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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

KEDGE BUSINESS SCHOOL

__________

シネマ
MÉMOIRE

présenté en vue d'obtenir

ESC Programme Grande Ecole / ESC Master 2

PARCOURS : Art et Industries Créatives

영화 __________

L’export du cinéma d’Asie de l’Est

电影院 (Japon, Corée du Sud et Taiwan)

Olivier MEUNIER

_________________________________________________________________________

Sous la direction de : Mme Anne-Sophie LEHEC


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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

2
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

SOMMAIRE
SOMMAIRE 3

REMERCIEMENTS 7

INTRODUCTION 9

RESEARCH DESIGN 13

PARTIE 1 15

I. Intérêt du sujet 15

II. Définitions des termes du sujet 17

III. Problématique 19

IV. Sous-questions de recherche 19

PARTIE 2 19

I. Cadre théorique 19

II. Cadre méthodologique 25

REVUE DE LA LITTERATURE 29

PARTIE 1: L’économie de la culture dans les pays d’Asie de l’Est 31

I. La culture comme Soft Power 31

1. Le Hallyu Coréen 31
2. Le Soft Power Taïwanais naissant 33
3. Le cool japan 35
II. Les politiques culturelles de ces pays et leurs enjeux 36

1. La politique protectionniste coréenne 36


2. Taïwan, une culture encore sous-exploitée. 38
3. La culture du Japon comme un produit de distribution de masse 40
PARTIE 2 : Le cinéma d’Asie de l’Est 42

I. Le cinéma japonais 42

1. Le cinéma comme un marqueur de modernité et une fierté nationale 42

3
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

2. Du cinéma traditionnel au cinéma d’aujourd’hui 43


3. Le nouveau cinéma japonais: Neo-eiga 46
II. La puissance du cinéma coréen 47

1. Une industrie fermée mais inspirée du reste du monde 47


2. Une émergence des auteurs et du genre 49
III. Le cinéma Taïwanais 51

1. Le cinéma comme un enjeu démocratique pour Taïwan 51


2. Le cinéma Taïwanais, dans l’ombre de Hong Kong et de la Chine 52
PARTIE 3: Leur cinéma dans le monde 54

I. L’importance des marchés de films 54

1. Qu’est ce qu’un marché du film 54


2. La représentation des films asiatiques sur les marchés de films 55
II. Quel cinéma s’exporte 57

1. Le cinéma, comme carte postale de l’Asie 57


2. Le mélange des genres apprécié et reconnu 59

RECHERCHE EMPIRIQUE 63

PARTIE 1: Méthodologie 65

I. Le guide d’entretien 65

II. Le passage des entretiens 66

III. L’analyse des résultats 67

PARTIE 2: L’analyse des résultats 69

I. Le cinéma asiatique différent des autres cinématographies 69

1. Le cinéma coréen et la multitude du genre 69


2. L’exotisme japonais 71
3. Le cinéma Taïwanais comme arme géopolitique 73
II. Le cinéma asiatique en France 74

1. La diversité recherchée par le public français 74


2. Un cinéma qui ne reflète pas leur cinéma national 76
3. Un nouvel essor du cinéma asiatique 78
III. Une industrie au profit du cinéma asiatique 81

1. L’importance des festivals 81

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

2. La France dope le cinéma d’auteur asiatique 84


3. Les nouveaux services de SVOD 86
PARTIE 3: Recommandations 88

I. Le cinéma asiatique n’est pas un genre 88

II. Etude des cibles 89

III. Le rôle de la co-production 90

CONCLUSION 93

ANNEXES 99

Entretien avec Thomas PIBAROT 101

Entretien avec Amel LACOMBE 113

Entretien avec Bastian MEIRESONNE 125

Entretien avec Eric LEBOT 133

Entretien avec Adrien GOMBEAUD 139

Entretien avec David TREDLER 149

Grille d’Analyse 157

Box Office 170

BIBLIOGRAPHIE 172

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier très respectueusement ma tutrice Anne-Sophie LEHEC


pour son accompagnement, sa gentillesse, ses remarques indispensables et son
aide précieuse qui m’ont permis de mener à bien ce travail.

J’exprime ma gratitude également envers le corps enseignant de Kedge


Business School, tout particulièrement Anne GOMBAULT et Claire GRELLIER pour
leur pédagogie et l’intérêt qu’elles ont su porter à nos projets dans le cadre du
programme Art et Industries Créatives.

Je suis reconnaissant envers tous les professionnels qui ont pris part à ce
travail de recherche en acceptant mes demandes d’entretiens. Merci infiniment à
Thomas PIBAROT, Amel LACOMBE, Bastian MEIRESONNE, Eric LEBOT, Adrien
GOMBEAUD et David TREDLER, de m’avoir fait partager leur culture et leur amour
pour le cinéma asiatique.

Je tiens également à remercier les équipes du Pacte dont Ekram


BOULEGROUNE et Xavier HIRIGOYEN qui m’ont accueillis au sein de leur service
pendant mon année de césure et qui m’ont permis de débuter dans l’industrie
cinématographie. Je salue également le personnel de 31 JUIN FILMS, et
particulièrement François DROUOT et Ségolène BOURIC DEFOSSEZ qui m’ont
permis de découvrir le secteur de la production avec passion pendant mon stage
pendant que je composé ce mémoire.

Je remercie chaleureusement mes proches, et avec une attention personnelle


mes parents qui m’ont encouragés et accompagnés pendant tout ce travail, mais
aussi de manière générale depuis tant d’années.


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INTRODUCTION

シネマ
영화
电影院

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Le cinéma asiatique couvre un large spectre de territoires. Pour Adrien


GOMBAUD auteur du «  DICTIONNAIRE DU CINEMA ASIATIQUE  »1, il comprend
toutes les cinématographies de L’Inde au Japon, mais aussi de la Turquie, de l’Iran
ou encore d’Israël. Dans ce travail nous avons fait le choix de nous consacrer
uniquement à l’Asie de l’Est, et pour être plus précis nous nous attarderons
spécifiquement sur Le Japon, Taïwan et la Corée du Sud. Ce sont ces pays, qui ont
forgé de nombreux cinéphiles, notamment en France. Que ce soit pour l’animé
japonais, les thrillers coréens ou encore les films oniriques de Taïwan, nous
essayerons de définir ces cinémas dans leur ensemble.

Ce travail a pour but de donner une vision globale de ces industries et pour
ce faire, il semble important de cadrer notre sujet. Le research design a cette
fonction. L’attrait du mémoire y sera exprimé, ainsi que les définitions de ses
principaux termes et les problématiques qui l’animeront. C’est également
l’opportunité d’offrir une première vision des deux grandes parties qu’il le précède.

La revue de la littérature sera une partie entièrement consacrée à ce qu’ont


déjà pu écrire les auteurs sur le sujet. Nous y analyserons leur point de vue ainsi que
les grandes théories qui pourront permettre de répondre à nos problématiques.

Notre recherche empirique sera le moyen pour nous d’apporter notre pierre à
l’édifice. Nous essayerons de confronter ce qui aura été dit dans notre revue de la
littérature et en espérant pouvoir apporter des éléments supplémentaires qui
permettront de donner des réponses à notre sujet. Grâce à des témoignages de
professionnels du secteur, nous essayerons de comprendre ce qui définit ces
cinémas, comment ils sont représentés en France et quels en sont les subtilités.

Enfin, les recommandations auront la faculté d’ouvrir notre mémoire sur les
théories que nous aurons réussi à dégager et qui mériteront une analyse beaucoup
plus poussée. 


1 GOMBEAUD, A. (2008). dictionnaire du cinéma asiatique. Paris, France : Nouveau Monde Edition.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

RESEARCH DESIGN

シネマ
영화
电影院

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

PARTIE 1

I. INTÉRÊT DU SUJET

C’est en découvrant enfant des films comme Le Cercle des Poètes Disparus
de Peter Weir (1990), 12 hommes en colère de Sidney Lumet (1957) ou encore West
Side Story de Jerome Robbins et Robert Wise (1962), que mon attrait pour le
cinéma s’est développé. Mais c’est véritablement en regardant en cachette à l’âge
de dix ans Reservoir Dogs de Quentin Tarantino (1992) que j’ai compris que le
cinéma pouvait être autre chose qu’un simple divertissement. Cet art réunit la
musique, l’écriture, la photographie, la mise en scène et bien plus encore.

Je donne aujourd’hui totalement raison à l’acteur et réalisateur Gael Morel, 


qui suggérait: «  on peut entrer en cinéma comme d’autres en religion  ». Me
concernant je régis ma vie en fonction de lui au point de vouloir en faire mon avenir. 
C’est d’ailleurs en me fixant cette idée comme objectif que j’ai décidé de réaliser ce
mémoire de fin d’études autour du secteur qui me passionne. Désirant travailler au
sein de cette industrie, j’ai eu l’opportunité de débuter mon expérience
professionnelle dans une société de distribution cinématographique: LE PACTE.

Auparavant mon année de licence en Norvège, m’a permis de m’intéresser de


plus près au cinéma Scandinave. Ainsi j’ai découvert, la nouvelle vague du cinéma
qui recouvrait le monde. Celle ci se caractérisait par l’émergence de talents comme
Nicolas Winding Refn, Thomas Vinterberg, Lars Von Trier, et les acteurs tels que
Mads Mikkelsen ou bien Viggo Mortensen. Aujourd’hui, je ressens le désir d’étudier
un cinéma que je connais assez peu et dont je constate le succès rencontré à
l’étranger: le cinéma d’Asie de l’Est.

Depuis quelques années nous avons vu apparaitre des auteurs talentueux. La


première fois que j’ai pris conscience de cet essor, c’est avec Old Boy de Park
Chan-Wook (2003). Le magazine Empire a d’ailleurs classé le film à la 64ème place
dans leur classement des 500 meilleurs films de tous les temps. Mais nous verrons

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

plus tard que le cinéma asiatique tient une place particulière dans le cinéma
indépendant et cela depuis longtemps déjà.

Durant mon expérience au Pacte avec l’équipe du service de programmation,


j’ai participé à la sortie de la Palme d’Or 2018: Une Affaire de Famille, de Hirokazu
Kore-Eda (2018). L’année suivante, c’est également un film d’Asie de l’Est qui est
reparti avec le prix cannois, Parasite de Bong Joon-ho (2019) l’un des plus célèbres
réalisateurs sud coréens. En deux ans, ces films ont réalisé plus de deux millions
d’entrées à eux deux. D’où mon intérêt d’étudier ce phénomène: l’arrivée de ces
nouveaux films sur les marchés internationaux et l’attrait que le public peut avoir
pour ces derniers.

L’influence du cinéma sur les sociétés asiatiques et réciproquement a déjà


été étudiée. Au Japon par exemple le cinéma a permis de traduire la rupture entre le
monde traditionnel et la culture moderne (Durafour, 2006)2. La culture représente
aussi un soft-power pour ces pays comme pour la Corée du sud (Courmon, Kim,
2013)3. Nous aborderons ces points plus en détail dans la partie théorique de ce
research design. Même si ces deux facteurs peuvent expliquer l’émergence et la
diffusion du cinéma asiatique à travers le globe, il est pertinent de s’intéresser aux
spécificités de chaque pays et de rentrer plus en détail dans l’explication de ce
phénomène. D’autant plus que la diversité des films programmés dans les cinémas
du monde entier est aujourd’hui un axe stratégique adopté par de nombreuses
salles et tout particulièrement en France. (Lévy-Hartmann, 2011)4.

2Durafour, J. (2006). MATATABI : VERS LE CINÉMA JAPONAIS CONTEMPORAIN DE FICTION. Presses


Universitaires de France, pp.85-96.

3Courmon, B. and Kim, E. (2013). LE SOFT POWER CORÉEN À L'ASSAUT DU MONDE. Monde Chinois.
ESKA, pp.30-41.

4 Levy-Hartmann, F. (2011) «  UNE MESURE DE LA DIVERSITE DES MARCHÉS DU FILM EN SALLES ET EN


VIDEOGRAMMES EN FRANCE ET EN EUROPE », Culture Méthode, Ministère de la culture - DEPS, pp 1-16.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

II. DÉFINITIONS DES TERMES DU SUJET

Le cinéma Asiatique voit le jour au Japon. À l’époque il s’agit du seul pays a


entretenir des relations avec les puissances occidentales. La puissance japonaise va
chercher à travers le monde des innovations technologiques qui peuvent être
importées. À la fin du XIXe siècle, c’est donc tout naturellement que le cinéma arrive
au Japon. La Chine, la Corée et Taïwan sont quant à eux sur la réserve concernant
toute forme de modernité venant des pays occidentaux. Le septième art arrivera
donc dans ces pays qu’au début du XXe siècle. De plus le cinéma asiatique est
extrêmement influencé par leurs histoires à la fois politique et sociale. (Monvoisin,
2015). Nous allons nous intéresser dans ce mémoire à l’émergence sur la scène
internationale du cinéma japonais, sud-coréen et taïwanais.

Comme nous venons de le voir, le japon est le premier pays d’Asie à s’être
doté d’une industrie cinématographique. Au niveau international, le cinéma
japonais est reconnu pour le première fois officiellement en 1951, quand
Rashömon, d’Akira Kurosawa (1950) est auréolé du Lion d’Or à Venise. S’en suit une
vague de films récompensés dans de nombreux festivals les années suivantes, avec
entre autres: La porte de l’enfer, de Teinosuke Kinuagas (1953), recevant la Palme
d’Or lors de la 7e édition du festival de Cannes. Mais c’est dans le cinéma de genre
que le cinéma japonais a le plus rayonné à l’international, même si on note un retour
du cinéma d’auteur japonais dans les années 1980. (Tessier, 2018)5.

Concernant le cinéma sud-coréen celui ci est extrêmement lié à la notion


d’Hallyu. Ce terme est apparu dans la presse chinoise dans les années 1990. Les
sud-coréens se l’approprieront pour désigner la « vague » de leurs produits culturels
qui s’exportent de plus en plus à travers le monde. Aujourd’hui, nous distinguons
ainsi trois grands phénomènes coréens qui ont déferlé sur le monde ses dernières
années. D’abord les films et les séries se sont très bien exportés notamment au
Japon, ainsi que la K-pop ayant rencontré un succès conséquent à travers le

5Tessier, M. (2007) « LES ÉCLATS DU CINÉMA JAPONAIS », 1895. MILLE HUIT CENT QUATRE-VINGT-QUINZE,
Le Giornate del cinema muto, Pordenone pp.117-131.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

monde. La deuxième vague concerne la gastronomie surnommée la K-food qui a


envahi les plus grandes capitales à travers le monde. Enfin en 2012 le gouvernement
sud-coréen annonce la troisième vague portant sur leur culture plus traditionnelle.
(JOINAU, 2018) 6

Enfin pour le cinéma Taïwanais, nous verrons que ce dernier est


extrêmement lié à son histoire et sa culture étroitement corrélée avec celle de la
Chine. Contrairement à cette dernière, son cinéma est relativement libéré, la censure
n’y existe presque pas. Le cinéma est pour Taïwan, un soft power considérable sur
le plan international. Le géopolitologue Joseph Nye définissait cette notion comme
étant « l’habilité d’un pays à séduire » notamment grâce à sa culture. (COURMONT,
KIM, 2018)7 .

Comme pour le Japon et la Corée du sud, le cinéma taïwanais est vecteur


d’une certaine culture asiatique et un moyen pour les gouvernements de rayonner
sur un plan international. Contrairement aux deux autres territoires, la culture
taïwanaise est en lien direct avec la culture chinoise. Il s’agit pour beaucoup du seul
cinéma permettant aux auteurs de parler de celle ci sans craindre la répression de la
république populaire de Chine. (LINCOT, 2015)8 Mais nous verrons au moyen de ce
mémoire que le cinéma taïwanais ne se limite pas qu’à cela.

L’exportation est un enjeu primordial pour l’industrie cinématographique, en


plus d’être un moyen d’augmenter les revenus d’un film. Il s’agit de faire rayonner la
culture d’un pays à travers le monde. L’exportation d’une oeuvre s’organise
principalement sur les marchés internationaux. (CRETON, 2014)9. Selon le délégué
général du marché du film du festival de Cannes, Jérome PAILLARD, l’objectif de ce
salon professionnel, est de réunir les vendeurs et acheteurs du monde entier pour

6Joinau, B. (2018). AUX ORIGINES DE LA VAGUE SUD-CORÉENNE : LE CINÉMA SUD- CORÉEN COMME
SOFT POWER. [online] Le Seuil, pp.107-120.

7Courmon, B. and Kim, E. (2013). LE SOFT POWER CORÉEN À L'ASSAUT DU MONDE. Monde Chinois.
ESKA, pp.30-41.

8 Lincot, E. (2015). EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? Monde Chinois. ESKA, pp.129-132.

9 Creton, F. (2014). Economie du cinéma 5th ed. Paris: Armand Collin.

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présenter et découvrir des films indépendants. Traditionnellement on y vend des


droits pour des territoires. Chaque acheteur représente une société de distribution
dans un pays. Mais sur les grands marchés on peut aussi croiser des producteurs à
la recherche de financement. En effet de nombreux projets ont de plus en plus
besoin de coproduction pour voir le jour. Le plus important étant celui du Festival de
Cannes. (PAILLARD, 2011) 10

III. PROBLÉMATIQUE

Quelles sont les raisons qui expliquent l’expansion du cinéma d’Asie de l’est à
travers le monde?

IV. SOUS-QUESTIONS DE RECHERCHE

Quelles sont leurs politiques culturelles respectives?

Quelles sont les valeurs qui portent les cinémas d’Asie de l’est?

Comment se positionnent ces cinémas sur les marchés internationaux du film?

PARTIE 2

I. CADRE THÉORIQUE

Concernant ma revue de littérature, nombreux sont les articles académiques


qui pourront me servir d’appui dans ce travail.

Déjà il est important de raisonner de manière générale, de s’intéresser à la


culture asiatique, de l’étudier avant d’aborder le cinéma en tant que tel. Ce travail
nous permettra de bien détacher chacun des pays (Japon, Taiwan et Corée du sud)

10Paillard, J. «  LE MARCHÉ DU FILM DU FESTIVAL DE CANNES, ÉVÉNEMENT MAJEUR DE L'INDUSTRIE


CINÉMATOGRAPHIQUE », Géoéconomie, 2011/3 (n° 58), p. 77-87.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

et ainsi de comprendre comment leur cinéma respectif peut fasciner autant à


l’étranger.

Nous verrons ensuite les différentes politiques culturelles de ces trois pays.
Nous analyserons leur cinéma et les rapports de force face aux films hollywoodien/
occidentaux.

Puis nous constaterons leur diffusion dans leur pays et à travers le monde et
l’importance des marchés du films dans cet exercice.

Bouvard, J. (2015). L’INTERNATIONALISATION DE LA CULTURE POPULAIRE


JAPONAISE ET LES PARADOXES DU COOL JAPAN. Monde Chinois. [online]
ESKA, pp.84 à 91. Available at: https://www.cairn.info/revue-monde-
chinois-2015-2-page-84.htm [Accessed 7 Dec. 2019].

Dans cet article Julien Bouvard s’interroge sur la popularité des oeuvres
japonaises en occident. Il y parle notamment du succès du manga et des animés
japonais qui ont su traverser les océans pour envahir les librairies ou les grilles de
programmes des télévisions occidentales. Mais il décrit également les nombreux
évènements visant à mettre en avant cette culture, comme la Japan Expo en France
par exemple. Il définit cette culture comme du Cool Japan.

Ching-Long Lu, M. (2015). TAÏWAN : LA DÉMOCRATIE EN ACTE. Interview


menée par Emmanuel Lincot. pages 6 à 12.
Available at: https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2015-1-
page-6.htm#xd_co_f=OGE3NDIyMTgtNmYxZi00NjFhLTg0ZWYtNDYxZWFlMmM
yMzM5~ [Accessed 7 Dec. 2019].

Dans cet interview, Michel Ching-Long Lu, Directeur du Bureau de


représentation de Taipeï en France, donne sa vision de Taïwan au niveau
géopolitique. Grâce à cet entretien nous comprenons les enjeux politiques qui
caractérisent ce pays. Il est à mon sens important de s’intéresser à ces sujets dans
ce mémoire en sachant que le cinéma asiatique est souvent porteur de thèmes

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

politiques et sociaux. D’autant plus que l’histoire Taïwanaise est étroitement liée à la
Chine, où le cinéma d’auteur est quasiment inexistant.

Lincot, E. (2015). EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? Monde


Chinois. [online] ESKA, pp.129-132. Available at: https://www.cairn.info/revue-
monde-chinois-2015-4-page-129.htm [Accessed 8 Dec. 2019].

Emmanuel Lincot, expose ici la culture de Taïwan, sa structure et comment


est régie sa politique dans le pays. Nous comprenons que les cultures taïwanaise et
chinoise sont étroitement liées de part leur histoire commune. Elles sont cependant
organisées tout à fait différemment. À Taïwan, malgré une aide à la création
quasiment inexistante et une organisation administrative qui peut être une entrave à
la création, son régime tolérant et démocratique permet son expansion à travers
l’Asie et le monde. En effet contrairement à son voisin la Chine, la liberté
d’expression est bien présente. Cependant selon l’auteur, la culture Taïwanaise est
sous exploitée par ses dirigeants, il y développe certains axes d’amélioration.

Courmon, B. and Kim, E. (2013). LE SOFT POWER CORÉEN À L'ASSAUT DU


MONDE. Monde Chinois. [online] ESKA, pp.30-41. Available at: https://
www.cairn.info/revue-monde-chinois-2013-2-page-30.htm [Accessed 8 Dec.
2019].

Publié par le même éditeur du Cool Japan et de Soft Power Taïwanais, cet
article met l’accent sur la Corée du Sud et sa culture. Nous ne pouvons que
constater son influence dans le monde. L’article aborde aussi les politiques mises en
place pour promouvoir et protéger cette dernière.

Jeongsuk, J. (2011). TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR


CULTURE AND THE RISE OF ʺPOP NATIONALISMʺ IN KOREA. [online] Wiley
Periodicals, Inc, pp.489-504. Available at: https://www.kdevelopedia.org/
resource/view/05201603030143589.do#.XeyqEC17SfU [Accessed 8 Dec. 2019].

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Dans cet article, l’auteur nous expose la politique protectrice qu’ont les
coréens vis à vis de leur culture. Joo Jeongsuk y parle du rapport de force qui
s’opère entre le cinéma américain et coréen sur le territoire. Craignant une
américanisation, ils se sont longtemps repliés sur eux-même. Dotée d’une véritable
volonté de devancer Hollywood sur son propre territoire, la Corée est devenue une
« Blockbuster Nation », avec une véritable starification de leurs acteurs. Mais depuis
quelques temps, dans l’optique d’une stratégie de mondialisation, il tente d’exporter
leur culture notamment dans l’industrie musicale avec la K-Pop.

Joinau, B. (2018). AUX ORIGINES DE LA VAGUE SUD-CORÉENNE : LE CINÉMA


SUD- CORÉEN COMME SOFT POWER. [online] Le Seuil, pp.107-120. Available
at: https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2018-4-page-107.htm [Accessed 8
Dec. 2019].

L’article nous définit la vague coréenne, aussi appelée Hallyu comme une
véritable volonté du pays de rayonner sur la scène internationale, comme nous
avons pu le voir précédemment. L’auteur y aborde plus en détail la spécificité du
cinéma sud-coréen. Nous comprenons ainsi que la libéralisation de son industrie
cinématographique est récente. Jusqu’aux années 1990, le cinéma était controlé et
en quasi-monopole. Son histoire a été marquée par la censure, et il a fallu attendre
1996 pour que cette pratique soit considérée comme « anticonstitutionnelle » par le
pays. Nous avons aussi un aperçu des méthodes de production et de distribution en
Corée du sud. Nous voyons que l’état s’implique énormément dans 7ème art
aujourd’hui, au moyen de subventions, soutiens et législations, car cette industrie
représente un moyen de rayonner au niveau international. Un modèle d’ailleurs
calqué sur le système français.

Tessier, M. (2007) « LES ÉCLATS DU CINÉMA JAPONAIS », 1895. MILLE HUIT


CENT QUATRE-VINGT-QUINZE [online], Le Giornate del cinema muto,
Pordenone pp.117-131. URL : http://journals.openedition.org/1895/234
[Accessed 23 nov. 2019]

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Max Tessier, expose l’histoire du cinéma japonais à travers les grands films
qui ont fait son histoire. Il nous permet de situer leur cinéma à travers le monde et
de le positionner sur le marché mondial. Le cinéma traditionnel japonais y est défini,
notamment à l’époque du muet. Les différentes tendances de mises en scène qui
ont fait vibrer l’industrie du pays au soleil levant, mais aussi les différents genres qui
ont caractérisé leur cinéma: films de samouraïs, policier, films nihilistes et le goût
prononcé pour les remakes.

Durafour, J. (2006). MATATABI : VERS LE CINÉMA JAPONAIS CONTEMPORAIN


DE FICTION. [online] Presses Universitaires de France, pp.85-96. Available at:
https://www.cairn.info/revue-cites-2006-3-page-85.htm [Accessed 13 Dec.
2019].

Nous avons dans cet article, un point de vue intéressant sur la situation du
japon et la rupture qui a eu lieu entre le monde traditionnel et la culture moderne qui
serait alors corrélée à son industrie cinématographique. L’influence hollywoodienne
sur les oeuvres de fictions nippones a profondément marqué le paysage culturel
dans les années 1980. Aussi l’auteur expose aujourd’hui les différents sujets sociaux
abordés dans les films et la glorification de la violence. On comprend que malgré
une société rigide et disciplinée, le cinéma japonais est souvent exutoire et
impertinent, notamment dans le genre de l’humour. On nous parle entre autre du
nombre de films tournant en dérision le suicide alors que pourtant le japon est
énormément touché par ce fléau puisque le pays détient l’un des taux les plus
élevés au monde.

Paillard, J. «  LE MARCHÉ DU FILM DU FESTIVAL DE CANNES, ÉVÉNEMENT


MAJEUR DE L'INDUSTRIE CINÉMATOGRAPHIQUE », Géoéconomie, 2011/3 (n°
58), p. 77-87. DOI : 10.3917/geoec.058.0077. URL : https://www-cairn-
info.ezproxy.kedgebs.com/revue-geoeconomie-2011-3-page-77.htm

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Cet article nous présente le concept d’un marché de films et tout


particulièrement l’importance et la place centrale qu’occupe celui de Cannes.
Comprendre comment s’organise l’industrie cinématographique lors d’un
évènement mondial tel que celui ci, peut nous permettre de nous rendre compte des
enjeux que cela représente. Ainsi nous pourrons positionner l’Asie de l’est sur ces
marchés. On apprend que le Japon était le principal importateur de films sud-
coréens jusqu’à récemment, et que grâce à la politique mise en place par le
gouvernement de Séoul, inspiré du modèle français, le nombre de leurs productions
s’est multiplié et leur cinéma s’est ouvert sur le monde.

Lévy-Hartmann, F. (2011). UNE MESURE DE LA DIVERSITÉ DES MARCHÉS DU


FILM EN SALLES ET EN VIDÉOGRAMMES EN FRANCE ET EN EUROPE.
Culture des méthodes. [online] Ministère de la culture - DEPS. Available at:
https://www.cairn.info/revue-geoeconomie-2011-3-page-77.htm [Accessed 8
Dec. 2019].

Cette étude quantitative est intéressante car elle démontre, comme dans
l’article précédent, l’importance des marchés de films. On apprend surtout que pour
de nombreux pays (dont la France) la diversité dans le cinéma est aujourd’hui très
recherchée. L’auteure y définit la diversité culturelle et y présente les principaux
chiffres clés. Cependant ce rapport ne fait pas mention de l’Asie.

Voici les bases de ma revue de littérature pour le moment. Dans l’avant


dernier texte et dans celui de Benjamin Joinau nous avons pu constater que
l’industrie cinématographique coréenne s’inspirait du modèle français, il serait alors
peut être intéressant de l’étudier au moyen de plusieurs articles académiques.

Par ailleurs la conception de mon mémoire se basera également tout le long


sur quatre ouvrages:

Bittinger, N. (2016). LES CINÉMAS D'ASIE: NOUVEAUX REGARDS. Strasbourg:


Presses universitaires de Strasbourg.

24
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Tessier, M. (2018). LE CINÉMA JAPONAIS. 3rd ed. Malakoff: Armand Collin.

Monvoisin, F. (2015). CINÉMAS D'ASIE, D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - JAPON,


CORÉE DU SUD, TAÏWAN ET CHINE. 1st ed. Paris: Armand Collin.

Creton, F. (2014). Economie du cinéma 5th ed. Paris: Armand Collin.

II. CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Concernant la collecte de mes données, il est important de comprendre plus


précisément les raisons de cette expansion du cinéma asiatique. À mon sens, il
faudrait donc partir sur une méthode constructive. Au moyen de ma revue de
littérature je pourrai dégager une hypothèse à vérifier mais mon but étant de
déterminer les causes d’un phénomène, si j’opte pour une méthode positiviste le
risque serait de ne pas répondre pleinement à ma problématique et/ou de ne
dégager que des idées déjà connues.

Toujours dans l’optique de comprendre ce phénomène je décide de


m’orienter vers une étude qualitative. Dans ce cadre, l’échantillon est beaucoup plus
restreint qu’une étude quantitative. Je compte donc interroger un panel de 10 à 15
personnes, issues de la profession et de spécialistes pour comprendre les raisons
de l’émergence du cinéma asiatique. Pour cela j’ai déjà pensé à plusieurs
professions avec qui j’aimerais m’entretenir:

- Des vendeurs internationaux de films asiatiques (exemple: Wild Bunch, Wide)

- Des acheteurs français, spécialisés ou non dans le film asiatique (exemple: Le


Pacte, Joker Films, Art House…)

- Trois attachés audiovisuels/responsables de la culture dans chacune des


ambassades des trois pays.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

- Un ou plusieurs producteurs locaux ou un représentant d’une boite de production


locale (exemple: dans l’idéal CJ Entertainment qui est l’une des plus grosses
sociétés de production en Corée du sud)

Et pourquoi ne pas s’entretenir aussi avec un exploitant français mais je me


laisse le temps d’avancer dans ma revue de littérature et dans la conception de mon
guide d’entretien pour savoir si cela est réellement nécessaire et pertinent.
Idéalement j’aurais également apprécier échanger avec un réalisateur japonais,
taïwanais ou sud-coréen mais cela me semble très peu réalisable. Mais dans
l’absolu, peut être lors de mes rencontres, une opportunité peut se présenter. Il
serait en effet interessant d’avoir l’avis d’un artiste asiatique sur le nouvel essor de
son cinéma national.


Concernant mon guide d’entretien, je souhaite privilégier l’entretien semi-
direct. En effet la méthode directive n’offrira pas la liberté nécessaire à mes
interviewés pour qu’ils puissent dégager des pistes nouvelles d’explorations. Le
non directif ne me semble pas non plus très adapté, car ayant un sujet plutôt large,
je risque d’avoir une saturation d’informations si je laisse une totale liberté à mes
répondants. Cette situation serait alors très handicapante pour l’analyse de mes
données. Je devrai composer des guides d’entretiens en définissant plusieurs sous-
thèmes différents en fonction de la personne que j’interroge. En effet étant amené à
rencontrer des personnes aux métiers assez diversifiés, je me dois de me spécifier à
chaque fonction qui se trouve en face de moi. Ainsi, préparer à l’avance des
relances pour inciter mes répondants à rentrer un peu plus dans le détail. Ces
entretiens dureront entre 45 minutes et 1 heure chacun.

Concernant l’analyse, il faudrait évidemment retranscrire tous les entretiens


manuellement en ayant pris soin d’enregistrer chacune de mes rencontres. Je
dégagerai ensuite les grandes idées que mes intervenants auront eux-même
abordés et j’élaborerai ensuite une théorie me permettant de répondre au sujet.

26
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Par ailleurs, je comptais réaliser une veille des films asiatiques qui ont
rencontré le plus de succès ces dernières années. J’aimerais essayer de souligner
les grandes thématiques et tendances. Identifier les genres qui se dégagent de ces
cinémas, pour par la suite les positionner sur le marché mondial. Peut être au moyen
d’un grand mapping. 


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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

REVUE DE LA LITTERATURE

シネマ
영화
电影院

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

30
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Dans cette partie nous allons étudier l’industrie cinématographique des pays d’Asie
de l’Est en étudiant le travail déjà établi de certains auteurs. Comme nous avons pu
l’expliquer précédemment, ce mémoire de recherche se concentre essentiellement
sur la Corée du Sud, le Japon et Taïwan. Cependant nous serons amenés à parler
également de la Chine et plus particulièrement de Hong-Kong.

Pour comprendre l’économie cinématographique de ces pays, il semble


primordial d’étudier d’abord leur culture au sens large. Nous verrons comment ces
pays usent de cette dernière pour asseoir leur position à l’international.

Puis nous analyserons plus spécifiquement leur cinéma et les politiques qui
visent à l’accompagner.

Enfin, comment ces pays ont réussi à se placer sur le marché international du
septième art.

PARTIE 1: L’économie de la culture dans les pays d’Asie de l’Est

I. LA CULTURE COMME SOFT POWER

1. Le Hallyu Coréen

Barthélemy COURMONT et Eojin KIM, dans leur article intitulé «  LE SOFT


POWER CORÉEN À L’ASSAUT DU MONDE  »1 font référence aux intérêts
économiques et géo-politiques d’un soft power. En effet ils rappellent:

« Dans un texte de 2004, l’inventeur du concept, le politologue


américain Joseph Nye, divise les sources du soft power en trois
catégories principales : la culture, les valeurs politiques internes
et la politique étrangère, auxquelles peuvent s’ajouter certains
aspects de la puissance économique et militaire, pourtant
généralement associés au hard power. Pour être considérés
comme de réelles sources de soft power, ces éléments doivent
être perçus comme légitimes, crédibles et attractifs par les
autres acteurs politiques (entraînant ainsi un désir d’imitation).

1Courmon, B. and Kim, E. (2013). LE SOFT POWER CORÉEN À L'ASSAUT DU MONDE. Monde Chinois.
ESKA, pp.30-41.

31
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Les Etats qui mettent en place des stratégies de soft power


cherchent à se rendre plus attrayants, et améliorent ainsi leur
image, jusqu’à renforcer leur capacité d’influence  ».

Par ailleurs, ils démontrent que les sud-coréens ont depuis de nombreuses
années réussi à s’élever au rang de puissance économique. Ceci est en partie du à
leur culture qui s’est popularisée à travers le monde, améliorant ainsi leur image sur
le plan international. Toujours d’’après Barthélemy COURMONT et Eojin KIM:

«  L’intérêt pour la Corée, illustré par le succès des séries


télévisées et de la Korean Pop (ou K- Pop), est généralement
qualifié d’Hallyu, littéralement la « vague coréenne » . Lorsque
le phénomène Hallyu est apparu dans les années 1990, il n’était
considéré que comme passager, compte-tenu de la tradition de
ce pays dans lequel les échanges culturels se faisaient à sens
unique avec l’importation de culture étrangère d’une part et le
développement de la culture nationale d’autre part. Mais
surtout, la Corée du Sud n’est pas un pays traditionnellement
exportateur de sa propre culture. »

Ils soulignent également que, la culture en Corée du Sud a connu, comme


souvent, un élan après une période économique difficile à la fin des années 1990. Le
peuple coréen s’est alors tourné vers une culture populaire pour se divertir, mais
c’est surtout les nouvelles générations qui ont contribuées à ce développement. En
effet on observe un désir des jeunes coréens à travailler dans le secteur de la culture
et du divertissement. De nouveaux talents sont alors soutenus par un essor du
secteur. Le Hallyu a permis à la Corée du Sud de développer sa puissance
économique et culturelle en Asie. Pour cela, elle a adopté un positionnement
populaire et a connu une diffusion de masse à travers le monde. Les auteurs
avancent également le point suivant:

« le peuple coréen se caractérise par sa joie de vivre, son goût


pour les arts populaires comme le chant, la danse, les mangas
ou les sériés télévisées ».

