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GREEK&

ROMAN
PHILOSOPHY
A FIFTY-lWO VOLUME
REPRI NT SET.

Edited by /
LEONARDO TARAN
Columbia University

GARLAND PUBLISHING
1 VOLUME FORTY-THREE

L1ÉVOLUTION DE LA
DOCTRINE
DU PNEUMA
....
DU STOICISME A S.
AUGUSTIN

G. VERBEKE
For a complete 1ist of Garland ' s
publications in this series,
please see the final pages of this volume. L;f:VOLUTioN
DE LA DOCTRINE
library of Congress Cataloging-i n-Publication Data DU PNEUMA
DU STOICISME A S. AUGUSTIN
Verbeke, Gérard.
llévolution de la doctrine du pneuma.

(Greek and Roman philosophy; 43)


Reprint. Originally published: Paris:
Desclée De Brouwer, 1945. (Bibliothèque de l'Institut
supérieur de philosophie, Université de louvain)
1. Spirit-History. 2. Soul-History.
3. Philosophy, Ancient. 1. Title. II. Series.
III. Series: Bibliothèque de l'Institut supérieur de
philosophie, Université de louvain.
B187.S6V47 1987 128 1.1 86-32015
ISBN 0-8240-6942-0 (alk. paper) "

The volumes in this series are printed on


acid-free, 2S0-year-life paper.

Printed in the United States of America


BIBlIOTH~QUE DE L'INSTITUT SUPtRIEUR DE PHILOSOPHIE
UNIVERSIT~ DE LOUVAIN

L'ÉVOLUTION
DE LA DOCTRINE
.DUPNEUMA
DU STOICISl\lE. A S. AUGUSTIN

~TUDE PHILOSOPHIQUE

PAR

G. VERBEKE
Docte~; . eD philosophie,
LiCCDa6 CD philosophie et lettrcs.

DESCLD: DE BROUWER ~DITION8 DE L'INSTITUT SUptRIEUR


DE PIIILOSOPHIE
76 bl8, rue cres. Sainu Pères
2, Place Cardo ~r ercier

PARIS LOUVAIN

1945
Opus quod i&cribitur ( L ~évQlution de la doctrine du pneuma du
StoJcisme à ·S. Augustin;) auCltore Gerardo V~rœk~, ex auctoritate
Eminentissimi BC Reverendissimi Oardinalis Archiepiscopi M.echli-
niewis et legum academicarum pra,escripto recognitum, quum fi dei
sut bonis moribus contrarium nihil continere visum fuerit, imprimi
l?otest.

Lovanii, die 5& J ulii, 1945.


A SON EXCELLENCE
lI. VAN WAEYENBERGH, MONSEIGNEUR HENRI LAMmoy,
Rect. Univ. ÉVÊQUE DE BRUGES,
EN HOMMAGE DE PROFOND RESPECT
ET DE fILIALE GRATIT'tJl)l4,
torsqu 'en novembre i93S, M. i.e éhanoine Ma~ion now
proposa d'entreprendre une étude sur la pneumatologie stoïcienne,
nous ne pensions pas Que ces r~hcrches nous retiendraient si long-
temps et qu'elles nous amèneraient à examiner" d'autres courants de
la pensée ancienne. Mais à mesure Que nous avancions dans l'exa-
men des textes, nous voyions s'étendre devant nous un vaste champ
non défriché, qui, par le mystère de ses richesses latentes, nous
stimulait sans "c~e à continuer les recherches. De 1937 à 1941,
des occupations absorbantes nous empêchèrent de poursuivre l'en-
quête commencée et" nous exprimons ici notre profonde reconnais-
sance à Son" Excellence Monseigneur Lamiroy, Evêque de Bruges,
et à ~onseigneur Noël, Président de l'Institut Supérieur de
Philosophie, à qui noUB devons d'avoir pu reprendre nos travaux
scientifiques. Ceux-ci étaient devenus beaucoup plus difficiles par
suite de l'incendie de la Bibliot~èQue de"l 'Université: mais la bien~
veillance avec laquelle nous avons été accueilli à la Bibliothèque
du Collège théologique des RR. PP. Jésuites à Louvain et à la
Bibliothèque royale à Bruxelles, nous a permis de mener à bonne
fin ce travail malgré les circonstances si difficiles de la guerre; nous
sommes heureux de pouvoir témoigner ici notre profonde grati-
tude aux Conservateurs de ces bibliothèques.
Nous remercions tout spécialement M. le Chanoin,e Mansion, qui_
I! ~~é l'inspirateur et le guide prudent et pëmpica"ce de Ces recher-
ches : ses encourageÏnents et seS conseils nous ont été très précieux.

Louvain, le 15 août 1944.


iNTRObuCTioN.
1. LE SUJET.
Pour saisir l 'histoire de la pensée humaine et les méandres de 8011
évolution, il est intéressant de choisir un point de doctrine déter-
miné, au moyen duquel on peut pour ainsi dire pratiquer des coups
de sonde dans les systèmes successifs. Cette méthode a été adoptée
dans de nombreuses monographies, où des chercheurs se sont attachés
à retracer les vicissitudes de la réflexion philosophique sur une ques-
tion précise: ces études fragmentaires, qui détachent un problème
particulier de l'ensemble du système où il est inséré, présentent
cependant l'avantage d'ouvrir de plus larges horizons sur la ·genèse,
la croissance et le développement de ce·rtaines questions: ainsi, les
multiples études historiques qui ont pa.ru sur le problème de la con-
naissa~ce au cours des âges montrt·nt clairement combien les philo-
sophes sont tributaires les uns des autres et posent ·les problèmes
en fonction des recherches antérieur€s.
C'est llne étude analogue que nons entreprenons dans ce travail:
toutefois l'objet immédiat n'est pas ici une question particulière,
maÜl plutôt un terme philosophique, qui occupe une place importante
dans la pensée de l'antiquité: notre but est de re·tracer aussi fidèle-
ment que possible les différentes doctrines qui 'se sont rattachées au
terme « pnenma» durant la période hellénistique,. afin d'obtenir
une image précise du contenu idéologique de ce terme au cours de
son ~volution 1. L'intérêt d'une telle ~tude. nous est garanti . par

l'La atgntfieation originelle du terme mWJUl D. 'est pas douteuse ~ fi" d6dve
4u verbe mm' (Bouiller), dont le radical se retrouve dans plusieurs voeablèl
grecs, tels que 2'E'VE'UJUI)V ou nuufl(OV (les poumons), 1tE-zew-Jdvoç, n-~-w-~6~
(&&ge, prude~t)J n+yu-'n) (sagesae), no~moû-m· (B 'essouffler) (et. G~ CuRTWS,
l'ritam,~, 01 gree" etymology, translated bl A. S. WILltINS and E. B. ENGLAND,
,Londres, 1886,· 2 voL, I, p. 336). On en rappro~e 6galemen! le terme fneM"
(vieux haut allemand), ,hae7&en (moyen haut allemand): CI respirer, souftler
bruyaDUllent, haleter _; fnahterde (vieux haut allemand) «respirant bi-uyam·
""t
!lient» et ph.. (moyen haut allemand) CI respiration bruyante» (et. E. BOl-
SACQ, Didiotlft4we It1lfRologiqw: de la langw: grecqw:, Paria et Heidelberg,

..
.tË SUJËT

l'importaiicë même du terme e-t des conceptions qui s'y rattachent leurs documents religieux, où il est mis en rapport avec l'essence
dans 1'histoire de la philosophie ancienne: en effet, le pneuma n'oc- .intime de la divinité, la nature de l'âme humaine, l'inspiration pro-
cupe pas seuleme·nt une place centrale dans la philosophie du Porti- . phétique et 1'accomplissement fidèle de la volonté' de Dieu. L'étude
que, où il constitue l'âme du monisme matérialiste de ce système: .de la pnel,lmatologie ancienne pourrait donc jeter un peu de lumière
ce terme était oonnu bien avant Zénon de Cittium par les médEeÎD8 .sur le problème crucial des rapports entre le christianisme et la
de l'école sicilienne et par Dioelès de Caryste, qui s'en servaient ,culture hellénistique.
pour désigner le souffle vital de 1'homme, constitu6 par les effl~Ve8 CE-pendant ce n'est pas de ce point de vue religieux que la présente
du sang. Nous retrouvons le même terme dans les œuvres de Plutar- étude a été entreprise: nous nous sommes efforcé toujou~ de nous
'que) .qui sous l'inspiration des stoiciens l'a adopté dans son expli- tenir à un point de vue strictement philosophiqu~~ et si nous avons
cation de la divination; il a passé également dans de nombreux été amené' à. parler de la pneumatologie dans la religion judéo-ehré-
écrits de l'antiquiÜ, -gênêra~ëment d'origine égyptienne, tels que ,titnne, c'est qu'elle a joué un rôle important dans l'évolution des
les écrits hermétiques, les papyrus magiques et la littérature alchi- -èoctrines qui se rattachent au pneuma. Cependant nous avons écarté
mique. C'.est probablement dans la tradition médicale que Platon a autant que possible les problèmes qui concernent directement l'his-
puisé sa notion du pneuma, qu'il insère également dans son système, toire des dogmes chrétiens, ,en particulier l'évolution de la doetr..ne
tout en ne lui reconnaissant qu'un rôle secondaire; ses 'successeurs du Saint-Esprit, troisième Personne de la sainte Trinité: ce que
immédiats ont donné à ce terme un contenu plus large et ils s'en nous avons tm vue, c'est un problème philosophique, l'évolution de
sont SE;rn surtout dans l'explication du pro.blème de la connaissance. ,la pneumatologie' ancienne dans le sens du spiritualisme, ou encore,
D'autre part, les auteurs juifs et chrétiens ont accordé à ce terme le problème de la « spiritualisation» du pneuma. En effet, ce terme
une importance de premier ordre, parce qu'ils le trouvaient clans est· employé par Zénon de Cittium avec une signification essentie1-
,lem.~nt matérielle, à tel point que Zénon prouve le caractère matériel
19383). - Le verbe mco comportait autrefois un digamma entre 8. et co, de l'âme humaine par le fait qu'elle est un pneuma; alors que saint
comme il ressOrt clairement! des autres temps de ce même verbe (~J&U'" Augustin se sert du terme spiritus pour désigner l'essence intim~
invrooa, nbtvEUxa) et des vocables grecs, cités ci-dessus, qui sont d'ri'ria du
tnême rad1ea1: ce 10 indo-européen a été éliminé, CO!DJD.e d'habitude, atre de la divinité et de l'âme humaine, qui sont conçues par lui comme
deux voyelles:, ce phénomène d'amuiasement du digamma s '~lique d'aprh dès 'réalités immatérielles. Il s'agit donc d'éluciderla question sui-
A. Meillet par la grande tendance à. l'epourdissement «qui se manifeste par vante: comment, à quel mome·nt et sous quelle influence cette spiri-
la substitution des sourdes «p, 9, X, aux sonores indo-européennes :t. (.~per,* d'.,.. tualisation s'ëst-elle produite! Il s'agit d'expliquer cette métamor-
hi8fws ds la latl.gue grecque, Paris, 1930, p_ 23). Et puisque ee 10 provient
phose sémantique, qui s'étend sur une période d'environ sept siècles
Bouvent d Jun u devenu consonne devant une autre voyelle, il n'est pas 6ton-
!laD.t de le retrouver BOUS sa forme primitive dans le terme m'eÜJ.UI (A. C.AB.HOY, et qui ,est en rapport étroit avec toute l'évolu~ion de la pensée hellé-
MOAuel tk Uflgui8tique grecque, Louvain et Paris, 1924, p. 64). Quant li. la dé- nistique. n est assez paradoxal, en effet, que le m'EÜf.Lci, dont la signi.
sinence -J.1u elle correspond à deux ea~gories de noms indo-européens: ceux fieation originelle était purement matérielle, soit l'origine du mot
qui se· terminent en -men, ~, et ceux qui se terminent en ~t: il semble bien « spirituel)) qui,-dans li terminologie moderne, ne désigtie pas seu-
, que ces deux· ca~gories se sont fusionnées, puiaqu'au génitif et au datif on
lemen:t des réalités immatérielles mais qui les caractérise dans ee
.oit apparaître un 't qui n'y est pas dans les deu autres cas (A. CABNOY, 0'. qui les oppose à la matière.
cit., p. 100): la signifieation de eette terminaison semble être plutât maté-
rielle et objective et non pu aetive: e 'est -:e qui ressort clairement de la com-, Déjà en 1880, un article de Hermann Siebook a paru sur le même
paraison de nOL'IJ.UI et nOL'I0a.;; elle désigne le résultat d'une aetivit6,plut6t sujet dans la ZeitBchrift für Volkerpsychologie und Spraehwissen-
que l'aetivit6 elle-même. Le nvEÜJ.UI désigne donc: l'air en mouvement, l'air ee~aft: DiB En~wickl'Ung der Lehre "am. Geisf (Pmu.a) in der Wis-
respiré, le souffle dans 8a signification objeetive et matérielle. .
B81I8chaft tùs Altertwm.s 2. L'auteur passe en revue les moments
n est à. noter enfin que le terme nvEÜJ.1<1 est un dérivé du degré fort normal
du verbe nvÉm, alors que mOll, qui a la même signification, dérive du dep
défléchi de ce même verbe. 2 Pp. 361-401.
4: iNTB6buèn'IôN LE èUJET 5
essentiels dans l'évolution de la pneumatologie ancienne depm.s 1~-­ de la pensée grecque du !'ationalisme au mysticisme intuitif des néo.
début de la philosophie grecque jusqu'à l'avènement du cbriatian~.. platoniciens. La première de ces deux questions tombe entièrement
me; il traite également de la pneumatologie de Galien, qui ~t danII en dehors du cadre de la présente étude, puisque nous nous sommes
ce domaine le représentant principal des écoles médicales. D tésulte placé à un point de vue strictement philosophique, tandis que le
de son analYJe que la spiritualisation du pll€'uma s'est produite second problème se rapproche davantage de notre suj€t. Il rMult~ra
sous l'action de facteul"$ paraphilosophiqu~, la religion j\liv., ~he. cependant de la suite de cet examen que la doctrine épistémologique
Philon. d'Alexandrie et le christianisme, principaleJne-nt ~ 1. n'est qu'une partie de la pneumatologie ancienne et qu'elle n'en
épîtres de S. Paul. H. Siebeck a repris le même sujet en 1914: en $8 est même pas la partie principale. En outre, le problème philosophi-
basànfi sUr l~ ouvrages parus depuis sa première étude: Nf$u, il.ei- que n'est pas traité pour lui-même daM l'ouvrage de Leisega.ng,
ffoii.ge lU,. &ntwicklungsgesckichte des G6Ï8f-Beg';!fsl • _L'au,telU."_ lI.~y mais en vue de la solution du problème religieux: c'est pourquoi
change pas la conclusion dè- son examen- antérieur. CependlPl.t le 1'autt,u~ 8 'attache avant tout à la pensée de Philon d'Alexandrie
sujet de ce second article est plus large que celui du preJJÜer,parce et essaie de retracer une image aussi complète que possible de la.
que le point de départ, n 'y est plU$ le terme grec xVeVf,La, Jll,a~ le pneumatologie de ce philosophe. Il s'efforce de déterminer par là
mot allemand Geist, qui répond aux mOts grecs m'Eii""q et vovç. C'est ce qu'un intellectuel de cette époque pensait lorsque, lisant les LXX,
pourquoi H. Siebeck distingue, d'une part, la fJpidtualÏ$ation d\1 vo'Üç, il Y rencontrait le terme 1CVEÜJ,la. Il en résulte' que Leisegang exposa
qui est en . cOurs chez Anaxagore et arrive à son ter:Qle ehez Platon presque exclusivement la pneumatologie de Philon; il ne répond
et Aristote, et, d'autre part, 1'évolution progJi~sive <le la ppeuma'" donc pas à la question posée plus hallt t,t qui constitue le sujet da
tologie à partir du pnelUlla des écoles lllédieales, conçu eOnUne un la présente étude.
élément indispensable au foncti()Dn~ment normal d'ft notre vie pqysb- Les publications de Fr. Rüsche sur la pneumatologie ancienne se
logique, en passant par le pneuma des stoïciens, qui embrasse égale- rapprochent beaucoup plus de notre sujet. Il a paru de' lui en 1930
ment les activités _supérieures de l'homme, jusqu'au pne·uma imma- un Jivre volumineux, portant comme titre: Blul, Leben U1là Beele.
tériel de S. PauL Dans l'évolution postérieure de la notion d'eaprit lk,. Verhiiltnis nach AuffasStIlng cler griechiscken t,na; hellenistischen
(Geist), on se sert généralel;llent du term'€; vo'Üç pour désigner 1$ pa,r" Ânlike, CÙ,. BibeZ wnà cùr aUoo Alexa-ndrin4schen Theologen G. 'L'au-
tie supérieure ~e 1'homme, tandis que le pD.e~a, conune 8piriiul teur a traité une question analogue en 1931 dans un article de Theo-
vitalis, n'occupe que le second rang dans la hiérarchie des partie4J logie und Glaube: Pnewma, 8 eeZë unà Geist '1. En 1933 il a examiné
eonstitutives de l'homme. plus, spécialement l'évolution de la pneumatologie anci€'nne: Das
Cette étude de lE,l pneumatologiE' ancienne a été reprise plus tard 8eelenpneuma. Beine EntwickZung VCffl dei- Hauchseele zu,. Geistseele.
par Hans Leisegang: De,. heilig~ Geist. Das Wesen 'U-fld Wercù"" Em Beit,.ag ZUt" Geschichte der cmtiken Pneumalehre 8. C'est sur-
der mystisch-int-uitivtm ElI"ken.n.trti.s in der Pk,1osopkie "'~ ~~ tout ce dernier ouvrage qui nous intéresse: le but que l'auteur se
cle,. GriecM'n. J. B(lInà~ 1. Teil: Die tlorchristUCM-n Ân$ckauungen und propose coïncide dans une large mesure avec celui de la praseilte
Leh,.sn tJQm TCVEÜIlCl und cùr myst~ch-intuitifJe.n Erkennfnts •• L'all- étude; voici comment il-ledéfinit dans l'futroàuction de son opUS-
teur déclare dans son introduction qu'il se propose 'Un double but: cule: «La question se pose: comment le pneuma a-t-il passé 'de' sa
il veut résoudre d'a bord un problème d 'histoire religieuse, 'la gen~~ signüication sensible et intuitive de « souffle vital» à sa signüica-
de la doctrine ehrétie.nne SUr le Saint.,.Esprit G; il. veut traiter ~ tion abstraite et suprasensible d'âme immatérielle èt spirituelle! »'
même temps une question d '~istoire de la philosophie, l'évolution
• Paderbom.
a Arehiv für Gescllichte der Philosophie, XXVlI (N, F. X;X), 1914, pp. 1. .16. 1 Année XXIII (1931), pp. 606-625.
8 Padembom.
" Leipzig-Berlin (Teubner), 1919.
G Ibid., p. 4: cr. lst die Lehre vom beiligen Gei,aw grieehischeD. oder orienta- 1 Op. cit., p. 2: Cl Es fragt sieh: wie ist ei (1 savoir: le p~euma) von der

