I2). En traction uniaxiale, I1 est
supérieur à I 2 alors qu'en compression I2 est supérieur à I1. De plus on constate classiquement
que les valeurs de f sont plus élevées que celles de g. La démarche d'identification consiste à
estimer f à partir du comportement du matériau en traction, en négligeant l'apport de g. Puis,
en utilisant la fonction f ainsi obtenue, identifier g à partir du comportement en compression.
C'est cette méthode inspirée de Lambert-Diani et al. (1999) que nous utiliserons à la section
2.3.

2 Essais homogènes en grandes déformations

Nous présentons dans cette partie les essais de traction et de compression homogènes réalisés,
ainsi que l’identification du potentiel hyper-élastique. Nous illustrerons par ailleurs tout
l’apport de la technique d’intercorrélation d’images pour ces essais, sans toutefois rappeler le
principe du logiciel développé : CorreliGD (Hild et al. (1999) et Chevalier et al. (2000)).
2.1 Essais de traction uniaxiale
Ces essai sont réalisés sur une machine Deltalab choisie pour la grande course de sa traverse,
nous permettant d’atteindre 700% de déformation. L’échantillon est filmé au cours de sa
déformation par une caméra CCD, les images obtenues sont alors analysées par le logiciel
d’intercorrélation CorreliGD . Une telle technique est particulièrement utile dans le cas de
grandes déformations, où des jauges ne peuvent être collées, et cette mesure locale permet de
discriminer le glissement de l’échantillon dans les mors et d’éviter l’erreur sur la déformation
vraie. D’autre part, la connaissance des déformations transverses à la direction de traction est

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particulièrement utile. En effet, si l’on évalue l’équivalent du coefficient de Poisson υ en


supposant l’isotropie (λ2 = λ3) et l’incompressibilité (λ1.λ2.λ3 = 1), on peut alors confronter
l’évolution de ce rapport à celui effectivement mesuré au cours de l’essai. Le très bon accord
obtenu permet de considérer que les deux hypothèses faites sont valables. Si cela n’avait pas
été le cas , une mesure simultanée des déformations sur la face avant et sur la tranche, permet
de vérifier si le matériau est compressible ou anisotrope. La courbe de comportement obtenue
est portée sur la figure 1
2.2 Essais de Compression
Notre dispositif de compression comprend un plateau inférieur transparent et un miroir à 45°
afin de vérifier l’homogénéité des déformations au moins à l’interface matériau/plateau
inférieur, ce qui est la difficulté majeure des essais de compression. Là encore, l’analyse
d’image nous a été particulièrement précieuse, pour valider le dispositif expérimental et en
particulier l’adhérence ou le glissement à l’interface entre l’échantillon et le plateau inférieur.
De même que pour la traction, nous avons pu vérifier les conditions d’isotropie et
d’incompressibilité. La courbe de réponse du matériau en compression est disponible elle
aussi sur la figure 1.
2.3 Procédure d’identification
Dans cette partie, nous présentons la procédure utilisée pour identifier le potentiel hyper-
élastique à partir des données des essais de traction et de compression. Notons que du fait de
la complexité des expressions, l’identification par simple minimisation de l’écart entre les
données expérimentales et l’expression analytique peut ne pas être unique. Il est donc
important d’avoir une bonne approximation initiale avant de commencer le processus de
minimisation.
2.3.1 Identification de la fonction f(I1)
Dans un premier temps , on suppose que la contribution de g est négligeable devant celle de f
en traction uniaxiale, la fonction f peut alors être directement identifiée à partir de la
σT 2
contrainte de traction σT et de λ: ƒ(I 1 ) =
 2 1  avec I1 = λ + λ et λ > 1
2
(5)
2 λ − 
 λ
Nous avons choisi pour approcher cette fonction une forme polynomiale de degré 2. Ce choix
offre une bonne qualité d’approximation pour un nombre limité de paramètres. La
comparaison entre la prédiction de cette fonction et les données de l’essai de compression
montre clairement l’importance de la contribution de g pour ce type de sollicitation.
2.3.2 Identification de la fonction g(I2)
Connaissant la fonction f du premier invariant, nous sommes maintenant capables d’interpoler
g à partir de l’expression (6) où σc est la contrainte de compression:
 1
σ C − 2f(I 1 ) λ2 − 
 λ  avec I = λ2 + 2 ;I = 2λ + 1 et 0 < λ <1
g(I 2 ) = (6)
 1  1
λ 2 λ2
2 λ − 2 
 λ 
2.3.3 Ajustement des fonctions f(I1) et g(I2)
Même si la contribution de g(I2) pour le cas de la traction est faible, lorsque nous l’utilisons
pour représenter le comportement du matériau en traction, la fonction obtenue ne correspond
pas parfaitement aux points expérimentaux. La procédure d’identification consiste donc dans
un second temps à minimiser l’écart entre la fonction globale et les valeurs expérimentales.
Les fonctions définitives f et g obtenues sont utilisées pour tracer le comportement global du
SmactaneTM en compression et traction sur la figure 1. Notons d’autre part que le tracé des
fonctions f(I1) et g(I2) en fonction de l’élongation valide les hypothèses faites pour identifier f.