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

En témoigne l’influence qu’a eu la K-Pop à travers le monde. Dans des pays


occidentaux, des artistes sud-coréens chantant le plus souvent dans leur langue
d’origine et parfois en anglais, se produisent dans de grande salles étrangères. Ils
rassemblent de plus en plus les foules, souvent un public jeune qui a découvert
cette musique grâce aux réseaux sociaux.

Cependant, Barthélemy COURMONT et Eojin KIM nuancent en expliquant


que beaucoup de pays commencent à condamner la diffusion unilatérale de la
culture sud-coréenne. En effet peu de produits culturels étrangers sont distribués
sur le territoire, ce qui conduit à des critiques sévères vis à vis du Hallyu de la part
des puissances étrangères. Inévitablement, le développement du soft power coréen
est donc parfois freiné, car il a tendance à « être considéré comme de l’impérialisme
culturel. ». Nous reviendrons plus en profondeur sur ce point plus tard.

2. Le Soft Power Taïwanais naissant

Dans L’article nommé «  EXISTE-T-IL UN «  SOFT POWER  » TAÏWANAIS ?  »,


l’auteur Emmanuel LINCOT2 s’interroge sur la réelle présence d’un soft power
Taïwanais. D’après lui, Taïwan ne se caractérise que par le fait qu’il «  est le seul
dépositaire de la culture classique chinoise. » Mettre en avant cet atout sous entend
que le pays ne dispose pas d’une culture qui lui soit propre. De plus cela ne lui
permet pas de se détacher suffisamment des autres pays d’Asie. Malgré tout,
l’auteur apprécie que:

«  La diplomatie taïwanaise tisse davantage de liens avec les


mondes insulaires, ceux de l’Océanie en particulier. Car Taïwan
peut devenir ainsi le lieu central des échanges concernant les
cultures aborigènes du Pacifique. »

Ce choix permet ainsi à Taïwan de se placer sur l’échiquier mondial et ainsi


de se différencier de son principal concurrent: la Chine. Malgré cela, Emmanuel

2 Lincot, E. (2015). EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? Monde Chinois. ESKA, pp.129-132.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

LINCOT souligne un réel manque de communication sur la culture taïwanaise au


niveau international, un gâchis au vu de la richesse de cette dernière.

«  Taïwan, à ce jour, possède de nombreux savoirs-faire mais


peu de moyens concernant ses faire-savoirs. »

Mark STOKES et Sabrina TSA, auteurs de l’article « LES ETATS-UNIS ET SES


FUTURES OPTIONS STRATÉGIQUES DANS LE DÉTROIT DE TAIWAN »3 , nuancent
en estimant que le régime démocratique de Taïwan instauré à la fin des années 1990
a conduit à développer la créativité, contrairement à la Chine. C’est l’une des
raisons pour laquelle la culture populaire taïwanaise a réussi tout de même à
s’exporter. Au fil des années sa culture s’est imposée dans le monde, notamment en
Asie de l’est.

Que ce soit, l’exportation de sa musique populaire moderne, des séries


télévisées ou encore des comédies musicales. Avec cette diffusion chez ces pays
voisins, Taïwan a vu sa fréquentation touristique et les échanges éducatifs
augmenter au milieu des années 2000. Au cinéma des auteurs ont émergé comme
Ang LEE, qui a su mettre en valeur Taïwan dans ses films ou encore HOU Hsiao-
Hsien, dont le travail a souvent été mis à l’honneur dans des festivals à travers le
monde. Les oeuvres de HOU, considéré comme « le leader de la « nouvelle vague »
du mouvement taïwnais », présente au monde le quotidien Taïwanais.

Mais Mark STOKES et Sabina TSA reconnaissent que la culture Taïwanaise a


encore du mal à s’imposer sur le marché international. Également, ils constatent que
l’offre cinématographique est encore trop réduite. Ils apportent cependant un espoir
en soulignant que cela est en partie dû à une population majoritairement âgée très
attachée à son patrimoine traditionnel, Cependant la jeunesse taïwanaise évolue.
Aujourd’hui c’est pour les auteurs, un pays très différent de ce qu’ont pu connaitre
les générations précédentes et qui peut laisser penser à un renouveau de sa culture.

3Stokes, M; Tsai, S. (2016) DEUXIÈME PARTIE. LES ÉTATS-UNIS ET SES FUTURES OPTIONS STRATÉGIQUES
DANS LE DÉTROIT DE TAIWAN, Forces motrices et implications pour la sécurité des États-Unis, ESKA, Monde
chinois. pp.22-24.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

3. Le cool japan

Les oeuvres de la culture populaire japonaise ne cessent de s’exporter à


l’international depuis quelques années. C’est ce à quoi s’intéresse Julien BOUVARD
dans son article «  L’INTERNATIONALISATION DE LA CULTURE POPULAIRE
JAPONAISE ET LES PARADOXES DU COOL JAPAN »4. Il souligne la multiplication
des expositions à travers le monde destinées à promouvoir la culture japonaise tel
que la Japan Expo en France. Cependant il faut nuancer que cet enthousiasme est
plus dû à l’émergence des réseaux sociaux et des nouvelles technologies qu’à une
réelle politique mise en place par le gouvernement nippon. Malgré tout, cette
diffusion a permis, entre autre aux pays occidentaux d’identifier clairement la culture
japonaise. Malgré un soft power beaucoup moins développé que la Corée du Sud,
le pays du soleil levant s’est tout de même démarqué des autres cultures asiatiques.

L’exportation de la culture japonaise a connu un élan considérable


notamment grâce aux mangas dans les années 1980, mais aussi grâce à ses films
d’animation, en témoigne le succès phénoménal qu’a rencontré le Studio Ghibli à
l’étranger, ou encore les jeux vidéos. C’est ce que Julien BOUVARD nomme le
« Cool Japan ». Cependant ce n’est que dans les années 2000 que le gouvernement
japonais a réellement mis en place une politique pour accompagner l’exportation de
sa culture populaire à l’international. En effet pour Julien BOUVARD:

«  l’internationalisation du manga commence à éveiller des


espoirs économiques et surtout, une fierté nationale […] chez
les Japonais. »

Cette culture est alors de plus en plus considérée comme un soft power pour
les institutions nipponnes. L’état décide aujourd’hui de la soutenir et de la protéger,
notamment en luttant contre le piratage et en conservant des copies numériques de
chaque mangas, animés ou jeux vidéo, ainsi s’exprime pour l’auteur:

4 Bouvard, J. (2015). L’INTERNATIONALISATION DE LA CULTURE POPULAIRE JAPONAISE ET LES


PARADOXES DU COOL JAPAN. Monde Chinois. ESKA, pp.84 -91

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

«  la volonté de faire de cette culture un patrimoine national à


conserver. »

Il y a également une volonté de lutter contre la contrefaçon qui a tendance à


pulluler dans les autres pays asiatiques. Pour cela, ils estampillent chacun de leur
contenu d'une sorte de label « Made in Japan ».

Or aujourd’hui, quand on regarde de plus près, il y a une sous-traitance qui


s’opère dans cette industrie. Par exemple, pour le secteur du jeux vidéos, nombreux
sont ceux qui sont conceptualisés dans les pays voisins comme en Corée du Sud.
Par ailleurs, le gouvernement sélectionne les oeuvres qu'il souhaite mettre en
avant au niveau international. Souvent sont retenus les objets qui valorisent le Japon
et qui sont soit disant « acceptables ». Ainsi sont prohibés entre-autres les mangas
ou animés de type pornographique comme le Hentai ou Lolicon qui rencontrent
pourtant un certain succès dans de nombreux pays.

Julien BOUVARD annonce par ailleurs que:

« Depuis de nombreuses années, une partie de mangas


(minoritaire mais largement médiatisée ) s’est en effet
engouffrée dans une niche éditoriale orientée sur la haine des
autres et la glorification du Japon. »

C’est l’une des causes de cette volonté suprême de vouloir mettre en avant le
Japon et sa culture.

II. LES POLITIQUES CULTURELLES DE CES PAYS ET LEURS ENJEUX

1. La politique protectionniste coréenne

Le Japon n’est pas le seul pays d’Asie à connaitre cette montée des discours
nationalistes dans sa culture. Frédérique MONVOISIN dans son ouvrage « CINÉMA,
D’ASIE, D’HIER ET D’AUJOURD’HUI » 5 rappelle que la Corée du sud a longtemps

5Monvoisin, F. (2015). CINÉMAS D'ASIE, D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - JAPON, CORÉE DU SUD, TAÏWAN ET
CHINE. 1st ed. Paris: Armand Collin.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

été une colonie, d’abord sous influence du Japon jusqu’aux années 1940, puis des
américains au sud et des soviétiques au Nord pendant la guerre froide.

Pour Jeongsuk JOO dans son article «  TRANSNATIONALIZATION OF


KOREAN POPULAR CULTURE AND THE RISE OF «  POP NATIONALISM  » IN
KOREA  »6, ce passé a conduit à une montée du nationalisme en Corée et
notamment à une forte revendication de sa propre culture, il parle de «  pop
nationalism ».

« Les médias coréens font non seulement écho, mais


alimentent également le nationalisme, l’euphorie et la
célébration du phénomène de la vague coréenne. »
(traduction personnelle).

Du fait de leur histoire, les coréens ont tendance à avoir une peur des
cultures étrangères. Il faut attendre 1998 pour que la diffusion d’oeuvres culturelles
japonaises soit autorisée dans le pays, jusque là interdite depuis 1945. C’était
évidemment à charge de revanche de la période douloureuse qu’ont connu les
coréens sous l’influence japonaise. Mais selon l’auteur cela traduit aussi un manque
de confiance dans leur propre culture, notamment vis à vis de la pop japonaise
qu’ils jugeaient à l’époque plus compétitive que la leur.

Malgré cette fermeture sur le monde, la Corée a tout de même réussi


l’exploit, ces dernières années, de promouvoir à l’étranger sa culture. Comme nous
avons pu le voir précédemment avec la Hallyu, autrement dit « la vague coréenne »,
tout en devançant sur son territoire les autres cultures. L’exemple le plus frappant
est la puissance de son cinéma, d’après JOO:

«  la Corée est devenue une «  Blockbuster Nation  » battant


Hollywood sur son territoire ».
(traduction personnelle)

6Joo, J. (2011). TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR CULTURE AND THE RISE OF ʺPOP
NATIONALISMʺ IN KOREA.

37
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

En effet, la Corée du Sud a mis en avant un réel star système, aujourd’hui


aussi puissant (si ce n’est plus) que celui américain, mais nous reviendrons sur cette
partie plus tard.

Même s’il y a une présence occidentale plus importante, la musique n’est pas
en reste avec une forte exportation de la K-Pop. Mais cette large diffusion soudaine
à travers le monde a surpris, y compris les coréens, qui ont du mal à expliquer cet
engouement et peinent par la même occasion à justifier leur politique culturelle
protectionniste.

Ce comportement a conduit certains pays asiatiques voisins à limiter


l’importation de produits culturels coréens sur leur territoire, comme c’est le cas de
la Chine depuis 2006. D’autre pays comme par exemple Taïwan ont eux décidé
d’imposer une taxe sur tous les contenus culturels coréens. Mais cela n’effraie pas
le gouvernement, Jeongsuk Joo souligne:

« le secteur des médias et du divertissement est devenue l'une


des principales industries de croissance en Corée »
(traduction personnelle).

Le pouvoir public soutient aujourd’hui pleinement ce secteur, au même titre


que l’industrie manufacturière et a aujourd’hui pleinement contribué à son essor. Ce
fut d’ailleurs un nécessité dans les années 1998 pour faire face au retour de la
culture japonaise dans le pays.

2. Taïwan, une culture encore sous-exploitée.

Dans L’article nommé « EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? »7,


l’auteur Emmanuel LINCOT, s’interroge sur la politique culturelle du pays. D’après
lui, même si la diffusion de celle ci s'opère à travers le monde, il y a néanmoins un
réel manque de synergie entre les ministères de la culture, des affaires étrangères et
de l’économie, pour parler d’un réel soft power. Aussi, selon l’auteur, Taïwan ne sait

7 Lincot, E. (2015). EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? Monde Chinois. ESKA, pp.129-132.

38
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

pas l'utiliser à bon escient de sa culture, et souffre d’un déficit d’images à


l’international.

Or l’ambassadeur de Taipei en France Michel CHING-LONG LU, dans un


entretien toujours mené par Emmanuel LINCOT, dans son article intitulé « TAÏWAN :
LA DÉMOCRATIE EN ACTE » 8 défend la stratégie culturelle de son pays. Pour lui, il
reconnaît que Taïwan a encore beaucoup à apprendre, notamment de la France,
mais il souligne les efforts qui ont été mis en place par son pays pour diffuser leur
culture, notamment dans les pays occidentaux. De nombreux festivals, qui ont pour
but de faire découvrir entre autre la tradition taïwanaise, voient aussi le jour à travers
le monde.

Aussi, dans l’article de Mark STOKES et Sabrina TSA, « LES ETATS-UNIS ET


SES FUTURES OPTIONS STRATÉGIQUES DANS LE DÉTROIT DE TAIWAN  »9
donnent leur vision de la culture taïwanaise. Cette dernière se trouve être
extrêmement riche, en partie due à sa mixité sociale. En effet sa population est
composée d’une forte part d’immigrés, d’abord chinoise évidemment mais aussi de
japonais mélangé aux autochtones. Bien que l’influence chinoise reste
prédominante dans la culture taïwanaise, le pays a su intégrer les cultures
populaires occidentales sur son territoire. Aussi les religions et les spiritualités y sont
nombreuses, on y trouve des grands mouvements bouddhistes, mais aussi des
taoïstes et des des traditions confucianistes. Mark STOKES et Sabrina TSA font état
d’une culture personnelle et complexe de part cette population et son histoire.

«  La culture nationale de l’île comprend la cuisine, l’art, la


littérature, les films, la musique, tous ces éléments spéciaux et
locaux ayant évolué à travers le temps et intégrant des
influences occidentales et orientales. En outre, le grand nombre

8Ching-Long Lu, M. (2015). TAÏWAN : LA DÉMOCRATIE EN ACTE. Interview menée par Emmanuel Lincot. pp.
6-12.

9Stokes, M; Tsai, S. (2016) DEUXIÈME PARTIE. LES ÉTATS-UNIS ET SES FUTURES OPTIONS STRATÉGIQUES
DANS LE DÉTROIT DE TAIWAN, Forces motrices et implications pour la sécurité des États-Unis, ESKA, Monde
chinois. pp. 22-24.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

de conjoints immigrants produit une société taïwanaise encore


plus multi-culturelle ».

Pour Emmanuel Lincot10, c’est cette richesse qui est encore sous-exploitée et
trop peu mise en valeur par le gouvernement taïwanais. Il souligne que les aides aux
créations audiovisuelles et arts plastiques sont presque inexistantes.

«  Cette lacune ne permet pas de former des générations


d’artistes ou de documentaristes dont la création demeure peu
visible ».

Il souligne enfin si Taïwan est un pays réellement démocratique et enclin à la


liberté d’expression alors cela est généralement propice au développement d’une
culture riche et variée qui peut être accompagnée notamment pour promouvoir les
valeurs du pays à l’international.

3. La culture du Japon comme un produit de distribution de masse

Pour comprendre le succès phénoménal que rencontre la culture japonaise à


l’international depuis quelques décennies, notamment sur les mangas, il faut
s’intéresser à leur stratégie de différenciation. Jean-Marie BOUISSOU développe
quelques pistes de réflexions de cette culture, qui est l’un des soft power les plus
développé au monde. En effet dans son article «  POURQUOI AIMONS-NOUS LE
MANGA? »11 il rappelle que le Japon dans les années 2000 était le deuxième pays à
exporter le plus de biens culturels à l’étranger, juste derrière les Etats-Unis. Une
performance en partie due au succès du Manga. Le pays a su faire de cette
littérature, un produit industriel, terrassant les traditionnelles BD francophones et en
mettant à mal les comics américains. En 2002 c’était 1,5 milliard d’exemplaires qui
étaient publiés à travers le monde contre 110 millions de comics et seulement 40

10 Lincot, E. (2015). EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? Monde Chinois. ESKA, pp.129-132.

11Bouissou, J-M. (2006). POURQUOI AIMONS-NOUS LE MANGA? Une approche économique du nouveau soft
power Japonais, Presses universitaires de France « Cités »

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

millions de BD françaises. Son prix attractif a conduit à faire gonfler ces chiffres, en
effet l’auteur illustre cet argument:

  «  Le consommateur français peut acheter jusqu’à 300 pages


pour 8 ou 9 E, quand un album de BD de 46 pages peut en
coûter plus de 12. »

Le Japon a su aussi segmenter son marché culturel en proposant un produit


répondant aux besoins de chaque marché, même de niche.

« À l’inverse, les producteurs de BD mettent traditionnellement


dans le même sac, comme jadis l’hebdomadaire Tintin, « les
jeunes de 7 à 77 ans ». »

Le Japon s’est alors adressé à tous types de publics: enfants, adolescents et


même adulte avec des histoires plus violentes et visuellement sanglantes allant
même parfois à proposer des mangas pornographiques.

Mais celui ci doit aussi son succès en occident grâce à un mix-médias


extrêmement bien développé. Les séries animées ont souvent traversé les frontières
avant même les livres dont elles sont tirées. Mais cette stratégie commerciale
n’enlève rien à la qualité des mangas. Ce sont des dessins souvent complexes, le
manga est considérés comme l'expression d’un véritable art et un savoir-faire
nippons.

Jean-Paul GABILLIET, dans son travail «  BD, MANGAS ET COMICS:


DIFFÉRENCES ET INFLUENCES  »12 fait le même constat que Jean-Marie
BOUISSOU. Mais il explique aussi qu’à l’inverse de la France, le Japon n’a pas
considéré la BD comme étant destinée à une élite culturelle. La segmentation de
leur oeuvre a permis de cibler des lecteurs des deux sexes, de toutes les classes
sociales et de tous les âges. Cela notamment en baissant considérablement les prix.
Les Mangas sont aujourd’hui encore, imprimés sur du papier très fin, souvent de
mauvaise qualité, et surtout en noir et blanc la plupart du temps.

12 Gabilliet, J-P. (2009). BD, MANGAS ET COMICS : DIFFÉRENCES ET INFLUENCES, C.N.R.S Editions, Hermés
la revue.

41
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Sur un autre point, pour Jean-Marie BOUISSOU, les mangas ont eu une réelle
influence sur le public international. Il a conduit à faire connaitre la culture nippone
de manière plus large. D’après son étude:

«  Seulement 15 % des plus jeunes et moins de la moitié des


étudiants s’intéressaient à l’Archipel avant de commencer à lire
du manga. Une partie de ce nouveau public est socialement et
culturelle- ment bien dotée. Son intérêt pour le Japon est actif :
les trois quarts des enquêtés veulent aller visiter le Japon, 60 %
souhaitent apprendre la langue, la moitié aimerait rencontrer
des Japonais et « en savoir plus sur le Japon ».

Le Manga a donc été un réel Soft-Power pour le Japon qui a su adapter cette
stratégie à d’autre secteur.

PARTIE 2 : Le cinéma d’Asie de l’Est

I. LE CINÉMA JAPONAIS

1. Le cinéma comme un marqueur de modernité et une fierté nationale

Comme le mentionne Frédéric MONVOISIN, dans son ouvrage «  CINÉMAS


D’ASIE, D’HIER ET D’AUJOURD’HUI  »13 à l'inverse des autres pays asiatiques, le
Japon s'est inspiré très tôt du cinéma occidental. Peuple admiratif de la modernité,
en 1896 le cinéma s'importe naturellement dans le pays. Concernant la Chine, la
Corée et Taïwan, ils y sont beaucoup moins sensibles et resteront longtemps de
simples consommateurs d'images animées.

Ce n'est qu'au début du XXe siècle que ces pays réaliseront leurs propres
productions. Même s'il s'agit du premier point commun qui marque l'histoire du
cinéma dans ces pays, il est important de noter que chacune des nations possède
aujourd’hui sa propre industrie cinématographique.

Monvoisin, F. (2015). CINÉMAS D'ASIE, D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - JAPON, CORÉE DU SUD, TAÏWAN ET
13

CHINE. 1st ed. Paris: Armand Collin.

42
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Attardons-nous sur l'influence du Japon sur les pays d'Asie de l'est.


Partenaire privilégié des occidentaux, le Japon va se doter des outils nécessaires
pour importer le cinéma sur son sol, mais également pour le faire partager partout
en Asie au début du siècle.

  «  Voir des films occidentaux était le moyen le plus efficace


d’apprendre et de comprendre cette modernité »

A Kyoto par exemple, certains billets d’entrée étaient distribués gratuitement


aux plus de 60 ans dans les années 1910. Une stratégie commerciale mais surtout
politique, car il s'agissait de convaincre la population la plus difficile des bienfaits de
la modernité.

Dans un premier temps les films ne sont que des captations d'évènements de
la vie quotidienne à l’international. Cependant, toujours selon Frédéric MONVOISIN,
en avançant dans l’histoire il remarque:

«  le cinéma japonais ne fait plus la promotion de la


modernisation nécessaire du Japon, mais affiche avec fierté la
modernité acquise du pays. Usant de tous les éléments dont il
dispose, le cinéma s’engage progressivement dans un discours
nationaliste, sur la nécessité pour la grandeur du pays à ce que
chaque Japonais reste à sa place »

En 1929 la censure se durcit pour empêcher l'émergence de discours anti-


nationaliste dans le cinéma. De 1931 à 1945 les films de propagande se multiplient à
l'image de Le plus beau réalisé par KUROSAWA Akira (1945), empreint de
nationalisme et militarisme, le film raconte comment de jeunes ouvrières qui luttent
pour fournir en un temps extraordinaire des munitions nécessaires à l'armée pour
mener les batailles.

2. Du cinéma traditionnel au cinéma d’aujourd’hui

Le cinéma japonais a toujours été influencé par ses traditions, comme le


rappelle Frédéric MONVOISIN dans le livre «  CINÉMAS D’ASIE, D’HIER ET

43
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

D’AUJOURD’HUI  »14. Les premiers films Japonais sont directement inspirés du


Kabuki (forme de théâtre épique japonais). Un seul décor, souvent inspiré de maison
japonaise, d'un intérieur ouvert sur les jardins extérieurs. Les récits mettent soit en
scène des contes héroïques ou des histoires de fantômes.

Après leur défaite de la Seconde Guerre Mondiale en 1945, le Japon est


occupé par les américains qui vont mettre en place une censure sur les produits
culturels japonais: Civil Censorship Detachment (CCD). L'objectif premier du CCD
est de détruire plus de 230 films militaristes réalisés avant l'occupation américaine.
Mais c'est surtout la critique de la présence des Etats Unis sur le territoire va être
prohibée dans les oeuvres. Aussi tout élément représentant la culture traditionnelle
Japonaise est interdit dans les films. Ceci conduit inévitablement à la disparition des
films de costume et de sabre. Ce sont alors des films de propagande américaine qui
voient le jour en salle.

Ce n'est que dans les années 1950 que les Etats Unis commencent à rendre
leur souveraineté aux Japonais. Surtout par nécessité car les troupes sont
mobilisées en Corée et ne peuvent pas gérer les deux territoires. Ceci conduit à
rendre la censure moins efficace. De nouveaux films sont produits comme par
exemple Rashomon de Akira Kurosawa (1950) qui connaitra un belle carrière
internationale puisqu'il sera auréolé du Lion d'Or au festival de Venise en 1951.

En 1952 l'occupation américaine prend définitivement fin. Le cinéma


s'intéresse à présent aux sujets qui lui étaient alors jusque ici interdits: à l'image du
film Les enfants de Hiroshima (Genbaku no ko) de SHINDO Kaneto (1952) sur la
catastrophe nucléaire.

Dans les années soixante le parlement japonais adopte un texte permettant


aux américains de maintenir une partie de leurs troupes sur le territoire japonais, au
lieu de voter leur retrait total. La population a du mal à cautionner ce texte, ceci
conduit à une réapparition du parti communiste japonais, qui compte de plus en
plus de partisans notamment chez les étudiants et chez de nombreux artistes. Ils
vont commencer à dénoncer de manière plus virulente la présence des américains.
Frédéric MONVOISIN cite l’exemple suivant:

Monvoisin, F. (2015). CINÉMAS D'ASIE, D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - JAPON, CORÉE DU SUD, TAÏWAN ET
14

CHINE. 1st ed. Paris: Armand Collin.

44
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

«  Dès 1965, WAKAMATSU Koji s’engagera fermement dans le


genre, usant du sexe et de ses violences comme armes pour
critiquer fortement la présence américaine. Son premier film du
genre, La Tombe de plomb (Namari no bohyo), s’ouvre ainsi sur
le viol et le meurtre d’une paysanne par un GI américain sous le
regard désemparé de son fils. […] WAKAMATSU confira  :
«  c’est tout simplement un film anti-américain, je les
déteste ». »

C’est durant ces années que vont se définir les thèmes qui caractérisent le
cinéma japonais: le sexe et la violence... notamment selon l’auteur avec

«  la naissance du pink-eiga (film rose), avec la sortie de


Daydream (Hakujitsumu, TETSUJI Takechi). Présenté comme
l’adaptation d’une œuvre du très respecté écrivain TANIZAKI
Junichiro, le film sort pendant les Jeux Olympiques de Tokyo.
De ce fait, les autorités, trop occupées, ne prêtent pas attention
au contenu du film. Le film fait scandale, donnant selon les
pouvoirs publics l’image d’un Japon dépravé. »

Dans un tout autre registre, les années 1980 marquent l'avènement du


cinéma d'animation avec notamment les oeuvres de MIYAZAKI Hayao et du studio
Ghibli. Deux genres d'animation s'affrontent: D'abord des dessins minimalistes et
peu animés et de l'autre le style de MIYAZAKI avec des décors somptueux et un
gros travail sur l'animation.
Mais cette courte parenthèse, qui va impacter néanmoins l’industrie
cinématographique japonaise, est stoppée dans les année 1990. La situation
économique du japon est au plus mal. Des films plus noirs, aux sujets sombres et
déprimants voient le jour. C'est le mouvement Cyberpunk.

« Le cyberpunk se caractérise par un discours aussi désespéré


que violent contre la politique et dans lequel le sexe et la
brutalité s’entrecroisent dans un monde apocalyptique, où la
fusion des corps humains et des machines semblent annoncer
la fin de l’humanité. »

45
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

3. Le nouveau cinéma japonais: Neo-eiga

Le cinéma japonais contemporain émerge dans les années 1990, on parle de neo-
eiga: «  nouveau cinéma japonais  », qui se distingue nettement du cinéma
traditionnel japonais mais aussi du cinéma international. Selon Jean Michel
DURAFOUR, dans son article «  MATATABI: VERS LE CINÉMA JAPONAIS
CONTEMPORAIN DE FICTION » 15

« la spécificité du cinéma japonais actuel réside moins dans la


part de son cinéma qui s’attache à son passé « auteuriste » que
dans un cinéma commercial apparemment américanisé et bien
éloigné d’une esthétique japonaise traditionnelle.  » Sous
entendu que le cinéma commercial japonais destiné aux jeunes
s’est très développé ces dernières années, en adoptant des
genres populaires comme les films de yakuzas ou des films
d’horreur. Le nouveau cinéma japonais se caractérise par « une
esthétique fashion (clip, jeu vidéo, design),

Ces films usent d’une violence parfois outrancière, mais il faut rappeler que
cette dernière est souvent bien présente dans leur culture comme on a pu le voir
pour les mangas. L’esthétique du gore est souvent privilégiée au réalisme,
notamment pour séduire un public jeune. En effet la société japonaise étant très
rigide, les lycéens subissant parfois une éducation très stricte sont très adeptes de
ce genre d’agressivité. Comme l’explique toujours Jean Michel DURAFOUR, même
si cela ne concerne bien évidemment pas tous les films, le cinéma contemporain
japonais a pour principal objet d’être exutoire. C’est le cas notamment des films
comiques. En effet on ne compte plus selon lui les films qui ont tourné en dérision le
suicide alors que pourtant le pays possède l’un des plus forts taux au monde.

15Durafour, J. (2006). MATATABI : VERS LE CINÉMA JAPONAIS CONTEMPORAIN DE FICTION. Presses


Universitaires de France, pp.85-96.

46
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

II. LA PUISSANCE DU CINÉMA CORÉEN

1. Une industrie fermée mais inspirée du reste du monde

Nous l’avons vu précédemment, la Corée du Sud a une politique très


protectionniste et nationaliste sur ses produits culturels. Elle met tout en oeuvre
pour protéger son industrie des influences étrangères sur son propre territoire.

D’après Pierre GRAS, dans son article « VITALITÉ DU CINÉMA CORÉEN »16,


le cinéma n’est pas en reste sur ce point. La Corée du sud a su mettre en place une
réelle protection de son cinéma national face à la concurrence internationale sur son
territoire, surtout vis à vis des productions américaines. Mais cette situation
protectrice déplait à l’étranger notamment aux Etats-Unis qui se plaignent de la
relation unilatérale alors qu’ils constatent une forte importation des produits culturels
sud-coréens sur leur territoire. Le gouvernement a donc dû assouplir légèrement,
(aux américains entre-autres), l’accès au pays, surtout pour continuer à exploiter la
« vague coréenne ». Cependant Pierre GRAS souligne que:

«  Lorsque les quotas d’importations sont supprimés en 1984,


les quotas de jours de projection réservés aux films nationaux,
institués en 1966 à hauteur de 90 jours, sont portés à 146 jours
par an. »

Jeongsuk JOO, que nous avons étudié plus haut, rejoint également Pierre
GRAS sur ce point dans son article «  TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN
POPULAR CULTURE AND THE RISE OF ‘‘POP NATIONALISM’’ IN KOREA »17. Les
oeuvres étrangères sont souvent exploitées lors de séances de cinéma moins
populaires ou à des horaires creuses à la télévision. Cette politique a conduit les
producteurs et les distributeurs coréens à développer au maximum leurs
productions locales. Ce fut une nécessité car l’offre cinématographique sud-coréene

16 Gras, P (2008). VITALITÉ DU CINÉMA CORÉEN, pp. 1151 à 1158.

17Joo J. (2011). TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR CULTURE AND THE RISE OF ʺPOP
NATIONALISMʺ IN KOREA.

47
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

à l’époque n’était pas suffisante pour les exploitants afin d’assurer une
programmation tout au long de l’année.

Mais même si la Corée reste réticente à importer sur son territoire des
produits culturels étrangers, elle est beaucoup plus encline à s’inspirer de leur
modèle économique. Toujours d’après Jeongsuk JOO, le ministère de la culture
s’est doté d’énormes moyens pour faire émerger entre-autre son cinéma. La
création du Conseil du film coréen financé par l’état joue un rôle de catalyseur.

Un modèle, largement inspiré par le CNC français, comme le rappelle


Benjamin JOINAU dans son article «  AUX ORIGINES DE LA VAGUE SUD-
CORÉENNE: LE CINÉMA SUD-CORÉEN COMME SOFT POWER » 18.

Pour rappel d’après Laurent CRETON qui a publié «  L’ÉCONOMIE DU


CINÉMA  »19, en France le cinéma s’articule autour du CNC (Centre National du
Cinéma). Celui ci a pour but d’encadrer et soutenir la production et la diffusion des
oeuvres sur son territoire. En autre, la taxe prélevée sur chaque ticket de cinéma
vendu sur le territoire (TSA), finance les comptes de soutien. Ainsi les films grand
public qui font plus d’entrées, permettent le financement de films parfois plus
indépendants.

Par ailleurs, pour en revenir à l’article Jeongsuk JOO, nous l’avons vu, la
Corée du Sud essaye aussi d’américaniser son modèle en devenant une
«  Blockbuster Nation  ». Le but étant de procurer les mêmes émotions aux
spectateurs sud-coréens qu’Hollywood peut le faire à travers le monde. Il y a une
réelle volonté de créer des stars locales parfois plus admirées que le star-system
américain. Nombreux sont les acteurs et actrices coréennes qui ont une célébrité
phénoménale dans leur pays. Il n’est pas rare d’utiliser leur images à des fins
publicitaire et autres produits dérivés.

C’est surtout dans les pays voisins que cela est le plus marquant où de
nombreux touristes se rendent en Corée du Sud, pour visiter les lieux de tournage

18Joinau, B. (2018). AUX ORIGINES DE LA VAGUE SUD-CORÉENNE : LE CINÉMA SUD- CORÉEN COMME
SOFT POWER. Le Seuil, pp.107-120.

19 Creton, L (2014). ÉCONOMIE DU CINÉMA (EN 50 FICHES), Armand Colin, 5e edition, pp. 126.

48
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

de leur films ou séries favorites. Le gouvernement coréen a même projeté de


construire un parc à thème nommé le « Hallyu-Wood » au nord-ouest de Séoul pour
continuer de les attirer.

Mais au delà de ça on constate l’apparition d’un genre particulier de


production sur le territoire, comme le mentionne Jeongsuk JOO dans son article:

«  l’industrie cinématographique coréenne a commencé à


produire des films combinant des thèmes locaux et un modèle
de production hollywoodien »

Enfin Benjamin JOINAU souligne aussi le goût prononcé pour les remakes et
la tendance à réadapter des films à succès étrangers. Une mode qui est apparue
dans les années 1990.

2. Une émergence des auteurs et du genre

Malgré cette appétence à imiter le modèle américain, le Conseil du film


coréen à permis l’émergence d’auteurs. Frédéric MONVOISIN, dans son livre portant
sur l’étude des industries cinématographique asiatiques20, remarque qu’au début
des années 2000, le cinéma sud-coréen se libère aussi bien dans les sujets que
dans la manière dont ils les traitent.

Ainsi des sujets plus tabous et audacieux sont abordés dans les films comme
Desire de KIM Eung Su (2002) l’une des rares oeuvres sud-coréenne évoquant
l'homosexualité.

Mais les années 2000 sont marquées par la sortie d'Old Boy de PARK Chan-
Wook (2004) qui rencontre un succès phénoménale à travers le monde.

Lors de cette période on voit l'émergence d'un réalisateur qui contribuera à


faire rayonner son pays quelques années plus tard: BONG Joon ho et plus
particulièrement son film Memories of Murder (2003). Pour Frédéric MONVOISIN:

«  En répondant aux évolutions politiques du pays, sa


droitisation et ses quelques jeux d’exacerbations nationalistes,

Monvoisin, F. (2015). CINÉMAS D'ASIE, D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - JAPON, CORÉE DU SUD, TAÏWAN ET
20

CHINE. 1st ed. Paris: Armand Collin.

49
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

le cinéma sud-coréen s’engage en partie dans une surenchère


de la violence dont Breathless de YANG Ik joon (2009)
témoigne bien. Survolté jusque dans son tournage presque
exclusivement en caméra à l’épaule, le film dresse le portrait
d’une société extrêmement violente, gangrenée par l’avarice et
l’attrait du pouvoir, en suivant l’histoire d’un petit truand payé
pour récolter des dettes et casser des manifestations. ».

Par ailleurs le cinéma coréen a su diversifier ses genres, avec entre autre la
science fiction comme l’analyse Antoine COPPOLLA dans son article «  LA
SCIENCE-FICTION DANS LE CINÉMA CORÉEN DU SUD ET DU NORD: ENJEU
CULTUREL ET POLITIQUE »21. Les traditions, toujours très présentes dans le pays,
chamano-taoïstes et hindo-bouddhistes ont favorisé l’émergence de ce type dans
l’industrie cinématographique. En effet elles ont offert aux auteurs une source
considérable de mythes et d’histoires imaginaires extraordinaires. L’apparition de la
science fiction dans les années 90 dans les productions sud-coréennes, est surtout
un moyen pour eux de s’exprimer pleinement sur les sujets sociaux qui touchent
leur pays et même parfois plus largement le monde.