lisehen Ursprungsf» sinnlieh-ansehauliehen Bedeutung « Hauehseclc _ zu der abstrakt-unsinnlieheu


eüw immateriell-geiatiien Beele gelangt f ».
6 INTBOD'UO'r.tON TEBMINUS -AD QUE!! 7
II·faut reminiuerCePendant 'que Î8mjet- de Fr. Riische' est pt.' .. dans les 'veinesave~ le sang, est à. l'origine des fonctions bio1ogiques.
limité que -le ,nôtre:' il parle: exclUsivement· du pneuma .psyChique;. Le pneuma en arrive ainsi à s'introduire dans la science médicale
or la suite de cette étude montrera qtre le terme pneuma poasède' de l'antiquiU, où il occupe une place importante, principalement
encore d'autres significations, qui, tout en étant moins importan-, dans la doctrine de l'école sicilienne et dans l'école hippocratique
tes, ne peuvent. cependant pas être négligées, si-l'on- veut retracer de l'île de Cos. Cette pneumatologie médicale a éM reprise égal~
une image' cOmplète de l'évolution· de la pneumatologie ancienne. ment par Platon, Aristote et Dioclès deCaryste.
De plus, 1e nombre d'auteurs que Fr. Riisehe a 'examinés, ut· Le lecteur pourrait donc se demander pourquoi nous avons ne·
beaucoup trop restreint pour permettre un jugement fond6 tou- gligé d'examiner cette pneumatologie antérieure aux stoïciens, alor.s
chant l'évolution de la pneumatologie ancienne: après &'VOir -parI6 que ces conceptions semblent contenir en germe les doctrines ulté-
brièv~meDt de 'la doctrine du pneuma chez les stoïciens, ii paSse:- rieur€.~f La raison en est bien simple: c'est que nous n'y trouvons
A Philon d'Alexandr.je~ Origène ·etS. Augnstin; la' pneumatologie- encore aucune évolution dans le sens du spiritualisme. Or c'est pré-
deS . éColes médicales ~t celle dë 'Clément d'Alexandrie sont trai-' . cisément là le -problème qui nous intéresse. TI ne s'agit pas de dres-
tées dans son ouvrage Bl'Ut, Lebem. und8eele.n en résulte que· ser un tableau complet de la pneumatologie de tous les temps, maia
l~ouvrage de Fr. Rüsche, tout en étant intéressant, ne peut·pas de décrire avec précision comment la notion du pneuma s'est déve-
être considéré comme une étude exhaustive de la pneumatologia. loppée et s'est acheminée vers une signification nouvelle. C'est pour-
ancienne. quoi le point de départ de notre étude doit satisfaire à une double
. On pourra se rendre com-pte cependant que nosreeherches coïn- condition: il faut que la pneumatologie y soit encore matérialiste et,
cident ~n plusieurs endroits avec les siennes. Mais nous avons toa- en même temps, qu'elle commence à évoluer dans le sens du spiritua-
jours soumis les sourceS à un nouvel examen et si nos conclusions lismé. C'est le cas chez Zénon de Cittium, qui professe une pneuma-
concordent, on pourra y voir un indice sérieux d'une interprétation tologie nettement matérialiste, laquelle est cependant le point dé
objeetive des textes. départ d'une évolution spiritualiste.

2. LE TERMINUS Â QUO. 1 3. TERl4lNUS AD QUEH.

Les conceptions pneumatologiques remontent jusqu'à l'aurore de Puisque nous nous sommes proposé d'étudier l'évolution de }:)
la philosophie grecque: Anaximène enseignait déjà, durant la se- pneumatologie ancienne dans le sens du spiritualisme, il semb16
conde moitié du VIe siècle avant l'ère chrétienne, que le pnemna et assez indiqué de terminer cet examen lorsque ce point d'aboutisse·
l'air étreignent le cosmos, de même que l'âme, dont la substance ment est atteint. Si nous avions a~êté là nos recherches, la pr~
est de nature aérienne, est le principe de notre unité 10. Nous tron- sente étude serait beaucoup moins étendue, puisq~e ce pneuma spi-
vons donc très tôt les traits essentiels de la pneumatologie st:oi- rituel se trouve déjà dans le livre de la Sagesse et chez Philon d 'Ale-
cienne, à savoir que le pneuma est le principe de la cohésion, non xandrie. Nous ne serions donc même pas obligé d'étudiér toute la-
seulement des êtres individuels, mais de l'univers tout entier. Dit>- pneumatologie stoïcienne.
gène d'Apolloni~, philœophe et médec.in, présente déjà une pneu- Mais il ressortira des analyses ultérieures que la spiritualisation
matologie plus extensive: alors qu'il regarde l'air comme le prin- du pneuma chez ees écrivains de la Dispersion juive est manifeste-
cipe universel du cosmos, il attribue au pneuma ~n rôle important . ment le résultat d'influences paraphilO8Ophiques: en effet, on trouve
dans la physiologie humaine; en effet, ce souffle vital, circulant chez eux un passage brusque et inattendu de la signification maté-
rialiste que le pneuma avait dans la philosophie du Portique, à un'!
10 H. DIELS, Y,":,oMatiker G, 13[3] B, 2, Berlin, 1934, l, p. 95: olav'" "i'UX'i. signification nettement spiritualiste. C'est pourquoi ce résultat
«pT)OLV (seil. AnaXÏD1enes),. TJ TJJ.LE'tÉQU dl}Q oùoa. O\I"fXQal'EL ",~, xo.L éJMiv lQV n'était pas de nature à nous satisfaire, d'autant plus que nous avions
,,6of-LOv mEÜJW. "aL di}Q XEQLÉ);EI.. .
orienté nos recherches vers les doctrines proprement philosophiques.:
8 INTRODUCTION LA MÉTHODE 9

nous nous sommes donc demandé si" dans l'ordre de la pensée; pllNoo pas A pas le· développement de ces conceptions, à mesure qu'elles
ment rationnelle, en dehors de' toute influence paraphilœapbiqu~j se présentent dans leur ordre chronologique. Cependant nous nous
on ne trouve pas de traces d'une évolution de la pneumatologie,dan9 sommes écarté partiellement de cette méthode, parce qu'elle aurait
le sens du spiritualisme: nous avons été amené de la sorte Ac. parcou:- le grand inconvénient de nOU$ forcer à juxtaposer "et à entremêler
rir toute la philosophie postaristotélicienne jusqu'au néoplatonismc des conceptions divergentes, de sorte qu'il deviendrait difficile de
inclusivement pour rechercher ce pneuma de nature spirituelle. voir le lien qui relie des "doctrines pourtant très voisines l'une à
Nous en sommes arrivé ainsi à distinguer deux grands courants Pautre. C'est pourquoi nous avons adopté une solution moyenne
dans.la pneumatologie ancienne: d'une part, les conceptions des.mé- entre l'ordre chronollogique et l'ordre systématique: nous avons
decins et des philosophes qui n'ont pas subi d'influence étrangère à groupé en un seul chapitre la pneumatologie stoïcienne, en suivant
leur discipline et dont la pneumatologie ne s'est jamais dégag~ tot9- l'ordre chronologique des auteurs; la même méthode a été adoptée
lement des entraves du matérialisme; d'autre part,. la doctrined.'uu pour l'étude des pneumatologies médicale, néoplatonicienne et chré-
certain nombre de pe!lseurs de l'antiquité qui ont. subi des influences tienne; le chapitre consacré au syncrétisme philosophique et reli-
- -paraphilosophiques. Le point- d'aboutissement du premier courant gieux traite évidemment de concE:ptions moins homogènes, qui se
est le nooplatonisme, tandis que le second. trouve- son achèvement rapprochent pourtant par les influences multiples, souvent para phi-
dans, la pe"nsée de S .. Augustin: celui-ci, ayant fondu des conceptions losophiques, qui ont agi sur la construction de ces systèmes. Dans
chrétiennes et néoplatonicienues, constitue. le terme tout indiqué de le dernier chapitre, nous avons dressé un tableau synthétique et
notre étude. TI apparaîtra. d'ailleurs au conrs des analyses ulté· systématique .des différentes significations du pneuma, puis nOUJ
rieures que la. pneumatologie de l'évêque, d'Hippone constitue v.rai- avons entrepris l'examen des facteurs qui ont déterminé l'évolution.
- ment le point d'arrivée d'une longue évolution,_ en ce sens: q:u'il a de la pnemnatologie dans le sens du spiritualisme.
donn'é à la notion chrétienne. du pneuma un, contenu profondément
philosophique, qui lui a été suggéré, par la pensée néoplatonicienne.
Nous nous rendons bien compte cependant que le sujet est suscep·'
tible- d'un développement ultérieur: le pneuma est resté une notion
importante dans la pensée médiévale et même dans le système car.
tasien 11; mais une étude sur la pneumatologie. du moyen âge pr~
senterait des caractères différents de cene que nous avons entreprise,
parce que la spiritualisation y est achevée dès le début: il ne s'agit
plus alors que d'approfondir et de préciser le contenu idéologique.
de la notion du spirituel.

