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LE ROLE DES COUTUMES DANS LE DROIT DES PERSONNES * Annie ROUHBTTE Mate de Conferences agrégie @'Histotre du Droit ta Facute de Prot ef des Selences Keonomigues de Modagasear. En un temps oit s'accomplit Pceuvre de codification du Droit, il est utile d’établir et de préciser le réle que les coutumes jouent dans le Droit de Madagascar. Les coutumes, en effet, Participent dans une trés large mesure & la formation de ce Droit traditionnel que le gouvernement de ce pays entend utili- ser pour l’édification de régles juridiques uniformes et précises, applicables @ l'ensemble des citoyens Malgaches. Le rapport de synthése sur ’état des personnes présenté par M. le Ministre de la Justice le 30 janvier 1962 indiquait clairement que le Code civil de Madagascar, loin d’emprunter a des législations étrangéres, puiserait sa substance dans <« les institutions juri- diques authentiquement malgaches » (1), trouvant ainsi, grace sa conformité avec les coutumes en vigueur, la certitude de Padhésion populaire et la garantie de son application (2). (©) Contérence prononcée par Annie Rovnzrrs, au cours du Colloque du Droit Malgache, le 20 octobre 1964 (1) Bxemplaire roncoté, p. 2 ot 27, 28: v. également A. Rawaxoasoavia, ministre dela Justice de Madagascar : «Du Droit couttmier aux codes modernes malgaches ee, Penant, n° 692, 1962, p. $27-847. Plus partieullerement p. 345 (G) A Rawanoasoavinn, ep. ci, p $45, 00 I est précis que Ta codification est congue comme une rénovation, comme une adaptation des Ios et coutumes malgaches faux Imperatifs de la vie moderne. Lo Code civil n’opérera pas une révolution ar il ‘introdulra pas dans We Droit de Madagascar des dispositions empruntees & des Iegis> lations irangéres et inadaptées & ln mentalté juridique des habitants de ce pay’. arml ces codes « d'mportation«, eltons Texemple récent du Code evil ethioplen, v. HL Davin, +s sources du Code civil ethiopien», eo. it. dr. comp., n° 3, 1968, p. 497. 506, et La refonte du Gade civil dans les Etats aieains » Res, Pena, 1962, p. 362-364 Mais ce ne sera pas non plus une simple «consolidation » Sue la » consolidation » ¥, G.K, Atm, Law in the making, 6» 6d, 1858, p, 461 et set G. W. PATON, A text-book of Siuispradence, 3© 60, par D. P, Donuss, 1984, a annie nouwerre, Les coutumes présentent done un intérét primordial en tant quelles fournissent le matériau du Droit nouveau. Elles ont déja contribué & Pédification de plusieurs lois qui trouveront place dans le Livre Premier du Code civil de Madagascar consacré & la famille et aux personnes (3), c’est-a-dire & YEtre Humain envisagé comme sujet de droit et comme membre de la collectivité familiale. Précisons qu’en Droit malgache, les régimes matrimoniaux et les successions se rattachent étroite- ment notre matiére (4), au point de ne pouvoir en étre séparés comme cela se fait dans le systéme juridique francais ot le Droit des personnes est restreint le plus souvent aux régles relatives T'identification de individu (nom, domicile, état- civil) et & ses relations familiales (mariage, filiation). Quelle que soit l’étendue du Droit des personnes, !'Homme en est toujours le centre : c'est pour lui que le Droit a été fait, ainsi que le précisent les juristes romains (6), qui par ailleurs congoivent la « persona » comme P’étre humain capable d’avoir des droits (6). Faut-il rappeler qu’a Porigine le mot « persona > désignait le masque que portaient les acteurs pour amplifier leur voix ? Grace aux Romains, le mot a done perdu sa rigidité premiére pour désigner un étre vivant et, en particulier, un étre vivant en tant qu'il joue un réle sur la scéne juridique (7). Cependant, pour exprimer plus fidélement esprit de la société () V. Recueil des lois eile, t. 1: « Dispositions générales, Drolt de 18 famille», République Malgache, ministare de 1a Justice, Tananative, 1964. (@) Rapp. synthese, exemp. ronéoté, p.28.'A titre exemple: Dans certaines eoutu- mes, lorsque anion ext dioute a la suite d'un divorce prononcé aux torts de 'épouse (Cas dTadultere) ectle-c est privée de sa part des biens communs. V. B. Maoxes, ‘ssa sur les inttitations et la eoutume des Teimihety », p. 96, Bulletin de Madagascar, ‘he 89, octobre 1953; eng. cout. Betsimisaraka et Tsimihety, p. 9 : esi Ia femme ext Surprise en flagrant elit [@'adultare}, elle dott rentrer uniquement avec les biens qu'elle | apportés de'ses parents. Elle n'a pas droit aux lens aequis pat Tunion » Le rejet prive Venfant rejeté de ses droite a In succession du rejetant jexceptionnellement V'en- fant rejeté n'est exclu que de I’béritage des biens personnels du rejetant, il conserve son droit aux biens aneestraus, car, ditn, eejetant ne peut rejeter que pour lui-meme {ct non pour les Anettes, V. coutuime Betsimisaraka, eng. cout, province de Tamatave, . 21. Les effets du rejet sont Urs étendus et attelgnent Tee dercendante du releté is font cependant atténues dans quelques coutumes * Les Betsimisaraka autorisent les enfants nés avant le reet de leur pére ou de leur mére a représenter le velete la se- on du reletant (eng. cout. District de Maroantsetra,p. 4); les Bara admettent tous Tes descendants du rejté, nés avant ou aprés Ie rejet de lea pere ou mére, ala suecession du rejetant, soit de leur propre chef, soit par représentation da rejeté (eng. cout. Poste administratif @Amborompotsy, p. 9) (©) ¢Totum ius hominum cause constitutum ests, D. 1.5.2. En effet, «Sol... ratione ttentes jae ac lege vivunt », Cte, De nat. deor, 1162-184 (6) Lreselave est une persona Galus, IL187 et T1L189; rap. Sex. Bp. 47.95; v. F. Sena, Classical Homan Law (Oxfort, 1954) nv 121, p. 71; B. BioNDY, Dirilo romano (Bologna, 1957), ne 85, p. 259; M. Kasten, Das Rom. Privatrectt, 1 (MOnchen, 1958) § 84-1, p. 294 (2) Sur Is Rotlon de « persona + en droit romain, nous nous bornons & renvayer & Dont, Ve Persona, in. Realenzyklopddie de Pavty et Wissows, XIX 1. col. 140-1042 eta Benozn, Enep. Dist, V° Persona, p. 628, 1 nOLE DRS COUTUMRS DANS LE DNOTT DES PERSONNES 33 malgache, il conviendrait peut-ére de retenir aux sources de Ja notion de personne juridique, un autre sens du mot « per- sonne >. On a avancé l'hypothése (8) que le sens originaire du latin « persona » serait celui de reproduction, ou d’image, du visage du mort, sens dérivé de ’étrusque « phersu ». On pense alors au masque des ancétres que l'on produisait solennelle- ment & Rome au cours des enterrements, pour attester 1a no- blesse de leurs descendants défunts (9). Quoi qu’il faille penser, du point de vue linguistique, de cette etymologie et de cette signification du terme romain (10), il nous parait qu’en attri- buant ce sens au mot ¢ personne > pour exprimer non pas une notion générique valable en tous les temps et sous tous les cieux, mais, spécifiquement, une réalité juridique malgache, on rend parfaitement compte d’un aspect fondamental de la civilisation de la grande Ile. Le terme « personne », en droit malgache, marquerait alors le passage de la mort a la vie, & Tinverse du cours normal de Pexistence humaine, comme si Pesprit des ancétres demeurait toujours vivant dans la personne de leurs descendants, inspirant aux générations successives le respect des traditions et des coutumes ancestrales. Le respect des ancétres commande aux individus de se conformer aux ré- gles traditionnellement formées pour assurer le maintien de la collectivité, la cohésion du groupe. C'est une constatation qui permet d’établir loriginalité de la coutume malgache qui, par ailleurs, correspond & la définition la plus générale de la cou- tume. Sans entrer dans les détails de lélaboration historique de 1a notion de coutume, limitons-nous & la définition de la doctrine moderne francaise (11), établie & partir des résultats d'une lon- (8) F. Manor p. 8B ets (8) V. E-Counsaup, Ve Imago, « Droit romain», In Dictionnaire des antiquilés de Dansuatna et Sacito, THI, 1, p. 402-415, sp. p. 412-413 ;E. Cvg, Ve Funas, «Rome», {dy IT, 2, p. 1386.01, la p. 1390. (ay Ennovr et Metter, Diet. efym. dela langue latine, Ve Persona, ne reconnaissent dime pas ce sens & Fétrusque phersu {rapp. v. BLuwentuat, Ve Persona, in Realenzy- Hopadt, tc. ity col, 1098-1040, Du pofnt de vue juridique, F. bg Mannino, Ve Persona, * Diritto romano » in Nuovo Digesto Waliano, TX, p. 929, note 1, rapporte simplement Propinion de Manor sans se prononcer (it) V. tes plus récents mantels de Droit civil, Marry et Ravxaup, I, n° 114, p. 180-191; Cannonsiem, I, n* 5, p-12 et n° 5, p. 20-21. Sur la notion de coutume, notamment, parm les ouveages le plus facilement accessibles [Dun point de vue soctologique, A. Coviniten, «Manuel de soctologie p. 381-286. ‘I, Du potnt de vue de ia sociologie juridique, H. Levy-Bunt, + Les sourees du dolt + in Aspects sociotogiques du droit (Paris, M. Rividee, 1955) p. 47-85 (Feprodult de Année Snclologique, 1959) ld Sociologie du droit (Paris, P.U-F., 1061), p. 40-55 ; J, CARBON Nien, Theorle setologique dee sourees du droit (cours de’ doctorat, Pars, 1890-1961); Tn «La gentse de Vobligatoire dans apparition de a coutume sin Annales de ’Univer~ Elementi religisi nel dritto romano anticor, Archivio giaridico, 1983. 