A ce sujet, l’exemple le plus parlant est justement The Host, de Bong Joon
Ho (2006). Le film dénonce au moyen d’une créature fantastique, l’impérialisme
américain, la corruption politique et même la pollution.

Cependant au fil des années, l’État soutient de moins en moins les nouvelles
productions cinématographiques, et privilégié l'investissement dans la constitution
d’un patrimoine cinématographique avec la restauration des films et la mise en
place de lieux de conservation. La Korean Film Archive ( KOFA ) gagne en prestance
et en importance . Depuis 2007, de nombreux films anciens ont été restaurés et
remis sur le devant de la scène.

21Coppola, A. (2017). LA SCIENCE-FICTION DANS LE CINÉMA CORÉEN DU SUD ET DU NORD : ENJEU


CULTUREL ET POLITIQUE, Sociétés, Boeck Supérieur.

50
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

III. LE CINÉMA TAÏWANAIS

1. Le cinéma comme un enjeu démocratique pour Taïwan

Frédéric MONVOISIN, dans son ouvrage «  CINÉMA D’ASIE, D’HIER ET


D’AUJOURD’HUI  » 22 nous explique que, de part son histoire, le cinéma Taïwanais
s’est construit en opposition à la République Populaire de Chine. Après la
colonisation japonaise, c'est la Chine qui s’installe sur l'ile de 1945 à 1982. Taïwan
est rebaptisé, République Démocratique de Chine. Le cinéma voit émerger un
nouveau mouvement, le «  Réalisme Sain  », avec des films en mandarin destinés à
promouvoir la présence chinoise sur le territoire.

Aujourd'hui, bien qu’il ait acquis son indépendance, celle ci n'a jamais été
officiellement proclamée. Taïwan est aux yeux de l'ONU, toujours considérée
comme une province de la république populaire de Chine. C'est vers le début des
années 1980 que le Pays du Milieu perd de son influence sur la péninsule.

Le cinéma en parallèle se développe avec la "Nouvelle Vague Taïwanaise". Un


cinéma très violent voit le jour, avec souvent un point de vue très critique sur la vie
Taïwanaise, comme The Lady Avenger de YANG Chia-yun (1981). Cependant les
films du « Réalisme Sain », existent toujours, et les deux cinémas cohabitent.

Le nouveau cinéma taïwanais devient un symbole politique et démocratique


soutenu par les indépendantistes Taïwanais. Pour MONVOISIN le nouveau
mouvement a pour but de présenter:

«… Taïwan comme un espace de diversité en mettant en avant


la pluralité dialectale de ses ressortissants  ; montrer Taïwan
comme un espace cosmopolite moderne et capitaliste propice
à l’implantation de multinationales. »

Edward YANG, est sans doute le porte étendard de ce nouveau mouvement


Taïwanais. En effet dans l'ensemble de ses films, il s'efforce de représenter Taiwan
comme étant moderne, tourné vers le capitalisme et l'occident. Son cinéma en est

22 Monvoisin, Frédéric. Cinémas d'Asie, d'hier et d'aujourd'hui : Japon, Corée du Sud, Taïwan, Chine, Hongkong
(French Edition). Armand Colin. Édition du Kindle.

51
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

imprégné à l'image des films, Les Terroristes (kong bu fen zi, 1986), Confusion chez
Confucius (Du li shi dai, 1994), Mahjong (Ma jiang, 1996) ou encore Yiyi (2000). On
voit apparaitre à l'écran des enseignes américaines comme Starbuck Coffee, Hard
rock Café ou encore Mc Donald, ainsi que des signes extérieurs de richesse comme
des voitures de luxe souvent de marque allemande (Mercedes, Porsche, BMW...)
Toujours selon le même auteur, cette situation entraine:

«  … une confrontation directe des deux cinémas, aussi bien


dans leurs thèmes, leur traitement, leur esthétique, leurs
budgets que dans leur réception publique."

Mais cette scission va encore plus loin, avec le réalisateur TSAI Ming-Liang
qui va aborder à la même période les thèmes de l'homosexualité dans ces films,
avec entre autre Vive l’Amour ! (1994). C'est la preuve que l'influence chinoise est de
moins en moins présente sur Taïwan. Aujourd'hui encore il s'agit d’un sujet
systématiquement censuré par les autorités de République populaire de Chine. À
l'image par exemple du film chinois East Palaca West Palace (Dōng gōng xī gōng) de
Zhang Yuang (1996), qui fut sélectionné à Cannes avant d’être rapidement interdit
par la Chine. Le gouvernement aura même confisqué le passeport du réalisateur
pour l'empêcher de présenter le film lors du festival de Cannes ainsi que neuf
années d’interdiction de tournage.
Mais pour en revenir à TSAI Ming-Liang, malgré une reconnaissance
internationale qui auréolera le film Vive L’Amour ! (1994 d’un Lion d'or au Festival de
Venise, le film reste cependant vivement critiqué par le peuple Taïwanais, il ne sera
d'ailleurs distribué quand dans des cinémas pornographiques.

2. Le cinéma Taïwanais, dans l’ombre de Hong Kong et de la Chine

Frédéric MONVOISIN, dans son ouvrage «  Cinéma d’Asie, d’hier et


d’aujourd’hui » 23 décrit l’industrie cinématographique taïwanaise comme

Monvoisin, F. (2015). CINÉMAS D'ASIE, D'HIER ET D'AUJOURD'HUI - JAPON, CORÉE DU SUD, TAÏWAN ET
23

CHINE. 1st ed. Paris: Armand Collin.

52
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

« un cinéma qui souffre, d’une part, de la concurrence d’autres


cinématographies sur son propre marché (tel le cinéma
hongkongais qui profite des mêmes avantages fiscaux que le
cinéma national tandis que les films d’autres pays doivent
supporter des réglementations spécifiques) et, d’autre part, de
l’absence d’intérêt et de soutien de la part de l’État. »

Il est vrai que l’un des premiers cinémas asiatiques à émerger à l’international
fut inévitablement le cinéma Hongkongais. Avec les années 1970 les films de Kung-
Fu ont littéralement déferlé sur le monde. En partie dû au travail monstrueux de la
société de production Shaw Brothers, créée en 1958 sur le modèle hollywoodien
avec de véritables studios. Les films de Bruce LEE rencontrent un succès
monumental dans le monde.

Quelques décennies plus tard, la rétrocession survint. Hong Kong, bien


qu’indépendante dans les faits, tombe sous la tutelle chinoise. La république
populaire de Chine impose un cahier des charges pour tous films ayant l’ambition
d’être importés sur le marché chinois.

De nombreux talents s’expatrient, dont certains à Taïwan. Le cinéma de


Taïwan tend aujourd’hui à suivre les même traces que le cinéma de Hong Kong
quelques décennies plus tôt. Mais Frédéric MONVOISIN rappelle que

«  Le cinéma taïwanais fait office à de nombreux égards de


cinéma survivant, résistant à sa propre mort. La production de
films y est ainsi extrêmement faible, mais aussi dépendante, en
partie d’un système D, en partie d’un intérêt de la scène
internationale. »

Comme le rappelle Nathalie Bittinger dans son livre «  LES CINÉMAS


D’ASIE  »24 le cinéma taïwanais se fait de plus en plus remarquer sur la scène
internationale avec des réalisateurs comme HOU Hsiao-hsien, Edward YANG, TSAI
Ming-liang et Ang LEE qui ont su marquer leur industrie et faire émerger leur cinéma.
Mais Taïwan peine à se trouver une légitimité à l’international contrairement à Hong

24Nathalie Bittinger. « LES CINÉMAS D'ASIE » (French Edition) . Presses universitaires de Strasbourg. Édition du
Kindle.

53
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Kong à l’époque. L’industrie cinématographique taïwanais est bien trop souvent


associée à la Chine. D’après l’auteur,

«  En occident, le cinéma taïwanais est le plus souvent pensé


non pas dans son unicité, mais, au contraire, comme partie
d’une globalité chinoise. »

Certes cela s'explique par le lien historique étroit avec la Chine, mais aussi
par ses auteurs qui ne cessent d’exprimer cette culture chinoise déjà fortement
prédominante sur la péninsule.

Mais comme on l’a rappelé plus tôt avec l’article d’Emmanuel LINCOT25 la
culture taïwanaise ne se limite uniquement qu’avec sa relation avec la Chine, elle est
beaucoup plus riche qu’elle parrait. Peut-être faudrait-il encourager son exposition
au moyen du cinéma comme le suggère Emmanuel LINCOT dans son article.

PARTIE 3: Leur cinéma dans le monde

I. L’IMPORTANCE DES MARCHÉS DE FILMS

1. Qu’est ce qu’un marché du film

Hélène LAURICHESSE dans son article «  MARCHÉS DU FILM :


ÉVOLUTIONS, MUTATIONS ET PERSPECTIVES » 26 offre une définition:

«  Dans son sens commun, un marché correspond à un


rassemblement de personnes, dans un lieu déterminé et dans
un but commercial, pour permettre la rencontre entre des
acheteurs et des vendeurs. Le marché du film se caractérise
alors traditionnellement par un modèle d’intermédiation entre
les vendeurs internationaux, les distributeurs et les diffuseurs. ».

25 Lincot, E. (2015). EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? Monde Chinois. ESKA, pp.129-132.

26Hélène Laurichesse, « EDITORIAL : MARCHÉS DU FILM : ÉVOLUTIONS, MUTATIONS ET PERSPECTIVES »,


Entrelacs, 14 | 2018.

54
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Jerome PAILLARD, délégué général du marché du film du festival de Cannes,


dans une interview qu’il accorde à la revue académique Géoéconomie 27, défini un
marché du film comme

« avant tout un salon professionnel où sont présentés des films


indépendants […] Comme tout salon professionnel, c’est donc
un moment et un lieu où se rencontrent des vendeurs – qui ne
sont pas les producteurs, mais des sociétés spécialisées qui
agrègent des films de plusieurs producteurs (entre 15 et 40) et
qui ont des mandats pour les vendre – et des acheteurs. Ces
acheteurs peuvent être de différents types en fonction des
droits qu’ils exploitent. Classiquement, dans le cinéma,
l’acheteur est le distributeur qui va acheter pour un pays donné
la totalité des droits d’un film (salle, TV, vidéo, VOD, etc.) et qui
pourra par la suite revendre une partie de ces droits à une
chaîne de télévision, un éditeur vidéo. On va aussi avoir des
acheteurs télévision pour certains pays où il n’y a pas de sortie
en salles possible, qui vont directement acheter le film pour la
télévision. Cet aspect achat-vente est donc la partie «
traditionnelle » du marché. ».

Jerome PAILLARD fait la liste des grands marchés cinématographiques de


par le monde: il y a d’abord Cannes rattaché directement au festival tout comme
celui de Berlin, Venise ou de Toronto. Puis il y a l’American Film Market (AFM) à Los
Angeles, le Filmart à Hong Kong ou encore l’Asian Film Market en Corée du Sud à
Bussan. 

2. La représentation des films asiatiques sur les marchés de films

La diversité culturelle est un critère essentiel pour de nombreux pays


occidentaux comme le montre le rapport du docteur Florence LÉVY-HARTMANN,

27Paillard, J. «  LE MARCHÉ DU FILM DU FESTIVAL DE CANNES, ÉVÉNEMENT MAJEUR DE L'INDUSTRIE


CINÉMATOGRAPHIQUE », Géoéconomie, 2011/3 (n° 58), p. 77-87

55
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

dans son étude «  UNE MESURE DE LA DIVERSITÉ DES MARCHÉS DU FILM EN


SALLES ET EN VIDÉOGRAMMES EN FRANCE ET EN EUROPE ».28

En Union-Européenne, la signature de la convention sur la protection et la


promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Unesco, en vigueur depuis
2007, encourage cette proposition. Le cinéma fait partie de ces «  expressions
culturelles ». À l’époque de l’article, on constatait que la France se classait parmi les
meilleurs élèves européens en terme de diversité culturelle.

« La diversité de l’offre est  supérieure en France, suivie du


Royaume-Uni, du Danemark, de l’Espagne, de la Suède et enfin
de la Pologne. »

Cette volonté traduit un besoin d’importer. Stéphane DEFOY remarque dans


son article «  CORÉE DU SUD: DOULEUR ET PARTITION: MOTEUR DE LA
CRÉATION  »29 que le cinéma sud coréen est depuis le début des années 2000 de
plus en plus représenté dans les festivals internationaux comme Cannes, Berlin ou
encore Venise. Cela a conduit ainsi à une meilleure diffusion des oeuvres coréennes
sur les écrans des cinémas occidentaux, répondant ainsi à ce besoin de diversité
qu’exprime le public.

Selon l’article, «  VITALITÉ DU CINÉMA CORÉEN  » de Pierre GRAS30,


Hollywood a en partie accepté la politique protectionniste de la Corée du Sud vis à
vis de leurs produits culturels en négociant un assouplissement de cette dernière
mais surtout en s’assurant la priorité sur les droits de remakes de leurs films.

Sur un tout autre point, Pierre GRAS, dans ce même article souligne
l’importance des festivals pour le cinéma coréen ces dernières années. Il fait
mention de celui de Pusan qui est devenu en quelques années un épicentre du

28Levy-Hartmann, F. (2011) «  UNE MESURE DE LA DIVERSITE DES MARCHÉS DU FILM EN SALLES ET EN


VIDEOGRAMMES EN FRANCE ET EN EUROPE », Culture Méthode, Ministère de la culture - DEPS, pp 1-16.

29Defoy, S. (2005), CORÉE DU SUD, DOULEUR ET PARTITION: MOTEUR DE LA CREATION. Ciné-Bulles, 23, pp
40-43.

30 Gras, P. (2008). VITALITÉ DU CINÉMA CORÉEN. pp 1151-1158.

56
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

cinéma coréens et qui a permis au monde entier de découvrir des réalisateur tels
que KIM Ki-duk, HONG Sang-soo ou encore LEE Chang-dong.

Nous l’avons dit les marchés de films permettent aux films de voyager et de
traverser les frontières. D’après Yannick DEHÉE dans le chapitre «  L’ARGENT
D’HOLLYWOOD  » de son ouvrage Le Temps Des Medias31, les marchés du film
internationaux ont pris de l’importance ces dernières années et les studios
hollywoodiens ont adopté une stratégie de co-production internationale en
s‘associant avec des artistes asiatiques comme Ang LEE, John WOO ou Tsui HARK.
Le meilleur exemple de cette tendance est la production et le succès mondial du
film Tigre et Dragon de Ang LEE (2002).

Enfin, d’après l’article «  TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR


CULTURE AND THE RISE OF «  POP NATIONALISM  » IN KOREA  »32 de Jeongsuk
JOO en devenant une «  blockbuster-nation  » le cinéma sud-coréen à réussit à
affirmer un succès à l’étranger. Le montant des ventes internationales des films
coréens est passé de 472 000 dollars en 1998 à plus de 58 millions en 2004. Cette
croissance est fortement due à la politique du gouvernement souhaitant
accompagner « la vague coréenne » qui a commencé à déferler sur le monde à cette
époque.

II. QUEL CINÉMA S’EXPORTE

1. Le cinéma, comme carte postale de l’Asie

Nous avons étudié plus tôt, la puissance du soft power sud-coréen. Dans
l’article de Barthélemy COURMON et Eojin KIM33 et il y a un point important qui est

31 Dehée, Y. (2006) « L’ARGENT D’HOLLYWOOD », Le Temps des médias. pp.129-142.

32Joo, J. (2011). TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR CULTURE AND THE RISE OF ʺPOP
NATIONALISMʺ IN KOREA.

33Courmon, B. and Kim, E. (2013). LE SOFT POWER CORÉEN À L'ASSAUT DU MONDE. Monde Chinois.
ESKA, pp.30-41.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

abordé par les auteurs dans cette étude. Aujourd’hui les scénaristes coréens
profites de l’image qu’ont les étrangers de leur pays et savent exploiter certains
codes pour rencontrer un succès international. Selon les auteurs,

«  Les scénaristes et les agents de l’audiovisuel coréens


s’efforcent de faire ressortir les caractéristiques du peuple
coréen dans leurs productions, ce qui en a font des oeuvres
originales et nettement étiquetées coréennes ».

Benjamin JOINAU, rappelle dans son article « AUX ORIGINES DE LA VAGUE


SUD-CORÉEN »34 que le cinéma est un moyen pour le gouvernement de mettre en
valeur le pays. Il encourage les réalisateurs à promouvoir la culture de leur pays.
L’auteur assure qu’en France de nombreux jeunes ont développé un intérêt pour le
pays en découvrant des oeuvres coréennes.

Frédéric MONVOISIN fait le même constat dans son ouvrage «  CINÉMAS


D’ASIE, D’HIER ET D’AUJOURD’HUI »35. Selon l’auteur, le gouvernement veut,

« donner une bonne image du pays sur la scène internationale


et de faciliter l’insertion des produits coréens sur le marché
mondial. »

Comme pour le cinéma japonais dans les années 50/60 le cinéma coréen est
un outil pour faire la publicité de la Corée.

«  C’est également à cette période qu’apparaissent des


cinéastes comme HONG Sang soo et KIM Ki duk, qui vont
permettre une reconnaissance forte et durable du cinéma d’art
sud-coréen sur la scène internationale. »

34oinau, B. (2018). AUX ORIGINES DE LA VAGUE SUD-CORÉENNE : LE CINÉMA SUD- CORÉEN COMME
SOFT POWER. Le Seuil, pp.107-120.

35 Monvoisin, Frédéric. Cinémas d'Asie, d'hier et d'aujourd'hui : Japon, Corée du Sud, Taïwan, Chine, Hongkong
(French Edition), pp. 107. Armand Colin. Édition du Kindle.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Le premier sera soutenu et acclamé par les critiques coréennes, le deuxième


moins condescendant et ne décrivant pas une Corée utopique sera "détesté par son
public local" et extrêmement critiqué par les médias, bien qu'il rencontrera un
certain succès à l’international.

Enfin l’auteur fait l’analyse suivante,

«  comme pour nombre d’autres films qui vont marquer le


cinéma sud-coréen dans sa volonté de toucher les marchés
internationaux , les intrigues reposent en partie sur l’idée d’offrir
une représentation du pays . En un sens , le cinéma du début
des années 2000 opère un travail similaire à celui qu’avait
effectué le cinéma japonais des années 1950 , à savoir
accompagner la conquête du marché mondial des entreprises
nationales en donnant une image du pays où se côtoient
authenticité et exotisme. »

Enfin, pour en revenir à l’article de Barthélemy COURMON et Eojin KIM


analysant le soft power coréen36, ce dernier a, d’après eux, des retombés sur
l’économie locale. Le tourisme en Corée du Sud, a doublé entre 1999 et 2009. De
nombreux étrangers, en partie des japonais, viennent découvrir les lieux de
tournages de leur séries télévisées favorites. Mais cela a aussi des répercussions au
niveau financier, une bonne image peut favoriser l’investissement étranger dans le
pays. C’est la stratégie de national branding adopté par le gouvernement qui
contribue à faire connaitre à l’étranger les valeurs de la Corée du sud au moyen de
la culture, un mélange de modernité et de culture traditionnelle.

2. Le mélange des genres apprécié et reconnu



Stéphane DEFOY, dans son article  «  CORÉE DU SUD: DOULEUR ET
PARTITION: MOTEUR DE LA CRÉATION »37 fait état du succès du cinéma coréen à

36Courmon, B. and Kim, E. (2013). LE SOFT POWER CORÉEN À L'ASSAUT DU MONDE. Monde Chinois.
ESKA, pp.30-41.

37Defoy, S. (2005), CORÉE DU SUD, DOULEUR ET PARTITION: MOTEUR DE LA CREATION. Ciné-Bulles, 23,
pp.40-43

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

l’internationnal. Selon lui l’une des raisons qui peut expliquer ce phénomène c’est la
facilité dont font preuve les auteurs pour mélanger les genres dans un seul et même
film. Cela permet à des productions coréennes de toucher un public très
hétérogène.

Bruno DEQUEN dans son article « LE CHOC DES GENRES »38, explique que
l’une des grandes caractéristiques du cinéma asiatique est son hybridité de genre.
Selon lui, ce sont les asiatiques qui savent le mieux jouer sur ces codes sans pour
autant perdre le spectateur. D’après ses dires, c’est un véritable travail de
funambule, car le genre guide le spectateur dans le choix d’un film et il est parfois
difficile de concilier des genres qui sont pourtant opposés. Les asiatiques ont ce
savoir faire. L’auteur cite plusieurs exemples comme Audition du réalisateur japonais
Takashi MIIKE (1999) dont la première partie se rapproche d’une comédie
dramatique et bascule par la suite dans une violence inouïe et difficilement
supportable.

Le film Hong-kongais, Running on Karma des réalisateurs Johnnie To et Wai


Ka-Fai (2003), démarre comme une comédie grotesque, et devient un film policier,
pour tomber par la suite dans le genre de l’horreur et s'achever sur des réflexions
philosophiques. Cette radicalité a pour but de désarçonner le spectateur en le
confrontant à ses attentes. Cette faculté à déconstruire un genre pour en faire son
auto-critique en basculant dans un ton opposé est propre au cinéma asiatique. Ce
serait un point primordial qui aurait permis de rencontrer un public à l'international.

Des réalisateurs étrangers ont voulu adapter ce style dans leurs oeuvres.
Quentin Tarantino, a toujours revendiqué l’influence du cinéma d’asiatique dans sa
filmographie. Ses oeuvres sont également connues pour mélanger les genres.
Cependant contrairement au cinéma asiatique, Tarantino va tenter de créer une
harmonie entre eux et trouver un équilibre là où en asie, les réalisateurs présentent
leur film comme des « anti-genre »

38Bruno Dequen (2010), LE CHOC DES GENRES, Métamorphores - Nouveaux visages des genres, 24 images,
pp 20-21

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Pour conclure brièvement, nous avons essayé ici d’offrir une vision
d’ensemble des industries culturelles et plus précisément du cinéma de ces trois
pays. Nous retiendrons essentiellement que leurs politiques culturelles, certes
différentes, suit néanmoins une même logique: Tenter de rayonner à l’international.
Leur cinéma apparait souvent comme un support de plus en plus mis en avant dans
ce but. Même si leurs industries cinématographique se distinguent de par leur
histoire, les thèmes qu’ils abordent et leurs situations socio-politiques, ils
conservent néanmoins des caractéristiques relativement similaires. Entre autres,
nous remarquons une volonté commune de mettre en valeur leurs cultures, leur
mode de vie et leurs traditions.

Leur cinéma se distingue sur le plan international par un savoir-faire à


multiplier les genres, en mettant en scène une violence sublimée et crue.

61
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

62
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

RECHERCHE EMPIRIQUE

シネマ
영화
电影院

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

64
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

PARTIE 1: Méthodologie

I. LE GUIDE D’ENTRETIEN

La forme de l’entretien semi-directif est l’une des plus utilisées durant les
études qualitatives. Cette option a très vite semblé tout à fait adapté à l’objet de la
recherche. L’objectif étant de comprendre comment le cinéma asiatique est
représenté en France et si on peut parler d’essor de ce dernier.

Ce type d’étude a pour but de réunir un nombre restreint d’individus


directement impliqués ou concernés par le sujet. Elle permet d’interroger des
professionnels, des spécialistes, des consommateurs sur un sujet large. Ainsi, on
peut comprendre un phénomène souvent complexe en recueillant des avis, des
impressions et des théories que l’on confronte par la suite.

L’entretien semi-directif, laisse un peu moins de liberté au répondant que


l’entretien directif, mais il permet de cadrer un peu plus le sujet sans pour autant en
faire un questionnaire. L’interviewer va énoncer la consigne de départ, et orienter le
répondant vers des axes ou de thèmes. Ce type d’études permet de guider le
discours du répondant vers les termes qui sont pertinents pour le sujet. Mais aussi
les propos des répondants sont plus facilement comparables lors de l’analyse.

Il était important de définir au préalable les thèmes qui seront étudiés durant
ces entretiens. D’abord il faut que les répondants donnent leur définition du cinéma
asiatique. Cette vision sera forcément évoquée par eux mêmes mais il est important
de cadrer l’entretien au moyen d’un thème qui lui sera dédié.

Ensuite il faut qu’ils puissent aborder la position que tient ce cinéma à


l’international et notamment en France.

Il faudra également évaluer l’importance des différents acteurs de l’industrie


dans la promotion de ce cinéma. Ici l’objectif est de questionner le répondant sur le
rôle des festivals, des exploitants, des distributeurs, de la presse ou encore des
nouvelles plateformes de SVOD.

65
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Enfin l’objectif du dernier thème enfin est de savoir si on peut parler d’un
nouvel essor sur la scène internationale du cinéma asiatique ces dernières années.

Les relances seront préparées à l’avance au cas où le répondant n’entre pas


suffisamment dans le détail.

II. LE PASSAGE DES ENTRETIENS

Pour ces entretiens, ce sont les acteurs du secteur de l’industrie


cinématographique qui ont été interrogés.

D’abord Thomas PIBAROT, directeur des acquisitions du Pacte. Société de


distribution indépendante, le Pacte a dans son catalogue La Palme d’Or Une Affaire
De Famille (Kore EDA, 2018). Cet entretien nous permet de comprendre comment un
auteur comme Kore EDA s’est affirmé en France.

Ensuite, Amel LACOMBE, présidente d’Eurozoom, société en grande partie


spécialisée dans l’animation japonaise. Il était important d’avoir son point de vue sur
ce secteur qui a permis de faire connaitre le Japon dans le monde entier.

Eric LEBOT, président de la récente société Art House fondée en 2018. La


société de distribution qu’il dirige est spécialisée dans les films japonais et oeuvre
considérablement pour mettre en avant la culture japonaise.

David TREDLER, directeur de la sélection du festival du film coréen, au


moyen de cet entretien évoque le cinéma, en Corée du Sud mais aussi en France.

Bastian MEIRESONNE anciennement directeur de la sélection du festival du


film asiatique de Vesoul nous parlera de cette industrie dont il a fait son métier. À la
fois critique, journaliste et réalisateur, il nous offre une vision globale de cette
industrie.

66
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Enfin, Adrien GOMBEAUD, auteur de nombreux ouvrages portant sur le


cinéma et notamment le cinéma asiatique avec surout « Le Dictionnaire du cinéma
asiatique  », critique de cinéma pour Positif, Les Echos ou encore Vanity Fair, il
développe sa vision du cinéma asiatique et son rapport avec ce dernier.

Ces entretiens ont duré entre une heure et une heure quarante cinq minutes
pour le plus long. En raison du contexte sanitaire du au COVID-19 ces entretiens se
sont fais à distance et les éléments non-verbaux n’ont pas été étudiés.

Durant les entretiens, l’enquêteur doit limiter ses interventions dans le cadres,
et ne se manifester que pour recentrer le sujet ou bien évoquer un thème qui n’a pas
été abordé de lui même par le répondant.

Des biais ont été relevés pendant les entretiens. D’abord ceux exprimant la
liberté d’expression. Certains professionnels ont refusé d’évoquer ou de parler
librement de certains thèmes auxquels ils étaient invités à prendre position. Par
exemple sur la question de la sélection des films par le festival de Cannes, certains
répondants ont préféré prendre leur distance sur le sujet ou ont refusé d’être cités
sur les éléments qu’ils énonçaient. De même, l’objectivité de certains répondant
peut être questionnée. Il est compréhensible qu’un distributeur critique la stratégie
commerciale de Netflix. Ce sont des aspects inévitables, dont il faut avoir
conscience pendant l’analyse.

Ces échanges on en revanche l’avantage d’avoir fait émerger des réponses


inattendues.

III. L’ANALYSE DES RÉSULTATS

Les éléments récoltés au moyen d’une étude qualitative sont par définition
beaucoup plus denses que les données résultant d’une étude quantitative. Cette
richesse offre la possibilité d’explorer plus en profondeur un sujet mais elle rend
inévitablement son analyse plus complexe.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Une retranscription totale s’est imposée pour effectuer au mieux le


dépouillement de l’enquête. Ensuite il a fallut définir l’unité de codage; c’est à dire
retrouver les grands thèmes commun qui ressortait de chacune des interviews. Ceci
à permis au moyen d’une grille de synthèse de confronter les propos de chacun des
répondants.

THOMAS AMEL BASTIAN ERIC ADRIEN DAVID


PIBAROT LACOMBE MEIRESONNE LEBOT GOMBEAUD TREDLER

Un cinéma de
genre

L’exotisme
japonais

Taïwan, en wagon
de queue

Une demande du
public français

Un cinéma pensé
pour la France

L’importance des
festivals

La SVOD et la
démocratisation du
cinéma asiatique

Un nouvel essors
du cinéma
asiatique?

La grille d’analyse complète en Annexe

Cette analyse thématique a permis de regrouper les propos des répondants


qui se font écho ou au contraire qui s’opposent. Ainsi nous avons une vision globale
et synthétique des avis des intervenants sur les thèmes où ils ont été interrogés.

En revanche, en faisant le choix d’interroger des personnalités aux


professions et/ou aux spécialités souvent bien différentes, certaines n’ont pas le
même niveau d’expertise que leurs confrères.

La présentation de ces résultats se fera en confrontant les avis de chacun


des interviewés au moyen de citations. Il est possible dans une qualitative de traiter
les résultats sous une forme statistique, mais ici avec un échantillon de seulement
six répondants, cette option ne semblait pas pertinente et représentative d’une
véritable population.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

PARTIE 2: L’analyse des résultats

I. LE CINÉMA ASIATIQUE DIFFÉRENT DES AUTRES CINÉMATOGRAPHIES

1. Le cinéma coréen et la multitude du genre

Nous l’avons vu précédemment, Stéphane DEFOY, dans son article « CORÉE


DU SUD: DOULEUR ET PARTITION: MOTEUR DE LA CRÉATION »1 soulignait déjà la
multiplicité des genres dans le cinéma sud-coréen et c’était une des raisons qui
peuvent expliquer le succès de ce dernier à l’international. David TREDLER fait le
même constat:

« Ce qui caractérise en grande partie le cinéma sud-coréen


c’est la différence de ton qu’on peut trouver dans un film. Cette
rupture de ton dont font preuve les auteurs est extraordinaire. »

Thomas PIBAROT explique que c’est en partie dû à histoire du pays. Le


répondant rappelle, que la Corée du Sud était une dictature jusque dans les années
1980 et que les auteurs se servent du genre pour s’exprimer.  Selon lui:

« Si la Corée du Sud a ce goût très prononcé pour le genre


c’est parce que c’est un moyen pour les auteurs d'exprimer
leurs pulsions et tout ce que tu n'as pas le droit de dire.
Pourquoi en France, par exemple on a beaucoup moins de
films de genre qu'en Espagne ou en Italie, tout simplement
parce que ces deux pays ont vécu des dictatures fascistes.
C'est lié. » […] « Il y avait cette violence, mais aussi un mélange
extrême des sentiments. Sans oublier la sexualité qui est
montrée et exprimée. Là encore ce goût pour le genre, pour
cette sexualité crue, est extrêmement lié à leur histoire. Ce sont
des pays qui ont connu des gouvernements autoritaires dans le
passé et cela a eu une grande influence sur eux (ndlr: les

1Defoy, S. (2005), CORÉE DU SUD, DOULEUR ET PARTITION: MOTEUR DE LA CREATION. Ciné-Bulles, 23,
pp.40-43

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

auteurs). Dans leur culture ce sont des peuples très disciplinés,


réservés, obéissants et le cinéma pour eux c'est un exutoire. Le
genre c'est un moyen de faire passer des messages. »

Pour Bastian MEIRESONNE le cinéma sud-coréen est beaucoup plus


« complexe » que les autres cinémas du monde.

«  les ressorts dramatiques ne sont pas les mêmes. En effet la


notion de héros/Anti-héros est plus floue. Il n’est pas rare de se
questionner quand on regarde un film coréen sur les valeurs du
personnage principal que l’on suit »

Adrien GOMBEAUD rajoute que l’absence de politique de préservation


culturelle durant ces années a aussi énormément influencé leur cinéma actuel, en
soulevant cette théorie.

« la Corée c'est un pays qui a construit son cinéma en sachant


que son cinéma patrimoine avait disparu. Et ça ces cinéastes
des années 2000, ils sont motivés par cette idée de
reconstruction. » […]  « Les genres c'est vraiment quelque
chose qui m'avait fasciné dans le cinéma coréen dès la fin des
années 90. Cette manière de mêler toutes sortes de cinémas
dans un seul film. Moi j'avais expliqué ça, à l'époque par le fait
que le cinéma avait tellement été contrôlé par l'état de façon
violente parfois. C'est important de le rappeler parce qu'on a
tendance à oublier que la Corée du Sud a vraiment été une
dictature dure. Il s'est passé des choses terribles dans l'histoire
de la Corée du sud et quand ça s'est arrêté, j'ai l'impression
que les réalisateurs on voulu tout mettre dans leurs films. »

Puis il offre une analogie assez parlante:

« Si on extrapole. Vous allez dans un restaurant Coréen, vous


prenez un bibimbap, c'est un mélange de tout, vous avez du riz,
de l'ail, des légumes, de la viande, un oeuf placé dessus. Par
contre vous allez dans un restaurant japonais, vous allez avoir
des aliments parfaitement découpés, rangés, posés en ligne. Et
c'est cette idée dans le cinéma coréen de fourre-tout

70
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

bordélique et en même temps très bien foutu. Un sympathique


bazar. »

Cependant il met en garde sur un point qui n’est pas négligeable et même
applicable à tout cinéma: La nationalité d’un cinéma n’est pas un genre.

« Attention à ce que le cinéma coréen ne devienne pas un


genre en lui-même. C'est à dire qu'il ne suffit pas qu'il y est des
gens en costumes noirs qui se tapent dessus pour faire du
cinéma coréen. Mais c'est vrai qu'on ne retrouve pas ça
ailleurs.

2. L’exotisme japonais

Pour Adrien GOMBAUD, la culture japonaise a toujours eu une résonance en


France.

« Le Japon, c'est un pays qui existe dans l'imaginaire français


depuis très longtemps et a pris une importance considérable
dès le 19e siècle puisque les estampes japonaises ont influencé
les impressionnistes, que Zola les collectionnait, si vous allez au
Musée d'Orsay, vous trouverez plein d'estampes japonaises
représentées dans les toiles françaises. »

Ceci expliquerait selon le répondant une des raisons pour laquelle le cinéma
japonais a un public si important en France. Dans ce sens, Bastian MEIRESONNE
rajoute:

« On importe des films où l’on voit des cerisiers en fleurs et des


gens qui mangent de la nourriture traditionnelle japonaise et en
faisant cela vous séduisez toute une partie du public. »

Thomas PIBAROT fait la même observation, il remarque que ce goût pour


l’exotisme japonais vient surtout d’un public plutôt âgé dans les circuits Art & Essais
adepte des films qu’il surnomme des National Geographic:

71
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

« Beaucoup de films sud-coréen ou japonais s'adressent à (…)


ceux qui veulent voyager. C'est souvent un public plus âgé,
dans des grandes villes, qui vont voir des films que j'appelle
des National Geographic. Les Délices de Tokyo de Naomie
Kawase s'adresse à ce public, Notre Petite Sœur de Kore Eda
on l’a vendu sous ce prisme. Un public qui veut voir des
cerisiers en fleurs, des kimonos, des ramen... Ces dernières
années ces films ont trouvé un public, ça marche beaucoup
dans les circuits Art & Essais, car en France c'est un public
mature, âgé, et tu leur vends une carte postale. »

Le parfait exemple de cette théorie est La Saveur Des Ramen du réalisateur


Eric Khoo (2018). Son distributeur, Eric LEBOT émet l’hypothèse suivante:

« Je pense à La Saveur des Ramen qui a très bien marché sur


le public Art & Essais. C’est un film magnifique. C’est un film
qui invite au voyage. On sait qu’il y a un public qui cherche de
l’exotisme quand il va au cinéma. » 


C’est le même constat qui est fait avec le film Un Jardin Qu’On Dirait Eternel,
de Tatsushi Ōmori (2020). Le film mettant en valeur l’art de faire le thé japonais dans
un décor idyllique. Eric LEBOT, remarque que c’est d’ailleurs peut-être l’une des
seules cinématographies à mettre autant en avant sa culture, cependant il nuance
que ces films exportés ne sont jamais caricaturaux:

« C’est une volonté des auteurs de faire partager cet exotisme


et ces rituels. Ce sont des films qui invitent au voyage. »

Amel LACOMBE, présidente d’Eurozoom est du même avis, les films qui
reflètent cette culture japonaise trouvent une grande résonance chez le public
admirateur du pays du soleil levant.