4. LA MÉTHODE.

Puisqu'il s'agit d'étudier l'évolution des doctrines' qui se ratta.,


chent à un terme philosophique, il semble tout indiq:ué de suiVre

11 H~, SrEBECB: (N'61UJ Beitriige l'Ur Entwic7cltlfl,g,ge,ohichfe. de, Geilt-Begritf••


Archiv t. Geseh. d~ Philos., XXVII (N~ F~ XX), 1913, pp. 1-16), cite plusieurs
auteurs qui entrent en ligne de compte pour un développement· ultérieur de la.
pneumatologie: Avicebron,. Juda Halévi,. Joseph Zaddik, Moise MaÙllonide,.
4.lexandre de Balès, Louis Yivè,. Mél~chton, TêlésiQS, F. Bacon et Hume•.
CHAPITRE PREMIER

LE ST;OICISME

La philOsophie stoïcienne a été considérée autrt.fois comme un


système assez uniforme, aux contours nettement marqués, qui tout
en subissant des retouches aeeidenrelles serait resté fidèle aux dog-
mes de son fondateur pendant les cinq siècles de son empire sur le
monde civilisé. En se basant sur certains caractères généraux qu'on
a pu observer au cours de l'évolution de ce système, on distinguait
d'ordinaire trois périodes, groupant chacune un certain nombre de
représt'ntants, dont l 'fudividualité n'était guère COLnue des. histo-
riens de la philosophie,'si ce n'est pour le stoïcisme de l'époque im~
1,
périale. Toutefois les monographies sur Chrysippe Panétius de
Rhodes 2, Posidonius 8 ont prouvé qu~ la philosophie stoïcie~ne est
beaucoup moins uniforme qu'on ne le pensait jusqu'ici et qu'on y
trouve autre chose que du psitta.c.i.sIoo: c'est pourquoi Albert Goede-
ckemeyer a. modifié dans l~ même. sens la cinquième édition de l 'his-
toire de la philosophie stoïcienne de P. Barth 4; en se basant sur les
fragments qui nous renseignent sur les doctrines particulières à
clfaque représentant du stoïcisme, il a pu suivre toute l'évolutIon
que cette philosophie a subie au cours de sa longue existence. C'est
ee que nous essayerons de faire également, non plus pour l'ensemble
de cette pensée philosophique, m8Ï$ pour la doctrine qui en constitue
la clef de voûte, à savoir la conception du pneuma: e:n effet,. nOJ]8 la
retrouvons au centre de la psychologie, de la théodicée et de la
. théorie de la connaissance du système stoïcien, et o'est par là qu'elle

