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Les
Économie sociale
La solidarité au défi de l’efficacité
Les
Avec aujourd’hui moins de 800 000 actifs, l’agriculture française
produit des quantités de denrées sans commune mesure avec le début
du xxe siècle, où plus de la moitié de la population active travaillait la terre. Ces
formidables gains de productivité ont été rendus possibles par la forte moder-
nisation technique, économique et sociale de la production. Les pouvoirs publics,
français puis communautaires, en lien avec des organisations professionnelles
puissantes, ont joué un rôle décisif dans cet élan.
Économie sociale
Mais si le temps des disettes est révolu, le secteur se heurte à de nouveaux
problèmes. Véritable chef d’entreprise, l’agriculteur doit affronter désormais 3e édition
tous les défis d’une économie ouverte. Il doit faire face également aux exigences
croissantes des consommateurs, soucieux de la qualité des aliments comme
de la protection de la nature et de l’environnement.
Cet ouvrage retrace l’évolution historique de l’agriculture ; il fournit des don-
nées actualisées par rapport à la première édition et présente les perspectives La solidarité
qui s’offrent à ce secteur en évolution rapide.
n P
ierre Daucé a été chercheur INRA (Institut national de la recherche agronomique)
au défi de l’efficacité
et professeur à l’ENESAD (Établissement national d’enseignement supérieur agronomique
de Dijon) et à l’ENSA (École nationale supérieure agronomique) de Rennes.
Diffusion
Direction de l’information
légale et administrative
La documentation Française
N os 5418-19
Tél. : 01 40 15 70 10
www.ladocumentationfrancaise.fr Prix : 20 €
Imprimé en France
Directeur de la publication :
Bertrand Munch
DF 08119-5418-19
ISSN 1763-6191
3:DANNNB=^ZYV]\: dF
Économie
sociale
La solidarité au
défi de l’efficacité
3e édition
Thierry Jeantet
Préface de François Hollande,
Président de la République
Et les personnes qui, au cours des trois éditions successives de cet ouvrage, ont effectué une re-
cherche, écrit une contribution ou facilité une actualisation :
Mmes Hélène Croce, Laura Ortiz-Rouzé, Elsa Peskine, Marie Koehl, MM. Yannick Brabançon, Jean-
Claude Detilleux, Laurent Gros, Jean Lapeyre, John Monks et enfin Sandrine Brun-Bertoli pour sa
relecture lors de la première édition.
« Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle
de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation,
numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et consti-
tue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Il est rappelé également que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique
des circuits du livre. »
S ommaire
Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
(François Hollande)
2. Familles et cousinages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Les principes et les réalités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
Les chemins de la reconnaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215
Annexes
1. Guide des fédérations et instances de représentation françaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217
2. Guide des fédérations et instances de représentation européennes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222
3. Guide des fédérations et instances de représentation internationales. . . . . . . . . . . . . . . . . . 223
4. Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224
5. Liste des sigles. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238
6. Liste des cartes, figures, tableaux et encadrés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243
❮ 7
Précédemment
Professionnellement, il a été secrétaire général de la banque et du réseau
du Crédit coopératif, puis d’octobre 1981 à juin 1985, adjoint du délégué
interministériel chargé de l’économie sociale. II a été ensuite chargé par le
Premier ministre, Laurent Fabius, d’un rapport sur la modernisation de
la France par l’économie sociale. De mai 1986 à octobre 1992, il a exercé
les fonctions de secrétaire général du Groupement des sociétés d’assu-
rance à caractère mutuel (GSCAM, devenu en 1989 GEMA). D’octobre
1992 à juin 2015, il a occupé le poste de directeur général d’un grou-
pement européen d’intérêt économique, Euresa, outil de coopération
opérationnel rassemblant quatorze mutuelles et coopératives d’assurance
européennes (notamment : Unipolsai/italie, Macif, Maif, Mamut/France,
P&V/Belgique, Devk/Allemagne, LB/Danemark, Lagun Aro/Espagne…)
et une mutuelle marocaine (Mamda-Mcma).
Il a publié, outre les titres signalés en page 2 du présent ouvrage :
La modernisation de la France par l’économie sociale
Economica, Paris, 1986
L’individu collectif
Syros, Paris, 1983
L’économie sociale
Avec Roger Verdier, coll. « Tiers Secteur », Coopérative d’information et d’édition mutua-
liste, Paris, 1982
Matignon, c’est extra ! Mémoires de Gilles Porantet, chef de cabinet du Premier ministre en 1982
Avec Michel Porta, Encre, Paris, 1981
La révolution conviviale
Avec Michel Porta et Jean-René Siegfried, coll. « Antidotes », Entente, Paris, 1979
L’économie sociale européenne
CIEM, Paris, 1999
L’économie sociale face au xxie siècle, rapport au Comité consultatif de l’économie sociale,
Secrétariat d’État à l’économie solidaire/La Documentation française, Paris, 2002
❮ 9
P réface
L’économie sociale et solidaire a une longue histoire. Elle est née d’une volonté
de femmes et d’hommes qui ont voulu prendre leur destin en main en pleine
révolution industrielle. Ce choix audacieux d’associer solidarité entre les salariés
ou les consommateurs et efficacité économique est devenu un enjeu majeur
dans une période de mutations technologiques et sociales. La lutte contre le
changement climatique en renforce aussi la pertinence.
Les coopératives, mutuelles, associations, fondations, entreprises sociales pour-
suivent ce même but, prouvant sur tous les continents que la mise en œuvre des
valeurs auxquelles elles sont attachées – la démocratie, la juste répartition des
excédents, l’utilité sociale et environnementale – apporte des réponses concrètes.
C’est pourquoi j’ai, avec le gouvernement, voulu doter l’économie sociale et
solidaire, pour la première fois, d’un cadre législatif, avec la loi du 31 juillet
2014. C’est aussi pourquoi nous avons prévu la création d’une dotation de
500 millions d’euros au sein de la Banque publique d’investissement et permis
l’entrée des employeurs du secteur dans les instances de dialogue social.
Ce secteur, il est en mouvement en s’élargissant à de nouvelles formes d’entre-
prises, en abritant des start-up à caractère social, en procédant à des regroupe-
ments de coopératives ou mutuelles, en régionalisant ses dispositifs, en s’inter-
nationalisant, en prenant en compte de nouvelles données liées à l’économie
circulaire ou encore à la « silver economy ».
L’ouvrage de Thierry Jeantet le souligne avec justesse et éclaire ses caractéris-
tiques, son importance économique, son impact social, ses modes d’organi-
sation, ses relations avec les pouvoirs publics. Il alerte sur ce qui reste à entre-
prendre pour impliquer plus largement l’économie sociale et solidaire dans
les différents agendas de solutions destinées à juguler la crise économique
comme la crise climatique. Il souligne aussi sa contribution originale à la
transformation des modes de production et de développement, sa capacité
d’inclure les citoyens sur les plans de la santé, de l’habitat, de la formation,
de la culture ou du sport.
Les enjeux sont français, européens, mais aussi internationaux. En effet, de
plus en plus d’États prennent conscience de l’apport innovant de l’économie
sociale et solidaire en faveur d’un développement plus humain. Cet ouvrage
ne cache ni les potentialités et légitimes ambitions de l’économie sociale et
solidaire, ni le chemin qui lui reste à parcourir. Il contribue, à sa façon, à
ouvrir une nouvelle page d’une histoire déjà riche.
François Hollande
Président de la République
❮ 11
❯ Chapitre 1
Des racines profondes
Les coopératives, les mutuelles, les associations et les fondations concernent,
en France, plus de la moitié de la population, emploient plus de 2 millions
de personnes et représentent une valeur ajoutée de 100 milliards d'euros
(plus de 10 % du produit intérieur brut). En tant que groupements de
personnes, ces organisations constituent un ensemble appelé, historique-
ment, « économie sociale » et, depuis quelques années, « économie sociale
et solidaire » (ESS). Disposant de leurs propres statuts, présentes dans la
plupart des secteurs d’activité économique, sociales, culturelles, sportives…,
elles entretiennent des relations partenariales multiples. Cette économie
sociale, qui se veut démocratique, équitable et solidaire, et qui tente de
répondre, en Europe et dans le reste du monde, aux besoins des consom-
mateurs, des salariés et des citoyens, a des racines profondes et multiples.
Celles-ci plongent dans un passé lointain où les hommes et les femmes
pratiquaient l’entraide localement ou dans leur milieu professionnel :
entraide villageoise ou sur des chantiers (comme ceux des cathédrales) ;
entraide à l’occasion des principales périodes d’activité agricole (travaux
accomplis en commun) ; solidarité face à des catastrophes naturelles, à la
maladie des hommes comme du bétail ; communautés et corporatismes
nés de la pratique d’un même métier. Les compagnonnages pré-associatifs,
issus d’une volonté d’entraide sociale, en constituent un exemple. Déjà au
xve siècle, si ce n’est avant, germent les principes et les premières formes de
ce qui deviendra, beaucoup plus tard, l’économie sociale. Les individus et
les familles cherchent déjà à se lier face aux incertitudes climatiques ou aux
risques d’accidents, à s’organiser pour supporter une charge de travail et
réguler des relations nées de l’exercice d’un métier. Ainsi, peu à peu, ruraux
et urbains ont inventé des modes de solidarité, de secours, de répartition
des risques surtout, de « résistance » aussi.
Ces micro-groupements ont marqué très tôt l’histoire de la France ; tantôt
encouragés par les Églises et le pouvoir, tantôt tenus à distance quand ils
prenaient trop leur indépendance ou devenaient sources d’idées ou de
comportements trop différents. La loi Le Chapelier (14-17 juin 1791),
qui interdisait les corporations et visait confréries et compagnonnages
d’Ancien Régime, n’a été qu’une parenthèse le long d’un chemin mouve-
menté : celui de l’économie sociale.
