, dit-il, « les morts sont des étres saerés ; il
a pour eux Padoration que Pon rend a la divinité ; il les aime
et les redoute en méme temps. Dans toutes les circonstances
de la vie, il les consulte comme s’ils étaient toujours vivants,
comme s'ils continuaient & faire partie de la famille ; il de-
mande leur secours et leur appui; il leur expose ses peines.
Le Hova a Ja ferme croyance que les aneétres sont des divinités
qui surveillent et protegent la famille > (62). La vénération des
Malgaches pour les Ancétres, le sentiment que les morts sur-
veillent et protégent Ia famille expliquent qu’a Voccasion des
grands événements juridiques, par exemple du mariage, les
cérémonies coutumiéres comprennent toutes une invocation aux
‘Aneétres. On appelle 1a bénédiction des Ancétres sur les jeunes
(1) sIntroduetion & Vétude du Droit coutumier Malgache « Annales Malgaches
(Fae, doit et se. eon.) n° 1, p. BL ets
(G2) Essai sur ler insltations ef Te droit Malgache, Parts, 1900, p. 32. V. également
RUANoMA’Manaaro, Le fy ef le fody dans la pensée malgache, $987, p. 88 ets0 awwie novice
époux comme si Yon essayait d’obtenir leur consentement au
mariage. On sacrifie un boeuf dont une part revient aux morts
comme s'ils étaient encore en vie et participaient & la céré-
monie, voulant ainsi éviter leur malveillance et s’attirer leur
bienveillance (53). Les morts ne sont jamais oubliés et leur
qualité d’Ancétres leur donne une importance encore plus grande,
que nul Malgache ne contesterait sous peine d’encourir Ia malé-
diction du défunt.
Ainsi le culte des Ancétres profondément enraciné dans tout
Madagascar donne au Droit de ce pays un aspect uniforme
dans Faccomplissement de certaines formalités juridiques. 11
explique aussi Pexistence de pratiques uniformes et généra-
lisées qui se manifestent dans le droit commun coutumier.
b) Test bien connu que Ia perpétuation du culte des Ancétres
dicte aux Malgaches la nécessité d’une nombreuse descendance
et l'on ajoute qu’a Madagascar Penfant est toujours le bienvenu
quelle que soit son origine. Ceci explique, ainsi que "expose
le rapport de synthése, que la « société traditionnelle malgache
n'accorde pas aux problémes juridiques de Ia filiation 'impor-
tance que les juristes modernes leur donnent. Quelle que soit
son origine, enfant représente une force nouvelle dans la
grande famille; sa venue est toujours une occasion de
joie » G4). La présence d’enfants rassure le Malgache qui est
ainsi certain qu’aprés sa mort, il y aura toujours Pun de ses
descendants pour accomplir les rites funéraires et veiller sur
le tombeau.
Ceci_explique aussi, pour nous limiter maintenant au ma-
riage (65), a conception coutumiére de l’épouse. La femme est
(63) A titre d’exemple : Mahafaly doe. n° 141, B 13, C.E.C. Fac, Droit et Se. éoon.,
Tananarive, p. 10,
‘Beouter Die
‘Beouter Terre!
‘Esouter Ancttres
‘Beouter, vous tous qui étes nos parents disparus 1
{En vous offant ce beeen sacrifice, nous vous Invoquons pour que ces deux époux
alent des enfants nombreux pendant Te mariage.