497, « aie novierre gue évolution doctrinale dont les débuts remontent au Moyen Age (12). slé de Poitiers, 1961, p. 45 eb s.; M. Autior, + Coutume et mythe », Année socilogique, 1955-1054; aj. G. Gonvrren, en particulier dans Varticle «Théorie pluraliste. des sources du droit positf » In Le probleme des sources du droit postif (Annuaire de ins Uitut international de philosophte du droit et de sociologle juridique, Sirey 1934), p.taast I11. D'un point de vue juridique : 1° en général: G. F. Pucsra, Dar Gewohnheite- recht (Eslangen, I, 1828; 11, 1899); Ed. LaNuewr, La fonetion dr droit ell compare, T(Paris, 1903), p. 111-804! M, Wauawe, L'indioidualisme ef le droit (2° €d,, Domat~ Montehrestien, 1949), n> 135 4 168, p. 249-908; N.Bonpro, Ve Consuetudine (Teoria faenerale), in Enelelopedia del drt, 1X. 426-443 ; — 2» dans les socletes primitives + G.W. Paros, 4 fext-book of Jurisprudence, 3 &. par D.P. Dentan (Oxford, 1964), $40, p. 161-165 ; — 3» dans les droits de 'Antiquité : Droit sumero-akkadien : E Sauzctves, + La loi et la coutume, manifestations d autorité et sources d'enseignement dans VAntiquité orientale » in Etudes de droit contemporain (Travaux et recherches de Minstitut de droit comparé de YUniversité de Paris, NXIID, p. 5-19; Gréee : J. W. Jones, The low and lepal theory of the Greeks (Oxford, 1056), p. 64-67 et J. Inment, ‘La lot et la coutume, manifestations dautorite et tources denseignement dans Is Grice antique sin Htudes de droit contemporain, p. 13-35 ; Rome : F, Sew, «La lecon de la Rome antique sur le fondement de la foree obligatoire de Ia coutume in Recueil Lambert, 1. 218 et. ; Tes études de M. J. Gaupes, + Coutume et ralson en droit 0- main », RH-D., 1938, p. 141 et s, et «La coutume au Bar-Empire, Role pratique et notion théoriqie>, Labéo 1956, p. 147 et s. synthélisées dans le Cours d'histoire des Institutions et des tats sociaux (Paris, 1958-1959), p. 279-283, 382-383 ct 525.529, reprises et prolongées dans « La lol et la coutume, manifestations d’autorte et sources enseignement & Rome in Btudes de dro eantemporain, p. 35-50 ; a} en dernier le B. Bron, Dirito Ramané, n° 35, p. 115-118 ;— 4° danse droit de VOccident medieval E. Gntexox, Hisloire générale du droit frangais, 1 (Sirey, 1926) n 193 & 196, p. 489-502 F, Onivien’Manrin, Histeire du dott frangais (Domat-Montehrestien, 1951), 1°79 8 84, D118 et § et ne 315-821, p. 416-426; P. Tntmat, La eoutume, source dl droit privé Francais (cours de Doctorat, Paris, 1958-1959); ét, pour une’ synthese d’ensemble, F.Canasso, Medio evo del dirto, i, Le fonti (Milano, 1954), p. 181-214 et 409-419 ‘5° dans le droit eanonigue : classique, R. Westnta, De la eoutume dans le droit canonique, Paris, 1928 ; moderne, en demier lia, A. Rava, V* Contuatudine (« Ditto ‘anonico ), in Enciclopedia del dirito, IX, 438-458 ; — 6» dans les drolts oeeldentaux fctuels : a) droits continentaux, F. Gewy, Méthode dinterpretation ef sourees en droit Drioé postif, (2° 6a, Paris, $954), ne 108-187, p. 317-446 A. Leunc, La coulume, sex Sources, son aufrité én droit pried (These Cuen, 1932) et V0 Coutume, in Repertoire dé droit vit Datos, tT acne, La coulume et let usages dans le droit posttf (these Lav. Sanne, 1938); A. Pavows 14° Rosa, Ve Consueludine (ust ormatiol e negosial), i Enciclopedia del dirto, IX. 513-581; b) «Common Laws, C.K. Aves, Law inthemaking (6* Oxford, 1958) p. 64-156 ; G. W. Paron, Jurisprudence, cit, n® 41, 165-1684 B.W. M, Dias, Jurisprudence (London, 1964), p. 140-148; —- 7° dans lex droits dits ‘traditionnels , OWT. Buias, «La nature du droit eoutiomier afrienin » (trad. fr Présence african, 1961); v. également The future of eustomary law in Ajriea. L’avenie dit Aroit coutumier en Afrique (Symposium-Calloque d’Ainsterdam, 1985, Leiden, 1950), et J. Pomnten, «La rédaction des contumes juridiques en Afrique d’expression trangalse in La rédaction des outumes dans le passé el dans le préent, sous advection de. Gtutsse (Pub. de Institut de Soclologe Salvay, Bruxelles, 1962), p. 275 et ‘On s'est homné aux references essentlees. Il eat Gvident en tout eas qu’en avertissant dans sa présentation de PEneyelopédte de la Pléiate (N-RLE., 1956) que + La place que ‘endront dans In présente encyclopétie des «sciences » odes + rls comme’ te dole coutumler, sera évidemment (rs limitée » (p. 17), M. R. QuiNrau montre qu'll ignore tout du droit coutumier, qul n'a jamais prétendu A éire une selence niin art, mais qul fest un phénoméne bien vivant, méme a notre épogut,et dans tous essysttmes juridiques. 2)'V. 8. Bute, Die Lehre ton Geoohnhelsreeht-Bine hsiortehe, dogmatisehe Unters. ‘chung, 1 (Breslav, 1889); a). B. Lauper, op. eit, M Wattse, op. ell n® 136.8 141, 1. 251-260; F. Gatasso, op. ei, p. 197-207, ‘um nde Dus coUTUmES DANS LE DROIT DES PERONNES 35 Cette définition, que l'on trouve formulée dans Particle 5, Titre 1°, du projet de Code civil de Yan VIII et qui fut suppri- mée lors de la rédaction définitive du Code en 1804, s’exprime de la facon suivante : « La coutume résulte d'une longue suite dactes constamment répétés, qui ont acquis la force d'une convention tacite et commune >. La coutume suppose done la réunion de trois conditions : la répétition constante des mémes actes, 'acceptation tacite du groupe social qui se soumet a cette coutume, enfin écoulement d'un certain temps. Mais pour défi- nir plus exactement la coutume & Madagascar, il faut ajouter un quatriéme élément aux trois premiers : le respect de la vo- Ionté des Ancétres. Aussi pour cerner de plus prés la notion de coutume & Madagascar, doit-on s'adresser aux jurisconsultes romains qui définissaient la coutume comme un ensemble d’us ges deja pratiqués par les ancétres, qui tirent leur force obli- gatoire de ce qu’ils ont été en vigueur pendant longtemps avec Ie consentement tacite de tous (13). Précisons maintenant ce qui fait Poriginalité de la coutume malgache : ce n’est pas le fait que les usages aient été pratiqués par les Ancétres, associé & ce quills aient été en vigueur pen- dant un certain temps avec le consentement tacite de tous qui domine la notion de coutume & Madagascar, car la notion de consentement, si elle subsiste nécessairement, a moins de force contraignante que Porigine ancestrale de la coutume, C'est parce qu’elles viennent des Ancétres que les Fomba, participant au culte que l'on doit rendre a ces Ancétres, doivent s'imposer & tous. Mais impregnation religieuse des coutumes n’implique pas l'immobilisme juridique. Si les régles coutumiéres sont sa- erées en raison de leur provenance, elles n’en sont pas moins mouvantes : elles évoluent & Madagascar comme dans tous les pays de droit coutumier, au rythme des exigences modernes. La coutume est en perpétuelle gestation, sans rompre cepen- dant avec la tradition ancestrale car celle-ci faconne et dirige son expression, si bien qu’il n’y a pas rupture mais conformité et filiation étroite entre la régle nouvelle et la disposition an- cienne : la coutume demeure toujours inspirée par les Ancétres. Aussi la définition de la coutume & Madagascar peut-elle étre énoneée de la facon suivante : la coutume est un usage que les Ancétres et le respect des Ancétres ont modelé et rendu obli- gatoire. Si on ajoute que le peuple malgache se compose de dix-neuf ethnies (14), Yon comprend le pluriel employé dans Vintitulé (13) D.1.8.82.1., ef 35; rapp. Che. De in, 222.67, (14) Nous nous’en tenons au dénombrement généralement admis. J. Posnten et J.Dex ont pu distinguer 48 groupes ethniques en utilisant Te eritere subjectit (Les du sujet: le réle des coutumes..., mais si lon suppose que cha- ‘eune de ces ethnies posséde sa propre coutume, le singulier qui suit ne se justifie pas car il y aurait autant de droits des per- sonnes particuliéres que de coutumes différentes. Pourtant le sujet porte bien : Ie réle des coutumes dans le Droit des per- sonnes. Il était alors permis de Penvisager sous plusieurs angles. Prenant pour point de départ les différentes matiéres appar- tenant au Droit des personnes : famille, filiation, etc, Yon pouvait indiquer, & propos de chacune, les particularités exis- tant dans chaque coutume. Une telle conception conduisait & Vétablissement d’un catalogue monotone de < spécialités > coutumiéres, rendu dailleurs difficile par la déficience, voire Pabsence de documentation, insuffisamment comblées par la série des enquétes coutumiéres effectuées sur Yordre du minis- tere de la Justice partir de 1961. S'il existe, en effet, de nom- breuses et fort intéressantes monographies ethnographiques dont la volumineuse Monographie des Betsileo du R.P. Du- bois (15) représente un des monuments, les études proprement juridiques sont encore trop peu nombreuses (16). Et le juriste ne peut se dispenser de recourir aux travaux des ethnogra- phes (17) pour y déceler les traces de coutumes purement ju diques. Les résultats de sa quéte, toujours sur le plan juridique, sont trés inégaux, tantat trés satisfaisants, tantot fort médiocres. L’on pouvait aussi rechercher l'influence des coutumes sur la rédaction du Code civil. Une telle étude a été déjé faite dans ses grandes lignes ; il suffit de consulter le remarquable rap- port de synthése