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CHAPITRE II-ESPACE, REGION ET DEVELOPPEMENT...........................

16
Objectifs pédagogiques..................................................16
Plan du chapitre........................................................16
INTRODUCTION............................................................17
II.1- LA REGION COMME CADRE D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE
DEVELOPPEMENT REGIONAL................................................18
II.1.1- Les géographes et la notion de région........................19
II.1.1.1. Les premières approches......................................19
II.1.1.2. L'évolution des idées sur la région..........................19
II.1.2. Les économistes et le concept de région.................................21
II.1.3. Pour une typologie adaptée des régions en Afrique...................24
II.2-LES POLITIQUES D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DEVELOPPEMENT REGIONAL
....................................................................... 28
II.2.1. L'évolution des concepts................................................29
II.2.1.2. La mise en valeur régionale..................................30
II.2.1.3. Le développement régional....................................30
II.2.1.4. L'Aménagement du Territoire (physical planning, planification
spatiale, organisation de l’espace) ......................................30
II.2.2. Approches pour la définition des politiques d'Aménagement du
Territoire et de développement régional.............................32
II. 3- METHODES ET TECHNIQUES DE PLANIFICATION SPATIALE...............34
II.3.1-Les différents outils de planification spatiale...............34
II.3.2-Méthodes d’élaboration et de suivi évaluation (Etapes et
activités) ...............35
II.3.3-Quelques techniques quantitatives pour l’analyse régionale....38

Cours préparé et mis en ligne par Dr Ernest K ILBOUDO Enseignant Chercheur à l’UFR/SEG de 1
l’université Ouaga II avec l’appui de MAÏGA Issouf et YARO Etienne
CHAPITRE II-ESPACE, REGION ET DEVELOPPEMENT

Objectifs pédagogiques

A l’issue de ce chapitre, les étudiants devaient :


- être informés des grands thèmes que traitent les économistes lorsqu’ils abordent la question
de l’espace ;
- être capables de caractériser les principaux concepts relatifs à l’espace régional et local
- être de décliner les outils d’analyse et de planification en économie régionale et locale
- être capables d’élaborer des instruments de gestion ou de pilotage (documents de référence)
de l’économie régionale

Plan du chapitre

II.1 La région comme cadre de développement régional


II.2 Les politiques d’Aménagement du Territoire et Développement régional
II.3 Méthodes et techniques de planification spatiale

Durée : une semaine


INTRODUCTION

Longtemps tenu à l'écart des préoccupations des économistes, l'espace s'est imposé au
fil du temps comme objet d'analyse économique. Des actions ponctuelles d'aménagement des
centres urbains, on est passé à une prise en compte des espaces nationaux ou même supra
nationaux. Autant les mécanismes du marché n'ont pas toujours permis une allocation
efficace des ressources, autant la planification globale n'a pas non plus résolu efficacement
les problèmes d'allocation géographique des investissements et la répartition des fruits de la
croissance.

La recherche du profit ou du rendement économique s'est révélée assez souvent


comme une cause du mauvais usage de l'espace et de l'environnement qui sont l'objet d'une
exploitation intense compromettant ainsi l'avenir des générations futures.

Il faut souligner également que la planification globale menée à l'échelon central a


pour conséquence de freiner la mobilisation des ressources financières et humaines locales au
profit des actions du développement.

Au-delà de la recherche d'un meilleur cadre de vie, c'est même un problème de mieux
être matériel et un problème de justice que cherchent à résoudre l'Aménagement du Territoire
et la Planification Régionale.

Dès lors, on ne s'étonnera pas de voir un engouement de plus en plus grand pour la
prise en compte de l'espace dans l'analyse économique, dans les actions de développement
surtout dans les pays en développement.

Les grands champs d'intérêt que couvre la "science régionale" dans ses analyses sont
largement décrits par A.S.BAILLY et al. (1987). Ils soulignent en effet que lors du Congrès
Européen de la Regional Science Association à Milan (Août 1984) fut organisée une Table
Ronde sur l'enseignement des sciences régionales en Europe Occidentale ; y participaient des
spécialistes venus de Belgique, du Canada, d'Italie, de France, du Royaume-Uni, de la
République Fédérale d'Allemagne et de la Suisse. A tous il avait été demandé de bien vouloir
soumettre une liste de dix sujets considérés comme importants dans l'enseignement et dans la
pratique de la "régional science".

L'accord se fait grosso modo sur six grands sujets : localisation d'unités dans l'espace
géographique, croissance régionale, environnement (et congestion), aménagement du
territoire, économie urbaine (voir les sujets "étoilés") ; reste cependant une longue liste de
sujets variés : disparités dans l'espace, interférences entre niveaux régionaux, évaluation de
projets régionaux, effets d'axes de transport, usage et prix du sol, analyse de données
spatiales.
Tableau n°X-Matières stratégiques spatiales

G. GAUDARD (Fribourg) J. M. HURIOT (Dijon)


1. Localisation des entreprises* 1. Théorie et pratique de la localisation
d'entreprises*
2. Attractivité de centres géographiques* 2. Théorie des interactions entre unités dans
l'espace géographique*
3. Mécanismes et politiques de la croissance 3. Théorie de l'usage et du prix du sol
régionale
4. Disparité économique spatiales 4. Théorie de la croissance régionale*
5. Interférence entre différents niveaux 5. Economie urbaine*
spatiaux (petits et grands centres, régions,
etc)
6. Congestion et dispersion* 6. Economie de l'environnement
7. Principes d'aménagement du territoire* 7. Théorie et pratique de l'aménagement du
territoire*
8. Evaluation de projets de développement 8. Mathématiques appliquées aux problèmes
régional spatiaux
9. Effets de nouveaux axes de transport 9. Statistique et économétrie spatiales
10. Croissance urbaine* 10. Analyse de données spatiales

II.1- LA REGION COMME CADRE D’AMENAGEMENT DU


TERRITOIRE ET DE DEVELOPPEMENT REGIONAL

Pour supprimer ou en tout cas, atténuer les disparités géographiques de divers ordres
(revenus, niveaux de vie etc..) il faut forcément passer par le développement régional. La
région constitue le cadre géographique et administratif de cette politique. Mais il faut
1
reconnaître qu'il est difficile de définir la notion de région . En la matière, les divergences
sont très nombreuses et vives. Les définitions varient selon qu'on est géographe, économiste

1 Sur la question, la littérature est très abondante. Ce paragraphe s'en inspire très largement. Pour plus de
détail voir quelques ouvrages fondamentaux : a) J. LAJUGIE, P. DELFAUD, CL. LACOUR (1979)
"Espace régional et Aménagement du territoire" DALLOZ. b) J. H. P. PAELINK et A. SALLEZ (1983)
"Espace et localisation" Economica . c) A. DAUPHINE (1979) "Espace, Région et système" Economica .
ou autre.
L’objet de ce chapitre est de rendre compte de ces points de vue, notamment ceux des
économistes et des géographes.