Gi) Ex. rondots, p. 104,
(58) Nous centrerons toutes tes explications venir sur fob relations families de
sdividu, Mais il ne faut par oublier que le respect des Anedtres domine également
les rigles relatives a identification de individu. Ainsi le domelle: wn fort pourcentage
de Malgaches place celui-ei au lew od est édifié Te tombeat ancestral, V. Antalsaka
feng. cout. et, p. 10: « Suivant notre coutume, cest Te lieu ob se trouve notre kibory
ancestral que doit se trouver notre domicile, parce que si on va f Diégo, & Tamatave
{et son y meurt, son corps sera transporté au Hew ode trouve gon tombeau pour y etre
fenterré, par conséquent c'est A. qiest le domicile Antalfasy "eng, cout, elt, p. 3
Antemoro : eng. cout. elt p. 5, ete. D'autres Malgaches ont une opinian niancée,
Pour eux te domicile demeure le llew du tombeau ancestral parce que c'est la quilt
reposeront definitivement mais Us distinguent & ete du tombeau, Te leu de leur tes
dence habituelle, simple habitation transitelre & baquelle ls ne_prétent pas grande‘MB ROLE DES COUTUMES DANS LE DROIT DES PERSONNES a
considérée suivant une expression imagée comme un porte-
graine (56), et les Kabary prononcés lors de la demande en
mariage comprennent certaines phrases qui indiquent bien que
Yunion est envisagée principalement en raison de la fécondité
de la femme (57). Cette conception coutumiére de 'épouse per-
met aussi de comprendre Ia trés grande instabilité de l'union
matrimoniale & Madagascar. Les femmes étant considérées
principalement en raison de leur fonction reproductrice (68)
sont interchangeables et, puisque seul enfant compte, une fois
cet enfant obtenu, il n’y a plus aucune raison de garder & son
foyer une épouse lorsque celle-ci aura cessé de plaire.
Le désir d'avoir une nombreuse descendance explique enfin
la pratique de la polygamie (59) dont les enquétes coutumiéres
révélent encore les traces, car en multipliant Je nombre de ses
épouses, on augmente ses chances d’avoir une descendance
plus nombreuse (60). Mais la polygamie est une institution con-
signification. V. Tsimihely : eng, cout, Port-Bergé, p. 3 :« Le Malgache pat le « Tantn-
‘rezana » entend le lien Worigine de ses Ancétres et le lieu ol se trouve Te tombeau
fainilal C'est ins! que, ben qu'l soit installé dans ne localité depuis plusieurs annees,
Aen parle toujours et pense un jour y entrer définitivement, ce qui ne veut pas dire
‘que crest son leu de residence, celu-eh est en effet Ia oll reside habituelement et
‘une mantere continue »
(56) On la compare aussi au nid d’oh sort Ia couvée. V. doc. n# 145 (en provenance
{de Lokomby. Antaimoro), C-E.C. Fac. Drolt et Se. éeon., Tananarive
(G7) Ce que Von attend dune épouse, c'est une postérté, V, RasaMceL, p. 16. + OF
one, vole spécialement ee qui nous améne. Notre aml Ralaitafika accourt vers vouss
favec une ardeur impatient, frappe & votre porte, désire entrer afin ’abtenir de vou,
Te plus excellent des biens, a posterite; des berufs, la richesse des malsons, ce sont
‘hoses qul pastent sles enfants, les descendants, volt ce qul demeure etce qu'll veut...»
(58) Male fant noter que la stérlté n'est pas une cause + égale » de repudiation
cou de divorce A Madagascar, La femme stérile (folsinanty) est cependant méprisée
Lelle ne lent dans son ménage qu'une place trés effacée, elle y est simplement toléée.
‘V. notamment, eng. cout., groupe Mahafaly (canton et disivict de Betioky), p. 4
«Lorsque Pepouse sterile tent et travaille ben, on la garde comme épouse; mals si
‘lea des défauts, nous n’hésitons pas & nous en séparer » Surles privldges dela renianak
(cest-tdire de la veuve qui a eu des enfants avec son mar), v., en ce qui concerne
Vimerlna, G. Jutien, Taslltllons politiques ef sociales de Madagascar, Paris, 8, t 11,
p. 218-210,
(68) Amon avi, a polygamie aurait été fntroduite & Madagascar par les peuplades
fglamisées se reclamant d'une origne arabe qui rinstallerent 4 des sigeles @'ntervalle,
d'une part sur la Cote Nord-Ouest, d'autre part sur la Cote Sud-Fst de Madagascar
le aurait été adoptée tout e'abord par les chefs politiques afin d'étendre leur autorté
frice & des alliances matrimoniales bien comprises et se seralt ensuite répandue dans
Ie peuple. V. notamment doc. n° 652 C.E.C. (en provenance d’Amorontsangena) et
‘crivant les mocurs el les coutumes Sakalava : «Plus tard, la mode s'étendalt ; les
princes puissants, les chefs des tribus, les pertonnages influent, riches et fers de leurs
Fehesces ou de leur faveur, se sentant capables «lever Ia famille nombreuse la copitrent
Lia polygamte devint tolérée dans le Royatime ». En ce qui concerne la reglementation
(ours de nult; habitations séparées des diverses épouses, ete), Ia polygamie & Mada-
{scar ne se distingualt en rien de celle qui est pratiquée en pays nusblmans.
