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L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés ?

Chapter · December 2014

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Roxane De Hoe Frank Janssen


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Chapitre 3
L’entrepreneuriat social
et l’entrepreneuriat durable
sont-ils liés ?
Roxane DE HOE et Frank JANSSEN, Louvain School of Management,
Université catholique de Louvain (Belgique)

1 • Définitions et liens entre ces concepts


2 • Entrepreneuriats social et de développement durable :
entre similitudes et différences
2.1 Au niveau conceptuel
2.2 Au niveau de l’individu
2.3 Au niveau du processus
2.4 Au niveau organisationnel
2.5 Au niveau environnemental
3 • Quelles sont les voies de recherche futures ?

Introduction
Depuis deux décennies, de nouveaux champs d’investigation en entrepreneu-
riat connaissent un fort engouement  : l’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat
durable. Ces concepts sont au centre de l’attention car les mondes politique, éco-
nomique et académique, ainsi que la presse se sont fortement intéressés aux ques-
tions sociales et environnementales ces dernières années (Dey, 2006  ; Nicholls,
2008 ; Shepherd et Patzelt, 2011 ; Short, Moss et Lumpkin, 2009 ; Stryjan, 2006b ;
Weerawardena et Sullivan Mort, 2006).
Plusieurs exemples de cet enthousiasme pour ces deux types d’entrepreneuriat nous
viennent à l’esprit. Au niveau institutionnel, la Commission européenne (2013b) a
créé un Fonds social européen visant à soutenir l’emploi auprès de ses pays membres.
Les budgets sont considérables et représentent plus de 10  milliards d’euros pour la
France et plus de 2 milliards pour la Belgique (Commission européenne, 2013c). Outre
sa volonté d’agir sur la qualité et l’équité des offres d’emplois pour les citoyens de
l’Union européenne (Commission européenne, 2013b), le FSE soutient aussi active-
ment la création d’entreprises sociales ayant pour but d’offrir du travail aux groupes
en difficultés tels que les jeunes chômeurs de longue durée, les personnes ayant un
handicap ou les citoyens de communautés rurales (Commission européenne, 2013d).
La Commission européenne (2013a) s’est également intéressée au développement
durable. Bon nombre d’études ont été réalisées à ce sujet concernant, entre autres,

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 61


l’utilisation efficace des ressources et la compétitivité industrielle, l’écoconception, la
responsabilité sociale des entreprises, etc.
Au niveau national, des associations ont également vu le jour pour stimuler ces deux
types d’entrepreneuriat. Au Canada, un Réseau d’entreprises de développement
durable a vu le jour en 2005. Il s’agit d’un organisme à but non lucratif regroupant des
chercheurs et des professionnels, ayant pour objectif de produire des recherches afin
de dégager « les principales priorités en matière de développement durable du monde
des affaires canadien » (REDD, 2013). En Belgique, la Fondation pour les générations
futures (2013) a été créée en 1998 dans le but « de lutter contre les grands déséquilibres
de notre monde : Nord-Sud, riches-pauvres, homme-nature, générations actuelles et
futures ». À cette fin, la FGF poursuit trois principales missions : 1) identifier et sou-
tenir des projets belges concrets, 2) valoriser la réflexion auprès des acteurs sociaux et
des universitaires, et 3) innover en matière de participation citoyenne. Le Groupe One
(2008), également une organisation belge, œuvre aussi pour favoriser le développement
durable et le développement économique à un niveau local, notamment dans des zones
défavorisées. Dans ce but, cette organisation offre des formations, conçoit de nouveaux
outils innovants au service du développement durable et accompagne les entrepre-
neurs durables dans leur démarche. Dans les universités et les écoles de commerce, des
chaires en entrepreneuriat social prolifèrent depuis quelques années (Boutillier, 2008),
d’abord aux États-Unis et au Canada et ensuite dans le reste du monde.
Une entreprise peut être rentable tout en considérant des aspects sociaux et/ou envi-
ronnementaux. Des auteurs comme Johnson (2000) et Thompson, Alvy et Lees (2000)
soulignent les bienfaits et le progrès engendrés par l’entrepreneuriat social dans des
champs aussi larges et variés que les soins de santé, le développement durable, la
livraison des biens et de services aux plus démunis, ainsi que la défense des droits de
l’Homme.
Dees (1998 a, b) ajoute même que l’entrepreneuriat social est une réponse aux pro-
blèmes de financement des organismes sans but lucratif. De plus, Yunus (2009), prix
Nobel de la paix en 2006, considère que les entrepreneurs sociaux apportent une
solution aux problèmes urgents que rencontre la société. Dans une perspective de
développement durable, il s’agit davantage de préserver l’écosystème, de contrer les
changements climatiques, de réduire la dégradation de l’environnement et la défores-
tation, d’améliorer les pratiques au niveau de l’agriculture et l’acheminement de l’eau
potable, et/ou de maintenir la biodiversité (Cohen et Winn, 2007 ; Dean & McMullen,
2007).
Pour certains auteurs, un rapprochement évident entre ces deux concepts existe
(Janssen, Bacq et Brouard, 2013). Ces deux types d’entrepreneuriat présentent-ils des
similitudes ? Ont-ils des caractéristiques communes tout en étant deux champs indé-
pendants ou seraient-ils redondants ? En d’autres termes, l’entrepreneuriat de dévelop-
pement durable est-il un prolongement de l’entrepreneuriat social, ou inversement ?
Dans ce chapitre, nous nous intéresserons donc à la nature de la relation qui lie ces
deux concepts. Avant d’analyser les éventuels liens entre ceux-ci, nous les définirons
brièvement. Dans un second temps, nous aborderons la question de leurs similitudes
et divergences. Pour terminer, nous évoquerons quelques voies de recherches futures.

62 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


1 • Définitions et liens entre ces concepts
Dans le cadre de ce chapitre, nous envisageons l’entrepreneuriat social comme étant
le « processus d’identification, d’évaluation et d’exploitation d’opportunités visant à la
création de valeur sociale par le biais d’activités de marché commerciales et de l’utilisa-
tion d’une vaste gamme de ressources » (Janssen et al., 2013, p. 9). Dans cette optique,
l’entrepreneur social est appréhendé comme une personne plutôt visionnaire, ayant
un sens aigu de l’éthique et dont le but majeur est de créer de la valeur sociale (Bacq
et Janssen, 2011b). De plus, il est capable de découvrir et d’exploiter des opportunités
tout en déployant les ressources nécessaires à sa mission sociale et de trouver des solu-
tions novatrices aux problèmes sociaux rencontrés par sa communauté, ceux-ci n’étant
3
pas correctement traités par le système établi (Bacq et Janssen, 2011b).

CHAPITRE
À titre d’exemple, citons le Groupe SOS créé en 1984 par Jean-Marc Borello en France. Il
s’agit d’un « groupement diversifié d’associations et d’entreprises à vocation sociale, avec
trois milles salariés et un budget de deux cents millions d’euros » (Borello, 2011). La diver-
sification des activités de ce groupe s’est réalisée naturellement en cherchant à répondre
le mieux possible aux besoins de leurs publics cibles, dont voici quelques exemples.
L’aventure a commencé par l’association SOS, offrant un lieu aux toxicomanes (consom-
mant des drogues dures par voie intraveineuse) pour sortir de leur addiction. Il s’est avéré
que ces personnes ont été fortement contaminées par le VIH. Aucune structure existante
ne pouvant les accueillir, Jean-Marc Borello a alors fondé un petit centre de soins palliatifs
pour les prendre en charge. Par la suite, il a créé une deuxième association SOS Habitat et
Soins pour répondre au problème du relogement des personnes cumulant des difficultés
sanitaires et sociales. Les actions de ce groupe d’association ne s’arrêtent pas là. Des mai-
sons de retraite médicalisées fonctionnant avec les tarifs de l’aide sociale ont également
vu le jour afin d’offrir un logement aux personnes âgées sans revenu. Le groupement
comprend une troisième association SOS Insertion et Alternatives constituée de plusieurs
entreprises d’insertion par l’activité économique, embauchant des personnes précarisées
au niveau de l’emploi pendant une période de maximum deux ans afin de leur offrir un
tremplin vers un emploi dans une entreprise traditionnelle.