1 E. BBŒIB, Chryripp4, Paris, 1910.


2 B. N. TATAXIS, PaMtiul dtl BhoM8, PariI, 1931 (Bibl ·d 'lIiItoire de la
Philos.).
a Ir. REIN'EWlDT, PO'Monio8, Munich, 1921; KOlfRo. und .8ympathill, Mu-
nie.h, 1926.
4 P. BARTH, Dili 8too, Se Aufla~e, Deq be~ ..beitet vo.. A. GQEDBCltIKBnB,
Stqttsart, 1941,
12 LE 8TOICI8!lE t~ STOICtSMÊ ta
pénètre ~galemènt dans I~étbique. De même que l'élan vital de Berg.. C[uÎ vIent du dehors: c'est l 'air env~ronnant que nous aspirons
son, la doctrine du pneulila_ n'est pas un point de départ de la pen· p.ans cesse et qui a pour fonction de modérer notre température
sée philosophique, mais plutôt un principe d'unification, qui pénètre naturelle (ëJL<putOV OEQJLOv); d'autre part, le pneuma psychique, qui,
les différentes brllüches du système et les unit d'un lien indissoluble: tout en étant matériel comme le. premier, cloit plutôt être conçu
elle se distingue à ce point de vue de certaines conceptions qui consti- comme un souffle chaud 8.
tuent plutôt un principe de solution des düférents problèmes philo- Ces deux souffles -se distinguent donc nettement dans la ptruée
sophiques, comme les idées claires e·t distincreB de Descartes et les de Dioclès par la fonction organique qu'ils ont à remplir et par
jugements .synthétiques à priori de Kant. leur origine différente: car l'air que nous aspirons vient du dehors,
La théorie du pneuma n'a pas été inventée de toutes pièces par tandis que le pneuma psychique est constitué par les exhalaisons
le fondateur du stoïcisme: bien avant lui, If, pneuma jouait un rôle du sang 9. Ce souffle vital se distingue également de la chaleur
important dans les sciences médicales, auxquen~ Zénon de Cittium organique, car c'est par la chaleur que le souffle se dégage conti-
semble l 'avoir emprunt~ par 1'intermédiaire d 'Aristote. Nous essaye- nuellement du sang 10.
rons de le montrer bi'ièvetn(!-nt, car la . recherche des origines loin- Une question très controversée entre l'école sicilienne et les
taines de cette théorie nous sera une aide précieuse dans l'interpré.. médeci1lS hippocratiques conc.ernait la partie du corps où le pneuma
ta tion de la pensée stoïcienne. psychique doit être localisé: d'après ces d(·rniers, en effet, le siège
Dans son étude sur Dioclès de Caryste, parue en 1938, le savant de ce souffle vital serait le cerveau, d'où il dominerait l'organisme
aristotélicien Werner J aeger a apporté des modifications impor- humain tout entiel" 11. Dioclès n'admet pas cette localisation du
tantes à 1'histoire de la médecine aux Ille et IVe siècles avant l'ère pneuma, il le situe dans le cœur, se rangeant ainsi du côté de
chrétienne 5: en effet, d'après M. Wdlmann 8 ce médecin de l'Eubée l'école sicilienne 12. C'est à partir du cœur que le pn€uma circule
aurait vécu durant là première moitié du IVe siècle: il aurait donc avec le sang dans le cor-ps tout entier et comme il se trouve non
été un contemporain de Platon, et ses conceptions auraient plI in- seulement dans 1e6 artères mais aussi dans les véinEs, il pénètre
f.Iuencer les théories scientifiqu~ d 'Aristote. W. J aeger a prouvé jusqu'aux recoins les plus reculés de l'organisme 18. Cette mobilité
de façon péremptoire, semble-t-iI, que la vie de ce savant médeciu extrême du pnt-uma joue un rôle très important dans la pathologie
doit être p1acée environ trois quarts de siècle plus tard. Ce change- et· la psychologie de Dioclès: car le pneuma psychique est principe
ment dans la chronologie nous -paraît être d'une importance capi- de mouvement ~t de connaissance sensibl~ U et si, par une cause
tale pour l'origine du stoïcisme: en effet, par ce recru Dioclès
devient le contemporain du fondateur de l'école stoïcienne, et nou! 8 Fr. Rüscm; Blut, LebeA und 8ede, Paderborn, 1930, p. 147•.
comprenons aisément maintenant la grande influence qu'il a e::terèoo 9 Fr. RÜSCBE, op. cit., p. 159.
10 Fr. Rüscm:, op. cit., p. 161; M. WELLllANN, op. cit., p. 78: «Eingepflanzte
sur l'éc1osion de la ~-nsée de Zénon 't •. On constate, en effet, une Wirme und Pneuma gelten ihnen (les médecins de l '6eole sicilienne,. d()nt
ressemblance frappante entre certaines théories médicales de Diocl~s Dioelèa dépend) als veraehiedc:ne Kl"ifte:-.· wihre.!ld- die-eme--deiit k_o~r von
et les th~s fondamentales du système stoïcien. D'après èe médecin Natur iDnewohnt, dringt- die andere erst von aussen in den Korper em. Die
grec, il faut distinguer dans tout être vivant: d'une part, un pneuma feinste Ausgestaltung des Pneuma, das nveOfA4 'VUXlXOv, hat ebenso .wie die
W"arme seinen ~itz im Herzen. Vermutlieh waren sie der Ansieht daas es von
G W. JAEGER, Dio'1eZe8 VOA Kary8to8, Berlin, 1938. - Recension dans: Tijd.. den reinen Ausdünatungen (civa6vf.l.u:i(JE~) des Blutes unterhalten wird. Dieae
8éhrift voor Philosophie, 2e année (1940), p. 403 sBq. par A. MBDSion. Lebre von der Verdampfung der SUte muss sikelisehes Dogma gewe&en sein,
8 M. WELLllANN, Die F'fQ.gmente der 8ikeliBoMfI. .lrzfe .d'1er"", PAiliniotl vad der Verfasaer von moi. X4Q3LTlC; und Diokles haben aie gekannt. Ariatotelea
de. Di.o'1ele8 von Karysto8, Berlin, 1901, p. 61. und die Stoiker haben sieh diesem Dogma angesehlo8sen:t.
., W. JAmEB., op. cit., p. 228. «Eudlich ist die Tatsaehe, dasa Diokles nun 11 Mo WELLlUNN, op. cit., p. 71 •
aIs überragende Erilcheinung am Anfang des 3. Jhrh. steht, von entseheide1lder 12 M. WELL1UNN, op. cit., p. 142, no 59 (FuCHS, ~necdota med. 5, 543).
Wiehtigkeit tür die stoisehe ?hilo80phie, in der die ~ehre vom P~e~ ~ 13 Mo WELLllANN, op. cit., p. 79.
:.tïttelpunkt 8wht », . 14 Mo WJ:LLKANN, op. oit., p. 79.
flueleonque, 'sa libre circulation est ·entra'\'éeJ
des maladies et ·des b.vec ia philosophie grecque, est un des membres les plus célèbres
. .
troubles de toute espèce en sont la coDSéquence. de l '~ole médicale de Sicile, Philistion: celui-ci a fait un voyage
C'est en partant de considérations d'ordre·philologique que W. Jae- à Athènes entre 370 et 360: il y aura rencontré Platon, et probable-
ger est arri~9 à mettre au point la chronologie de Dioclès: il a fait ment même le jeune Aristote, qui venait d'arriver pour suivre les
notamment une étude minutieuse de la. langue et du contenu des eours de l'Académie 20.
écrits de ce p.e·rsonnage, ce qui l'a amené à y découvrir des influen- Ce n'est pas seulement dans l'école sicilienne que le pneuma
ces inconÏestables d'Aristote; surtout en ce qui eonçerpe la méthode joue un rôle important; il 'occupe égalem~·nt une place de premier
de l'investigation. Si nous comparons mainunant la pneumatol~gie ordre dans les écrits hippocratiques: là aussi on attribue au pneu-
de Dioclès avec celle d 'Aristote, nous constatons également de nom- ma des fonctions vitales très importantes 21. Cependant là où 1€S
breux points. de -contact: le Stagirite, en effet, parl~ aussi d'un théories de 'l'école sicilienne s 'écartent d~s doctrines hippocrati-
double ?~e~: d'une'.part, l_'air que _nQUS aspirons et qui -pour . a ques, les stoïciens donne·nt la préférence aux premières. Il y a sur-
-fonction de garder notre température interne ·au point. norma1 11, tout deux. problèmes auxquels ces écoles ont donné une solution
et, d'autre part, le pneuma psychique, qui s'exhale continueUement div.ergente: d'après l'école hippocratique, le souffle est aspiré du
du sang sous l'infiuence de la chaleur naturelle: c'est ainsi que, dehors et transformé 't·n pneuma psychique, l'école sicilienne au
pol11' Aristote, le pneuma psychique est le sujet de la chaleur vitale contraire (ainsi que les stoïciens) prétend que le aUIL<p\ItOV :ltVEÜJ.lŒ
et le premier instrument de l'âme (:ltQw"tov oQyavov) 11. En ce qui s'exhale du sang 22; d'après l'école hippocratique, le pneuma. est
concerne la localisation du pnt'uma psychique, Aristote adopte 1& localisé dans le cerveau, tandis que les médecins de Sicile (ainsi que
même solution que Dioclès, qui est en même temps celle de l'école les stoïciens) font •partir les courants pneumatiques du cœur1 centre
sicilienne 11. Ce rapprochement, tout en étant sommaire, nous per- de la vie humaine 23.
met cependant de conclure que pour les points essentiels de la Co. bre·f aperçu, qui sert d'introduction à un exposé plus détaillé
doctrine du pneuma, il y a accord parfait entre Aristote et Di~ès; ,des conooptions stoïciennes, montre assez clairement combie·n le stoï-
cet accord ne .peut s'expliquer que par l'influence exercée par le cisme a été influencé par la science médicale,et principalement par
premier sur le second, du moins si l'on tient compte des données i 'école sicilienne, dans 1'élaboration ~e sa théorie du pneuma.
c~onologiques établies par W. Jaeger.
Si nous voulons remonter encore· au-delà d'Aristote, nous retrou· 1. ZÉNON DE CITTIUlL
vons égal~ment les théori4!S fondamentales qui ont trait au pneuma.
Platon admet la fonction modératrice accordée à l'air.:que nous Lorsque par suite d'un nStufrage le fondareur du stoicisme abord4
aspirons 18, de même que l'exhalaison du sang sous l'action de la vers l'année 315 à la côte d~ l'Attique, il subit aussitôt l'emprise
chaleur vit.ale 19. On peut· se 4emander évidemment d'où vient cet de ce centre intellectuel du monde civilisé et il s'appliqua à ia
accord singulier entre les théori.es scientifiques des grands maîtres recht·rche de la vérité et du bonheur 24• Po~r l'él':lborationde son
de la pensée philosophiqut'J et les conceptions médicaleS de l'école
20 ·W. JAltOER, Dio"le. 17,", Kaf1/.to" p. 219.
sicilienne' L 'homme qui a réalisé le contact de la science sieilienne . 21 FL RüsCllB, op. cU., p. 117 IBq. et 164 uq.
15 FR. RUSCRE, op. oit., p. 209, et W. J.AJIOD, DM PMUmG lm Ly7eeiort., Her- 22 lB., p. 1l8' ssq. et 137 ssq.
mes, xvm (1913), p. ". 2S W. JAIlGD, Diokle. t10A Karg.to., p. 214-215.
18 FR. RUSCRB,.oP. cit., p. 220 ssq., 228 IBq., 235 ssq. - W 1 JAmD, orle cit" 2' La ehronologie de l'ancien .toïeisme eat une question três diseutée 1
p. 50, Do 1: • Man konnte bei Ariatotelea du Pneuma Subjekt der Wirme nec.- cause des renseignements qui nous sont fournis la. ce sujet. Pour de. raisons
hen. Bei den Stoikem hat aie keins notig weil lie KOrper ist:t. que nous ne pouvona exposer ici, nous adoptou la solution suivante; l'&ctiviU
11 FR. RüSCB:K, op. oi:f., p. 200 .BS(J. - W. J.dGD, art.. cit., p. 50-51. philosophique de Zénon s'6tend de 315/4 la. '262/1; C16anthe, son sueceeaeur,
18 FR, RÜSCRE, op. cit" p. 139. a 6t6 la. la tête de 1'OOole jusqu'en 233/2; l partir de sa mort ObrylJÏppe en &
111 lB., p. 154 B&q. 6t6 le chef jusqu'en 204.
16 i1
sYstème ii pouvait iroUvel· une aide préeiênse dans la nèphÜoSoph!.:. pouvait guère susciter· de doute, Zénon en concluait que le principe
que et scientüique quise eoncentrait principalement autour du vital est corporel: rltv ôÈ ouaLav aurijç (sei!. riiç wuxiiç) ot JLÈv <Ïaw-
JLQ'tOV "Eq><l<Jav, <OÇ
e I1,\'
lI.a'tcov, 0 1 oE
St'
<JCOJA/l'tlXT)V
,y
Et.vaL, wç
c: Z'lvcov
' ml 01 È~
Lyc~, dont Théophraste avait assumé la direction depuis la mort
d'Aristote; en ce qui concerne spécialement la théoriGdu pneuma, autoü. nVEÜJLa yàQ eIval. 'tautTJv {,3tEVOT)aQV xat oU'tOI. 18.
on peut dire qu'à ce moment-là déjà cette notion étaitfondamen- 11 n'est guère douteu que, pour· Zénon, le pneuma est qudque
tale dans les sciences médicales. On le verra clairement par la .suite chose d'essentiellement matériel et corporel. Ces deux termes n'ont
de cd exposé, c'est ce pneuma biologique que Zénon a introduit pas exactement la même signification: nous verrons, en effet, qu'au.
. dans son système et il e& a fait une notion vraiment p.hilosophique. cours de son évolution yers la «spiritualisation» complète, le souffle
Ce ne sont pas, en effet, comme chez les natura1istes ioniens, des psychique a été conçu cc.mme une réalité incorporelle, tout en étant
considérations d 'ordre cosmologique qui sont A l'origine de ce DOU· matériel..
veau système~ mais bien plutôt ··certaineS- doetrinespsychologiques, Tertullien nous a conservé la preuve par laquelle Zénon essayait
si du moins on donne A ce terme un sens assez larg~, embraœant d'établir que notre principe vital est une réalité corporelle: cette.
tout ce qui a trait A l'explication de la vie 2G• Cette observation, qui argumentation est d'autant plus importante qu'elle a gardé dœ
a une importance méthodologique très grande dans l'interprétation traces de l'évolution que la philosophie du pneuma a suivie:· « Deni-
des doctrines stoïciennes, a été faite autrefois par L.Stein, mais il que Zeno 'consitum spiritum' definiens animam, hoc mod~ instruit:
ne l'a pas appliquée suffisamment dans l'exposé du Système 2G. 'quo' inquit 'digresso a:c.imal emoritur, corpus est; consito autem
Le pneuma· n'est donc pas en premier: lieu un prilicîpecosmolo- spiritu. digresso, animal emoritur; ergo consitus spiritus corpus est;
gique, à partir duquel on peut ~xpliqu.e~ la constitution matérielle consitus autem spiritus anima est; 'ergo corpus est anima' » 29.
de chaque réalité; il apparaît comme un principe individuel de vie: 28 Ps.-GAL., Hm. phil., 24; ·Stoiccn-um l1eterum fragmefl.ta, ed. J. 'VOK
c'est pourquoi nous pensons que la philosophie de Zénon s'inspire ARNIM, Leipzig, 1905, l, 136 (abréviation: SVF): Les uns disent que la sulr
davantage des sciences médicales que d$ conceptions d'Hérae1ite~ stance de l'âme est incorporelle; c'est l'avis de Platon. D'autres au contraire
« Pour les Stoïciens, nous dit S. Augustin, l'âme n'est que dû disent qu'elle est corporelle, c'est la doetrine de Zénon et de ses diseiples.
souffle (spiotus») 27: c'est là,semble-t-il, une traduction simple Cat. ceux-ci également estimaient qu'elle est «pneuma ».
\ Variantes: OOOJW.'t'a. XLVELV A
mais exacte c:le la pensée de Zénon: ~n effet, un être qui vit, respire, oooJW. cruyxLVOUV B
et quand il cesse de respirer, c'est un signe infaillible que la vie l'a corpus simul aeeum movens N
quitté: c'est par ce·tte simple constatatio~ que Zénon, ainsi que la Corrections an texte: Waehsmuth, s'appuyant sur N: GooJA4 GooJA4'fa. o.J.W. XLVOVV
plupart des médecins, ont été amenés à voir dans ce souffle vital le Usener: oooJW. 'fa. oooJW.'t'a. XLVOUV
principe de la vie; et Ct·mme le earactère matériel de ce 'souffle ne Diela: oooJW. Éa.vtO XLVOVV ou bien oooJW. É~ Éa.vtOU XLVOU-.
JAEVOV
,"on Arnim.: 01 8e <
OOOJW. 8ta. 't'o > O<OJW.'t'a. XLVELV
25 Sur le lien entre le stoïcisme et certames docttines médicales cf, 1i!. ta leçob. ongblale nous parait être: o<OJW.'f~1)v eLVCJ.L :
BRfUIER, Hi8toire ik 14 Philo80pMe, I. L'.dfl.tiquité et le moyea 4ge, p~ 293- 0) ainsi-ola phraSe ·devient parfaiteblent symétrique)
296. 11) ce rapport 'troit entre le matériel et le pneumatique est affind tria.
28 Die Psychologie der 8too, Berlin, 1886, l, p. 12:, c Du gimie feingeglie· clairement; par lea .toieieDl: Am'us, Plac., 1, 11, 5 (Dozographi graeci, ed.
deTte, konsequent ineinandergefügte stoiache System der Philosophie beruht H. DIELS, p. 310): 01 &è ~'t'<OLXOt ",ana. 'fà a.t't'ta. (J<OJW.'fLXa· nvEUf.&CJ.'t'a. ydQ.
wesentlich und vorzüglich aul der Psychologie•• Die leitenden Motive der atoi- - ~BXT. ElO'Dl., P1/rr'h. HlIp" 2, 81: '(0 &è faY!f.I.OVLXOV (Jci)JUI, Ëcrn yàQ xa.'(' en,..
sehen Physik und Metaphysik sind vorzugsweÎ8e· psycbologi:ac.b.e; ·den Grundz~g 't'~ KVEÜJW.;
ihrer sensuallstischen. Erkenntniatheol'ie bildet wiederumnnr die Psychologie; c) eette leçon se justifie également du point de vue paMographique: (JOOJW.·
du eigentliche Wesen ihrer Ethik, die stark ausgebildete Lehre von den Aflek· devient facilement (Joof1CJ.'t'a. XLVELV, puisque la terminaison a.Io
't'LX1)'Y ELVa.L
ten, rnht endlich erst recht linl paychologiaeher BaBis:t. est généralement abrégée.
21 AUGUSTIN, De C'~t. Dei, XIV, 2; ed. HOPFlUNN (CSEL, XL, 2). V"1eJllle 20 TERTULLIEN, De anima, c. 5. Cf. SVF, l, 131. D'après W. Jaeger (Ne-rM'
1900, p. 2. lÏoI 170ft. Eme8a, Berlin,· 1914,· p. 94-95), la source lointaine d'où dérivent ce.
la tE èT6IOIAYI 19
H.Gomperz, s ;appuyant sur un texte de Chalcidius (1ft Tim. 220):.- Le point de- départ du raisomlement est la définÎtlon de l'âme:
propose la correction suivante: «quo digresso animal emoritur, «(consitum spiritum definiens anim~m);; cette définition n'a évi-
anima est; consito autem spiritu digrœso, animal emoritur: erg.;
0 demment pas besoin d'être prouvée. C'est pourquoi la cOrn:ction de
eonsitus spiritus anima est. Consitus autem spiritus corpus est: Gomperz n'e9t guère admissible a'près ce bout de phrase, qui intro-
ergo corpus est anima » 30. duit le raisonntoment: en effet, le syllogisme de Tertullien aboutirait
Ce texte doit être soumia à un examen plus approfondi. Et tout alors A une conclusion qu'il avait présupposée d'abord comme base
d'abord, quel est le but exact que Zénon se propose! Que veut-il dit son argumentation: c( ergo consitus spiritus anima est ». H. von
prouver f - Que l'âme (st une réalité corporelle. En effet. noUS Arnim fait remarquer très justement à propos de ce syllogisme:« mi-
lisons dans la conclusion du syllogisme: c( ergo corpus est anima ».0 hi etiam formaDi syllogismi apud Tertullianum traditam defendl
Le point de départ de l'argumentation, c'est que l'âme est p~r défi~ posse persuasum est. Nam verba 'consitum spiritum dt,finiens ani-
DÎtion un « consit1lJl_ spiritus»: «-consituÏÏi- spiritum--definiens ani- mam' fundamentum indicant, cui Zeno hunc syllogismum super-
mm ». C ;ut donc en partant de la corporéité du cc consitns spiritus », struxit» 32.
que Zénon prouve que l'âme est corporelle. Pour' que son argumen~ Ce que Tertullien essaie de prouver dans le premier syllogisme,
tation soit irréprochablto, il doit prouver deux choses: que l'âme est c ~st donc que le comitus spiritus est une réalité eorportUe: « quo
un cc consitus ospiritus» et qu'un cc consitus spiritus J) t'St une rêalité digresso animal e~oritur, corpus est; consito autem spiritu digI'€ssO
corporelle. . animal emoritur; -e°rgo consitus spiritus corpus est». Nous trouvons
Qu'un souffle soit corpo~l, cela semble avoir été pour Zénon une dans ce raisonnement un remaniemeont de °la pensée originelle de Zé-
vérité immédiatement évidente, qui n'avait donc pas besoin d'être non, remaniement qui, au premier abord, peut paraître ass~z singu-
prouvée; mais ce qu'il importe de prouveor, c'est que l'âme t'St un lier: il s'est produit probablement sous l'influence d'une argumenta-
cc consitus spiritus ». Cette preuve nous est transmise par Chalci- tion assez voisine, par laquelle Chrysippe prouve le caractère corporel
dius: « Spiritum quippe animam esse Zeno quatorit hactenus: quo de l'âme humaine et qui nous a été conservée également par Tertu!-
recedente a corpore moritur animal, hoc ce,rte anima est. Naiurali litn: « Sed et Chrysippus manum ei (scil. Cleanthi) porrigit, consti-
porro apiritu recedente, moritur animal: naturalis igitur spiritus tu~ns corporalia ab incorporalibus dere1inqui omnino non posse
anima est» 31. n semble donc bien que la cor~ection de Gomper~ quia nec contingantur ab eis (unde et Lucretius, tangere enim et,
rend exactement la pensée originelle de Zénon. tangi nisi corpus nulla potest res) ; derelicto autem corpore ab anima.
Quant à savoir quel est le texte originel de Tertulli~on, c'est là affici morte. Igitur corpus anima, quia nisi corporalis corpus non
évidemment une question tout à fait dilférente: en effet, bien qu'il derelinqueret» aa~ On trouve le même -raisonnement chez Némésius,
ait l'intention de ne point tràhir la pensée de Zénon, il envisage 6vêque d'Emèse, qui, lui aussi, le met au compte de Chrysippe 14.
cependant le problème sous un angle différent par suite de l'évolu.. L'examen de ces textes nous permet de conclure que la théorie
tion qu~ la pneumatologie a déjà subie. Et puisque cette évolution du pneuma, du moins dans sa pre·mière origine, est d'un empirisme
va dans le sens d'une « spiritualisation » de plus en plus nette, com- immédi-.t et.lM! présente· rien d'une doctrine philosophique profonde:
me nous le verrons dans'la sui1le, ce qu'il importe surtout de prou· cependant au cours de son évolution ce terme perdra de plus en plus
ver aux yeux de Tertullien, c'est qUe le spirit1l6 est corporel. ses attaches matérielles et deviendra insensiblement. une notion bien
Si l'on tient compte de ce changement de point de vue, le raisonne-
ment de Tèrtullien devient parfaitement compréhensible. 0
SVF, p. 38 DOte.
12
TftTULLIJ:N, De caAitt&Q, 5; el. SVP, n, 791.
Il
renseignements de Tertullien serait Poaidonius, par l'intermédiaire touteloia .. Ntldsms, D• .at"rG homit&", Co 2, p. 53 MA'1"l'JLUIj SVF, II, 790. L'ac-
de Soranus, médecin célèbre du début du Ile siècle de notre lre. cord entre N6mésius et Tertullien, que noui venons de constater, l'explique,
30 Tertullwnea, Vienne, 1895, p. 62. Cf. SVF, p. 38 note. d'après l 'hypothèae de W. Jaeger, par le fait que POlidonius serait. en der·
al CluLc IDI us, In Tim" ed. Job. WROBEL, Leipzig, 1876, Co 220. Dière analyl8 la lOuree eomlDune de eea deux auteurs.
ZÉNON DE CITTIUM 21
fixe du vœabuiaire philosophique. S'il n'en ·était pas ainsi au· début, - Cette définition stoïcienne de l'âme semble embrasser un double
ce fait 8 'explique par l'origine scientifique du terme et par ·le maté- élément: en effet, si on la définit comme un souffle chaud, il semble
rialisme radical de la philosophie stoïcienne: le pneuma psychique bien qu'on puisse y distinguer deux éléments constitutifs, le pneuma
était conçu d'une façon tellement matérielle qu'on considérait t.oute ~t la chaleur ou le ,feu. Faut-il donc dirJ qU€', d'après le .stoïcisme,
perte de sang comme e'ntraînant la disparition d'une partie de l'âme, 00 n'est pas seulement 1'homme qui est composé, mais que l'âme elle...
étant donné que le pneuma psychique s'exhale continuellement'. du· même n'est pas simpleT - Telle n'est pas cependant là conception
sang 311. de Zénon, car il affirme nettement que ces deux éléments doivent
, Lorsque. Zénon déclare que l'âme .humaine est un -souffle, il se être identifiés 38. L'âme n'est donc pas composée, ou plutôt elle ne
distingue nettement d 'Aristote, puisque celui-ci considérait le pneu- l'est pas d'après la doctrine des éléments admise par Zénon: sa sub·
ma commte le premier instrument de l'âme, sans l'identifier avee stance est constituée d'un seul élément corporel, celui qui, dans la
elle; il se sépare également des médecins dont il dépend, car il se série des (Jt'olXELa, occupe la première place. Cette identification du
met à un autre plan de-la réflexion humaine: en effet, lorsqu'il re- pneuma et de la chale-ur semble être une innovation dans la philoso.
connaît au principe vital étudié par la science médicale, une port6e phie grecque: nous avons dit plus haut qu'Aristote, Dioelès et les
philosophique, il lui fait subir par le fait même. une transformation médecins de l'école sicilienne distinguaient soigneusement ces deux
radicale, car il le plOpose maintenant comme l'explication demièrs éléments: en effet, le médecin d'Eubée explique l'exhalaison du
de la vie. pneuma psychique par l'influence de la chaleur, ce qui lui enlève
Nous n'avons donné jusqu'ici qu'une détermination générale du toute possibilité de les identifier; Aristote, de son côté, considère le
principe vita1 d'après la doctrine de Zénon; bien que nous ne d,ispo· pneuma psychique comme le sujet de la chaleur naturelle. L'ide-nti·
sions que de fragments épars, nous essayerons cependant de les rap· fication que Zénon préconise nous permet de dire que, dans sa pen-
procher les uns des autres pour en faire sortir un système cohérent sée, le pneu ma psychique doit être placé au rang le plus élevé dans
en ce qui concerne la constitution du pneuma en lui-même et sesrela- l'ordre· des réalités, puisque le feu occupe la première' place dans la.
tions avec l'organisme. Ce pneuma psychique est généralement décrit série desléléments. Cette promotion du pneuma nous paraît être une
comme uIJ souffle chaud, qui pénètre, anime e~ meut le corps tout conséquence immédiate de son· identification avec l'âme elle-même,
entier 38. Cette définition n'est d'ailleurs pas propre ·au fondateur tandis que, pour Aristote, il n'était que l'instrument premier de
de l'école: Diogène Laërce l'attribue également à Antipater de Tarse l'âme.
et à Posidonius: elle fut d'ailleurs considérée dans l'antiquité comme Si nous voulons pénétrer davantage la nature du pneuma psychi·
la doctrine universellement adtniSê au Portiq:ue 87. que, nous devrons donc essayer de préciser l'essence dt) l'élémen~
unique qui le constitue: quelle est la nature exacte de· cet élément
811 NtdsIus, De nat. hom., c. 2, PG, XL, 541: xa.1. 'fatna. f.Lh XOLvQ nQbç
:rC(ivt~ 't'o\;ç ÂÉyOvt~ oooJUl dvaL 'tÏ)v ,,",xtiv. "lôu, ôè nQ~ ôo~at;Ovtaç alJUl ij
pneumatique dans la philosophie stoïcienne' On distingue assez
,,",xll
:rc\'riiJUl dvaL "ti)v v, btt:~ 'toù attw'toç ij 't0'Ü nwUJUl'toç XCOQLtOJdvOU vexow. généralement deux espèces de feux: « le feu grossier (l1.tqvov) qui
-taL 'to t'i>ov, oUx lxEivo QTI'tÉov, &tEQ 'tLVE; 't'Wv otoJdvcov dvaL 'tL yEcpQClCPlixaa~ traDsforme le combustible en sa propre substancë-; le feu artiste
ÀÉyOvtEÇ' oVxoitv (hGV f'ÉQoÇ WtOOQut1 'to'Ü atJ.U1'toç, f'ÉQ~ &tOOQVÔ 'ri\~ ,,",xii;· ( tqvLXOV), qui, étant principe de croissance et de sensation, se
Ce texte se rapporte prob&blement aux conceptions de Zénon:, en effet, aprè'
trouve dans les plantœ et dans les animaux et· qui est done l'âme
la réfutation de cette doctrine, Némé~ius expose les idées de Cléantbe et de
Cbrysippe; il est donc bien probable qu'il traite de Zénon dans ce qui prêeède. végétative et animale» a9.
36 DIOG. LA., VII, 157; SVF, 1, 135: ZtiV(l)V ôè: 0 KL't~ •.•• mWJ.U1 lvOEQflOY
dVo.L "ti)v "",""xtiv. ToVr'll Yà.Q 'H~ dvaL btl.3tV6ou; xafimo 'foVrou xLvEioOaL. 38 B11I't18 D'ÉPBtsE, De part. hom., p. 44, ed. CL!NCB. SVF, l, 121: 8EQJW.OLav
37 TBioDORET, Graeca.rom affection'U/lTl, curatio, 5, 18, PG, 83, 929: Ot ôè ôÈ xo.1. :tVtÜJUl Ztivcov't'o U'Ü'tO dva' cp110LV.
1:'too'ixoï m'EUJUl'tLXTtV :rtÂELatOU flE"tixouoav 't'Oü OEQJWÜ (seil. Ti)v ,,",xtiv). Il Â.JlIU8 DID., EpU. Ir. phy,., 33. Dozogr. 461: 3Vo yciQ yÉvI) 'tUQOç, 'to ..,tv
N:bŒSIUS, De n.at. hom., c. 2, PG, 40, 536: 0\ fA.Èv Yà.Q 1:'tco'':xo1. :rtVei'iJUl MyOUOL'Y U'tExYOV xa1. fJEfu6WJ.ov dç Éo.mo "ti)v 't'QOqnlV, 'to ôi TEXVLXOv o.v;TI'tlXOV TE xa,
aVrtiv Ëv6eQttOv Kaï ôui."wQov. 'P'lq'l'tLXOv, olov h 'foi$ «pvtoiçËan xai ~~o'$, ô Ô" 'l"'m·
cpUo'$ ËOT' xa1.
LE STOIClSME ZtNON DE OITTIUM 23
22
Ce feu artiste eonstitue également· la substancE: du soleil et d~ tout, un pneuma igné et créateur)): cette force qui pénètrt· la
tous les corps célestes: d'où il rés:n1te que le principe vital dans les réalité entière, il l'appelle la nature ta.
plantes et dans les aut.res vivants est de la même nature que 1~6 Cette conception de la nature· ressemble assez bien à celle que
corps célestes: par€·nté qui est reconnue également par Aristote 40. nous trouvons· chez Aristote: lui aussi considère la nature comme
Cette ~onception ne doit pas nous surprendre, puisque nous sa~ une force immanente, « un principe et une cause de mouvement et
vons que dans l'antiquité les corps célestes étaient universellement de repos pour la chose en laquelle elle réside immédiatement, par
considérés comme des êtres vivants. Mais c'est surtout dans le essence et non par accident») H.
stoicisme que Cf:t élément a pris une importance de premier ordre: Cette force immanente se trouve non seulement dans les animaux
il &C3t vraiment le xa't' È;oVIV atoLXeLov, principe de vie et de et dans les plantes, mais aussi dans les quatre éléments. Cependant
mouvement et terme dans l€quel, à des périodes régulières, l'in- nous ne touchons pas ici à l'explication dernière du mouvement
comparable richesse de la nature se résout (lxm)~roalç). _ _ dans le monde: si nous voulons remonter jusqu'à la source premi-
Ce feu .artiste est certainement, danS la pensée de Zénon, une ère de ce mouvement, nous arrivons au premie·r moteur, qui par
réaliU corporelle. En effet, pour un stoïcien l'activité du pn~'uma l'attraction qu'il e·xerce sur la réalité corporelle, €St principe de
serait tout à fait inexplicable, s'il n'était pas un principe corporel, son mouvement: Nous verrons plus loin que les stoïciens n'ont pas
~ar tout ce qui agit est corporel 41 • C€-tte conception n'est pas pro~ suivi Aristote dans sa recherche d'un principe suprasensible dans
pre, d '~illeurs, au stoïcisme: on la trouV'e également sous la plume l'explication dù "monde. 1