II.1.1- Les géographes et la notion de région

II.1.1.1. Les premières approches.

A l'origine, les géographes faisaient la distinction entre régions naturelles, régions humaines
et régions économiques. Mais très vite, leurs idées et méthodes d'analyse vont évoluer de
sorte qu’ils vont utiliser des critères plus complexes dans la définition des régions.
- On entendait par "régions naturelles" des unités d'ordre physique caractérisées par la
géologie, le relief, le sol, le climat, la végétation etc...
- Selon certains auteurs, la région n'est pas une donnée (unité d'ordre physique) mais
un résultat. C'est la conséquence de "faits d'humanité". Les régions ont été façonnées par
l'action des hommes au cours de l'histoire. Elles sont devenues des unités politiques et
administratives. Ce sont des régions humaines.

- La région économique des géographes.


La conception des géographes prend appui sur les données géographiques mais les dépasse
pour prendre en compte des éléments socio-économiques. La région est définie ici comme un
territoire formant un ensemble économique, un marché régional déterminé non seulement par
une interaction du milieu physique et du milieu humain, mais aussi par l'activité économique
des hommes. Par la notion d'activité économique, on entend les relations de ce territoire avec
d'autres territoires, avec des secteurs d'activités homogènes ou différenciées etc...

Il apparaît en conclusion des différences entre régions naturelles et régions économiques.

- La région naturelle, ensemble de faits permanents ou en tout cas durables, est un


phénomène statique.

- La région économique, ensemble de rapports et d'intérêts variables, est un phénomène


dynamique.

Les limites de la région économique ne coïncident pas nécessairement avec celles de la


région naturelle dans la mesure où ses limites sont essentiellement mobiles, variables en
fonction des modifications qui interviennent dans ses éléments constitutifs, dans sa structure.

II.1.1.2. L'évolution des idées sur la région

Avec l'évolution des choses (composantes psycho-socio-économiques des milieux humains,


préoccupation d'aménagement du Territoire fondée sur des études prospectives de la vie
régionale), l'objet de l'étude ne sera plus le cadre naturel uniquement, mais aussi et surtout le
système économique, le groupe humain, les traditions reçues, la structure de classes, etc.

Finalement, les géographes vont orienter leurs travaux dans deux directions : d'une part
l'analyse des inter-dépendances géo-économiques, d'autre part l'analyse des phénomènes de
domination urbaine.

II.1.1.2.1. L'analyse des inter-dépendances géo-économiques

Pour rendre plus saisissante (saillante) cette idée de la diversité des critères à prendre en
compte, certains géographes vont proposer d'utiliser l'expression "d'espace fonctionnel" pour
désigner la région. La région serait alors "conçue comme le champ d'action de flux de tous
ordres et qui s'exprime moins par ses limites que par son centre et les réseaux divers qui en
émanent".

Dès lors, les principales forces organisatrices de la région c'est-à-dire les principaux critères
pour définir la région seront :

- La polarisation créée par une industrie motrice autour de laquelle gravitent des activités
satellites.

- La puissance d'attraction migratoire d'un centre urbain.

- Les liens créés par les relations commerciales en termes de marché d'un produit.

Petit à petit, les géographes en arrivent à axer leur étude sur les fonctions économiques des
villes et des régions.

Dans leurs efforts de recherche ils vont distinguer les "régions administratives qui servent de
base à l'administration courante et qui reposent sur un découpage territorial et les régions
économiques qui sont le résultat de flux et de zones d'influence dynamiques".

II.1.1.2.2. L'analyse des phénomènes de domination urbaine

La région est vue comme "la zone où s'exerce l'action prépondérante d'un grand centre
urbain". C'est la zone qui a pour limite le lieu géométrique des points où l'action du grand
centre urbain est tenue en échec par celle des centres voisins.

L'idée maîtresse est que la région est dominée par une ville. La région se définit et s'organise
par rapport à une ville. La région est vue comme la "zone de rayonnement et de structuration
spatiale d'une ville, d'une métropole régionale".

Au total, chez les géographes trois critères deviendront prépondérants pour définir la région :
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les éléments physiques, les groupes humains et l'organisation volontaire de l'espace par les
hommes, c'est-à-dire les divisions administratives.

Finalement, on aboutit à un concept opérationnel proche de celui des économistes "région =


moyen d'action", "la région = espace soumis à des décisions de planification". Comme le dit
B. KAYSER : "Une région est sur la terre, un espace précis mais non immuable, inscrit dans
un cadre naturel donné, et répondant à trois caractéristiques essentielles : les liens existant
entre ses habitants, son organisation autour d'un centre doté d'une certaine autonomie et son
intégration fonctionnelle dans une économie globale".

II.1.2. Les économistes et le concept de région

Malgré les efforts effectués par les géographes pour donner un contenu économique à leur
acception de la région, il subsiste des différences non négligeables entre leur conception et
celle des économistes. Tandis que les géographes continuent à privilégier les données
physiques, et le milieu naturel et humain dans l'explication de la vie régionale, les
économistes quant à eux, s'attachent davantage aux phénomènes de la production et de la
circulation des biens. Ils donnent plus d'importance à la prise en considération des coûts et
des économies externes dans l'explication de la localisation des unités de production.

Alors que les géographes traitent les régions comme des entités dont les relations internes
sont plus prépondérantes, les économistes insistent sur les interrelations entre espaces
régionaux, sur la nature et les flux de personnes, des biens et services qui en assurent
l'interdépendance.

Comme chez les géographes, les analyses des économistes ont connu de fortes évolutions.
Concrètement, avant que l'on en arrive à l'élaboration d'une définition plus ou moins
générale, il a fallu passer par une série d'intuitions et de définitions partielles, variables selon
les individus et les époques.

Au tire des définitions partielles, on peut citer la théorie de la localisation de LÖSCH où la


région économique est définie en fonction de la zone d'influence des grandes agglomérations
urbaines ou des places centrales : on parle alors de régions métropolitaines. Dans ce même
ordre d’idée, on citera l’approche de W. LEONTIEFF met l'accent sur les flux intra et inter-
régionaux et considère que les limites des régions doivent être fondées sur les zones de
marché des industries régionales. En principe, la région doit avoir des échanges intérieurs très
intenses et tendre vers l'autosuffisance.

