CHANTIERS
Des pistes pour les
futurs gros porteurs
© Fotolia
Remorquage d’un A380
Les avions gros porteurs de nouvelles générations font subir des contraintes
de plus en plus sévères aux pistes des aéroports. Pour relever le défi,
les entreprises ont mis au point des formulations innovantes à base de
produits bitumineux performants.
D
epuis plus d’une dizaine d’années,
pour répondre au doublement du
trafic aérien tous les vingt ans sans
réelle possibilité de créer de nouveaux aéro-
ports ou de les agrandir, se développent,
dans l’espace aéronautique international, des
porteurs de nouvelles générations, optimisés
de façon à répondre aux demandes des
compagnies aériennes.
Plus respectueux de l’environnement, ils
promettent d’être moins bruyants, d’émettre
moins de gaz à effet de serre et d’être moins
consommateurs d’énergie (gain chiffré d’au
moins 20  % pour certains)… bref de s’ins-
crire dans une politique de développement
durable. Pour atteindre ces différents objec-
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Le taxiway devant l’usine d’assemblage de l’A380, à Toulouse
tifs, les concepteurs, tant Airbus que Boeing,
jouent sur la longueur des fuselages et leur
envergure, le choix de matériaux composites
et de nouvelles motorisations.
Les chaussées aéronautiques doivent s’adapter
pour supporter le trafic de ces nouveaux
porteurs. Les principales sollicitations liées à
ce type d’avions sont caractérisées par :
• des masses maximales au décollage
(MTOW) en augmentation, allant de 250
à 300 t pour les tout récents Boeing 787-9
Dreamliner ou Airbus A350 jusqu’à 400 à
560 t pour le Boeing 747-400 ou Airbus
A380-800 ;
© Airbus Industrie
• des pressions de contact pneumatique très
élevées,  allant par exemple de 15,4 bars
pour l’Airbus A380 à 17 bars pour le Boeing
787.
Selon les règlements de l’Organisation de
l’Aviation Civile Internationale (OACI), quelques
États imposent des limitations opérationnelles
aux avions avec une pression de pneu maxi-
male de 15 bars. Selon Airbus, sur 485 pistes
d’aéroports internationaux considérés, 41  %
sont limitées à 15 bars, 1 % à 10 bars et 58 %
sont sans limitation.
Une méthode rationnelle pour
remplacer la méthode empirique
La vérification des structures en place ou de
renforcement se fait classiquement par une
méthode empirique qui est actuellement en
phase de remplacement. Élaborée par l’OACI
et appliquée par ses membres depuis 1983, la
méthode de dimensionnement ACN/PCN
consiste à comparer l’agressivité de chaque
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aéronef déterminée par le paramètre ACN,
Aircraft Classification Number, à la résistance
de la chaussée déterminée par le paramètre
PCN, Pavement Classification Number.
L’ACN est calculé à partir de données
constructeurs (notamment les masses maxi-
male et à vide). Le PCN reflète la capacité de
portance de la chaussée et est défini par des
sigles désignant la nature de la chaussée, la
résistance du sol support, la limite de pression
de gonflage des pneumatiques acceptable.
Des sur- ou sous-dimensionnements ont pu
être constatés avec cette méthode empirique.
Depuis plusieurs années, le Service Technique
de l’Aviation civile (STAC) et le LCPC (désor-
mais IFSTTAR) travaillent conjointement,
tant avec des constructeurs tels qu’Airbus
qu’avec des routiers tels que Colas, au
développement d’une méthode rationnelle,
inspirée de celle appliquée aux chaussées
routières et autoroutières françaises. Il s’agit
d’un modèle d’endommagement avec la
comparaison de contraintes calculées en
fonction du trafic et de contraintes admis-
sibles en fonction de la structure.
Leur démarche repose sur trois axes à savoir
l’utilisation d’un modèle structurel couplant
mécanique et thermique, l’analyse du com-
portement des matériaux sous chargements
répétés en laboratoire et le calage sur le
terrain par le biais de planches d’essais sous
trafic réels ou accélérés.
Le logiciel ALIZE-Aéronautique est actuellement
en cours de validation par le STAC en vue de
remplacer la méthode ACN/PCN. Parallèlement
la Federal Aviation Administration américaine
a développé le FAARFIELD, devenu depuis
2009, le logiciel de conception standard
des chaussées aéronautiques aux États-Unis.