12 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
1 . Henri Desroche, Histoires d’économies sociales. D’un tiers état aux tiers secteurs, 1971-1991, Syros/
Centre des jeunes dirigeants et acteurs de l’économie sociale (CJDES), Paris, 1991.
Des racines profondes ❮ 13
2 . Les principaux ouvrages de Charles Gide ont fait l’objet d’une réédition chez L’Harmattan, sous
la responsabilité du chercheur Marc Pénin et d’un comité coordonné par André Chomel et pré-
sidé d’abord par Jacques Moreau, puis par l’auteur du présent ouvrage.
Des racines profondes ❮ 15
3 . Voir Pierre Daucé, Agriculture et monde agricole, 2e édition, coll. « Les Études de la Documentation
française », Paris, 2015.
16 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
4 . André Gueslin, L’invention de l’économie sociale. Le xixe siècle français, Economica, Paris, 1987.
Des racines profondes ❮ 17
5 . V. H. Desroche, Histoires d’économies sociales. D’un tiers état aux tiers secteurs, 1971-1991, op. cit.
18 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
La « recherche-action », de l’associationnisme
aux coopératives et mutuelles
Conjointement à l’élaboration des différentes doctrines, l’économie sociale
trouve son origine dans de multiples réalisations à l’échelle locale, ayant
toutes en commun la volonté de replacer la dignité humaine au cœur du
système de production et de distribution, ce qu’H. Desroche nomme le
passage des « utopies écrites » à des « utopies pratiquées » 6. Les divers mou-
vements et expériences ont peu à peu forgé l’économie sociale contempo-
raine, dont la force et la pérennité proviennent de la pluralité des idées, de
la diversité des réalisations, et en même temps, et surtout, de la concordance
qui s’y manifeste : des points de convergence, de confluences s’en dégagent.
Symbole du développement par « recherche-action », l’association est le
creuset permanent de l’économie sociale. Ainsi, les associations ouvrières
de production ont donné naissance aux sociétés coopératives de produc-
tion (SCOP), les associations mutuelles à des mutuelles d’assurance… La
loi de 1901 est le fruit d’une très longue histoire et d’une multiplicité de
réalisations « pré-associatives ».
et les ouvriers ». Plus tard seront créées la Compagnie des travailleurs unis
ou encore la célèbre Verrerie ouvrière d’Albi (avec le soutien de Jean Jaurès),
démontrant ainsi la capacité d’auto-organisation du mouvement ouvrier.
8 . Jean-François Draperi, « L’utopie à l’œuvre : l’ACI a cent ans, regard sur une histoire mémorable »,
RECMA, no 258, 1995.
9 . Georges Fauquet, « Le secteur coopératif. Essai sur la place de l’Homme dans les institutions coo-
pératives et sur la place de celles-ci dans l’économie », Revue des études coopératives, no 54, 1935
(cité dans RECMA, nos 275-276, 2000).
10 . Ch. Gide, Quatre écoles d’économie sociale, Fischbacher, Paris, 1890 et Économie sociale, Sirey, Paris,
1905.
11 . Léon Walras, Études d’économie sociale : théorie de la répartition de la richesse sociale, Economica,
Paris, 1990 (1re éd. Lausanne/Paris, 1896).
12 . L. Walras, Éléments d’économie politique pure ou théorie de la richesse sociale, Economica, Paris,
1988 (1re éd. Lausanne, 1897).
Figure 1.
Naissance des différentes formes et organisations de l'économie sociale : représentation schématique
Crédit mutuel
Loi 1901
Banques populaires
1921
❮ 23
24 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
❯ Chapitre 2
Familles et cousinages
En 2000, l’économie sociale fêtait son siècle d’existence avec un numéro
spécial de la Revue internationale de l’économie sociale (RECMA) 1. Elle aurait
pu également célébrer, à cette occasion, les trente ans de sa renaissance, dans
la mesure où elle n’a retrouvé (et réaffirmé) son identité que récemment.
À cette période, ses propres membres se livraient à un jeu de miroirs, fai-
sant le constat de références à des sources communes et de l’application,
au sein des coopératives, mutuelles et associations, de principes également
communs. La lente construction de leur comité de liaison (le CNLAMCA)
a démontré combien cette mise en perspective avait été oubliée. Ce réap-
prentissage a conduit les composantes de l’économie sociale à échanger,
à se consulter et ainsi, peu à peu, à se faire entendre, puis reconnaître.
Dans le même temps, des groupes et des partis politiques entamaient eux-
mêmes une réflexion sur la recherche d’alternatives nouvelles, en réponse
aux défis sociaux et à la fragilisation de l’État-Providence. Si les années
1970 furent celles de l’auto-reconnaissance, les années 1980 furent celles
de la reconnaissance institutionnelle (Délégation interministérielle, loi de
1983…). Les années 1990 marquèrent l’ouverture de l’économie sociale
sur l’Europe, notamment à travers les premières conférences européennes
de l’économie sociale. Durant toutes ces années, l’économie sociale a été
amenée à remettre en valeur ses principes, en s’appuyant sur ses expériences
et statuts, afin d’affirmer son identité et de faciliter son identification. Elle
a pu en obtenir confirmation lors des débats au Sénat et à l’Assemblée
nationale à l’occasion de l’examen du projet de loi sur l’économie sociale
et solidaire déposé en juillet 2013.
1 . « Un siècle d’économie sociale », RECMA, nos 275-276 (numéro spécial), avril 2000.
2 . Michel Garrabé, Laurent Bastide et Catherine Fas, « Identité de l’économie sociale et de l’éco-
nomie solidaire », RECMA, no 280, 2001.
26 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
3 . Georges Fauquet, « Le secteur coopératif. Essai sur la place de l’Homme dans les institutions coo-
pératives et sur la place de celles-ci dans l’économie », op. cit.
Familles et cousinages ❮ 27
4 . Claude Vienney, L’économie sociale, coll. « Repères », La Découverte, Paris, 1994.
5 . Thierry Jeantet et Roger Verdier, L’économie sociale, CIEM, Paris, 1982.
Familles et cousinages ❮ 29
6 . V. chapitre 4.
7 . V. notamment les défis en matière de gouvernance (chapitre 7).
8 . Jacques Vandier, Jean Dupont, Pierre Juvin et alii, « La régionalisation en marche », in Histoire de
la MACIF, MACIF, Niort, 2001.
30 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
(1) EURESA est un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) d’assurance d’économie
sociale.
Source : extraits de l’intervention de Roger Belot, alors président d’EURESA, Paris,
2 juillet 2002 (conférence de presse).
du 31 juillet 2014 (art. 70). Ces titres sont des instruments financiers assi-
milés à des quasi-fonds propres, sans droit de vote, dont la rémunération
comporte une partie variable et une partie fixe et dont la durée ne peut
être inférieure à sept ans. La législation ne leur ayant pas prévu une place
suffisante dans les fonds communs de placement (FCP) et les sociétés
d’investissement à capital variable (SICAV), l’émission et la diffusion de
ces titres ont été relativement limitées. Leur coût est par ailleurs discuté.
Les certificats coopératifs, créés par une loi de 1987 et étendus aux diffé-
rentes formes de coopératives par la loi de 1992, comme les parts à avan-
tages particuliers, sont, de leur côté, assez peu utilisés.
L’Institut de développement de l’économie sociale (IDES) avait été créé
en 1983 pour apporter des fonds propres aux entreprises de l’économie
sociale, justement grâce à l’utilisation du titre participatif, l’État et diffé-
rentes entreprises de l’économie sociale ayant participé à sa fondation.
Au 30 juin 2014, l’IDES avait permis la création ou le soutien de 11 000
emplois pour un montant investi de 31 millions d’euros.
En 1998, il a rejoint ESFIN Gestion, qui a pour partenaires la CDC,
la BPI, le Crédit coopératif, le groupe BPCE, la MACIF, la MAIF, la
MATMUT, la Fédération nationale de la mutualité française, la GMF, la
CGSCOP, France Active, la SOCOREC, COOP Fr, COOP de France,
la FCA, la FNCC, l’ORCAB, la FFCGA, le CNEI, l’UNEA, l’UNICER
et la Région Île-de-France. L’ensemble ainsi constitué a atteint 70 millions
d’euros d’investissements dans 450 secteurs en 2014.
En 1992, le législateur a ouvert aux coopératives une nouvelle possibilité :
l’appel à des investisseurs extérieurs dans des conditions qui étaient jusque-
là étroitement réservées aux SCOP. Les coopératives peuvent ainsi avoir
des associés dont la participation maximum dans le capital social doit être
fixée par les statuts et qui ne peuvent détenir plus de 35 % des droits de
vote (49 % lorsqu’il s’agit d’autres coopératives). Ces modifications ont été
considérées comme une sorte de révolution, provoquant quelques réactions
d’inquiétude. Cette loi a également autorisé les coopératives à incorporer,
dans certaines conditions, des réserves au capital afin d’augmenter la valeur
des parts, les rendant ainsi plus attractives 9.
Depuis la loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 (art.
54), les mutuelles et institutions paritaires peuvent émettre des « certifi-
cats mutualistes » sans droit de vote auprès de leurs sociétaires ou assurés
ou d’autres sociétés d’assurance mutuelles ou de SGAM, de mutuelles et
unions.
9 . David Hiez, « Les instruments de fonds propres des coopératives », RECMA, no 295, 2005. V. aussi
Enea Mazzoli & Stefano Zamagni (a cura di), Verso una nuova teoria economica della cooperazione,
II Mulino, Bologne, 2005.
Familles et cousinages ❮ 33
10 . Selon les propos de Mikel Lezamiz, directeur de diffusion de la coopérative Mondragón, à l’occa-
sion de la Conférence européenne de l’économie sociale, Strasbourg, 21 novembre 2008.