Selon la Commission mondiale de l’environnement et du développement (Brundtland,


1987), le développement durable est le développement de besoins présents ne com-
promettant pas la capacité des générations futures à les rencontrer et les combler à
leur tour. Shepherd et Patzelt (2011) ont défini l’entrepreneuriat de développement
durable comme étant les activités centrées sur la préservation de la nature, de la vie, et
de la communauté, s’inscrivant dans la poursuite d’opportunités en vue de créer des
produits, processus et services dont le gain économique et non-économique revient
aux individus, à l’économie et à la société.

À titre d’exemple, l’entreprise belge Isohemp (2013) propose depuis 2012 des produits
d’isolation thermique écologique à base de chanvre pour de nouvelles et d’anciennes
constructions. Ces produits, issus de l’agriculture locale et confectionnés en Belgique,
sont 100 % naturels et neutres au niveau de la santé. Ils sont composés uniquement de
chaux, d’eau et de chanvre. Aucun produit chimique n’entre dans leur composition. Les
•••

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 63


•••
deux fondateurs de cette entreprise ont participé à la redynamisation de la filière du
chanvre en Belgique dont la prohibition a été levée en 2007. Ils ont établi des partenariats
avec des agriculteurs locaux pour la culture du chanvre et avec des entrepreneurs et des
bureaux d’architecture pour la vente de leurs produits. Ils organisent également des for-
mations portant sur le montage de leurs produits directement auprès des entrepreneurs
partenaires et auprès des formateurs du Forem, le service public wallon de l’emploi et de
la formation.

L’entrepreneuriat social est centré sur la création de valeur sociale via une activité com-
merciale, dans le cadre de l’entrepreneuriat de développement durable, des considé-
rations environnementales et communautaires viennent s’ajouter. Ces deux concepts
semblent donc liés. Cependant, l’on peut s’interroger sur la nature des liens qui les
unit  : L’entrepreneuriat de développement durable est-il une branche de l’entrepre-
neuriat social  ? Ou s’agit-il de deux disciplines bien distinctes présentant certaines
connexions entre elles ? Nous tenterons de répondre à ces questions dans la deuxième
partie de cette section.
À l’étude de la littérature, l’on s’aperçoit que les termes d’entrepreneuriat social, entre-
preneuriat environnemental, entrepreneuriat vert ou encore écopreneuriat (Dixon  et
Clifford, 2007 ; Isaak, 2002 ; Linnanen, 2002 ; Schaltegger, 2002 ; Schaper, 2002) ont été
utilisés indifféremment pour évoquer l’entrepreneuriat durable. Pour éviter ces amal-
games et confusions, des auteurs tels que Tilley et Young (2009) et Shepherd et Patzelt
(2011) ont cherché à délimiter le champ de l’entrepreneuriat de développement durable.
Plusieurs chercheurs considèrent une activité entrepreneuriale comme durable
lorsqu’elle intègre de manière holistique des buts économiques, sociaux et environne-
mentaux qui perdurent dans le temps (Gibbs, 2009 ; Schlange, 2009 ; Tilley et Young,
2009). Il faut donc que la forme de génération de richesse soit également stable dans
le temps pour qu’une organisation puisse être considérée comme entreprise de déve-
loppement durable. Pour Tilley et Young (2009), les entrepreneurs durables sont de
réels modèles de création de richesses sociale et environnementale car ils sont capables
de concilier des enjeux parfois divergents comme des préoccupations sociales et
environnementales avec des objectifs économiques. Le principe de suffisance, c’est-
à-dire la réduction de la consommation excessive par la promotion du «  vivre bien
avec moins », en est un bon exemple. Ce principe de suffisance a une grande valeur
de durabilité, car pratiquer la suffisance peut être considéré comme une solution aux
problèmes moraux, sociaux et environnementaux engendrés par une consommation
excessive. Pour résumer leur pensée, la richesse de l’entrepreneuriat de développement
durable réside dans le bénéfice net global qu’il représente pour l’économie, la commu-
nauté et l’environnement.
L’entrepreneuriat durable est, aux yeux de Tilley et Young (2009), la seule voie qui per-
mette d’accomplir un développement durable. Les entrepreneurs économiques, envi-
ronnementaux ou sociaux peuvent chacun y contribuer partiellement. Cependant, à
eux seuls, ils ne répondent pas, à terme, à tous les défis du développement durable.
Premièrement, les entrepreneurs et leurs entreprises doivent être financièrement
durables pour survivre. Une organisation centrée uniquement sur l’environnement

64 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


et ne survivant qu’avec des subsides gouvernementaux ou des dons philanthropiques
ne peut être considérée comme entrepreneuriale car elle n’est pas pérenne sans ces
sources de financement. Deuxièmement, en se concentrant soit sur l’environnement,
soit sur le social, les entrepreneurs n’envisagent pas toujours l’impact de leur activité
sur l’autre dimension. En effet, se concentrer sur des objectifs uniquement environ-
nementaux peut causer des dommages sociaux. Songeons par exemple à la création
d’une réserve naturelle qui peut priver une communauté locale d’une ressource tradi-
tionnellement cultivée à cet endroit. De la même façon, se concentrer uniquement sur
des aspects sociaux peut entraîner un échec financier et des dommages environnemen-
taux. Les auteurs prennent l’exemple du commerce équitable. Certes, il peut aider des
communautés désœuvrées à sortir de la pauvreté, mais, si l’organisation ne vend pas
3
les produits équitables, son échec financier signera l’arrêt de son activité. De plus, ce

CHAPITRE
type d’organisation peut être dommageable pour l’environnement en raison du trans-
port de ces biens à travers le monde, contribuant ainsi aux changements climatiques
et à l’impact négatif de ces processus de production sur l’environnement. Par consé-
quent, pour Tilley et Young (2009), seuls les entrepreneurs qui tiennent compte de ces
trois éléments peuvent être appelés « entrepreneurs de développement durable ».
Le point de vue de Tilley et Young (2009) suppose donc que l’entrepreneuriat de déve-
loppement durable et l’entrepreneuriat social sont bien distincts : le premier recouvre
des considérations environnementales et sociales en plus de préoccupations écono-
miques, alors que le second traite uniquement des enjeux sociaux et économiques.
Dans leur définition de l’entrepreneuriat de développement durable, abordée précé-
demment, Shepherd et Patzelt (2011) ajoutent une quatrième composante : la dimen-
sion communautaire.
Par son caractère multidimensionnel, l’entrepreneuriat de développement durable est
lié à plusieurs champs de recherche (Shepherd et Patzelt, 2011). Premièrement, il s’ins-
crit dans la lignée des travaux sur l’écopreneuriat (l’entrepreneuriat écologique). Ces
recherches cherchent à comprendre comment l’action entrepreneuriale peut contribuer
à préserver l’environnement naturel (Pastakia, 1998 ; Schaper, 2005). L’écopreneuriat
est cependant une partie de l’entrepreneuriat durable, mais il n’en est pas un synonyme
parce qu’il ne recouvre pas explicitement la durabilité des communautés et le déve-
loppement de gains non économiques pour les individus et les sociétés. Par ailleurs,
il est proche du concept d’entrepreneuriat social qui inclut les activités et les proces-
sus entrepris pour découvrir, définir et exploiter des opportunités afin d’améliorer la
richesse sociale en créant de nouvelles entreprises ou en gérant des organisations déjà
existantes d’une manière innovante (Zahra, Gedajlovic, Neubaum, et Shulman, 2009).
La recherche en entrepreneuriat social recouvre donc le développement de gains (non-
économique) pour les individus et les sociétés, mais n’inclut pas de manière durable
les états actuels de la nature ainsi que des sources de soutien de vie et de communauté.
Finalement, l’entrepreneuriat durable inclut des aspects de responsabilité sociale des
entreprises (RSE), qui fait référence aux actions de promotion des biens sociaux, au-
delà de l’intérêt de l’entreprise (McWilliams et Siegel, 2001). Cependant, la RSE n’est
pas nécessairement liée à l’action entrepreneuriale et à l’innovation, mais se limite sou-
vent à un engagement sociétal des entreprises (songeons par exemple au financement
de club de sports ou à des donations pour des organisations sociales).