établi par le ministére de la Justice et les exposés des motifs de chaque loi pour déterminer la part des coutumes dans Vélaboration du Droit nouveau. ‘L’on pouvait enfin tenter de mesurer le degré de résistance groupes ehniques de Madagascar. Rapport pedliminaire sur un tnventalre des «tribus », Facuité des Lettres et Sciences humaines, Tananarive, 1963). Sans insster lel su les dangers de Vemplot dun tel eritére, nous nous eontenterons c'indiquer qu'il est pourle ‘moment Impossible de savoir sles distinctions qu'll permet de faire ant une signification juridique. (3) Trav. ef Mém, Inet Ethnologie, Paris, 1988. (16) Encore taut-il ajouter qu'ees s'attachent essentiellement au droit merina, Lrouvrage fondamental, malleureusement machevé demeure, Cantv2ac, sal sur let ‘naitatione ef le drtt malgache, Paris, 1900. On peut consulter également EP. Tithe raver, Tratté de droit ciel malgache, Les lls ef eoulumes hovas, 3 tas, Pars-Tananarive 1951-1958. Tes ouvrages traltant des droits non merina sont exeeptionnels et assez superfielels eltons A. Daxbouav, Coutumes sakalava ef tsimihety, Tananarive 1913 et B.Maowes, « Essai sur les institutions et les coutumes des Tsimihely », Bull. de Mada ‘gasear, n° 89, octobre 1953, (7) Outre Donors, cltons BR. Ducany, L/Androy, 2 vol, Paris, 1990-1033 et + Les Marofotsy 6, Bull. Acad. Maly, (. XXWI, Tanaharive 1946; 11. Descuames, Les Antaisokn, Tananative 1996; M. Drsewames et S. Viawes, Lee Malgaches da Sud-Eet, Paris, PLULF,, 1959; Mien, « Merurs et coutames des Bara», Bull. Acad. Maly, {OXE, Tananarive, 1957 {Le NOLE DBs COUTUMEHS DANS Li DROIT DES PERSONNES w des usagers de la coutume & Vunification et a la codification du Droit malgache. Une telle étude semble prématurée ; elle ne pourra étre entreprise qu’a partir de dépouillement de la nou- velle jurisprudence, des statistiques de V’état civil, de sondages précis de opinion publique. Et si les enquétes coutumiéres per- mettent, dans une certaine mesure, de s'informer de l'attache- ment des Malgaches a leurs coutumes ou de lindifférence qu’ils lui portent, les renseignements que Ton y puise sont encore trop insuffisants, flous et parfois contradictoires pour que l'on puisse envisager une étude de opinion malgache face & la co- dification & partir de ces documents, Condamnée dans le domaine des généralités par Vinsuffi- sance ou les lacunes de la documentation, refoulée du présent par la fraicheur jeunesse du Droit malgache peu faite pour V’his- torien du Droit qui s’attache de préférence aux choses du passé, il ne nous restait plus qu’a exploiter ce généreux pluriel et ce modeste singulier en nous interrogeant sur le role des coutumes dans le Droit des personnes et en nous demandant si les coutumes peuvent étre considérées, d'une part, comme des facteurs de particularismes dans le Droit des personnes, et, d’autre part, comme des facteurs dunité du Droit des personnes. 1 LES COUTUMES, FACTEURS DE PARTICULARISMES ‘A exception d’une partie du Droit de 'Imerina, tout le Droit de Madagascar est un Droit coutumier. En gros, si l'on néglige les usages purement locaux que révélent parfois les enquétes coutu- mieres, il y aurait done dix-neuf coutumes, autant de coutumes que d'ethnies. C’est un chiffre relativement peu élevé par rap- port aux quelques soixante coutumes générales observées dans T’Ancienne France, ce qui faisait éerire 4 Voltaire que 'on chan- geait de lois toutes les fois que ’on changeait de chevaux de poste. Mais ce serait un chiffre encore trop ¢levé si chacune de ces coutumes donnait naissance & un Droit des personnes particulier. Ce sera le premier point qu’il nous faudra vérifier. En outre, rechercher les particularismes coutumiers ne con- duirait qu’A un travail de pure érudition si Von négligeait l’as- pect pratique du probléme, c’est-i-dire la stricte application de ces particularismes, leur observation par les habitants d’un ressort coutumier donné, Ge sera le second point qui retiendra notre attention. 38 ase ROUUETTE — Eriste il des particularismes coutumiers ? La recherche des particularismes coutumiers est une entre- prise délicate qui oppose au juriste un certain nombre d’obs- tacles. C'est en premier lieu la méconnaissance des sources des cou- tumes malgaches. La rédaction des coutumes, qui peut étre considérée comme la premigre étape vers 'unification et la codification du Droit n’a jamais été entreprise & Madagascar. Toutes les coutumes y sont orales. Le juriste est ainsi privé de reeueils de coutumes maniables et précis, comparables & ceux dont disposaient les rédacteurs du Code civil frangais. Crest en second lien Ie tri A opérer parmi les coutumes pour dégager ce qui est juridique de ce qui est moral ou religieux. Il n’est pas facile de tracer une ligne de démarcation bien nette entre les deux domaines parce que, trés souvent, le respect de régles morales, 'accomplissement de formalités rituelles pro- duisent des effets de Droit Cependant grace aux quelques documents dont nous dispo- sons, grice aux enquétes coutumiéres et au rapport de synthese, il est possible d’affirmer existence de particularismes eoutu- miers dans le Droit des personnes. @) L’analyse des réponses & l'une des premiéres questions contenues dans le questionnaire établi par le ministre de la Justice révéle nettement l’existence de ces particularismes cou- tumiers. Il est précisé trés justement dans le rapport de syn- thése que cette question posait « le probleme fondamental de Punicité du Droit » en permettant < un sondage d’opinions sur Vopportunité de maintenir les divers coutumiers propres & cha- que groupe ethnique » (18). Signalons, en passant, qu’en France, lors de 1a préparation du Code civil, un sondage de opinion publique a été effectué pour connaitre l'attachement des ci- toyens francais leurs coutumes, mais suivant une procédure différente. Le projet de Code civil a, en effet été soumis pour observations aux tribunaux d’appel, afin que ceux-ci, grace & leur connaissance des coutumes et a leur expérience pratique, fassent connaitre le sentiment de leurs justiciables sur les nou- velles régles juridiques proposées (19). La question posée par le ministére de la Justice de Madagas- car était rédigée de la facon suivante: < Quelle importance (18) Rapp. Synth, ex. ronéots,p. 3. (19) Vo A. Rous, Les obserstione du Tribunal d'appel de Monipelier sur te proet de ode eo. Leur esprit. Lear influence (these Montpelier, 1910) ct notre artiele (8 para! tre), Les observations dui Tribunal d'appel de Rennes sure projet de Codecioildel’ An WITT [Le ROLE. DES COUTUMES DANS Bi DROIT DES PERSONNES 30 attribuez-vous & Vappartenance & telle tribu ou a telle caste ? Y tenez-vous essentiellement et ne vous parait-il pas bien de voir ces différences s’estomper dans l'avenir ? >» Certains n’ont pas répondu a cette question, c'est, par exem- ple, le cas des Betsimisaraka du Nord, distriet de Fenerive. Mais leur nombre est trop faible pour que Von puisse attacher une importance quelconque cette abstention. La majorité des Malgaches y a répondu et les réponses obte- nues peuvent se classer en deux grandes catégorie — La premiere catégorie comprend quarante-cing réponses se prononcant en faveur d'une Iégislation uniforme. Ces réponses révélent par conséquent qu'une minorité relativement impor- tante de Malgaches se détache des coutumes ancestrales. Cette minorité admet donc existence des coutumes tout en posant le principe de leur désuétude. — La deuxiéme catégorie de réponses peut se subdiviser en deux groupes : le premier groupe dénote un attachement pro- fond et réel a la tribu pour des raisons diverses, par exemple, pour maintenir la solidarité entre membres d’une méme tribu, ou pour bénéficier des bienfaits de Ventraide. Mais surtout, et cela nous intéresse directement, pour perpétuer le respect des coutumes. C’est notamment Vopinion des peuples du Sud-Est, Antaimoro, districts de Farafangana, Vohipeno et Manakara @20). Le second groupe, tout en marquant son attachement a Ja coutume, signale la désagrégation des grands groupes ethniques et, selon les termes du rapport de synthése : « Conclut & Patté- nuation progressive des particularismes tribaux » @i). Une telle attitude face & la coutume parait nettement dans les ré- ponses des Malgaches appartenant 4 une ethnie et résidant hors de cette ethnie, par exemple dans les réponses des Antaisaka et des Bara, établis dans la province de Majunga, district de Maintirano @2). Quelle que soit 1a nature des réponses données & la question et compte tenu de Ia valeur douteuse des enseignements que (20) Eng, cout. District de Vohipeno, p. 1; Provis-verbaux relatifs aux coutumes “Antaiinoro, Antaisaka, Antaifesy, Andrebakara, Zafioro (Districts de Farafangana, Vohipeno et Nanakars) pI, 14,31, 26; Distrlet de Nosivarika, p. 1 (Ql) Op. cil, p. 35. @2) Eng, cout, Province de Majunga, District de Maintirano, p. 3. Antalsaka Kobao : + 'y tiens pour la forme. A mes Yeux, cela revet une importance relative en ce sens que fhabite le pays Sakalava ce qui ma change en un autre mol-méme...; Bara ‘Les notions tribu et caste existent de nos jours parml nous autres Bara |'y tens pour Ia forme, Le fait que je me fixe dans