(60) La polygamie offre au mari un second avantage 7 cell de Tul procurer une
main-d'auvre supplémentaire et gratuite, V. notamment Antankarana, eng. cout,
app. synth. province Diggo-Suater, p. 7: »La pratique de la polygarae répond
4eldans le eas d'une premiere épouse sans enfant, &'un besoin de posténté sans rupture22 aevsin noumerne
teuse, il faut en effet subvenir a Pentretien de plusieurs femmes
sans compter les cadeaux a offrir & la vadibe pour obtenir son
consentement (61) aux autres mariages de son époux, aussi
a-telle tendance & n’étre pratiquée que par les chefs et les
hommes fortunés. Et si Yon peut la considérer comme une ma-
nifestation du Droit commun coutumier, il faut bien reconnai-
tre que les conditions économiques ont considérablement res-
treint son application,
Le culte des Ancétres qui domine le Droit coutumier malga-
che introduit dans les différentes coutumes un certain nombre
de principes identiques dont Ja réunion forme le fonds commun
coutumier de Madagascar. A cet élément permettant denvi-
sager un droit unique des personnes s’ajoute un autre élément :
Yinfluence du droit merina,
B, — influence du droit merina
Au droit coutumier oral il est @usage d’opposer le droit écrit
de P'Imerina. Mieux connu que la coutume parce que de consul-
tation aisée, consigné dans un ensemble de documents dune
authenticité vérifiée (62), le droit écrit de lImerina ne présente
pas cependant limportance que Yon veut bien lui reconnaitre.
Il se résume en une série de dispositions répressives (63) s’atta-
chant 4 un certain nombre de « cas » (64) dont la sanetion avait
vee cette dernitre; 2° A des nécesstés éeonomiques et sociales et A un sentiment de
igaité personnelle de ta part des riches paysans, des chefs de famille de clan ou de
tuibu. Les femmes constituent un appoint de bras dans les trevaux agricoles et les soins
fda ménage qui revetent cher lee dies personnalités une importance particullére hore
{e proportion avec la puissance de travall d'une seule femme +} Bars, nq. cout. poste
fdministratif de Sakaraha, p. 9+... elle est pratiquée pour double but : 1° dans le but
‘de progress sa situation de fortune (les fernmes aldent leur mari au travail: culture,
‘levage); 2° et aussi dans Te but d'avolr des enfants qui hérteront les biens paternels
(suecessoraux). Toutefots, Ia polygamie n'est pratique en général que par les hommes
‘Gul ont une bonne situation et une fortune importante, cest-a-dive ceux qul ont la
Possbiite de nour et vétir deus femmes ou plus»
(61) Toute nouvelle union doit étre généralement consentie par les épouses du
polygame. Dans quelques cthnies (Antaimoro, Bara), le mari doit simplement informer
‘Ses ¢pouses de son intention de prendre une nouvelle femme et leur precise le montant
‘de In compensation qu’elles recevront a cette vecasion. Dans la plupart des ethnies,
ec mari doit toliciter Vaccord de ses epouses et des discussions parfols orageuses et
fort Tongues Sengagent alors entee les antagonistes pour debattre du mantant de la
‘compensation & donner et tecevolr. Sur Te taha, v. Avsus, » Etudes sur les dommages-
Interétsen droit malgache, Taha et onitra in Bull. Aead. alg. t. VI, 1909, p. 65-73.
(62) Seule 'identité du iegistateur est parfos contestée. V.8 co propos, Rapp. synth.
(ex. ronéoté),p. 10. Les diférents codes ont été tradults,réunis et edits par G. JULLEN
‘ans ses Traitulions poiiques ef sociales de Madagascar. I, p- 434 et. Le Code de 1881
‘lt Code des 305 artieles @ été Vobjet dune édition bilingue annotée. V. E. TEBAULT,
Code des 305 articles, Tananarive, 1960.