34 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
les quatre formes juridiques que sont les coopératives, les mutuelles, les
associations et les fondations. Cependant, le critère juridique ne peut
constituer le seul dénominateur commun aux différentes organisations
de l’économie sociale. En effet, définir celle-ci sur une base statutaire
reviendrait à caractériser l’économie privée traditionnelle au travers de ses
propres formes d’entreprise, à savoir les sociétés anonymes, les sociétés à
responsabilité limitée, etc. L’approche sectorielle ne permet pas non plus
de résoudre cette difficulté, car, comme le souligne le Comité économique
et social européen (CESE) 11, « l’économie sociale est très diversifiée et se
retrouve dans tous les secteurs de la vie économique ». De dimension aussi
bien locale qu’internationale, elle peut encore moins se définir dans une
approche « territoriale ». Ainsi, pendant longtemps, s’est posée la question
du dénominateur commun à des réalités multiples.
Le tiers secteur
Cette dénomination a d’abord été mise en valeur, en 1979, par Jacques
Delors, alors professeur associé à l’Université Paris-Dauphine. Il préconisait
la création d’un secteur distinct de l’économie de marché traditionnelle et
du secteur public, qui puisse « couvrir aussi bien des activités économiques
[…], dans des conditions proches de l’artisanat actuel ou des coopératives,
que des activités sociales entendues au sens large. […] Ces nouvelles unités
de production seraient de petite taille et se retrouveraient dans un univers
largement décentralisé. Elles seraient créées par des groupes de base qui
souhaiteraient expérimenter de nouvelles formes de travail en commun et
combler des vides en matière de besoins quantitatifs et qualitatifs à satis-
faire » 12. Faisant surtout référence au statut coopératif, J. Delors conçoit
donc le tiers secteur comme un champ expérimental pour inventer de
nouvelles formes d’entreprise, de type démocratique, en réponse à des
besoins non satisfaits par le secteur public ou privé.
Jeremy Rifkin, président de la Foundation on Economic Trends, se livre à
une approche sensiblement différente. Il existe selon lui, aux États-Unis
comme en Europe, une vie après le marché. Il analyse cette « troisième
11 . Comité économique et social européen, Économie sociale et marché unique, avis, mars 2000.
12 . Jacques Delors, Le temps des initiatives, coll. « Échanges et projets », Albin Michel, Paris, 1983.
36 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
13 . Jeremy Rifkin, La fin du travail, La Découverte, Paris, nouvelle édition 2005.
14 . Édith Archambault, Le secteur sans but lucratif. Associations et fondations en France, Economica,
Paris, 1996.
15 . Dont la définition a notamment été donnée par la Fondation Johns-Hopkins.
16 . Alain Lipietz, Pour le tiers secteur. L’économie sociale et solidaire : pourquoi, comment, La Découverte/
La Documentation française, Paris, 2001.
Familles et cousinages ❮ 37
L’économie quaternaire
Par « économie quaternaire », il faut entendre, selon le sociologue Roger
Sue 18, « une grande partie de l’économie associative, fondée sur les échanges
mutuels de services et la réciprocité, sur la formation et l’information, sur
le lien social et la socialisation ». Il choisit cette expression pour désigner un
« nouvel âge de l’économie », succédant à ceux de l’agriculture (primaire), de
l’industrie (secondaire) et des services collectifs privés et publics (tertiaire).
Face au « travail marchandisé » et à la « marchandisation », source d’aliénation
de l’individu, l’alternative est que la « communauté des citoyens s’empare de
cette production qui les concerne intimement, oriente et contrôle les grandes
industries qui en sont les supports ». Dans des domaines comme ceux de la
santé, du lien social, des services sociaux de proximité ou de la formation,
« chacun doit être impliqué, […] tour à tour bénéficiaire et acteur… » 19.
L’économie quaternaire se situe ainsi, selon R. Sue, aux antipodes d’un tiers
secteur, qu’il considère comme une « fausse sortie » dont la généralisation et
l’institutionnalisation seraient « socialement inacceptables », mais aussi « éco-
nomiquement injustifiables ». Il propose de « rendre le marché au marché »
et donc d’avoir, d’abord, un secteur marchand d’entreprises en reportant,
du coup, les aides et subventions à ces dernières vers le secteur quaternaire,
en « activant » parallèlement les dépenses sociales, en « finançant l’activité
plutôt que l’inactivité ». Bénéficiant des apports de bénévoles et de volon-
taires 20, le secteur quaternaire assurerait ainsi la production de « nouvelles
richesses », y compris en remettant en activité des chômeurs. Il serait animé
par des associations dont l’« utilité économique et sociale » serait reconnue par
17 . Dominique Méda, « Risques et limites du tiers secteur » et Roger Sue, « Du tiers secteur à l’éco-
nomie quaternaire », Transversales, no 57, mai-juin 1999.
18 . Roger Sue (en collab.), Vers une économie plurielle : un travail, une activité, un revenu pour tous,
coll. « Alternatives économiques », Syros, Paris, 1997 et Roger Sue, La richesse des hommes : vers
l’économie quaternaire, Odile Jacob, Paris, 1997.
19 . Dominique Méda, « Risques et limites du tiers secteur », op. cit.
20 . Sur la différence entre la notion de bénévole et de volontaire, cf. chapitre 3, p. 79-80.
38 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
L’économie solidaire
L’économie solidaire recouvre des démarches très diverses qui ne se laissent
pas enfermer dans une définition unique, ni même un statut particulier. Ce
terme a été progressivement défini par des économistes et des sociologues
comme désignant des initiatives qui reposent sur l’implication des usagers et
combinent des ressources marchandes, non marchandes (dons et subventions)
et non monétaires (bénévolat). Elle a « deux dimensions constitutives » 21 :
la démocratisation de l’économie et la mise en place d’espaces publics de
proximité. Appelée à « atténuer les effets dévastateurs pour la démocratie
d’une marchandisation et d’une abstraction des relations sociales », l’action
de l’économie solidaire est facilitée par le « passage à une société de services,
en particulier en s’appuyant sur des formes plurielles de travail ». Elle doit
constituer une « tentative d’articulation inédite entre économie marchande,
non marchande et non monétaire », sur la base de ressources « hybrides » :
« ressources marchandes obtenues par le produit des ventes, […] ressources
non marchandes émanant de la redistribution, […] ressources non moné-
taires issues de contributions volontaires » 22. Un autre aspect est l’association
entre diverses parties prenantes (usagers, travailleurs, producteurs, consomma-
teurs…). Finalement, cette économie solidaire renouerait avec l’« être associatif »
et met « au cœur du passage à l’action économique la notion de solidarité ».
L’économie solidaire a d’abord été définie, dans les années 1990 en France,
comme l’économie sociale pure et dure. Pour Jean-Louis Laville 23, elle « réin-
troduit des problématiques à l’origine de l’économie sociale : celle de la com-
binaison des formes de travail et d’économie, celle de la contribution à un
débat pluraliste sur les institutions pertinentes de la démocratie ». Le rôle
historique des structures de l’économie sociale était en effet d’être des « fer-
ments de démocratisation » de la société civile, d’étendre et de protéger les
espaces de liberté, de recréer des formes de solidarité à travers des activités
nécessaires à certains groupes sociaux mais délaissées par les secteurs public et
privé. Mais l’économie sociale a un peu perdu de son identité en se trouvant
quelque peu instrumentalisée par le marché, notamment avec la mise en place
de l’État-Providence. À la fin des années 1990, un véritable rapprochement
s’est effectué entre ces deux notions. Constatant que, « hormis dans l’État
et l’entreprise », l’argent est dans les caisses de l’économie sociale, A. Lipietz
21 . Jean-Louis Laville (dir.), L’économie solidaire, une perspective internationale, Pluriel, Paris, 2013
(1re édition Desclée De Brouwer, Paris, 1994).
22 . Jean-Louis Laville, « Vers une économie sociale et solidaire ? », RECMA, no 281, juillet 2001.
23 . In Traverses, no 107, mars 1996.
Familles et cousinages ❮ 39
L’entrepreneuriat social
Les entreprises sociales se définissent, en France et dans le reste de l’Eu-
rope 26, comme des entreprises réunissant trois caractéristiques : une plu-
ralité de finalités, une diversité de parties prenantes (bénévoles, salariés,
entrepreneurs, collectivités publiques…) et de ressources (entre le marché,
la réciprocité et le soutien public). Elles constituent en elles-mêmes un
ensemble se rapprochant tantôt du monde associatif (lorsque l’accent
est mis sur la poursuite de l’intérêt général), tantôt du monde coopératif
(lorsqu’il est mis sur l’activité proprement économique). Leurs « engage-
ments » priment sur leur statut ; peu importerait celui-ci. Elles rappellent
ainsi ce que fut la démarche des « entreprises participatives » dans les années
1970/1980. Ou encore le discours de Henry Ford II sur le « contrat entre
l’entreprise et la société » 27. Aujourd’hui, dit Hugues Sibille, « l’entrepre-
neuriat social s’installe » « dans le paysage français » 28.
La Commission européenne, notamment lors d’un forum réunissant 2 000
« entrepreneurs sociaux » à Strasbourg les 16 et 17 janvier 2014, a donné
un coup de pouce à cette notion, en indiquant dans la déclaration finale
les « caractéristiques communes à ces entreprises » 29, à savoir :
« – des revenus provenant d’activités économiques,
– un objectif social ou sociétal d’intérêt commun qui est la raison d’être
de leur activité économique. Il se traduit souvent par un haut niveau
d’innovation sociale.
24 . RECMA, numéro spécial « Économie sociale et/ou solidaire ? », no 281, juillet 2001 (notamment).
25 . Christophe Fourel (dir.), La nouvelle économie sociale : efficacité, solidarité, démocratie, coll.
« Alternatives économiques », Syros, Paris, 2001.