Ie pays Saksleva tue en moi ees notions. Actuelle iment, Je sls Sakalava au sens large du mot» o sansa nouMurrE Yon retire des sondages (23), ce qu'il faut retenir de cette rapide analyse, c’est la croyance anerée dans Vesprit de la population que chaque tribu posséde une coutume particuliére. Mais ce résultat ne permet pas d’établir que chacune des coutumes se différencie des autres coutumes par son contenu. b) Lexamen minutieux des enquétes coutumiares, les compa- raisons effectuées, ont conduit le ministére de la Justice a dis- tinguer parmi les dix-neuf coutumes malgaches, six groupes de coutumes présentant des caractéristiques bien précises. Ce sont : Les coutumes du Sud : Bara, Antandroy, Mahafaly, Antanosy. - — de POuest : Vezo et sakalava. - — Betsimisaraka. — — du Nord: Antakarana, Tsimihety. — — dueentre : Betsileo et Tanala d'une part, Sihanaka et Bezanozano d’autre part. Encore est-il indiqué que ces six grands groupes de coutumes se rapprochent sensiblement par leurs tendances générales et certaines particularités 24). C’est qu’en effet, P’établissement de cette classification ne repose pas sur une opposition radicale et irréductible entre les groupes coutumiers, mais sur quelques différences portant sur certaines institutions juridiques ou méme certains points de détail. Ainsi, en matiére de mariage : certains groupes, notamment les Tsimihety, connaissent et pratiquent ce que ’on appelle le mariage a l'essai. La durée de l'épreuve est généralement limi- tée 4 un an, et 'union peut étre prolongée soit par tacite recon- duction, soit par 'accomplissement de la cérémonie coutumiére du mariage (25). En ce qui concerne les obligations naissant du mariage, certains ‘oupes coutumiers sont trés stricts sur le devoir de fidélité qui siimpose aux conjoints. L’adultere, surtout celui de l'épouse, est considéré comme une cause de divorce (26). Cependant dans (23) Sur ta méthode des sondages ot sa valeur, v. Ml. Duvxnonn, Methodes des selences sosiaes (Coll, Themis, 3* 6d, 1004), p. 172-240; R Pinyo et M. Grawtra, Mthodes des Sciences soeales (Précis Dall), 11, 8° 490-588, p. 541-637 (4) Rapp. synth, p. 16 et 17. (5) Sutle diajofo, ¥. Masons, op. cily p- 44 (G8) L’aduttare du mari est envisage avec beaucoup indulgence. I est un proverbe qui dit: eL'homme n'est pas le mari @'une seule femme », Dans certaines coutumes obligation de flddié n'est pas réclproque, Uhomme n'y est pas astreint. V. coutume ‘Antankarans, enq. cout, Diégo-Suarer, p. 5 «Le mari est le chet de famille; i’ ‘enu Aun devoit de ideité vis-a-vis de sa fernme. Un dicton efter ne dit-il pa Iahy try vadin’olo araiky », On avance trois motifs pour justifler la séverite des coutumes a Vegard de la femme adultére * Vintroduetion possible d'un enfant de sang étranger ‘dans a raza du mar (v. Betsimisaralea, eng, cout. district de Fenerivo ;p.7; Antemaro, ‘Us NOLIE DES COUTUMES DANS LE DROIT DRS PERSONNES a le groupe des coutumes du Sud et en particulier chez les Maha- faly, 'adultére de l'épouse n’est pas une cause générale de di- voree, mais parfois un moyen d’enrichissement du ménage, notamment en cas de flagrant délit. L’époux trompé se borne dans ce cas a inviter le coupable & fournir & la femme infidéle une sorte d'indemnité dont le montant est fixé a un boeuf ou des lamba (27). Si Fon envisage maintenant les effets du mariage sur les biens, Y'on s'apercoit que certaines coutumes ne contiennent aucune disposition réglant les rapports pécuniaires entre époux. Ainsi chez les Antaimoro et plus généralement chez les peuples du Sud-Est (28), chez les Mahafaly également (29), on cons- tate absence de tout régime matrimonial. A la dissolution de Yunion, l’épouse ne peut prétendre @ une portion des biens acquis en commun pendant la durée du mariage et doit se con- tenter d'un don plus ou moins élevé suivant les ressources et la générosité de son conjoint (80). Bien plus, en présence d’enfants eng. cout, district de Vohipeno, p. 5; Bara, eng. cout. district d’Ankazoabo, p. 7); Ia Supériorté de l'homme et réeiproquement Vnfériorté de la femme qui se tradult par obligation de respecter Pépoux et de Il étre fle (v. Sakalavay eng, cout. poste admi- nlstratf de Tambohorano, p. 12; Antandroy, eng. cout, district dAmpanthy, canton Amborompotsy, p. 9; Slhanaka, eng. cout, district d'Ambatondrazaka, p. 19); 1a rupture d'un contrat dans Jo eas du mariage tslmihety dit fanambadiana milelry of homme ¥attache les services temporaires d'une epouse moyennant laremie en carte. partic, & cette dernitr, d'une somme d'argent ou de beeufs dont le montant ou le nowy. bre est lbrement débattu entre les denx futurs conjoints (e. enq. cout. district de Port Berge, p. 5). (27) Centre d'études des Coutumes de Ia Faculté de Droit et des Sciences Beon miques de Tananarive, doe. n° 141, B. 13, p12: + Chez lee Mahafaly, Vadultere de la {emime n'est pas une eause générale de divorce, Au contraire, eete honte fait honneut & Ja Terme qui est ainsi fiéve de ce qu'elle est aimee; le mari en reste indifferent pourra, quel'amant soit, comme lui, un notable consider, ou un riche proprigtare de basa, ou ‘de qualité et situation supérieurs. a ferame adultére dai révéer son aete coupable hon ‘mar, En eas de flagrant delit d'adultére (vamba), le mari invite seulement amant 4 sa femme & acheter pour celle-el des lamba ou & donner un boeuf, Siamant refuse de racheter sa faute de cette fagon, Vaffalre est portée & Varbitrage des notables ou ‘ondati-be + qui, aprés un ksbary, la tranchent definitivement Centre d’étude des Coutumes defa Faculté de Drolt et des Sclences Feonomiques ative, doc. n° 145 (non paginé): «Lorsqu'une femme est repudige par son mar, elle rentee toute legere 4 a maison paternelie; elle ne porte comme part que le ¥éte- ‘ment avec lequel elle senveloppe (nates ou rabanes) ». Antalsaka: Gentre d'études des Coutumes, doe. n° 752 (non paging) : » Malgré ses nombreuses occupations, la femme ea. divorgant ne gagne rien sur les biens communs acquis pendant le mariage, Seuls ses ‘Elements et ses nattes gut lui restent propres et qu'elle peut emporter », V. également H. Drscnawrs : Let Aniaisaka, p. 142-144, these lettres, Paris, Tananacive, 1096. (29) V. eng, cout: district d'Ampanihy, poste administeatit d'Bjeda, p13; canton trict de Belloky, p. 5; sour-prefecure et commune rurale de Betioky Sud, p. 5. (G0) Eng. cout. district d’Ampanihy, poste adm. a'Ejeda, p. 16 : « Lorsque le ma: rage est dissous par le divorce ou le décts, le partage des biens ne se pratique pas, om donne seulement & 1a femme sans enfant let objets achelés pour elle smachine 8 coure, bijou, ustensiles de cuisine, ete, I1s'agit ici de don et non de partage » Dans te groupe coutumier du Sud auquel appartiennent les Mabafaly, Pabsence de partage des biens Semble dire Ia régle. Ains! pour les Bara, v. Louis Mictten, « Morurs et coutumes des Bara sp. 95, Mém. Ae. Maly, fasclcule XI.. 1987; pour les Antandroy, ¥. en. cout 2 Jot ROUEN issus de Vunion, il lui est interdit de reprendre ses biens pro- pres (31). En pays Sakalava, et ceci est confirmé par une juris- prudence constante, les biens sont partagés par moitié lors de la dissolution de union et chaque époux recoit une part égale (82), tandis que dans la plupart des autres ressorts coutu- miers, le régime adopté, quel que soit le nom qu'il porte (33), est celui du partage par tiers avec inégalité dans la répartition des parts, ’époux recevant les 2/3 et Pépouse le 1/3 restant. En matiére de filiation, une constatation s'impose : les en- fants nés du mariage sont considérés pourrait-on dire comme la propriété du pére ; aussi aprés la dissolution de I'union sont-ils laissés sous autorité du pére, & exception des enfants en bas age confiés & la garde de la mere, garde trés provisoire qui cesse lorsque ces enfants atteignent un age déterminé. Les enfants retournent alors dans leur famille paternelle, Encore doit-on noter une particularité de la coutume Bara dans la- quelle, pour que enfant devienne la propriété du pére, celui-ci, dans les cing ou six mois de la grossesse de son épouse, doit solliciter la bénédiction du sacrificateur de son clan ou de sa famille. Une cérémonie rituelle se déroule alors et enfant & naitre appartiendra a la famille paternelle. Si le pére néglige cette formalité, son beau-pére peut demander l'intervention de son propre sacrificateur qui procéde a la eérémonie, mais dans ce cas enfant sera la propriété de la mére et de sa famille (34). ‘L’on pourrait encore relever de nombreux exemples de par- ticularismes coutumiers, notamment en matiére @adoption, mais ceux qui ont été donnés suffisent amplement pour démontrer canton dAmborompotay, p. 24: « Selon notre coutume, les biens eommuns ne sont pas Sournis aw partage. Is restent Ia propriate du mar.» En ce qul coneemne les Bara, examen des enquétes coutumiénes revéle une évoluiion tendant-& Finstauration d'un partage des blens eommuns, soit par ler, eonformément au régime du kilay tela an- ‘alana (¥. eng. cout, district d'Ankazoabo, p. 13); sot selon des modalités qui ne sont pas precites (v.enq. cout, province de Tuléar, Bara, Marerana, p.6: « Chacun a sa part). V. cependant eng, cout, poste