Mis) Sion débarrassit + les textes de toute cette gungue pénale, flscale, adminis-
trative... » comme le suggere M. THERAULT, op. cil, p1-2, i ne resterait plus rien des
Alspositions codifées
(G4) Teattention di egisateur est centré sure casus. On ne peut sulvre M. Tuéwavi
(op. et, p- 2) dans une extrapolation qul paratt abusive. Ce n'est pas parce que la1 nds: Dus COUTUMHS DANS LEE DROIT DES PERSONNES 3
jusqu’alors échappé & 1a coutume. En ce sens, ce que l'on ap-
pelle les « Codes malgaches » — bien que ne répondant pas a
Ja définition du code tel que entend la doctrine moderne — (65)
flanqués de deux documents législatifs de trés grande impor-
tance : les Instructions aux Sakaizambohitra (1878) et les Ré-
glement des Gouverneurs de I'Imerina (1889) complétent la
coutume ; ils ne la remplacent pas. La coutume conserve la
place principale, le droit écrit n'est, dans son ensemble, qu'un
droit subsidiaire dont le caractére accessoire est d’ailleurs ex-
pressément reconnu dans l'une des dispositions essentielles de
ce droit : Particle 263 du Code de 1884 (66). C’est 14 le premier
aspect du droit écrit de I'lmerina.
Mais ce droit ne se borne pas A compléter la coutume, il la
corrige. Sous ce second aspect, il porte abrogation d'usages
coutumiers constamment suivis alors que Varticle 263 maintient
Papplication de ces mémes usages. Il y a la une contradiction
flagrante que l'on reléve notamment & propos de la polygamie,
coutume bien observée done relevant de Particle 263 et pour-
tant interdite par le méme code dans son article 50 (67).
Le droit écrit offre enfin un troisiéme aspect : il est novateur.
Il introduit & Madagascar des dispositions juridiques nouvelles,
fonciérement étrangeres & la coutume et probablement d'inspi-
ration européenne, tels que I’établissement de ’état civil (68),
Pintroduction du divorce judiciaire (69). Il est alors permis de
vente est nulle dans le cas of le lambamena, objet de Ia vente, est dit de sole pure
‘lors qu'l ne Vest pas (art. 193'c. 1881) que Yon doit généraliser et conclure que le
Iegisteleur melgache établlt le principe de Ia nullite des contrats pour cause de dol
4 Mais interpre dott alors chercher, aude du cas concret: sila vented'an lambamena
‘st annalée par site d'une duperie, d'un dol du vendeur, est done que la loi malgache
tadmet pas de parciles tromperies il taut done commencer par generalise cette rege,
part'dlever au rang de principe et de rele generale, parla syathétiser: de cet article 133
liu Gode des 305 articles, nous pouvons Inclure que toute tromperte, tout dol dans tn
‘contrat viele eelut-el et Te rend nl: et, ds Tors, nous trouverons en ce texte un principe
lanalogue & eslul que renferme Vartiee 1116 de notre Code civil. Travail induction,
‘de géntralistion, d'abord ;ensulte,travall de déduction et d'application +.
(G65) Tr sont «codes > la manlére du Code de Hammurabi ou des fois de Gortyne
(a propos de ces lis, M. Leaosse, «Les lols de Gortyne et la notion de codification »,
im RLD.A., 1087, p. 131 ets). Sur historique dela notion de Code v. V. Piao Mortar
We Codie (Storia) tn Enetelopedia del drt, VIL, not ets, p-228 et s.;surta notion de
codification, v F GENY, Méthode d'interpréalion et sources en droit privé posit (2* tl,
$919), t, Tp ne 36-88; 47-50 et 52-53, p. 72 cts
(06) «L¢s lols et les coutumes anciennes et jusqu'd ce jour observées, alors méme
quelle ne figuralent pas parml les présentes,restent en vigueur et doivent étre appli=
‘quees A Végal des loe rites éunies cant le present code « (Traduet.Jullen.
(62) «La polygamle n'est pas tolérée dans le royaume: ce
punis d'une amende de dix horus et de dix piestres;
Inisen prison & raison don sikajy par jour jusqu’a concurrence du montant de amend +
(Traduct. Julien).
