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Focus sur des facteurs de risques

les jeunes conducteurs (à l’instar de plusieurs États), route, il convient aujourd’hui d’améliorer encore la prise
chez certains patients soumis à des traitements per- en charge des altérations de la capacité de conduite et
manents (anti-convulsivants, benzodiazépines), chez les troubles du comportement au volant résultant de la
les conducteurs professionnels, ou chez les conduc- consommation de substances psycho-actives, cela en
teurs ayant fait précédemment l’objet de sanction tenant compte à la fois de la nécessité incontestable
pour conduite en état alcoolique. Un taux de 0,3 g/l d’améliorer la sécurité sur la route et du rôle incon-
apparaît comme le plus logique au vu des études tournable de la conduite automobile comme facteur
scientifiques. d’intégration sociale.
En ce qui concerne les drogues illicites : Pour cela, il convient de rendre incompatible la
 donner aux forces de police la possibilité de conduite automobile avec la prise de substances
demander un contrôle sanguin ou urinaire quand le non nécessaires à la santé (alcool, drogues illicites),
comportement du conducteur apparaît perturbé et que cela dès que les effets de ces produits induisent
le dépistage d’alcool est négatif, c’est-à-dire rendre un risque d’accident jugé excessif (c’est-à-dire au
possible la prise en charge d’un état d’ivresse (ou, minimum correspondant à celui observable avec un
comme le nomment les Québécois, un état de conduite taux d’alcoolémie de 0,5 g/l), indépendamment même
sous facultés affaiblies), quelle qu’en soit la cause, et de la notion d’ivresse.
quel qu’en soit le contexte : accident, infraction, ou Il faut également amener les patients et les pro-
simple contrôle, fessionnels de santé à mieux prendre en compte les
 continuer de réprimer l’usage des drogues, au effets secondaires des médicaments sur la capacité
même titre que l’usage de l’alcool au volant, de conduite et le comportement au volant, de manière
 procéder à des études épidémiologiques évolutives, à leur permettre de conduire avec un risque certes
pour affiner les connaissances dans ce domaine et non nul, mais acceptable, et compensable par des
pour permettre aux autorités judiciaires d’établir, précautions adaptées. B
comme pour les différents niveaux d’alcoolémie, des
échelles de risques et donc de sanctions, cela pour
les différents types de produits et pour leurs différents
taux sanguins.
En ce qui concerne les médicaments :
 harmoniser les méthodes d’évaluation de leurs effets
La sécurité
secondaires par l’adoption de méthodologies strictes
et complètes, préalablement à leur commercialisation, des véhicules
incluant non seulement la recherche d’effets sédatifs,

T
mais également des modifications de la prise de risques, Dominique Cesari ous les médias ont depuis cet été relayé des
en utilisant des tests complexes se rapprochant de la Directeur délégué, messages concernant l’insécurité routière, et
conduite automobile, Inrets, Bron nul ne peut donc ignorer que les accidents de
 catégoriser les médicaments en fonction de la route, avec 7 720 morts en 2001, 26 000 blessés
leur risque potentiel réel, cela au sein de chaque graves annuellement et un coût pour la société de près
classe thérapeutique, pour éviter une banalisation de 28 milliards d’euros, constituent un véritable fléau
de l’utilisation des pictogrammes d’information (une national.
classification a été proposée récemment, instaurant Il est devenu un lieu commun de dire que l’erreur
trois niveaux d’alerte pour les médicaments, avec humaine est la cause principale des accidents de la
une classe I correspondant à une simple précaution route, mais il faut également avoir à l’esprit que la
d’emploi et à des conseils adaptés, une classe 2 quasi-totalité des blessures sont dues à des contacts
contre-indiquant la conduite des véhicules lourds, mais avec des éléments des véhicules impliqués dans les
autorisant avec précaution la conduite de véhicules accidents : leur gravité dépend des caractéristiques des
légers, et une classe 3 contre-indiquant toute forme véhicules et des équipements de sécurité. De même,
de conduite), la propension à éviter un accident ou à en diminuer la
 informer le médecin, le pharmacien et le patient violence est influencée par les caractéristiques de tenue
sur la nécessité : de route et de freinage du véhicule considéré.
– de réserver l’usage de certains produits aux patients Un accident est une série d’événements qui se pro-
qui ne conduisent pas, duisent pendant un laps de temps très court. On peut
– de choisir les produits les moins sédatifs chez les les séparer en trois phases principales :
patients actifs,  ce qui se passe dans les instants qui précèdent le
– de prendre certaines précautions (association à début du choc, c’est le domaine de la sécurité primaire
l’alcool, à d’autres produits même d’allure anodine, (prévention),
de ne pas conduire les deux ou trois premiers jours  la phase de déformation et de mouvement des
du traitement). occupants, domaine de la sécurité secondaire (pro-
Face à une exigence croissante de sécurité sur la tection),