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 65


Par contre, Shepherd et Patzelt (2011) considèrent que certains domaines de recherche
ne font pas partie du champ de l’entrepreneuriat durable :
• La recherche qui s’intéresse à la durabilité, sans simultanément s’intéresser à ce qui
peut être développé au niveau économique et sociétal, ne peut pas être apparentée
à une recherche en entrepreneuriat durable. Les recherches sur le changement
climatique, par exemple, n’étudient pas le développement humain, économique ou
social en lien avec celui-ci.
• Réciproquement, les recherches qui se concentrent sur le développement, sans envi-
sager simultanément la durabilité, ne rentrent pas dans le champ de l’entrepreneu-
riat durable. En guise d’illustration, les auteurs citent une recherche axée sur la survie
des enfants grâce à la création d’un vaccin.
• La recherche qui s’intéresse à la fois à ce qui est durable et à ce qui doit être développé
mais dont le lien entre les deux n’implique pas la découverte, la création ou l’exploi-
tation de futurs biens, processus ou services, ne peut pas non plus être considérée
comme recherche dans le domaine de l’entrepreneuriat de développement durable.
On pourrait citer les efforts des gouvernements ou des ONG visant à l’amélioration du
caractère durable de la biodiversité et au développement des individus au travers de
l’éducation. Ce sont des actions utiles, mais non entrepreneuriales.
• Et enfin, la recherche entrepreneuriale qui se focalise exclusivement sur les résultats
économiques de l’action entrepreneuriale et qui n’envisage pas en même temps des
résultats de développement durable ne peut être considérée comme une recherche
en entrepreneuriat durable.
Les travaux de Tilley et Young (2009) et de Shepherd et Patzelt (2011) ont permis
de délimiter ces deux champs et, partant, de ne plus les confondre  : l’entrepreneu-
riat social et l’entrepreneuriat durable ont des points communs tout en étant des
concepts tout à fait distincts.

2 • Entrepreneuriat social et de développement durable :


entre similitudes et différences
Après avoir tenté de tracer les frontières de ces deux types d’entrepreneuriat, nous
étudions, dans cette troisième section, les similarités et les divergences entre ces deux
champs. Pour réaliser cette comparaison, il nous paraît pertinent d’utiliser le modèle
de Gartner (1985) décrivant la création d’une nouvelle entreprise. Ce dernier com-
porte quatre niveaux d’analyse se rapportant à l’individu, au processus, à l’organisation
et à l’environnement. Nous l’analyserons préalablement d’un point de vue conceptuel
(Janssen et al., 2013).

2.1 Au niveau conceptuel


Les deux types d’entrepreneuriat ont pour caractéristique commune de ne pas avoir de
paradigme unificateur.
Cette absence de paradigme unificateur a conduit à la prolifération des définitions
dans le champ de l’entrepreneuriat social (Bacq et Janssen, 2011b). Cela a donné nais-
sance à des termes divers tels qu’«  entrepreneuriat social  », «  entrepreneur social  »,
«  organisation entrepreneuriale sociale  », ou encore «  entreprise sociale  », ceux-ci

66 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


étant employés indistinctement pour aborder une même idée (Bacq et Janssen, 2011b ;
Brouard et Larivet, 2010).
Dans le champ de l’entrepreneuriat de développement durable, une multitude de défi défi-
nitions et une terminologie très variée (Holt, 2011) ont également vu le jour : « éco
« éco-
preneuriat » (Dixon et Clifford, 2007 ; Isaak, 2002 ; Schaltegger, 2002 ; Schaper, 2002),
« éco-entrepreneuriat » (Simon, Kharrouby et Levy-Tadjine, 2013), « entrepreneuriat
environnemental  » (Anderson, 1998  ; Linnanen, 2002), «  entrepreneuriat de déve déve-
loppement durable  » (Cohen et Winn, 2007  ; Dean et McMullen, 2007  ; Shepherd
et Patzelt, 2011), « entrepreneurs de développement durable » (Choi et Gray, 2008 ;
Tilley et Young, 2009) ainsi qu’ « entrepreneuriat vert » ou « green-green businesses » 3
(Schaltegger, 2005).

CHAPITRE
Même si l’angle d’approche pour conceptualiser l’entrepreneuriat social est différent
d’un courant de pensée à l’autre (Bacq et Janssen, 2011b), les termes utilisés pour le
décrire expriment une même idée, celle de centralité de la mission sociale, tandis que
les diverses terminologies dédiées à l’entrepreneuriat de développement durable ne
2009  Shepherd et Patzelt,
relèvent pas toujours d’une même idée (Tilley et Young, 2009 ;
2011). En effet, l’entrepreneuriat vert ou environnemental se concentrent davantage
sur un objectif écologique (Schaltegger, 2005), alors que les entrepreneurs de déve-
loppement durable tiennent compte à la fois d’objectifs sociaux, environnementaux et
économiques. Certains auteurs, tels que Choi et Gray (2008), utilisent le terme d’entre-
preneuriat de développement durable pour évoquer de manière interchangeable les
entrepreneurs suivant deux ou trois des objectifs cités.
Il n’est donc pas toujours aisé de s’y retrouver. Cette diversité pourrait être influencée,
en tout cas pour l’entrepreneuriat social, par l’origine géographique des chercheurs
qui s’y sont intéressés (Bacq et Janssen, 2011b). Ces différences peuvent s’expliquer
par le fait que, de part et d’autre de l’Atlantique, ces diverses écoles de pensée pour-
raient avoir des conceptions distinctes du capitalisme et du rôle du gouvernement.
Or, on constate qu’aux États-Unis deux écoles de pensées ont une approche distincte
de l’entrepreneuriat social, l’une étant d’ailleurs proche du courant de pensée euro-
péen. Cela laisse penser que ces conceptions sont principalement basées sur de fortes
convictions sociales et qu’il est impératif de tenir compte des facteurs contextuels
dans lesquels une entreprise sociale émerge (Bacq et Janssen, 2011b).

2.2 Au niveau de l’individu


Selon Gartner (1985), les caractéristiques du (ou des) porteur(s) de projet jouent un
rôle dans la création d’entreprise. Celles-ci concernent notamment l’expérience anté-
rieure de l’individu, ses caractéristiques personnelles (son âge, son genre) et démogra-
phiques (son statut social, son niveau d’éducation, le type de formation qu’il a suivi),
ses motivations et sa capacité à identifier des opportunités.
Beaucoup de concepts d’affaires en développement durable ou en entrepreneuriat
environnemental ou social trouvent leur origine dans l’idéalisme de leur fondateur
(Choi et Gray, 2008). Ces entrepreneurs n’ont pas une optique d’accumulation de
richesse personnelle. Leur motivation en créant leur entreprise est de pouvoir en vivre
tout en apportant une pierre à l’édifice du changement social (au sens large).

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 67


Par exemple, Samuel Kaymen et Gary Hirshberg ont développé Sonyfield Farms en levant
des fonds pour créer leur centre de formation à l’agriculture organique et John Hugues a créé
Rythm & Hues dans l’optique d’offrir un environnement de travail stable et amical aux artistes
de l’industrie du divertissement, célèbre pour son côté hostile (Choi et Gray, 2008).