(68) V. article 34, 36,46, 48 et 7
net 2 RGM.
(68) V,atlicle 56, Code 1881: « 1 n'est pas permis de renvoy
des motifs graves pour que la séparation alt leu, le mari comme la femme pourralt se
plaindre a Vautorié...» (Traduet. duller.
78
ticle 58, 108, 109, 29, Code 1881 : article 5,ey axnte novnertE
s'interroger sur la valeur de ce droit en sa forme novatrice,
sur son application effective et sur sa réception par les usagers
du droit, Seul un dépouillement systématique des archives judi-
ciaires de la Monarchie malgache permettrait de résoudre ces
questions qui, pour le moment restent sans réponse (70). I se-
rait bon pourtant d’étre informé car, quels que soient les dé-
fauts qui lentachent, le droit écrit de 'Imerina est le seul droit
applicable en théorie & Vensemble des sujets malgaches. Si
Varticle 263 du Code de 1881 autorise les tribus conquises par
les armées merina & conserver leurs coutumes traditionnelles,
de nombreuses dispositions puisées dans la gamme des codes
étendent application du droit écrit A Pensemble du territoire
malgache (71). En pratique, ces dispositions ne furent guére
observées en dehors des régions oit Vautorité merina s’exerca
effectivement. Mais, dans ces mémes régions et parallélement
au droit éerit, comme dans dautres régions moins directement
liges a la Monarchie merina ou demeurées pratiquement indé-
pendantes, la coutume merina eut une influence considérable.
Ce fait pourrait étre expliqué par lexistence du droit commun
coutumier rendant les coutumes trés proches les unes des autres
et partant perméables & des influences réciproques ; alors que
les dispositions nouvelles du droit écrit, heurtant les traditions
aneestrales en raison de leur origine étrangére ne pouvaient étre
recues (72). Cette hypothése est fondée sur la constatation que
la coutume merina a pénétré les coutumes ancestrales de plu-
sieurs tribus, assurant la réception, par plusieurs coutumes,
institutions juridiques que celles-ci ne connaissaient pas. Il
est encore trop tét pour donner ici les résultats d’ensemble
@une étude de Vinfluence merina dans le droit coutumier de
(70) V.1a remarque faite 4 ce propos, in Rapp. synth. (ex. ronéoté), p- 12.
(71) Les premiers codes contiennent des dispositions expresses ¢Lendant Jeur appli:
cation aux Fégions conquises par les armées merina, V. Code de 1828, disp. génerale
(lvurns, op. lly ly p. 440-450) + « Tolle est In légisation qui régit tes sujets dans Ia
région centrale de fe. Pour ce qul est des provinecs dont administration vous est
onfée, inspirez-vous en y apportant les temperaments cl-aprés = .. En résumé, vous
‘dopleter pour prineipe ‘que les amendes A iailiger aux justiciables des provinces
flolvent étre reduites de moll parce que Vous faites encore dans ces régions euvre
4e paciieation et e/assimilation » Disposition reprise ntégralement dans fe Code de 1862
fn fine (lutte, op. el, 1 [pp 476-477); V. gatement article 8 du code de 86S (id,
tid. p. 505) et article 4 add, méme code (id bid. p. 503), Dans les deux dernlers
‘ode, a paelfication étant terminee le soveralnlégifere pour Fensemble du royaume de
Madagascar: v. disposition finale code de 1868 dit cade des 101
et kabary de promilgation du code de 1881 dit code des 305 art
‘Vole Tes ois demon royauime de Madagascar, Je les al codices
pour vous une régle de conduite el que vous sachicz rester dans le devo
(72) L’exarmen des enguetes coutumitres menées parle ministre de a Justice en vue
de la rédaction du Coie evil prouve que Tétal civil ne fonction guére en dehors de
Mimerina; que la formatité de eneegistrement du mariage notamment, requise & pelne
de mullite (V. al. 83, C. 1881), n'est pas encore adinse par plusieurs etnies; que Ia
repudiation wnilaéraie demeure de pratique courante.1p nOLE Des COUTUMIS DANS LIE DROIT DES PERSONNES 55
Madagascar, mais nous avons choisi deux exemples, d'ailleurs
bien connus, pour montrer action profonde du droit merina
sur les autres droits coutumiers.