Dans la littérature francophone on attribue les efforts de généralisation à F. PERROUX


(1950) qui, donnant une analyse de l'espace économique abstrait distingua trois types
d'espaces, devenus classiques depuis lors. Il insiste sur la différence qui existe entre l'espace
concret de l'observation banale et l'espace abstrait champ de force et des plans qui intéresse
l'économiste. L'espace banal qui est en quelque sorte un espace géographique est un
contenant rigide qui conditionne et limite l'évolution dynamique des forces économiques. Les
hommes et les choses caractérisés par des rapports économiques y trouvent leur place. Dans
la définition de l'espace économique par contre, ce sont les relations économiques qui seront
les éléments déterminants.

Les trois types d'espace retenus par F. PERROUX sont l'espace homogène, l'espace polarisé
et l'espace-plan.
.
1. L'espace homogène : c'est la notion la plus simple, la plus facile à percevoir et la plus
connue des géographes, démographes et économistes. Cette notion correspond à un espace
continu dont chacune des parties constituantes présente des caractéristiques ou des propriétés
aussi proches que possible les unes des autres.

On apprécie l'homogénéité à partir de critères comme le niveau de revenus, les données


démographiques et surtout les activités économiques dominantes telles l’agriculture,
l’industrie, l’élevage, le commerce.

2. L'espace polarisé (espace champ de force)

C'est un espace hétérogène dont les diverses parties sont complémentaires, inter-dépendantes
et entretiennent entre elles, et tout spécialement avec les pôles de développement plus
d'échanges qu'avec la région voisine (le pôle de développement peut être une agglomération
urbaine, une activité économique de base, une firme de base, etc...). On mesure
l'interdépendance à travers les flux de biens et services enregistrés au départ ou à destination
de ces pôles de développement.

3. L'espace plan

C'est le cadre institutionnel de la politique d'Aménagement du Territoire. ; c'est la portion


d'espace dont les diverses parties relèvent d'un centre de décision unique ou tout au moins,
d'une autorité coordinatrice.

Ces trois conceptions de l'espace économique ne sont pas exclusives les unes des autres mais
complémentaires :

Ces trois concepts d'espace économique vont être transposés à la région, laquelle notion est
moins générale que celle de l'espace parce que composée d'éléments géographiques contigus.
Cela permet de distinguer trois approches possibles de la région : la région homogène, la
région polarisée ou fonctionnelle et la région de programme ou région plan.
Apportons quelques éléments de précision aux derniers concepts.
Pour délimiter la région polarisée on peut considérer par exemple certains indices (trafic
routier, communications téléphoniques, zone de diffusion de la presse locale etc...). Bref, ce
sont les flux qui tracent les frontières. Donc il y aura autant de frontières que de flux. Ce sont
donc les échanges internes qui prédominent dans la détermination de la région.

La région plan n'est plus un concept descriptif ou explicatif, mais un concept opérationnel
qui définit un espace volontaire, un espace conçu pour l'action. Il traduit le découpage de
l'espace national en circonscriptions administratives pour le développement régional.

Les définitions de la région économique sont innombrables. Plus on avance dans le domaine
économique, plus le critère de définition devient arbitraire parce que la région devient moins
un objet d'étude qu'un moyen d'action, un instrument de l'analyse économique permettant de
fonder, sur des bases plus fermes, une politique de développement régional et d'aménagement
du territoire. La plus utile et la plus adéquate des définitions dépend de l'objet particulier de
l'étude.

Toutefois, à la base de toutes les définitions on retrouve l'idée d'une aire géographique
constituant une entité et pouvant être envisagée comme un ensemble significatif et
l'existence d'un degré élevé de corrélation de comportement entre ses divers éléments.
En d'autres termes, la région correspond à une aire géographique constituant une entité
qui permet, à la fois, la description des phénomènes naturels et humains, l'analyse des
données socio-économiques et l'application d'une politique.

De plus en plus, on a recours à l'analyse systémique pour l'étude des régions. Ainsi, selon A.
DAUPHINE (1979), "la région est un système spatial ouvert, dialectiquement déséquilibré -le
principe d'unité l'emporte sur les forces de diversité - de taille inférieure à la nation, formé
2
d'espaces contiguës"( ).

Les analyses en termes de système conduisent à souligner les processus, les séquences et
3
surtout les enchaînements qui peuvent se produire ( ). Le système est "un ensemble
d'éléments interdépendants, c'est-à-dire liés entre eux par des relations telles que si l'une est
4
modifiée, les autres le sont aussi et par conséquent tout l'ensemble est transformé," ( ).
La région est dite système ouvert dans la mesure où elle entretient des relations d'entrées et
de sorties avec l'environnement c'est-à-dire l'ensemble des facteurs fonctionnels et des
facteurs spatiaux qui exercent une action sur la région ou qui sont soumis à son influence.

2 : A. DAUPHINE (1979« Espace, région et système » Economica- Paris p.21

3 : CF. Claude LACOUR (1979) "Espace régional et aménagement du Terrioire" p. 629

4 : J. de ROSNAY cité par R. DAUPHINE (1979« Espace, région et système » Economica- Paris p.21
II.1.3. Pour une typologie adaptée des régions en Afrique

La question fondamentale qui se pose désormais est celle de savoir si on peut transposer ces
notions au cas des pays en développement en particulier ceux de l'Afrique au Sud du Sahara
compte tenu des spécificités de cet espace économique. Et dans le cas échéant à quelles
notions faut-il avoir recours pour rendre compte de cette nouvelle réalité ? Quels sont les
différents types de régions que l'on peut y déceler ? Quelles sont la nature et les fonctions de
ces régions ?
Ces remarques amènent à critiquer ces notions et à rechercher des concepts plus adéquats
pour appréhender la réalité des pays dominés.

II.1.3.1. Eléments de critique des concepts usuels

La critique portera sur chacune de ces notions dégagées plus haut : région homogène, région
polarisée, région-plan.

II.1.3.1.1. La région homogène

- Sur le plan économique.

Les régions dans les pays dépendants ne présentent pas d'homogénéité économique. En effet,
lorsqu'on parle d'homogénéité, c'est en règle générale de l'homogénéité géographique qu'il
s'agit. On indexe ainsi des espaces ayant des conditions climatiques communes (des espaces
situés soit dans des plaines, soit dans des montagnes). En réalité, ces régions ne forment pas
un marché préférentiel pour les produits locaux. Or cette condition est essentielle.
Les échanges intra-régionaux sont très faibles, souvent inférieurs aux échanges qui se font
avec le centre économique dominant et avec l'étranger. Cela tient à l'absence de
complémentarité des ressources régionales et à la place souvent très grande qui reste accordée
à l'agriculture de subsistance.
Les industries sont de très faible envergure et ne transforment que quelques produits. Les
structures commerciales sont également très faibles. Les infrastructures et moyens de
transports sont quasiment inexistants.