26 . Étude de la professeure Marthe Nyssens, présentée lors du séminaire européen de réflexion de la
Confédération espagnole d’entreprises de l’économie sociale (CEPES), Barcelone, 2005 ; Jean-
François Draperi, Les entreprises sociales, Fondation du Crédit coopératif, Paris, 2005 ; Tarik Ghezali
et Hugues Sibille, Démocratiser l’économie, Grasset, Paris, 2010.
27 . Harvard, 1969, cité dans Thomas Donaldson, Corporations and Morality, Prentice-Hall, Englewood
(N. J.), 1982.
28 . « Entrepreneuriat social, phase deux ? », Le Labo de l’ESS, http://www.lelabo-ess.org/, 19 janvier
2015.
29 . http//ec.europa.eu/social-entrepreneurs.
40 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
L’entreprise collective
Cette notion ressurgit régulièrement sur le plan international 32. Selon
Louis Favreau, l’entreprise collective repose sur l’équilibre entre les fina-
lités sociales et économiques des acteurs qui s’associent pour entreprendre
autrement ; des structures et des règles démocratiques ; des structures col-
lectives à caractère entrepreneurial. Elle est depuis toujours étroitement liée
à celle d’économie sociale et elle est d’ailleurs généralement incluse dans la
définition de l’économie sociale. En tout cas, elle la recoupe largement 33.
30 . Cf. Jacques Dufourny, « L’émergence du concept d’entreprise sociale », dans Reflets et Perspectives
de la vie économique, 2004/3, tome XLIII, Éditions De Boeck, Louvain-la-Neuve.
31 . Synthèse sur l’entrepreneuriat social, OCDE/Commission européenne, 2013.
32 . Louis Favreau, Gérald Larose, Abdou Salam Fall (dir.), Altermondialisation, économie et coopéra-
tion internationale, Presses de l’Université du Québec, Québec/Karthala, Paris, 2004.
33 . Louis Favreau, Entreprises collectives, PUQ, Québec, 2008 ; Thierry Jeantet et Jean-Dominique
Antoni, Libre entreprise collective, Association pour la libre entreprise collective, Paris, 1977.
Familles et cousinages ❮ 41
34 . Traité sur l’Union européenne et traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, Bruxelles,
30 avril 2008.
35 . Gérard Schneilin, Henri Ménudier et Jean-Paul Cahn, L’Allemagne et la construction de l’Europe :
1949-1963, coll. « Questions de civilisation », Éditions du Temps, Nantes, 2000.
36 . « Le Pacte de responsabilité et solidarité, c’est pour les entreprises, pour les ménages », www.gou-
vernement.fr/pacte-responsabilité-solidarite
37 . Rachel Botsman, The Sharing Economy Lacks A Shared Definition, novembre 2013, http:/fr.slideshare.
net/collablab/shared-def-pptf
42 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
38 . Benjamin Coriat, Qu’est-ce qu’un commun ?, Attac, no 5, hiver 2015. Cf. Jean Gadrey, « Des biens
publics aux biens communs », blog du 24 avril 2012, Alternatives économiques et Le retour des com-
muns : la crise de l’idéologie propriétaire, sous la direction de Benjamin Coriat, LLL/Les Liens qui
libèrent, Paris, 2015.
Familles et cousinages ❮ 43
L’économie circulaire
C’est une nouvelle économie de la réparation, mais aussi de la régénération.
En un certain sens, elle rejoint les origines mêmes de l’ESS, qui a toujours
été, pour partie, une économie de la réparation et de la réintégration. Mais,
bien sûr, les champs sont différents. L’économie circulaire est un « système
où les choses sont faites pour être refaites » 40, selon la navigatrice Ellen
MacArthur ; l’économie sociale est un système qui permet notamment à
des femmes et des hommes d’être socialement réintégrés, d’être à nouveau
acteurs de leur vie. Au-delà de ce rapprochement, les objectifs annexes de
l’économie circulaire sont nombreux. Différents auteurs en relèvent sept :
la réparation, le réemploi, la réutilisation, le recyclage, qui sont les plus
« anciens », mais aussi l’économie de la fonctionnalité, l’éco-conception,
39 . En détournant ainsi une expression utilisée par Jacques Moreau. Cf. Pour une économie sociale sans
rivages, hommage à Jacques Moreau, L’Harmattan, Paris, 2005.
40 . Citée par le think tank « Pour la solidarité » dans L’économie circulaire : changement complet de para-
digme économique ?, avant-propos de Denis Stockkink, note d’analyse, novembre 2014, Bruxelles.
Cf. aussi www.ellenmacarthurfoundation.org.
44 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
l’écologie industrielle, qui sont les plus innovants. Les frontières entre
les différents aspects de cette économie n’étant pas imperméables, l’ESS
est un acteur significatif, mais pas unique, de cette économie (avec, par
exemple : API’UP, association de reyclage dans le domaine du meuble,
l’association Les Ateliers du Bocage, qui recycle du matériel informatique
et téléphonique…) 41.
L’économie numérique
Selon l’Observatoire du numérique 42, il s’agit d’une notion « difficile à
définir ». L’INSEE l’assimile aux technologies de l’information et de la
communication (TIC), la numérisation en étant la caractéristique. Le péri-
mètre est sans cesse élargi à plus de producteurs et utilisateurs. C’est en tous
les cas un type d’« économie en expansion », qui comprend les entreprises
productrices de TIC (informatique, télécommunication, électronique…),
les entreprises intégratrices de TIC (e-commerce, services en ligne…),
les particuliers utilisateurs (individus, ménages, réseaux sociaux…), qui
peuvent être aussi des co-producteurs.
L’ESS est concernée par ce phénomène dans la mesure où il peut lui per-
mettre de donner plus d’ampleur à ses initiatives, d’en accélérer les effets.
L’Association internationale du logiciel libre (AI2L) 43, née lors d’un forum
des Rencontres du Mont-Blanc en 2008, résulte de ce croisement ESS/
économie numérique. Un appel à projets du Gouvernement en direction
de l’ESS, en janvier 2013, dans le cadre des « investissements d’avenir »,
portait sur le champ du numérique.
La silver economy
L’économie du vieillissement recoupe naturellement le champ d’action
traditionnel de l’ESS relatif à l’accompagnement et l’aide aux personnes
âgées. L’allongement de la durée de la vie, la modification de l’organisa-
tion des familles et plus largement des cellules sociales, ouvrent de nou-
velles perspectives économiques à tous les acteurs et donc, en particulier,
à ceux de l’ESS. Il s’agit d’offrir de nouvelles solutions – socialement et
technologiquement innovantes – aux nouveaux besoins des personnes
âgées. Associations, fondations, mutuelles de santé et d’assurance, banques
coopératives… sont d’ores et déjà impliquées dans ce qui est considéré
comme une filière transversale.
41 . Cf. Association des Régions de France et Avise, Économie circulaire et innovation sociale, septembre
2014, études de cas.
42 . Organisme créé par arrêté du ministère des Finances du 23 novembre 2011, site http://www.
observatoire-du-numerique.fr/.
43 . www.ai2l.org.
Familles et cousinages ❮ 45
Ainsi donc, les six notions gravitant autour ou intégrant celle de l’éco-
nomie sociale (le tiers secteur, l’économie quaternaire, l’économie solidaire,
l’entrepreneuriat social, l’entrepreneuriat collectif, l’économie sociale de
marché) sont elles-mêmes doublées ou rappelées à l’ordre par l’économie
collaborative ou du partage, l’économie des biens communs ; celles d’éco-
nomie circulaire, d’économie numérique et la silver economy, apparaissant
autant comme des stimulants que comme des menaces (au cas où elles
seraient insuffisamment prises en compte).
44 . Charles Gide, Rapport sur le Palais de l’économie sociale, Exposition universelle, Paris, 1900.
45 . Claude Vienney, L’économie sociale, op. cit.
46 . Jean-Louis Laville, Une troisième voie pour le travail, Desclée De Brouwer, Paris, 1999.
46 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
ou quelques hypothèses pour une entreprise d’économie sociale et, plus tard,
des Histoires d’économies sociales 47. Grâce à Jean-Louis Girodot, une Lettre
de l’économie sociale 48 commence à paraître à cette période. Bien qu’elles
se soient antérieurement identifiées par des statuts juridiques, des activités
économiques et des compositions sociales différentes, les organisations
tendent dès lors à se reconnaître entre elles comme constituant un même
ensemble spécifique et se solidarisent pour faire reconnaître leurs caractères
communs par les pouvoirs publics. Ce n’est toutefois qu’à la fin de l’année
1981 que l’expression « économie sociale » entre par voie réglementaire dans
le droit français, à l’initiative de Michel Rocard, alors ministre du Plan et
de l’Aménagement du territoire et chargé de l’économie sociale, comme
« l’ensemble constitué des coopératives, des mutuelles et des associations »,
par le décret du 15 octobre 1981, créant la Délégation à l’économie sociale.
L’expression est ensuite consacrée par le législateur, pour la première fois,
par la loi de 1983 (v. chapitre 3). L’économie sociale et solidaire est incluse
dans le programme 49 du futur Président de la République française François
Hollande qui, une fois élu, veille à ce que dans le premier gouvernement
soit nommé un ministre délégué à l’économie sociale et solidaire 50, Benoît
Hamon, ce dernier ayant la charge de préparer la loi sur l’ESS. Des secré-
taires d’État lui succèdent (Mmes Valérie Fourneyron, puis Carole Delga,
puis Martine Pinville) avec des portefeuilles comprenant l’ESS.
La Commission européenne l’avait également reconnue au début des années
1980, en l’incluant dans le champ d’action de la DG XXIII (devenue
Direction générale entreprises) puis, dans les années 19909, en consacrant
un Comité consultatif européen des coopératives, mutuelles, associations et
fondations, devenu en 2000 Conférence européenne permanente des coo-
pératives, mutualités, associations et fondations (CEP-CMAF), à laquelle
s’est substituée en 2008 l’organisation (non institutionnelle) Social Economy
Europe. La Commission paraît aujourd’hui tentée de la marginaliser ou
au moins de la noyer dans d’autres approches.