«L'animation japonaise représente un univers culturel très riche


qui est souvent dérivé du manga mais pas uniquement. Ce sont
des films qui représentent la culture japonaise. Et c'est pour

72
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

cette raison que c'est facile d'attirer ce public déjà acquis » 


3. Le cinéma Taïwanais comme arme géopolitique

Comme Emmanuel LINCOT le soulignait dans son article, «  EXISTE-T-IL UN


«  SOFT POWER  » TAÏWANAIS ?  »2, la culture Taïwanaise est encore trop sous-
exploitée par le pays. Adrien GOMBEAUD est du même avis. Avant cela, il nous
apprend que le cinéma Taïwanais était très bien représenté dans les années 90 avec
des réalisateurs comme Hou Hsiao-hsien ou Edward YANG. Il souligne notamment
l’importance qu’a joué Tigre & Dragons de Ang LEE (2000) sur l’industrie du cinéma
asiatique et notamment en Chine. Ce film co-produit par les américains, bien qu’il ait
eu un succès international, n’a pas rencontré son public à Taïwan ou en Chine. En
revanche il a motivé les chinois à produire leurs propres films de studios.

Pour en revenir à l’article d’Emmanuel LINCOT, Adrien GOMBEAUD regrette


le manque d’investissement dans le cinéma.

« face à la position qu'ils tiennent face à la Chine, ils auraient


sur Soft Power quelque chose à jouer. Ils devraient promouvoir
leurs cinéastes, faire des films chinois dans la Chine libre. »

Surtout, comme le soulignait Thomas PIBAROT, depuis la rétrocession de


Hong Kong à la Chine, leur cinéma a énormément périclité ce qui aurait pu conduire
Taïwan à imposer le sien, devenant ainsi un cinéma de substitution à la Chine.

Cependant Adrien GOMBEAUD reste positif et nuance. Pour lui certain film
chinois arrivent à passer à travers la censure et ont une carrière internationale.

«  Au début d'année on a eu le magnifique : Séjour dans les


Monts Fuchun de Gu Xiaogang qui est un premier film
complètement indépendant. Alors même s'il y a la censure
chinoise qui est très présente, et que beaucoup de film
nationalistes complètement aberrant, sont produits, malgré tout

2 Lincot, E. (2015). EXISTE-T-IL UN « SOFT POWER » TAÏWANAIS ? Monde Chinois. ESKA, pp.129-132.

73
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

le cinéma d'auteur chinois existe. Un Long Voyage Vers La Nuit


de Bi Gan est un bon exemple. »

II. LE CINÉMA ASIATIQUE EN FRANCE

1. La diversité recherchée par le public français

D’après Bastian MEIRESONNE le cinéma asiatique a toujours été  apprécié


par le public français. Pour Thomas PIBAROT, « La France est l’un des pays les plus
ouverts à la diversité du cinéma », c’est l’un des facteurs qui facilitent l’importation
du cinéma asiatique en France. Eric LE BOT est du même avis:

« L’attrait pour le cinéma asiatique en France ne date pas d’hier.


Pour le Japon c’est un cinéma qui a déjà connu un succès,
parfois même plus important que le succès qu’il rencontre
aujourd’hui. Entre les années 1990 et 2000 à Cannes, le cinéma
asiatique était très présent notamment le cinéma Coréen. »


Pour Adrien GOMBEAUD, le cinéma japonais avait une place importante dans
la cinéphilie des français. Les films d’Ozu ont rencontré un grands succès, et des
oeuvres comme Épouses Et Concubines de Zhang Yimou (1991) faisaient déjà salles
combles dans les grandes villes.

De plus, pour Amel LACOMBE, les années 80 ont créés toute une génération
de « nippophiles » quand les mangas sont arrivés en France. 


« L'animation japonaise dans le club Dorothée. C'est tout de


même quelque chose qui a marqué vraiment toute une
génération, qui était complètement nouveau à l'époque. Cela a
permis aux jeunes de s'ouvrir sur une nouvelle culture.
Aujourd'hui ces gens-là ont grandi et on les retrouve par
exemple tous les ans en masse à la Japan Expo. Cette cible-là
est très attentive à tout ce qui est l'animation japonaise, mais
aussi à tout ce qui est culture japonaise. Je pense que c'est

74
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

une cible très forte, demandeuse et fidèle. C'est plus large que
le cinéma.»

Ceci fait écho à l’article «  POURQUOI AIMONS-NOUS LE MANGA?  »3 de


Jean-Marie BOUISSOU. Pour lui, les mangas ont poussé les jeunes à s’intéresser à
la culture japonaise de manière plus large. Cependant, Adrien GOMBEAUD relativise
bien qu’il n’est jamais étudié le sujet en profondeur, il émet des doutes sur la
présence d’une réelle corrélation entre celui qui va voir une exposition ou des films
d’auteurs japonais et celui appréciant la culture populaire japonaise.

« Est-ce que les gens qui vont à la Japan Expo on les retrouve à
l'expo de Itō Jakuchū au petit palais […] C’est peut-être le cas,
je ne sais pas. Est-ce que c'est le même public qui va voir les
films de Kore Eda et qui lisent des mangas. Ou est-ce que c'est
deux genres de nippophiles qui cohabitent en France. Je ne
peux pas vous dire, je n'en sais rien du tout. » 


Mais pour revenir à la diversité recherchée par le public en salle, elle existe
bien. Thomas PIBAROT, ne manque pas cependant de rappeler qu’il s’agit encore
d’un marché de niches, dont le plafond de verre des 200 000 entrées est assez
rarement dépassé par un film asiatique.

Certains sillons se forment avec des auteurs qui trouvent leur public. Les
distributeurs sont alors en concurrence avec des majors qui viennent sur leur terrain
une fois qu’il y a un potentiel économique. Comme le souligne Eric LEBOT, directeur
de chez ArtHouse:

« Souvent quand un réalisateur marche bien sur un marché il


n’est pas rare qu’un distributeur indépendant se le fasse
prendre par un plus gros qui surenchérit sur les MG*. »
*MG: Minimum garanti versé aux producteurs

3Bouissou, J-M. (2006). POURQUOI AIMONS-NOUS LE MANGA? Une approche économique du nouveau soft
power Japonais, Presses universitaires de France « Cités »

75
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Amel LACOMBE nous fait d’ailleurs part de son expérience sur ce sujet.

« La R&D* est faite par de petites entreprises que peu de gens


soutiennent commercialement parlant et puis quand la preuves
est faite de la qualité des films, les auteurs sont récupérés par
des plus grosses boîtes, c'est comme ça… »
* Recherche et Développement

2. Un cinéma qui ne reflète pas leur cinéma national

Bien que ces films aient un public en France, pour certains des répondants, il
ne sont pas forcément l’expression de leur cinéma national. De l’aveu même d’Eric
LEBOT, il est paradoxal de constater que certains films asiatiques trouvent plus de
public en France que dans leur pays d’origine.

« Les films japonais qui sortent en France ne sont pas du tout


les mêmes films qui marchent au Japon. Nous on travaille avec
des auteurs qui pour la plupart la plus part peinent à faire des
entrée dans leur propres pays. Il arrive qu’ils pensent leur film
pour séduire un public international. Après il reflètent leur
culture, ces films sont fais avec les meilleures intentions et
cependant il se trouve que cette culture résonne fort dans les
pays occidentaux, notamment chez nous. » 


David TREDLER, ne manque pas non plus de rappeler que la part des films
qui sont importés en France ne représente qu’une infime partie de tout le cinéma
produit dans ces pays. Même s’il nuance, au sujet de la Corée du Sud:

«  Les films restent quand même produits en premier lieu pour


les coréens. Après c’est vrai que de grand studios ont
commencé à développer leur branche internationale comme CJ
Entertainment par exemple. » 


Bastian MEIRESONNE fait la même analyse qu’Eric LEBOT, le cinéma


asiatique que l’on peut voir en France ne représente pas le cinéma à succès de ces
pays. « Le public local se désintéresse totalement de ces films. ».

76
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Thomas PIBAROT justifie ce paradoxe en expliquant qu’il y a un attachement


pour les français au cinéma d’auteurs asiatiques qui est beaucoup plus prononcé
que dans ces pays.

« Pour nous les cinémas coréens, le cinéma japonais il faut que


ce soit par le biais d'un réalisateur reconnu. On fait un peu cet
amalgame, qui n'est pas très grave : le cinéma asiatique et
cinéma d'auteurs. Mais leur cinéma est beaucoup plus large
que ça. »


En effet, Eric LEBOT, confirme ce fait.

« C’est tout simplement parce que le cinéma japonais ne se


résume pas qu’à un cinéma d’auteur, chez eux c’est un cinéma
beaucoup plus populaire qui domine leur marché. »


Mais il explique également que ce cinéma populaire a des codes culturels qui
ne trouvent pas de résonances dans les pays occidentaux.

« Le Japon a encore donc énormément de mal à vendre ses


films de studio à l’étranger. C’est aussi parce qu’il s’agit d’un
code entertainment très spécifique que l’on ne comprends pas
tellement en occident. Vous pouvez par exemple avoir un
personnage qui pleure parce qu’il est en colère et nous ça on
ne le comprend pas, on est très hermétiques » 


Thomas PIBAROT aborde également un point intéressant qui fait écho à


l’article «  TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR CULTURE AND THE
RISE OF «  POP NATIONALISM  »4 de Jeongsuk Joo. La Corée du Sud est une
Blockbuster nation.

« La Corée du sud a un cinéma national qui est hyper


important, qui marche mieux que le cinéma américain chez eux.

4Joo, J. (2011). TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR CULTURE AND THE RISE OF ʺPOP
NATIONALISMʺ IN KOREA.

77
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Le cinéma coréen fait plus d'entrées que les blockbusters


américains.  » […] «  Mais les films qui marchent chez eux ne
sortent pas en France ou en DVD. Par exemple A Taxi Driver est
un film sud-coréen qui a fait peut-être plus de 12 millions
d'entrées chez eux mais qui n'est sorti qu'en DVD chez nous. »

Cette idée, se confirme quand quand on regarde de plus près les chiffres des
plus gros succès du cinéma sud-coréens. En effet sur les dix plus gros succès
nationaux au Box office sud-coréen seulement The Host (Bong Joon Ho, 2006) est
sorti en France. Puis, il rajoute que si ce marché est si fort c’est grâce à la politique
culturelle protectionniste qu’a été mise en place. Nous avons pu le voir dans l’article
«  VITALITÉ DU CINÉMA CORÉEN  »5 de Pierre GRAS que les quotas de
programmation ont permis à la Corée du sud de contrôler les importations et de ne
pas inonder les salles d’oeuvres étrangères, permettant au pays de développer sa
propre industrie.

« Alors c'est aussi parce qu'ils ont un système qui est en partie
inspiré du CNC et qui protège énormément leur cinéma, mais
aussi parce qu'ils ont mis en place des quotas dans leurs salles
pour limiter l'importation des films étrangers en salle. »

Au Japon comme en Corée du Sud la fréquentation des salles est relativement


élevée. Ce sont des peuples très cinéphiles. D’après les données du KOFIC, la
Corée du sud a un des taux de fréquentation des salles de cinéma par habitant les
plus élevé au monde, avec en 2018 216 millions de spectateurs pour 51 millions
d’habitants. 6

3. Un nouvel essor du cinéma asiatique

5 Gras, P (2008). VITALITÉ DU CINÉMA CORÉEN, pp. 1151 à 1158.

6Kil, S., & The Variety. (2019, 3 janvier). Dynamics Change as South Korean Box Office Ends Flat in 2018.
Consulté le 20 juin 2020, à l’adresse https://variety.com/2019/film/asia/korea-box-office-ends-flat-2018-
dynamics-change-1203099043/

78
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

L’ensemble des répondants s’accordent à dire que le cinéma asiatique n’est


pas quelque chose de nouveau en France. Thomas PIBAROT et Bastian
MEIRESONNE notamment rappelle le succès qu’a déjà rencontré le cinéma Hong-
Kongais à l’international avec deux stars planétaire qu’ont été Bruce LEE et Jackie
CHAN. En revanche tous, évoque le phénomène de «  Vague  », comme Amel
LACOMBE:

«Le cinéma comme un peu tous les milieux du divertissement


ou même de la pop culture ou encore de la culture générale
marchent par vagues, par cycles. Le cinéma japonais et le
cinéma asiatique de manière générale a déjà été à l'honneur
dans les festivals il y a plusieurs décades. » […] « ce sont des
modes qui s'auto entretiennent par les festivals. Comme il y a
des films asiatiques qui marchent, il y a des réalisateurs
asiatiques qui prennent de l'ampleur, ainsi les festivals les
sélectionnent, du coup comme les festivals les sélectionnent,
ils sortent en salles plus gros. C'est une espèce de cercle
vertueux, tant mieux d'ailleurs. C'est comme ça que ça
fonctionne. Je pense que ce n'est pas unique, c'est arrivé dans
le temps. Il y a simplement des vagues. » 


Pour Thomas PIBAROT, ce phénomène de vagues se caractérise par le fait


qu’il y a peu d’auteurs qui ont succédé aux générations de cinéastes ayant rayonné
à l’international:

« C'est vrai qu'il y a eu un vrai développement du cinéma


japonais, on y a cru, mais malheureusement après Kurosawa,
Miyazaki ça s'est tassé car il y a un manque de renouvellement
des talents.  » […]  « l’émergence coréenne elle arrive avec la
vague des années 2000 » […] « et il y a pleins de distributeurs
qui se sont mis à acheter tout et n'importe quoi, les prix des
MG se sont emballés. »

Même constat de la part de David TREDLER sur le cinéma Sud-Coréen:

79
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

« Après le grand boom dans les années 2000, et le succès de


Ivre De Femmes Et De Peinture et Old Boy ca s’est tassé un
peu, à cause d’un manque de renouvellement de têtes. »

Pour Taïwan, nous l’avons vu, ce cinéma là a largement rayonné à


l’international avec les films d’Ang LEE par exemple ou comme le rappelle Thomas
PIBAROT le succès d’un film Taïwanais qui avait beaucoup fait parlé lors du 28e
festival de Cannes.

« Il faut se rappeler que durant le festival de Cannes de 1975 il


y a eu A Touch Of Zen de King YU qui a été récompensé. Et au
delà de ça l’influence du cinéma asiatique est depuis de
nombreuses années considérable et ne date pas d’hier. »

Bien que ce ne soit pas quelque chose de nouveau, David TREDLER


reconnait un renouveau dans ce cinéma là.

« Il y a depuis trois ou quatre ans effectivement une nouvelle


appétence pour le cinéma sud- coréen. » 


Thomas PIBAROT, Bastian MEIRESONNE et Adrien GOMBAULT sont du


même avis. Des auteurs sont apparus, notamment après la vague du cinéma coréen
dans les années 2000. À l’image de Ryusuke Hamaguchi pour le Japon et Yeon
Sang-ho pour la Corée par exemple.

De plus le succès de Parasite, conduira selon Thomas PIBAROT, à une


nouvelle vague d’acquisitions de la part des distributeurs d’oeuvres coréennes.

« Je pense que sur les prochains marchés du film, il va y avoir


une vraie demande à voir les films coréens, parce que c'est
comme que marche l'industrie, tout le monde va vouloir avoir le
nouveau Parasite. »

Cependant il est légitime de s’interroger, comme Bastian MEIRESONNE sur la


durabilité de cette engouement.

80
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

« Je ne sais pas si on peut parler d’un essor récent. A la rigueur


d’un renouveau. Avec Parasite, Dernier train pour Busan on
remarque qu’il y a un regain d’intérêt mais est ce que cela va
durer? » 


III. UNE INDUSTRIE AU PROFIT DU CINÉMA ASIATIQUE

1. L’importance des festivals

Bastian MEIRESONNE, souligne un fait qu’il est important de rappeler:

« Vous s’avez l’importance des festivals est certes considérable


pour les films qui sont récompensés, et je ne trahis pas un
secret en disant qu’obtenir une Palme d’Or va nécessairement
faire accroitre le nombre de tickets vendus. »

Mais, ce rôle est beaucoup plus complexe que cela. En effet, Thomas
PIBAROT nous informe de leur impact sur le cinéma.

« Les festivals donnent une visibilité et la presse valide, ou pas


d’ailleurs, et après quand vous allez voir des exploitants frileux
c'est beaucoup plus facile de les convaincre de prendre le film.
» […] « Cannes joue d'ailleurs ce rôle d’incubateur » 


Cette idée de montrer que c’est un travail de longue haleine, on la retrouve


dans le discours d’Adrien GOMBEAUD, qui démontre le temps que ça a pris pour
BONG Joon HO et Kore EDA de décrocher une palme d’or.

« Bong Joon Ho, son premier film, date de l'an 2000, donc ça
fait 20 ans qu'il fait des films. Kore Eda encore plus. » 


Thomas PIBAROT, justifie ce fait en expliquant que ça prend du temps


«  d’installer un réalisateur sur un territoire  ». Le Pacte travail depuis 2011 sur les
oeuvres de Kore EDA. Ils n’ont eu de cesse à chaque sortie de film, de faire venir le

81
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

réalisateur en France, d’organiser des rencontres presse, de faire sélectionner son


film dans de grands festivals comme dans ce cas précis à Cannes.


« Avec Après La Tempête, Cannes hésitait à sélectionner le film


au départ. C’est le président de GAGA, Tom Yoda, (ndlr:
distributeur du film au japon) qui va voir Christian Jeune pour le
convaincre de le sélectionner. On finit en compétition à un
certain regard. Et nous au Pacte on l'a fait venir en France,
alors qu’il ne parle ni français ni anglais. Mais on lui a fait
rencontrer la presse. C’est hyper important que les talents
voyagent pour défendre leurs films. […] Ça permet aux
différents acteurs du secteur de connaitre les réalisateurs et de
s'habituer à eux. Il faut les installer sur le territoire. Et quand on
arrive avec Un Affaire de Famille, la Palme c'est à la fois parce
que le film est très bon évidemment mais aussi parce qu'on a
porté le réalisateur depuis presque dix ans en France. »

Kore EDA a depuis 2011 sorti sept films, tous distribués par Le Pacte. I Wish
sorti en 2011 a fait 50 000 entrées, Une Affaire de Famille certes poussé par la
Palme d’Or a un succès phénoménal pour un film japonais en France avec près de
800 000 entrées.

Amel LACOMBE, souligne pourtant qu’un succès dans un festival n’implique


pas forcément un succès en salle. C’est aux distributeurs qu’incombe la tache de
faire de la pédagogie. Les festivals sont un moyen de faire découvrir un cinéma
encore trop inconnu et même parfois méprisé par certains acteurs de l’industrie. Au
début d’Eurozoom, elle nous confie s’être confrontée à de gros stéréotypes vis à vis
de l’animation japonaise.

«  Quand j'ai sorti le premier film d'animation japonaise au


cinéma c'était Appleseed, réalisé par Shinji Aramaki (…) tout le
monde m'a dit mais « ça c'est pour le club Dorothée, on n'en
veut pas de tes robots on ne veut pas de ton film... ». Ça a été
une très longue traversée du désert pour creuser un sillon qui
aujourd'hui est reconnu.  » […] «  On a donc aussi dû faire tout
ce travail d'éducation parce que beaucoup d'exploitants (et

82
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

c'est le cas encore aujourd'hui) pensent que l'animation ce


n’est que pour les enfants le mercredi après-midi. »

Les institutions culturelles des pays d’Asie de l’est, ont d’ailleurs compris
l’importance des festivals. Comme le démontre David TREDLER avec le pays du
matin calme où de réelles politiques culturelles internationales ont été mises en
place afin de d’accompagner le Hayllyu à travers le monde :

« On peut citer le London Korean Film Festival qui est


entièrement organisé par le centre culturel coréen et le KOFIC.
Le KOFIC c’est si vous voulez l’équivalent du CNC en France.
Nous concernant on perçoit des subventions de leur part, c’est
un partenaire, mais contrairement à Londres ou à d’autre pays,
ils n’interagissant pas dans notre sélection ni notre
programmation. C’est nous qui choisissons quel films on veut
montrer et tel acteur ou telle actrice on veut recevoir. Après ils
peuvent jouer le rôle d’intermédiaire. » 


Il n’est d’ailleurs pas rare pour le festival du film coréen d’accueillir le JT local
au sein du festival pour faire des reportages. L’exportation de la culture coréenne à
l’étranger est devenue une vraie fierté nationale. Ce point résonne avec le «  pop
nationalism  » évoqué par Jeongsuk Joo7. Cette idée est clairement exprimée par
Adrien GOMBEAUD:

« La Palme d'Or, était quelque choses d'attendu en Corée. Moi


j'ai vécu ça, il y avait une frustration de la part des coréens de
ne pas être reconnus. Alors là on parle de cinéma, mais il y a eu
la même chose avec le Prix Nobel de littérature. Je me
souviens j'étais passé devant une grande librairie, l'équivalent
de la Fnac chez nous, et en vitrine il y avait tous les grands
auteurs coréens et il y avait une place vide pour le futur prix
nobel de littérature coréenne.  » […] «  Quand Bong Joon Ho
revient à Séoul avec son prix il est accueilli comme s'il avait
gagné la coupe du monde. Parce que c'est une mission qui

7Joo, J. (2011). TRANSNATIONALIZATION OF KOREAN POPULAR CULTURE AND THE RISE OF ʺPOP
NATIONALISMʺ IN KOREA.

83
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

tient du nationalisme chez eux. » 


De plus contrairement à autrefois, les grands studios sud-coréens


commencent à s’intéresser aux festivals à travers le monde comme le souligne
David TREDLER

« les studios essayent de se rapprocher de plus petits festivals


tel que le nôtre. Ils savent que ça peut être une porte pour
accéder à de nouveaux marchés là où la concurrence est
beaucoup plus grande comme à Cannes. » 


Pourtant Amel LACOMBE, nous informe de la grande particularité des studios


d’animation japonaise vis à vis des marchés de films.

« Ce n’est pas sur les marchés internationaux qu'on peut nouer
ce genre de contacts. Ça c'est pour l'animation, c'est vrai que
pour la fiction ils sont plus dans une logique de vendeurs
internationaux et de rencontres lors des marchés de films.
» […] Il y en a, mais il faut aller au Japon. Mais en réalité il y a
très peu de gens qui sont accrédités. C'est une dynamique
complètement différente, si vous allez à Cannes au marché du
film, il va y avoir des japonais en effet, mais c'est très difficile de
créer le contact avec eux et d'avoir des infos sur leurs projets si
vous ne les connaissez pas déjà. C'est vraiment un marché qui
est pour les initiés. C'est un secteur compliqué. Et même
concernant ces marchés au Japon, ils restent très fermés. Ce
sont des espèces de réunions qui se tiennent à Tokyo tous les
ans. Il y a très peu d'informations dessus, c'est sur invitations et
ce sont des rendez-vous qui se font de pair à pair »

2. La France dope le cinéma d’auteur asiatique

S’il y a une raison pour laquelle le cinéma asiatique a toujours été aussi bien
représenté en France, c’est en partie pour la forte implication de la France dans les
productions asiatiques et notamment au Japon. D’après Thomas PIBAROT:

84
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

« Le cinéma japonais, il y en a toujours eu, aussi parce qu’il a


été souvent coproduit par des européens. « Ran » par exemple
était co-produit par un français. » 


Bastian MEIRESONNE est plus critique, il regrette notamment que le travail


de défrichage qui incombe aux grands festivals soit de moins en moins fait au profit
d’un favoritisme d’oeuvres de cinéastes déjà installés ou encore de films co-produits
par la France.

« Bien souvent les films asiatiques présents en compétition à


Cannes par exemple, sont des co-productions françaises. Il y a
donc un intérêt à les mettre en avant » 


Un autre répondant, désirant rester anonyme sur ce point, fait le même


constat. Tout comme Adrien GOMBEAUD, qui cependant, souligne que si les
producteurs français ne soutenaient pas la production de certains de ces films,
beaucoup ne se feraient peut-être pas, tout simplement car leur public se trouve en
France. Bastian MEIRESONNE illustre cet argument:

« Sans l’influence de la France. Kore Eda n’aurait certainement


pas fait autant de films s’il n’y avait pas eu les français pour voir
son cinéma.  » […] «  Ses films commencent même à être co-
produit avec la France et il sait parfaitement ce qu’il doit faire
pour séduire ce public. » 


Sur ce point, il revient sur le goût du public français pour l’exotisme et il


assure que les productions locales jouent sur cet attrait dans leurs productions pour
qu’elles s’exportent plus facilement à l’étranger et notamment en France.

« Les cinéastes et producteurs de ces pays l’ont compris. Pour


séduire un public international il faut jouer sur les stéréotypes.
L’empire des Sens, la seule motivation pour les distributeurs
étrangers était d’acheter l’un des films les plus irrévérencieux.
On y revient mais les films qui sont distribués en France sont
des films qui ne verraient jamais le jour sans l’influence des
français. » […] « Les films asiatiques qui s’importent le mieux à

85
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

l’international sont tous simplement des films qui répondent à


un cahier des charges. » […] « on va chercher chez eux, des
films qui sont à peu prés formatés comme les nôtres mais avec
cette culture asiatique qui est mise en avant et on les importe
sur le territoire. Mais ce n’est pas du tout représentatif de leur
cinéma national. »

Pour autant Amel LACOMBE, conteste cette opinion. Pour elle il n’y a pas de
volonté de positionnement de la part des auteurs.

«  Ce sont des films qui ont leur propre culture ou leur propre
parcours. Il n'y a pas de positionnement en fait, chaque film a
sa propre aventure créatrice. L'animation japonaise n'essaye
pas de se positionner par rapport à d'autres films d'animation.
C'est un secteur créatif et culturel. » […] «  Ils n'usent d’aucun
stéréotype, et c'est justement ce qui fait la fraicheur des films
japonais. Il n'y a pas de stéréotypes, mais il y a souvent une
attention aux détails de la vie quotidienne que les gens
apprécient énormément. » […] « Il y a une volonté de fidélité, de
spontanéité et d'authenticité et c'est ce qui plaît. »

3. Les nouveaux services de SVOD

S’il y a un acteur qui a tendance à empiéter sur le rôle des festivals ces
dernières années ce sont les nouvelles plateformes de SVOD. Comme nous
l’informe Thomas PIBAROT, « ils sont constamment en recherche de nouveaux
marchés. »

David TREDLER, reconnait être parfois amer quand il découvre que certains films
coréens se retrouvent directement sur Netflix, il a le sentiment que celui ci court-
circuite les festivals.

« Dès que j’ai vu les premiers films coréens arrivés sur Netflix,
j’étais un peu déçu. J’aurais aimé avoir pu les programmer au
festival. »

86
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Dans l’ensemble, les répondants saluent la démarche honorable qu’on ces


plateformes à mettre en avant le cinéma asiatique. Cependant ils nuancent tous en
soulignant leur démarche parfois opportuniste, comme Thomas PIBAROT.

« Si Netflix a pris Bong Joon Ho, Alfonso Cuaron, Martin


Scorsese c'est pour faire leur pub. »

Bastian MEIRESONNE aborde aussi le problème de l’algorithme de Netflix.

«  Je trouve qu’il y a du bon et du moins bon. Le fait d’avoir


tous les Miyazaki sur la plateforme c’est super, vous avez aussi
une énorme sélection de films coréens. Mais tout ça est noyé
dans la masse. S’ils achètent ce genre de films c’est pour leur
algorithme. Moi j’ai une bonne visibilité sur ces oeuvres quand
je m’y connecte car l’algorithme a compris que c’est ce qui
m’intéressent donc il me propose de voir ce que je veux voir.
Mais quelqu’un qui n’a jamais vu un seul film coréen ou
japonais il ne soupçonne même pas que ces films sont
disponibles en SVOD. » 


David TREDLER, fait la même observation.

« Il y a un nombre assez conséquent sur Netflix de films sud-


coréens, cependant il faut le savoir. A cause de l’algorithme ce
sont uniquement ceux qui veulent voir ces films qui savent
qu’ils sont dans le catalogue. »

Bastian MEIRESONNE, lui aussi s’interroge sur les films qui sont présents sur
la plateforme. Celles ci continuent d’exporter des films qui sont pensés et adaptés
pour satisfaire un public international.

« Je m’interroge souvent quand je vois un film ou une série, s’il


s’agit vraiment d’une oeuvre à 100% japonaise par exemple.
Vous avez des sujets qui ne sont pas abordés au japon et qui
pourtant dans ces oeuvres sont totalement évoqués. Je vous
prend un exemple assez parlant. En occident pour l’horreur on

87
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

est très adepte des films de Zombies. Au Japon ce n’est pas le


cas. Eux ils adorent les vampires. Vous avez des dizaines et des
dizaines de films de vampires qui sont produits pour un seul
film de zombies. Est ce que nous, en France, nous avons eu
ces dernières années un seul film japonais de vampire? C’est
tout le sujet. »

Même si Thomas PIBAROT salue le fait que ces oeuvres sont accessibles au


public et qu’il faut toujours encourager la démocratisation, il dénonce également le
problème de l’algorithme et des méthodes de travail des grandes plateformes de
SVOD, qui n’annoncent pas ou très peu leurs films, qui ne communiquent pas sur
leur succès… David TREDLER, nous fait part en revanche d’acteurs, qui ont
réellement à coeur de mettre en avant ce cinéma. Certaines, comme Outbuster se
rendent même au festival du film coréen pour voir et parfois acquérir des films pour
des sorties SVOD.

« Il y a des plateformes qui font un travail formidable. Je pense


à Outbuster, qui a un super catalogue. Ils arrivent à
évènementialiser leur films » […] «  c’est important de travailler
main dans la main avec ce genre de plateformes. »

PARTIE 3: Recommandations

I. LE CINÉMA ASIATIQUE N’EST PAS UN GENRE

Il y a un point essentiel que nous n’avons pas abordé mais qui a été évoqué
par quelques répondants. Le cinéma asiatique n’est pas un cinéma mais des
cinémas. Adrien GOMBEAUD auteur du dictionnaire du cinéma asiatique nous l’a
rappelé:

« Parler du cinéma asiatique comme une généralité, c'est très


compliqué. Je dis ça parce qu'il y a aussi des histoires
différentes pour chaque pays en France. Si on parle
d'exportation, le Japon n'a pas du tout la même histoire que la
Chine, et pas du tout la même histoire que la Corée. » […] « Le

88
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

cinéma asiatique c'est un cinéma qui est produit dans une


région du monde. Ce serait très dangereux, proportion gardée
évidemment, de coller une étiquette régionale sur un film ou un
réalisateur. »

Même si on peut y trouver des similitudes dues à leur passé étroitement liées,
il n’en reste pas moins qu’il s’agit de cinématographies parfois radicalement
différentes. Il a été difficile dans ce mémoire d’analyser ces cinémas dans leur
globalité en prenant en compte chaque spécifié sans faire d’amalgames. `

Le cinéma asiatique n’est pas un genre en lui même. Faire un syllogisme pour
définir ces cinémas tendent à restreindre la richesse du cinéma asiatique. Comme le
disait Adrien GOMBEAUD, un film sud-coréen n’est pas uniquement film avec des
antagonistes en costumes noirs. J’ai espoir d’avoir su donné une vision globale de
ces cinémas tout en réussissant à les distinguer dans leurs grandes lignes.

II. ETUDE DES CIBLES

Nous l’avons vu le cinéma asiatique a toujours été très apprécié des français,
notamment le cinéma japonais. L’importation des oeuvres d’animation japonaise
main-stream a façonné toute une génération de nippophiles. Aujourd’hui on peut
espérer que le même modèle s’applique à la Corée au moyen par exemple de la
musique qui pourrait pousser les jeunes générations à découvrir ce pays, leur
culture au sens large et par la même le cinéma.

Il serait intéressant comme le suggérait Adrien GOMBEAUD de voir s’il y a en


effet une corrélation entre les consommateurs de mangas et ceux qui vont au
cinéma voir les films japonais. Au moyen d’une étude quantitative cela pourrait être
étudié.

Nous savons déjà que des distributeurs comme Art House, ont fait ce pari. En
ayant créé une véritable communauté sur les réseaux sociaux avec le groupe
Hanabi, ils ont réussi à fédérer autour de la culture du Japon. Ce groupe représente

89
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

un potentiel de spectateurs désirant découvrir en salles des oeuvres nipponnes.


Pour réaliser ce type d’étude, il faudrait être capable d’identifier les différents
groupes admirateurs de la culture japonaise. La communauté Hanabi, les fidèles de
la Japan Expo ou même encore les français originaires du Japon sont des
échantillons envisageable. Nous pourrons ainsi évaluer si leur attrait pour le Japon
les amène dans les salles obscures.

Identifier ces corrélations permettrait de segmenter le marché et d’analyser


les modèles de communication à adapter pour toucher cette cible. Cette étude
pourrait également être etendue à la Corée avec le public de la K-Pop.

III. LE RÔLE DE LA CO-PRODUCTION

Pourquoi ne pas analyser plus en profondeur ce que certains répondants ont


évoqué durant les entretiens: la part de la France dans les productions asiatiques.

Contrairement à la Corée du Sud, il n’y a pas d’accord de co-production


établi par le CNC à ce jour entre la France et le Japon ou Taïwan. Ainsi aucun crédit
d’impôt japonais ne peut être accordé à un film désirant avoir une double
nationalité, mais une aide à la coproduction est proposée par l’agence japonaise
des affaires culturelles. Ce n’est pas un accord de coproduction mais un certificat
UNIJAPAN. Pour l’obtenir, le producteur japonais doit en faire les démarches, les
dépenses peuvent atteindre 100 millions de yens (environ 830 000 euros). Le
montant de cette aide est à hauteur de 20% des dépenses du film (Maximum 415
000 euros pour les budgets inférieurs à 2,48 millions d’euros et 830 000 euros
maximum au delà de ce plancher.)

De plus les sociétés de productions françaises qui produisent un projet avec


une société basée à l’étranger peuvent prétendre à l’Aide Aux Cinémas Du Monde,
celle-ci est plafonnée à 250 000 euros.8 Si on prend l’exemple de La Vérité de KORE

8LACHAUSSÉE, S., & MARTIN-WINKEL, E. (2020, mars 2). Coproduire avec le Japon.
Consulté le 8 mai 2020, à l’adresse https://avocatl.com/news/coproduire-avec-le-japon/

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

EDA (2019), d’après le rapport de décisions de la 152ème réunion du comité de


réunion d’Eurimage 116 000€ ont été accordés à La Vérité.9 C’est une avance sur
recette qui offre un soutien à la co-production.