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Accidents de la route Des handicaps et des décès évitables

 enfin ce qui se passe à partir du moment où les conducteur, sur laquelle il s’appuiera pour adapter sa
phénomènes transitoires liés au choc sont terminés, conduite, soit fiable. Les limitations de vitesse dépendant
domaine de la sécurité tertiaire qui concerne à la fois de facteurs variables (météorologiques, trafic…), il est
le secours aux blessés, le traitement et la consolidation nécessaire de prendre en compte d’autres informations
des blessures… de capteurs situés à bord du véhicule (pluie, brouillard)
La sécurité des véhicules et son interaction avec ou au sol (trafic, travaux routiers…). C’est en associant
l’infrastructure et les usagers se situent essentiel- et fusionnant des données de plusieurs sources que
lement dans le domaine des sécurités primaire et l’on doit pouvoir mettre le conducteur en situation de
secondaire. respecter les limitations de vitesse.
Les développements technologiques liés au maintien
Sécurité primaire : des distances entre véhicules, qui sont nécessaires en
éviter les accidents particulier pour éviter les collisions en chaîne, s’appuient
Depuis les débuts de l’automobile, on a compris que sur des radars anticollisions. La même question con-
la sécurité primaire était nécessaire pour contrôler au cernant le passage de la détection à l’action se pose,
mieux les trajectoires ; cela concerne en particulier les mais s’agissant d’un dispositif destiné à intervenir de
dispositifs de freinage (freins à disque, assistance au façon peu fréquente et dont la relation avec le risque
freinage, freins à doubles circuits indépendants…) puis de collision est évidente, on peut envisager un fonc-
plus récemment l’ABS introduit progressivement depuis tionnement en plusieurs étapes après détection (trop
le début des années quatre-vingt-dix. L’ABS empêche près du véhicule précédent en fonction des vitesses des
le blocage des roues en cas de freinage d’urgence deux véhicules), alerte d’urgence du conducteur, puis
et ainsi permet d’optimiser la distance d’arrêt et de s’il n’y a pas de réaction de sa part prise en charge du
maintenir le contrôle de la trajectoire par le conducteur. freinage de façon automatique.
Son introduction n’a pas eu les conséquences espérées Il existe bien sûr d’autres dispositifs récemment intro-
en matière d’amélioration de la sécurité ; les princi- duits sur les véhicules ou en cours de développement
pales raisons en sont l’hétérogénéité de l’équipement permettant d’améliorer la sécurité primaire : contrôle
dans le parc automobile en circulation, mais aussi la de trajectoire en courbes, aide au freinage d’urgence,
mauvaise utilisation par les conducteurs : en croyant régulateur de vitesse intelligent… Chacun ayant une
que l’ABS raccourcit les distances d’arrêt en freinage fonction précise sans qu’on puisse nécessairement
(ce qui n’est pas le cas sur chaussée en bon état), évaluer ses effets sur la sécurité.
le conducteur a tendance à réduire les distances de Une attention particulière est à apporter aux boîtes
sécurité et à rouler plus vite. Cette constatation est noires (enregistreurs de conditions de fonctionnement).
valide pour tous les dispositifs interférant avec la con- Les voitures modernes étant équipées d’un ordinateur
duite : la technologie peur faire beaucoup de choses, de bord et de nombreux capteurs, il est en principe
mais l’efficacité dépendra de l’utilisation réelle par le possible de récupérer des informations concernant les
conducteur. conditions de fonctionnement dans les minutes qui
Les deux enjeux les plus importants sont le respect précèdent le moment choisi. En particulier si les con-
des limitations de vitesse et le maintien d’une distance ducteurs savaient qu’en cas d’accident il sera possible
suffisante entre les véhicules. de connaître la vitesse de leur voiture dans les instants
Des expérimentations en cours concernant l’utilisation qui précèdent, on peut penser que cela aurait un effet
d’une cartographie contenant les informations sur les dissuasif, mais également permettrait de mieux établir
limites de vitesse associée à un GPS (système de les responsabilités relatives.
positionnement global) couplé à la vitesse du véhicule
montrent qu’il est possible de rendre conforme la vitesse Sécurité secondaire :
d’une voiture avec la limitation. Ces dispositifs ont mieux protéger les usagers
certaines limites techniques (tunnels, zones urbaines Dès le début de l’automobile, avec l’apparition des
denses qui ne permettent pas de recevoir les signaux premiers accidents, les inventeurs ont commencé à
des satellites), mais les questions les plus importantes réfléchir à l’amélioration de la protection des usagers.
concernent en premier la façon de passer de la détection En 1903, le Français Gustave Désiré Liebau a ainsi fait
au contrôle : vaut-il mieux alerter le conducteur qu’il est breveter des « bretelles de sécurité », mais la première
en dépassement, ou au contraire obliger le véhicule apparition de ceintures de sécurité sur une automobile
à ralentir par action automatique indépendante des date de 1959.
décisions du conducteur ? Depuis, les ceintures de sécurité ont fait de nombreux
Si on considère que le conducteur doit être responsa- progrès : enrouleurs, ancrages sur le siège, point de
bilisé, la première solution est préférable, mais ne risque- renvoi réglable, prétensionneur, limiteur d’effort…et
t-on pas que précisément les conducteurs n’adaptent se sont vues associées à des airbags conducteur et
pas leur conduite à l’alerte qui leur est donnée ? Dans passager repoussant encore les limites d’apparition
le domaine de la sécurité encore plus que pour les des lésions graves.
autres, il est important que l’information donnée au Dans le même temps, grâce en particulier à l’aug-