Dans la littérature en entrepreneuriat social, des chercheurs de l’École de l’innovation


sociale se sont intéressés aux caractéristiques de ces entrepreneurs sociaux (Bacq et
Janssen, 2011b).
Selon eux, l’entrepreneur social a : 1) une approche visionnaire et novatrice (Catford,
1998 ; Dees, 1998a, b ; Drayton in Bornstein, 1998 ; Schuyler, 1998 ; Schwab Foundation,
1998  ; De Leeuw, 1999  ; Sullivan Mort, Weerawardena et Carnegie, 2003  ; Skoll in
Dearlove, 2004 ; Roberts et Woods, 2005), 2) un sens aigu de l’éthique (Catford, 1998 ;
Drayton in Bornstein, 1998), 3) une capacité à identifier des opportunités (Catford,
1998 ; Dees, 1998a, b ; Thompson, Alvy et Lees, 2000 ; Sullivan Mort et al., 2003), 4) un
rôle d’agent de changement de la société (Dees, 1998a, b ; Schuyler, 1998 ; Thompson et
al., 2000 ; Skoll in Dearlove, 2004 ; Sharir et Lerner, 2006 ; Chell, 2007) et 5) une capa-
cité à réunir et utiliser les ressources qui sont à sa portée pour faire la différence (Dees,
1998a, b ; Peredo et McLean, 2006 ; Schuyler 1998 ; Sharir et Lerner, 2006 ; Thompson
et al., 2000).
Toutefois, pour d’autres courants de pensée, le fondateur d’une entreprise sociale
n’est pas toujours un individu isolé (Bacq et Janssen, 2011b). Pour les chercheurs de
l’École de l’entreprise sociale, notamment, l’initiative de la création d’une entreprise
sociale doit provenir d’une organisation non lucrative ou gouvernementale. Dans ce
cas, l’entrepreneur social joue un rôle secondaire et se contente d’organiser et de gérer
les activités à vocation sociale (Skoll, 2008). Selon les chercheurs du réseau européen
EMES, la création d’une entreprise sociale n’est pas le fait d’une seule personne, mais
celui d’un groupe de citoyens (Defourny, 2004). Cela suggère que la personne qui
prend les rênes de l’entreprise sociale est soutenue par un groupe dont les membres
se sentent également responsables de la mission d’utilité publique de cette entreprise
(Bacq et Janssen, 2011b).
En ce qui concerne les compétences en gestion d’entreprise, l’étude de Choi et Gray
(2008) montre que la plupart des entrepreneurs durables n’ont peu ou pas d’expéd’expé-
rience pertinente dans le monde des affaires. Ces auteurs soulignent que les entrepre-
neurs interviewés dans leur étude n’auraient sans doute pas démarré leur entreprise
s’ils avaient imaginé tous les défis auxquels ils allaient être confrontés.

On peut citer en guise d’exemples Newman’s Own créée par l’acteur multi-oscarisé Paul
Newman, le fondateur de Stonyfield Farm, Gary Hirschberg (éducateur et activiste en-
vironnemental) ou encore la créatrice des magasins The Body Shop, Anita Roddick, qui
n’avait ni expérience en gestion d’entreprise, ni dans le milieu des cosmétiques.

Par ailleurs, selon Shepherd et Patzelt (2011), les personnes ayant suivi une forma-
tion en agronomie, en océanographie ou encore en tourisme sont plus susceptibles de

68 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


détecter des opportunités liées au développement durable que ceux qui ont poursuivi
des études en économie, en gestion ou en ingénierie.
Peu d’études ont été consacrées aux caractéristiques sociodémographiques de ces deux
profils d’entrepreneurs. La région dans laquelle se trouve un individu peut influencer
sa propension à détecter des opportunités liées au développement durable (Shepherd
et Patzelt, 2011). Les individus nés ou élevés dans des régions se préoccupant de l’envi-
ronnement sont plus conscients de l’état de l’environnement et de ses changements,
ce qui les rend plus susceptibles de détecter une opportunité entrepreneuriale liée à la
préservation de l’environnement que les individus nés et élevés dans d’autres régions.
Le fonctionnement cognitif permet également de mieux appréhender ces entrepreneurs.
3
Selon Shepherd et Patzelt (2011), une opportunité, engendrée par un signal environne-

CHAPITRE
mental, peut être interprétée en action entrepreneuriale au travers de deux étapes. La
première étape se caractérise par le passage de l’ignorance à la croyance de l’existence
d’une opportunité pour quelqu’un (ce que les auteurs appellent la croyance d’une oppor-
tunité pour une tierce personne) et la seconde se réfère à la croyance que cette opportu-
nité en est une pour soi-même (ou la croyance d’une opportunité pour soi-même). Ces
deux étapes sont influencées par les connaissances (Rensink, 2002) et les motivations
antérieures (Tomporowski et Tinsley, 1996) des individus. Cela signifie que, bien que des
individus estiment ne pas avoir les connaissances suffisantes pour poursuivre personnel-
lement des opportunités sociales ou de développement durable, ils sont plus susceptibles
d’en détecter s’ils se soucient de l’environnement naturel ou social.
En outre, si les individus perçoivent cette opportunité comme étant réalisable et dési-
rable, alors ils seront plus susceptibles de se lancer dans une activité entrepreneuriale
(Krueger, 1993). Pour qu’une opportunité soit réalisable, il faut notamment un cer-
tain niveau de connaissances. Les individus vont évaluer leurs connaissances, leurs
capacités et compétences à exploiter une opportunité. Cette évaluation peut être dif-
férente selon que cette opportunité soit mue par un objectif social ou de développe-
ment durable ou de gains personnels. Des connaissances préalables peuvent être plus
importantes dans le cadre d’opportunités de développement durable que dans le cadre
d’opportunités uniquement commerciales.

2.3 Au niveau du processus


Concernant le processus, il est possible de décomposer la création d’une entreprise
en six comportements  : l’identification d’une opportunité d’affaires, l’accumulation
de ressources, la mise sur le marché d’un produit ou d’un service, la production d’un
produit, la création d’une organisation ou bien encore la réponse au gouvernement et
à la société (Gartner, 1985 ; Janssen et al., 2013).
À propos de l’identification d’une opportunité, selon Austin, Stevenson et Wei-Skillern
(2006), un problème rencontré par un entrepreneur commercial peut constituer une
opportunité pour un entrepreneur social ou de développement durable. Ce problème
surviendrait dans une situation où les caractéristiques de la concurrence parfaite ne
seraient pas remplies, à savoir l’atomicité de l’offre et de la demande, l’homogénéité
du bien économique échangé, la transparence du marché et la mobilité parfaite des
offreurs et des demandeurs (Jacquemin et Tulkens, 1986).