administatif d’Amborompotsy,.7 ob i eat dit {que le partage voptre par molile. Parfois le partage est restreint aux biens communs i cout, groupe Bara d’Andriandampy, district de Betroka, p. 61+L3 communauté mobillére est partagée en deux +). a) t. poste adat-d'E eda, p. 9, a propos du droit de disposition des propres| ‘aca ferns, est tert cect "+ La femme a bérité un troupeau de beets de ton peres Le tar ale droit d’en vendre, quant ala femme, elle n’en a pas le dro, surtout quand elle ‘des enfants avec son mari. Car méme séparte, elle ne pourra plus réclamer ses blens personnels: Seule La femme sans enfant ul a drolt den réclamer au moment du dl (2) V.A ce propos, Rapp, synth. ex. rondoté p. 96, Les enquétes coutumltres rev lent pourtant une evolution recente du régime matrimonial coutumler Sakalava vers le Kitay telo an-dalana, V. enq. coUt., provinee de Aajunga, p. 14: «i (le Kitay) se pratique depuis quelque temps chez les Sakalavs (G3) Kitay tolo an-dalona en pays merina, rasa sandry ou ampahatelontanana en pays tsimihety notamment. (aa) V. eng. cout, arrondlssement a inistratif de Sakaraha, p. 7. {Eg ROLE DES COUTUMES DANS LE DROIT DES FERBONNES 43 Fexistence de divergences, parfois trés minces, entre les diffé- rents groupes de coutumes. Encore faut-il rechercher si ces particularismes sont observés. B, — Observations des particularismes Le respect de ces particularismes coutumiers dépend d'un certain nombre de facteurs trop connus pour étre énumérés sans tomber dans les répétitions banales. Cependant le fait qu'une personne appartienne & un groupe coutumier donné devrait en principe entrainer Papplication et le respect de ses particularismes. Pourtant les enquétes coutumiéres révélent qu’en pratique s‘opére une métamorphose de Vindividu qui le conduit et parfois le contraint & abandon de ses propres régles juridiques. a) En théorie, toute personne d'une ethnie déterminée doit respecter la coutume de cette ethnie. L’individu qui ne s'y con- formerait pas marquerait par le mépris de la coutume sa vo- lonté de se séparer du groupe et par lui-méme porterait une grave atteinte & la cohésion de ce groupe, qu'il soit tribal ou familial. Cette attitude d’hostilité devrait entrainer une réac- tion de défense du groupe qui, pour préserver sa stabilité de- vrait écarter I’élément perturbateur en prononcant le rejet du délinquant. Le rejet de la caste ou de la famille est une institu- tion trop bien connue en Droit malgache pour qu’il soit néces- saire de lui consacrer une étude spéciale. Contentons-nous de reprendre les termes du rapport de synthése qui définissent Vinstitution comme un acte particuliérement grave et exor- bitant a bien des égards (35). Crest done une mesure rigoureuse qui exclut, qui bannit un individu du groupe social ou familial et dont la sévérité s’étend souvent aux descendants du délinquant, privant ceux-ci de leurs droits successoraux et surtout, ce qui est beaucoup plus grave, du droit d’étre enterrés dans le tombeau de leurs ancétres (36). Cependant lexamen des enquétes coutumiéres permet d’af- firmer que de nos jours, le rejet de la caste ou de la tribu perd une partie de sa vigueur tandis que celui de la famille garde toute sa force. Cette évolution de Vinstitution du rejet s'expli- que facilement si l'on quitte le domaine de la théorie pour celui de la pratique. 85) V. ex. ronéoté, p. 87 o¥ Ie rejet du groupe social est assimilé & «une veritable mort elvile» (G8) Sur le reot de ia femille,v. P. Barnisre, Le rejel Cenfant & Madagascar, thbse Droit (ronéotée), Pars, 1955. ‘Annales Malgnehes. — Droit II. ‘ “ anne RODIETTE 5) En pratique, et les résultats des enquétes coutumieres Yattestent, le rejet de la caste ou de Ja tribu tend a s’estomper et sans doute deviendra-t-il bientdt une survivance historique coupée de la réalité des faits. Il faut signaler toutefois que dans certains groupes, notamment chez les Antaimoro et les peuples du Sud-Est, la pratique du rejet est encore bien observée (37). Mais la tendance générale & la non application du rejet n’en est pas moins réelle, Cet effacement du rejet n'est pas la conséquence d’une évolution juridique mais trouve son expli- cation dans un certain nombre d’éléments extérieurs au Droit. De nombreux auteurs ont parfaitement dégagé ces éléments : Yextension du réseau routier qui facilite les relations humaines et rapproche les individus les uns des autres ; les contacts ren- dus obligatoires par des impératifs d’ordre économique ; le sys- téme des échanges contraignant les hommes a sortir de leur isolement pour écoulement de leur production ou plus simple- ment pour aller chercher du travail dans d’autres régions afin assurer leur subsistance et celle de leur famille (38). On a souvent souligné influence du brassage produit par les migrations, phénoméne constant & Madagascar (39). Les migra- tions fréquentes peuvent provoquer en effet une certaine action réciproque tendant & effacement progressif des particularis- mes (40). (82) Le rejot y est prononeé contre tout individu ayant violé une coutume ou un tady de sa teibu et accessolrement, i sert de moyen d'intimidation. Antaimoro © end. cout, district de Vohipeno, p. 1: «1.a coutume admiet le rejet hors dela caste ou de Ia ‘iba! Pour avolr commis des infractions aux us et coutumes dela tibu, une person peut étre rejetze hors dune tibu ou caste. Cela a pour but d’empécher la masse popt= Inire de refaire les mémes infractions»; Procés-verbaux relatifsaux coutumes Antalmoro, Antaisaka, Antalfasy, Andrebakara, Zafisoro (districts de Favafangana), p. 2: « NOW sommes scrupuleux dans la pratique des prohibitions et toute personne qu passe outre ces derntres sera reetée hors dela teibu. Ce rej a pour but a'inimider les deinquants ‘ventuels en les inctant & faire attention +; Antalfary, eng. cout. district de Farata gana, p. 3: «Par le rejet hors du clan, on cherche A oben de la part des membres le Fespect des merurs et coutumes »; Antaisaka, eng. cout. district de Vangaindrano, p. 7: ‘Nom, nous nadmettons le rejet hors de la trib que pour fates graves (meurtre, vol, ‘violation de sépulture, pratique de a soreolere, ete.) ou pour inraetions aux réglements de la tribu « ‘application de Ia peine est parfois tts sévére & V'éyard de eoetaines ealdgories de rejetés, v. notamment Antaifasy, op. cil, p. 3: «Le rejet se fall de cette manttre : on met 8 mort les meurtriers; quant aux voleurs de beeuty is ont pas droit au tombeau {mill si leurs parents ne versent pas une amende de 80 Deeufs; et quant aus sorelers, fon les tue & coups de pierre» (8) Sur ensemble de ces éléments v. notamment Rapp. synth. ex. rondoté, p. 25 (9) V.H. Duscnasrs, Les migrations intérieures passdes ef présntes & Madagascar, a. Berger-Levrault, Parls, 1959. La permanence du phénoméne a contralat certaines ‘thnies 4 établtr une veritable réglementation de Tabsence. Ein ce qui concerne Ia disso- futon au marlage de absent (deat, formes) v. en particulier: Antalsaka, doc. n° 752 (on paging), GIE.C. Fac. droll et sc. éeon, Tananarive : » Le delal normal pendant Jequel la femme dempitamby devait rester dans la maison conjagale variat de 4&5 an. asst ce déla, Pépouse pouvait quitter In ease de son mati pour contracter Un second ‘mariage, La coutume obligeait le beau-pére i répudier sa bru et a a laisser libre» (40) Cet effacement n'est que trés progressit. Dans sa monographie sur les Antaisaka, op. cit, p. 180, 11, Descitanes cite le cas d’Antalsaka émignés en pays Betshmisarakea et {ue nOLa: DES COUTUMES DANS LE DROIT DES PERSONNES. o Tantot linobservation de ces particularismes sera provisoire. Ainsi les Antaisaka et les Bara de la province de Majunga, district de Maintirano, qui se trouvent donc en pays Sakalava déclarent qu’ils sont actuellement Sakalava au sens large du mot (41). Ce qui sous-entend un abandon actuel de leur coutume personnelle, abandon limité & la durée de leur séjour parmi les Sakalava. De retour au pays Antaisaka ou au pays Bara, ces émigrés reprendront les traditions ancestrales et s'y confor- meront strictement. ‘Tantét 'abandon des particularismes coutumiers parait défi- nitif, La réponse des Bara implantés en pays Betsileo lors de Yenquéte effectuée dans le poste administratif d’Amborompotsy est & cet égard particuligrement significative. Voici ce qu’écrit le rédacteur de lenquéte : « Pour eux, appartenance & une tribu ou & une caste n’a plus aujourd’hui dutilité que pour le respect des coutumes, qu’eux, émigrés dans d'autres pays et mélangés avec d'autres races youdraient voir que ces différen- ces s‘estompent dans l'avenir, qu’ils sont maintenant déja nom- breux mariés avec des Betsileo ou avec autres races et castes. et, que chez eux il n'y a pas de difficulté pour le mariage » (42). Ce que Von doit retenir de cette réponse, c'est que pour les Bara installés en pays Betsileo, ayant fondé une famille au Belsileo, le respect des coutumes ancestrales lié & l'apparte- nance & une tribu ou & une caste n'est qu'une contrainte péri- mée dont ils portent encore Pempreinte. Car s'ils se sont affran- chis en fait de leurs régles coutumiéres, ils n’en ressentent pas moins Virrégularité de leur situation présente et Papel qu’ils lancent au législateur doit étre entendu comme un souhait pres- sant de voir transformer une situation de fait en une situation de droit. Si les émigrés ont rompu avec leur tradition ances- trale pour étre acceptés par le groupe d'accueil ou, plus justement pour y étre simplement tolérés, ils ne vivent pas moins en marge de la coutume de ce groupe parce qu’ils n’ont pas les mémes ancétres. Ce sont des déracinés qui ne sauraient pré- tendre & Ja protection ni de leur coutume personnelle ni de celle du groupe récepteur. La situation ainsi révélée par ce genre de réponses conduit a s'interroger sur les caractéres de la coutume & Madagascar. La double formation (ou déformation) de histoire du droit frangais et du droit international privé, inciterait tout natu-