S’étant reconnue elle-même, l’économie sociale, devenue ESS, est peu à
peu arrivée à se faire reconnaître dans un nombre croissant de pays euro-
péens et dans le monde. Elle est portée par la recherche d’un « nouvel
âge de l’économie » 51 réclamé, de façon plus large, par des économistes
aussi différents que Joseph Stiglitz, Jeremy Rifkin, Thomas Piketty, James
Galbraith, dont certains font d’ailleurs référence dans leurs ouvrages, à
l’économie sociale ou au tiers secteur. Des ministres ou secrétaires d’État
47 . Henri Desroche, Histoires d’économies sociales. D’un tiers état aux tiers secteurs, 1971-1991, op. cit.
48 . La Lettre de l’économie sociale, dont il est le concepteur-fondateur.
49 . Cf. archive du Pôle ESS de la Campagne de François Hollande.
50 . Puis à l’ESS et à la Consommation.
51 . Titre de l’article d’Antoine Reverchon dans le supplément du Monde « Cultures et Idées », no 21843
du samedi 11 avril 2015.
Familles et cousinages ❮ 47
sont nommés ou des agences ad hoc (comme au Portugal), plus tôt même
qu’en France, sont créées. Des lois 52 sont votées avant même la France,
comme au Portugal, en Espagne ou encore au Mexique, en Équateur, au
Québec, aux Philippines… ; des décrets sont adoptés, comme en Corée du
Sud ; des projets de loi sont en cours de préparation au Maroc, au Brésil,
au Cameroun…
Il lui reste encore souvent soit à trouver le chemin de son unité (comme
en Allemagne, où elle est puissante, mais peu organisée en tant que telle),
soit à se défendre pour éviter d’être banalisée (comme à plusieurs reprises
au Japon, où les gouvernements conservateurs voulaient obliger les grandes
coopératives à abandonner leur statut), soit à trouver des chemins de la
reconnaissance à l’aune de ce qui a pu se passer ailleurs.
52 . Cf. Peter Utting, Nadine Van Dijk, Marie-Adélaïde Matheï, Social and Solidarity Economy: Is There
a New Economy in the Making?, Occasional Paper 10, Potential and Limits of Social and Solidarity
Economy, UNRISD, Genève, août 2014.
53 . CEP-CMAF, Déclaration finale commune des organisations européennes de l’économie sociale,
20 juin 2002.
48 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
56 . Sandra Mayrink Veiga, Daniel Rech et Francisco Whitaker, Associações: Como constituir sociedades
civis sem fins lucrativos, Federação de orgãos para assistência social e educacional (FASE), Rio de
Janeiro, 2001.
Familles et cousinages ❮ 51
l’État, dont elle constitue également un aiguillon. Elle puise ses ressources à la fois
dans les solidarités entre des groupes sociaux, dans la redistribution de la richesse
publique et dans le marché.
Quatrième courant, les entreprises sociales se superposent en partie à la fois à l’éco-
nomie sociale et à l’entrepreneuriat social. Ce courant de pensée, animé par Jacques
Defourny et son équipe au sein d’Emes (Émergence de l’entreprise sociale) depuis
le début des années 1990, s’est constitué à partir de l’identification de nouvelles
associations et coopératives en Europe qui ont pour particularité de réaliser une
action sociale. Les entreprises sociales contribuent au renouvellement des réponses
apportées aux problèmes du logement, de l’insertion professionnelle, de l’action en
direction des personnes handicapées, de développement du lien social, etc.
Dernier-né des courants de l’économie sociale et solidaire, l’entrepreneuriat social a
une toute autre histoire. Il émane en effet des fondations des multinationales améri-
caines. La venture philanthropy, ou philanthropie à risques, ambitionne de servir des
besoins sociétaux (sociaux et environnementaux) par l’entrepreneuriat. Sa particula-
rité est de conjuguer la rentabilité économique et la poursuite d’une finalité sociale.
L’entrepreneuriat social est soutenu par les fondations des très grandes entreprises
et par les multinationales elles-mêmes. À travers ces partenariats, celles-ci ambi-
tionnent de contribuer à réparer les impacts sociaux et environnementaux que leur
propre développement ne cesse d’accroître, tout en ouvrant de nouveaux marchés
grâce aux innovations sociales produites par les entrepreneurs sociaux.
L’économie sociale, l’économie alternative, l’économie solidaire, les entreprises
sociales et l’entrepreneuriat social, partagent des questionnements proches dont
les plus récurrents sont (1) celui qui porte sur la participation (ou la démocratie), (2)
celui de la destination des excédents (dont la question de la rémunération des parts
sociales ou du capital) et (3) celui du sens de l’action (du projet). Le premier angle
paraît le plus essentiel, dans la mesure où il est le seul à pouvoir distinguer l’écono-
mie sociale et solidaire des autres types d’économie. Fondamentalement, c’est la
possibilité de la participation démocratique à la prise de décision, particulièrement le
pouvoir en assemblée générale exprimé sous la forme « une personne = une voix »,
qui spécifie cette économie. En cela, l’économie sociale et solidaire tente de réaliser
au sein de l’économie le projet que la République poursuit dans la sphère politique.
Jean-François Draperi
Directeur du Centre d’économie sociale Travail et société (CESTES) au Conservatoire national
des arts et métiers (Cnam) et rédacteur en chef de la Revue internationale de l’économie
sociale (RECMA).
Contact : draperi@cnam.fr ou gestionnaire@cnam.fr
❯ Chapitre 3
Des formes et statuts variables
Le quintette français.
Vers un droit de l’économie sociale et solidaire
Après une longue attente, de plusieurs années, une riche période de débats
et de consultations a précédé le vote de la loi sur l’économie sociale et soli-
daire en juillet 2014 1.
1 . Francis Vercamer, député du Nord, Rapport sur l’économie sociale et solidaire, parlementaire en mis-
sion, Fabrice Pothier, rapporteur adjoint, avril 2010 ; Pour une loi cadre et de programmation de
l’ESS. Les dix propositions de François Hollande pour l’ESS (archives du pôle ESS et communiqué
du candidat du 2 mars 2012) ; Rapport du groupe de travail sénatorial sur l’économie sociale et soli-
daire présenté par Mme Marie-Noëlle Lienemann le 25 juillet 2012 ; Patrick Lenancker et Jean-
Marc Roirant, Entreprendre autrement, l’économie sociale et solidaire, rapport du CESE, 18 janvier
2013 ; Rapport n° 1891 d’Yves Blein au nom de la Commission des affaires économiques de l’As-
semblée nationale enregistré le 17 avril 2014 ; Rapport n° 84 de Marc Daunis, commission des
affaires économiques du Sénat, 26 juin 2013, et texte de la commission n° 85, 16 octobre 2013.
54 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
2 . V. Le guide « Ce que la loi ESS change pour vous », spéc. p. 4. : http ://mouves. org/Mouves2015/wp-
content/uploads/2014/09/Ce-que-la-loi-ESS-change-pour-vous-CNEI-Mouves-septembre-2014.
pdf.
Des formes et statuts variables ❮ 57
donc aussi bien à des personnes physiques qu’à des personnes morales de
se grouper. Les fondations elles-mêmes peuvent être créées par des per-
sonnes physiques et/ou morales suivant le statut choisi. Au-delà de ces
grandes catégories, certains statuts « dérivés » autorisent soit le groupement
d’acteurs, personnes physiques ou morales, de natures différentes (exemple
des sociétés coopératives d’intérêt collectif), soit le groupement de diffé-
rents types de personnes morales d’économie sociale (exemple des unions
d’économie sociale). L’économie sociale offre donc une large palette de
possibilités statutaires.
Il n’existe pas, pour autant, un Code de l’économie sociale, ces statuts étant
définis par une série de textes de lois et de réglementations, eux-mêmes
insérés dans différents codes (Code civil, Code de commerce, Code de la
mutualité, Code des assurances, Code rural et de la pêche maritime…).
Si certains statuts sont originaux (ceux des associations, des mutuelles ou
des coopératives agricoles), d’autres sont liés au Code de commerce (ceux
des SCOP, ou encore des coopératives d’entrepreneurs non salariés). La loi
historique de 1983 a créé, en tous les cas, un trait d’union entre ceux-ci.
3 . Bruno Dondero, « Vers la société-association ? », Bulletin Joly Sociétés, Paris, 1er janvier 2012, p. 1.
58 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
(art. 2). Cette notion d’utilité sociale se trouve caractérisée si une des trois
conditions se trouve réunie :
– l’objet de la société est d’apporter un soutien social ou sanitaire à des
personnes en situation de fragilité ;
– l’objectif de l’entreprise est de lutter contre les exclusions et les inégalités
ou de contribuer à l’éducation et à la citoyenneté ;
– l’entreprise concourt au développement durable, à la transition éner-
gétique ou à la solidarité internationale, sous réserve que son activité soit
liée à l’un des objectifs précédemment mentionnés.
Le régime juridique
Aux côtés des principes fondateurs applicables aux différentes structures,
le législateur a posé d’autres conditions pour les sociétés commerciales.
L’article 1er de la loi de 2014 ajoute les règles de gestion suivantes :
– le prélèvement d’une fraction, définie par arrêté, au moins égale à 20 %
des bénéfices de l’exercice, affecté à la constitution d’une réserve statutaire
obligatoire, appelée « fonds de développement ». La réserve obligatoire est
impartageable et ne peut pas être distribuée ;
– le prélèvement d’une fraction, définie par arrêté, au moins égale à 50 % des
bénéfices de l’exercice, affecté au report bénéficiaire ainsi qu’aux réserves obli-
gatoires. Les bénéfices sont diminués, le cas échéant, des pertes antérieures ;
– l’interdiction pour la société commerciale d’amortir le capital ou de
procéder à sa réduction lorsque ce n’est pas motivé par des pertes, sauf si
cette opération assure la continuité de son activité.