d'Epicure {2. Cependant le fait de distinguer le feu artiste du feu D'autre part, en faisant de ce feu artiste une force intelligente
grossier €·t de leur accorder des caractères nettement différents, le « qui s'avance méthodiquement ), ils ont encore suivi Aristote dans
fait aussi de présenter ce f~u artiste comme une âme qui pénètre sa conception téléologique du monde; et c'est un des points où
jusqu'aux recoins les· plus reculés de 1'organism~· pour y produire l'opposition entre le stoïcisme et l'épicurisme eSt le plus marquée:
la vie et le mouvement, tout cela montre clairement que pour ~énon en effet, te que les épicuriens ont combattu sans relâche, ce sont
cette force pneumatique ne doit pas être mise sur le même pied l€s fausses conceptions répandues sur· les dieux, comme si ces êtres
que les autres réalités matérielles, mais qu'elle constitue vraiment supérieurs s'occupaient des affaires humaines €·t des troubles d'ici-
une énergie d'un ordre plus élevé, et qu'elle est par conséquent bas; c'est pourquoi Épicure a logé les dieux dans les intervalles
plus subtile, plus souple et infinim€'Jlt plus mobile: c'est pourquoi des mondes <JA.Et'axoO',.LLa, intermll.ndia) 45: ainsi tous les ponts sont
nous croyons saisir dans cette opposition du feu grossier et du feu rompus entre la sérénité de l'Olympe, où logent les dieux, et l'in-
artiste les premiers indices d'une évolution dans le sens d'une dé- quiétude de ce monde, où tout se passe selon l€s lois mécaniques de
matérialisation. la matière. Les stoïciens, au contraire, font pénétrer le feu créateur
D'après la conception de Zénon, il y a donc une €spèce d'élan au-d€dans de chaque être pour lui communiquer la vie et le mo_u-.
vital, « un feu artiste, qui s'avance méthodiquement pour animer vement: ainsi Pâme- humaine participe à ce feu créateur qui anime
40 ABIST., De geMf'. onim., II, 3, 736 b 33: nuyt(J)'Y .... èv yàQ bo 'tep cmiQ,Ia:n
Ëv\ntUQXEL, onEQ nOLti: yOv\JUl dvaL 'tù onÉQJUl'tu, 'to xa.ÀoojJEVOV OEQ,...m.. ToÜ'to 43 CIctBoN, De flot. deonlm, II, ~1, 15, 32 et 22: Zeno igitur naturam ita

ô' 0" m;Q oüôÈ 'towtrn, ôlivaJ1lç Èonv, cU.Mi 1'0 ÈJ.UtEQW1fl6av6,...evov Èv 'ti; cmiQ- definit ut eam dieat eS58 igncm artifieiosum ad gignendum progredientem
via. - DIOG. ~, VII, 156, SVF, II, 774: 30xEi 3' a.Vto'iç (seiL 'totç l:'tooücotç)
JUl'tL xai. Èv 't'P ciCPQ<OÔEI. nvWJUl xai. Ta bo 't'il nvEUJUl'tL qnjoLÇ, civ<Ü.oyov oVao. 'tcP
'trov üO'tQ(I)V O'tOllEl<P. _ -ri)v ,...hr qroOLV dval. miQ 'fEXVI.XOv, b8ep ~8~ov EIç yMcnv, OnEQ ËO'tl moEiiJ.Ul
41 CIctBoN, ..4.cad. Polit., l, 39. SVF, l, 90; Amus, PÙIC., IV, 20, 2; mJQOEl.Ôèç xai. 'tEXVOEl.Ôéç.
Do%og,., 410: nciv YÙQ 'to ôQOOv Ta xai. nol.OÜV oroJUl- 44 AmST., Phy,., B, 1, 192 b 20: ooç OÜ01)ç 'fiiç qnjOEO>Ç &Qx'\ç 'tLvOç xat at'tCaç
42 DIOO. LA., X, 67: OOO'tE OL ÀiyOVlE; ciowJUl'loV dval. rltv ,,",X1)V f14'ta~ovol.'Y. 'toü xLwirial. xal TtQe ....Eiv i:v «P intUQXEI. 1tQw'tooç xa'Ô"' aVto xai. fl1) )ta'tù 0'U~6~61lx6ç.
OUôÈv YÙQ liv lôVva'to ~OLt'iv ME n«OXElV, Et -1)v 'tOWÛ'tTJ . vijv ô' tvUQy~)Ç ci~1'Eqa .5 L. RoBIN, Lo pefl.lée grecque et le, origine, de l'espri' ,cie""fÜlue. Paris,
'tuma lhaÂ.a.fl6Uvel'o,L nEQi. ,",v ,,",X~v 'tù O'U~WJUl'ta., 1923, p. 391.
·LE STOICIS1dE ZtNON DE CITTIUM
25
le monde; notre pneuma. psychique sera une parcene de· eette fOreQ; Le terme àVQ-3uJLla(JlÇ, dont Zénon et après lui les autres stoïciens
diVine, éparse dans la réalité tout entière. se servent pour désigner la nature de l'âme, n'est pas un néolo-
TI y a donc, même dans le monisme stoïcien, une certaine opposi. gisme philosophique; il était déjà un terme usuel dans la philo-
tion entre la force animatrice de l'univers et l'élément matériel, sophie antérieure. Héraclite distingue deux espèces d'exhalaisons:
qui se laisse modeler par cette pllissance créatrice. Cependant cette d'abord celles qui se dégagent de la mer: elles sont limpides et pures
opposition, qui dans la philosophie antérieure, surtout dans le dua- et se'rvent à entretenir le feu; ensuite, celles qui se dégagent de la
lisme platonicien, était très accentuée,' est réduite maintenant à. une terre: elles sont obscures et servent à l'entretien de 'l'élément humi-
simple düf-érence de degré dans la matérialité: ainsi, chez l'homme, de 48. Une opposition analogue se retrouve chez Aristote: il distin-
il y a une eonnaturalité très intime entre le pneuma psychique et gue, d'une part, l' atJLI.c;, qui est une vapeur humide et chaudè:
l'organisme corporel: car le souffle vital n'est pas introduit du c'est, d'après le vocabulaire aristotélicien, de l'eau €'n puissance;
dehors (9uQa3Ev); on dit généralement qu'il est: CJVIlCPUÈç flIlLV··. d'autre part, l' ava-3uJLLa<JloÇ, qui est une exhalaison sèche et chaude:
Cet~ expression· ne prend' toute -sa sigirlfication que 'si on la met o 'est du feu f:n puissance 49.
en lumière au moyen d'une autre conception stoïcienne, à. savoir Par là nous pouvons préciser davantage la signification du ter-
que l'âme est une exhalaison du sang ou du moins qu'elle se .nour· me dont se servaient les stoïciens pour désign€'f la nature' de 1;âme:
rit des effluves qui se dégagent du sang". il n'est pas douteux ('n effet que 1'àvedh'JLLQ(JLÇ signifie une exha-
laison sèche, limpide et pure qui se dégage continuellement du sang
et qui sert à l'e~tretkn de notre pneuma igné.
48 M4CBOBE, SOfMJ. ·S~., l, 14, 19, Do~gr., 213: Zeno eoneretum corpori Mais n 'y a-t-il pas une très grave difficulté dans ce renouvelle-
apiritum (seil. animam dixit esse); TEBTULL., D8 Oft., ed. BEIFFEB$CBEID et G. ment ininterrompu de la substance de l'âme T En effet, cette concep-
WISSOWA, CSEL, t. XX, p. 304: Denique Zeno consitum spiritum definiens tion paraît recéler des apories insolubl€s contre l'unité de la consci-
animam i --. pour les stoïciens en général: GALIEN, Comm. 5 ift. Hippocr. epid. 6, ence humaine: est-ce que la permanence du moi ne s'évanouit pas
ed. Bas. V, 510 K XVII B 250 (SVF, II, 715) oUl,UPU'fO'V m·wflo. j GALIEN',
1f1.troo. 1. fRedictu 9, ed. Bas., IV, 375 K XIV, 697 (SVF, II, 716) Èf"'litou
n6cessair€ment dans le flux perpétuel des exhalaisons toujours nou-
:n'E'Ûf'Cl'tDÇ; DlOO. LAo, VII, 156 (SVF, II, 774) O'Uf'qNÈç "'f'iv m'rifLa j 'SchoZia venes f - Le fondateur de l'école stoïcienne paraît avoir entrevu
'" Hom. Diad., II, 857 (SVF, II, 778) nveüf'Cl O'U,.up"É~· L'expression oUJ.UpvtO'V ce problème et, d'après un texte qui nous est conservé par Eusèbe,
m'Eiif'Cl se trouve déjà. chez Aristote, où eUe est oppc;IIêe à. un pneuma introduit il aurait essayé de le résoudre par une allégorie: de même que l'eau
du dehors: De port. OftÏtn., B, 16, 659'b 1.6: 'tci a' É\''tOf'Cl aui 'toü Wtol;oof'Cl'tDÇ d'un fleuve est un écoulement incessant, nourri par le débit des
o.ta6uvO'V'to., 'tWV OOf'OOv xa.t nuvto. 'tcp 0'U~q> m'E'Ûf'Cl't, 'tO'Ü OOOf'o.'tDÇ romteQ
affluents, sans que pourtant l'identité du courant soit compromise,
'X~vet'to.l.· ~OÜfO a' \mdQ~e, qrUoe, nao, t\al où &ûQaikY btdowctOv ÈCTnv.
41 GAL., De l'Zoe. Hippocr. et Plat., II, 8, SVF, l, 140: et ai DtO''tO (âwyÉvr)~ 0
ainsi en est-il de la conscience humaine: les afflux ininterrompus
Ba6uMOvwç} Kunvt}r;1. ~al XquOWtq> ?«ll Z~vrov~ 'tqÉcpeaO~ tdv ES o.Lf'Cl'tDÇ qni- qui nourrissent notre souffle vital, n'entament pas l'identité fon-
(J(1vn -ritv",",X""v, o"owv 6' a'Ù'ri\~ WtuqXew 'to ~tm- Bonhoffer prétend que
cière de sa substance ISO.
c'est l'Ame eUe-même que les stoïciens considèrent comme une exhalaison du
Bang et il fait remarquer que dans le texte.cité el-de88us on dit: 'tQÉqleafro., JAh .... DlOO. LA.., IX, 9: yÉveoita, 3è o.Vo.itvf'ulaEI,Ç axo '(r. 'rii~ Yii~ xo.i. 9aMTt1)~,
ES atf1U'to~ ri)v ",",xitv et non pas: Ès o.tf'UtO~ à:vo:Duf'woeCl>Ç. n en appelle éga- &ç fÙv M.fUtQàç xa1 xuftUQtU;, &ç 3r. CJXOtEI.VtU;. A,;;eoit«L ôè tO f1Èv m;Q axo 'tcOv
lement, pour appuyer son interprétation, aux deux textes suivants: Soho& in. Âufl'iQOOv, 'to aè UyQOv axo 't00v ÉTÉQrov.· Nous savons d'ailleurs qu 'Héraelite
Hom. Ili4iJ., II, 857, SVF, II, 778: EX 'to'Ûtou xar~ot ~'t(J)·'xot OQL~OvtU,-ritv définit; l'ime comme une o.lcrfh)'tl.xt} o.vaitvf'&ao1,Ç (Eus., PrfUp. e17a'Ag., XV,' 20).
""'X"lV • ",",X"" Èon m'rif'Cl auJ.UPUÈ~ xai. o.vaitvf'Lo.aI,Ç.o.l~'t,~~ EX 'trov tOü O(.of'U'to~ 49 Alu8'1'., Meteor., l, 3, 340 b 27: lm, YÙQ a'tfl.LôDÇ ,.Av cpU<J1,Ç VyQOv xai.
VyQoov ·o.Vo.a~oflÉvrl. - GAL., De wu porlitMn, IV, 17, vol. III, p. 496 Ki SVF, OeQ,wv, dvaitv~"d<Je~ aè OeQf'Ov xal ST)QOv' xo.l Écnw o.'tf'Lç f1Èv 3uvuJ.'€' otov
Il, 781: o"ÔÈ yàQ o"Ô' OVtDÇ 0 Myo~ ooUvo.toc;, ~ o.vuitvf'LaoL; 't1,Ç, El yr. Èodv , ;;a<OQ, o.vo.itvtda<J1,Ç 3i 3uvuJ.'€1. otov m;Q, .
a.tf'Cl'to~ x~moü '(0 ",",XLXOv mreiif'Cl. Cette exhalaison se fait l?rincival~me~t dll~ 50 Eus., Praepor. 617Gfl.g., XV, 20, 2, SVF, l, 141 : neQl 8è :l"Jxilc; KucMh)~
10 cœur, où le Bani est le l?lus l?W'. f.LÈv 'tà Z""v(J)\'oç OOyf'Cl'ta nUQanDÉf.L€Voç nQo~ oVyxQ&.<JLV 't1}V 1tQOç '(~ ciU.ouç
,uo,x~ «f1Jcnv o~~ Z1Îv(J)V rl)v ~Plv l.iye, o.taittJtl.X~V dvaau",w-cJLv, xaitWu~
ZeNON DE -CITTIUM 27
26 LE STOICISME