Il est important de noter, le statut particulier de ce film. Certes le réalisateur


est japonais, mais l’œuvre à été entièrement tourné en France avec des acteurs
français et américains. En revanche comprendre l’influence des producteurs français
sur les oeuvres entièrement asiatiques telle qu’elle est suggérée par Bastian
MEIRESONNE serait aussi une bonne continuité à ce travail de recherche.


9EURIMAGES. (2018, août 1). Décisions de soutien lors de la 152ème réunion du Comité de
Direction d’Eurimages [Communiqué de presse]. Consulté à l’adresse https://rm.coe.int/
09000016808e7a36

91
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92
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CONCLUSION

シネマ
영화
电影院

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

94
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Le choix d’étudier ce sujet a été motivé par l’envie d’approfondir un cinéma


que je ne connaissais peu. Arrivé sur Paris en 2018, j’ai découvert ce cinéma dans
les salles obscures un peu par hasard. Ce fut une expérience inédite pour moi. Sans
prendre conscience de tout le passé qu’entretenait la France avec cette
cinématographie là, j’ai innocemment cru à une vague asiatique qui déferlait sur les
cinémas. En effet les deux palmes d’or succesives, des oeuvres asiatiques
beaucoup plus accessibles grâce aux nouvelles manières de consommer le cinéma,
je pouvais penser assister à un phénomène nouveau.

Ce mémoire m’a permis de comprendre que cet essor est le résultat de


plusieurs années de travail, notamment de la part des distributeurs, des exploitants,
des festivals et de la presse pour amener le public français à ce cinéma. Mais peut
on parler d’essor réellement?

Nous l’avons vu, de manière générale les publics occidentaux ont toujours eu
une appétence pour ce cinéma, en particulier pour le Japon. La culture asiatique
tient une place honorable dans le coeur des français, que ce soit pour les oeuvres
d’art, la gastronomie, la musique et bien évidemment le cinéma. Cet attrait vient des
relations culturelles étroites qu’on a toujours eu avec ces pays.

Il y a déjà eu par le passé, de grandes périodes du cinéma japonais,


notamment dans les années 70-80, du cinéma sud-coréen dans les années 2000.
Après un essoufflement de ce dernier, il est vrai qu’on ne peut que constater un
regain d’intérêts.

De plus les récentes politiques culturelles du Japon et de la Corée du Sud


tendent à accompagner le cinéma à travers le monde. Ils réussissent à promouvoir
leur industrie au moyen de festivals.

Il est encore trop tôt pour affirmer qu’il s’agisse d’un déferlement sur
l’occident. Bien qu’une Affaire de Famille et Parasite aient brisé le plafond de verre
des 200 000 entrées en France, un palier difficilement franchissable pour un film

95
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

asiatique, ce cinéma reste encore destiné à un public de niche. En revanche, il est


légitime de se demander si cette récente démocratisation va durer. Est ce que le
spectateur habituellement novice va être plus enclin à découvrir ces films en salles?
Y aura t-il d’autres films sud-coréens ou japonais qui connaitront la même succès
que les deux dernières Palmes d’Or?

On constate tout de même, une demande nouvelle pour ces films. Peninsula,
la suite du Dernier Train Pour Busan du même réalisateur, est le 16ème film le plus
demandé pour la communauté de Sens Critique en 2020. Aussi le festival du film
coréen constate une augmentation totale de sa fréquentation (+4% par rapport à
2018) alors qu’il se tenait sur 7 jours au lieu de 8 en 2018.

Concernant Taïwan, son cinéma reste encore au balbutiement, sans réelles


politiques culturelles mises en place dans le pays. Certains auteurs ont émergé dans
le passé, mais beaucoup ont adopté une carrière internationale comme Ang LEE.
Aujourd’hui on a quelques films qui s’exportent avec des cinéastes prometteurs,
mais c’est une industrie qui reste encore trop marginale.

Entre une culture extrêmement riche et une influence Chinoise non


négligeable, Taïwan n’a pas encore su trouver sa place. Elle semble pourtant se
positionner dans l’ombre de Hong Kong, à l’heure où la république populaire de
Chine s’empare de plus en plus des libertés du port parfumé, elle pourrait s’imposer
culturellement en promouvant les valeurs d’une république démocratique en Chine.

En étudiant ces trois pays, je me suis rendu compte que leur situation
actuelle pouvait définir les différentes étapes qui permettent à ces cinémas
d’émerger à l’international:

- D’abord Taïwan, qui organise sa première élection au suffrage en 1996 et


qui se libère ainsi de la dictature instaurée par Chiang Kai-chek. La parole s’est
libérée et avec elle une volonté des auteurs de s’exprimer.

- On peut supposer que la Corée du Sud a quelques années d’avance sur la


république de Chine. Pays démocratique depuis 1980, on a vu l’émergence
d’auteurs fin des années 1990 et 2000 et revendiquer un cinéma national.

96
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Aujourd’hui de réelles politiques culturelles permettent d’exporter ces oeuvres à


travers le monde.

- Bien que le Japon a tardé à mettre en place ce genre de politique avec


n o t a m m e n t l e m a n g a c o m m e l e r a p p e l a i t J u l i e n B O U VA R D
«  L’INTERNATIONALISATION DE LA CULTURE POPULAIRE JAPONAISE ET LES
PARADOXES DU COOL JAPAN »10, il a aujourd’hui un cinéma reconnu et apprécié
par un public international grâce à une culture qu’ils ont su accompagnée,
promouvoir et expporter à l’étranger.

Il est important de noter que ce modèle est purement théorique et s’appuie


sur des suppositions. Il faut garder à l’esprit que ce sont des pays certes aux passés
étroitement liés mais qui n’en demeurent pas moins radicalement différents sur de
nombreux aspects. Un fait que l’on retrouve dans leur culture et leur cinéma. On
peut certes y trouver des similitudes, mais il est difficile d’analyser ces pays dans
leur globalité sans prendre en compte leur différences sociales, culturelles,
politiques et historiques. Cependant ce schéma peut permettre de comprendre
comment peuvent évoluer les industries cinématographiques Taïwanaises et Sud-
Coréenne si elles suivent le modèle japonais qui a pu bénéficier depuis quelques
décennies d’un développement croissant.

10Bouvard, J. (2015). L’INTERNATIONALISATION DE LA CULTURE POPULAIRE JAPONAISE ET LES


PARADOXES DU COOL JAPAN. Monde Chinois. ESKA, pp.84 -91

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

ANNEXES

シネマ
영화
电影院

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Guide d’entretien: L’essor du cinéma d’Asie de l’Est


Entretien avec Thomas PIBAROT

DIRECTEUR DES ACQUISITIONS DU PACTE

Bonjour monsieur Pibarot, je vous remercie de m’accorder un peu de votre temps.


Je me présente je m’appelle Olivier MEUNIER, actuellement en master 2 du
programme arts et industries créatives de Kedge Bordeaux, je suis en pleine
composition d’un mémoire portant sur l’essor du cinéma d’Asie de l’est dans le
monde. En tant que directeur des acquisitions du Pacte, une société importante du
cinéma français, c’était à mon sens important de vous entendre parler de ce sujet.
Pendant environ 1heure, j’aborderai des thèmes et je vous laisserai développer vos
propos. Il ne s’agit pas d’une discussion, mais c’est à vous de m’expliquer comment
vous percevez ce nouvel engouement et quelles en sont les raisons, selon vous?

Thème 1: Thomas PIBAROT

OM: Parlez-moi de votre travail et de la société à laquelle vous appartenez.

TP: Je suis directeur des acquisitions du Pacte, société de distribution, de


coproduction et de ventes internationales du Pacte. 

OM: Vous avez dans votre catalogue des films asiatiques?

TP: On a un catalogue très éclectique et on travaille pas mal avec l'Asie. Kore-Eda
est le réalisateur avec qui on a le plus travaillé réalisateur tout confondu, avec sept
films qu'on a sorti. C'est notre Woody Allen à nous, on sait que tous les deux ans on
va avoir un nouveau Kore Eda à défendre. Avec Manuel Chiche, on avait ressorti en
salle pour le compte de La Rabbia, l'une de ses filières, Les 7 Samouraïs. Au début
on a travaillé en association avec Wild Side et donc Manuel, c'est à dire qu'on co-
achetait et on co-distribuait. On a eu Snowpiercer, personne n’y croyait au début, on
s'est battu pour l’acheter. On l'a eu sur scripte, c'était un gros MG et il a eu un vrai
succès. Après on a eu The Murderer de  Na Hong-jin. D'ailleurs je fais partie des

101
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

personnes qui pensent que Na Hong-jin est un immense réalisateur, il n’a pas encore
cartonné en France. En Corée du sud en revanche The Stranger a fait 10 millions
d'entrées. Mais ça va arriver, faut prendre le temps d'installer les auteurs sur un
territoire. On a fait aussi les deux premiers Detective Dee avec Manuel dans le genre
blockbuster historique. Tu vois ça, tu te dis pourquoi on ne fait pas ça en France ? 
Mais oui on n’aime pas se mettre des frontières, alors il y a des pays avec lesquels
on n’a pas travaillé comme on est fidèle au réalisateur. En revanche depuis qu'on ne
travaille plus avec Manuel Chiche, on en rentre moins mais on adore ce cinéma-là.
Après ce n’est pas toujours simple pour un distributeur. Il y a des films qui sont trop
chers, que l'on ne peut pas acheter, par exemple The Spy Gone North, j'avais vu le
film, j'ai dit au vendeur "J'adore le film, mais je ne saurai pas le sortir". En
l'occurrence c'est Metropolitan qui l'a sorti.  En tant que distributeur, il y a des films
qu'on adore et que parfois on ne peut pas les acheter. Soit parce qu’ils sont trop
chers, soit parce qu’on ne voit pas le potentiel économique. Alors en tant
qu'indépendant, on espère au moins équilibrer mais c'est vrai que le but c'est
d'essayer de gagner de l'argent ou du moins ne pas en perdre, de faire assez
d'entrées pour vendre à canal+, faire des DVD de la VOD et potentiellement une
vente TNT...

Thème 2 : Le cinéma asiatique et les français.



OM: On sait qu’en France la diversité des films proposés a une importance capitale,
est ce que ça facilite l’importation de films d’Asie de l’est?

TP: En France on est un des pays européens qui est le plus ouvert à la diversité du
cinéma. Il y a une réelle demande du public que les distributeurs ont habitué à ce
cinéma du monde.  Il y a toujours eu une niche pour ce marché parce qu'il nous
offrait ce qu'on ne voyait pas ailleurs. Old Boy a changé les choses, tous les
distributeurs ont commencé à acheter des films coréens, chers, trop chers parfois
mais ça ne suivait pas car il n'y avait pas les talents derrière. Il y avait aussi un
plafond de verre, où on ne pouvait pas faire plus que 200 000 entrées. Parce que ce
sont des films qui sortent en VOST, souvent dans des salles Art & Essais et

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

uniquement dans des grandes villes. Et quand Kore Eda et Bong Joon Ho gagnent
la Palme d'Or, on peut se dire qu'on a peut-être brisé ce plafond de verre. Parasite
est sorti en VF après, il a été acheté par France 3. Et ça, c'est assez inédit.
Généralement ce sont des films qui n’intéressent pas la TNT, à part ARTE.

Aujourd'hui encore beaucoup de films japonais et sud-coréens ne sortent qu'en


DVD car pour pouvoir faire de la salle, il faut convaincre les exploitants, qui ont
tendance à être frileux. Tu ne distribueras jamais un film de Naomi Kawase chez
CGR. Car c'est particulier, en dehors des films genre, beaucoup de films sud-coréen
ou japonais s'adressent à un autre marché : ceux qui veulent voyager. C'est souvent
un public plus âgé, dans des grandes villes, qui vont voir des films que j'appelle des
National Geographic. Le film Les Délices de Tokyo de Naomie Kawase s'adresse à
ce public, Notre Petite Sœur de Kore Eda on l’a vendu sous ce prisme. Un public qui
veut voir des cerisiers en fleurs, des kimonos, des ramens... Ces dernières années
ces films ont trouvé un public, ça marche beaucoup dans les circuits Art & Essais,
car en France c'est un public mature, âgé, et tu leur vends une carte postale. C'est
facile à vendre. Ces pays là, ils ont très vite compris qu'au moyen de leurs films
c'était leur culture qui s'exportait. Tout comme les Etats Unis d'ailleurs. 

Il y a cette dichotomie en France entre ce public d'Art & Essais, qui est un public
âgé qui veut voir La Saveur des Ramen, et ce que représente réellement le cinéma
de ces pays-là qui est beaucoup plus jeune, nerveux... et pour ces films-là tu as plus
de mal à trouver des salles en France. 

OM: Du coup ils se retrouvent directement en DVD ou bien sur les nouvelles
plateformes de SVOD?

TP: Les nouvelles plateformes de SVOD, comme Netflix ils sont constamment en
recherche de nouveaux marchés. Et ils s’intéressent énormément au marché
asiatique parce qu’il y a plein d'opportunités pour eux. Alors ça a commencé en
finançant Okja, Psychokinesis de  Yeon Sang-ho réalisateur du Dernier Train Pour
Bussan, la série avec les zombies avec Kingdom. C'est vrai que ça permet une
démocratisation et un accès plus facile. On l'a vu avec Case De Papel, ça eu

103
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

comme incidence de pousser beaucoup de personnes à découvrir et à apprendre


l'espagnol. C'est surréaliste, c'est devenu tellement mondial et ça a pris une
ampleur pour une série espagnole... Mais parallèlement, je trouve qu'ils font mal leur
travail, ils n'annoncent pas leurs films, il faut savoir que tel film coréen est sur Netflix
pour aller le chercher, on a aucune idée des films qui marchent, il y a cet algorithme
dont on ne sait rien... Et puis il ne faut pas se leurrer, si Netflix a prit Bong Joon Ho,
Alfonso Cuaron, Martin Scorsese c'est pour faire leur pub. Bon, je ne suis peut-être
pas très objectif, mais c'est mon avis. Après toute démocratisation d'accès au film
est une bonne chose. Quand Vincent Maraval décide de mettre tous les films du
studio Ghibli sur Netflix c'est une bonne chose.

Thème 3 : Les Festivals et les marchés du film

OM: Pouvons nous aborder la représentation des films asiatiques sur les marchés
internationaux et les Festivals?

TP:  Il y a énormément de festivals dédiés à ce cinéma en France comme le festival


du film asiatique de Vesoul ; le festival des trois continents ; le festival du film Sud-
Coréen à Paris... Il y a longtemps eu le festival du film asiatique de Deauville qui
correspond à cette vague où tout le monde voulait voir des films de ces pays-là
dans les années 2000. Et les festivals sont essentiels. Sans Cannes on serait peut-
être tous passés à coté d'Old Boy. Je me souviens de la projection, je n’ai pas parlé
pendant 45min après avoir vu le film. On a besoin de festival et de Cannes en
premier lieu. Mais il faut que la presse suive pour ensuite qu'on puisse convaincre
les exploitants. Les festivals donnent une visibilité et la presse valide, ou pas, et
après quand vous allez voir des exploitants frileux c'est beaucoup plus facile de les
convaincre de prendre le film. Il y a 600 films qui sortent par an en France, pour
exister il faut y aller. Et d'ailleurs si on reprend ce chiffre, l'an dernier il n’y a peut-
être eu que 5 films coréens distribués en France. Alors même s'ils s’importent peu,
on en entend beaucoup parler. Parce que c'est un public de niche très fort, il y a une
vrai appétence pour ces films-là.

104
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Le cinéma coréen est un cinéma qui a beaucoup existé et dont on ne connaissait


rien. Il y a trois ans, le festival des trois continents a fait une rétrospective et on a
découvert un mélo en Technicolor des années soixante qui était top et dont le nom
m'échappe.

C'est un cinéma qui a conquis la France grâce à des réalisateurs comme Park Chan
Wook et Bong Joon Ho reconnus par la presse et les grands festivals. Cannes joue
d'ailleurs ce rôle d'incubateur. Et petit à petit la niche s'est agrandie pour arriver à
Parasite. Le rôle des festivals est prédominant là-dedans. Il faut que la presse suive,
et elle suit quand il y a des festivals qui font confiance aux films, puis il faut
évidemment un succès public. 

Concernant le cinéma Japonais, Il y a eu Une Affaire De Famille qui a été un succès.


Mais si on reprend la filmographie de Kore Eda, Nobody Knows était à Cannes il y a
quinze ans et il faisait 150 000 entrées. Pyramide qui avait distribué Still Walking, et
ils n'ont pas voulu de I Wish, on a donc pu le récupérer et on l'a accompagné
jusqu'à Une Affaire de Famille. On a su être fidèle à ce réalisateur. Parce que tu
creuses un sillon, il faut installer les auteurs, il faut habituer les exploitants, la presse
et les festivals. Quand on sort I Wish en 2011,  on fait 50 000 sur 15 copies. Un
succès de niche. Avec Après La Tempête, Cannes hésitait à sélectionner le film au
départ. C’est le président de GAGA, Tom Yoda, (ndlr: distributeur du film au japon)
qui va voir Christian Jeune pour le convaincre de le sélectionner. On finit en
compétition à un certain regard. Et nous au Pacte on l'a fait venir en France, alors
qu’il ne parle ni français ni anglais. Mais on lui a fait rencontré la presse. C’est hyper
important que les talents voyagent pour défendre leurs films. Bong Joon Ho vient
toujours, Kore Eda c'est pareil pour tous ses films on l'a fait venir, même s’il ne parle
ni anglais ni français. Ça permet aux différents acteurs du secteur de connaitre les
réalisateurs et de s'habituer à eux. Il faut les installer sur le territoire. Et quand on
arrive avec Une Affaire de Famille, la Palme c'est à la fois parce que le film est très
bon évidemment mais aussi parce qu'on a installé le réalisateur depuis presque dix
ans en France. Nous on a pris la décision de sortir le film en décembre 2018, alors
qu'habituellement les palmes sortent entre fin Août et début novembre, parce qu'on

105
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

savait que le film était relativement accessible et que c'est un film de famille pour la
famille. Et on a eu raison, le film a fait plus de 800 000 entrées. Alors bien entendu la
palme a donné un éclairage considérable au film mais c'est aussi en partie dû à tout
le travail qu'on a fait depuis I Wish et qu'il y a 15 ans de films de Kore Eda sortis en
France avant. Pour qu'une cinématographie explose vis à vis d'un public, il faut que
l'industrie s'en empare, que les distributeurs achètent des films et qu'ils prennent le
temps. L'industrie du cinéma japonais a été marquée par le cinéma d'animation il y
a eu la vague de Miyazaki, qui avait fait un million d'entrées, puis il y a eu Hosada,
ou  Makoto Shinkai. Mais c'est vrai que sur la fiction hormis, Kore Eda et  Ryusuke
Hamaguchi il manque encore des auteurs. 

On attend tous que le cinéma indien prenne, et il y a eu plein de tentatives avec les
films d'Anurag Kashyap par exemple, mais il n'y a jamais eu de vrai
accompagnement de ses auteurs et surtout une pédagogie vis à vis du public, des
festivals et de la presse qui a été faite.

OM: Et sur les marchés des films?

TP: La présence des films asiatiques sur les marchés de films c'est la même depuis
10 ou 15 ans. Il y a toujours eu des asiatiques à Cannes, c'est d'ailleurs la force de
Cannes ; tu en as eu un temps à Venise. En revanche je pense que sur les prochains
marchés du film, il va y avoir une vraie demande à voir les films coréens, parce que
c'est comme ça que marche l'industrie, tout le monde va vouloir avoir le nouveau
Parasite. Ça ne veut pas dire forcément qu'on va tout acheter mais au moins on va
voir un peu plus. Ça c'est une très bonne nouvelle.

Thème 4: Le cinéma d’Asie de l’Est aujourd’hui

OM: Selon, peut on parler d’un nouvel essor du cinéma asiatique?

TP: D'un point de vue historique le japon sort de la deuxième guerre mondiale
ravagé et détruit. C'est la fin de l'empire, ils se prennent deux bombes atomiques, et

106
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

ils expriment un besoin de s'exprimer, ils se reconstruisent petit à petit. Il y a très


vite eu un gros marché national sur un petit îlot. Ils ont réussi à exporter en Asie et à
l'étranger. On a grandi en France et Europe avec les films d'Akira Kurusawa, de
Yasujirō Ozu et tous les grands noms du cinéma japonais. Le cinéma d'auteur
japonais est apparu très tôt, même si Kurosawa faisait des blockbusters, il y avait
tout un cinéma de genre très hyper varié. C'est important de savoir qu’ils ont un
mode de production très différent de la France. Nous c’est hyper encadré par le
CNC, là-bas ils sont beaucoup plus indépendants au sens large du terme. Ils ont
toujours un sentiment d'urgence à tourner. Si on prend la filmographie de Takashi
Miike, il a dû faire plus de 120 films. Que ce soit des films en 35mn, des gros
budgets comme les 13 assassins, le remake d'Hara-Kiri... Et ça c'est influencée par
leur histoire et la présence américaine. Et c'est pareil pour la Corée, il faut se
rappeler que jusqu'en 1987 la Corée du sud c'est une dictature militaire. Et leur
histoire à énormément influencer également leur cinéma. Si la Corée du Sud a ce
goût très prononcé pour le genre c’est parce que c’est un moyen pour les auteurs
d'exprimer leurs pulsions et tout ce que tu n'as pas le droit de dire. Pourquoi en
France, par exemple on a beaucoup moins de films de genre qu'en Espagne ou en
Italie, tout simplement parce que ces deux pays ont vécu des dictatures fascistes.
C'est lié. Mais oui pour résumer, le cinéma japonais, il y en a toujours eu, aussi
parce que leur cinéma a été souvent coproduit par des européens. Ran par exemple
était co-produit par un français. Après il y a eu l'émergence du cinéma sud-coréen,
vers la fin des années 1990 et les années 2000. A cette époque on voyait arriver sur
les marchés des films qu'on avait vu nulle par ailleurs. Mais il a fallu du temps. Par
exemple on parle beaucoup de Bong Joon Ho, il faut rappeler que Memories of
Murder n'a été dans aucun grand festival. Aujourd'hui ça serait impossible. Je me
souviens, sur les marchés on allait voir les films asiatiques parce qu’il y avait une
facture, déjà parce que notamment sur le cinéma coréen, c'est de très bons
techniciens. Il y a eu un emballement, avec Old Boy notamment, qui n'a pas eu la
palme mais le grand prix. Mais même avant ça, on avait pris une claque à Venise en
découvrant  Sympathie for Mr. Vengeance. C'est des films ultra violents qui sont
remplis de cinéma, qui osent et qui sont bouleversants.  A Bittersweet Life de Kim
Jee Woon est à la fois ultra violent et hyper romantique. Il y a eu un vrai

107
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

emballement, depuis les années 90-2000 et il y a plein de distributeurs qui se sont


mis à acheter tout et n'importe quoi, les prix des MG se sont emballés. Old Boy a
radicalement boosté le marché en faisant 150 000 entrées et qui vend, alors je n’ai
pas les chiffres exacts mais ça doit être 100 000 DVD. Et le film est devenu culte.
Pour le Japon il y a eu Takeshi Kitano, c'est assez drôle, car nous en Europe ont l'a
érigé comme un auteur, car on a vu Sonatine, Mélodie Mortelle à Un Certain Regard
à Cannes, puis, Hana-Bi à Venise et après l'Été de Kikujiro qui était en compétition à
Cannes. Mais il faut savoir qu'au Japon c'est l'équivalent de Cyril Hanouna en
France. 


Par rapport cet appétence pour le cinéma asiatique, en France il y a toujours eu une
curiosité. Dans les années 1970, ce sont les films de Bruce LEE qui attiraient les
foules. Bruce LEE deviendra une star mondiale tout comme Jackie CHAN plus tard.
Les films de Kung Fu et de Karaté ont fait des millions d’entrées à travers le monde.
Alors il y a eu du bon et du moins bon, il y avait peu de cinéma d’auteur. Certains
ont essayé comme les films de Jackie Chan, mais bon on regardait ça un peu en se
pinçant le nez. Mais il faut se rappeler que durant le festival de Cannes de 1975 il y a
eu A Touch Of Zen de King YU qui a été récompensé. Et au delà de ça l’influence du
cinéma asiatique est depuis de nombreuses années considérable et ne date pas
d’hier. Si on prend le cinéma d’Hong Kong, beaucoup de cinéastes s’en sont
inspirés, Matrix en est le parfait exemple. Hong Kong était un petit territoire mais qui
produisait plus d’une centaine de films par an avec une créativité de dingue. Hong
Kong était déjà un espèce de maelstrom ultra créatif, avec entre autres comme
réalisateurs Ringo LAM, Fruit CHAN, Kirk WONG […]. Ces réalisateurs sont d’ailleurs
tous partis aux Etats Unis pour réaliser des films, avec parfois plus ou moins de
succès et on constate cette même tendance chez les acteurs comme Chow YUN-
FAT qui est une énorme star dans son pays qui a également eu une carrière
américaine. C’est vrai que depuis la rétrocession a un peu périclité.

Mais s’il y a quelque chose de commun dans les cinémas des pays d’Asie de l’Est,
c’est cette capacité à mélanger les genres. On a souvent des films très violents et à
la fois ultra sentimentaux. En Europe c’est un cinéma pas blasé, mais plus mélo

108
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

disons. En Corée, il font un vrai mélange des genres, nous on a tendance à regarder
ça avec un oeil un peu naif, mais c’est un vrai-savoir faire. 


C'est vrai qu'il y a eu un vrai développement du cinéma japonais, on y a cru, mais


malheureusement après Kurosawa, Miyazaki ça s'est tassé car il y a un manque de
renouvellement des talents. Pareil pour les films coréens en France ils ont fait de
moins en moins d'entrées. Mais c'est vrai que depuis 5 ou 6 ans ça reprend, de
nouveaux talents reviennent. Ils reviennent parce qu’ils commencent à être reconnus
par la presse et les festivals. Mais ça prend du temps, par exemple Bong Joon Ho il
faut attendre dix-sept ans entre Memories of Murder et Parasite. Parasite est le plus
gros succès d'un film coréen en France. Depuis les années 1990 il y a eu deux films
asiatiques qui ont dépassé le million d’entrées : The Mood For Love qui a fait plus
d'un million d'entrées qu'en VO et Tigre et Dragons, qui n'a pas marché en Asie
d'ailleurs. 

Pour la Corée à l'époque, il y avait un gros marché vidéo. Les films de genre
coréens faisaient des cartons en DVD parce que c'était le seul cinéma où on avait
cette esthétique de la violence. Et c'était pareil pour le cinéma japonais, les films de
Yakuza. C'était une autre cinématographie pour nous, vis à vis de nos goûts
occidentaux. Il y avait cette violence, mais aussi un mélange extrême des
sentiments. Sans oublier la sexualité qui est montrée et exprimée. Là encore ce goût
pour le genre, pour cette sexualité crue, c'est extrêmement lié à leur histoire. Ce
sont des pays qui ont connu des gouvernements autoritaires dans le passé et cela a
eu une grande influence sur eux. Dans leur culture ce sont des peuples très
disciplinés, réservés, obéissants et le cinéma pour eux c'est un exutoire. Le genre
c'est un moyen de faire passer des messages.

De plus la Corée a un cinéma national qui est hyper important, qui marche mieux
que le cinéma américain chez eux. Le cinéma coréen fait plus d'entrées que les
blockbusters américains. Alors c'est aussi parce qu'ils ont un système qui est en
partie inspiré du CNC et qui protège énormément leur cinéma, mais aussi parce
qu'ils ont mis en place des quotas dans leurs salles pour limiter l'importation des

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

films étrangers. Mais les films qui marchent chez eux, ils ne sortent pas en France
ou uniquement en DVD. Par exemple A Taxi Driver est un film sud-coréen qui a fait
peut-être plus de 12 millions d'entrées chez eux et qui n'est sorti qu'en DVD chez
nous. Et ça c'est parce qu’il faut qu'il y ait un prisme de cinéma d'auteurs. Pour
nous les cinémas coréens, le cinéma japonais, il faut que ce soit par le biais d'un
réalisateur reconnu. On fait un peu cet amalgame, qui n'est pas très grave : cinéma
asiatique / cinéma d'auteurs. Mais leur cinéma est beaucoup plus large que ça. Et
c'est pareil au japon, leur industrie se porte très bien, c’est un peuple de cinéphiles
en 2019 c'est 200 millions de spectateurs et 230 pour la Corée du sud. 


L'industrie cinématographique japonaise a beaucoup été dopée par l'animation.
Leur industrie a rayonné à l'internationale sur toute une génération. Moi c'était
Goldorak, mais le club Dorothée ou Miyazaki a marqué toute une génération. Alors il
y a eu un creux, entre les années 90 et 2000 puis il y a eu Eurozoom en France qui a
fait un gros travail sur l'animé japonais. Et c'est toujours parlant ça, ils ont sorti Les
Enfants Loups d'Hosada et ils ont fait 200 000 entrées puis quelques années après
Gaumont a acheté Le Garçon et la Bête et Wild Bunch a pris Miraï. Il s'est passé la
même chose sur Your Name de Makoto Shinkai qu'a aussi sorti Eurozoom et qui a
cartonné, son film suivant Les Enfants du Temps c'est BAC FILMS qui l'a eu. Ça
prouve que c'est un marché qui a du potentiel et que tout le monde s'y essaye.
C'est Eurozoom qui a fait ce travail de défrichage, mais tu sais bien "les
distributeurs sont des tueurs". Mais c'est un important pour un distributeur de
défricher. Nous au Pacte on a la chance d’avoir trouvé Kore Eda, Manuel Chiche suit
Bong Joon Ho depuis quelques temps, même si ça lui ai arrivé de changer de
distributeur, Diaphana a  Lee Chang-dong, et il y a même des société qui se sont
spécialisée dans le cinéma asiatique. Comme Art House et le cinéma japonais. Et le
but c'est d'imposer ces réalisateurs pierre après pierre, film après film. On cherche
aujourd'hui des nouveaux réalisateurs. On a besoin d'explorer et de faire ce
défrichage. Tout le distributeur cherche le nouvel Almodovar, le nouveau Park Chan
Wook... Il n'y a pas beaucoup de nouveaux territoires à explorer aujourd'hui, dès
qu'il y en a un qui émerge il est très vite pris. Chaque distributeurs a sa spécificité
mais c'est parfois compliqué de trouver des projets audiovisuels.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Pour résumer: L’émergence elle arrive avec la vague coréenne dans les années
2000, mais elle ne s’est pas faite toute seule.

J'espère que le succès de Parasite va amener la curiosité pour le cinéma coréen et


asiatique de manière plus large. Le film est sorti dans de gros circuits et c'est très
rare pour un film asiatique. Et il montre en tout cas, avec son succès au États Unis,
qu'il y a maintenant un public qui sera peut-être plus enclin à voir des films sous
titrés. En France on a de la chance on est assez habitué dans d'autres pays ce
n’était pas le cas. 

OM: Merci en tout cas pour cet entretien. Ce fut un plaisir d’échanger avec vous.

TP: Avec plaisir, À bientôt.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Guide d’entretien: L’essor du cinéma d’Asie de l’Est

Entretien avec Amel LACOMBE

PRÉSIDENTE D’EUROZOOM

Bonjour madame Lacombe, je vous remercie de m’accorder un peu de votre temps.


Je me présente je m’appelle Olivier MEUNIER, actuellement en master 2 du
programme arts et industries créatives de Kedge Bordeaux, je suis en pleine
composition d’un mémoire portant sur l’essor du cinéma d’Asie de l’est dans le
monde. En tant que directrice d’Eurozoom, distributeur en partie spécialisé dans
l’animation japonaise, c’était à mon sens important de vous entendre parler de ce
sujet. Pendant environ 1heure, j’aborderai des thèmes et je vous laisserai développer
vos propos. Il ne s’agit pas d’une discussion, mais c’est à vous de m’expliquer
comment vous percevez ce nouvel engouement et quelles en sont les raisons selon
vous.

Thème 1: Amel LACOMBE

OM : Parlez-moi de votre travail et de la société à laquelle vous appartenez

AL : J'ai en effet pas mal de films japonais dans mon catalogue. Il y a quinze ans, je
suis venue au cinéma japonais par frustration du fait de la très faible représentation
de l'animation en France. Je me suis rendue compte qu'il y avait des titres
d'animation japonaise qui avaient un grand succès au Japon et qui ne sortaient pas
du tout en France. À l’époque, on n’acceptait l’animation japonaise que pour
Miyazaki. Les films du studio Ghibli c'était bien le reste on n'en voulait pas. C'est
plutôt par ce biais là que je suis arrivée au cinéma japonais. Chaque distributeur a
besoin d'un pré carré qu’il peut cultiver pour pouvoir grandir. J'avais déjà repéré par
goût personnel ces films qui n'existaient pas au cinéma en France et qui étaient
d'une grande qualité, très diversifiés, très riches et je m’y suis attelée alors qu'à
l'époque personne n'en voulait. Quand j'ai sorti le premier film d'animation japonaise
au cinéma c'était Appleseed, réalisé par Shinji Aramaki qu'on a retrouvé bien plus

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

tard dans un grand succès qui était Albator, à l'époque où je l’ai sorti tout le monde
m'a dit mais « ça c'est pour le club Dorothée, on n'en veut pas de tes robots on ne
veut pas de ton film... ». Ça a été une très longue traversée du désert pour creuser
un sillon qui aujourd'hui est reconnu. Le marché de l'animation japonaise, hors
Miyazaki, est reconnu comme un vrai marché de cinéma. Je suis plutôt partie du fait
qu'en France, il y a une communauté qui a été biberonnée par quelque chose à
l'époque qui avait très mauvaise réputation puisque Ségolène Royal et autres
politiques avaient demandé à ce que ça soit interdit : c'était l'animation japonaise
dans le club Dorothée. C'est tout de même quelque chose qui a marqué vraiment
toute une génération, qui était complètement nouveau à l'époque. Cela a permis aux
jeunes de s'ouvrir sur une nouvelle culture. Aujourd'hui ces gens-là ont grandi et on
les retrouve par exemple tous les ans en masse à la Japan Expo. Cette cible-là est
très attentive à tout ce qui est l'animation japonaise, mais aussi à tout ce qui est
culture japonaise. Je pense que c'est une cible très forte, demandeuse et fidèle.
C'est plus large que le cinéma. Je me suis appuyée sur ce public nippophile au sens
large pour imposer, non sans difficultés, auprès des salles et de la presse généraliste
le cinéma d'animation japonaise et cela a été une vraie épreuve. Aujourd'hui j'estime
que c'est vraiment Eurozoom qui a créé le marché de l'animation japonaise hors
Ghibli en France. Bon, maintenant je suis dans la phase de revers de médaille, c'est
-à-dire que j'ai montré que c'était un marché qui avait du potentiel et j'ai face à moi
des surenchères énormes en termes de prix, on me prend les auteurs après trois ou
quatre films, etc. Donc c'est à la fois réconfortant parce que ça prouve qu'on a fait
le travail mais c'est aussi un petit peu ingrat parce qu’on nous laisse faire le
défrichage et quand ça devient bancable d'autres viennent. Après ce n’est pas
toujours satisfaisant pour eux parce que les gens qui nous ont piqués, Hosoda ou
Makoto Shinkai on fait moins que nous sur les entrées de films qui étaient pourtant
beaucoup plus attendus là où le travail de découverte avait déjà été fait. Cela prouve
que ce n'est pas si simple que ça. Je pense qu’on reste, pour la presse, les
partenaires médias, les salles, et autres, un interlocuteur privilégié puisque nous, on
en a fait notre spécialité. On a sorti 42 films d'animation japonaise au cinéma. On ne
le fait pas par opportunisme, c'est-à-dire qu’on ne se focalise pas sur les auteurs
une fois qu’ils marchent. On fait tous les premiers films, on accompagne des

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

réalisateurs sur leur premier, deuxième et troisième film, plus si on nous laisse, mais
bien souvent après on est obligé de s'arrêter parce que les enchères sur les MG
sont complètement délirantes. On a la volonté de cultiver un sillon, qui est le sillon
de l'animation japonaise au cinéma et on le fait parce qu'on connait ce milieu, on
connaît cette culture, on est attentifs aux nouveaux projets, on a fait des choix
éditoriaux et on a une ligne. Quand on sort des choses extrêmement compliquées
comme par exemple la version restaurée de Belladonna qui est un film culte et qui
avait complètement disparu, on a fait le travail jusqu'au bout même si on sait qu'on
va faire vingt mille entrées. Il y a vraiment tout ce travail de fond qui est très
satisfaisant à faire.