- Sur le plan sociologique

Dans la majeure partie des cas, les régions en question n'ont pas d'histoire et de structure
sociale communes. Rares sont les régions qui correspondent à un groupe ethnique homogène.
Ces régions sont des entités géographico-administratives regroupant plusieurs groupes
ethniques n'ayant pas toujours vécu en harmonie dans le passé.

II.1.3.1.2. La région polarisée


Lorsqu'on parle de la région polarisée en Afrique, on pense à des points de croissance
comme la MIFERMA, ARLIT, FRIA et des pôles portuaires tels Dakar, Abidjan. Tout
comme dans le cas précédent, cette notion appelle également de très sérieuses réserves.
Les conditions souvent évoquées ou exigées pour que l'effet de polarisation joue
pleinement ne sont pas toujours réunies ici : insuffisance des ressources locales, absence
d'infrastructures, faiblesse des revenus distribués, inexistence d'un pouvoir économique
local.

Le plus grand drame pour une telle stratégie réside dans les effets de fuite. En effet, les
activités motrices sont créées avec des équipements importés, de la main d’œuvre qualifiée
expatriée. Les revenus engendrés sont donc expatriés. Les secteurs d'activités ne sont pas (ou
très peu) complémentaires.

Les transports qui jouent un rôle capital dans la diffusion surtout pour les industries
extractives sont défectueux ou orientés vers l'extérieur.
.
En Afrique, il n'y aurait selon ces critiques, que des fausses polarisations. En tout cas, la
réalité n'a pas changé malgré la création de ces fameux pôles. Le développement intégré
demeure toujours un rêve et un objectif.

C. La région de planification est un cadre pour un plan (régional) vide

Bien de raisons commandent d'être prudent lorsqu'on parle de région-plan dans ce contexte .
- Tout d'abord, le concept de région plan n'est pas un cadre passif de réception des décisions
du pouvoir central. Il faut qu'il y ait des centres de décisions publics et privés locaux actifs.
Or dans ces pays ces conditions manquent de sorte que les actions envisagées échouent le
plus souvent. Les planificateurs régionaux n'ont en général pas l'autorité administrative
requise pour formuler des plans dignes de ce nom. Faute de moyens, ils se confinent au
contrôle et à l'évaluation des travaux en cours.

- Ensuite, la région conçue comme espace opérationnel d'application du plan central n'a de
réalité que dans la mesure où le plan central lui attribue les moyens et prend des décisions
affectant le développement régional. Or ces régions ne sont que des découpages
administratifs éventuellement susceptibles de recevoir des moyens. Dans ce sens, il est
difficile de parler de région-plan. La partie régionalisée du plan est presque toujours vide
pour les régions. Seules quelques régions privilégiées bénéficient effectivement des moyens
centraux. Les investissements publics sont inégalement répartis. Les dotations régionales sont
fonction du rapport de force au niveau du pouvoir politique. En effet, les hommes politiques
se disputent fréquemment "l'enveloppe financière" du plan national pour mieux servir leurs
régions de prédilection pour des raisons de clientélisme politique. Les régions sans défenseur
ou parrain politique se trouvent délaissées.

Enfin, l'investissement privé se concentre dans un petit nombre de points stratégiques où les
occasions de profit sont les plus propices. De même, l'aide internationale ne corrige pas les
inégalités mais les accentue au contraire. Chaque bailleur de fonds choisit sa zone
d'intervention compte tenu de ses intérêts : politiques, économiques, militaires, etc. Les
infrastructures de communication créées deviennent de simple moyen d'évacuation de la main-
d’œuvre et des matières premières.

II.1.3.2. Quelle alternative ?

Un certain nombre d'auteurs ont essayé de systématiser l'approche de la région dans les pays
dépendants, notamment en Afrique. Ils ont tenté de dresser précisément une typologie des
régions dans ce cadre. A ce sujet deux études méritent d'être citées abondamment. Il s'agit de
"Divisions de l'espace géographique dans les pays sous-développés" de B. KAYSER
5
(1966)( )
et de celle de Jacques BUGNICOURT (1978) "Illusions et réalités de la région et du
6
développement régional en Afrique" ( ).
Le premier dégage les types d'espaces géographiques ci-après :

- L'espace indifférencié
- La région de spéculation
- La région d'intervention
- Le bassin urbain
- La région organisée.

Quant à J. BUGNICOURT, il dresse la typologie suivante :

- L'aire écoculturelle
- La région traditionnelle
- Les annexes de l'extérieur
- La zone extravertie
- La zone retardée
- La pré-région.
7
D'autres notions sont avancées par d'autres auteurs . Il en est ainsi des expressions de : "sous-

5 : Texte d'une communication présentée à la Conférence régionale latino américaine de l'U.G.I.


à Mexico en août 1966 et publié dans les Annales de géographie 1966.

6 : Voir Revue Tiers-Monde n° 73 Janvier-Mars 1978-P.U.F. p. 109 à 137

7 a - D. OUEDRAOGO "Genèse et structure d'un espace enclavé : la Haute-Volta" colloque


CVRS- ORSTOM 6-10 décembre 1978 OUAGADOUGOU.
b - Zygmunt PIORO "la stratégie de l'Aménagement spatial et les problèmes de la construction des
nations en Afrique tropicale et orientale" in "Disparités régionales en Afrique" travaux d'un séminaire
publiés par l'Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux 1979.
c - Milton SANTOS "Dimensions temporelle et systèmes spatiaux dans les pays du Tiers-Monde"
espaces dominés", " sous-espaces aliénés", "espaces dérivés", "espaces enclavés", etc...

Malgré les différences d'appellations, ces régions ont dans certains cas des contenus
identiques. Il convient donc d'examiner ces différentes notions et de les regrouper en fonction
de leur contenu.

Revue Tiers-Monde. Tome XIII-nΕ 50 avril-juin 1972.