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 69


Pour Cohen et Winn (2007), les imperfections du marché seraient associées à la dégra-
dation actuelle de l’environnement. Par imperfections de marché, l’on entend notam-
ment les entreprises inefficaces, les externalités, les mécanismes de fixation des prix
ou l’asymétrie d’information. Selon eux, ce serait cette association entre les imperfec-
tions de marché et la dégradation de l’environnement qui créerait des opportunités
entrepreneuriales via l’introduction de technologies et de modèles d’affaires novateurs
visant à remédier à ces problèmes environnementaux. Ces innovations peuvent tou-
cher des secteurs aussi variés que l’extraction, l’industrie manufacturière, le commerce
en détail, les transports, la construction ou les services. En apportant une solution à
ces problèmes environnementaux et/ou sociaux, les entrepreneurs sociaux ou de déve-
loppement durable génèrent des profits économiques et réduisent l’impact négatif de
ces imperfections du marché sur l’environnement (Shepherd et Patzelt, 2011) grâce
à une utilisation plus efficace des ressources environnementales et naturelles, ce qui
favorise le développement d’une économie plus durable au niveau écologique (Dean et
McMullen, 2007). De plus, la création de nouveaux produits ou services sociaux et/ou
environnementaux permettent à ces entreprises d’obtenir un avantage concurrentiel
sur leur marché (Asselineau et Piré-Lechalard, 2009).
Concernant le processus de création d’une entreprise sociale, le cœur de celui-ci est
avant tout la mission sociale (Bacq et Janssen, 2011a ; b). L’objectif d’une telle organisa-
tion est de réussir sa mission sociale. Par conséquent, les activités de cette organisation
doivent être en lien avec son objectif social. D’une certaine manière, l’entrepreneur
social se trouve donc au croisement d’une logique sociale et d’une logique marchande
(Boutillier, 2008). Certains auteurs (e.g. Defourny et Nyssens, 2008) se sont intéressés
aux liens existant entre la mission sociale et les activités de l’organisation, c’est-à-dire
toutes les activités de production de biens ou de services offerts sur le marché (Bacq
et Janssen, 2011b). Pour l’École de l’innovation sociale et le réseau EMES, la nature de
l’activité économique doit être en lien avec la mission sociale (Defourny et Nyssens,
2006). En revanche, pour l’École de l’entreprise sociale, il ne faut pas nécessairement
un lien direct entre la mission sociale et les activités de l’organisation sociale. Dans ce
courant de pensée, l’entrepreneuriat social se rapporte exclusivement aux organisa-
tions à but non lucratif. Ces dernières développent des activités générant des profits,
sans être obligatoirement en lien avec leur objectif social, pour pouvoir financer leurs
activités sociales.
La mobilisation de ressources financières s’avère plus laborieuse pour les entrepre-
neurs sociaux et de développement durable que pour les entrepreneurs dits classiques.
En effet, ayant souvent une expérience limitée dans le monde des affaires et une volonté
de partager les profits avec les employés et les communautés qu’ils servent, il n’est
pas aisé pour ces entrepreneurs d’attirer des investisseurs traditionnels (Choi & Gray,
2008). Cela peut même les empêcher d’accéder aux mêmes marchés de capitaux que
les entrepreneurs commerciaux (Austin et al., 2006). De plus, ces entrepreneurs sont
souvent réticents à utiliser certaines sources ou méthodes de financement, car ils ne
veulent pas que la vision traditionnelle des investisseurs affecte les opérations de leur
entreprise (Choi et Gray, 2008). De ce fait, ces entrepreneurs obtiennent généralement
peu de financement de la part d’investisseurs traditionnels et se tournent davantage
vers leurs famille et amis, ou vers des organisations philanthropiques. Pour mobiliser

70 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


les ressources financières nécessaires à leur projet, ils font donc appel à leur capital
social, constitué de l’ensemble de leurs relations sociales institutionnelles (relations
professionnelles dans d’autres organisations par exemple) et informelles (cadre fami-
lial, amical) (Boutillier, 2008).

2.4 Au niveau organisationnel


Gartner (1985) rapporte les caractéristiques de l’organisation aux choix stratégiques
de l’entreprise.
Selon Leibenstein (1968), la fonction essentielle d’un entrepreneur est de détecter les
problèmes au sein d’un système avec le désir de changer les choses. 3

CHAPITRE
Le CEO de GreenWorks, Crooks, avait remarqué que les grandes entreprises, délocalisant
leurs bureaux dans un autre pays, jetaient leur surplus de matériel de bureau, pourtant
encore exploitable. Son désir de réduire ces déchets de matériel de bureau et son identi-
fication d’un problème dans le système en place lui ont permis de créer son entreprise et
de recycler ce matériel « indésirable ».

Cet exemple s’applique bien à la conception de l’entrepreneuriat de Leibenstein. Il


montre que des considérations sociales et environnementales peuvent s’insérer dans
une dynamique entrepreneuriale (Dixon et Clifford, 2007), alors qu’elles ont souvent
été perçues comme diamétralement opposées à celles du monde des affaires (Austin et
al., 2006 ; Janssen et al., 2013).
L’entrepreneuriat commercial, dit traditionnel, présente toutefois des différences
par rapport à ces deux formes nouvelles d’entrepreneuriat. En effet, même s’ils
génèrent de la valeur sociale en créant de nouveaux biens et services, ainsi que des
nouveaux emplois (Dixon et Clifford, 2007), les entrepreneurs commerciaux sont
davantage centrés sur la valeur économique de leur activité (Austin, et al., 2006  ;
Venkataraman, 1997). Les entrepreneurs sociaux ou de développement durable sont
mus par une mission centrale (sociale) ou double (à la fois sociale et environne-
mentale) où la dimension économique est vue comme un moyen de parvenir à l’ac-
complissement de cette mission (Venkataraman, 1997), c’est-à-dire qu’ils cherchent
à générer des ressources pour maximiser l’impact social (la valeur sociale) de leur
action (Boutillier, 2008). Ces deux missions ont été traduites par les notions de
double bottom line (double résultat) pour l’entrepreneuriat social et de triple bottom
line (triple résultat) pour l’entrepreneuriat de développement durable, signifiant que
la performance d’une entreprise s’apprécie économiquement et socialement dans
le premier cas, et économiquement, socialement et environnementalement dans le
second cas (Elkington, 1999 ; Schlange, 2009). Cette imprégnation de l’engagement
social et environnemental dans la mission des entrepreneurs de développement
durable a un impact sur la manière dont ils vont voir et évaluer les ressources et les
opportunités de leur cadre de vie (Keogh et Polonsky, 1998).
Face aux dimensions multiples de sa mission, un entrepreneur social ou de déve-
loppement durable est soumis à une tension constante entre la bonne tenue écono-
mique de son entreprise et sa loyauté envers ses idéaux (Austin et al., 2006 ; Dixon et

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 71


Clifford, 2007). Il/elle est aussi confronté à des pressions émanant d’une large variété
de parties prenantes (Hall et Vredenburg, 2003), reflétant les préoccupations écono-
mique, sociale et environnementale.
Étant donné la diversité des parties prenantes engagées dans ces deux types d’entre-
prises, il n’est pas surprenant qu’elles nécessitent des formes d’organisation hybrides
(Dixon et Clifford, 2007). L’entrepreneuriat social brouille les frontières traditionnelles
entre les secteurs public et privé (Janssen et al., 2013).

Nous illustrons ce propos au travers du cas de l’entreprise anglaise GreenWorks (Dixon


et Clifford, 2007). Grâce au recyclage du matériel de bureau des grandes entreprises,
GreenWorks permet à de plus petites entreprises, écoles ou œuvres de charité de se four-
nir en matériel de bureau à faible prix et de bonne qualité. Cette entreprise emploie et
forme des groupes marginalisés tels que les personnes sans domicile et les anciens délin-
quants. En travaillant avec une communauté de partenaires et des franchisés, cette entre-
prise a créé une nouvelle forme d’organisation : l’entreprise sociale franchisée.