Cette connaturalité du pneuma psychique. et' du .eorps, poussée à


l'extrême, telle qu'elle fut enseignée par les philosophes du Portique,
1 et le corps, qui existent dans l 'homme comme deux rêalités distinctes
et juxtaposoos.
D'a pas du tout un caractère révolutionnaire dans le développement C'est dans l 'hylémorphisme qu'Aristote trouvera ~nfin une solu-
de la pensée grecque: au contraire, elle a été préparée dè longue tion satisfaisante du problème psychologique: ainsi qu'il l'expose
date et elles 'iruère logiquement dans le cadre d'une pensée qui au .second livre du De Anima, l'âme n'est pas une réalité achevée
renonce de plus en plus aux explications suprasensibles et quÏ,sous en -e-Ile-même, elle est « une entéléchie première d'un corps naturel,
l'influence du progrès scientifique, est déjà fortement entachée de ayant la vie en puissance, c'est-à-dire d'un corps organisé» 54; au
naturalism_e. C'est pourquoi -nous croyons que cette connaturaIité lieu d'être une réalité constituée en elle-même, elle est un principe
psych1ologique leSt le point d'aboutissement d'une ~volution qui
s'origine au dualisme platonicien et que nous reconnaissons un peu
1il de détermination e-t de perfeetion, qui forme avec l'élément déter-
minable et perfectible une substance unique. Si l'on compare cette
partout dans les courants philosophiques postaristotéliciens. Rien 1~ solution finale avec le point de départ de la psychologie aristotéli-
n'est plus instructif à cet égard que de suivre l'évolution:-de la psy- cienne, on constate que le chemin parcouru est long et que la direc-
chologie' d'Aristote lui-même, telle qu'elle a été retracée -par F. tion suivie par la pensée du Stagirite reste la même: il veut résoudre
Nuyens 111: au point de départ de ce développement il faut placer l'antinomie du dualisme platonieien par un rapprochement de plus
le dialogue Eudème,où nous trouvons de multiples échos de la psy- en p~us étroit des éléme-nts constitutifs de 1'homme.
chologie platonicienne telle qu'elle 'eSt exposée dans·lePhéclo.fI.: l'âme On peut Se demander maintenant si cette évolution s'est arrêtée
préexiste à son union avec le corps; cette union est d'ailleurs pour à Aristote' Ce que nous avons déjà dit de la psychologie stoïcienne
elle un véritable supplice: elle vit enfermée dans le corps humain L10ntre indubitablement le contraire: en faisant de l'âme une
comme dans une prison; c'est un exil très 'douloureux, dont la mort exhalaison sèche et limpide du sang, les philosophes du Portique
vient enfin la délivrer 112. L'homme est donc conçu comme 'On agré- ont achevé le rapprochement des éléments constitutifs de la nature
gat artificiel de dêux substances, qui ont chacune leur existence humaine, que certains philosophes antérieurs avaient s·éparés à ou-
propre. Il n'a pas fallu longtemps pour que cette solution sImpliste trance. Une conception analogue est -attribuée aux néopythagori-
du problème psychologique ne satisfasse plus l'esprit pénétrant du ciens par Alexandre Polyhistor: il rapporte en effet que d'après
Stagirite: il passa d'abord par un stade intermédiaire, qui trouve ces disciples de Pythagore « l'âme tire sa nourriture du sang)) 55.
son expression la plus adéqua1:Je dans le De Motu A1Iimalium, où l€s M. E. Bréhier fait remarquer que ees concordances entre le néo-
rapports entre l'âme et le corps sont conçus .sur le modèle de l'admi- pythagorisme et lb stoïcisme ne peuvent pas s'expliquer toujours
nistration d'un état bien ordonné 113; 1'âme ~t le eorps ne forment par l'influence exercée par le Portique sur l'école de Pythagore,
pas ëncore une unité substantielle, mais il y a cependant entre eux puisque ces doctrines pythagoriciennes sont attéstées déjà au IV·
Uine collaboration intime: l'âme domine le corps et se sert de lui siècle, alors que Zénon n'avait pas encore fondé son école: c'est pour-
commed 'un instrument approprié. Ce n'est là qu 'une solution pro- quoi il conSidère plutôt le néopythagorisme comme une des sources
visoire: elle laisse subsister cet antagonisme fondamental entre l'âme de la philosophie stoïcienne 56..
La psychologie épicurienne préconise également une solution ana-
"HQaxA.ELT~. BouÀ6J1tVoç yàQ ÈJ.UPav(a(J.:', on at ",",xai. âvaihzf1uOfUNaL VOtQ"i. ~i. logue à celle du stoicisme en ce qui concerne les rapports entre
"fLvovtaL, ELxaOEV aÙ't~ TO'tç :ltOTatw'tç Àiyrov oiit'ooç· • 1tOTaf1OtOLV "tOLOI.V aVtOiOLv l'âme et le corps: dans son exposé de la psychologie- d'Epicure, Lu-
Èf16aLVOUoLV Ë'fEQa xai. Ë'fEQu ü8aTu VtLQQEL axai. ",""Xai. 8è cLto TroV VyQOOv avaitu-
f1WlV'taL. ' Avaituf1La.OlV tdv oÙ\' of1oiroç Tcp "HQOX).e(Tql TftV ~v cLtoq>a(veL Z";vrov. " ARIST., IkI Ân.., n,l, 412 a 21-28; trad. J. TRICOT, Paris, 1934.
51 OntW1.7ckelingamomenten. in de sielku.nàe tian. ..&riBtotele., Nimègue-Utreeht, li5 DIOG. LA., VIII, 30 (ALuMiDRI: POLYBISTOR) et PS.-PLUT., De 1Jit. Hom.,
1939. 122; cf. La 1Jie d~. PytMgor~ de Dioght.e Laërce, M. critique avec intro~uçtioll
52 F. NUYENS, op. cit., p. 71-80, surtout p. 73. et eommentaire par A. DELATTE, Bruxelles, 1922, p. 223.
~ De 1nQt\I anifnal~, 4, ~O~ a 29 - b 2, '4 t, :pûmER, HiBtoir~ ~ ~ l'!l:ilo•.~ I~ ~. 295-~96,
28 LE STOICISME