@ Dans les pays oi la domination merina était effective,
dans ces régions que M. Deschamps appelle les « pays d’admi.
nistration quasi directe » (73) — groupe comprenant les Betsi
leo, les Sihanaka, les Bezanozano et une partie des Betsimisa-
raka — toutes les coutumes n’ont pas subi au méme degré
Vinfluence du droit merina. Cette influence est perceptible cer-
tes dans tout le groupe de coutumes, mais n'affecte celles-ci que
trés légerement, & exception de la coutume betsileo qui a été
fortement « mérinisée » (74). Cette mérinisation a été telle qu'il
est devenu presque impossible de découvrir les coutumes ori-
ginales du Betsileo. I] faut creuser profondément pour exhumer
une institution survivante, assortie deffets spéciaux au pays
Betsileo. Il s'agit du fofom-bady, mariage de tous jeunes en-
fants conclu par les parents pour empécher la division du pa-
trimoine de la famille et pour s‘assurer une postérité certaine,
Ce genre de mariage est connu et pratique par plusieurs ethnies
encore Pheure actuelle (75) ; il existait dans l'ancienne cou-
tume merina également (76) ; ce n'est done pas un particula-
risme de la coutume betsileo. Mais il faut noter que, sans étre
formellement interdit en Imerina, il y fut exclu tacitement
grice aux dispositions du droit écrit exigeant le consentement
des fulurs époux 4 leur union (77). Il survécut cependant au
Betsileo avec des effets trés originaux et spéciaux cette région.
Ces effets se manifestent dans le cas oit, arrivés & lage matri-
monial, les jeunes gens refusent de s'épouser. Si opposition
vient du gargon, celui-ci doit adopter le premier enfant que la
jeune fille aura’ eu avant son mariage avec un autre homme.
Cet enfant aura non seulement le droit d’hériter de son pére
adoptif, mais aussi celui d’étre inhumé dans le tombeau de
son pére adoplif. Si le refus est opposé par la jeune fille et si
(78) V. H. Descuames, Histoire de Madayasear, Paris, 1960, p. 200,
G4) catte «mérinisation «de Ia coutume betslco est parfaltement démontrée par
HRanantsaonn, Droit ell malgace et coulume betsile (texte d'une communication
a 'vAcadémie Malgache, 0).
(73) Le mariage de deux jeunes enfants est en usage notamment chez les Bara ott
ii porte le nom de valy-body (anion sous tutell). V- eng. cout. arrondissement adm
histrati de Sakarahs, p. 0-20, \ rapprocher Tunion d'un homme dage mar mais
fénéralement riche (gros propriétaire de bovufs) avec une toute jeune filete, conn
Sous le nom de sazo-raza dans la coutume antalcaka. V-eng. cout. district de Vangaln-
ano, pe 1
"G8} ¥. A ce propos Juste, op. elt, tH, p. 194-195 et Caxvzac, op. ells p- 141
(7?) Geel résalte notamment de Particle 51'du Code de 1881: "Le mariage ne pour
plus etre Te résultat de flangaillesforcées ul ne serafent pas a gre des Toturs €poux »
(raduet. allen.56 asetn nownerTE
i se marie avec un autre homme, le jeune homme évineé
a des droits sur les enfants nés de cette union. Il pourra pren-
dre ces enfants et personne ne pourra ren empécher (78).
A l'exception done de Ja survivance du fofom-bady et des
effets particuliers qu'il erée, toutes les autres régles juridiques
betsileo, en dehors de quelques points de détail, ont été aban-
données et remplacées par celles du droit merina.
5) Dans les pays que M. Deschamps appelle les « pays d’oc-
eupation et suzeraineté effective » (79) parce que des Gouver-
neurs merina y résidaient sans cependant avoir d’autres fone-
tions de celles «'arbitre et de chef militaire, les coutumes locales
ont opposé beaucoup plus de résistance & la pénétration du
droit merina, On peut citer pourtant plusieurs exemples de
réception volontaire d’institutions merinas (80), mais Ton se
limitera A un exemple caractéristique : celui’ de adoption
merina recue dans la coutume Tsimihety.