    , dit-il, « les morts sont des étres saerés ; il a pour eux Padoration que Pon rend a la divinité ; il les aime et les redoute en méme temps. Dans toutes les circonstances de la vie, il les consulte comme s’ils étaient toujours vivants, comme s'ils continuaient & faire partie de la famille ; il de- mande leur secours et leur appui; il leur expose ses peines. Le Hova a Ja ferme croyance que les aneétres sont des divinités qui surveillent et protegent la famille > (62). La vénération des Malgaches pour les Ancétres, le sentiment que les morts sur- veillent et protégent Ia famille expliquent qu’a Voccasion des grands événements juridiques, par exemple du mariage, les cérémonies coutumiéres comprennent toutes une invocation aux ‘Aneétres. On appelle 1a bénédiction des Ancétres sur les jeunes (1) sIntroduetion & Vétude du Droit coutumier Malgache « Annales Malgaches (Fae, doit et se. eon.) n° 1, p. BL ets (G2) Essai sur ler insltations ef Te droit Malgache, Parts, 1900, p. 32. V. également RUANoMA’Manaaro, Le fy ef le fody dans la pensée malgache, $987, p. 88 ets 0 awwie novice époux comme si Yon essayait d’obtenir leur consentement au mariage. On sacrifie un boeuf dont une part revient aux morts comme s'ils étaient encore en vie et participaient & la céré- monie, voulant ainsi éviter leur malveillance et s’attirer leur bienveillance (53). Les morts ne sont jamais oubliés et leur qualité d’Ancétres leur donne une importance encore plus grande, que nul Malgache ne contesterait sous peine d’encourir Ia malé- diction du défunt. Ainsi le culte des Ancétres profondément enraciné dans tout Madagascar donne au Droit de ce pays un aspect uniforme dans Faccomplissement de certaines formalités juridiques. 11 explique aussi Pexistence de pratiques uniformes et généra- lisées qui se manifestent dans le droit commun coutumier. b) Test bien connu que Ia perpétuation du culte des Ancétres dicte aux Malgaches la nécessité d’une nombreuse descendance et l'on ajoute qu’a Madagascar Penfant est toujours le bienvenu quelle que soit son origine. Ceci explique, ainsi que "expose le rapport de synthése, que la « société traditionnelle malgache n'accorde pas aux problémes juridiques de Ia filiation 'impor- tance que les juristes modernes leur donnent. Quelle que soit son origine, enfant représente une force nouvelle dans la grande famille; sa venue est toujours une occasion de joie » G4). La présence d’enfants rassure le Malgache qui est ainsi certain qu’aprés sa mort, il y aura toujours Pun de ses descendants pour accomplir les rites funéraires et veiller sur le tombeau. Ceci_explique aussi, pour nous limiter maintenant au ma- riage (65), a conception coutumiére de l’épouse. La femme est (63) A titre d’exemple : Mahafaly doe. n° 141, B 13, C.E.C. Fac, Droit et Se. éoon., Tananarive, p. 10, ‘Beouter Die ‘Beouter Terre! ‘Esouter Ancttres ‘Beouter, vous tous qui étes nos parents disparus 1 {En vous offant ce beeen sacrifice, nous vous Invoquons pour que ces deux époux alent des enfants nombreux pendant Te mariage. Gi) Ex. rondots, p. 104, (58) Nous centrerons toutes tes explications venir sur fob relations families de sdividu, Mais il ne faut par oublier que le respect des Anedtres domine également les rigles relatives a identification de individu. Ainsi le domelle: wn fort pourcentage de Malgaches place celui-ei au lew od est édifié Te tombeat ancestral, V. Antalsaka feng. cout. et, p. 10: « Suivant notre coutume, cest Te lieu ob se trouve notre kibory ancestral que doit se trouver notre domicile, parce que si on va f Diégo, & Tamatave {et son y meurt, son corps sera transporté au Hew ode trouve gon tombeau pour y etre fenterré, par conséquent c'est A. qiest le domicile Antalfasy "eng, cout, elt, p. 3 Antemoro : eng. cout. elt p. 5, ete. D'autres Malgaches ont une opinian niancée, Pour eux te domicile demeure le llew du tombeau ancestral parce que c'est la quilt reposeront definitivement mais Us distinguent & ete du tombeau, Te leu de leur tes dence habituelle, simple habitation transitelre & baquelle ls ne_prétent pas grande ‘MB ROLE DES COUTUMES DANS LE DROIT DES PERSONNES a considérée suivant une expression imagée comme un porte- graine (56), et les Kabary prononcés lors de la demande en mariage comprennent certaines phrases qui indiquent bien que Yunion est envisagée principalement en raison de la fécondité de la femme (57). Cette conception coutumiére de 'épouse per- met aussi de comprendre Ia trés grande instabilité de l'union matrimoniale & Madagascar. Les femmes étant considérées principalement en raison de leur fonction reproductrice (68) sont interchangeables et, puisque seul enfant compte, une fois cet enfant obtenu, il n’y a plus aucune raison de garder & son foyer une épouse lorsque celle-ci aura cessé de plaire. Le désir d'avoir une nombreuse descendance explique enfin la pratique de la polygamie (59) dont les enquétes coutumiéres révélent encore les traces, car en multipliant Je nombre de ses épouses, on augmente ses chances d’avoir une descendance plus nombreuse (60). Mais la polygamie est une institution con- signification. V. Tsimihely : eng, cout, Port-Bergé, p. 3 :« Le Malgache pat le « Tantn- ‘rezana » entend le lien Worigine de ses Ancétres et le lieu ol se trouve Te tombeau fainilal C'est ins! que, ben qu'l soit installé dans ne localité depuis plusieurs annees, Aen parle toujours et pense un jour y entrer définitivement, ce qui ne veut pas dire ‘que crest son leu de residence, celu-eh est en effet Ia oll reside habituelement et ‘une mantere continue » (56) On la compare aussi au nid d’oh sort Ia couvée. V. doc. n# 145 (en provenance {de Lokomby. Antaimoro), C-E.C. Fac. Drolt et Se. éeon., Tananarive (G7) Ce que Von attend dune épouse, c'est une postérté, V, RasaMceL, p. 16. + OF one, vole spécialement ee qui nous améne. Notre aml Ralaitafika accourt vers vouss favec une ardeur impatient, frappe & votre porte, désire entrer afin ’abtenir de vou, Te plus excellent des biens, a posterite; des berufs, la richesse des malsons, ce sont ‘hoses qul pastent sles enfants, les descendants, volt ce qul demeure etce qu'll veut...» (58) Male fant noter que la stérlté n'est pas une cause + égale » de repudiation cou de divorce A Madagascar, La femme stérile (folsinanty) est cependant méprisée Lelle ne lent dans son ménage qu'une place trés effacée, elle y est simplement toléée. ‘V. notamment, eng. cout., groupe Mahafaly (canton et disivict de Betioky), p. 4 «Lorsque Pepouse sterile tent et travaille ben, on la garde comme épouse; mals si ‘lea des défauts, nous n’hésitons pas & nous en séparer » Surles privldges dela renianak (cest-tdire de la veuve qui a eu des enfants avec son mar), v., en ce qui concerne Vimerlna, G. Jutien, Taslltllons politiques ef sociales de Madagascar, Paris, 8, t 11, p. 218-210, (68) Amon avi, a polygamie aurait été fntroduite & Madagascar par les peuplades fglamisées se reclamant d'une origne arabe qui rinstallerent 4 des sigeles @'ntervalle, d'une part sur la Cote Nord-Ouest, d'autre part sur la Cote Sud-Fst de Madagascar le aurait été adoptée tout e'abord par les chefs politiques afin d'étendre leur autorté frice & des alliances matrimoniales bien comprises et se seralt ensuite répandue dans Ie peuple. V. notamment doc. n° 652 C.E.C. (en provenance d’Amorontsangena) et ‘crivant les mocurs el les coutumes Sakalava : «Plus tard, la mode s'étendalt ; les princes puissants, les chefs des tribus, les pertonnages influent, riches et fers de leurs Fehesces ou de leur faveur, se sentant capables «lever Ia famille nombreuse la copitrent Lia polygamte devint tolérée dans le Royatime ». En ce qui concerne la reglementation (ours de nult; habitations séparées des diverses épouses, ete), Ia polygamie & Mada- {scar ne se distingualt en rien de celle qui est pratiquée en pays nusblmans. (60) La polygamie offre au mari un second avantage 7 cell de Tul procurer une main-d'auvre supplémentaire et gratuite, V. notamment Antankarana, eng. cout, app. synth. province Diggo-Suater, p. 7: »La pratique de la polygarae répond 4eldans le eas d'une premiere épouse sans enfant, &'un besoin de posténté sans rupture 22 aevsin noumerne teuse, il faut en effet subvenir a Pentretien de plusieurs femmes sans compter les cadeaux a offrir & la vadibe pour obtenir son consentement (61) aux autres mariages de son époux, aussi a-telle tendance & n’étre pratiquée que par les chefs et les