crèce donne comme définition de l'âme: _ une ehaleurvitale, un Même parmi les successeurs d'Aristote dans la direction du Lycée,
BOuffJe vital dans le corps même, qui au moment de la mort se reti-" on trouve des défenseurs de la conception pneumatique du principe
rent de nos' membres »11. C€·tte détermination de la nature de l'âme vital et de la connaturaIité étroite entre l'âme et le corps: c'est
6 'a~eorde parfaitement aVEC celle qui a été conservée par Diogène 'la psychologie qui est attribuée à Straton de Lampsaque, le deuxième
Laërce dans la lp.ttre d'Epicure à Hérodou': « L'âme est un corps chef du Lycée après Aristote 61. En effet, il conçoit l'âme comme
très 'subtil, diffus dans le composé tout entier, qui ressemble .le « un pneuma connaturel, qui d'une façon continue pénètre le corps
.plus à un souffle auquel on: a mélangé de la chaleur: ainsi sous CE'r- tout entier» 62. Le siège principal de l'âme S€·rait situé dans la
tains rapports elle est comme un souffle, et sous d'autres rapports portion du cerveau qui se· trouve entre les sourcils: c'est de là qut-'
elle esi comme de la chaleur» 18•. Cependant le pn'euma ne semble partent les courants pneumatiques jusqu'aux extrémités de l'orga-
pas avoir .lamême signification, so~ la plume d'Epicure, que· dans nisme, et spécialement vers les organES des sens, pour recevoir les
le système' stoïcien. En effet, Epicure parle d'un mélange entre impressions du dehors et les transmett~e au cerveau 63. La parenté
le souffle et l'élément ,chaud, alors .que Zénon-idElltüitr très nette- avec le système stoïcien ne saurait guère être· mise en doute, bien
-ment les deux : cette différence ressort 'encore plus .clairement. de que sur ce dernier point Strat.on ait suivi l'école hippocratique,
certains textes où l'âme est décrite comme un mélange de quatre alors que les philosophes du Portique s 'i~piraient de préférence
éléments: nous voyons là qu'Epicure, distingue l'élément pneuma- des médecins siciliens.
tique, comme principe du mouvement, de l'air, qui est' principe du Après ce bref excursus; qui nous a montré que la psychologie de
repos, et du feu' qui est principe de la chaleur organique. 'Par ail- Zénon, tout en ayant sa pnysionomie propre, est cependant en con..
leurs nous constatons que le pneuma n'est pas non plus l'élément nexion étroite avec la science et la philosophie de son époque, nous
suprême, puisqu'il a au-dESSUS de lui J'ùxaTovoJ.LQ<nov,qui est prin- pouvons continuer 1'€'xposé de la doctrine elle-même et tâcher d'y
cipe de sensation. 19 Il Y a donc entre la conception stoicÏE:nne de apporter encore certaines précisions. Et tout d'abord, nous devons
l'âme et cdle d'Epicure des différences notables, mais les deux éco- rencontrer une objection qui se présente inévitablem€·nt: si le pneu.. -
les so rejoignent en· ce point· essentiel, que nous essayo:ta.s' de mettre ma psychique est constitué par les effluves qui se dégagent du sang,
en évidence: 1'·âme est un souffle chaud, oonnaturel au corps. Dans comm€'nt peut-on l'appeler un feu artiste! comment ce pneuma
le style imagé de Lucrèce, l'âme et'le corps se tiennent: comme la créateur peut-il pénétrer et animer la réalité tout entière, s'il n'est
substance et l'odeur de l'encens 60. qu'une simple exhalaison. du sang' En effet, au lieu de domin€·r
et d'animer le corps, on a plutôt l'impression que le pneuma doit
n LucR., De MtUnI ref'Um, lII, 128-129, éd. et trad. par Alfred EBBon, son, existence au corps.
ParÏ8, 1941, p. 103.
Est igitur ealor ae ventus vitalis in ipso
corpore, qui nobis moribundos deserit artus. haut laelle est qum mtereat natura quoque eiUl,
fi8 DlOO. LA., X, 63: of) ",",xTl oW.,w Ean Mm-0J.Lt:QÈç "00' OMw 'to ciitQoLCJ)&4 lie. animi atque animae naturam corpore toto
"CJ.QEO:tCJ.QJ1ÉVov, :tQOOEJupEQÉc:JtQ'tov ~i nve'ÛJ.U1't1. OEQJ1OÜ nVQ XQciOLV ËXOVtL xat nii e:drabere haut facile est q1Ûll omnia diasolvantur l
tdv 't'om«p :tQOOEJupEQiç, 1tfI ~È 't'OlYt«p. inplem ita prineipm ab origine prima
59 AtTIUS, Plac., IV, 3, 11, Do%ogr., 388·389: -E:tLXOUQGÇ xQci)&4 EX 'ttttuQmv inter Be liunt eonsorti praedita nt&.
(seil Ti)v ",",XTaV MyEL d'VQL) EX :tOLOÜ ""Qoo~O'Uç, lx :rtOI.OÜ à.eQoo~t EX :tOLOÜ 81 L. ~BIN, La peM6e grecque, p. 373.
nvEVJ.U1nxoü, EX 't'E'tc1Q'tou 'tL'VOÇ ÙXQ'tovo.,wc:Jtou • 'toVtO ~. ~v Q'Ô'tiP 'to aÜ7th)'tLxOv' 62 GALIEN, ~, 281 K.
rov 'to tdv nvEÜJ.U1 XLVT)OL'V, 't'Ov ~È ÙÉQQ T)QEJ1LaV, 'to ~È OEQJ1Ov TÏ}v q>ClLVOJ1ÉVT\V 63 G. RoDIEB, L4 ~lIrique de 8traf<m de LmnPBaqU8, Paris, 1891, p. 93-94 i
OEQJW't'J)'ta 't'où ooof-Ul'tGÇ, 'to ~' ÙXQ'tOV0J.U1c:Jtov Ti)Vf:v of)J1L'V Èf"'OLELV atcrih)oLv' èv d. ABTros, Plac., IV, 5, 2, Dog;ogr., 391: ~'tQdTmv i:v J.Lt:00<PQUcp (aciL 't'o 'ri\~
OÜl)EVi. ydQ 't'Ol'V OvOJ.U1'ÇoJ1ÉV(J)'\· c:JtOLXELm'V d'VQL atcrlh}oLv. Cf. LucBicz, De Mture: ",",X~ç of)YEf.LO\'LXOv q>1)OlV d'VaL) TERTULL., DB .dn.. j 15: •.• neque extrinseeus
rerom, III, 231·322- agitari putes priJleipale istud seeundum Heraelitum, nee in membranulia ut
60 L~cRtcE, De Mtura ren,m, III, 327. Btrato et Erasistratua, nec in 8uperc:lliorum meditullio ut 8trato physieu..
quod senus e thuris ,laebia ~vellere 04of<lm POLLUX, On0tn48t., II, 226. .
1
Cette düfieuitén'est pourtant pas insoluble. L'explication paratl. s;évanouir dans l'espace infini, quand il n'est plus enfermé dans
se trouver dans le traducianisme stoïcien, d'après lequel une partie les limites du corps. D'après les stoïciens, il serait alors réassumé
dupneuma des parents est transmise à l'enfant, le ,spermeconœ. dans la substance de l'âme universelle du monde: c'est pourquoi ils
nant une parcelledupneumapatern~l M. Si l'âmf: est ,donc définie ont fait la distinction entre la mort (8avatoç) qui est la décom-
comme une exhalaison quise dégage du sang, cela ne signifie pas position de l'individu et la disparition (qr&oQd) qui est le passage
que notre souffle vital doit son emtenceau corps, mais ;qu'il à une énergie ou à une substance d'ordre supérieur 70.
remonte sans cesse dePélément h~iae, OÙ il avait été enfermé-. Cependant d'après certains textes, qui sout généralement de dau.
Cette conception de lasemencen'estd'ai11eurspas propl'tlaustoi- plus récente, les stoïciens auraient enseigné l'immortalité de- l'â-
ciens: elle. est ·nettement affirméeparStraton de Lampsaque", qui me Tl. Il ne peut pas être question, dans ces passages, d'une immor-
semble l'avoir 'repriseà:A.ristote 81. talité personnelle: celle-ci nous paraît radicaleme-nt exclue par la
La négation stoïcienne de la survieestévidemmentun:e 'consé- nature même du pneuma psychique. La seule chose qu'on pourrait
qu(·nce logique de laconnaturalité 6troiteaffirméeentre .le :pneuma dire, c'e.3t que le souffle vital ne perd pas son individualité aussitôt
psychique et lecorp8': s'il est possible que ce souffle igné, après après la mort, mais qu'il subsiste encore pendant une période très
avoir quitté le corps, subsiste encore quelque temps, iltst ,dissipé courte avant d'être résorbé dans l'âme du monde. Si, d'autre part,
bien vite par le vent, comme une colonne de fumée qui s'élève a. Zénon parle d'une, rétribution après la mort, des supplices atroces
Sidone les stoïciens reconnaissent à l'âmeun'ecertaine survie des impies et de la vie bie-nheureuse des hommes pieux 72, c'est là
après la désagrégation du composé humain,.c'est là -une -immorta-. une des adaptations bien connues de la philosophie stoïcienne aux
lité très précaire et toute p'rovisoire 69 : puisque d'après -~leur'eon­ croyances populaires.
ception lepneuma est constitué par les -effluves qui ·se dégageIit 'du Lorsque nous avons parlé plus haut de la substance du pneuma
sang, il e.stévident qu'il ne 'peut pas subsister longtemps à l'état psychique, nous avons vu que, d'après Zénon, notre souffle vital ne
séparé, alors qU(· les exhalaisons ·dusang ont -cessé; :sa natu~e 'est peut pas être considéré comme un agrégat de plusieurs éléments
d'ailleurs tellement subtile (À.f1[téhatov ) ,qu'il idoit nê~airemeJ1t intimement liés, selon la conception des épicuriens, mais que
l'âme humaine jouit de la sim'plicité des corps célestes. Cependant,
6" Eus., Praepar.. e1Jaflg.,XV,20, l, PG, XXI,1349 :m'€'Ù..,a.f1"&'VyQoû, si les stoïciens ne parknt pas de différents' éléments constitutifs,
"""xiiç~Qoc; 'xa.t Wtooxa.OJUl.- THtoDOBlCT,Oraeo. atl. cur., V, 25,PG, 83,
il~ disent toutefois qu'il faut y distinguer plusieurs parties (~Q1),
932·933: l'OV yàQ '&v&QOO:ltl.vov OOQov, VyQov ovra. xa.t JUdxovto. :lt'VElÎ}U1l'OC;, 'ril~
'\j1Uxilç EcptlOa.V dva.1. J-LiQoçxul cLtÔO:lta.oJUL lLoQla) Dans un texte qui veut nous renseigner sur la doctrine de
65 Eus., Prae.par. e1)ang., XV, 20, l, PG, XXI, 1349 : Ëxov YÙQ 'l'OÙt;).6yo~ Platon, la, voix est défini~ comme un pneuma qui part de l'intelli-
l'<l> oMp l'OÙÇa.'ÙTaUS, l'omo (scil.l'O ,01téQ.JW){m' «Hou :lt'VEuJUl'l'Oç,~Qoc;""'xii; gence, passe par la bouche, produit des vibrations dans l'air, les-
Tijç l'OÜ O'l).io~ "at Ol.IJ1«pU.È; YEYÔJUVOV,xQuq>it'Év U'qnlEI. XLVOOJUVOV xo.t d'VUQQL- quelles sont transmises par les oreilles, le ~E·rveau et le sang jusqu'à
Xlt;Ot'EVOV lm' ËXELVOU, xQooÀ.o.J16avov <lEt [d;] TO VyQ(>vxato.'Ù;ô,JUVo'V ÈSo.Ù'tOÜ.
66 AtTIUS, Plac., V,4,3, Dozogr., 417 -418: .llvf}ayoQa.; ll1al'oov 'AQl.O'tol'il1)t;
à:oooJ1al'ov J.LÈv dvaL Tf)V MVaJ1LV "tOü 'oxÉQ}U1l'oc; •••• ~l'Qa'trovxatA'ltWxQL'toç xo.i. '10L. STEIN, PI1/c1aologie der Stoa, p. 145, Do 279.
't'iiv ôwaJ1l.vowJ1(Ï.· 1tVEUJUl'tl.xit Yao. Cf.G. RoDIER, LaphllBÜflU(Ù ,8'1'a'0f' dB 1'1 EpIPlI.,..4.d". M.er., III, 36, Dozogr., 592, parlant de Zéno~: JUÏllov ô!
Lampsaque, :p. 90. OEOV 1)yetaf)aL TOY voÜV. "'Eon ycio cUMval'oç. HIPPOL., PhiloBOPh. 21 Dœogr.
,61 ARlST., De gefUJr. an.., II, 3, 736,b 33. 571: Ti)v 3i ~v 1ÉyouOLV d-6-civaTov dvru, oWJUl ôÉ •• ps.-G~, Ili8f.phil.,
68 EpIPHANE, :A.d1). ooer. III, 36, Dozogr.592: 'EXMEI.(aeil. :Zi)v(j)'V.) rl):v XIX, 255 K, Dozogr. 613: d-6-m'al'ov ôÈ '\j1Ux1tv n1<hrov xat 0\ ~l'ooixoL
",",xitv 1toluXQOvLOvmrE'iiJ4G, où :J1itv ôÈ üqrl}o.Q'tov ,31.'ô1ou i'J..tycva'Ùri}velvaL. 12 LACT., De vito beata, XXI, 9 et VII, 13 (PL, VI, 761): Esse in!eroa Zeno
'ExôwtQ.vdtaL yÙQ ko'toü1tôUOU XQÔVOUEi.; l'O âcpaveç, ô)~ q>1lGW. Stoieua doeuit et aedea piorum ab impiis esse discretu et' illoa quidem quietaa
<
69 DIOG., LA.., VII, 156: 'titv ôÈ '\j1Uxitv ataih}nxitv qnlOI.V>, 'to.Unt'V ôidva,
't'cl Ol.IJUPUÈÇf}J1LV m'EÜJ1Cl'ôw xat .,mlA4 El"al. xat JU7tà l'ovOava'tov lmotdvEl.v·
, ao deleetabilea ineolere reiionea, hoa vero Iuere pomas in tenebrosÏ8 Ioeis. _
TUTULL., De an., 54 et 55: Stoicorum esse Bcutentiam impiorum animas ad
CP{}aOnlV ôÈ U1tUOXuv, l'it" ôÈ l'WV oÎ.wv aq>{}<LQl'ov,~sp.iQ'l dvaL l'à; Ev'toi;t.poLÇ. weros datrudi '
LË STOIOISMi
l'âme de celui qui écoute '1'1. Nous croyons reconnaître dans cetti
l ztNON l>Ê CITTItfM

Il existe cependant un texte de Tertullien, d'après lequel Zénon


aurait préconisé une division tripartite de l'âme T8; la solution la
information des influences stoïciennes: en effet, d'après la philoso-
plus probable de cette difficulté, nous paraît être ctUe qui a été
phie du Portique, la partie· principale de l'âme, qu'ils appellent
proposée par Bonhoffer 79; d'apx:ès lui, Tertullien aurait compté les
ftYEJ10\'lX.OV, et dont le sièg-';! est établi dans le cœur'Jj, est comme un
cinq ~ens comme une seule partie et n'aurait pas considéré l'hégé
poste récepteur, auquel toutes les impressions r€~ueillies par l~ ~e~
04

monikon comme une partie spéciale, distincte des autres, puisqu'il


sont communiquées. Dans ce cas, il est tout à faIt naturel de défInIr
la voix comme un pneuma, qui part de la partie principale de l'âme,
L'ast que le centrE' de coordination des données sensibles. Cette
explication nous paraît plus fondée que celle de Wellmann 80, d'après
elle-même pneumatique, et qui, passant par le pha~ vient ébran-
ler la langue 7~. C'est eette conception de la'voix qui se~ble avoir été
qui les trois parties visées par Tertullien seraient: fJYEJ10VlX.OV,
<proveiev, <J1tEQJ1CtnxÔv; les sens seraient considérés comme des orga.-
étendue par analogie aux autres activités humaines: l'âme est con-
çue comme un centre de force, établi ,~ans le cœur, d,'où _partent -- nes corporels. ,
le!. ,courants pneumatiques dans les différentes directions de l'o~­ Si nous comparons cette doctrine stoïcienne sur les parties de
ganisme pour commander les mouvements à exécuter et recueillir l'âme à la psychologie platonicienne et a.ristotélicienne, nous trou-
les impressions de l'extérieur. En se basant spécialement sur des vons, à côté de ressemblances extérieures, une différence profonde.
données d'ordre physiologique, les stoïciens en ~ont arrivés à dis- Elle provient de l'idée directrice qui, de part et d'autre, a com-
~andé le classement: en ce qui concerne la philosophie du Portique;
tinguer huit parties dans notre pneUma psychique 78: l'intelligence,
la voix, la fonction procréatrice et les cinq sens. On trouve. chez 11 œt bien clair que cette division du principe vital prend sa source
Chalcidius un tableau frappant dt· la vie cognitive d'après la con- dans des considérations d'ordre physiologique, tandis que Platon et
ception stoïcienne: la partie principale de l'âme est établie dans le Aristote ont des préoccupations d'ordre métaphysique: le grand
cœur, commt:· une araignée au milieu de sa toile: elle tient solide- problème psychologique qu'ils ont essayé de résoudre était de savoir
ment de ses pattes les e·xtrémités de fils innombrables, de. sorte s'il y a. dans l 'homme une activité indépendante de l'organisme ma'"
qu'elle aperçoit sur-le-champ si un insecte est pris dans son filet 77. tériel, ce qu'on ne peut inférer que de l'opposition des caractères
propres aux diverses activités.' Dans ce cas-là, en effet, il faudrait
'13 AiTros, Plac., IV, 19, 1, Dozogr. 407: m'tüfU' aLà cnofU''toç MO &UlVO~ admettre chez l 'homme un principe vital, capable d ;exister iild~
i]yJAivov xo.~ nÀ.T)yT)v "nô ciiQoç Ôl' W'trov xo.i. ÈYXECPcUou xo.i. aifU''tGÇ tdXQIo
pendatnment de la matière. C'est à cette préoccupation d'ordre
",",xiiç lU.a.ÔLÔoJAiv"lv. Cf. PLATON, Tim. 67 b:. dans ce dernier texte il IL 'e8t pas
question d'un pneuma, mais pour le reste il coïneide presque littéralement av~ métaphysique que 8 'origine la distinction platoi1icienne d'une partie
la citation d' Aétius. irrationnelle, de même que l'opposition àristoMliciennc entre ia.
74 DIOG. BABYI..: AtTIUS, PZac., IV, 5, 7'1 Dozogr., 391: i:v TÜ clQ'tTlQUlXii xolllq. ",ux'll et le voüç. Ce problème n'a pas été posé par les philosophes
riiç xUQôLo.ç, Tl'tLÇ ÊutÎ m'E'UfU'"tlxit. - .AÉTlUS, PZac., IV, 5, 6, Dozogr. 391: stoïciens à cause de leur empirisme épistomologique.
O\l:'tO>lxoi. naV'tEÇ b oÀn TÜ xUQôtq. il 'til> 7tEQi. -rit,. xUQÔw.v m'eUJ:U1'iL.
75 At'nus, Plao., IV, 21, 4, Dozogr.· 411: 'tô ôÈ cpo>vÜ€V {mô 'toü Zitvrovoç dQT)-
L'idée centrale .~~ ,la psychologie stoïcienne· est -c€:lle-ci: il a i
pi\'ov, ô xo.i. q>rovi)v xo.Àoüaw. ÉatL m'EÜfU' ÔUl'tEi:vOV MÔ 'toü i)yEJ.LOVLXOÜf.lÉXQ1. dans le :cœut de cliaque homMe un souffle vital, qui envoie des cou..
cP6.Quyyoç xo.i. yÀ.<i)'t'tT)ç xo.~ 'twv otxdrov oQyavrov.
ltubstanUa et aerendÎ proereandique aubstantta. Sicut aranea in !J1edietate cassis
78 DIOG. LA" VII, 110: cpo.o~ ÔÈ Ti}v 'P"xTtV dva.. ox'taJLEoii· MÉO,) y<ÏQ aVrilt;
omnia filorum tenet pedibus exordia, ut eum quid ex bestiolis plagas tneurrerit
Ta 'tE nÉvTE o.i.O'ô·rrniQw xo.i. 'tÔ q>roVT)"tlXÔV oQyavov xo.i. 'tÔ ÔUlV01)'tLxov,onEQ lad.
e~quae~que parte, de proximo sentia.t, sic animae principale, positum in media
d.ÔTfl i) ÔWVOW xa~ 'tÔ yEV\'T)'tLXOV. - DIOG. LA., VII, 157: IlÉQT) ôÈ """xiiç Â.Éy0U0""
. 6 e cordia, sensuum exordia retinere et eum quid nuntiabunt de proximo reeo-
ox'too, 'tà.ç; nÉvTt o.lafhiaELÇ xo.~ 'toùç ÊVTtJ.1i:v 01tEQfU''tLXO'ÙÇ À6yO'Uç xa~ 'tO CPWV1)'tI.XOv
xo.i. 'to Àoylml.Xov. - N:bdsIUS, De 'Mt. hom., p. 96, SVF, l, 1~3: Z1\veov 0
gnoseat. Of. DIELS, Yor8., lHRACLITK 22[12] B 61a, p. l, 166, 1. .
• 78 TEltTULL., de aft., 14, ed. A. REIJTlCBBCBEID et G. W)BSOWA, p. 318: nune
~'to>1xoç ox'to.f.LEQTJ q>T)aw dvo... 'tltV "",uxilv, ôWI.QWv o.ùtiav dç 'tô i)yEJWVLXÔV KQ' dç
III trea (scll. partes anima dividitur) a Zenone. '
-t.àç nÉvTE o.lafhiaELÇ xo.i. Etç 'tô cp(J)VT)'tLXÔV xo.~ 'tô' anEQJUlnxOv.
79 Epiktet utld die 8toa, Stuttgart, 1890, p. 86.
Tt CUALCIDIUB, ln Tim., 220, WROBEL: Haee igitur, inquit, oeto in partes
8t Jahrb. f. PhlloL, 1877, p. 807.
diviaa invenitur. Conitat enim e prineipali et quinque sensibua etiam vocali
:a
àG
LES'l'énolsMË . 1 CIe., De ·nat. deorum, II, 8, 22: SEXT. EMPIR., adv. Jlath. IX, 101.
rants pneumatiques vers les différents organes du corps' humailt ;
ceux-ci captent les impressions reçues à 1& périphérie de l'orga- Nihil, inquit, quod animi quod- Z~'YO>'Y ôÈ <> Kltl€ÛÇ, &xo SEVO-
nisme, et viennent rapporter leur message à l'hégémonikon, le pneu- quo rationis est expers, id gene- <PQ)'Yt(lç rllv &<poQJ,ll}v Âa6<'ôv, ou-
ma central 81. De là previent la définition générale. du sens: rare ex se potest animantem com- tooaL auVEQO>tq.· tO XQO"(iJ,lEVOV
c'est un pneuma intelligent, qui réalise la jonction entre l'hégémo- potemque rationis. Mundus au- a1tÉQJ,la ÂOylxoü xal aùto ÂOYLXÔV
nikon et les organes du corps 82•. Cette conception de l'âme et de tem ~enerat animantes compotes- Èatlv· <> ôÈ xôaJ,loç xQotETaL a1tÉQ-
seBactivités devait amener ,nécessairement la doctrine stoïcienne du quc rationis. AnÎmans est igitur J,la ÂOYlXOÜ· ÂOYLXàv aQ' Éatlv <>
mélange total ' (XQ<Ïal.Ç~ ÔL' éSÂoov) : en effet; si 1'âme comp~end plu- mundus composque rationis. x6aJ.A.oç.
sieurs parties matérieUes qui pénètrent et animent l'organisme tout
eutier, il s'ensuit que l'individu humain doit être conçu comme un Tout le poids de cette argum€,ntation vient, non pas du principe
mélange. Déjà la semence étaitjéfiniee~omme .un mélange,' qui-éom.. de causalité conçu de façon abstraite, mais du traducianisme stoïeién:
prend les différentes parties de l'âme aa: il n'est donc pas étonnant la causalité exercée par le monde sur les êtres vivants qu ~il renferme,
que Zénon ait proposé la même conceptlon pour l'individu humain 84. est la même que la causalité des parents vis-à-vis de leurs enfants
Cependant, comme la plupart des text.es qui nous renseignent sur (mundus generat, <> ôÈ xOO'J,lOç 1tQotEfal a1tÉQJ,la): puisqu'une par"
le mélange total nous ont été transmis sous le nom de Chrysippe, celle de l'âme du père est contenue dans la semence, il est évident
c'est en parlant de ce grand vulgarisateur de la pensée stoïcienne que le monde doit être un vivant, car il communique la vie à d'in-
que nous traiterons cette question dans le détail. nombrables plantes, animaux et hommes qui peuplen:t la terre. -
Cette conception' cosmobiologique du monde n'a pas été introduite