Un décret en date du 13 juillet 2015 (D. 2015-858) est venu préciser les
mentions que doivent contenir les statuts des sociétés qui font publique-
ment état de leur qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire :
« 1° Une définition de l’objet social de la société répondant à titre principal
à l’une au moins des trois conditions mentionnées à l’article 2 de la loi du
31 juillet 2014 précitée ;
2° Les stipulations relatives à la composition, au fonctionnement et aux
pouvoirs des organes de la société pour assurer sa gouvernance démocra-
tique, et notamment l’information et la participation des associés, dont
l’expression n’est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant
de leur participation, des salariés et des parties prenantes aux réalisations
de l’entreprise ;
3° L’affectation majoritaire des bénéfices à l’objectif de maintien ou de
développement de l’activité de la société ;
4° Le caractère impartageable et non distribuable des réserves obligatoires
constituées ;
5° La mise en œuvre des principes de gestion définis au c du 2° du II de
l’article 1er de la loi du 31 juillet 2014 précitée. »
Des formes et statuts variables ❮ 59
l’État pour leur utilité sociale (service de l’aide sociale à l’enfance, associa-
tions intermédiaires, centres d’hébergement et de réinsertion sociale, etc.).
Enfin, les autres entreprises doivent remplir des conditions cumulatives 4 :
– l’entreprise doit poursuivre comme objectif principal la recherche d’uti-
lité sociale ;
– la charge induite par son objectif d’utilité sociale doit avoir un impact
significatif sur le compte de résultat ou la rentabilité financière de l’entre-
prise ;
– la rémunération des salariés et des dirigeants est limitée : les cinq salaires
les plus élevés ne dépassent pas sept fois le SMIC ou le salaire minimum
de branche et le salaire le plus élevé n’excède pas dix fois le SMIC ou le
salaire minimum de branche ;
– les titres de capital des entreprises ne sont pas admis aux négociations
sur un marché réglementé.
En définitive, l’agrément n’est pas donné à toutes les structures apparte-
nant à l’ESS. Il permet d’identifier les entreprises de l’ESS qui, en raison
de leur forte utilité sociale, pourraient bénéficier de certains dispositifs de
soutien, comme l’épargne solidaire.
Les entreprises qui bénéficient, à la date d’entrée en vigueur de la loi du
31 juillet 2014, de l’ancien agrément « entreprise solidaire » sont réputées
bénéficier du nouvel agrément ESUS pour la durée restante de validité de
l’agrément lorsque celle-ci dépasse deux ans, ou pour deux ans si celle-ci
est inférieure (loi n° 2014-856, art. 97).
4 . L’article 1er du décret du 23 juin 2015 précise de quelle manière doivent être appréciées ces condi-
tions (D. n° 2015-719).
Des formes et statuts variables ❮ 61
5 . Pour une liste exhaustive des différents types de coopératives et des lois qui régissent leurs statuts,
voir le Rapport 2007 du Conseil supérieur de la coopération.
62 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
Les dispositions propres au droit coopératif ont la primauté sur les règles
générales du droit des sociétés.
ses statuts, à des coopérateurs non associés ou à des associés non coopéra-
teurs. Ces derniers peuvent être admis en tant qu’associés sans qu’ils aient
vocation à recourir au service de la coopérative. Introduite par la loi du
13 juillet 1992, cette possibilité vise à faciliter l’apport de capitaux dans le
secteur coopératif. La loi n° 2014-856 a modifié l’article 3 bis de la loi de
1992 (n° 2014-856, art. 24) : est fixée à 49 % la part maximale du total
des droits de vote détenus par l’ensemble des associés non coopérateurs,
sans que les droits des associés qui ne sont pas des sociétés coopératives
puissent excéder la limite de 35 %. De plus, les statuts peuvent prévoir que
ces associés non coopérateurs ou certaines catégories d’entre eux disposent
ensemble d’un nombre de voix proportionnel au capital qu’ils détiennent.
La seconde entorse au principe de double appartenance réside dans la
faculté d’« émission par la coopérative de parts sociales qui confèrent à leurs
détenteurs des avantages particuliers », ce qui altère le principe d’égalité des
associés. Les statuts de la société coopérative « déterminent les avantages
attachés à ces parts, dans le respect des principes coopératifs ». Afin d’intro-
duire davantage de souplesse dans le fonctionnement de la coopérative,
« les parts à intérêt prioritaire sans droit de vote » sont susceptibles d’être
souscrites ou acquises par des associés non coopérateurs pour attirer des
investisseurs extérieurs. Toujours dans le même sens, la loi du 31 juillet
2014 permet l’ouverture du capital d’une SCOP à des associés extérieurs
– les associés non coopérateurs – pendant une période limitée à sept ans,
en vue de faciliter la reprise ultérieure par les salariés de l’entreprise. Il
s’agit du « dispositif d’amorçage » étudié ci-après.
Par ailleurs, les coopératives peuvent émettre des titres participatifs (cf.
tableau 1).
Symboliquement, la loi du 31 juillet 2014 (art. 24) a modifié l’article 1er
de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 pour y regrouper plusieurs
principes coopératifs. Toujours en matière de fonctionnement des coopé-
ratives, le législateur de 2014 a généralisé la « révision coopérative », jusqu’à
présent imposée à certaines coopératives, comme les coopératives artisanales
(loi n° 2014-856, art. 25). Désormais, les sociétés coopératives et leurs
unions dont l’activité dépasse des seuils fixés par décret ont l’obligation
de se soumettre tous les cinq ans à un contrôle par un réviseur agréé. Ce
contrôle est destiné à vérifier la conformité de leur organisation et de leur
fonctionnement aux principes et aux règles de la coopération ainsi qu’à
l’intérêt des adhérents.
6 . À titre d’exemple, depuis 1938, l’organisation et le fonctionnement de la Caisse centrale de crédit
coopératif ont occasionné deux lois et huit interventions du pouvoir réglementaire.
Tableau 1. Tableau comparatif du régime juridique des sociétés coopératives
Société coopérative de Coopérative d’activité Société coopérative Société coopérative Société coopérative Coopérative Unions d’économie
production et d’emploi d’usagers d’entrepreneurs d’intérêt collectif agricole sociale
Coopérative de
Exemple Coopératives artisanales
consommation
Mettre en œuvre des
activités susceptibles de
Vendre aux adhérents
contribuer, directement Gestion des intérêts
Appui à la création des objets de
ou indirectement, au communs des associés et
Les SCOP peuvent et au développement consommation que la « Utilisation en commun
développement des développement de leurs
exercer toutes activités d’activités économiques coopérative achète ou par des agriculteurs de
activités des associés. activités.
professionnelles, dans par des entrepreneurs fabrique elle-même, ou Fourniture de biens et tous moyens propres à
Développer l’exercice en
la limite des restrictions personnes physiques. en s’unissant à d’autres de services d’intérêt faciliter ou à développer
commun des activités Nouvelle union du
imposées aux sociétés Mise en œuvre d’un coopératives. collectif, qui présentent leur activité économique,
Objet (art. 1, loi de 1983). livre III du Code de la
commerciales. accompagnement Distribuer les bénéfices un caractère d’utilité à améliorer ou à
Nouvelle mission mutualité (art. 55 et 56,
SCOP administrée et individualisé des entre les associés ou sociale (art. 19 accroître les résultats
autorisée pour loi de 2014) : création
gérée par les salariés personnes physiques et affecter une partie quinquies, loi de 1947) de cette activité » (art.
les coopératives d’une union pour
qui sont les coopérateurs des services mutualisés de ces derniers à des L. 521-1 du Code rural et
artisanales : mettre en faciliter et développer
(art. 1, loi de 1978). (art. 26-41, loi du œuvres de solidarité de la pêche maritime)
œuvre des politiques des activités sanitaires,
10 sept. 1947, mod.). sociale (art. 1, loi du
commerciales communes sociales et culturelles.
7 mai 1917)
(art. 44, loi du 31 juillet
2014)
Loi no 78-763 du
19 juillet 1978 Loi du 7 mai 1917 Loi no 83-657 du Loi no 2001-624 du
Articles L. 521-1 et s. du
Loi no 47-1775 du Loi du 24 juillet 1867 20 juillet 1983 17 juillet 2001 Loi no 47-1775 du
Code rural et de la pêche
10 septembre 1947 Loi no 47-1775 du Loi no 47-1775 du Loi no 47-1775 du Loi no 47-1775 du 10 septembre 1947
Sources maritime
Loi no 2014-856 du 10 septembre 1947 10 septembre 1947 10 septembre 1947 10 septembre 1947 (notamment art. 19 bis
juridiques Loi no 47-1775 du
31 juillet 2014 Loi no 2014-856 du Loi no 2014-856 du Loi no 2014-856 du Loi no 2014-856 du et s.).
spécifiques 10 septembre 1947
Articles du Code de 31 juillet 2014 31 juillet 2014 31 juillet 2014 31 juillet 2014 Loi no 2014-856 du
Loi no 2014-856 du
commerce relatifs aux Droit commun des Droit commun des Droit commun des 31 juillet 2014
31 juillet 2014
SA et SARL, et à la sociétés sociétés sociétés
variabilité du capital.
Société sui generis,
distincte des sociétés
Société civile (sauf si Société coopérative.
civiles et commerciales.