hommes fortunés. Et si Yon peut la considérer comme une ma- nifestation du Droit commun coutumier, il faut bien reconnai- tre que les conditions économiques ont considérablement res- treint son application, Le culte des Ancétres qui domine le Droit coutumier malga- che introduit dans les différentes coutumes un certain nombre de principes identiques dont Ja réunion forme le fonds commun coutumier de Madagascar. A cet élément permettant denvi- sager un droit unique des personnes s’ajoute un autre élément : Yinfluence du droit merina, B, — influence du droit merina Au droit coutumier oral il est @usage d’opposer le droit écrit de P'Imerina. Mieux connu que la coutume parce que de consul- tation aisée, consigné dans un ensemble de documents dune authenticité vérifiée (62), le droit écrit de lImerina ne présente pas cependant limportance que Yon veut bien lui reconnaitre. Il se résume en une série de dispositions répressives (63) s’atta- chant 4 un certain nombre de « cas » (64) dont la sanetion avait vee cette dernitre; 2° A des nécesstés éeonomiques et sociales et A un sentiment de igaité personnelle de ta part des riches paysans, des chefs de famille de clan ou de tuibu. Les femmes constituent un appoint de bras dans les trevaux agricoles et les soins fda ménage qui revetent cher lee dies personnalités une importance particullére hore {e proportion avec la puissance de travall d'une seule femme +} Bars, nq. cout. poste fdministratif de Sakaraha, p. 9+... elle est pratiquée pour double but : 1° dans le but ‘de progress sa situation de fortune (les fernmes aldent leur mari au travail: culture, ‘levage); 2° et aussi dans Te but d'avolr des enfants qui hérteront les biens paternels (suecessoraux). Toutefots, Ia polygamie n'est pratique en général que par les hommes ‘Gul ont une bonne situation et une fortune importante, cest-a-dive ceux qul ont la Possbiite de nour et vétir deus femmes ou plus» (61) Toute nouvelle union doit étre généralement consentie par les épouses du polygame. Dans quelques cthnies (Antaimoro, Bara), le mari doit simplement informer ‘Ses ¢pouses de son intention de prendre une nouvelle femme et leur precise le montant ‘de In compensation qu’elles recevront a cette vecasion. Dans la plupart des ethnies, ec mari doit toliciter Vaccord de ses epouses et des discussions parfols orageuses et fort Tongues Sengagent alors entee les antagonistes pour debattre du mantant de la ‘compensation & donner et tecevolr. Sur Te taha, v. Avsus, » Etudes sur les dommages- Interétsen droit malgache, Taha et onitra in Bull. Aead. alg. t. VI, 1909, p. 65-73. (62) Seule 'identité du iegistateur est parfos contestée. V.8 co propos, Rapp. synth. (ex. ronéoté),p. 10. Les diférents codes ont été tradults,réunis et edits par G. JULLEN ‘ans ses Traitulions poiiques ef sociales de Madagascar. I, p- 434 et. Le Code de 1881 ‘lt Code des 305 artieles @ été Vobjet dune édition bilingue annotée. V. E. TEBAULT, Code des 305 articles, Tananarive, 1960. Mis) Sion débarrassit + les textes de toute cette gungue pénale, flscale, adminis- trative... » comme le suggere M. THERAULT, op. cil, p1-2, i ne resterait plus rien des Alspositions codifées (G4) Teattention di egisateur est centré sure casus. On ne peut sulvre M. Tuéwavi (op. et, p- 2) dans une extrapolation qul paratt abusive. Ce n'est pas parce que la 1 nds: Dus COUTUMHS DANS LEE DROIT DES PERSONNES 3 jusqu’alors échappé & 1a coutume. En ce sens, ce que l'on ap- pelle les « Codes malgaches » — bien que ne répondant pas a Ja définition du code tel que entend la doctrine moderne — (65) flanqués de deux documents législatifs de trés grande impor- tance : les Instructions aux Sakaizambohitra (1878) et les Ré- glement des Gouverneurs de I'Imerina (1889) complétent la coutume ; ils ne la remplacent pas. La coutume conserve la place principale, le droit écrit n'est, dans son ensemble, qu'un droit subsidiaire dont le caractére accessoire est d’ailleurs ex- pressément reconnu dans l'une des dispositions essentielles de ce droit : Particle 263 du Code de 1884 (66). C’est 14 le premier aspect du droit écrit de I'lmerina. Mais ce droit ne se borne pas A compléter la coutume, il la corrige. Sous ce second aspect, il porte abrogation d'usages coutumiers constamment suivis alors que Varticle 263 maintient Papplication de ces mémes usages. Il y a la une contradiction flagrante que l'on reléve notamment & propos de la polygamie, coutume bien observée done relevant de Particle 263 et pour- tant interdite par le méme code dans son article 50 (67). Le droit écrit offre enfin un troisiéme aspect : il est novateur. Il introduit & Madagascar des dispositions juridiques nouvelles, fonciérement étrangeres & la coutume et probablement d'inspi- ration européenne, tels que I’établissement de ’état civil (68), Pintroduction du divorce judiciaire (69). Il est alors permis de vente est nulle dans le cas of le lambamena, objet de Ia vente, est dit de sole pure ‘lors qu'l ne Vest pas (art. 193'c. 1881) que Yon doit généraliser et conclure que le Iegisteleur melgache établlt le principe de Ia nullite des contrats pour cause de dol 4 Mais interpre dott alors chercher, aude du cas concret: sila vented'an lambamena ‘st annalée par site d'une duperie, d'un dol du vendeur, est done que la loi malgache tadmet pas de parciles tromperies il taut done commencer par generalise cette rege, part'dlever au rang de principe et de rele generale, parla syathétiser: de cet article 133 liu Gode des 305 articles, nous pouvons Inclure que toute tromperte, tout dol dans tn ‘contrat viele eelut-el et Te rend nl: et, ds Tors, nous trouverons en ce texte un principe lanalogue & eslul que renferme Vartiee 1116 de notre Code civil. Travail induction, ‘de géntralistion, d'abord ;ensulte,travall de déduction et d'application +. (G65) Tr sont «codes > la manlére du Code de Hammurabi ou des fois de Gortyne (a propos de ces lis, M. Leaosse, «Les lols de Gortyne et la notion de codification », im RLD.A., 1087, p. 131 ets). Sur historique dela notion de Code v. V. Piao Mortar We Codie (Storia) tn Enetelopedia del drt, VIL, not ets, p-228 et s.;surta notion de codification, v F GENY, Méthode d'interpréalion et sources en droit privé posit (2* tl, $919), t, Tp ne 36-88; 47-50 et 52-53, p. 72 cts (06) «L¢s lols et les coutumes anciennes et jusqu'd ce jour observées, alors méme quelle ne figuralent pas parml les présentes,restent en vigueur et doivent étre appli= ‘quees A Végal des loe rites éunies cant le present code « (Traduet.Jullen. (62) «La polygamle n'est pas tolérée dans le royaume: ce punis d'une amende de dix horus et de dix piestres; Inisen prison & raison don sikajy par jour jusqu’a concurrence du montant de amend + (Traduct. Julien). (68) V. article 34, 36,46, 48 et 7 net 2 RGM. (68) V,atlicle 56, Code 1881: « 1 n'est pas permis de renvoy des motifs graves pour que la séparation alt leu, le mari comme la femme pourralt se plaindre a Vautorié...» (Traduet. duller. 78 ticle 58, 108, 109, 29, Code 1881 : article 5, ey axnte novnertE s'interroger sur la valeur de ce droit en sa forme novatrice, sur son application effective et sur sa réception par les usagers du droit, Seul un dépouillement systématique des archives judi- ciaires de la Monarchie malgache permettrait de résoudre ces questions qui, pour le moment restent sans réponse (70). I se- rait bon pourtant d’étre informé car, quels que soient les dé- fauts qui lentachent, le droit écrit de 'Imerina est le seul droit applicable en théorie & Vensemble des sujets malgaches. Si Varticle 263 du Code de 1881 autorise les tribus conquises par les armées merina & conserver leurs coutumes traditionnelles, de nombreuses dispositions puisées dans la gamme des codes étendent application du droit écrit A Pensemble du territoire malgache (71). En pratique, ces dispositions ne furent guére observées en dehors des régions oit Vautorité merina s’exerca effectivement. Mais, dans ces mémes régions et parallélement au droit éerit, comme dans dautres régions moins directement liges a la Monarchie merina ou demeurées pratiquement indé- pendantes, la coutume merina eut une influence considérable. Ce fait pourrait étre expliqué par lexistence du droit commun coutumier rendant les coutumes trés proches les unes des autres et partant perméables & des influences réciproques ; alors que les dispositions nouvelles du droit écrit, heurtant les traditions aneestrales en raison de leur origine étrangére ne pouvaient étre recues (72). Cette hypothése est fondée sur la constatation que la coutume merina a pénétré les coutumes ancestrales de plu- sieurs tribus, assurant la réception, par plusieurs coutumes, institutions juridiques que celles-ci ne connaissaient pas. Il est encore trop tét pour donner ici les résultats d’ensemble @une étude de Vinfluence merina dans le droit coutumier de (70) V.1a remarque faite 4 ce propos, in Rapp. synth. (ex. ronéoté), p- 12. (71) Les premiers codes contiennent des dispositions expresses ¢Lendant Jeur appli: cation aux Fégions conquises par les armées merina, V. Code de 1828, disp. génerale (lvurns, op. lly ly p. 440-450) + « Tolle est In légisation qui régit tes sujets dans Ia région centrale de fe. Pour ce qul est des provinecs dont administration vous est onfée, inspirez-vous en y apportant les temperaments cl-aprés = .. En résumé, vous ‘dopleter pour prineipe ‘que les amendes A iailiger aux justiciables des provinces flolvent étre reduites de moll parce que Vous faites encore dans ces régions euvre 4e paciieation et e/assimilation » Disposition reprise ntégralement dans fe Code de 1862 fn fine (lutte, op. el, 1 [pp 476-477); V. gatement article 8 du code de 86S (id, tid. p. 505) et article 4 add, méme code (id bid. p. 503), Dans les deux dernlers ‘ode, a paelfication étant terminee le soveralnlégifere pour Fensemble du royaume de Madagascar: v. disposition finale code de 1868 dit cade des 101 et kabary de promilgation du code de 1881 dit code des 305 art ‘Vole Tes ois demon royauime de Madagascar, Je les al codices pour vous une régle de conduite el que vous sachicz rester dans le devo (72) L’exarmen des enguetes coutumitres menées parle ministre de a Justice en vue de la rédaction du Coie evil prouve que Tétal civil ne fonction guére en dehors de Mimerina; que la formatité de eneegistrement du mariage notamment, requise & pelne de mullite (V. al. 83, C. 1881), n'est pas encore adinse par plusieurs etnies; que Ia repudiation wnilaéraie demeure de pratique courante. 