Les Tsimihety pratiquaient une forme d’adoption temporaire
appelée « Mitariny » (81) qui consistait & élever un ou plusieurs
enfants, en général orphelins d'un membre de la famille, jus-
qu’a ce que ces enfants soient en mesure de subvenir a leurs
besoins. Le Mitariny suppose la réunion de plusieurs condi-
tions :
En ce qui concerne les enfants adoptés, ceux-ci doivent étre
en bas age.
En ce qui concerne Vadoptant, celui-ci doit étre pére de
famille et il doit étre lié & l'adopté par la parenté, ce qui sous-
entend Vinterdiction d’adopter des enfants étrangers a la
famille.
Si Ton étudie maintenant les effets du Mitariny, on s‘aper-
goit que ceux-ci sont trés différents de ceux produits par l'adop-
tion. Le Mitariny ne erée pas les liens de parenté fictive qui
s‘établissent ordinairement entre Padoptant et Padopté. Ceci
explique qu’en présence d’enfants légitimes, Padopté n’a aucun
droit sur la succession de Padoptant, il n’hérite qu’en Pabsence
enfants Légitimes.
A ce Mitariny, institution ancienne de leur coutume, les Tsi-
mihety préférent Padoption telle qu'elle est pratiquée en Ime-
rina avec ses conditions ou plus exactement son absence de
(78) V. 1. Ranamsnona, op. elty p. 87.
(9) H. Descxastrs, op. elt, p. 37.
(0) Un exemple tris récent est celul de Ta réception du kitay telo andalana en
pays Sakalava. Nous développerons ect exemple dans un article, « Essai dune typo-
Fogle des régimes matrimoniau dans les droits non merina». a parattre danse premier
ruinéro des Cahiers du Centre d'études des Coutues. Fae. dit et se. 6eon., Tananative
1) Sur le Mitaring, v. Maas, op. ell, p. 60-61[Um ROLE DES COUTUMES DANS LE DROIT Hes PERSONNES 37
conditions puisque wimporte qui peut adopter n'importe qui,
mais qui a le mérite de donner & l'enfant adoptif les mémes
droits que ceux appartenant & l'enfant légitime, en I'absence de
stipulations contraires (82). Il faut reconnaitre que l’adoption
merina était une institution plus commode et plus perfection-
née que le Mitariny, et c'est probablement ce qui explique sa
réception par la coutume Tsimihety (83).
Ces deux exemples, celui de la coutume Betsimisaraka et
celui du Mitariny, permettent d'avoir une idée approximative
de Vextension du droit merina et de la profondeur de sa
pénétration en pays coutumiers. Le droit merina a été trés
certainement l'un des éléments qui ont permis d'écarter les
particularismes coutumiers, contribuant ainsi & l'élaboration,
incomplate bien sir, d’un droit unique des personnes,
Un regard vers le passé, parfois si proche qu'il se veut pré-
sent, et l'on s'apergoit qu’il existe & Madagascar des particula-
rismes bien vivants, qui donnent une tournure originale au
droit des personnes des diverses ethnies. Chaque groupe social
a eréé ses régles propres : il a fait son droit. Mais tous les
groupes ont procédé a partir de fondements identiques, aussi
Tes coutumes ne sont-elles pas étrangéres les unes aux autres,
Toutes appartiennent & la méme famille, elles sont de méme sou-
che. Certes Videntité d'origine n’implique pas la similitude d’ex-
pression, mais si les traits différent, allure générale, la sil-
thouette ne varie pas. Il n’y a aucune opposition tranchée entre
Jes différentes coutumes quant au fond, il n’y a que des nuances
quant & la forme ; aussi les perspectives d’avenir sont-elles
encourageantes. A condition de puiser sa substance au coeur
méme du vieil arbre et d’élaguer le feuillage superflu — ce
quill fait —, le Code civil de Madagascar, tel que le banian, plon-
gera lui aussi ses lianes dans le sol du pays, afin de perpétuer
dans la splendeur de ses jeunes pousses a la croissance vigou-
reuse et sereine, un droit sans cesse renaissant mais perpé-
tuellement adapté a ’évolution de Ia Grande Ile.
(82) Sur adoption en Imerina, v. Canvzac, op. ell, ». 220 et s
(63) Crest ce que pense Maowes, op. city p- U0,