SA ou SARL à capital la coopérative vend Société commerciale, Société commerciale, Pas de forme imposée :
Personnalité morale
variable (art. 3, loi de SCOP (v. colonne des objets à des SARL ou SA à capital SARL ou SA à capital société en nom
Des formes et statuts variables
En numéraire ou en
nature
En numéraire En numéraire En numéraire Le plafond de
En numéraire En numéraire
Apports ou en nature (art. 6, ou en nature (art.6, ou en nature (art. 11, participation des En numéraire
ou en nature. ou en nature
loi de 1978) loi de 1978) loi de 1983) personnes publiques est
porté à 50 % par la loi de
2014 (art. 33).
Oui
Possibilité pour des
tiers non associés de
souscrire des parts à
Oui Oui Oui Possibilité d’apports Oui
intérêt prioritaire sans
Possibilité pour des Possibilité pour des Possibilité pour des d’associés non- Possibilité pour des
droit de vote (art.11 bis,
Apports de tiers non associés de tiers non associés de tiers non associés de coopérateurs (L. 522- tiers non associés de
loi de 1947)
capitaux Oui souscrire des parts à souscrire des parts à souscrire des parts à 3), à condition que les souscrire des parts à
Dispositif d’amorçage :
extérieurs intérêt prioritaire sans intérêt prioritaire sans intérêt prioritaire sans coopérateurs détiennent intérêt prioritaire sans
est autorisée, dans
droit de vote (art.11 bis, droit de vote (art.11 bis, droit de vote (art.11 bis, la majorité des capitaux droit de vote (art.11 bis,
la limite de 7 ans, la
loi de 1947) loi de 1947) loi de 1947) (art. L. 522-2-1). loi de 1947)
détention de plus de
la moitié du capital
par des associés non
coopérateurs.
Société coopérative de Coopérative d’activité Société coopérative Société coopérative Société coopérative Coopérative Unions d’économie
production et d’emploi d’usagers d’entrepreneurs d’intérêt collectif agricole sociale
Coopérative à forme
Aucune limitation du
SARL : aucun montant civile : pas de capital
SARL : aucun montant SARL : aucun montant capital initial, ni aucun En fonction de la
minimum minimum (sauf si appel
Montant minimum minimum minimum exigé. base juridique choisie
public à l’épargne) SARL : 1 euro.
du capital SA : 18 500 euros. SA : 18 500 euros En cas d’appel public à (SARL : aucun montant
SA : 18 500 euros. Coopérative à forme SA : 18 500 euros.
social SAS : aucun montant (112 500 euros si appel à l’épargne, le minimum minimum ; SA : 18 500
SAS : aucun montant anonyme : 18 500 euros
minimum l’épargne publique). est de 37 000 euros (art. euros)
minimum (sauf si appel public à
L. 523-9)
l’épargne, 112 500 euros)
Limitée aux apports. La
coopérative d’activité et Coopérative à forme Limitée aux apports
d’emploi est responsable civile : illimitée à sauf clause d’extension La responsabilité de
Responsa- des engagements pris proportion des parts de responsabilité, dans chaque coopérateur
En fonction de la base
bilité des Limitée aux apports vis-à-vis des tiers dans dans le capital social. la limite de trois fois Limitée aux apports est limitée au double
juridique choisie.
associés le cadre de l’activité Pour une société à forme le montant des parts du montant des parts
économique développée anonyme : responsabilité sociales détenues (art. souscrites (art. L. 526-1)
par l’entrepreneur salarié limitée aux apports. 13, loi 1983).
associé.
Un coopérateur = une
voix à l’assemblée Un coopérateur = une
Un coopérateur = une
Un sociétaire = une voix Un sociétaire = une voix générale. voix.
voix
Les investisseurs Les investisseurs Un coopérateur = une Possibilité de répartir Possibilité de pondérer
Droit Cette règle vaut pour
salariés peuvent détenir salariés peuvent détenir voix. les associés selon des les voix en fonction
de vote tous les associés
au maximum 35 % des au maximum 35 % des collèges, disposant alors de l’engagement des
(coopérateurs ou non)
voix voix d’un nombre égal de voix coopérateurs (art.
à l’AG (art. 19 octies de L. 524-4)
la loi de 1947).
Démocratie :
Pouvoir des Possibilité d’avoir
Oui Oui Oui Éventuellement Oui des associés non- Non
salariés
coopérateurs ou
Pouvoir des
Non Non Oui Oui institutions financières ; Oui
usagers maximum de 20 % des
Pouvoir des Oui (dans la limite Oui (dans la limite voix en AG. (art. L. 522-3)
Éventuellement Oui Éventuellement
partenaires indiquée ci-dessus) indiquée ci-dessus)
Les statuts peuvent
attribuer à chaque
Des formes et statuts variables
associé un nombre
Chaque salarié est Chaque salarié est Droits égaux. Pas de de voix au plus
Organisation porteur de parts sociales porteur de parts sociales discrimination quel que proportionnel
du pouvoir Tout nouvel associé peut Tout nouvel associé peut soit le capital détenu par selon le nombre de
devenir co-entrepreneur. devenir co-entrepreneur. les associés leurs adhérents ou
❮ 67
publics
Mise en réserve. Mise en réserve ;
Les intérêts aux parts Les intérêts aux parts
Mise en réserve
sociales ne peuvent sociales ne peuvent 15 % minimum affectés
Intérêts aux parts Intérêt aux parts sociales
excéder le total des excéder le total des à la constitution
sociales dans la dans la limite du taux Depuis 1992, les parts
dotations aux réserves, dotations aux réserves, d’un compte spécial
limite du taux moyen moyen de rendement des sociales peuvent recevoir Si les statuts le
ni les sommes allouées ni les sommes allouées indisponible
Affectation de rendement des obligations des sociétés un intérêt limité au taux prévoient, limitation de
aux salariés au prorata aux salariés au prorata Intérêt aux parts sociales
des résultats obligations des sociétés privées (les subventions moyen de rendement des l’intérêt servi aux parts
de leur engagement (min. de leur engagement (min. Ristourne au prorata des
privées. perçues ne peuvent obligations des sociétés sociales.
25 % des résultats). Le 25 % des résultats). Le opérations effectuées
Versement à des œuvres être redistribuées aux privées.
plafond prévu à l’article plafond prévu à l’article par les associés (art. 23,
de solidarité sociale. associés)
14 de la loi de 1947 n’est 14 de la loi de 1947 n’est loi de 1983)
Ristourne
pas applicable (art 33, loi pas applicable (art 33, loi
de 1978). de 1978).
Société coopérative de Coopérative d’activité Société coopérative Société coopérative Société coopérative Coopérative Unions d’économie
production et d’emploi d’usagers d’entrepreneurs d’intérêt collectif agricole sociale
1 5 % affectés à la 15 % affectés à la
réserve légale (loi réserve légale (loi
1947) ; une fraction 1947) ; une fraction
affectée à une réserve affectée à une réserve
15 % minimum affectés
statutaire impartageable statutaire impartageable
à la réserve légale (art.
dite « fonds de dite « fonds de
16 al. 2, loi de 1947) et
développement » (art. 33, développement » (art. 33, 15 % affectés à la
Réserves/ 50 % minimum du solde
loi de 1978). loi de 1978). constitution de la réserve Obligatoires Obligatoires Obligatoires
Provisions versés à une réserve
La loi de 2014 autorise La loi de 2014 autorise légale (loi de 1947)
statutaire impartageable
l’utilisation des réserves l’utilisation des réserves
(art. 19 nonies, loi de
pour racheter les parts pour racheter les parts
1947)
sociales souscrites sociales souscrites
par des associés non par des associés non
coopérateurs (décision coopérateurs (décision
en AG), art. 27 de la loi. en AG), art. 27 de la loi.
Réserves
imparta-
Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui
geables
Capital social.
Capital social. Capital social.
Capital social. Réserves impartageables
Réserves Réserves Capital social.
Réserves (légale et statutaire).
impartageables. impartageables. Réserves
impartageables. Subventions des
Subventions. Subventions. impartageables.
Subventions. collectivités territoriales
Ressources Possibilité d’augmenter Possibilité d’augmenter Possibilité d’augmenter
Possibilité d’augmenter (art. 19 decies, loi de
le capital social en le capital social en le capital social en
le capital social en 1947)
intégrant de nouveaux intégrant de nouveaux intégrant de nouveaux
intégrant de nouveaux Possibilité d’augmenter le
associés (art. 36, loi de associés (art. 36, loi de associés
associés capital social en intégrant
1978) 1978)
de nouveaux associés
Nominatives (art. 21, loi Nominatives (art. 21, loi
de 1978) de 1978)
Nominatives indivisibles
Forme des Possibilité d’émettre des Possibilité d’émettre des
Nominatives (art. 11, loi Nominatives et transmissibles sous
parts parts sociales souscrites parts sociales souscrites Nominatives
du 10 septembre 1947). (art. 11, loi de 1983) conditions.
sociales exclusivement par les exclusivement par les
salariés (art. 35, loi de salariés (art. 35, loi de
1978) 1978)
Titres participatifs (art.
Des formes et statuts variables
coopératifs dispositions particulières dispositions particulières dispositions particulières dispositions particulières dispositions particulières dispositions particulières dispositions particulières
d’investisse- (art.19 et s., (art.19 et s., (art.19 et s., (art.19 et s., (art.19 et s., (art.19 et s., (art.19 et s.,
ment loi no 87-416) loi no 87-416) loi no 87-416) loi no 87-416) loi no 87-416) loi no 87-416) loi no 87-416)
Société coopérative de Coopérative d’activité Société coopérative Société coopérative Société coopérative Coopérative Unions d’économie
production et d’emploi d’usagers d’entrepreneurs d’intérêt collectif agricole sociale
Fiscalité dérogatoire
Non assujettie à la limitée à une
cotisation foncière si Fiscalité dérogatoire : exonération d’IS sur les
50 % au moins du capital exonération de l’impôt opérations effectuées
Possibilité de déduction
appartiennent aux sur les sociétés sauf avec les adhérents,
du résultat fiscal, de la Droit commun (sous
associés salariés. pour les opérations Pas de fiscalité ou avec des tiers
Fiscalité réserve de participation réserve des ristournes
Possibilité de déduction effectuées avec les tiers dérogatoire lorsqu’elles relèvent
et de la provision pour réparties entre associés)
du résultat fiscal, de la non associés (art. 25, loi de la simple gestion de
investissement.
réserve de participation de 1983). trésorerie courante.
et de la provision pour Exonération possible de
investissement. la cotisation foncière des
entreprises.