1p nOLE Des COUTUMIS DANS LIE DROIT DES PERSONNES 55 Madagascar, mais nous avons choisi deux exemples, d'ailleurs bien connus, pour montrer action profonde du droit merina sur les autres droits coutumiers. @ Dans les pays oi la domination merina était effective, dans ces régions que M. Deschamps appelle les « pays d’admi. nistration quasi directe » (73) — groupe comprenant les Betsi leo, les Sihanaka, les Bezanozano et une partie des Betsimisa- raka — toutes les coutumes n’ont pas subi au méme degré Vinfluence du droit merina. Cette influence est perceptible cer- tes dans tout le groupe de coutumes, mais n'affecte celles-ci que trés légerement, & exception de la coutume betsileo qui a été fortement « mérinisée » (74). Cette mérinisation a été telle qu'il est devenu presque impossible de découvrir les coutumes ori- ginales du Betsileo. I] faut creuser profondément pour exhumer une institution survivante, assortie deffets spéciaux au pays Betsileo. Il s'agit du fofom-bady, mariage de tous jeunes en- fants conclu par les parents pour empécher la division du pa- trimoine de la famille et pour s‘assurer une postérité certaine, Ce genre de mariage est connu et pratique par plusieurs ethnies encore Pheure actuelle (75) ; il existait dans l'ancienne cou- tume merina également (76) ; ce n'est done pas un particula- risme de la coutume betsileo. Mais il faut noter que, sans étre formellement interdit en Imerina, il y fut exclu tacitement grice aux dispositions du droit écrit exigeant le consentement des fulurs époux 4 leur union (77). Il survécut cependant au Betsileo avec des effets trés originaux et spéciaux cette région. Ces effets se manifestent dans le cas oit, arrivés & lage matri- monial, les jeunes gens refusent de s'épouser. Si opposition vient du gargon, celui-ci doit adopter le premier enfant que la jeune fille aura’ eu avant son mariage avec un autre homme. Cet enfant aura non seulement le droit d’hériter de son pére adoptif, mais aussi celui d’étre inhumé dans le tombeau de son pére adoplif. Si le refus est opposé par la jeune fille et si (78) V. H. Descuames, Histoire de Madayasear, Paris, 1960, p. 200, G4) catte «mérinisation «de Ia coutume betslco est parfaltement démontrée par HRanantsaonn, Droit ell malgace et coulume betsile (texte d'une communication a 'vAcadémie Malgache, 0). (73) Le mariage de deux jeunes enfants est en usage notamment chez les Bara ott ii porte le nom de valy-body (anion sous tutell). V- eng. cout. arrondissement adm histrati de Sakarahs, p. 0-20, \ rapprocher Tunion d'un homme dage mar mais fénéralement riche (gros propriétaire de bovufs) avec une toute jeune filete, conn Sous le nom de sazo-raza dans la coutume antalcaka. V-eng. cout. district de Vangaln- ano, pe 1 "G8} ¥. A ce propos Juste, op. elt, tH, p. 194-195 et Caxvzac, op. ells p- 141 (7?) Geel résalte notamment de Particle 51'du Code de 1881: "Le mariage ne pour plus etre Te résultat de flangaillesforcées ul ne serafent pas a gre des Toturs €poux » (raduet. allen. 56 asetn nownerTE i se marie avec un autre homme, le jeune homme évineé a des droits sur les enfants nés de cette union. Il pourra pren- dre ces enfants et personne ne pourra ren empécher (78). A l'exception done de Ja survivance du fofom-bady et des effets particuliers qu'il erée, toutes les autres régles juridiques betsileo, en dehors de quelques points de détail, ont été aban- données et remplacées par celles du droit merina. 5) Dans les pays que M. Deschamps appelle les « pays d’oc- eupation et suzeraineté effective » (79) parce que des Gouver- neurs merina y résidaient sans cependant avoir d’autres fone- tions de celles «'arbitre et de chef militaire, les coutumes locales ont opposé beaucoup plus de résistance & la pénétration du droit merina, On peut citer pourtant plusieurs exemples de réception volontaire d’institutions merinas (80), mais Ton se limitera A un exemple caractéristique : celui’ de adoption merina recue dans la coutume Tsimihety. Les Tsimihety pratiquaient une forme d’adoption temporaire appelée « Mitariny » (81) qui consistait & élever un ou plusieurs enfants, en général orphelins d'un membre de la famille, jus- qu’a ce que ces enfants soient en mesure de subvenir a leurs besoins. Le Mitariny suppose la réunion de plusieurs condi- tions : En ce qui concerne les enfants adoptés, ceux-ci doivent étre en bas age. En ce qui concerne Vadoptant, celui-ci doit étre pére de famille et il doit étre lié & l'adopté par la parenté, ce qui sous- entend Vinterdiction d’adopter des enfants étrangers a la famille. Si Ton étudie maintenant les effets du Mitariny, on s‘aper- goit que ceux-ci sont trés différents de ceux produits par l'adop- tion. Le Mitariny ne erée pas les liens de parenté fictive qui s‘établissent ordinairement entre Padoptant et Padopté. Ceci explique qu’en présence d’enfants légitimes, Padopté n’a aucun droit sur la succession de Padoptant, il n’hérite qu’en Pabsence enfants Légitimes. A ce Mitariny, institution ancienne de leur coutume, les Tsi- mihety préférent Padoption telle qu'elle est pratiquée en Ime- rina avec ses conditions ou plus exactement son absence de (78) V. 1. Ranamsnona, op. elty p. 87. (9) H. Descxastrs, op. elt, p. 37. (0) Un exemple tris récent est celul de Ta réception du kitay telo andalana en pays Sakalava. Nous développerons ect exemple dans un article, « Essai dune typo- Fogle des régimes matrimoniau dans les droits non merina». a parattre danse premier ruinéro des Cahiers du Centre d'études des Coutues. Fae. dit et se. 6eon., Tananative 1) Sur le Mitaring, v. Maas, op. ell, p. 60-61 [Um ROLE DES COUTUMES DANS LE DROIT Hes PERSONNES 37 conditions puisque wimporte qui peut adopter n'importe qui, mais qui a le mérite de donner & l'enfant adoptif les mémes droits que ceux appartenant & l'enfant légitime, en I'absence de stipulations contraires (82). Il faut reconnaitre que l’adoption merina était une institution plus commode et plus perfection- née que le Mitariny, et c'est probablement ce qui explique sa réception par la coutume Tsimihety (83). Ces deux exemples, celui de la coutume Betsimisaraka et celui du Mitariny, permettent d'avoir une idée approximative de Vextension du droit merina et de la profondeur de sa pénétration en pays coutumiers. Le droit merina a été trés certainement l'un des éléments qui ont permis d'écarter les particularismes coutumiers, contribuant ainsi & l'élaboration, incomplate bien sir, d’un droit unique des personnes, Un regard vers le passé, parfois si proche qu'il se veut pré- sent, et l'on s'apergoit qu’il existe & Madagascar des particula- rismes bien vivants, qui donnent une tournure originale au droit des personnes des diverses ethnies. Chaque groupe social a eréé ses régles propres : il a fait son droit. Mais tous les groupes ont procédé a partir de fondements identiques, aussi Tes coutumes ne sont-elles pas étrangéres les unes aux autres, Toutes appartiennent & la méme famille, elles sont de méme sou- che. Certes Videntité d'origine n’implique pas la similitude d’ex- pression, mais si les traits différent, allure générale, la sil- thouette ne varie pas. Il n’y a aucune opposition tranchée entre Jes différentes coutumes quant au fond, il n’y a que des nuances quant & la forme ; aussi les perspectives d’avenir sont-elles encourageantes. A condition de puiser sa substance au coeur méme du vieil arbre et d’élaguer le feuillage superflu — ce quill fait —, le Code civil de Madagascar, tel que le banian, plon- gera lui aussi ses lianes dans le sol du pays, afin de perpétuer dans la splendeur de ses jeunes pousses a la croissance vigou- reuse et sereine, un droit sans cesse renaissant mais perpé- tuellement adapté a ’évolution de Ia Grande Ile. (82) Sur adoption en Imerina, v. Canvzac, op. ell, ». 220 et s (63) Crest ce que pense Maowes, op. city p- U0,

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