En l’an 2000, ce nouveau modèle d’affaire constituait une première en Angleterre. Ce


modèle a facilité la diffusion rapide d’une vision duale (écologique et sociale) en ce
sens que le don d’actifs onéreux (le matériel de bureau) par les grandes entreprises
lui a permis de bénéficier d’une croissance relativement peu risquée tout en permet-
tant à des personnes désœuvrées d’accéder à un emploi et une formation (Dixon et
Clifford, 2007).
Pour certains auteurs, les organisations d’entrepreneuriat social ne doivent pas être
limitées à une forme juridique spécifique (Austin et al., 2006 ; Mair et Martí, 2004 ;
Boutillier, 2008). Le choix de l’une ou l’autre forme juridique devrait plutôt se baser
sur la nature des besoins sociaux que ces entreprises cherchent à combler et sur le
montant des ressources nécessaires à leur mise en place. Ces organisations d’entrepre-
neuriat social se déclinent donc sous plusieurs formes : associations, ONG, coopéra-
tives, sociétés commerciales à responsabilité limitée, sociétés anonymes ou société par
actions (Bacq et Janssen, 2011a ; b). Ces entreprises peuvent opter pour certaines de ces
formes juridiques car, pour poursuivre leur objectif social et assurer leur survie, elles
doivent avoir recours à des activités marchandes (Robinson, 2006  ; Stryjan, 2006a  ;
Thompson et Doherty, 2006). Les ressources philanthropiques ne peuvent pas assurer
à elles seules la subsistance de ces entreprises (Bacq et Janssen, 2011b).
En termes de gestion des ressources humaines, soulignons que les entreprises sociales
éprouvent des difficultés à rémunérer leur personnel de manière aussi compétitive
que les entreprises commerciales (Austin et al., 2006). Cependant, pour beaucoup
d’employés d’entreprises sociales, les compensations non financières liées à leur travail
ont souvent une valeur supérieure aux compensations financières. Les entrepreneurs
sociaux ou de développement durable sont d’ailleurs généralement plus préoccupés
par le bien-être de leurs employés (Choi et Gray, 2008). Certains entrepreneurs de
l’étude de Choi et Gray (2008) ont offert à leurs employés des avantages dépassant de
loin les standards de l’industrie.

72 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


Ils citent Rhythm & Hues qui a offert à ses artistes neuf semaines de congés payés par an
et le droit à un congé sabbatique de deux mois après cinq années de travail, du jamais vu
dans l’industrie du divertissement. Ces préoccupations pour le bien-être des employés
relèvent de la culture organisationnelle développée par l’entrepreneur social ou de dé-
veloppement durable. Celle-ci est un élément important contribuant à la pérennité de
l’entreprise et de sa mission (Choi et Gray, 2008).

Concernant la stratégie marketing de ces deux types d’entreprise, les entrepreneurs


font le choix délibéré de se différencier de leurs concurrents en promouvant les valeurs
et les pratiques d’entreprise liées à l’objectif social ou de développement durable (Choi
3
et Gray, 2008). Afin de se protéger de la concurrence, les entrepreneurs sociaux ou de

CHAPITRE
développement durable doivent créer, assez tôt dans leur processus entrepreneurial,
une marque d’entreprise différenciable (Choi et Gray, 2008). Ils axent également leur
stratégie sur la qualité de leurs produits et leur caractère innovant.

L’entreprise Patagonia en est un bon exemple. Dès le départ, en confectionnant du maté-


riel d’escalade de haute qualité, elle s’est forgé une réputation axée sur la qualité de ses
produits. Le but de ses fondateurs, Chouinard et Frost, était de proposer du matériel de
haute qualité avec un beau design dans l’idée qu’il soit durable, c’est-à-dire en proposant
des vêtements de qualité, devant être moins rapidement remplacés, ceci contribuant à
réduire la consommation excessive et la pollution.

En termes de clientèle, les entrepreneurs sociaux et de développement durable n’es-


sayent pas nécessairement de toucher un public large. En se positionnant souvent sur
un marché haut de gamme, les entrepreneurs sociaux et de développement durable
réduisent leur profit délibérément en utilisant des matériaux plus chers, mais respec-
tueux de l’environnement (Choi et Gray, 2008), ce qui augmente le prix du produit.
Leurs produits ne sont parfois pas abordables pour la majeure partie de la population.
En effet, pour coexister avec des concurrents de grande taille bénéficiant d’économies
d’échelle, ils n’ont d’autre choix que d’entrer sur le marché haut de gamme.
Concernant leur impact environnemental, les entrepreneurs de développement
durable mettent un point d’honneur à minimiser leur empreinte écologique en multi-
pliant leurs efforts pour rendre leurs procédés de fabrication exempts de tous déchets
et d’émissions de gaz (Choi et Gray, 2008). Sur le plan social, une fonction impor-
tante de ce genre d’entreprises réside dans le don d’une partie de leurs profits ainsi que
d’autres ressources à la communauté (Choi et Gray, 2008). La plupart de ces entre-
prises ont institutionnalisé des programmes de donation identifiant de manière proac-
tive les personnes ou les organisations rencontrant leurs critères de soutien. Certaines
entreprises vont même jusqu’à développer leurs propres programmes sociaux. Les
donations (en pourcentage) de ces entreprises de développement durable dépassent
significativement celles de la plupart des entreprises traditionnelles.
Au niveau de la distribution des bénéfices en entrepreneuriat social, les différentes
écoles de pensée ne sont pas unanimes (Bacq et Janssen, 2011b). Pour l’École de
l’innovation sociale, les bénéfices générés par les activités d’une organisation sociale

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 73


devraient être investis prioritairement à la mission sociale de celle-ci. Cependant, ce
n’est pas une obligation stricte. L’École de l’entreprise sociale a, quant à elle, dans un
premier temps, proscrit toute distribution des profits car, selon la définition des orga-
nisations à buts non lucratifs, les organisations d’entrepreneuriat social ne peuvent pas
distribuer les bénéfices à leurs directeurs et à leurs membres. Les profits doivent être
entièrement dédiés à l’objectif social. Cependant, dans un second temps, cette école de
pensée a reconnu que les organisations d’entrepreneuriat social étaient également des
entreprises d’affaires commerciales (Alter, 2004), ce qui autorise donc une certaine
distribution des profits aux propriétaires et aux travailleurs de ces organisations. Les
chercheurs du réseau européen EMES, eux, restreignent cette distribution des béné-
fices : elle doit être limitée pour éviter des comportements menant à la maximisation
des profits.

Le cas du Groupe SOS illustre bien la volonté de distribuer les bénéfices uniquement à la
mission sociale. La structure de ce groupe est délibérément dépourvue d’actionnaires.
Par conséquent, les recettes des trois associations qui le composent sont automatique-
ment mises en réserve afin d’assurer la pérennité du groupe ou injectées dans leurs acti-
vités pour le développement de nouveaux projets (Borello, 2011).

Les stratégies de sortie constituent également un grand défi pour les entreprises
sociales et de développement durable. Les options de sortie pour ces entrepreneurs
sont contraintes par les buts sociaux et environnementaux qu’ils s’imposent, ce qui
est une situation bien différente des entrepreneurs dits classiques (Bacq et Janssen,
2011a ; Choi et Gray, 2008). Ces contraintes sociales et environnementales limitent à
leur tour leur croissance (via la poursuite d’investissements, des acquisitions ou des
offres publiques) ou la réplicabilité de leur modèle économique.
Au travers de leur mission sociale ou de développement durable, ces deux types d’en-
trepreneurs s’inscrivent naturellement dans une logique temporelle puisque le but est
que leur entreprise leur survive (Bacq et Janssen, 2011a). Considérant cette volonté de
pérennité, les entreprises sociales ou de développement durable sont plus concernées
par la transmission/reprise de leur entreprise que des entreprises traditionnelles. Cette
transmission/reprise est considérée comme un enjeu critique (Elkington et Hartigan,
2008 ; Imperatori et Ruta, 2006) car les valeurs et la mission sociale de ce type d’entre-
prise sont intrinsèquement liées à l’entrepreneur lui-même. La transmission/reprise,
dans ce cas-ci, renvoie à deux difficultés principales (Bacq et Janssen, 2011a). La pre-
mière est de trouver un repreneur partageant les mêmes convictions que le cédant et
garantissant le maintien d’un bon équilibre entre les enjeux sociaux et économiques.
La seconde concerne la détermination du prix de vente de l’entreprise sociale, rendue
complexe par la difficulté d’en évaluer la performance monétairement.
Pour clôturer cette section, il nous semblait intéressant de mentionner à quel point
la mesure de la performance d’un entrepreneur social ou de développement durable
constitue un réel défi, comparée à celle d’un entrepreneur commercial (Austin et al.,
2006 ; Tilley et Young, 2009). En effet, un entrepreneur commercial utilise des mesures
relativement tangibles et quantifiables au travers d’indicateurs financiers, de la part