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Tableau n° X-Récapitulation des nouveaux concepts proposés

Notio Synonymes
ns et
Aute Notions Auteurs
1 urs
- Espace a - Isolat A. REYNAUD
Indifférenci b - Aire éco- culturelle
é (B.
KAYSER) J. BUGNICOURT
c – Région traditionnelle

2 - Espace a - Pays
dérivé (M. dépendants b – Divers
SANTOS) aPériphérie
- Aire de drainage
3 - Région de
spéculation b - Annexe de
(B. l'extérieur J. BUGNICOURT
KAYSER) c - Zone extravertie
d - Espace aliéné D. OUEDRAOGO
Z. PIORO
e - Sous-espaces enclavé

4 - Zone retardée a - Sous-espace délaissé D. OUEDRAOGO


(BUGNICOUR
T) b - Sous-espace
dégradé
5 – Région a - Pré-région BUGNICOURT
d'intervention (B.
KAYSER) b - Région Divers
de
program

II.2-LES POLITIQUES D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET


DEVELOPPEMENT REGIONAL

Quel contenu à ce concept ? On pourrait dire en exagérant quelque peu, qu'autant d'auteurs,
autant de définitions de l'Aménagement du Territoire. Il n'y a rien d'étonnant à cela, puisque
cette discipline a été par excellence une pratique avant de prétendre s'élever à un certain
degré d'abstraction. En effet, tous les actes de l'homme visant à transformer la nature, toutes
les actions d'embellissement de son cadre de vie... relèvent d'une manière ou d'une autre de
l'Aménagement du Territoire.
Nombreux sont les gouvernements qui, en dépit des prescriptions de l'idéologie libérale, sont
intervenus dans la vie économique pour corriger des déséquilibres trop flagrants. Les
expériences historiques fourmillent en la matière :
- aux USA, la Tenessee Valley Authority en 1933 dans le cadre du New-Deal sans oublier les
diverses tentatives de mise en oeuvre d'une politique régionale systématique sous
KENNEDY.
- Plan Vanoni (1954-1964) en Italie pour aider les "régions à problèmes".
- au Royaume Uni, des politiques ont été entreprises dès 1934 pour combler les déséquilibres
constatés entre les régions,
- en France également de nombreuses actions ont été menées avant la guerre 1939-1945, cette
dernière ayant été le point de départ d'une systématisation de la mise en oeuvre des politiques
régionales (8).
C'est à la suite de très longs et nombreux tâtonnements que des auteurs ont tenté de
conceptualiser les diverses actions relatives à l'Aménagement du Territoire.

II.2.1. L'évolution des concepts

On est passé d'une conception étriquée à une conception plus large, plus globale. Les
terminologies exactes utilisées sont : urbanisme, mise en valeur régionale, développement
régional et aménagement du Territoire.

II.2.1.1. L'urbanisme

Il convient de distinguer les notions d'urbanisme et d'urbanisation.

- Pour P.H. DERYCKE, (1979) l'urbanisme est une expression ambiguë qui "désigne tantôt
une action qui va de la simple opération de voirie à l'aménagement complet de vastes
ensembles urbains , tantôt une réflexion sur leur fonctionnement et la rationalité des décisions
à prendre concernant leur évolution; tantôt une certaine conception esthétique ou architectu-
rale des villes".
C'est la " science des aménagements urbains , ce qui couvre aussi bien les travaux de génie
civil que les plans des villes ou les formes caractéristiques urbaines de chaque époque"
(Françoise CHOAY cité par P.H. DERYCKE 1979).
- Quant au terme urbanisation "il désigne à la fois les divers processus par lesquels une
population se structure en ensemble urbain et l'étude scientifique systématique de ces
ensembles eux-mêmes et leurs relations (P.H. DERYCKE 1979).
Alors que l'urbanisme classe les différents types d'aménagement de l'espace urbain,
l'urbanisation classe les différents types de villes et de structures urbaines.
8 : Une excellente synthèse de ces politiques à l'échelle internationale à été faite dans l'ouvrage
commun de J. LAJUGIE, P. DELFAUD, C. LACOUR "Espace régional et Aménagement du Territoire"
DALLOZ 1979.
II.2.1.2. La mise en valeur
régionale
La mise en valeur régionale renvoie à la nécessité et à la pratique pour un pays d'exploiter
plus rationnellement toutes les ressources naturelles (sources d'énergie, minerais...) dont il
dispose et spécialement de mettre en valeur les régions insuffisamment développées. En cela,
cette expression marque un élargissement par rapport à la notion d'urbanisme. Il s’agit en fait
de la recherche d’un meilleur équilibre entre les régions au plan économique. Pour Lajugie
(1979), les promoteurs de cette conception « avaient en vue l’accroissement de la production,
l’augmentation de la productivité, des profits, des revenus sans faire une place suffisante à la
promotion humaine des populations ».

II.2.1.3. Le développement
régional
Quant au développement régional, il est conçu comme la base de l'Aménagement du
Territoire. Il intéresse toutes les régions du pays et non pas les régions retardataires
exclusivement. En ce sens, il est plus large encore que les notions précédentes. L'objectif
principal d'un plan de développement régional conduit par l’Etat est la mise en place des
investissements qui puissent profiter à toutes les populations de toutes les localités de la façon
la plus équitable possible. En ce sens, il a un caractère humain.
Il se fonde sur la planification régionale qui consiste en dernière analyse à élaborer des plans
régionaux et à les exécuter effectivement. La planification régionale implique l'analyse de la
région, sa connaissance approfondie, la mise en évidence de ses potentialités et de ses
contraintes. Le planificateur régional doit pouvoir faire le diagnostic de la région afin de
proposer une thérapeutique appropriée. Il doit faire des propositions de politiques de
développement régional. Les différents plans régionaux devraient s'insérer dans la stratégie
générale de développement du pays concerné. (9).

II.2.1.4. L'Aménagement du Territoire (physical planning, planification spatiale,


organisation de l’espace)
La dernière notion traduisant la politique relative à la localisation des activités et des hommes
dans l'espace est celle d'Aménagement du Territoire à proprement parler. Mais comme
souligné plus haut, cette expression pose d'énormes problèmes : quelle définition faut-il lui
donner ? Quelles sont ses finalités et modalités en tant que politique ? Quels sont ses rapports
avec des expressions voisines tel le développement économique et social... ?

A. Essai de définition

Dégager une définition unique de ce terme n'est pas chose particulièrement aisée. L'on
pourrait aligner une infinité de définitions si on devrait tenir compte de la sensibilité et du
domaine de prédilection de chaque auteur. Aussi va-t-on se contenter de quelques définitions
à l'issue desquelles une synthèse sera tentée.

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9 : Pour plus de détail voir BARACHETTE (1968) "Etudes régionales et plan national dans les pays en
voie de développement". Revue Tiers-Monde. nΕ 34.