Thème: Un nouvel Essor du cinéma asiatique

OM : Au vu, entre autres, les deux dernières palmes d’or qui sont des films
asiatiques, qui ont rencontrées un certain succès en France et à l’international, et il y
a quelques temps de Your Name, est-ce que c’est un nouvel engouement pour le
cinéma asiatique plus particulièrement le cinéma japonais ?

AL: D’abord, le cinéma comme un peu tous les milieux du divertissement ou même
de la pop culture ou encore de la culture générale marchent par vagues, par cycles.
Le cinéma japonais et le cinéma asiatique de manière générale a déjà été à
l'honneur dans les festivals il y a plusieurs décades. On se souvient par exemple de
la sortie de Ran en 1984, ou des films japonais qui ont marqués leur époque donc je
pense que ce n’est pas nouveau, ce n’est pas une découverte. Après je pense aussi
qu'il y a un côté grégaire, ce n’est pas un jugement de valeur, je pense que ce sont
des modes qui s'auto entretiennent par les festivals. Comme il y a des films
asiatiques qui marchent du coup il y a des réalisateurs asiatiques qui prennent de
l'ampleur, ainsi les festivals les sélectionnent, du coup comme les festivals les
sélectionnent, ils sortent en salles plus gros. C'est une espèce de cercle vertueux,
tant mieux d'ailleurs. C'est comme ça que ça fonctionne. Je pense que ce n'est pas
unique, c'est arrivé dans le temps. Il y a simplement des vagues. À un moment le
cinéma polonais était en avant de même pour le cinéma roumain. Autre exemple, on

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

a connu une grande période du cinéma italien puis après ça s'est arrêté puis ça
revient un petit peu de temps en temps avec Gomorra. C’est vraiment cyclique, il y a
des auteurs qui émergent, qui sont récupérés par des festivals, ils deviennent des
gros auteurs, ils vont aux oscars, etc.

OM: Vous nous avez bien détaillé les raisons qui vous ont poussées à vous
intéresser aux cinémas d'animation japonaise, est-ce-que le succès des films du
studio Ghilbi en France vous a également motivée à vous intéresser à ce cinéma ?

AL: Non pas du tout, si vous voulez, en tant que distributeur indépendant on a
besoin de se développer et pour cela il faut aller chercher de nouveaux auteurs.
Personne ne va vous laisser les Woody Allen, les Clint Eastwood ou les Ken Loach,
tous les auteurs sont pris donc si vous voulez développer votre activité en tant
qu'indépendant, il faut aller chercher son propre territoire. Il se trouve que moi j'ai
toujours été très attirée par la culture japonaise et j'ai vu qu'il y avait des films qui ne
sortaient pas et c'était essentiel pour moi d'aller sur un territoire inconnu. Encore
une fois chaque distributeur a besoin de cultiver son jardin pour pouvoir grossir. J'ai
donc choisi naturellement l'univers du cinéma d'animation japonaise, car il y avait un
vrai potentiel. En effet quatre films d'animation japonaise étaient produits et
sortaient au Japon et nulle part ailleurs.

OM: Vous évoquiez plus tôt la difficulté à laquelle vous avez été confrontée au début
de votre aventure avec le cinéma d'animation japonaise. En effet, il souffrait d'une
image assez négative et de stéréotypes très encrés notamment chez les exploitants.
Comment s’est passé ce travail de pédagogie pour faire changer les mentalités ?

AL: C'est comme toujours, pour que les gens s'intéressent à un secteur il faut déjà
s'y intéresser soi-même et se donner les moyens. Dès le début on a fait venir les
réalisateurs par exemple Hosoda, tout le monde aujourd'hui le connaît parce qu'il
était à Cannes. On l'a fait venir pour son premier film qui était : La Traversée du
Temps, personne absolument ne le connaissait. Le film était absolument magnifique,
donc on avait des partenaires qui ont joués le jeu comme par exemple UGC qui

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

nous a fait confiance dès le début sur cette cible, on a fait une grosse avant-
première aux halles, on a fait des press junket, etc. Les gens ne sont pas contre
dans le fond, c'est juste que tant qu'on ne leur a pas montré ils ont des aprioris,
mais c’est une fois qu'on leur montre les choses qu'ils voient que la qualité est là,
que les réalisateurs ont des choses intéressantes à dire, les choses évoluent petit à
petit. Après ça ne se fait pas du jour au lendemain, il faut du temps et des étapes.
Quand on a sorti La Traversée Du Temps on a eu 50 salles, Gaumont l’a récupéré,
car ils ont vu qu'il y avait justement de grosses entrées sur les films suivants, ils l’ont
sorti dans 180 salles forcément une grande partie étaient les leurs, mais c'est
marrant parce qu’à l'époque ils avaient refusé de sortir le premier film de Hosoda.
Pour faire simple, les players dans un marché qui sont sur des positions au
mainstream, attendent que vous ayez fait vos preuves et que vous deveniez
bancable pour vous suivre. Ça c'est un peu la règle du jeu, par exemple, en France
le distributeur qui a fait connaitre Almodovar ce n’est pas Pathé, c'est une petite
société qui a disparue depuis. C'est une habitude et c'est le sort de la distribution
indépendante. Souvent la R&D est faite par de petites entreprises que peu de gens
soutiennent commercialement parlant et puis quand la preuve est faite de la qualité
des films, les auteurs sont récupérés par des plus grosses boîtes, c'est comme ça…

OM: Vous vous êtes spécialisée dans le film d'animation japonaise, vous nous l'avez
bien détaillé, mais vous manifestez aussi un intérêt pour le film de fiction japonais...

AL: Oui, j'ai aussi des films de fiction par extension. J'ai vraiment travaillé sur le
japon, puisque j'y vais régulièrement, je suis aussi en contact avec la fiction. Par
exemple on a fait trois films de Kiyoshi Kurosawa, des premiers films comme Jesus
d'Hiroshi Okuyama en décembre dernier. On part du principe qu'une grande partie
de la cible de l'animation japonaise n'est pas nécessairement que focalisée sur
l'animation, mais est nippophile avant tout, c'est ce qui nous motive à nous
intéresser à la fiction. C'est évident que les gros auteurs comme Kore Eda on ne va
pas pouvoir y toucher, car ils sont déjà pris et ce n’est pas notre objectif de voler
des talents. Concernant les films coréens on est en revanche pas du tout sur ce
marché et je n'ai pas grand-chose à dire dessus puisque je ne le connais pas. Je

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

pense que ça demande une certaine proximité et donc moi sincèrement je n'ai pas
vocation à m'élargir à d'autres pays d’Asie du sud-est. J'ai un très bon relationnel
avec le Japon, sauf coïncidence ou hasard je n'ai pas vocation à sortir des films
d'autres pays d’Asie du sud-est, c'est plutôt le cinéma d'animation japonais qui
m'intéresse.

Thème 3: Les marchés de films et les festivals

OM: Justement vous parlez de vos relations avec le Japon, comment se passe
l’acquisition de ces films ? Vous vous rendez sur des marchés de films ? Ce travail
de défrichage doit parfois être fastidieux, faire émerger des premiers films d’auteurs
étrangers ne doit pas être simple. Il faut savoir trouver le talent, comment ça se
passe pour vous ?

AL: Alors c'est pas toujours le cas, mais c'est vrai qu'on fait beaucoup de premiers
films. Avec le Japon, le marché de l'animation est tel que ce n’est pas en allant à
Cannes que vous allez nouer un contact. Ce sont des gens qui apprécient un
contact plus privilégié. Il faut aller au japon pour les connaître personnellement. On
n’a pas leurs coordonnées sur Imdb, ils sont assez inaccessibles, c'est donc
important d'avoir un certain relationnel. Nous, on s'est donc créé un réseau petit à
petit mais c'est très compliqué, il faut montrer patte blanche. On a dû faire nos
preuves. Avec Appelseed, le premier film d'animation japonaise qu'on a distribué en
France, on a fait une vraie sortie digne de l'œuvre en question. Cela comprenait pub,
affichage et un gros travail éditorial. Et même si on n’a fait que 50 000 entrées, on a
montré qu'il y avait un marché en France. En ayant ça à notre actif on a pu aller
convaincre les gens petit à petit. Aujourd'hui on connaît vraiment tous les studios
d'animation japonaise, tous les intermédiaires, toutes les grosses boîtes et c'est
vraiment quelque chose de très particulier. Mais ce n’est pas sur les marchés
internationaux qu'on peut nouer ce genre de contacts. Ça c'est pour l'animation,
c'est vrai que pour la fiction ils sont plus dans une logique de vendeurs
internationaux et de rencontres lors des marchés de films.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: Et donc si je comprends bien, les nouveaux talents que vous avez découverts,
c'est en partie grâce à votre carnet d'adresses et aux productions avec qui vous
avez déjà travaillé auparavant qui vous soumettent ces nouveaux auteurs ?

AL: Exactement, généralement on achète nos films avant qu'ils ne soient finis donc
on discute avec les différents ayant-droits sur place au Japon. On a un relationnel
qui est tel, qu'ils nous tiennent au courant de leurs projets, on décide de suivre ou
pas ou d'attendre de voir un peu plus... Mais généralement on achète les films avant
même qu'ils ne soient finis.

OM: Et existe-t-il un marché du film spécialisé dans l'animation japonaise?

AL: Il y en a, mais il faut aller au Japon. Mais en réalité il y a très peu de gens qui
sont accrédités. C'est une dynamique complètement différente, si vous allez à
Cannes au marché du film, il va y avoir des japonais en effet, mais c'est très difficile
de créer le contact avec eux si vous ne les connaissez pas déjà et d'avoir des infos
sur leurs projets. C'est vraiment un marché pour les initiés. C'est un secteur
compliqué. Et même concernant ces marchés au Japon, ils restent très fermés. Ce
sont des espèces de réunions qui se tiennent à Tokyo tous les ans. Il y a très peu
d'informations dessus, c'est sur invitations et ce sont des rendez-vous qui se font
de pair à pair. Au début on n’y était pas du tout nous, il a fallu que l'on fasse nos
preuves pour qu'on y être accueilli. Mais c'est très spécifique au secteur de
l'animation japonaise. Pour la fiction c'est beaucoup plus normalisé. Mais il faut
savoir que pendant très longtemps les films d'animation japonaise ne sortaient en
salle nulle part ailleurs. C'est un marché qui s'est développé à l'international parce
qu'il y a eu des ayant-droits locaux, comme nous en France, qui ont fait le travail.
Mais par exemple les japonais préfèrent vendre leurs films d'animation eux-mêmes.
Ils n'aiment pas confier leurs films à des vendeurs internationaux.

OM: Sur un autre sujet, concernant les festivals de films d'animation, quelles sont
vos relations avec ces derniers?

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

AL: Alors, pour l'animation, le festival clé au niveau international c'est Annecy.
Nous ,c’est notre rôle en tant qu'ayant-droits français de proposer des films à
Annecy. L'an dernier (ndlr: 2019) Eurozoom était le distributeur qui avait le plus de
films à Annecy, on avait cinq films en sélection officielle parce que justement on a
une très large gamme de films, et pas que du japonais. Par exemple, Bunuel Après
l’Age d'Or, un film d'animation espagnol a eu le prix du jury. Concernant l'animation
japonaise, on a essayé de montrer depuis le début que l'animation ce n'est pas que
pour les enfants. Elle s'adresse même au contraire plutôt aux ados adultes. On a
donc aussi dû faire tout ce travail d'éducation parce que beaucoup d'exploitants (et
c'est le cas encore aujourd'hui) pensent que l'animation c'est réservé aux enfants le
mercredi après-midi.

OM: Et dernièrement constatez-vous un engouement plus fort pour le cinéma


d'animation japonais dans ce genre festival ?

AL: Vous savez, Annecy c'est un festival d'animation pur et dur avec des gens qui
apprécient énormément l'animation japonaise et l'animation en général. On n’a pas
de grandes difficultés à faire sélectionner nos films à Annecy. Mais ce n’est pas
parce que vous avez un succès dans un festival que le succès est commercial. Avec
Annecy on a un partenariat à long terme depuis longtemps et on a toujours un très
bon accueil de nos films.

Thème 4: La subtilité du cinéma d’animation japonaise

OM: Vous disiez que le cinéma d'animation japonaise était majoritairement destiné à
un public adulte et adolescent. Pour m’être intéressé brièvement dans le cadre de
ce mémoire de recherche à la littérature du manga, l'une des grandes clés de son
succès c'est la manière dont les japonais ont réussi à segmenter leur marché en
proposant des œuvres destinées à tous types de public. Est-ce qu'au niveau de
l'animation là aussi vous constatez une différence de genres très notable d'un film à
l’autre ?

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

AL: Oui et non, il y a des œuvres qui sont exclusivement destinées à des adultes,
comme Belladonna à la limite du psychédélique, un peu coquin. C'est clairement
pour les adultes. Mais les films qu'on sort et qui ont beaucoup de succès par
exemple Les Enfants Loups de Mamorou Hosada ou Your Name de Makoto Shinkai,
sont absolument tout public et c'est d'ailleurs pour ça qu'on fait des VOSTF et des
VF parce qu'ils sont destinés à tous public. Ça peut aller de sept ans à peut-être
cinquante ans. Justement parce qu’on touche les gens qui ont aimé le club
Dorothée, qui ont été biberonnés à l'animation japonaise et ces gens-là aujourd'hui
ils sont adultes, ils ont des enfants, ils viennent avec eux au cinéma. Je pense qu'au
contraire, les japonais essayent de travailler sur des titres qui parlent largement à
tout le monde. Ce sont de gros investissements et des grosses productions.
Contrairement au manga, ces films coûtent chers. C'est une nécessité économique.

OM: Et comment se positionne l'animation japonaise sur le marché international ?


En quoi ce cinéma-là se différencie des autres films d’animation ?

AL: C'est une question générale, ce n’est pas parce qu' il y a des films de Kore-Eda
qu'il n'y a pas des films de Ken Loach. Chaque film raconte une histoire différente.
Je ne pense pas qu'il y ait une volonté de positionnement par rapport à tel ou tel film
d'animation. Ce sont des films qui ont leur propre culture ou leur propre parcours. Il
n'y a pas de positionnement en fait, chaque film a sa propre aventure créatrice.
L'animation japonaise n'essaye pas de se positionner par rapport à d'autres films
d'animation. C'est un secteur créatif et culturel.

OM: Le mot positionnement est peut-être mal choisi, ce que je voulais vous
demander s’il y a un élément, un style... qui le distingue des autres cinémas. Par
exemple, un film scandinave a son univers, qui est radicalement opposé au cinéma
coréen par exemple. Est- ce que c'est le cas pour le cinéma d’animation japonaise ?

AL: Évidemment, mais cela vient du fait que ce sont des films qui reflètent une
culture. Tout comme on sait tout de suite quand on regarde un Ken Loach ou un
Kore Eda. C'est différent, mais il n’y a pas une volonté de se positionner. C'est un

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

processus créatif différent avec une culture différente. Après, l’animation au Japon
c'est une industrie très ancienne. Les premiers films animés japonais sont apparus,
je crois il y a plus de cent ans. C'est quelque chose de très ancré dans leur culture.
Ce sont des auteurs qui suivent leur processus créatif. Après, nous en tant que
distributeur on ne va pas se positionner face à des Pixar ou des Disney parce qu’on
n’a pas les moyens de rivaliser. Si ces films marchent, il y a de la qualité certes, mais
il y a des budgets faramineux dans la communication, le marchandising... Mais,
l'animation japonaise représente un univers culturel très riche qui est souvent dérivé
du manga mais pas uniquement. Ce sont des films qui représentent la culture
japonaise. Et c'est pour cette raison que c'est facile d'attirer ce public déjà acquis.
C'est vraiment cette cible là qu'on retrouve à la Japan Expo tous les ans en masse.
La spécificité, c'est tout simplement l'univers culturel.

OM: Pensez-vous que les studios ou les artistes japonais ont conscience de cet
attrait du public étranger pour leur culture et jouent donc sur ces codes pour séduire
ce public?

AL: Pas du tout, c'est pour ça que pour moi il n'y a pas de positionnement. Les
créations de ces artistes sont le résultat d'un processus créatif chez eux. Ils n'usent
d’aucun stéréotype, et c'est justement ce qui fait la fraicheur des films japonais. Il y
a souvent une attention aux détails de la vie quotidienne que les gens apprécient
énormément mais ce ne sont pas des stéréotypes. Au contraire il y a parfois des
histoires très difficiles comme quand j'ai sorti un film magnifique de Keiichi Hara, qui
s'appelait Colorful qui aborde le suicide des adolescents. On ne peut pas dire que
ce soit très vendeur.

OM: Et justement qu'ils abordent des sujets violents et durs comme le suicide dans
un film d'animation, c'est quelque choses que l'on trouve assez peu dans d'autres
pays?

AL: Peut-être enfin, enfin après quand vous prenez Ma Vie de Courgette ça parle
quand même d'un gamin qui tue sa mère. Pour moi il ne faut pas voir ces films

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

comme des produits formatés. Ils ne sont pas pensés pour toucher un certain
marché. Ce sont des expériences créatives qui représentent généralement la culture
de leur pays sans des stéréotypes. Au contraire, il y a une volonté de fidélité, de
spontanéité et d'authenticité et c'est ce qui plaît.

OM : Je vous remercie sincèrement pour le temps que vous m’avez accordé. Ce fut
un échange très enrichissant pour moi, qui contraste avec ce que j’ai pu étudier
jusqu’à présent. C’était un plaisir d’échanger avec vous. Je vous souhaite une
bonne journée et je vous remercie à nouveau.

AL : Merci à vous. Au revoir.

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Guide d’entretien: L’essor du cinéma d’Asie de l’Est


Entretien avec Bastian MEIRESONNE

Bonjour monsieur MEIRESONNE, je vous remercie de m’accorder un peu de votre


temps. Je me présente je m’appelle Olivier MEUNIER, actuellement en master 2 du
programme arts et industries créatives de Kedge Bordeaux, je suis en pleine
composition d’un mémoire portant sur l’essor du cinéma d’Asie de l’est dans le
monde. C’était à mon sens important de vous entendre sur ce sujet. Pendant
environ 1heure, j’aborderai des thèmes et je vous laisserai développer vos propos. Il
ne s’agit pas d’une discussion, mais c’est à vous de m’expliquer comment vous
percevez ce nouvel engouement et quelles en sont les raisons selon vous. Avant
toute chose m’autorisez à vous enregistrer et à vous citer dans mon travail?


Thème 1: Bastian MEIRESONNE

OM: Parlez-moi de vous et de votre travail.

BM: Je découvre le cinéma asiatique sous l’influence de mes parents. Mon père
avait un lecteur betacam, et une palette de films asiatiques que je découvrais parfois
sans sous-titre. J’ai été fasciné par ce cinéma. J’allais y puiser pour y découvrir un
exotisme qui me fascinait. Adolescent c’était aussi pour voir des films violents. Là
où tous mes amis adoré Die Hard, je m’ennuyais profondément on ne voyait pas une
seule goutte de sang alors que dans le cinéma coréen ou japonais c’était l’inverse.
Des têtes explosaient en gros plan, vous rajouté à ça des japonaises aux seins nus,
l’adolescent que j’étais, était comblé. Mais au delà de ça c’était surtout la
découverte de sujets qui m’intéressait et la manière dont les cinéastes racontaient
les histoires. En Asie on ne suit pas forcément un modèle de scénario classique
comme on peut le voir avec les Etats Unis, les ressorts dramatiques ne sont pas les
mêmes. En effet la notion de héros/Anti-héros est plus floue. Il n’est pas rare de se
questionner quand on regarde un film coréen sur les valeurs du personnage
principal que l’on suit. Mon désir de découvrir tout ce cinéma dont il était difficile

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

d’avoir accès en France, s’est développé et ça s’est accentué avec l’âge. Durant de
nombreux voyages en Asie, je revenais avec des valises de films asiatiques, je me
souviens aussi avoir fait des allers retours au Chinatown de Londres pour acheter un
film de Park Chan Hook. Cela faisait partie de mon expérience. C’était des cassettes
que j’usais. J’ai voulu plus tard allier ma passion à mon travail et j’ai collaboré à la
rédaction de trois magazines autour du cinéma asiatique, j’ai réalisé un
documentaire et puis j’été 4ans directeur artistique festival du film asiatique de
Vesoul.

OM: Vous avez beaucoup fait pour ce festival, vous pouvez nous en parler un peu?

BM: C’est un festival qui existe depuis 26ans, nous sommes d’ailleurs le plus ancien
dédié au cinéma d’Asie en Europe et parmi les 6 festivals de cinéma qui
rassemblent le plus de personnes en France. Environs 32 000 personnes par
semaines assistent aux projections. Après nous ne faisons peut-être pas partie des
plus connus, ni des plus reconnus de la part des professionnels du secteur mais
c’est aussi une volonté des créateurs. En effet au départ il s’agit d’un événement
dédié au public, pour faire découvrir un cinéma encore trop peu méconnu. Nous
valorisons les cinémas asiatiques au sens large et nous avons fait un choix de
couvrir un large spectre de pays, cela va de la Turquie jusqu’à la Corée en passant
par l’Inde, le Pakistan… Au total c’est 54 pays qui peuvent rentrer en compétition,
c’est rarement le cas, car dans certains pays le cinéma est tout simplement
inexistant comme c’est le cas au Yemen. Chaque année nous choisissons une
thématique autour de laquelle va s’articuler la programmation, pour la dernière
édition en 2020 c’était Liberté, Egalité, Créativité.

OM: Aujourd’hui la dimension professionnelle s’est elle accrue dans votre festival?

BM: Pas tant que ça, non pas que ce soit une volonté mais on projette surtout des
films qui sont déjà sortis en France, cela concerne en moyenne 60% de notre
programmation. Alors attention ce sont souvent des films très peu connus du grand
public car ils ont été très peu distribués, souvent dans une ou deux salles à Paris ou

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

bien parce qu’il s’agit de films plus anciens. Pour les professionnels, comme les
distributeurs, ce genre de festivals présente peu d’intérêt puisque la majeure partie
des films ont déjà un distributeur. Alors on a quand même un travail de défrichement
où on va essayer de trouver des films inédits, mais cela s’opère parfois sur des
territoires qui sont peu attractifs pour les distributeurs. Nous trouvons cependant de
vraies pépites au Sri Lanka ou encore en Turquie…

Thème 2 : Le cinéma asiatique

OM: Parlez-moi de votre motivation à vous intéresser au cinéma asiatique.

BM: Comme je vous disais, j’ai toujours été attiré par ce cinéma. C’est une
cinématographie beaucoup plus complexe que ce qu’on peut trouver dans d’autres
pays. Souvent vous avez des films très oniriques qui prennent le temps de poser
leur histoire. Certains vont penser que c’est un cinéma lent, c’est pas mon cas. A
chaque fois je suis transporté par le rythme que me propose le réalisateur. D’ailleurs
ce n’est pas toujours le cas, si vous prenez le cinéma sud-coréen, c’est beaucoup
plus énergique. Vous avez ce mélange de genres qui fait que l’on ne s’ennuie jamais.
Vous passez de la comédie au drame en un instant. Ce basculement est fascinant.
Et puis cette ambiance, les films asiatiques offrent une palette d’exotisme qui vous
attire. Vous avez aussi une mise en images de la violence qu’on voit rarement
ailleurs. C’est un cinéma très exutoire. C’est lié à leur histoire. Notons le rapport au
sexe aussi, ce sont des pays où pourtant il y a une grande pudeur. Ce sont des
cultures qui ne sont pas a l’aise avec ça. Ils en parlent assez peu. Et pourtant leur
cinéma met vraiment en avant ce coté érotique parfois limite pornographique. Mais
ça c’est secondaire. Ce que j’apprécie vraiment le plus dans le cinéma japonais ou
coréen, c’est la manière dont les cinéastes, ou les scénaristes si vous préférez,
racontent leur histoire.

Thème 3 : L’importance des festivals pour le cinéma asiatique

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: On sait que dans l’industrie cinématographique la représentation d’un film en


festival est primordiale dans sa carrière. Est ce qu’il en est de même pour le cinéma
asiatique?

BM: Vous savez l’importance des festivals est certes considérable pour les films qui
sont récompensés, et je ne trahi pas un secret en disant qu’obtenir une Palme d’Or
va nécessairement faire accroitre le nombre de tickets vendus. Mais il est important
de nuancer, bien souvent les films asiatiques présents en compétition à Cannes par
exemple, sont des co-productions françaises. Il y a donc un intérêt à les mettre en
avant pour la France notamment. Vous savez le défrichage de talents n’est plus ce
que c’était. Autre fois, les programmateurs de festival se rendaient dans le pays et
ramenaient ce qui se faisait de mieux. Aujourd’hui cette pratique s’est perdue avec
l’avènement du numérique. Les films asiatiques qui s’importent le mieux à
l’international sont tout simplement des films qui répondent à un cahier des charges.
Ils sont pensés pour séduire un public étranger. On importe des films où l’on voit
des cerisiers en fleurs et des gens qui mangent de la nourriture traditionnelle
japonaise et en faisant cela vous séduisez toute une partie du public. Mais c’est
important de comprendre que ce n’est pas réellement le cinéma asiatique. Souvent
d’ailleurs le public local se désintéresse totalement de ces films. Aujourd’hui certains
festivals dans le monde ne mettent en avant que les oeuvres qui ont été pensées
pour ces derniers. Alors ça n’enlève rien à la qualité des films.

OM: Le fait qu’il n’y ai plus de défrichage ou de veille sérieuse et concrète qui soit
faite par les festivals, ça a une incidence sur la représentation du cinéma asiatique
en France et dans le monde?

BM: Évidemment! On a tendance à voir tout simplement les même cinéastes venus
de ces pays. On a de moins en moins de nouveaux talents. Bong Joon Ho a
décroché la Palme d’Or pour Parasite l’année dernière mais c’est tout sauf une
surprise, c’est son septième film et les précédents ont très bien marché à
l’international avant. Kore Eda tous ses films sont co-produits avec la France depuis
quelques années, il sait donc ce qu’il doit faire pour séduire ce public. Alors je ne

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

veux pas minimiser le succès de ces films mais c’est vrai qu’on parle déjà de
réalisateurs installés.

OM: Vous parliez toute à l’heure de votre souhait de mettre en lumière des pays où
le cinéma est méconnu, y a t-il aujourd’hui une reconnaissance de la part des
artistes locaux envers le festival de Vesoul?

BM: Oui, et de plus en plus. Vous savez nous rentrons en contact avec des
réalisateurs ou producteurs qui n’ont pas l’habitude que des étrangers viennent
s’intéresser à leurs films. Bien souvent ils ne savent pas comment les exporter. On
les accompagnent donc sur cette voie et ils sont ravis que leurs films traversent les
frontières et puissent être vus par un public français.

Thème 4 : Le cinéma asiatique face au cinématographie

OM: Le positionnement des films asiatiques face à la concurrence internationale -


Est-ce que le cinéma asiatique se diffuse mieux par rapport à d’autres nationalités?

BM: Il est difficile de définir le cinéma asiatique. Chaque pays est différent. Mais
grossièrement c’est le mélange des genres. Le cinéma coréen par exemple a
adopté un modèle très américain pour ces films ces dernières années? Ils
produisent des films à très gros budget. Après, les cinéastes et producteurs de ces
pays l’ont compris. Pour séduire un public international il faut jouer les stéréotypes.
L’empire des Sens, la seule motivation pour les distributeurs étrangers s’était
d’acheter l’un des films les plus irrévérencieux. On y revient mais les films qui sont
distribués en France sont des films qui ne verraient jamais le jour sans l’influence de
la France. Kore Eda, il n’aurait certainement pas fait autant de films s’il n’y avait pas
eu les français pour financer son cinéma. C’est formidable ce qu’il fait, mais c’est
important de comprendre que le cinéma japonais par exemple a un spectre
beaucoup plus large.

129
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: Sur un tout autre sujet, au fil des entretiens un sujet revenait souvent c’était
Netflix, comment percevez vous ce nouvel entrant sur le marché
cinématographique?

BM: Netflix produit tout de même des trucs supers, il faut le reconnaitre. Leur séries
asiatiques sont vraiment biens. Mais c’est le même problème, je m’interroge souvent
quand je vois un film ou série, s’il s’agit vraiment d’une oeuvre à 100% japonaise par
exemple. Vous avez des sujets qui ne sont pas abordés au Japon et qui pourtant
dans ces oeuvres sont totalement évoqués. Je vous prend un exemple assez
parlant. En occident pour l’horreur on est très adepte des films de Zombies. Au
Japon c’est pas le cas. Eux ils adorent les vampires. Vous avez des dizaines et des
dizaines de films de vampires qui sont produits pour un un seul film de zombies. Est
ce que nous, en France, nous avons eu ces dernière années un seul film japonais de
vampire? C’est tout le sujet. En fait on va chercher chez eux, des films qui sont à
peu prêt formaté comme les nôtres mais avec cette culture asiatique qui est mise en
avant, puis on les importent sur le territoire. Mais ce n’est pas du tout représentatif
de leur cinéma national. Pour en revenir à Netflix je trouve qu’il y a du bon et du
moins bon. Le fait d’avoir tous les Miyazaki sur la plateforme c’est super, vous avez
aussi une énorme sélection de films coréens. Mais tout ça est noyé dans la masse.
S’ils achètent ce genre de films c’est pour leur algorithme. Moi j’ai une bonne
visibilité sur ces oeuvres quand je m’y connecte car l’algorithme a compris que c’est
ce qui m’intéressait donc il me propose de voir ce que je veux voir. Mais quelqu’un
qui n’a jamais vu un seul film coréen ou japonais il ne soupçonne même pas que ces
films sont disponibls en SVOD.

Thème 5: Le cinéma asiatique connait il un nouvel essor ?

OM: Quels sont les facteurs qui selon vous expliquent ce nouvel essor?

BM: Je ne sais pas si on peut parler d’un essor récent. A la rigueur d’un renouveau.
Mais le cinéma asiatique a toujours fasciné notamment les français. Il y a eu des
festivals qui l’ont mis à l’honneur et des films qui ont profondément marqué le

130
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

public. Même si les films de Bruce Lee ont rencontré du succès seulement après la
mort de l’acteur cela a tout de même été quelque chose, des millions de personnes
ont vu ses films à travers le monde. Pareil pour Tigres et Dragons. Moi je travaille
exclusivement sur ce cinéma là depuis plusieurs années, c’est vrai qu’il y a des gens
qui manifestent un intérêt à nouveau pour ce genre de films. Mais est ce que ca va
durer. Vous savez il m’arrive de présenter des films pour des rétrospectives et
aujourd’hui encore beaucoup ne connaissent pas Park Chan Wook qui est pourtant
l’un des cinéastes sud-coréens les plus connus. Je fais donc toujours ce travail
d’éducation 20 ans après. Et c’est normal. Vous avez des modes qui passent et qui
reviennent. Avec Parasite, Dernier train pour Busan on remarque qu’il y a un regain
d’intérêt mais est ce que cela va durer?

131
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

132
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Guide d’entretien: L’essor du cinéma d’Asie de l’Est

Entretien avec Eric LEBOT

DIRECTEUR DE LA DISTRIBUTION ART HOUSE

LA RETRANSCRIPTION DE CET ENTRETIEN CE BASE SUR UNE PRISE DE NOTES


EN RAISON D’UN PROBLEME TECHNIQUE SUR L’ENREGISTREMENT.

Bonjour monsieur Lebot, je vous remercie de m’accorder un peu de votre temps. Je me


présente je m’appelle Olivier MEUNIER, actuellement en master 2 du programme arts et
industries créatives de Kedge Bordeaux, je suis en pleine composition d’un mémoire portant
sur l’essor du cinéma d’Asie de l’est dans le monde. En tant que directeur de la distribution
de ArtHouse, une société importante du cinéma français, c’était à mon sens important de
vous entendre parler de ce sujet. Pendant environ 1heure, j’aborderai des thèmes et je vous
laisserai développer vos propos. Il ne s’agit pas d’une discussion, mais c’est à vous de
m’expliquer comment vous percevez ce nouvel engouement et quelles en sont les raisons
selon vous. Avant toute chose m’autorisez à vous enregistrer et à vous citer dans mon
travail?

Thème 1: ERIC LEBOT

OM: Parlez-moi de votre travail et de la société à laquelle vous appartenez.

EL: Je suis donc Eric Le Bot, je suis à la tête de la société de distribution Art House
que j’ai fondée en 2018. Avant cela j’ai passé 8ans chez EuropaCorp où j’ai pu
évoluer sur les différents postes de la distribution. Après j’ai monté ma première
boite, qui s’appelle Version Originale en 2013. Très jeune j’ai pu passer 6 mois au
Japon vers mes 20 ans. C’est là bas que j’ai découvert tout le cinéma japonais et
que j’en suis tombé amoureux. C’était beaucoup plus facile évidemment là bas de
voir leur film qu’en France. Résultat j’ai découvert des auteurs dont je ne
soupçonnais même pas l’existence. J’ai développé une vraie cinéphilie pour le
cinéma japonais. Cette passion m’a guidée tout au long de ma carrière, déjà à
l’époque de Version Originale j’avais eu la chance de distribuer Kurosawa ou Kudua.

133
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Avec Art House, on a voulu se concentrer uniquement sur ce pays là et ce cinéma.


Mais on voulait aller au delà de ça. Avec Art House, en plus de distribuer des films
japonais, on souhaitait se créer une véritable communauté afin d’éviter le Mass
Media. C’est avec cet objectif qu’on a décidé de créer le communauté Hanabi sur
les réseaux sociaux. Hanabi ça veut dire feux d’artifice en japonais et on voulait
partager auprès de nos followers des informations à propos de nos films forcément
mais aussi de la culture japonaise au sens large. Après 2ans, nous avons près de
100 000 personnes qui suivent notre page sur Facebook et Instagram. Une
newsletter hebdomadaire est envoyée à chaque abonné pour faire part de toutes
sortes d’informations, cinématographiques, mais aussi culturelles comme la
littérature par exemple mais aussi la mise en avant de différents événements en lien
avec le Japon.  Avoir une communauté si fidèle, ça nous a motivé à créer notre
propre festival: Les Saisons Hanabi. L’an dernier c’était la première édition et c’est
40 000 spectateurs qu’on a accueilli dans 200 salles en France. Mais cette
communauté est une vraie fierté. Beaucoup de distributeurs nous ont demandé
d’ailleurs d’avoir accès à notre base de données pour leur communication quand ils
sortent un film japonais comme Haut & Court par exemple ou Bac Films.

Thème 2 : Le cinéma asiatique chez Art House

OM: Parlez-moi de la représentation des films asiatiques dans votre catalogue.