74 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


de marché, de la satisfaction de la clientèle ou de la qualité des produits (Austin et al.,
2006). Par contre, l’évaluation de la performance d’une entreprise sociale ou de déve-
loppement durable est toute autre, car il faut considérer les nombreuses et diverses
parties prenantes, tant financières que non financières, dont la gestion s’avère plus
complexe que pour une entreprise classique (Kanter et Summers, 1987). En outre, les
impacts de la mission sociale de ce genre d’entreprises sont difficilement mesurables
en termes de valeur marchande (Brouard et Larrivet, 2010) parce qu’ils échappent à
l’échange marchand ou ne peuvent être évalués monétairement (Perret, 2002). Le défi
de mesurer un changement social est donc d’autant plus grand qu’il est difficilement
quantifiable. Il implique souvent plusieurs causes et comporte des dimensions tem-
porelles (Austin et al., 2006). Mertens et Marée (2013) proposent d’évaluer la perfor-
3
mance des entreprises sociales sur base d’une analyse multicritères composée « d’un

CHAPITRE
ensemble ordonné d’indicateurs complémentaires, quantitatifs et qualitatifs, moné-
taires et non monétaires, sectoriels et transversaux » (Mertens et Marée, 2013, p. 117).
Actuellement, il n’existe pas encore de mesure adéquate pour évaluer la contribution
d’une entreprise à la richesse sociale et environnementale de la communauté, car notre
société a tendance à juger les succès uniquement sur la base de mesures quantitatives
(Tilley et Young, 2009). Un entrepreneur social ayant pour but de favoriser la consom-
mation de nourriture saine parmi les enfants des milieux défavorisés crée une richesse
sociale significative, mais comment pouvons-nous la mesurer ?

2.5 Au niveau environnemental


Le dernier niveau d’analyse concerne l’environnement, c’est-à-dire les conditions aux-
quelles les entrepreneurs doivent s’adapter, telles que la facilité d’accès aux fournis-
seurs ou aux services nécessaires, ou bien encore la disponibilité du capital ou d’une
main-d’œuvre compétente (Gartner, 1985). La question de la dynamique de l’environ-
nement concerne aussi les lois et règlements en vigueur, l’existence ou non d’écosys-
tèmes et de structures de soutien tels que le support municipal, les Églises, les réseaux
de conseillers ou les programmes de formation (Janssen et al., 2013).
Quelques acteurs politiques, économiques, la presse et le monde scientifique vantent
les mérites de ces nouvelles formes d’entrepreneuriat conçues pour créer de la valeur
sociale (Dees, 1998a). Depuis quelque temps déjà, les gouvernements encouragent
ce genre d’initiatives (Commission européenne, 2003) par la mise en place de cadres
juridiques spécifiques à ce type d’activité. La Commission Européenne (2013b, c, d) a
également créé le Fonds social européen dans le but de promouvoir ce type d’entrepre-
neuriat. De surcroît, de nombreuses organisations de soutien et de promotion de l’en-
trepreneuriat social ont été créées telles qu’Ashoka, Avina, Schwab et Skoll (Janssen et
al., 2013). Ces quatre fondations ont pour rôle d’identifier les entrepreneurs sociaux
pour mieux les soutenir dans leurs activités et leur développement. Par ailleurs, elles
investissent à elles quatre plus de 75 millions de dollars par an dans des projets d’entre-
preneuriat social (Spitzeck et Janssen, 2010). En plus de ces fondations, les universités
les plus prestigieuses offrent des programmes dédiés à l’entrepreneuriat social et orga-
nisent des conférences sur le sujet (Janssen et al., 2013).

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 75


Tilley et Young (2009) estiment que les gouvernements devraient également octroyer
des compensations aux entrepreneurs de développement durable pour assurer leur
survie sur le marché. Selon ces auteurs, si les entrepreneurs durables contribuent à
l’économie et à la société en protégeant l’environnement, ils devraient d’une certaine
manière être récompensés puisqu’ils prennent le rôle de l’État dans le recyclage des
déchets ou l’éducation alimentaire des enfants, par exemple. C’est d’ailleurs explicable
économiquement, car lorsqu’une défaillance de marché apparaît sous forme d’externa-
lité, comme la pollution environnementale et la pauvreté, les gouvernements cherchent
généralement à intervenir en vue d’améliorer la concurrence ou de favoriser l’atteinte
de résultats socialement et moralement acceptables. Selon ces auteurs, il est donc légi-
time que des structures de régulation, ainsi que des incitants soient mis en place pour
soutenir les entrepreneurs de développement durable.
Pour terminer, nous constatons que ces deux formes d’entrepreneuriats ont beaucoup
de points communs, tout en ayant quelques différences. Afin que le lecteur puisse
mieux visualiser leurs différences et similitudes, nous avons dressé ci-dessous un
tableau les résumant pour chaque niveau d’analyse.

Tableau 1 – Tableau récapitulatif des similitudes et différences


entre l’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat de développement durable
sur cinq niveaux d’analyse

Niveaux Entrepreneuriat
Critères Entrepreneuriat social
d’analyse de développement durable
Plusieurs termes pour Plusieurs termes mais n’expriment pas
une même idée : toujours une même idée :
entreprise dont la – Entrepreneuriat vert ou environnemental
Au niveau mission centrale est impliquant 2 missions (écologique et
Termes
conceptuel sociale. économique).
– Entrepreneuriat de développement
durable recouvrant 3 missions
(environnementale, sociale et économique).
Origine de l’idée Idéalisme du fondateur.
Le fondateur n’est pas toujours un individu isolé, parfois il est le porte-
Porteur du projet
parole d’un groupe de citoyens.
Ces deux types d’entrepreneurs n’ont souvent que peu ou pas
Expérience
d’expérience pertinente dans le monde des affaires.
Au niveau
de l’individu Certaines études (agronomie, océanographie, tourisme, sciences
Type d’études humaines) permettent de détecter plus d’opportunités sociales ou de
développement durable que d’autres.
Vivre dans un environnement où des préoccupations sociales
Milieu de vie et/ou environnementales sont présentes peut favoriser ces deux types
d’entrepreneuriat.

76 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


Niveaux Entrepreneuriat
Critères Entrepreneuriat social
d’analyse de développement durable
Identification Au travers des imperfections de marché et des problèmes
des opportunités environnementaux et/ou sociaux de la société.
Elle est laborieuse : ces entrepreneurs sont réticents aux investisseurs
traditionnels (centrés sur l’aspect financier) et ont plus souvent
Mobilisation des
Au recours au capital social, ou vice-versa (les investisseurs sont réticents
ressources
niveau du pour des questions de compétences managériales et financières, de
processus rémunération du capital et/ou de mode de communication du projet).