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Pour M RANDET, cité par LAJUGIEjugie (1979), « la politique d’Aménagement tend à
endiguer le courant qui porte toutes les forces vives du pays vers les grands centre, à créer
des sources de vie dans les régions dont les ressources sont insuffisamment utilisées et qui,
malgré les riches possibilités, tendant à devenir désertes, à contenir le développement des
grandes agglomérations, à mettre en valeur les zones sous-développées du territoire ».
Selon J. M. ROULIN (1961) "on peut définir l'aménagement du Territoire comme la science
ou l'art qui a pour objet l'organisation et la répartition de l'espace régional ou national des
diverses activités humaines en fonction des besoins de l'individu et de la collectivité" (10).
En paraphrasant C. PETIT (ancien ministre français de la Reconstruction et de l'Urbanisme),
on pourrait dire tout simplement que l'Aménagement du Territoire est la recherche dans le
cadre géographique d'un pays, d'une meilleure répartition des hommes en fonction des
ressources naturelles et des activités économiques. Cette recherche doit être faite dans la
constante préoccupation de donner aux hommes de meilleures conditions d’habitat e de
travail, de plus grandes facilités de loisirs et de culture. Cette recherche n’est donc pas faite à
des fins strictement économiques, mais bien davantage pour le bien être et l’épanouissement
de la population ».
Pour la revue Economie et humanisme (1953) cité par Lajugie (1979), « l’objet de
l’Aménagement du territoire est de créer, par l’organisation rationnelle de l’espace et par
l’implantation des équipements appropriés, les conditions optima de mise en valeur de la
terre et les cadres les mieux adaptés au développement humain des habitants ». C’est de la
géonomie (science et art de l’aménagement de l’espace) selon l’expression de MF Rouge.
C’est donc de la prospective.
La plupart des définitions sont synthétisées par J. LAJUGIE (1979) en ces termes,
"l'Aménagement du Territoire a pour fin, à la fois, de promouvoir la mise en valeur des
ressources régionales et d'améliorer le cadre de vie et les conditions d'existence des habitants
en atténuant les disparités régionales de développement économique et social par une
organisation prospective de l'espace, reposant sur une orientation volontariste et concertée
des équipements et des activités".(11)
On peut en définitive dire que l'Aménagement du Territoire a pour objet, la recherche
d'un développement équilibré et harmonieux de la nation par le meilleur emploi des
ressources humaines, économiques et financières du pays, par l'utilisation rationnelle du
territoire en fonction des éléments propres à chaque milieu et à chaque région.

B. Finalités de l’Aménagement du territoire

Ces finalités sont de plusieurs ordres. Ainsi que l'indique PH. PINCHEMEL (1985),
"les finalités les plus évidentes sont d'ordre économique : il s'agit de mettre en valeur, de
développer, d'assurer la croissance économique, de tirer du territoire en question les revenus
les plus importants possibles avec le minimum d'investissements. Cette mise en valeur

10 : J. M. ROULIN (1961)"Aménagement du Territoire et propriété privée" Lausanne cité par J.


de Lanversin (1979) "La région et l'aménagement du Territoire" LITEC p. 11 ;

11 : J. LAJUGIE (1979) in "Espace régional et aménagement du Territoire" DALLOZ p. 103.


organise un certain espace, non dans une perspective globale mais pour exploiter les
ressources minières, industrielles, touristiques ; la plupart des actions géographiques
entreprises le sont dans cette seule perspective" (12). Et c'est le même auteur qui précise que
"l'Aménagement du Territoire vise, en quelque sorte, à remédier aux excès, aux déséquilibres,
provoqués par des actions géographiques trop libres, trop spontanées, trop axées sur le profit,
trop liées à des faits de domination et d'exploitation. Mais l'Aménagement du Territoire
correspond aussi à une philosophie du cadre de vie, de l'espace géographique comme élément
essentiel du "développement, cette fois au sens le plus large du terme" (13).

Il est possible de résumer les objectifs de l'Aménagement du Territoire en les


ramenant à deux: d'une part un objectif économique et d'autre part un objectif social.
L'objectif économique consiste à accélérer la croissance au niveau de chaque région dans le
but ultime de maximiser la croissance globale du pays. L'objectif social vise surtout la
recherche de la justice sociale. Il s'agit surtout de veiller à mieux répartir les fruits de la
croissance en faisant profiter les populations des régions les plus pauvres, les plus
déshéritées. C'était d'ailleurs la première préoccupation des aménageurs qui cherchaient
surtout à résoudre le problème du chômage et de la faiblesse du niveau des revenus dans les
régions retardataires. Il vise à réduire les écarts de revenus et de niveaux de vie entre régions
riches et régions pauvres. Il doit contribuer à corriger les inégalités. Il est envisagé donc
comme une manifestation de la solidarité nationale envers les habitants des régions les plus
déshéritées par diverses actions de nature à faciliter leur décollage économique (mise en
œuvre d’équipements sociaux et de base, soutien au développement industriel et autres).

II.2.2. Approches pour la définition des politiques d'Aménagement du Territoire


et de développement régional

Les politiques d'Aménagement du Territoire et de développement régional sont très


variables. Elles dépendent des situations économiques, des options idéologiques et des
problèmes spécifiques de chaque pays et de ses classes dirigeantes. Les propositions
dépendent de la stratégie globale de développement et sur la base de laquelle les régions ont
été découpées. Elles diffèrent selon que l'on opte pour un aménagement ordonnateur ou un
aménagement créateur, selon que l'on opte pour une stratégie de développement équilibré
(politique de saupoudrage) ou de développement polarisé. On n'administrera pas le même
traitement pour les régions de pays développés souffrant de chômage ou de faiblesse de
niveau de revenu que pour les régions des pays dépendants en proie à des déficits céréaliers
chroniques. Le problème immédiat est-il celui de faire face au gigantisme des villes ou celui
d'aider les régions particulièrement retardataires à se mettre sur les rails ?

12 PH. PINCHEMEL (1985) : "Fondements rationnels de l'aménagement du Territoire" par un


groupe d'auteurs sous la direction de M. LAMOTTE. Ed. MASSON 1985 pp. 9-10

13
: Ph. PINCHENEL pp. cit. p. 10.

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Partant de l'étude des pays développés, L. H. KLAASSEN (1965)(14) suggère de distinguer
quatre types de régions en fonction desquelles des politiques caractéristiques pourraient être
appliquées. Le critère de distinction est le niveau du revenu et / ou du chômage. Pour tenir
compte du facteur temps, il préconise de retenir d'une part le niveau de revenu pendant
l'année considérée par rapport au niveau national pour la même année (soit m) et d'autre part
le taux d'accroissement prévu de ce revenu dans les années à venir par rapport au taux
national prévu (soit t).

Les différents types de régions obtenues et les politiques préconisées sont récapitulés dans les
deux tableaux ci-après.

Tableau n°X Types de régions


(Niveau de revenu
régional) / (revenu
national (=m) élev fai
ém ble
(Taux d'accroissement 21 m<
du revenu régional) / 1
(Taux d'accroissement du
revenu national) (=t)
éle Région prospère Région sous-développée
vé t (R1) en cours de
21 développement (R2)
fai Région Région sous-
ble potentielle- ment développée (R4)
t< sous- développée
1 (R3)

14
: K. H. KLAASSEN (1965)"Aménagement Economique et Social du Territoire" OCDE Paris.