EL: Nous on se concentre uniquement sur le marché japonais. On fait aussi bien
vendre de la fiction que de l’animation. Notre premier gros projet c’était SENSES de
Ryusuke Hamaguchi. Le film original fait cinq heures. Nous savions qu’il serait
quasiment impossible de convaincre les salles de le programmer. Nous avons donc
convaincu le producteur, Satoshi TAKATA et évidemment le réalisateur Ryusuke
HAMAGUCHI de diviser le film en 5 épisodes. On a aussi laissé le choix au public
de voir le film dans son intégralité et sans découpage sériel. Deux ou trois jours
avant sa sortie nationale a été programmé dans son intégralité  dans 15 salles en
France et plus de 1000 personnes sont venues découvrir le film. Les parties 1 & 2
sont sorties le 2 mai 2018, la partie 3 & 4 le 9 mai et enfin la partie 5 le 16 mai. Au fil

134
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

des semaines on faisait en sorte que les exploitants veuillent bien programmer les
partie à la suite, afin que si un spectateur veut vivre l’immersion de cinq heures, qu’il
en ait la possibilité. Ce fut une expérience de programmation tout à fait inédite, et
débuter la vie de la société avec un tel projet c’était hyper enrichissant. Après on a
eu des projets formidables. On a ensuite continué à distribuer les films de Ryusuke
Hamaguchi, avec Asako I & II qu’on a sorti et ensuite Passion.

OM: C’est un réalisateur très prolifique!

EL: A vrai dire pas tellement, Senses et Passion sont des films qui sont assez vieux.
Le premier date de 2015 et il n’est sorti qu’en 2018 en France. Il a eu du mal à
trouver un distributeur en raison de son format. Passion lui etait sorti en 2008 au
Japon, mais n’avait jamais eu de sortie française. C’est le premier film du réalisateur.
Après le succès de Senses et Asako on a décidé de le sortir en France. Si ces trois
films sont sortis en même pas deux ans, c’est plus en raison de la spécificité du
marché et du calendrier que de la volonté du réalisateur. Ça ne reflète pas sa
cadence de travail. Contrairement à un Kore Eda qui lui est beaucoup plus prolifique
comme vous dites.

Thème 3 : La France et le cinéma asiatique

OM: On sait qu’en France la diversité des films proposés a une importance capitale,
Hors les films anglo-saxons, quels sont les films qui s’importent le plus en France?

EL: Je pense à La Saveur des Ramen qui a très bien marché sur le public Art &
Essais. C’est un film magnifique, qui invite aux voyage. On sait qu’il y a un public qui
cherche de l’exotisme quand il va au cinéma. Le pari d’Art House c’est de proposer
des films aussi bien aux cinéphiles qu’aux aficionados du Japon. Les Saveur des
Ramen a pour trame une histoire de cuisine japonaise. Beaucoup pensaient
justement que ce serait une carte postale du Japon or quand on le voit on se rend
compte que c’est très secondaire, c’est surtout Singapour que l’on découvre avec
ce film. C’était le pari.

135
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: Vous pensez que certains films du japon s’exportent mieux parce que
justement ils savent jouer sur ces codes d’exotisme?

EL: Surement, vous savez les films japonais qui sortent en France ne sont pas du
tout les films qui marchent au Japon. Nous on travaille avec des auteurs qui pour la
plupart, peinent à faire des entrées dans leur propres pays. Il arrive qu’ils pensent
leur film pour séduire un public international. Après il reflètent leur culture ces films
sont faits avec les meilleures intentions cependant il se trouve que cette culture
résonne fort dans les pays occidentaux, notamment chez nous. Dans le film Un
Jardin Qu’on Dirait Eternel, on a toute une exposition sur l’art de faire le thé. Le film
se passe dans un décor somptueux. C’est vrai que c’est l’une des seules
cinématographies à mettre autant l’accent sur leur culture. Mais ce n’est jamais
caricatural. C’est une volonté des auteurs de faire partager cet exotisme et ces
rituels. Ce sont des films qui invitent au voyage.

Thème 4 : Le rôle des marchés et des festivals

OM: Pouvons nous aborder la représentation des films asiatiques sur les marchés
internationaux.

EL: Il y a des auteurs qui ont leur propre distributeur depuis des années en France,
c’est le cas de Kore Eda, par exemple. Nous on travaille aussi avec les mêmes,
comme Hamaguchi ou Fukada on espère que ça va durer car souvent quand un
réalisateur marche bien sur un marché il n(est pas rare qu’un distributeur
indépendant se le fasse prendre par un plus gros qui surenchérit sur les MG. Après
comme je vous l’expliquais, nous on s’est vraiment focalisé sur ce marché là. Les
producteurs japonais sont donc rassurés et savent qu’on a le savoir-faire pour sortir
leurs films. Aujourd’hui tous les films que j’ai sortis avec Art House ont marché.

136
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: Vous disiez tout à l’heure que les films japonais qui sortent en France ne sont
pas le reflet réel de l’industrie cinématographique nippone. Vous pouvez nous
expliquer?

EL: C’est tout simplement parce que le cinéma japonais ne se résume qu’à un
cinéma d’auteur et chez eux c’est un cinéma beaucoup plus populaire qui domine
leur marché. Il y a peu d’auteurs qui arrivent à faire des entrées chez eux, c’est pour
ça qu’ils sont toujours heureux de voir leurs films distribués en France. Le Japon a
encore donc énormément de mal à vendre ses films de studio à l’étranger. C’est
aussi parce qu’il s’agit d’un code entertainment très spécifique que l’on ne
comprend pas tellement en occident. Vous pouvez par exemple avoir un
personnage qui pleure parce qu’il est en colère et nous ça on ne le comprend pas
est on est très hermétique

Thème 5: Le cinéma asiatique, un nouvel essor

OM: Quels sont pour vous les facteurs qui expliquent ce nouvel essor.

EL: L’attrait pour le cinéma asiatique en France ne date pas d’hier. Pour le Japon
c’est un cinéma qui a déjà connu un succès, parfois même plus important que le
succès qu’il rencontre aujourd’hui. Entre les années 1990 et 2000 à Cannes, le
cinéma asiatique était très présent notamment le cinéma Coréen. Il y a eu un creux
les années suivantes et aujourd’hui oui on retrouve des spectateurs qui ont envie de
voir ces films. Pour la Corée c’est un phénomène très récent c’est vrai. Ça a
commencé comme je vous l’ai dit dans les années 2000, Ivre de femmes et de
peintures est le film qui totalisait le plus d’entrées avec 400 000 personnes. Ensuite
ça s’est calmé et là ça reprend assez fort. Parasite marque certainement le début
d’une nouvelle vague. Mais c’est parce qu’il y a des auteurs qui ont émergé. C’est
un cinéma qui a plein de particularités.

137
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Guide d’entretien: L’essor du cinéma d’Asie de l’Est


Entretien avec Adrien GOMBEAUD

Journaliste, critique et auteur

Bonjour monsieur Gombeaud, je vous remercie de m’accorder un peu de votre


temps. Je me présente je m’appelle Olivier MEUNIER, actuellement en master 2 du
programme arts et industries créatives de Kedge Bordeaux, je suis en pleine
composition d’un mémoire portant sur l’essor du cinéma d’Asie de l’est dans le
monde. C’était à mon sens important de vous entendre parler de ce sujet. Pendant
environ 1heure, j’aborderai des thèmes et je vous laisserai développer vos propos. Il
ne s’agit pas d’une discussion, mais c’est à vous de m’expliquer comment vous
percevez ce nouvel engouement et quelles en sont les raisons selon vous. Avant
toute chose m’autorisez à vous enregistrer et à vous citer dans mon travail?

Thème 1: Adrien Gombeaud

OM: Pour commencer, j'aimerais que vous parliez juste un peu de-vous de votre
métier, que vous vous présentiez et que vous me dites ce qui vous a amené à vous
intéresser au cinéma asiatique. 


AG: Alors c'est une longue histoire maintenant. Ça fait pas mal d'années. J'ai
commencé à étudier les langues, au Langues'O (ndlr: autre noms pour
désigner,  L’Institut national des langues et civilisations orientales), ma langue
principale c'était le Chinois. On était dans les années 90 c'était un département qui
était énorme, il y avait beaucoup d'étudiants dans des amphis plein. On avait le
choix au Langues'O, de prendre une deuxième langue si on le souhaitait. J'ai pris le
coréen, je dois dire un petit peu au hasard en fait. Je n’avais pas envie de faire du
japonais c'était un département qui était aussi grand que le département chinois. Je
me suis tourné vers ce petit pays où on devait être 5 à apprendre la langue à
l'époque. C'est une langue plus compliquée que le chinois. J'ai commencé à voir
beaucoup de films coréens dans le but à la fois de découvrir ce cinéma et de
parfaire la langue, qui me posait beaucoup de difficultés. J'ai donc vu énormément

139
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

de films dans les années 90 quand j'étais à la fac. Il y avait une grosse vidéothèque
de VHS de films coréens, qui n’étaient souvent pas sous-titrés. J'en voyais comme
ça trois à quatre par semaine complètement au hasard. Là j'ai trouvé que ces films
étaient non seulement intéressant pour apprendre la langue, et en plus qu'il y avait
vraiment quelque chose de passionnant,  c'était un truc très original. Je voyais
beaucoup de films à Paris, j'étais cinéphile depuis mon adolescence, mais personne
ne s'intéressait au cinéma coréen à l'époque. Il n’y avait eu qu'un film qui était sorti
en France, c'était Pourquoi Bodhi-Dharma Est-Il Parti Vers l'Orient ?

Après, quand je suis arrivé en licence ou en maitrise, je ne sais plus, il y a ce film qui
s'appelle L'Île Étoilée qui est sorti. C'était les deux premiers films sud-coréens à être
sorti en France. Donc tout ce que je voyais, j'avais le sentiment que personne ne les
avait vu avant, j’ai commencé à aller en Corée très régulièrement et passé des mois
aux archives à regarder ces films. C’est devenu le sujet de ma thèse. Je pense que
ça devait être à l'époque la première thèse sur le sujet en France. Après je n’étais
qu'étudiant, je n’avais pas de poids sur la distribution mais il se trouve que
parallèlement le cinéma sud-coréen commençait à arriver en France au moment où
je terminais ma thèse. Un jour j'ai reçu un mot de Michel Ciment, me demandant si
je pouvais écrire sur Im Kwon-taek car il y avait une grande rétrospective sur lui à la
Cinémathèque, et j'ai écrit mon premier article dans Positif à ce moment-là. Après
ça c'est un peu enchaîné, cependant je ne voulais pas devenir le spécialiste du
cinéma asiatique en France, j'ai donc écrit sur d’autres films et sujets. Aujourd'hui la
critique cinéma ne représente qu'une petite partie de mon travail. Mais j'écris encore
pour Positifs, Les Echos, Vanity Fair, même si cela s'est un peu interrompu avec la
nouvelle direction.... Mais je suis à la fois critique, journaliste et écrivain. J'ai écrit
des livres sur des sujets très variés, contrairement à des collègues comme Philippe
Rouyer qui est exclusivement critique de cinéma. 

Thème 2 : Le cinéma asiatique en France

OM: Comment vous percevez la représentation du cinéma asiatique en France? Je


me souviens avoir lu dans le dictionnaire Asiatique que vous avez dirigé, pour vous
le cinéma Asiatique couvre un large spectre de pays, qui s'étend de l'Inde au Japon:

140
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Dans ce mémoire je me concentre uniquement sur l'Asie de l'est à savoir Corée du


Sud, Japon et Taïwan.

AG: Si on revient effectivement au dictionnaire que j'ai écrit, on peut se demander si


ça existe vraiment LE cinéma asiatique ou est-ce que c'est DES cinémas dans une
région géographie qui est assez large. Je me suis beaucoup posé cette question en
introduction. Dans le langage courant quand on parle de cinéma asiatique, on
désigne ce que vous, vous traitez dans votre mémoire, mais l'Asie est beaucoup
plus large que ça. Et donc parler du cinéma asiatique comme une généralité, c'est
très compliqué. Je dis ça parce qu'il y a aussi des histoires différentes pour chaque
pays en France. Si on parle d'exportation, le Japon n'a pas du tout la même histoire
que la Chine, et pas du tout la même histoire que la Corée. Si vous voulez, le Japon,
c'est un pays qui existe dans l'imaginaire français depuis très longtemps et a pris
une importance considérable dès le 19e siècle puisque les estampes japonaises ont
influencé les impressionnistes, que Zola les collectionnait, si vous allez au Musée
d'Orsay, vous trouverez plein d'estampes japonaises représentées dans les toiles
françaises. C'est ce qui fait que quand les films japonais sont arrivés dans les
années 50, les festivals les sélectionnaient comme les œuvres de Mizuguchi et il y a
eu vraiment un énorme succès du cinéma japonais dans les années 70 en France.
Donc ça veut dire qu'un cinéaste comme Kore Eda, il s'appuie sur ça quand il sort
ses films en France, sur cette connaissance très anciennes de la France pour le
Japon. Il n'est pas du tout dans la même configuration que quand le cinéma Coréen
a commencé à arriver en France. Et ça c'est valable pour toute forme d'expression
culturelle. Il y a un an, le peintre japonais Itō Jakuchū, a eu toute une exposition au
petit palais, aucun peintre chinois ne peut avoir dans un lieu comme le petit palais,
une exposition entière qui lui est consacrée comme ça. Ça c'est possible parce que
derrière il y a plus de deux cents ans en fait de relations nippo-françaises. Donc
l'histoire elle est différente.  Yasujirō Ozu et  Akira Kurosawa sont des cinéastes
reconnus depuis bien avant le 21ème siècle. Concernant la Chine, il y a tout un
imaginaire collectif, un orientalisme qui s'est fait notamment grâce au cinéma Hong
Kongais. Car depuis la Maoïsme, tout est fermé en Chine. Dans les années 70 début
des années 80 vous avez les films de Bruce Lee et Jackie Chan, ce n'est pas rien. Il

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L’export du cinéma d’Asie de l’Est

y avait un terreau qui faisait que c'était connu. Le cinéma coréen, c'est
complètement autre chose, mis à part dans les années 50 où le cinéma coréen se
développait avec les studios de Séoul qui étaient du même niveau de Hong Kong.
Ils produisaient des films qui s'exportaient dans toute l’Asie, mais c'était un cinéma
très populaire qui ne rayonnait pas à l'international.  Puis ça s’est arrêté car il y a eu
la dictature. Au cours des années 70 il n'y a plus eu de films sud-coréens. Le
cinéma qu'on connait aujourd'hui n'existait pas du tout ou de façon très
marginale, avant son apparition en gros avec le début du 21e siècle. Et c'est par le
cinéma que finalement d'autres choses ont suivi comme la K-pop, un peu de
littérature aussi. Sur un tout autre point, la Corée a longtemps considéré le cinéma
comme une industrie de consommation.  Les films étaient faits à la chaine sans
vraiment être conservés. Globalement ce n'était pas considéré comme un art. Et
puis tout le cinéma d'avant la guerre de Corée a disparu. On retrouve quelques films
mais c'est assez mince. Aujourd'hui, ils essayent de retrouver ce patrimoine et de le
sauvegarder. 

OM: Est-ce que la demande de diversité de la part du public français est propice
selon vous à l'importation de cinéma asiatique sur le territoire?

AG: Oui, bien sûr, mais cela date d'un moment déjà. On m'a décrit des files
d'attente devant les cinémas pour voir les films d'Ozu dans les années 70. À propos
des succès comme Épouse et Concubine, je me souviens avoir vu la salle pleine. Il y
a ce goût du cinéma en France qui n'est pas seulement porté sur la région que vous
étudiez. Il y a un statut très particulier de la France par rapport au cinéma. Des
cinéastes étrangers peuvent trouver un public chez nous qu'ils ne trouvent pas
ailleurs ou même chez eux. C'est ce qui fait que la France produit même les films de
certains réalisateurs étrangers. Essentiellement parce que le public de ces cinéastes
se trouvent en France.


OM: J'ai pu échanger avec le président de la société de distribution ART HOUSE,


qui portait le même discours. Il m'apprenait que certains films qu'ils distribuaient

142
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

marchaient mieux en France qu'au Japon. Et il y a apparemment beaucoup


d’auteurs étrangers qui sans la France ne pourraient peut-être pas exister.


AG: Oui c'est totalement vrai. Et en même temps, en dehors de l'art & Essais, la
culture main Stream coréenne ou japonaise s'exporte aussi très bien. Alors est ce
que c'est le même public je ne sais pas. Si on revient à nouveau au Japon, ça a
commencé dans les années 80, je suis un enfant du manga. Les dessins animés que
je regardais étaient tous japonais. Le Japon est à l'avant-garde de tout ça.
Aujourd'hui j'ai le sentiment, ce n’est pas tellement une cinéphilie autour de l'Asie
qui existe depuis longtemps, mais le fait que toute une génération adopte dans son
entièreté la culture mainstream de ces pays. Aujourd'hui, vous avez des groupes de
KPOP qui remplissent Bercy. Ça c'est complètement inédit. Après qu'un film
asiatique soit un succès après avoir été récompensé à Cannes on peut trouver
d'autres exemples.

Thème 3 : Le nouvel essor du cinéma asiatique ?

OM: Pouvons nous parlez d'un essor ou d'un renouveau du cinéma asiatique

AG: c'est des histoires différentes et c'est compliqué de parler de vagues asiatique
spour ça, parce que justement ce sont DES vagues. 

OM: Dernièrement il y a eu deux palmes d'or de suite qui on été données d'abord à
un cinéaste japonais et l'année suivante à un cinéaste sud-coréen. C'est un hasard
pour vous ?


AG: Alors ceux qui ont eu ces prix, il est important de rappeler que ce sont des
cinéastes qui sont déjà connus. Ils ne sortent pas de nulle part. Bong Joon Ho, son
premier film date de l'an 2000, donc ça fait 20 ans qu'il fait des films. Kore Eda
encore plus. Si on prend Bong Joon Ho, il vient vraiment de cette vague coréenne,
qui émerge à la fin des années 1990 au début des années 2000. Tous les cinéastes
sud-coréens qui sont reconnus émergent à cette période. Même si il y a des

143
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

cinéastes qui arrivent après et qui restent intéressants comme  Na Hong-jin par
exemple. Mais les têtes de gondoles de ces cinémas-là, sont apparues à cette
époque je dirais. Et puis c'est hyper important de comprendre que la Corée c'est un
pays qui a construit son cinéma en sachant que son cinéma patrimoine avait
disparu.  Et ça ces cinéastes des années 2000, ils sont motivés par cette idée de
reconstruction. 

OM: vous évoquiez l'influence des mangas sur toute une génération dans les
années 80. Vous pensez que ceux qui ont été bercés à cette culture, enfants on les
retrouve aujourd'hui dans les salles de cinéma ou à la Japan Expo?


AG: Je ne sais pas, il faudrait étudier ce point. Est-ce que comme vous dites ces
ponts existent. Est-ce que les gens qui vont à la Japan Expo on les retrouve à l'expo
de Itō Jakuchū au petit palais dont on parlait tout à l’heure ? C'est peut-être le cas,
je ne sais pas. Est-ce que c'est le même public qui va voir les films de Kore Eda et
qui lisent des mangas. Ou est-ce que c'est deux genres de nippophiles qui
cohabitent en France. Je ne peux pas vous dire, je n'en sais rien du tout.


OM: Qu'est-ce que va chercher le public dans le cinéma asiatique selon vous?


AG:  D'abord sur la Corée, ce qui m'a tout de suite plu c'est que c'était
extrêmement varié. C'est à dire, même si on y retrouve des acteurs, je pense qu'il
n'y a pas grand-chose à voir entre Hong Sang Soo et Park Chan Wook. Il y a une
diversité en Corée. Comme à Hong Kong d'ailleurs. Je dis ça, parce que souvent, on
parle de cinéma asiatique et ça devient un genre. Ce n’est pas le cas, le cinéma
asiatique c'est un cinéma qui est produit dans une région du monde. Ce serait très
dangereux, proportion gardée évidemment, de coller une étiquette régionale sur un
film ou un réalisateur. Non ils ont chacun leur identité à eux.  Après ils ont des points
communs, parce qu'il travaillent avec les mêmes acteurs, les mêmes techniciens et
dans le même environnement économique. Mais il faut bien respecter l'individualité
de chaque cinéaste et de chaque artiste. Après sur les genres c'est vraiment
quelque chose qui m'avait vraiment fasciné dans le cinéma coréen dès la fin des

144
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

années 90. Cette manière de mêler toutes sortes de cinémas dans un seul film. Moi
j'avais expliqué ça, à l'époque par le fait que le cinéma avait tellement été contrôlé
par l'état de façon violente parfois. C'est important de le rappeler parce qu'on a
tendance à oublier que la Corée du Sud a vraiment été une dictature dure. Il s'est
passé des choses terribles dans l'histoire de la Corée du sud et quand ça s'est
arrêté, j'ai l'impression que les réalisateurs on voulu tout mettre dans leurs films.
C'est ce qui fait que ce cinéma-là m'a toujours passionné. Et le cinéma des années
2000 m'intéresse plus que celui qui se fait aujourd'hui. Malheureusement aujourd'hui
c'est devenu en Corée un grande industrie puissante et mondiale, et à part quelques
auteurs comme Bong Joon ho, qui peuvent faire ce qu’ils veulent, c'est plus dur de
faire un premier film original aujourd'hui qu'à la fin des années 90. Mais oui ce
cinéma se caractérise quand même par un mélange de tout. C'est assez dingue de
voir des films avec des moments de pures comédies loufoques, d'une sexualité
complètement débridée. Mais c'est dans leur culture. Si on extrapole. Vous allez
dans un restaurant Coréen, vous prenez un bibimbap, c'est un mélange de tout,
vous avez du riz, de l'ail, des légumes, de la viande, un oeuf placée dessus. Par
contre vous allez dans un restaurant japonais, vous allez avoir des aliments
parfaitement découpés, rangés, posés en ligne. Et c'est cette idée dans le cinéma
coréen de fourre-tout bordélique et en même temps très bien foutu. Un sympathique
bazar. Et quand on fait ce genre de mélange, c'est extrêmement difficile. 

OM: C'est un savoir-faire coréen?

AG: Oui, et encore une fois on sort de la dimension cinéma asiatique. C'est la
particularité des auteurs coréens. Attention à ce que le cinéma coréen ne devienne
pas un genre en lui-même. C'est à dire qu'il ne suffit pas qu'il y est des gens en
costumes noirs qui se tapent dessus pour faire du cinéma coréen. Mais c'est vrai
qu'on ne retrouve pas ça ailleurs. 

OM: Parasite c'est le parfait exemple?

145
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

AG: Cette Palme d’Or était quelque chose d'attendu en Corée. Moi j'ai vécu ça, il y
avait une frustration de la part des coréens de ne pas être reconnus. Alors là on
parle de cinéma, mais il y a eu la même chose avec le Prix Nobel de littérature. Je
me souviens j'étais passé devant une grande librairie, l'équivalent de la Fnac chez
nous, et en vitrine il y avait tous les grands auteurs coréens et il y avait une place
vide pour le futur prix nobel de littérature coréenne. Dans les années 80, la Corée du
Sud a très vite été connue pour des raisons industrielles. C'était, une réussite
économique, ils ont fait le pari de faire la même chose que les japonais mais en
moins cher. Mais ça c'était humiliant pour un pays qui a sa propre culture, sa propre
écriture de ne pas être reconnu à leur juste valeur. Et ils attendaient cette
reconnaissance en tant que pays culturel depuis longtemps. C'est très intéressant
de réécouter le discours de Im Kwon Taek quand il reçoit son prix à Cannes pour
Ivre De Femmes Et De Peinture. Il dit "Ce prix récompense les deux Corées et tout
le cinéma asiatique." Il a connu avant Bong Joon Ho, son industrie qui était mal
menée, et quand il rentre en Corée il se dit soulagé. Quand Bong Joon Ho revient à
Séoul il est accueilli comme s'il avait gagné la coupe du monde. Parce que c'est une
mission qui tient du nationalisme chez eux. Puis après vous avez l'Oscar... C'est à
dire presqu'ils ont eu de la chance, car c'est l'oscar anti Donald Trump. L'industrie
d'Hollywood est en guerre contre Trump et elle donne l'Oscar du meilleur film à un
film en langue étrangère. C'est un symbole aussi, c'est la première fois dans
l'histoire. J'aime beaucoup Parasite, mais il y a une quantité de films non-
anglophones qui aurait mérité de concourir dans la catégorie. Trump a très bien
décodé le truc, il a fait peu de temps après un discours où il dit "Vous avez vu, on
donne l'oscar du meilleur film à un film étranger. Je n'ai pas vu Parasite, mais
rendez-moi Autant En Emporte Le Vent." 

Donc Parasite est le symbole d'une guerre interne aux Etats Unis entre des gens qui
veulent ouvrire les frontières et d'autres qui veulent construire des murs. Comme les
américains avaient récompensé des cinéastes mexicains avant. Ce n’est pas un
hasard. Après je ne veux pas minimiser le succès de Parasite. Les Coréens ont
produit un film qui s'est élevé aux plus haut rang du cinéma mondial. 

146
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: C'est justement dans ces moment-là qu'on se rend compte que des films
peuvent devenir des armes géopolitiques. On n’a pas beaucoup parlé de Taïwan,
tout à l'heure vous disiez que le cinéma Hong Kongais était le seul dépositaire dans
les années 70 du cinéma chinois. Depuis la rétrocession, le cinéma Hong Kongais
rayonne de moins en moins, est ce que Taïwan ne s'inscrit pas dans le digne
successeur de Hong Kong?

AG: Là ils ont une carte à jouer. Sauf qu'il y a quand un même grand auteur chinois
qui émerge. Au début d'année on a eu le magnifique : Séjour dans les Monts Fuchun
de Gu Xiaogang qui est un premier film complètement indépendant. Alors même s'il
y a la censure chinoise qui est très présente, et que beaucoup de film nationalistes
complètement aberrant, sont produits, malgré tout le cinéma d'auteur chinois existe.
Un Long Voyage Vers La Nuit de Bi Gan est un bon exemple. Concernant Taïwan, ils
ont eu une grande époque du cinéma dans les années 90, avec les films d'Hou
Hsiao-hsien on était tous éblouis,  Edward Yang a fait des choses extraordinaires.
Mais bizarrement, ils n’ont pas su faire ce qu'ont fait les coréens. Et face à la
position qu'ils tiennent face à la Chine, ils auraient sur Soft Power quelques choses
à jouer. Ils devraient promouvoir leurs cinéastes, faire des films chinois dans la Chine
libre. Si on prend Tigre et Dragon, c'est une production américaine avec un cinéaste
Taïwanais. C'est assez passionnant comme film, car c'est un film américain qui est
déguisé avec la culture chinoise. Mais c'est un film qui dans sa production, sa
structure, son histoire est imprégné par Hollywood. Ça n'a pas grand-chose à voir
avec un film Taïwan. C'est pour ça que ça été un carton mondial, sauf en Chine et à
Taïwan. C'était une tentative hybride de la culture chinoise même. C'est à dire que
vous avez des acteurs hong-kongais et taïwanais, un cinéaste taïwanais, un co-
scénariste américain et Columbia qui est derrière et tourné en Chine occidentale. Un
Blockbuster américain produit en Chine ça reste assez inédit. Et il n'y a pas eu
tellement d'autres tentatives. Par contre ça a donné envie à la Chine de faire des
blockbusters. Mais Tigre & Dragon reste un film important car il a permis à faire
connaitre ce cinéma-là à des gens qui n'en avaient jamais vu. Aujourd'hui on
constate un autre phénomène. Le marché chinois est extrêmement porteur pour
Hollywood, avec 1/4 de la population mondiale qui est chinoise. Et ils ont tendance

147
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

dans leur hyper production à importer des codes culturels et politiques. Vous allez
avoir des films ou la Chine sauve ou participe à sauver le monde. Ils vont employer
des stars chinoises qui vont avoir un rôle secondaire voir un rôle plus développé
dans la version chinoise. Ça c'est parce qu'il y a très peu de films étrangers qui
peuvent sortir en Chine et c'est pour avoir accès au marché, tel sont les choix des
studios américains...


OM: Dans l'ensemble je pense qu'on a fait le tour du sujet. Votre point de vue été
très intéressant. Si je résume, vous soulignez que ces pays ont des histoires très
différentes et qu'il faut les distinguer. Il y a eu différentes vagues de ces cinémas là.
Je ne sais pas si vous avez des choses à rajouter.

AG: Ecoutez je ne pense pas, j'espère avoir réussi à vous aider.


OM: Oui complètement. Je vous remercie sincèrement pour cet entretien et je vous
dis à bientôt.

AG: A bientot, merci à vous. 

148
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Guide d’entretien: L’essor du cinéma d’Asie de l’Est


Entretien avec David TREDLER

Bonjour madame/monsieur, je vous remercie de m’accorder un peu de votre temps.


Je me présente je m’appelle Olivier MEUNIER, actuellement en master 2 du
programme arts et industries créatives de Kedge Bordeaux, je suis en pleine
composition d’un mémoire portant sur l’essor du cinéma d’Asie de l’est dans le
monde. En tant que chef programmateur du festival du film coréen à Paris c’était à
mon sens important de vous entendre parler de ce sujet. Pendant environ 1heure,
j’aborderai des thèmes et je vous laisserai développer vos propos. Il ne s’agit pas
d’une discussion, mais c’est à vous de m’expliquer comment vous percevez ce
nouvel engouement et quelles en sont les raisons selon vous. Avant toute chose
m’autorisez à vous enregistrer et à vous citer dans mon travail?


Thème 1: David Tredler

OM: Parlez-moi de votre travail et de votre festival auquel vous appartenez

DT: Je suis David Tredler, et je suis comme vous l’avez dit, chef programmateur du
festival du film Coréen à Paris. C’est un festival qui a été fondé en 2006 par 3
étudiants coréens basés à Paris. Le but était d’allier le cinéma Français au cinéma
sud-coréen. Ce modèle de programmation a duré 5ans, mais le public n’était pas
tant interessé par les oeuvres Française. Le festival s’est alors à partir de là
exclusivement consacré au cinéma sud-coréen. Moi je rejoins l’équipe du festival en
2012. Aujourd’hui on prépare la 15ème édition. Au début du festival, c’était difficile
de rentrer en contact avec les studios sud-coréens, c’est pour ca que très vite on a
eu une programmation de films d’auteur. Alors c’était par goût également mais aussi
parce que les studios était inaccessibles. Aujourd’hui on a réussi à élargir notre
programmation. On va du film très pointu au film très populaire coréen comme A
Taxi Driver en 2017. On s’amuse chaque année à dégager un thème dans notre
sélection et à articuler les films autour de ce dernier. Chaque année c’est un Focus
sur un thème, des acteurs ou un genres. C’est la section principale qui s’appelle

149
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

PAYSAGE. Elle couvre un large spectre, la fiction évidemment mais aussi l’animation
ou le court-métrage.

OM: Ce sont des films qui ont déjà des distributeurs en France, qui sont déjà sortis?

DT: Alors il y a les deux. On sélectionne 30 films par an dont 1 ou 2 ont déjà été
achetés, c’est l’occasion de faire une avant-première. 90% de la programmation
reste des films inédits en France. Après il y a aussi une programmation du cinéma
classique coréen ainsi qu’une sélection de 20 à 25 courts métrages.

Thème 2 : Le cinéma asiatique

OM: Parlez-moi de votre motivation à vous intéresser au cinéma asiatique.

DT: Je suis cinéphile depuis très jeune. J’aime le cinéma dans sa globalité. J’ai pas
un prédilection particulière pour le cinéma sud-coréen. Ma cinéphilie est généraliste.
Mais c’est vrai que je me suis interessé au cinéma sud-coréen assez vite. Ça a
débuté vers mes vingt ans. J’ai commencé à fréquenter des festivals et j’ai
découvert une offre cinématographique beaucoup plus large. Alors comme
beaucoup, au début des années j’ai vu en salle Old Boy et Ivre De Femmes Et De
Peinture. Puis le festival Paris Cinéma dans ces années là, a mis à l’honneur la
Corée du Sud en 2005 ou 2006. Ça a été une révélation pour moi, un vrai coup de
foudre. En parallèle justement c’était la première édition du festival du film coréen à
Paris. J’y suis allé. Ensuite j’ai commencé à me rendre en Corée en vacances. Je
tenais un blog où je parlais de cinéma et de mes expériences en Coréen. Avant le
festival Paris Cinéma ma culture du cinéma sud-coréenne se limitait à un ou deux
films. Grace à ce festival j’ai eu une vision beaucoup plus large de leur cinéma. J’ai
pris conscience de sa richesse. Comédie, Drame, Horreur, on ne sait jamais à quoi
on peut s’attendre. Je suis parti en Corée aussi grâce à ce cinéma. Très attiré par ce
pays et de ce que j’en voyais dans les salles. J’ai voulu apprendre la langue pour
m’imprégner de cette culture. Je suis vraiment tombé amoureux de ce pays.

150
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: Vous pensez justement que certaines productions coréennes jouent sur ces
codes culturels pour diffuser leurs films à travers le monde?

DT: Je ne sais pas s’ils jouent réellement sur ces codes culturels. Les films restent
quand même produits en premier lieu pour les coréens. Après c’est vrai que de
grands studios ont commencé à développer leur branche internationale comme CJ
Entertainment par exemple.

Thème 3 : Les cinémas asiatiques dans les festivals

OM: On sait que dans l’industrie cinématographique la représentation d’un film en


festival est primordiale dans sa carrière. Est ce qu’il en est de même pour le cinéma
asiatique?

DT: L’ambition du festival du film coréen à Paris est de faire connaitre de manière
plus large le cinéma sud-coréen. En effet les films de ce pays qui sortent en France
chaque année représente une infime partie de ce qui est réellement produit là bas. Il
arrive parfois que des distributeurs viennent au festival. Deux ou trois films peuvent
être achetés pendant ou grâce au festival, soit par des distributeurs, soit par des
éditeurs vidéo. C’est important pour nous de faire ce travail de défrichage. On sait
qu’on a bien fait notre travail quand les films qu’on sélectionne suscitent l’intérêt des
distributeurs français. C’est hyper satisfaisant pour moi quand un distributeur vient
me voir à la fin d’une séance et me demande si tel ou tel film peut s’acheter. Faut
pas oublier qu’hormis les grands auteurs comme dernièrement Bong Joon Ho, il y a
peu d’opportunité à l’international pour des réalisateurs sud-coréens. On est une
fenêtre pour eux sur un marché dont jamais ils n’auraient pu penser avoir accès.

OM: Votre festival est reconnu chez eux?

DT: Oui de plus en plus. Les distributeurs sud-coréen sont hyper enclins à envoyer
leur films chez nous. Et c’est pareil pour les auteurs. Il y en a plein qui font même
l’effort de venir. Au fil des années on s’est construit une réputation. On a fait venir

151
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

beaucoup de monde et souvent quand on accueille un nouvel auteur il nous dit « Ah,
c’est untel qui m’a encouragé à venir, vous l’aviez reçu il y a quelques années et il
avait été ravi…  ». Il n’est pas rare aussi que les JT sud-coréens viennent faire un
reportage sur notre festival. C’est hyper important pour nous d’être reconnus en
Corée. Aujourd’hui le festival est soutenu par le pays. On a un partenariat avec le
centre culturel sud-coréen, on reçoit des subventions publiques de la Corée, mais
aussi des subventions privées d’entreprises sud-coréenes.

OM: En étudiant mon sujet, je me suis justement rendu compte que la Corée
investissait massivement dans la diffusion de sa culture à travers le monde. Le
Hallyu est pour eux un véritable soft power. Votre festival montre justement
l’importance qu’accorde la Corée à ce genre d’événements qui contribuent à faire
rayonner son dans différents pays.