Une comparaison vient d’être menée avec suc-
cès sur ces deux méthodes et a été présentée
aux Journées Techniques 2011 du STAC.
Des solutions bitumineuses adaptées
aux nouveaux porteurs…
Cette nouvelle méthode de dimensionnement
par modélisation multicouche de la chaussée
est expérimentée depuis une dizaine d’années,
notamment par le biais de planches expéri-
mentales sur pistes grâce au programme PEP
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“
Un enrobé spécial permet
de multiplier par 3 à 4 le nombre
de mouvements d’A380.
(Pavement Experimental Program) lancé par
Airbus et permettant de fournir des données
sur le fonctionnement et l’endommagement
des chaussées rigides et souples.
Les premières planches comparatives en
matériaux bitumineux ont été réalisées en
août 2001 sur la voie W60 du taxiway de
l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Le renforce-
ment consistait à remplacer l’ancienne couche
de roulement en BBA. Une comparaison a
été menée notamment entre un BBA 0/14
classique et un enrobé spécial avec liant
modifié, procédé Multicol HP de Colas. La
plateforme support PF3 était initialement en
bon état et surmontée de 24 cm de GB3 éga-
lement en bon état mais ayant subi 5 000 pas-
sages de simulateur correspondant aux
Boeing B777, B747-400 et Airbus A380.
La vérification du dimensionnement de la
structure a été effectuée par la méthode
rationnelle aux éléments finis et a montré
que l’utilisation d’un enrobé spécial permettait
de multiplier par 3 à 4 le nombre de mouve-
ments A380. Après 10 ans de trafic, aucun
désordre n’est apparu sur les chaussées.
Fort de cette expérience, la rénovation de la
piste 1 de ce même aéroport a été réalisée en
2004 pour faire face à l’arrivée de gros porteurs
type Airbus A380. Selon les pratiques courantes
pour ces gros porteurs déjà mises en œuvre
sur les aéroports parisiens, un rechargement
de 12 cm d’EME puis de 6 cm de BBA était
préconisé. Une solution économique permet-
tant un gain de temps non négligeable,
concentrée sur les 45 m intérieurs de la piste,
a alors été proposée par l’entreprise SACER :
la mise en œuvre de 7 cm de BBA sur la
structure existante.
…et avantageuses sur
le plan environnemental
La vérification de cette structure de renfor-
cement a été effectuée par la méthode empi-
rique CBR et la méthode rationnelle aux
éléments finis. Dans les deux cas, la solution
”
préconisée était acceptable et le calcul
permit de prévoir une durée de service de 10 ans
pour un trafic cumulé de 5  850 mouvements
équivalents A380. Une analyse partielle du
cycle de vie a par ailleurs permis de mettre en
avant l’intérêt environnemental de la structure.
Enfin citons également la réalisation, entre
2003 et 2004, des 225 000 m2 de taxiways du site
d’assemblage d’Airbus à Toulouse destinés
au déplacement à basse vitesse de l’Airbus
A380 d’une masse de plus de 500 t réparties
sur 20 roues. Pour dimensionner la chaussée,
un simulateur de train d’atterrissage avait été
modifié de façon à représenter l’A380 et des
planches expérimentales purent valider les
calculs aux éléments finis. Le choix de la
structure se porta, cette fois encore, sur des
matériaux bitumineux avec notamment une
couche de roulement en béton bitumineux
anti-orniérant BBAO 0/10 à base de liant
modifié PX50 d’Eurovia et deux couches
de GB 0/14 classe 4.
Simulateur d’atterrisseur
de très gros porteur
© Airbus / DEAC-STAC
L’adaptation des chaussées aéronautiques
face au trafic élevé et à l’arrivée de nouveaux
porteurs aux contraintes spécifiques repré-
sente certes un grand défi pour les différents
acteurs, tant concepteurs d’avions, services
techniques de l’aviation ou entreprises. Les
programmes et opération de recherche mis
en place permettent désormais d’y répondre :
la méthode rationnelle de dimensionnement
est prête pour faire face à ce défi et des enrobés
bitumineux performants que proposent les
entreprises sont capables d’apporter les
solutions nécessaires. 7
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