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Tableau n°X Régions à problèmes et caractéristique de la politique
Caractéristique le
Nature de la région de la politique
principa Modalité

R2 Région sous-développée Stimulation


en développement

R3 Région à prospérité Retardement et


déclinante reconstruction

R4 Région sous-développée Reconstruction

Ces différentes politiques impliquent des mesures concrètes de la part du


gouvernement central. Dans cette optique, LAJUGIE (1979) indiquera que "certaines sont
indirectes et visent à influencer l'implantation des entreprises privées par un renforcement
des équipements sociaux et des infrastructures de base (routes, voies ferrées, équipements
sanitaires, appareil de formation) c'est-à-dire des structures d'accueil susceptibles de donner
naissance à des économies externes; d'autres impliquent une action plus directe sur la
répartition géographique de l'activité économique privée, au moyen de conseils, de crédits, de
subventions, d'avantages fiscaux accordés aux entreprises privées, par une réglementation
directe de l'implantation industrielle, voire par une participation de l'Etat à certaines activités
économiques jugées particulièrement dignes d'intérêt".

II. 3- METHODES ET TECHNIQUES DE PLANIFICATION SPATIALE

II.3.1-Les différents outils de planification spatiale


Les principaux outils sont les schémas (Schémas nationaux, régionaux, urbains
d’Aménagement). Dans le cas précis du Burkina Faso, ces outils sont définis par la Loi
n°014/96/ADP/du 23 Mai 1996 et le Décret 97-054/PRES/PM/MEF du 6 Février 1996 au
Titre 3.

II.3.1.1-Le Schéma National d'Aménagement du Territoire

Le schéma national d'aménagement du territoire est un instrument de planification à


long terme élaboré au niveau central. Dans un esprit de planification, ce schéma donne les
grandes orientations de la politique nationale qu'il faut mettre en œuvre pour un
développement harmonieux de l'environnement, des hommes, etc. (meilleure répartition des
activités, des populations en fonction des équilibres économiques existants,…).
Le schéma national d'aménagement du territoire détermine :

- la destination générale des terres situées dans les limites du territoire national ;
- la nature et la localisation des grands équipements d'infrastructures sur l'ensemble
du territoire national.

Le schéma national d'aménagement du territoire est l'outil de planification de référence en


matière de prise de décision pour les investissements ; tous les autres outils se conçoivent en
restant en conformité avec les principales orientations qu'il contient.

II.3.1.2-Le Schéma Régional d'Aménagement du Territoire

Le schéma régional d'aménagement du territoire est un instrument de planification à


long terme qui traduit les orientations générales du schéma national d'aménagement du
territoire à l'échelle de la région. Il est obligatoirement conforme aux orientations sectorielles
du schéma national d'aménagement du territoire.

II.3.1.3-Le Schéma Directeur d'Aménagement et d'Urbanisme (SDAU)

Le schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme (SDAU) est un document qui


établit pour une ville, les prévisions de développement à long terme (dix à quinze ans).

Le SDAU fixe les normes et les orientations fondamentales de l'aménagement compte


tenu de l'équilibre à préserver entre l'extension urbaine, les activités agricoles et la
préservation de certains sites.

Le SDAU détermine :

- la destination générale des sols de l'agglomération urbaine ;


- le tracé des grands équipements d'infrastructures dans l'agglomération ;
- les emplacements préférentiels pour les grands équipements de superstructure.

Il fixe notamment l'organisation générale des transports, la localisation des services et


activités les plus importants, les zones préférentielles d'extension de l'agglomération.

II.3.2-Méthodes d’élaboration et de suivi évaluation (Etapes et activités)

Planifier, c'est élaborer des plans et les mettre effectivement en oeuvre. Autrement dit, le
processus de la planification comporte deux étapes principales qui sont : l'élaboration et
l'exécution des plans. Ceci est valable pour la planification régionale et l'aménagement du
territoire. Chacune des étapes se subdivise en sous-étapes. Ces dernières apparaissant comme
des tâches particulières imposées au planificateur.

La première étape porte sur l'exécution des tâches nécessaires à la formulation du


Plan. Ces tâches se résument en l'analyse et diagnostic du cadre d'action choisi ainsi qu'en la
fixation des objectifs et moyens de réalisation du schéma ou du plan.
35
La seconde étape est celle de l'application, de l'exécution du schéma ou du plan. Elle
comprend la discussion sur l'organisation institutionnelle du système de planification
régionale et d'aménagement du territoire, la sélection des instruments de la politique de mise
en oeuvre du plan ou du schéma, le contrôle et l'évaluation du plan.

Si cette démarche est valable pour la planification du développement de la région et


l'aménagement du territoire, elle peut en différer compte tenu des différences (nuances) qui
existent entre les deux, mais également compte tenu des préoccupations du moment des
planificateurs et des autorités de chaque pays, (ou groupe de pays). En effet, si le
développement régional et l'aménagement du territoire sont complémentaires en ce sens que
le premier sert de base au second, il reste que des différences se manifestent entre eux.

II.3.2.1- La mise en place d’un dispositif institutionnel approprié de planification régionale et


d’A.T. et l’initiative de la planification
Pour élaborer et exécuter correctement le plan régional, il importe de disposer d’institutions
appropriées.
Il faut des structures suffisamment hiérarchisées aussi bien à l’échelon central qu’échelon
local mais surtout bien coordonnées.
Ces structures prennent l’initiative de la planification, l’organisent et en suivent la mise en
œuvre.

II.3.2.2- La collecte des données : méthodes de recueil des données et leur présentation.

1°) Les méthodes de collecte des données


La collecte des données peut se faire de deux manières principales, soit directement soit
indirectement.
La collecte directe. On peut collecter directement les données sur le terrain. Cette collecte
directe d'informations peut consister :

- en enquêtes systématiques qui, en général, ne seront pas exhaustives dans le cas des études
régionales, mais se feront par sondages auprès d'échantillons représentatifs obtenus soit par
une méthode de tirage aléatoire, soit par la méthode des choix raisonnés;

- en enquêtes sur le terrain destinées essentiellement à obtenir des appréciations personnelles


ou des informations de type qualitatif, à partir d'observations ou de contacts directs : visites
d'exploitations agricoles, visites de grands travaux, visites de villes, entretiens avec des
agents économiques et avec des responsables de l'administration ou du secteur privé. Plus
qu'à fournir des données quantitatives, ce type d'enquêtes requiert une bonne expérience
professionnelle et surtout une bonne appréhension à priori des problèmes de la région étudiée.

La collecte indirecte. On peut également collecter une quantité appréciable d'informations en


partant des documents existants.