Mission
Une mission centrale
sociale.
Une mission double : sociale
et environnementale. 3
Certains auteurs ajoutent aussi une mission

CHAPITRE
communautaire.
Il y a un réel engouement pour ces deux types d’entrepreneuriat sur
Au niveau Engouement les scènes politique, économique, scientifique et dans le monde de la
environne- presse.
mental Soutien et De nombreuses organisations de soutien et de promotion ont vu le
promotion jour.
Tension constante entre Tension constante entre objectifs
Tension des
objectifs sociaux et environnementaux, sociaux et
enjeux
économiques. économiques.
Non applicable. Ils la réduisent en utilisant des procédés de
Empreinte
fabrication et de transport respectueux de
écologique
l’environnement.
La vision n’est pas unanime : certains disent que les profits doivent
Distribution des être réinvestis entièrement dans la mission sociale, d’autres pensent
bénéfices qu’une partie limitée de ces profits peuvent revenir aux propriétaires et
travailleurs et d’autres encore n’imposent aucune contrainte.
Ces deux types d’entrepreneuriat ne sont pas limités à une forme
Type
juridique spécifique et ont ouvert la voie à de nouvelles formes
d’organisation
hybrides d’organisations.
Au niveau Pour pallier une rémunération du personnel moins compétitive que
Ressources
organisa- dans les entreprises classiques, le bien-être des employés est souvent
humaines
tionnel plus pris en compte.
Ils se différencient de leur concurrence en promouvant leurs valeurs
sociales et/ou environnementales et en se positionnant sur un marché
Marketing
haut de gamme (avec des produits de haute qualité, innovants et à des
prix élevés).
Dans ces deux types d’entrepreneuriat, le public visé n’est pas la
Clients
majeure partie de la population.
Stratégies Elles sont contraintes par leurs objectifs sociaux et/ou
de sortie et environnementaux.
de croissance
Elle est un enjeu critique : il faut trouver un successeur qui partage les
Succession
mêmes convictions.
La difficulté d’évaluer la performance de ces entreprises en termes
Performance
d’impacts sur la société et/ou l’environnement.

L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés • 77


3 • Quelles sont les voies de recherche futures ?
La comparaison de ces deux types d’entrepreneuriat distincts mais étroitement liés
l’un à l’autre nous a permis de constater que les chercheurs se sont principalement
concentrés sur la définition de ces deux concepts. À l’heure actuelle, ces deux champs
de recherche n’en sont qu’à leurs balbutiements et nous avons besoin de recherches
relatives aux caractéristiques de ces entrepreneurs « non traditionnels », des différentes
étapes de vie de ces entreprises et de leurs caractéristiques organisationnelles, ainsi que
des facteurs environnementaux contribuant ou non à leur développement.
Au regard des caractéristiques individuelles, plusieurs voies de recherche futures se
dégagent. Nous pensons notamment au rôle des caractéristiques sociodémogra-
phiques (l’âge, le genre, la culture, la religion, le niveau d’éducation, le type de for-
mation, l’engagement dans une association activiste, etc.) dans l’identification d’une
opportunité à visée sociale ou de développement durable, mais aussi aux motivations
et aux valeurs qui poussent des individus à se lancer dans l’entrepreneuriat social ou
de développement durable. Les valeurs qui sous-tendent l’entrepreneuriat social sont-
elles les mêmes que celles de l’entrepreneuriat de développement durable ? Les entre-
preneurs sociaux et les entrepreneurs de développement durable ont-ils les mêmes
motivations ? Pour quelles raisons certains individus focalisent-ils leur attention sur
des opportunités de développement durable plutôt que d’autres ? Shepherd et Patzelt
(2011) encouragent des recherches futures centrées sur les formes de connaissances et
de motivations poussant des individus à détecter des opportunités entrepreneuriales
plus environnementales ou sociales que commerciales.
La littérature en psychologie montre que les valeurs des individus jouent un rôle
moteur prépondérant dans leurs comportements et leurs choix professionnels
(Judge & Bretz, 1992 ; Verplanken & Holland, 2002). Les valeurs sont à entendre
comme des croyances relatives à des états ou des modes de conduite désirés qui
transcendent les actions d’un individu et les situations spécifiques dans lesquelles
il se trouve (Schwartz, 2006). Ces valeurs, hiérarchisées les unes par rapport aux
autres, guident la sélection ou l’évaluation des comportements, des actions, des gens
et des événements. Il existe des échelles de mesure des attitudes et des valeurs de
l’individu envers la préservation de l’environnement (Dunlap, & Van Liere, 1978 ;
Shepherd, Kuskova & Patzelt, 2009 ; Stern, Dietz & Kalof, 1993). Celles-ci pour-
raient être utilisées dans le champ de l’entrepreneuriat de développement durable
(Shepherd et Patzelt, 2011). Ces valeurs centrales sont-elles les mêmes pour ces deux
types d’entrepreneurs ?
Au niveau processuel, il serait intéressant de comparer les entrepreneurs sociaux et
de développement durable avec les entrepreneurs commerciaux quant à la façon dont
ils identifient une opportunité d’affaires, accumulent des ressources, introduisent leur
produit ou leur service sur le marché, produisent leur produit et créent leur orga-
nisation. Quelles sont les étapes clés par lesquelles passe un entrepreneur social ou
de développement durable pour créer son entreprise  sociale ou de développement
durable ? Ces étapes sont-elles différentes de celles d’un entrepreneur traditionnel ?
Comment obtiennent-ils leurs sources de financement  ? Comment identifient-ils et
convainquent-ils les investisseurs adéquats pour leur projet social ou durable ?

78 • L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat durable sont-ils liés


Sur le plan organisationnel, des études comparatives sur la gestion stratégique mise en
place par ces deux types d’entreprises auraient également toute leur utilité. Adoptent-
elles le même positionnement sur le marché  ? Comment déterminent-elles leur
positionnement sur le marché ? Se centrent-elles sur un profil particulier de consom-
mateurs  ? De plus, étant donné que ces deux formes d’organisation impliquent de
nombreuses parties prenantes différentes, la théorie des parties prenantes, expliquant
la manière dont les organisations hiérarchisent et gèrent les relations avec les diffé-
rentes parties engagées (Mason, Kirkbride et Bryde, 2007) pourrait être mobilisée pour
nous éclairer sur les formes organisationnelles et le statut légal de ces deux types d’en-
trepreneuriat. Ajoutons également qu’il est urgent que les chercheurs développent des
indicateurs de performance appropriés pour ces entreprises.
3

CHAPITRE
Finalement, au niveau contextuel, il faudrait s’interroger sur la manière dont les pou-
voirs publics peuvent permettre à ce type d’entreprise d’exister et de subsister. Par
exemple, les pouvoirs publics doivent-ils favoriser la création de ce genre d’entreprise
en mettant en place des mécanismes d’aide  ? Les organismes de soutien doivent-ils
différer selon le profil social ou de développement durable de l’entreprise ?

Conclusion
Dans ce chapitre, nous avons tenté de tracer une frontière entre l’entrepreneuriat
social et l’entrepreneuriat de développement durable. Au sein des deux champs de
recherche, la terminologie utilisée est loin de faire l’unanimité. Pour ne pas simplifier
les choses, certains auteurs emploient le même terme pour les deux concepts. Nous
sommes partis des définitions de Tilley et Young (2009) et de Shepherd et Patzelt
(2011). L’entrepreneuriat social et l’entrepreneuriat de développement durable sont
bien deux concepts distincts à ne pas confondre entre eux ou avec d’autres avec les-
quels ils présentent des similitudes telle que, par exemple, la responsabilité sociétale
des entreprises.
Dans un second temps, nous avons exploré les similitudes et les divergences entre ces
deux concepts au travers des quatre niveaux d’analyse de Gartner (1985). Il en est res-
sorti que les deux concepts présentent des similitudes et se distinguent uniquement
quant à leurs buts, l’entrepreneuriat de développement durable ayant un but environ
environ-
nemental venant s’ajouter aux objectifs social et économique qu’il a en commun avec
l’entrepreneuriat social.
La confusion entre les deux concepts peut aussi s’expliquer par le fait qu’aucune étude
comparative n’a encore été menée. C’est pourquoi, afin d’alimenter les recherches
futures, nous avons adressé une série de questions relatives aux caractéristiques de
l’entrepreneur, aux processus rythmant la vie de ce type d’entreprise, aux caractéris-
tiques organisationnelles, ainsi qu’au contexte environnemental dans lequel ces entre-
prises évoluent. Nous pensons que des études empiriques comparatives permettraient
de tracer des limites plus claires entre ces deux nouveaux types d’entrepreneuriat.

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