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Focus sur des facteurs de risques

Le bridage des moteurs

L e bridage des moteurs des


automobiles figure parmi
les mesures proposées pour
l’Union européenne et garantir
que tous les véhicules mis en
circulation correspondent aux
étudier les conséquences sur
le comportement des conduc-
teurs. Le bridage des voitures
diminuer l’insécurité routière. mêmes exigences. neuves est techniquement peu
Cela consiste à équiper, par Si une telle mesure était mise compliqué, ce qui n’est pas le
construction, les voitures d’un en œuvre, on peut penser que cas pour les véhicules déjà en
dispositif limitant leur vitesse son efficacité concernerait circulation, et la situation tran-
à une valeur correspondant au surtout les accidents sur sitoire durant laquelle un tel
maximum autorisé (130 km/h), autoroute, mais en France ils dispositif serait progressivement
ou à limiter, par construction, représentent moins de 10 % des introduit, qui correspond à un
la puissance maximale des accidents et des victimes. parc roulant hétérogène, néces-
moteurs. Une telle mesure ne Conduire un véhicule bridé siterait certainement de prendre
peut pas être prise au niveau implique que le conducteur des mesures spécifiques. B
d’un pays, mais doit être une modifie son comportement
décision européenne pour tenir dans certaines situations.
compte de la libre circulation Avant la mise en œuvre d’une
des biens à l’intérieur de telle mesure, il conviendrait d’en

mentation des capacités du calcul par informatique et voitures et à ceux des voitures plus lourdes ; l’enjeu
au développement d’outils de simulation, les structures de l’amélioration de la compatibilité est de compenser
automobiles ont un comportement optimisé homogène ces différences en introduisant des exigences reliées
avec celui des systèmes de retenue. aux masses des véhicules et requérant une meilleure
L’amélioration de la protection en choc latéral, avec des homogénéité de la distribution des forces générées
airbags et des absorbeurs d’énergie spécialisés pour la par le choc.
tête, le thorax et le bassin, est beaucoup plus récente. Les piétons sont un groupe d’usagers important
Les nouveaux dispositifs se retrouvent surtout sur les en termes de mortalité et morbidité, et les travaux en
derniers modèles et ne concernent généralement que cours laissent espérer une diminution sensible des
les places avant. Dans le même temps, la protection des conséquences de ces accidents, en particulier pour
blessures cervicales en choc arrière est devenue une ceux qui surviennent dans des conditions de circulation
priorité, et la meilleure compréhension des mécanismes urbaine ; il est clair que la diminution de l’agressivité
de blessure a montré qu’il est nécessaire de favoriser des voitures vis-à-vis des piétons a des limites vite
un contact avec la tête correctement positionné et le atteintes, et il convient pour les accidents au-delà des
plus tôt possible, ce qui a amené le développement ressources de la sécurité secondaire d’explorer les
d’appuie-tête dynamiques se repositionnant en cas pistes de solutions de sécurité primaire.
de choc arrière.
Il est bien sûr de plus en plus difficile de continuer Des améliorations sont encore possibles
à progresser en sécurité secondaire. Une des limites En conclusion, on peut constater qu’il existe encore des
actuelles est le manque de connaissances de base en possibilités d’amélioration de la sécurité des véhicules,
particulier dans le domaine de la biomécanique, et de aussi bien en ce qui concerne la sécurité primaire que
l’interaction des structures de véhicules. la sécurité secondaire ; ces améliorations passeront par
Les essais qui ont été développés pour juger de la de nouveaux développements technologiques, mais elles
protection offerte utilisent une configuration unique de n’auront une efficacité réelle que si ces dispositifs sont
choc aussi bien en ce qui concerne les conditions du correctement utilisés par les conducteurs. Pour résumer,
choc, que les occupants des véhicules, alors que les on peut dire que la technologie contribuera à améliorer
conditions d’accidents réels et les caractéristiques de la sécurité, mais l’homme en est l’élément central ; en
la population impliquée se distribuent selon un large sécurité secondaire, l’optimisation des caractéristiques
spectre. des produits est limitée par le manque de connais-
L’optimisation de la protection, en tenant compte de sance du comportement de l’être humain au choc et
ces variations, implique de développer des systèmes de par les variations inter-individus de ce comportement.
retenue adaptatifs en ce qui concerne tant les ceintures Ces connaissances sont également nécessaires pour
de sécurité (niveau du limiteur d’effort) que les airbags développer des méthodes d’évaluation de performance
(plusieurs niveaux de gonflement). Le parc automobile en matière de sécurité, méthodes qui sont indispen-
est par nature hétérogène, ce qui n’assure pas un sables dans le processus de conception des nouveaux
même niveau de protection aux occupants de petites dispositifs. B

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