2°) Les instruments : guide d'analyse régionale (types de données nécessaires)

Ce guide doit être indicatif. Il permet de situer d'emblée la totalité du travail à


effectuer, la totalité des informations à rechercher.
Il est difficile de donner la liste précise des données nécessaires pour l'élaboration
d'une étude régionale. Nombreux sont les facteurs dont il faut tenir compte. Il reste possible
néanmoins, de proposer par secteur la liste des données et des indicateurs qui, en toute
hypothèse, sont nécessaires pour l'élaboration d'un plan régional.

3°) La présentation des données

Une fois les données collectées, il faut les présenter sous une forme qui les rend très
faciles à utiliser. On utilisera à cet effet : les tableaux statistiques, les cartes, les graphiques,
les coefficients, les indices, les indicateurs...

II.3.2.3- Analyse des données et établissement du diagnostic.

L'analyse régionale est une méthode visant à connaître une unité territoriale définie.
Elle consiste en la recherche des potentialités et des contraintes de la dite unité de
planification. Elle doit permettre de déceler les aptitudes et les faiblesses de la région. Bien
entendu, cette recherche, cette étude de la région n'est pas faite en tant que simple exercice
intellectuel ou "académique". Elle vise un but. Elle est intéressée. On cherche à mieux
connaître la région en vue d'une action de transformation, (de développement) et
d'intervention pour le progrès de l'espace considéré et le bien être des populations qui s'y
trouvent.

En résumé, l'analyse régionale est la base de la planification, c'est à dire sa première


étape. Le planificateur et les agents du développement s'y appuient pour élaborer le plan
régional de développement.

Elle permet d'établir le diagnostic sur le fonctionnement et l'évolution de l'économie


(régionale ou nationale). L'établissement du diagnostic repose sur une prise en considération
globale de l'ensemble des problèmes. Il s'agit plutôt de relever les atouts et les problèmes de
la région d'une manière globale en vue de l'établissement d'une stratégie de développement.
Dans ce sens, le diagnostic est un examen "clinique" du système dans son ensemble. Il vise à
déterminer les déficiences du système et à en rechercher les causes. Autrement, il devrait
s'efforcer d'identifier les dysfonctionnements existants, les structures et leurs défauts, les
tendances. C'est un jugement de valeur des déséquilibres existants entre l'état actuel et les
potentialités de l'unité d'étude.

Ainsi perçu, le diagnostic est un exercice dynamique qui examine l'état actuel et les
potentialités compte tenu du passé récent et en fonction des objectifs à atteindre à terme.
L'analyse se concentre sur les structures essentielles de l'économie telles que la distribution
de la population, des activités et des investissements, (tels que) l'environnement naturel et le
patrimoine, le désenclavement et les transports. Ainsi on aboutit à définir avec précision les
problèmes qui se posent dans le cadre de la mise en valeur du territoire et les contraintes qui
sont à leur origine.

II.3.2.4- La formulation des programmes et politiques


II.3.2.5- L’estimation des coûts financiers
II.3.2.6- La formulation des activités et instruments de suivi évaluation
II.3.3-Quelques techniques quantitatives pour l’analyse régionale

.
Les techniques de connaissance sont fonction de la conception de la région et des
buts poursuivis à travers l’analyse régionale.

- L'utilisation des indicateurs comme base des études comparatives régionales

Si l'on conçoit la région comme un "espace lieu", c'est à dire tout juste un point, un
lieu de concentration d'activités, on pourra se contenter de calculer des indicateurs de chaque
activité pour traduire le niveau de développement de la région et procéder à des comparaisons
entre régions soit directement, soit indirectement en passant par les moyennes nationales des
mêmes indicateurs.

Ici, on part de l'idée que la région est un lieu où sont réunies des activités, et plus
abusivement encore, une somme d'activités. On parle "d'espace lieu de concentration"
d'activités. Ce sont des "points" que l'on aura pris soin de repérer et baliser c'est à dire de
situer dans l'espace. On veut alors comparer les régions entre elles pour faire apparaître les
inégalités de développement et faire les propositions d'intervention en conséquence. Selon
KLAASSEN (1965), "Le but d'une étude comparative est de déterminer la position d'une
région donnée par rapport à d'autres régions et par rapport à l'ensemble du pays. Dans
certains cas, des comparaisons avec des régions au-delà des frontières nationales sont aussi à
conseiller, en particulier si ces régions sont limitrophes de celles qu'on étudie et si elles ont
une structure analogue".

Afin de parvenir à la comparaison des régions, on les traduit sous la forme d'un ensemble
d'index, d'indicateurs. Ainsi on aura les mêmes indicateurs (revenu par tête, taux de
scolarisation, IDH, IPH, etc,...) pour toutes les régions et on effectue aisément les
comparaisons. On pourra faire pour chaque région, une synthèse des indicateurs et la réduire
ainsi à un indice unique et homogène et par la suite effectuer les comparaisons avec d'autres
régions.

Ainsi que l’écrit J.BUGNICOURT (1970), les disparités régionales sont des inégalités de
15
toutes natures apparaissant entre différentes zones d’un même espace . Pour AYDOLOT
(1985), elles s'évaluent nécessairement par rapport à une référence implicite. La disparité,
16
c'est un écart par rapport à une norme. Mais laquelle choisir?" . Toute la question est là!
Faut-il concevoir que toutes les régions soient identiques ou simplement rechercher l'égalité
sous certains aspects tout en respectant les différences ou les spécificités des régions ? Et si
on accepte cette deuxième hypothèse, quelle unité de mesure faut-il utiliser et selon quel
indicateur?. Dans la pratique, l’on pense qu’il y a des régions retardées et des régions

15 Jacques BUGNICOURT (1970) « Disparités régionales et Aménagement du Territoire


en Afrique » Armand Colin.

16 Ph. AYDALOT (1985)"Economie régionale et urbaine", Economica, Paris.


avancées et ce sont précisément ces dernières qui devraient servir de référence dans la
politique de développement.

- Les formules statistiques (instruments) classiques de mesure de la dispersion et de la


concentration.

1) Moyennes
2) Ecart type
3) Ecart absolu moyen
4) Variance
5) Coefficient de variation
6) Coefficient de Gini
etc...

-L’utilisation des méthodes de la comptabilité nationale


Si par contre on considère la région comme un espace système, c'est-à-dire un
ensemble d'éléments entretenant des rapports spécifiques entre eux, il est clair que
l'instrument utilisé va varier puisqu'il s'agira surtout de connaître le degré d'intégration de la
région, son autosuffisance, l'interdépendance de ses activités... en tant que système. Ici, on
utilisera surtout le système du tableau d'échange inter-sectoriel pour mesurer les flux entre
branches (ou régions quand on conçoit la nation comme un ensemble de régions). Les
politiques économiques mises en oeuvre entraînent des conséquences dont l'étude exigera
l'utilisation de la programmation linéaire.

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