DT: Totalement. Après il est important de souligner qu’on reste très indépendants.
Vous avez le London Korean Film Festival qui est entièrement organisé par le centre
culturel coréen et le KOFIC. Le KOFIC c’est si vous voulez l’équivalent du CNC en
France. Nous concernant on perçoit des subventions de leur part, c’est un
partenaire, mais contrairement à Londres ou à d’autre pays, ils n’interagissant pas
dans notre sélection ni notre programmation. C’est nous qui choisissons quels films
on veut montrer et quels acteurs ou actrices on veut recevoir. Après ils peuvent jouer
le rôle d’intermédiaire. C’est pour ça que c’est important de travailler avec eux. Mais
c’est vrai que dans d’autres pays, ils prennent beaucoup plus part à l’organisation
de ces festivals à travers le monde.

OM: Vous nous avez dit plus tôt, que c’était parfois difficile de rentrer en contact
avec les grands studios coréens, pourquoi?

DT: Vous savez, les grands studios ne s’intéressent pas vraiment aux petits festivals,
mais ça c’est valable pour tous les pays. Après au fur est à mesure que les contacts
se font, ils commencent à nous connaitre. Quoique on a constaté qu’il y avait un
grand turnover chez eux. C’est difficile chaque année d’avoir affaire à la même

152
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

personne. Résultat chaque année on doit se représenter. Mais ça laisse justement


des opportunités. Une année on peut avoir un interlocuteur totalement fermé,
l’année suivante quelqu’un de beaucoup plus ouvert. On constate aussi que depuis
quelques temps, les studios essayent de se rapprocher de plus petits festivals tels
que le notre. Ils savent que ça peut être une porte pour accéder à de nouveaux
marchés là où la concurrence est beaucoup plus grande sur des gros marchés de
films comme Cannes.

OM: Aujourd’hui les services de vidéo en demande ont tendance à ouvrir à ce genre
de production sur le monde. Comment percevez-vous cette concurrence de ces
nouveaux entrants aujourd’hui?

DT: J’ai un avis très ambivalent sur ces plateformes. Je pense qu’il faut pas mettre
tout dans le même panier, il y a Netflix et les autres. Alors oui c’est forcément une
forme de concurrence. Pour être honnête dès que j’ai vu les premiers films coréens
arrivés sur Netflix, j’étais un peu déçu. J’aurais aimé avoir pu les programmer au
festival. Dans l’absolu je trouve ça tout de même génial que le public ait accès sur
ces plateformes à ce cinéma là. Il y a un nombre assez conséquent sur Netflix de
films sud-coréens, cependant il faut le savoir. A cause de l’algorithme ce sont
uniquement ceux qui veulent voir ces films qui savent qu’ils sont dans le catalogue. 

Après on n’a aucune idée du succès de ces films sur Netflix, aucun chiffre n’est
communiqué. Mais il y a des plateformes qui font un travail formidable. Je pense à
Outbuster, qui a un super catalogue. Ils arrivent à évenementialiser leur films. C’est
beaucoup plus petit que Netflix mais ils mettent vraiment en avant tous les cinémas
du monde. Ils viennent très souvent au festival et on acheté des films sélectionnés.
Je pense que c’est important de travailler main dans la main avec ce genre de
plateformes.

Thème 4 : Le nouvel essor des films asiatiques face à la concurrence


internationale

153
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

OM: Est-ce que le cinéma asiatique se diffuse mieux par rapport à d’autres
nationalités?

DT: Il faut prendre le cinéma coréen dans sa globalité, c’est difficile de donner une
vision précise. Cependant je pense que ce qui caractérise en grande partie le
cinéma sud-coréen c’est la différence de ton qu’on peut trouver dans un film. Cette
rupture de ton dont font preuve les auteurs est extraordinaire. C’est ce qui m’a
toujours plu dans le cinéma coréen. C’est à chaque fois surprenant. Quand on
découvre un film sud-coréen on se dit que ça va être tel ou tel film et dans le fond
ce n’est jamais le cas. On est à chaque fois surpris.

OM: Quels sont selon vous les facteurs qui expliquent ce nouvel essor.

Il y a depuis trois ou quatre ans effectivement une nouvelle appétence pour le


cinéma sud-coréen. Après le grand boom dans les années 2000, et le succès de Ivre
De Femmes Et De Peinture et Old Boy ça s’est tassé un peu, à cause d’un manque
de renouvellement de têtes. Il a manqué une nouvelle génération derrière Park Chan
Wook ou Bong Joon Ho. En 2000 vous aviez dix à quinze films sud-coréens qui
étaient distribués dans les salles françaises. Aujourd’hui ils se comptent sur les
doigts d’une main.

Puis dernièrement on ressent un regain d’intérêt croissant. Il y a eu Na Hong-jin avec


The Stranger ou The Chaser, qui a émerger. Ou encore Yeon Sang-ho avec le
Dernier Train Pour Bussan…

Nous concernant on a eu une augmentation de quasiment 50% à notre festival entre


2015 et 2016. On remarque qu’il y a un regain de curiosité de la part du public vis à
vis du cinéma sud-coréen. Des films comme Dernier Train pour Bussan,
Mademoiselle évidemment rassemblent un plus large public qu’autrefois. Ces films
ont brisé le plafond de verre des 200 000 entrées dans les années 2000.

OM: Suite au succès de Parasite l’an dernier, est ce qu’en Octobre vous avez eu
plus de festivaliers?

154
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

DT: Dans un sens oui, car on avait une journée de moins par rapport à 2018 et
pourtant on a eu 4% de personnes en plus. C’est forcément lié. Parasite va
surement redonner un coup de boost au marché. Sans la Palme d’Or le film n’aurait
peut-être fait que 400 000 entrées, il y a eu le travail de JOKER FILMS qui a permis
au film d’avoir un si grand impact. On espère être à l’aube d’une nouvelle vague. Je
crois que de nouveaux auteurs vont émerger sur la scène internationale. Je sais qu’il
y a un Space Opéra sud-coréen qui est en préparation j’ai très hâte de voir ça.

OM: Merci infiniment pour votre temps. Ce fut un entretien extrêmement


enrichissant! Je vous dis à très bientot et merci encore d’avoir bien voulu échanger
avec moi

DT: Merci à vous, bon courage!


155
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

156
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

Grille d’Analyse

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THOMAS PIBAROT AMEL LACOMBE BASTIAN MEIRESONNE ERIC LEBOT ADRIEN GOMBEAUD DAVID TREDLER

• « Si la Corée du Sud a ce goût • «  Des films d'une grande qualité, «  les ressorts dramatiques ne sont • « Les genres c'est vraiment • «  Il faut prendre le cinéma coréen
très prononcé pour le genre c’est très diversifiés, très riches. »
pas les mêmes. En effet la notion quelque chose qui m'avait dans sa globalité, c’est difficile de
fasciné dans le cinéma coréen
parce que c’est un moyen pour de héros/Anti-héros est plus floue. dès la fin des années 90. Cette donner une vision précise. »

les auteurs d'exprimer leurs • «  Il y a des œuvres qui sont Il n’est pas rare de se questionner manière de mêler toutes sortes
pulsions et tout ce que tu n'as quand on regarde un film coréen de cinémas dans un seul film.
exclusivement destinées à des Moi j'avais expliqué ça, à • « Ce qui caractérise en grande partie
pas le droit de dire. Pourquoi en adultes, comme Belladonna à la sur les valeurs du personnage l'époque par le fait que le cinéma le cinéma sud-coréen c’est la
France, par exemple on a limite du psychédélique, un peu principal que l’on suit »
avait tellement été contrôlé par différence de ton qu’on peut trouver
beaucoup moins de films de l'état de façon violente parfois.
coquin. C'est clairement pour les C'est important de le rappeler dans un film. Cette rupture de ton
genre qu'en Espagne ou en Italie, adultes. Mais les films qu'on sort parce qu'on a tendance à oublier dont font preuve les auteurs est
tout simplement parce que ces et qui ont beaucoup de succès que la Corée du Sud a vraiment extraordinaire. »
deux pays ont vécu des été une dictature dure. Il s'est
par exemple Les Enfants Loups passé des choses terribles dans
dictatures fascistes. C'est lié. »
de Mamorou Hosada ou Your l'histoire de la Corée du sud et
Name de Makoto Shinkai, sont quand ça s'est arrêté, j'ai
l'impression que les réalisateurs
• «  Mais s’il y a quelque chose de absolument tout public et c'est on voulu tout mettre dans leurs
commun dans les cinémas des d'ailleurs pour ça qu'on fait des films. »

pays d’Asie de l’Est, c’est cette VOSTF  »

• «  la Corée c'est un pays qui a


capacité à mélanger les genres. construit son cinéma en sachant
On a souvent des films très que son cinéma patrimoine avait
• «  les japonais essayent de disparu. Et ça ces cinéastes des
violents et à la fois ultra travailler sur des titres qui parlent années 2000, ils sont motivés par
sentimentaux. »
largement à tout le monde.»
cette idée de reconstruction. »

• « Si on extrapole. Vous allez dans


• « Il y avait cette violence, mais • «  il y a parfois des histoires très un restaurant Coréen, vous
aussi un mélange extrême des prenez un bibimbap, c'est un
difficiles comme quand j'ai sorti
sentiments. Sans oublier la mélange de tout, vous avez du
un film magnifique de Keiichi riz, de l'ail, des légumes, de la
sexualité qui est montrée et Hara, qui s'appelait Colorful qui viande, un oeuf placé dessus. Par
exprimée. Là encore ce goût pour contre vous allez dans un

aborde le suicide des


restaurant japonais, vous allez
Un cinéma de le genre, pour cette sexualité adolescents.  » avoir des aliments parfaitement
genre crue, est extrêmement lié à leur découpés, rangés, posés en
histoire. Ce sont des pays qui ont ligne. Et c'est cette idée dans le
connu des gouvernements cinéma coréen de fourre-tout
bordélique et en même temps
autoritaires dans le passé et cela très bien foutu. Un sympathique
a eu une grande influence sur eux bazar. »

(ndlr: les auteurs). Dans leur


• « Attention à ce que le cinéma
culture ce sont des peuples très coréen ne devienne pas un genre
disciplinés, réservés, obéissants en lui-même. C'est à dire qu'il ne
suffit pas qu'il y est des gens en
et le cinéma pour eux c'est un costumes noirs qui se tapent
exutoire. Le genre c'est un dessus pour faire du cinéma
moyen de faire passer des coréen. Mais c'est vrai qu'on ne
messages. retrouve pas ça ailleurs.

• «  les genres c'est vraiment


quelque chose qui m'avait
vraiment fasciné dans le cinéma
coréen dès la fin des années 90.
Cette manière de mêler toutes
sortes de cinémas dans un seul
film. Moi j'avais expliqué ça, à
l'époque par le fait que le cinéma
avait tellement été contrôlé par
l'état de façon violente parfois.
C'est important de le rappeler
parce qu'on a tendance à oublier
que la Corée du Sud a vraiment
été une dictature dure. Il s'est
passé des choses terribles dans
l'histoire de la Corée du sud et

158
L’export du cinéma d’Asie de l’Est

quand ça s'est arrêté, j'ai


l'impression que les réalisateurs
on voulu tout mettre dans leurs
films.
THOMAS PIBAROT AMEL LACOMBE BASTIAN MEIRESONNE ERIC LEBOT ADRIEN GOMBEAUD DAVID TREDLER

• «  Beaucoup de films sud-coréen • « une grande partie de la cible de • « On importe des films où l’on • «  Beaucoup de des distributeur • Le Japon, c'est un pays qui
ou japonais s'adressent à (…) l'animation japonaise n'est pas voit des cerisiers en fleurs et des nous demande d’ailleurs d’avoir existe dans l'imaginaire français
ceux qui veulent voyager. C'est nécessairement que focalisée sur gens qui mangent de la nourriture accès à notre base de données depuis très longtemps et a pris
souvent un public plus âgé, dans l'animation, mais est nippophile traditionnelle japonaise et en pour leur communication quand une importance considérable dès
des grandes villes, qui vont voir avant tout, c'est ce qui nous faisant cela vous séduisez toute ils sortent un film japonais le 19e siècle puisque les
des films que j'appelle des motive à nous intéresser à la une partie du public. »
comme Haut & Court par estampes japonaises ont
National Geographic. Les Délices fiction. »
exemple ou Bac Films.
influencé les impressionnistes,
de Tokyo de Naomie Kawase • que Zola les collectionnait, si
s'adresse à ce public, Notre vous allez au Musée d'Orsay,
• «  ce sont des films qui reflètent • «  Je pense à La Saveur des
Petite Sœur de Kore Eda on l’a une culture. Tout comme on sait Ramen a très bien marché sur le vous trouverez plein d'estampes
vendu sous ce prisme. Un public tout de suite quand on regarde public Art & Essais. C’est film japonaises représentées dans les
qui veut voir des cerisiers en un Ken Loach ou un Kore Eda. magnifique qui invite aux voyage. toiles françaises.

fleurs, des kimonos, des ramen... C'est différent, mais il n’y a pas On sait qu’il y a un public qui
Ces dernières années ces films une volonté de se positionner. cherche de l’exotisme quand il
ont trouvé un public, ça marche C'est un processus créatif vont au cinéma. »

beaucoup dans les circuits Art & différent avec une culture
Essais, car en France c'est un différente. »

• «  Le pari d’Art House c’est de


public mature, âgé, et tu leur
proposer des film aussi bien aux
vends une carte postale. »

• «L'animation japonaise cinéphiles qu’aux aficionados du


représente un univers culturel très Japon »

• «  ça marche beaucoup dans les riche qui est souvent dérivé du


circuits Art & Essais, car en manga mais pas uniquement. Ce • «  Les Saveur des Ramen a pour
L’exotisme France c'est un public mature, sont des films qui représentent la trame une histoire de cuisine
âgé, et tu leur vends une carte culture japonaise. Et c'est pour
japonais japonaise. Après beaucoup
postale. »
cette raison que c'est facile pensés justement que ce serait
d'attirer ce public déjà acquis » 
 une carte postale du japon or
• «  Ces pays là, ils ont très vite quand on voit le film on se rend
compris qu'au moyen de leur compte que c’est très secondaire
films c'était leur culture qui et que c’est surtout Singapour
s’exporter. »
que l’on découvre avec ce film.
C’était le pari du film. »

• «L'industrie cinématographique
japonaise a beaucoup été dopée
• «  Dans le film Un Jardin Qu’on
par l’animation" Dirait Eternel, on a toute une
exposition sur l’art de faire le thé.
Le film se passe dans un décor
somptueux. C’est vrai que c’est
l’une des seules
cinématographies à mettre autant
l’accent sur leur culture. Mais ce
n’est jamais caricatural.

• «  C’est une volonté des auteurs


de faire partager cet exotisme et
ces rituels. Ce sont des films qui
invitent au voyage »

159
L’export du cinéma d’Asie de l’Est
THOMAS PIBAROT AMEL LACOMBE BASTIAN MEIRESONNE ERIC LEBOT ADRIEN GOMBEAUD DAVID TREDLER

• Il faut se rappeler que durant le • « face à la position qu'ils tiennent


festival de Cannes de 1975 il y a face à la Chine, ils auraient sur
eu A Touch Of Zen de King YU a Soft Power quelque chose à
été récompensé. Et au de la de jouer. Ils devraient promouvoir
ça l’influence du cinéma asiatique leurs cinéastes, faire des films
est depuis de nombreuses chinois dans la Chine libre. »

années considérable et ne date


pas d’hier. • «  Au début d'année on a eu le
magnifique : Séjour dans les
Monts Fuchun de Gu Xiaogang
q u i e s t u n p r e m i e r fi l m
Taïwan, en
complètement indépendant. Alors
wagon de même s'il y a la censure chinoise
queue qui est très présente, et que
beaucoup de film nationalistes
complètement aberrant, sont
produits, malgré tout le cinéma
d'auteur chinois existe. Un Long
Voyage Vers La Nuit de Bi Gan
est un bon exemple. »

• « La France est l’un des pays les • «  c'était l'animation japonaise • «  le cinéma asiatique à toujours • A Propos d’Hanabi « Nous avons • «  ca date d'un moment déjà. On
plus ouvert à la diversité du dans le club Dorothée. C'est tout fasciné notamment les français. »
près de 100 000 personnes qui m'a décrit des files d'attentes
cinéma »
de même quelque chose qui a suivent nos pages sur Facebook devant les cinémas pour voir les
marqué vraiment toute une • et Instagram. »
films d'Ozu dans les années 70. »

génération, qui était


• « Marché de niche »

complètement nouveau à • « L’ a t t r a i t p o u r l e c i n é m a • «  Des succès aussi comme


l'époque. Cela a permis aux asiatique en France ne date pas Épouse et Concubine, je me
• «  On ne pouvait pas faire plus
jeunes de s'ouvrir sur une d’hier. Pour le Japon c’est un souviens avoir vu la salle pleine. »

que 200 000 entrées. »


nouvelle culture. Aujourd'hui ces cinéma qui a déja connu un
gens-là ont grandi et on les succès, parfois même plus • « Il y a un statut très particulier de
retrouve par exemple tous les ans important que le succès qu’il la France par rapport au
en masse à la Japan Expo. Cette rencontre aujourd’hui. Entre les
Une demande cinéma. »

cible-là est très attentive à tout années 1990 et 2000 à Cannes,


du public ce qui est l'animation japonaise, le cinéma asiatique était très
français mais aussi à tout ce qui est présent notamment le cinéma • «  Est-ce que les gens qui vont à
culture japonaise. Je pense que la Japan Expo on les retrouve à
Coréen.

c'est une cible très forte, l'expo de  Itō Jakuchū au petit
demandeuse et fidèle. C'est plus palais dont on parlait tout à
large que le cinéma. • l’heure ? C'est peut-être le cas, je
ne sais pas. Est-ce que c'est le
même public qui va voir les films
• »

de Kore Eda et qui lisent des


mangas. Ou est-ce que c'est
• deux genres de nipophile qui
cohabitent en France. Je ne peux
pas vous dire, je n'en sais rien du

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tout. »
THOMAS PIBAROT AMEL LACOMBE BASTIAN MEIRESONNE ERIC LEBOT ADRIEN GOMBEAUD DAVID TREDLER

• «  Le cinéma japonais, il y en a • «  c'est vraiment Eurozoom qui a • «  B i e n s o u v e n t l e s fi l m s • «  Les films japonais qui sortent • « et il y a eu vraiment un énorme • «  Les films restent quand même
toujours eu, aussi parce que leur créé le marché de l'animation asiatiques présents en en France ne sont pas du tout les succès du cinéma japonais dans produits en premier lieu pour les
cinéma a été souvent coproduit japonaise hors Ghibli en France. »
compétition à Cannes par mêmes films qui marchent au les années 70 en France. Donc coréens. Après c’est vrai que de
ça veut dire qu'un cinéaste
par des européens. Ran par exemple, sont des co- Japon. Nous on travaille avec des comme Kore Eda, il s'appuie sur grands studios ont commencé à
exemple était co-produit par un productions françaises. Il y a auteurs qui pour la plupart la plus ça quand il sort ses films en développer leur branche
• «  Les gens ne sont pas contre
français. »
dans le fond, c'est juste que tant donc un intérêt à les mettre en part peinent à faire des entrée France, sur cette connaissance internationale comme CJ
avant  »
dans leur propres pays. Il arrive très anciennes de la France pour Entertainment par exemple »

qu'on ne leur a pas montré ils ont


qu’ils pensent leur film pour le Japon. »

• «  la Corée a un cinéma national des aprioris, mais c’est une fois


qui est hyper important, qui qu'on leur montre les choses • «  L e s fi l m s a s i a t i q u e s q u i séduire un public international. • «  Dans les années 70 début des • «les films de ce pays qui sortent en
s’importent le mieux à Après il reflètent leur culture, ces années 80 vous avez les films de
marche mieux que le cinéma qu'ils voient que la qualité est là, France chaque année représente une
l’international sont tous Bruce Lee et Jackie Chan, ce
américain chez eux. Le cinéma que les réalisateurs ont des films sont fais avec les meilleures infime partie de ce qui est réellement
n'est pas rien.  »

s i m p l e m e n t d e s fi l m s q u i intentions et cependant il se
coréen fait plus d'entrées que les choses intéressantes à dire, les produit là bas.  »
répondent à un cahier des trouve que cette culture résonne • «  la France produit même les
blockbusters américains. »
choses évoluent petit à petit. films de certains réalisateurs
charges. »  »
fort dans les pays occidentaux,
Après ça ne se fait pas du jour au étrangers. Essentiellement parce
lendemain, il faut du temps et des notamment chez nous. »
que le public de ces cinéastes se
• « lors c'est aussi parce qu'ils ont • A propos des films qu’importe en
étapes.  »
trouvent en France. »

un système qui est en partie France «  Souvent d’ailleurs le


inspiré du CNC et qui protège public local se désintéresse • «  C’est tout simplement parce • «  en dehors de l'art & Essais, la
énormément leur cinéma, mais que le cinéma japonais ne se culture main Stream coréenne ou
• «La R&D* est faite par de petites totalement de ces films. »

résume pas qu’à un cinéma japonaise s'exporte aussi très


aussi parce qu'ils ont mis en entreprises que peu de gens bien. »
place des quotas dans leurs soutiennent commercialement d’auteur, chez eux c’est un
• «  A p r è s , l e s c i n é a s t e s e t
salles pour limiter l'importation parlant et puis quand la preuves producteurs de ces pays l’ont cinéma beaucoup plus populaire
des films étrangers. Mais les films est faite de la qualité des films, compris. Pour séduire un public qui domine leur marché. »

qui marchent chez eux, ils ne les auteurs sont récupérés par international il faut jouer les
sortent pas en France ou des plus grosses boîtes, c'est stéréotypes. L’empire des Sens, • « Il y a peu d’auteurs qui arrivent
Un cinéma uniquement en DVD. Par exemple comme ça... »
la seule motivation pour les à faire des entrées chez eux,
pensé pour la A Taxi Driver est un film sud- distributeurs étrangers s’était c’est pour ça qu’ils sont toujours
France coréen qui a fait peut-être plus de d’acheter l’un des films les plus heureux de voir leurs films
• «  Je ne pense pas qu'il y ait une
12 millions d'entrées chez eux et volonté de positionnement par irrévérencieux. On y revient mais distribués en France. »
qui n'est sorti qu'en DVD chez r a p p o r t à t e l o u t e l fi l m les films qui sont distribués en
nous. »
d'animation. Ce sont des films France sont des films qui ne
qui ont leur propre culture ou leur verraient jamais le jour sans
propre parcours. Il n'y a pas de l’influence de la France.

• « Pour nous le cinéma coréen ou


le cinéma japonais il faut que ce positionnement en fait, chaque
soit par le biais d'un réalisateur fi l m a s a p r o p r e a v e n t u r e • « Sans l’influence de la France.
Kore Eda n’aurait certainement
reconnus. On fait un peu cet créatrice. L'animation japonaise
pas fait autant de films s’il n’y
amalgame, qui n'est pas très n'essaye pas de se positionner
avait pas eu les français pour voir
grave : cinéma asiatique/cinéma par rapport à d'autres films
son cinéma.

d'auteurs. Mais leur cinéma est d'animations. C'est un secteur


beaucoup plus large que ça. » créatif et culturel. »

• « Ses films commencent même à


être co- produit avec la France et
• «  Ils n'usent d’aucun stéréotype, il sait parfaitement ce qu’il doit
et c'est justement ce qui fait la faire pour séduire ce public. »

fraicheur des films japonais. Il y a


souvent une attention aux détails • «  on va chercher chez eux, des
de la vie quotidienne que les films qui sont à peu prêt formaté
gens apprécient énormément comme les nôtres mais avec
mais ce ne sont pas des cette culture asiatique qui est
stéréotypes. » mise en avant, puis on les
importent sur le territoire. Mais ce
n’est pas du tout représentatif de
leur cinéma national. »

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• « Il  y a énormément de festivals • «  Ce n’est pas sur les marchés • «  Vous s’avez l’importance des • «  Souvent quand un réalisateur • A Propos des palme d’or 2018 et • «  On peut citer le London Korean
dédiés à ce cinéma en France internationaux qu'on peut nouer festivals est certes considérable marche bien sur un marché il 2019: «  il est important de Film Festival qui est entièrement
c o m m e l e f e s t i v a l d u fi l m ce genre de contacts. Ça c'est p o u r l e s fi l m s q u i s o n t n’est pas rare qu’un distributeur rappeler que c'est des cinéastes organisé par le centre culturel coréen
asiatique de Vesoul  ; le festival pour l'animation, c'est vrai que récompensés, et je ne trahis pas indépendant se le fasse prendre qui sont déjà connu. Ils ne sortent et le KOFIC. Le KOFIC c’est si vous
des trois continents ; le festival pour la fiction ils sont plus dans un secret en disant qu’obtenir par un plus gros qui surenchérit pas de nulle part. Bong Joon Ho, voulez l’équivalent du CNC en
du film Sud-Coréen à Paris… »
une logique de vendeurs une Palme d’Or va sur les MG. » son premier film il date de l'an France. Nous concernant on perçoit
internationaux et de rencontres nécessairement faire accroitre le 2000, donc ça fait 20 ans qu'il fait des subventions de leur part, c’est un
• «  On a besoin de festival et de lors des marchés de films
nombre de tickets vendus.  »
des films. Kore Eda encore partenaire, mais contrairement à
Cannes en premier lieu. »
plus. »
Londres ou à d’autre pays, ils
• A propos des marché du film • «  Aujourd’hui certains festivals n’interagissant pas dans notre
d’animation japonaise: «  Il y en a dans le monde ne mettent en • «  La Palme d'Or, était quelque sélection ni notre programmation.
• «  Les festivals donnent une
mais il faut aller au Japon. Mais avant que les oeuvres qui ont été choses d'attendu en Corée. Moi C’est nous qui choisissons quel films
visibilité et la presse valide, ou
en réalité il y a très peu de gens pensées pour ces derniers. Alors j'ai vécu ça, il y avait une on veut montrer et tel acteur ou telle
pas, et après quand vous allez
qui sont accrédités. C'est une ça n’enlève rien à la qualité des frustration de la part des coréens actrice on veut recevoir. Après ils
voir des exploitants frileux c'est
dynamique complètement films.  »
de ne pas être reconnus. Alors là peuvent jouer le rôle d’intermédiaire.»

beaucoup plus facile de les


convaincre de prendre le film. »
différente, si vous allez à Cannes on parle de cinéma, mais il y a eu
au marché du film, il va y avoir la même chose avec le Prix • «  les studios essayent de se
• «  Bong Joon Ho a décroché la
des japonais en effet, mais c'est Palme d’Or pour Parasite l’année Nobel de littérature. Je me rapprocher de plus petits festivals tel
• «  Cannes joue d'ailleurs ce rôle
très difficile de créer le contact dernière mais c’est tout sauf une souviens j'étais passé devant une que le nôtre. Ils savent que ça peut
d’incubateur »

avec eux et d'avoir des infos sur surprise, c’est son septième film grande librairie, l'équivalent de la être une porte pour accéder à de
leurs projets si vous ne les et les précédents ont très bien Fnac chez nous, et en vitrine il y nouveaux marchés là où la
• EXEMPLE KORE EDA connaissez pas déjà. C'est avait tous les grands auteurs concurrence est beaucoup plus
marché à l’international avant »
L’importance vraiment un marché qui est pour coréens et il y avait une place grande comme à Cannes.  »
les initiés. C'est un secteur vide pour le futur prix nobel de
des festivals
compliqué. Et même concernant littérature coréenne. »

ces marchés au Japon, ils restent


très fermés. Ce sont des espèces • « Quand Bong Joon Ho revient à
de réunions qui se tiennent à Séoul avec son prix il est accueilli
Tokyo tous les ans. Il y a très peu comme s'il avait gagné la coupe
d'informations dessus, c'est sur du monde. Parce que c'est une
invitations et ce sont des rendez- mission qui tient du nationalisme
vous qui se font de pair à pair
chez eux

• «  Nous c'est notre rôle en tant • . »


qu'ayant-droits français de
proposer des films à Annecy. »

• «  C o n c e r n a n t l ' a n i m a t i o n
japonaise, on a essayé de
montrer depuis le début que
l'animation ce n'est pas que pour
les enfants.  »

• «  ce n’est pas parce que vous


avez un succès dans un festival
que le succès est commercial. »

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• «  ils sont constamment en • « Je m’interroge souvent quand je • «  Dès que j’ai vu les premiers films
recherche de nouveaux vois un film ou une série, s’il coréens arrivés sur Netflix, j’étais un
marchés. »
s’agit vraiment d’une oeuvre à peu déçu. J’aurais aimé avoir pu les
100% japonaise par exemple. programmer au festival.  »

Vous avez des sujets qui ne sont


• «  ça permet une démocratisation
et un accès plus facile. »
pas abordés au japon et qui • « Il y a un nombre assez conséquent
pourtant dans ces oeuvres sont sur Netflix de films sud- coréens,
totalement évoqués. Je vous cependant il faut le savoir. A cause
• « il faut savoir que tel film coréen prend un exemple assez parlant.
est sur Netflix pour aller le de l’algorithme ce sont uniquement
En occident pour l’horreur on est ceux qui veulent voir ces films qui
chercher »

t r è s a d e p t e d e s fi l m s d e savent qu’ils sont dans le


Zombies. Au Japon ce n’est pas catalogue. »

• «  si Netflix a prit Bong Joon Ho, le cas. Eux ils adorent les
Alfonso Cuaron, Martin Scorsese vampires. Vous avez des dizaines
c'est pour faire leur pub. »
• «  Il y a des plateformes qui font un
et des dizaines de films de
travail formidable. Je pense à
vampires qui sont produits pour
Outbuster, qui a un super catalogue.
• «  Quand Vincent Maraval décide un seul film de zombies. Est ce
Ils arrivent à évènementialiser leur
de mettre tous les films du studio que nous, en France, nous avons
films » [...] « c’est important de
Ghibli sur Netflix c'est une bonne eu ces dernières années un seul
travailler main dans la main avec ce
La SVOD et la chose. » film japonais de vampire? C’est
genre de plateformes. »

démocratisati tout le sujet. »

on du cinéma
• «  c’est important de travailler main
asiatique • « Je trouve qu’il y a du bon et du
dans la main avec ce genre de
moins bon. Le fait d’avoir tous les
plateforme. »
Miyazaki sur la plateforme c’est
super, vous avez aussi une
é n o r m e s é l e c t i o n d e fi l m s
coréens. Mais tout ça est noyé
dans la masse. S’ils achètent ce
genre de films c’est pour leur
algorithme. Moi j’ai une bonne
visibilité sur ces oeuvres quand je
m’y connecte car l’algorithme a
compris que c’est ce qui
m’intéressent donc il me propose
de voir ce que je veux voir. Mais
quelqu’un qui n’a jamais vu un
seul film coréen ou japonais il ne
soupçonne même pas que ces
films sont disponibles en SVOD. »

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• « Le cinéma d'auteur japonais est • «  Il y a quinze ans, je suis venue • « Je ne sais pas si on peut parler • «  LLe Japon a encore donc • «  Parler du cinéma asiatique • «  Il y a depuis trois ou quatre ans
apparu très tôt »
au cinéma japonais par d’un essor récent. A la rigueur énormément de mal à vendre ses comme une généralité, c'est très effectivement une nouvelle
frustration du fait de la très faible d’un renouveau.
films de studio à l’étranger. C’est compliqué. Je dis ça parce qu'il y appétence pour le cinéma sud-
• «  Dans les années 1970, ce sont représentation de l'animation en aussi parce qu’il s’agit d’un code a aussi des histoires différentes coréen. »

les films de Bruce LEE qui France.  »


entertainment très spécifique que pour chaque pays en France. Si
attiraient les foules. Bruce LEE • «  Avec Parasite, Dernier train
pour Busan on remarque qu’il y a l’on ne comprends pas tellement on parle d'exportation, le Japon • «  Après le grand boom dans les
deviendra une star mondiale tout
un regain d’intérêt mais est ce en occident. Vous pouvez par n'a pas du tout la même histoire années 2000, et le succès de Ivre De
comme Jackie CHAN plus tard. • «  À l’époque, on n’acceptait
Les films de Kung Fu et de l’animation japonaise que pour que ca va durer? »
exemple avoir un personnage qui que la Chine, et pas du tout la Femmes Et De Peinture et Old Boy
Karaté ont fait des millions Miyazaki. Les films du studio pleure parce qu’il est en colère et même histoire que la Corée. »
ca s’est tassé un peu, à cause d’un
d’entrées à travers le monde.  »
Ghibli c'était bien le reste on n'en nous ça on ne le comprend pas, manque de renouvellement de têtes.»

voulait pas. C'est plutôt par ce on est très hermétiques  »


• « Le cinéma asiatique c'est un
• À propos du Japon: «  ils ont un biais là que je suis arrivée au cinéma qui est produit dans une • «  En 2000 vous aviez dix à quinze
mode de production très différent cinéma japonais.  »
• «  Il y a eu un creux les années région du monde. Ce serait très
qu'en France. Nous s’est hyper fi l m s s u d - c o r é e n s q u i é t a i e n t
suivantes et aujourd’hui oui on dangereux, proportion gardée distribués dans les salles françaises.
encadrés par le CNC, là-bas ils
retrouve des spectateurs qui ont évidemment, de coller une Aujourd’hui ils se comptent sur les
sont beaucoup plus • «  Ça a été une très longue
traversée du désert pour creuser envie de voir ces films.  »
étiquette régionale sur un film ou doigts d’une main.  »

indépendants au sens large du


terme. Ils ont toujours un un sillon qui aujourd'hui est un réalisateur. »

sentiment d'urgence à tourner. »


reconnu.  »
• «  Pour la Coréen c’est un • «  Nous concernant on a eu une
phénomène très récent »
augmentation de quasiment 50% à
• « Je pense que sur les prochains notre festival entre 2015 et 2016. On
• «Le cinéma comme un peu tous
marchés du film, il va y avoir une
les milieux du divertissement ou • « Ivre de femmes et de peintures remarque qu’il y a un regain de
vraie demande à voir les films
coréens, parce que c'est comme même de la pop culture ou est le film qui totalisé le plus curiosité de la part du public vis à vis
que ça marche dans l'industrie, encore de la culture générale d’entrée avec 400 000 personnes du cinéma sud-coréen. »

tout le monde va vouloir avoir le marchent par vagues, par cycles. qui ont découvert le film en salle.
nouveau Parasites. »
Le cinéma japonais et le cinéma • « Ces films ont brisé le plafond de
Un nouvel asiatique de manière générale a verre des 200 000 entrées dans les
essors du • «  les années 90-2000 et il y a déjà été à l'honneur dans les années 2000.
cinéma pleins de distributeurs qui se sont festivals il y a plusieurs
asiatique? mis à acheter tout et n'importe décades. »

quoi, les prix des MG se sont


emballés. »

• «  ce sont des modes qui s'auto


• «  C'est vrai qu'il y a eu un vrai entretiennent par les festivals.
développement du cinéma Comme il y a des films asiatiques
japonais, on y a cru, mais qui marchent, il y a des
malheureusement après réalisateurs asiatiques qui
Kurosawa, Miyazaki puis ça s'est prennent de l'ampleur, ainsi les
tassé car il y a un manque de festivals les sélectionnent, du
renouvellement des talents. Pareil coup comme les festivals les
pour les films coréens en France sélectionnent, ils sortent en salles
ils ont fait de moins en moins
plus gros. C'est une espèce de
d'entrées. Mais c'est vrai que
cercle vertueux, tant mieux
depuis 5 ou 6 ans ça reprends,
de nouveau talent reviennent. Ils d'ailleurs. C'est comme ça que
reviennent parce qu’il commence ça fonctionne. Je pense que ce
à être reconnu par la presse et n'est pas unique, c'est arrivé
les festivals. Mais ça prend du dans le temps. Il y a simplement
temps »
des vagues.  » 

• «  Pour la Corée à l'époque, il y


avait un gros marché vidéo »

• «  L’émergence elle arrive avec la


vague coréenne dans les années
2000, mais elle ne s’est pas faite
toute seule. »

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