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modèle hyper-élastique A titre de comparaison, nous avons aussi tracé
Mopdèle de Mooney
Modèle d’Ogden les courbes les plus représentatives des modèles
25 Essai de traction
Essai de compression de Mooney et Ogden. Le premier est meilleur
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pour représenter le comportement en
15
compression et le second est plus adapté pour le
10
comportement en traction.
5

0
0 1 2 3 4 5 6 7

-5
Figure 1 : Données des essais de traction et de
-10
compression, comparées aux modèles identifiés
Elongation

3 Essais de validation complémentaires

Afin de tester la validité des modèles identifiés, nous avons cherché à réaliser des essais de
sollicitations biaxiales.
3.1 Essai de traction « plane »
Nous avons pour cela considéré dans un premier temps une méthode communément employée
pour réaliser de la traction « plane » et qui consiste à considérer un échantillon large
(initialement Lo) par rapport à sa hauteur initiale ho. Si le ratio h/L demeure “faible” une large
zone de l’échantillon peut être considéré en déformation plane (i.e., λ2 = 1). Ce type d’essai
peut être validé si l’on ne considère pas les effets de bord. Or ces effets de bords se propagent
rapidement, en particulier dans le cas de grandes déformations. Ceci peut être montré tant par
l’expérimentation et la mesure de champs, que numériquement par des simulations
numériques de ce type d’essai. On s’aperçoit de fait que si cet essai est représentatif de l’état
de déformations planes pour de faible s élongations (jusqu’ à 100% dans notre cas), la courbe
de comportement diverge rapidement vers une réponse plus représentative d’une sollicitation
de traction simple. De plus, les invariants I1 et I 2 sont égaux en traction plane, ce qui limite la
discrimination des fonctions f et g. En conséquence, nous avons choisi de développer un test
biaxial pour discriminer les formes du potentiel hyper-élastiques.

3.2 Essais de traction biaxiale


Notre but est d’utiliser de la traction simple sur une machine multiaxiale spécifique, ce qui
rend la procédure expérimentale plus simple que pour de nombreux autres appareillages de
sollicitations biaxiales. Deux types d’essais ont été réalisés. D’une part, un essai de bi-traction
équilibrée qui permet d’étudier une zone de déformation quasi-homogène, et d’autre part,
d’un chargement biaxial séquencé qui sera analysé par comparaison à des simulations
numériques.
3.2.1 Un essai quasi homogène : bi-traction équilibrée
L’observation des champs de déplacement pour ce type d’essai montre qu’ils ne sont
évidemment pas homogènes, il n’est donc pas possible d’évaluer une déformation locale à
partir des déplacements des mors. Cependant, on observe que les élongations λx et λy sont
égales dans la zone centrale de l’éprouvette ce qui assure l’état équibiaxial dans cette zone.
On observe également que la déformation de Green-Lagrange est quasi-homogène suivant AB
(Fig. 2). En supposant que les composantes du tenseur des contraintes sont homogènes sur
cette section AB, nous pouvons estimer la contrainte de Cauchy à partir des efforts biaxiaux
2F
F: σBT = (7)
e.L

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Figure 2: Analyse du chargement biaxial équilibré