Art. L. 526-2 : si excédent
de l’actif net sur le
capital social augmenté,
le cas échéant, dans les
conditions définies à
l’article L. 523-1,
a) La fraction de cet actif
net représentative des
réserves indisponibles
est attribuée soit à des
70 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
établissements ou œuvres
Dévolution du boni Dévolution du boni Dévolution du boni Dévolution du boni d’intérêt général agricole
de liquidation soit à de liquidation soit à de liquidation soit à de liquidation soit à Dévolution du boni à avec l’assentiment de
d’autres coopératives, d’autres coopératives, d’autres coopératives, d’autres coopératives, une association, une l’autorité administrative,
Dissolution
soit à des œuvres soit à des œuvres soit à des œuvres soit à des œuvres coopérative ou une des collectivités publiques
d’intérêt général (art. 19 d’intérêt général (art. 19 d’intérêt général (art. 19 d’intérêt général (art. 19 collectivité publique. ou des établissements
loi de 1947). loi de 1947). loi de 1947). loi de 1947). publics donateurs lorsque
cette fraction a résulté
de leurs libéralités, soit
à d’autres coopératives
agricoles ou unions ;
b) Le surplus de cet actif
net peut être réparti entre
les associés coopérateurs
avec l’assentiment de
l’autorité administrative
et suivant les modalités
prévues aux statuts
Des formes et statuts variables ❮ 71
Les mutuelles
Deux types de mutuelles méritent d’être distingués : les mutuelles de santé
et les mutuelles d’assurance. Chacune d’elles est régie par des dispositifs
juridiques spécifiques. Elles ont toutefois en commun leur spécificité
mutualiste, ce qui pourrait justifier l’adoption prochaine d’un corpus
juridique – un code – qui leur serait commun.
Régime juridique
Les mutuelles se constituent par la volonté de personnes physiques réunies
en assemblée générale (art. L. 113-1 C. mut.). C’est cette assemblée géné-
rale qui adopte les statuts de la mutuelle et qui nomme les membres du
premier conseil d’administration. Les statuts sont l’acte dans lequel sont
précisés les droits et obligations des membres de la mutuelle, ainsi que les
principes de fonctionnement de cette dernière.
Les conditions auxquelles est subordonnée l’admission des membres partici-
pants sont déterminées librement par les statuts (article L. 114-1 C. mut.).
L’adhésion à une mutuelle est, le plus souvent, facultative. En revanche,
les statuts peuvent prévoir des conditions d’admission : elles peuvent être
relatives au domicile (une mutuelle peut avoir un champ de recrutement
territorial), à la profession ou encore à l’âge (une mutuelle peut fixer un
Des formes et statuts variables ❮ 73
seuil d’âge au-delà duquel il n’est plus possible d’adhérer). L’ensemble des
adhérents constitue l’assemblée générale. Les mutuelles peuvent consti-
tuer des unions (regroupement de plusieurs mutuelles : L. 111-2) et des
fédérations (regroupement de plusieurs mutuelles ou fédérations en vue
de défendre leurs intérêts : L. 111-5).
La loi du 31 juillet 2014, art. 55, institue une nouvelle union régie par le
livre III du Code de la mutualité ayant pour objet de faciliter et de déve-
lopper, en les coordonnant, des activités sanitaires, sociales et culturelles
(insertion d’un article L. 111-4-3 au Code de la mutualité).
Les mutuelles sont financées par des cotisations. En échange, chaque
membre acquiert un droit aux avantages garantis par la mutuelle. Leur
mode de calcul doit être fixé de manière précise par les statuts. En tout
cas, les mutuelles qui mènent des activités de prévention ou d’action
sociale ou qui gèrent des réalisations sanitaires, sociales ou culturelles ne
peuvent moduler le montant des cotisations qu’en fonction du revenu, de
la durée d’appartenance à la mutuelle, du lieu de résidence, du nombre
d’ayants droit, de l’âge des membres participants (art. L. 112-1 C. mut.).
Les principes mutualistes imposent ainsi l’absence de sélection médicale
et l’absence d’individualisation des cotisations en fonction de l’état de
santé. Les cotisations peuvent alors être fixes comme variables. De même,
les prestations ne peuvent être modulées qu’en fonction des cotisations
payées ou de la situation de famille des intéressés.
Les mutuelles du Code de la mutualité se voient appliquer des règles fiscales
qui leur sont propres. En particulier, elles sont exonérées de la contribu-
tion sociale de solidarité des sociétés. Elles échappent également, en vertu
d’instructions administratives, à la contribution des institutions finan-
cières, qui frappe normalement toutes les entreprises d’assurance. Enfin,
elles sont assujetties à l’impôt sur les sociétés à taux réduit et certains de
leurs revenus (dividendes d’actions, gains en capital) échappent à toute
imposition. Ces règles sont justifiées, selon la Fédération nationale de la
mutualité française (FNMF), par le fait que les mutuelles ne pratiquent
pas de sélection systématique et donc supportent des risques plus étendus
que les assureurs traditionnels.
Principes fondateurs
Il existe aujourd’hui une forme juridique unique : la société d’assurance
mutuelle. L’article L. 322-26-4 énumère cependant trois formes particulières
74 ❯ ÉCONOMIE SOCIALE - LA SOLIDARITÉ AU DÉFI DE L’EFFICACITÉ
Régime juridique
Comme pour les mutuelles de santé, la mutuelle d’assurance se constitue
par la volonté de personnes physiques réunies en assemblée générale. Cette
assemblée générale adopte les statuts de la mutuelle et nomme les membres
du premier conseil d’administration.
De plus, comme pour les mutuelles de santé, l’élargissement de la défi-
nition du membre honoraire par la loi du 31 juillet 2014 s’applique à la
mutuelle d’assurance.
La loi n° 89-1214 du 31 décembre 1989 a simplifié le fonctionnement
des sociétés d’assurance mutuelles. Chacune est administrée par un conseil
d’administration nommé par l’assemblée générale et composé de cinq
membres au moins. Toutefois, les statuts peuvent stipuler qu’elle sera
7 . Leur non-inscription au Registre du commerce et des sociétés a été l’une des exigences du
Groupement des mutuelles d’assurance (GEMA), lors de la réforme du Code des assurances de
1989.
Des formes et statuts variables ❮ 75
Les associations
Sources juridiques
La principale source juridique qui régit la constitution et le fonctionnement
des associations est la loi de 1901, qui a été complétée par un décret d’appli-
cation en date du 16 août 1901. Ce sont les textes fondateurs – auxquels
la loi du 31 juillet 2014 a apporté quelques modifications – du droit des
associations françaises. Mais, au-delà de ces deux textes fondateurs natio-
naux, le droit associatif a pour source fondamentale la Déclaration univer-
selle des droits de l’Homme. Droit fondamental, la liberté d’association
jouit ainsi d’une protection constitutionnelle ; elle ne peut être réglementée
que par le législateur. Au niveau européen, la Convention de sauvegarde
des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (art. 11) et la Charte
des droits fondamentaux de l’Union intégrée au traité de Lisbonne érigent
également la liberté d’association au rang de droit fondamental.
À ces textes doivent être ajoutées des règles juridiques éparses qui concernent
quelques points spécifiques, mais néanmoins importants, du droit asso-
ciatif. Ainsi, le Code général des impôts s’applique aux associations dans
de nombreux articles, notamment aux articles 206-1 bis et 261, qui exo-
nèrent les associations respectivement de l’impôt sur les sociétés et de la
taxe sur la valeur ajoutée. Le Code de commerce contient des dispositions
relatives aux associations qui exercent une activité économique. Celles-ci
Des formes et statuts variables ❮ 77
sont soumises à des règles comptables très strictes (art. L. 612-1 et suiv. du
Code de commerce). Le Code général des collectivités territoriales régit
les relations entre les associations et les collectivités qui leur versent des
subventions (art. L. 1611-4), etc.
Principes fondateurs
Selon l’article 1er de la loi du 2 juillet 1901, l’association est « la conven-
tion par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une
façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre
que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les
principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ». Cette
définition suggère, à tout le moins, deux principes juridiques fondateurs.
Un premier ensemble de principes de fonctionnement constitue une décli-
naison du principe de liberté d’association. En effet, juridiquement, l’asso-
ciation est un contrat, dit « contrat d’association », dont l’objet et le but
relèvent, au nom de la liberté d’association, du libre choix des fondateurs.
Toutefois, cette liberté est limitée à double titre. Tout d’abord, le but de
l’association doit être « autre que de partager des bénéfices » : par défini-
tion, l’association doit donc être à but non lucratif. À défaut, l’association
peut être requalifiée par un juge en société créée de fait. Ensuite, « toute
association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire
aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à
l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine de gouverne-
ment, est nulle et de nul effet » (article 3 de la loi de 1901), et plus large-
ment l’article 1108 du Code civil.
La liberté d’association justifie également que la rédaction des statuts soit
libre et laissée à l’initiative des fondateurs et des membres. Ainsi la consti-
tution d’une association n’est-elle pas soumise à une procédure d’autori-
sation, mais à une simple procédure de déclaration. Le dépôt des statuts
à la préfecture ou à la sous-préfecture n’est pas une condition de validité
du contrat associatif. Il existe donc des associations non déclarées, dont
la constitution n’