Les données expérimentales montrent que le chargement est égal dans les deux directions et la
Figure 2 présente la superposition la contrainte estimée à partir de F et la prédiction pour la
traction biaxiale faite par le modèle précédemment identifié. Cette première approximation
confirme la bonne identification de g(I2) qui est prédominante en traction bi-axiale.
3.2.2 Déformations biaxiales séquencées
Dans ces essais, le premier couple de mors (suivant X) reste fixe, pendant que le deuxième
(suivant Y) applique une traction à l’échantillon. Nous arrêtons alors l’élongation suivant Y et
nous étirons l’échantillon suivant X. Les évolutions des efforts en fonction des déformations
ont mis en évidence le glissement de l’échantillon dans les mors, ce qui rend délicat une
analyse analytique. Nous montrerons dans la partie suivante comment dépouiller malgré tout
ces essais.
3.3 Comparaison entre expérimentation et simulations numériques
Les tests présentés plus haut ont été simulés sur le code de calculs par éléments finis Abaqus.
La mesure des champs de déplacement par CorreliGD permet d’imposer directement des
conditions limites simulées très proches de celles réellement appliquées à l’éprouvette, ce qui
est une aide considérable. En effet, lorsque des conditions limites « parfaites » furent
imposées pour la simulation, ces dernières ont donné des résultats numériques évidemment
éloignés des résultats expérimentaux, rendant la discrimination de modèles très délicate...
3.3.1 Essai de bi-traction équilibrée
En imposant les conditions limites directement issues de l’analyse par intercorrélation (voir
Fig. 3), l’écart entre les élongations expérimentales et simulées est inférieur a 1% dans la zone
centrale. La distributions des contraintes simulées nous permet par ailleurs de valider
l’hypothèse de la section 3.2.1, ce qui confirme le bon accord à l’échelle locale de la
prédiction analytique avec l’expérience. L’erreur entre les chargements donnés par la
simulation et ceux mesurés lors de l’essai est inférieure à 5% (voir Fig. 3), ce qui est bon,
pour un essai aussi simple. Cette précision étant compatible avec l’erreur faite sur les
élongations, nous ne pouvons espérer être beaucoup plus précis.

Figure 3 :Validation par simulation numérique des essais de bitraction équilibrée

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3.3.2 Essai de bi-traction séquencée


Là encore les conditions expérimentalement mesurées sont imposées comme conditions
limites de la simulation. Des précautions numériques (introduction d’une légère
compressibilité) sont nécessaires pour éviter les artefacts. L’accord entre les champs de
déformations entre expérinece et simulation aux différents étapes du chargement, ainsi que la
bonne correspondance entre les efforts simulés et mesurés sont particulièrement
encourageants.

4 Conclusion

Une procédure spécifique a été utilisée pour identifier le comportement des matériaux hyper-
élastiques. Pour cela, nous avons mené des tests de traction uniaxiale et de compression,
réalisés et validés par une technique d’analyse d’images adaptée aux grandes déformations.
Des essais de sollicitations biaxiales ont été réalisés pour tester la validité du modèle identifié
pour d’autres états de contraintes que ceux utilisés pour l’identification. Du fait de
l’hétérogénéité des champs de déformations, la validation est réalisée par confrontation à des
simulations numériques. La correspondance entre les résultats numériques obtenus avec notre
modèle et les résultats expérimentaux est concluante, et ce pour des conditions limites
imposées réalistes.
La poursuite de cette étude passe tout d’abord par le développement de mors spécifiques pour
réduire le glissement de l’éprouvette, ce qui permettra d’atteindre des déformations plus
élevées. Le développement de l’analyse par simulations (recalage de loi de comportement)
sera alors à envisager. Nous prévoyons d’autre part d’étudier l’influence des décharges au
cours du chargement, ainsi que l’évolution de l’endommagement, pour des déformations plus
élevées.

Références

M. Mooney, (1940) J. Appl. Phys., 11, p582


R.S. Rivlin, (1948) Phil. Trans. of Roy. Soc. (London), A243, 251
L.R.G Treolar, (1944) Trans. Inst. Rubber Ind., 19, 201
E.M. Arruda, M.C. Boyce, (1993) J. Mech. Phys. Solids, 41, 389
P. Heuillet, L. Dugautier, (1997) ‘Modélisation du comportement hyperélastique des élastomères
compacts, Génie Mécanique des caoutchoucs et des élastomères, G’Sell et Coupard editors, 67
Gent A.N., Thomas A.G., (1958) J. Polymer Sci., 28, 625
J.E. Mark, J. Lal., (1982) ‘Elastomers and rubber elasticity’, American Chernical Society,
Washington, D.C.
Hart-Smith L.S., (1966) Zanger Math Phys, 17, 608
H. Alexander, (1968) Int. jl of Engineering Science, 6, 549
J. Lambert-Diani, C. Rey, (1999) Eur. J. Mech. A/Solids, 18, 1027
R.W.Ogden, (1972) Proc. Roy. Soc. Lond., A326, 565
F. Hild, J-N. Périé, M. Coret, (1999) Mesure de champs de déplacements 2D par intercorrélation
d'images : CORRELI2D, internal report 230, LMT-Cachan
L. Chevalier, S. Calloch, F. Hild, Y. Marco, (2000) Digital Image Correlation used to Analyze the
Multiaxial Behavior of Rubber-like Materials, to be published in Eur. J. of Mech. A/Solids.

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