•••
par les stoïciens; Qn la retrouve déjà dans les ouvrages d'Aristote
et chez les néopythagoriciens 8e1; elle a été reprise plus tard par
Théophraste, dont la tendance générale vers une explication imma-
C'est sur la base de cette psychologie pneumatique que tout le nentiste du monde est bien connue: suivant une information de Clé-
$ystème stoïcien est bâti. En fllfet, la conception du monde ESt cal- ment d 'Alexandrie, Théophraste aurait conçu la divinité comme un
quée sur la psychologie humaine, puisque le monde est un être « pneuma )), à la façon des stoïciens. Il est cependant bien douteux
vivant aussi bÏ€-n que 1'homme: On voit très nettement iCI la diffé~ qu'il se soit déjà ~rvi de ce terme: Clément d'Alexandrie nous pa-
rence du point de départ chez les stoïciens et ch€z Héraclite = celui-ci raît traduire la pensée de Théophraste dans un langage stoïcien. Il
~2!rt de certaines considérations d'ordre physique, ce qui donne à ressort cependant de ce texte~i et d'autres qu'il y a dans sa philo-
sa pensée une tout autre allure que celle du Portique. $>pbie une tendance à mettre la divinité à l'intérieur du cosmos 86.
Voici tout d'abord comment Zénon prouve que le monde est un
être vivant:
85 J~ MOREAU, L'âme du monde de P14tOfL 4UZ 8toi(Mu, Paris, 1939, p. 111.

81 AtTros, Ploc., IV, 21, 3, D(Y.&ogr., 411. n. 5; H. SBBECX, Die' Umbilduft.g der peripo.tetiBoheta. No.turphil<J,ophie tnl die
82 N:bltsroS, De Mt. hom., 176 Ma. Dozogr., 393: nvâiJUl 'YOEQOv ân:o t'Oü /tYE-
der Stoikef, dans Uft.terltlcl&ungea nr Ph.ilo8ophie der Griech.eft., Freiburg i. B.,
1888, p. 204: puisque l'univers est d'après Aristote un a.irto Éavto XLVoVv,
J.LOVLXOÜ bd. 'là. oQYava. 'tna.JAivov.
il doit être eonsidéri comme un être vivant (t;ipov). Cf. 8Urtout De gener.
813 THEODOBET, Graec. ail. eur., V, 25, PG, 83, 933: f1LYJUl É; .MÛVtœv 'tciw
aft.im., III, 11, 16~ a 18: w<Jn 'tQo:tov 'tL'Và na.vra. ""'xii; dva.~ nÀ.tlQ'I'
Ti}ç ",uxiiç IWQÛOV ;uva.-6QOur6Év. Eus., Praepar. el1afl,g., XV, 20, 1, PG, 21,
86 Cr.:&K. AL., Protrept., V. STAEHLIN, l, p. 51, 5: 0 ôÈ 'EQÉcnQÇ ÈXELVO; SEO-
1349: J1LYJUl 't<Ï>v rii; ""'xiie: JUQ<Ï>v auveÀ.TlÀ.uf}ôç·
cpQa.atQÇ /) 'AQI,(J'tO'tÉ~ YVWQLf'O; xii tLèv OUQavav, xii ôÈ n'VEÜ l'a. 'tOV OEOV
84 GALIEN, De hum., l, 1; XVI, 32 K (WACHSK., Fr. PhYl., 10): Z",'Vœv ..• 'tciç
imovoe:i:· CICtRoN, De ft.Gtura deorvtn, 1, 13: Nee vero Theophrasti ineonatanUa
ooaiaç ÔL' oÀou XEQQVVUoi)a.L Èvof1ll;ov. ABros Dm., fr. 38 (STOBo, Eccl., l, 17,
ferenda est; modo enim menti divinae omnem tribuit prineipatum, modo caelo,
3), Dozogr., 470. Ct. CL. BABlT.kxER, DIU Probkm der Materie, Munster, 1890,
tum autem lignis lideribuaque eaeleatibus.
p.350.
ztNON DE CITTIUM 37

Cependant ies stoïciens, plus que leurs devanciers, ont insis~ sur La base de cette argumentation est t·ncore une fois la conception
moniste du monde, que nous avons déjà relevée dans la preuve pré-
l'unité du monde: le cosmos constitue vraiment un seul être en de·
cédente. La mineure affirme qu'aucun être n'est meilleur que le
hors duquel il n'y a rien. Dans le syllogisme que nous avons cité, il
est dit que le monde produit les êtrts vivants, les hommes inclus: cosmos. Pourquoi' Parce que le monde embrasse. la réalité tout
c'est que, par l'interdépendance universelle, le monde tout entier entière, étant non pas une simple accumulation d'individualités dis-
collabore à la production d'un être vivant. La production d'un nou· tinctes, mais en étant un être ·unique, où il y a une interaction d61
vel individu dépasse donc· infiniment la puissance génératrice des toutes les parties. S'il en est ainsi le cosmos ne peut être qu'un or-
procréateurs immédiats; il y a des agents multiples et des ~nfluences ganisme vivant animé d'une vie débordante, qui fait jaillir partout
bans nombre qui interviennent dans cette création d'un nouvel être. ILl croissance, les élans spontanés et la- joie du connaître. C'est dono
C'est par cette sympathie universelle (auJ13tu&la) que les stoïciens en d€·rnière analyse la même conception unitaire et autarcique du
monde qui commande ce raisonnement stoïcien 88.
exPliquent également la divination.
Cette conception cosmobiologique a été combattue plus tard par Cette cosmobiologie, qui est le fondement de la physiqut· stoïcien-
Stràton de Lampsaque, parce qu'elle était en rapport étroit avec la ne, a été ad(ptée universellement par les philosophes du Portique Bit.
téléologie stoïcienne: Straton ne niait pas seulement toute divinité Elle se présente d'ailleurs comme une application d-e lEur psycho-
transcendante, m~is même l'âme du monde. Il admettait comme logie pneumatique au cosmos. C'est ainsi que Zénon en arrive à
cause dernière un principe immanent du mouvement qui, par une conclure qu'il faut placer à l'origine de la réalité tout entière deux
nécessité aveugle, domine le cours des événements 87. . principes: un principe actif, qui pénètre tou~es choses et qu'il
Les stoïciens 'ont donc occupé une position moyenne entre Aris" appelle A~yoç, et un principe passif, auquel il applique le nom de
tou' et St raton en ce qui concerne la conception du monde. et ses oùaLa (essen.tia) ou de ml.l1 (silva) 90.
rapports avec la divinité: Aristote admet un cosmos animé, tout en
reconnaissant une certaine transcendance à la divinité ;Stratol;l nie 88 CJCnON, !Je nat. deorum., II, 22, 58: Ipsius vero mundi, qui omnia com-
aussi bien l'animation du monde que le dieu transcendant; les stoï.. plexu suo eoereet et eontmet, natura non artifieiosa solum sed plane artifex
cie·ns de leur côté admettent l'animation -du cosmos, mais ils le con· ab eodem Zenone dieitur, eonsultiÏx et provida utilitatum opportunatumque
omnium. - Ibid., II, 14, 38: scd mundus, quoniam omnia complexus est neque
dèrent comme un vivant parfait.
est quiequam, quod non msit in eo, perfeetus undique est; qui ergo potest el
Zénon arrive encore à la même conclusion par un §utre argument: deesse id quod est optimum t Nihil autem est mente et ratione melius; ergo haec
CIe. De nat. cùorum SEXT. EMPIR., adv. DIOG. LA., VII, 139 et mundo deesae non p08sunt. - Cette manière de penser reflête clairement une
conception tél6ologique du cosmos, telle que l~ professent les stoïciens:, cf.
III, 9. Math. IX, 104. 143. M. HElNZE, Die Lehre oom LOgo8, p. 80; CIC., De Mt. deorum, II, 7, 18: An
Quod ratione uti. Kat :rraÀlV 0 Zllvrov· Qn1- To yàQ tci>ov 'tO'Ü tJ.~ edera mundWi habebit omnia, hoc unum quod plurimi est, non habebiU Atqu&
tur, id melius est aLv [d] 'to ÀOYlXOV 'tOü tcPou XQELnov, oùôÈv ôè certe nihil omnium rerum melius est mundo, nihil praestabilius, nihil pulehrius,
quam id quod ratio- ....il ÀOylXOÜ KQELnÔV Èa- 'tOÜ xôa ....ou ?tQEiriov· nea solum nihil est, sed ne eogitari quidem quiequam melius potest.
ne non utitur. Nihil tlV, oùôÈv ôè yE xôa .... ou tci>ov aQa 0 ?tôa .... oç ... 89 lIEIwIAB, IrriB. ge~t. phil., 14, SVF, I, 495: au sujet de Cléanthe: "tTtV ~è

6utem mundo me.. xQELnôv Èan· ÂOYlXOV on ôÈ xal t<i>ov 0 xôa ....oc; ,,",xi)v li L' oÀou TOO XOGJ.LOU· ~Ltl~LV, 1\; J1ÉQoç fUT~xOVtciç 'u.uiç ÈJ1,,",XOÜ<J'ÔaL.
- Au sujet de Chrysippe et de Posidonius: DIOG. LAo, VII, 142-143, SVF, II,
lius: ratione igitur aQa 0 xôatJ.oç. Kai wa- xal ÀOYlXOV 'Kat Ë....""'x,ov
633: on liÈ xal têpov 0 XOOJ.LOÇ "ai. MYL"Gv "ai. ËJ1,,",Xov "ui. VO€QOv xai. XQ'OOtmtc>ç
mundus utitur. aunoç È:rrL tOÜ VOEQo'Ü xal xat VOEQôv. cpr)OLV Ëv -1tQro-cCP n€Qi. llQovoLaç •••• xai. lloo€Llirovl.O;.
l ...."'ux,(aç .... EtÉx,OV'tOc;. 90 DIOG. LA., VII, 134, 8VF, I, 85: Aoxd~' alnoiç ÜQxàç ElvaL TOrv o).,rov 000,
TO noLOÜV xai TO n«oxov. To JlÈv oùv n«oxov dvaL "tTtV MOLOV oOOLaV 'ri\v ü).,1]V,
8T PLUT., .A.àv. Colot., 14, 3: (Straton) TOV "ooJ'Ov alnov 00 tcPov tlvuL Cfl'lO~
'to liË noLOÜV TGv Èv alrtii >..6yov TOV OtOv • TOÜ'tOV yàQ dU)1.OV oV'ta li..o. 1t«OT\ç aùrilç
TO liÈ xU'tà qn;ow É3tEoitUL 't<il xa'tà TUxi)v· nox'Ïlv yà.Q Èvlil.Ô6vaL TO uVio~'tov.
liTllll.OUQyEtv lxama. Tfô1]OL liÈ TO MY~K1 TOÜTO Zt']vrov !lÈV b Kmn,ç Èv T(p nEQi.
CIe., De Mtura deorum, 1, 13, 35; .A.caà., Il, 121; LACT., De ira De" e. 10. -
oôa~. Atnus, PkJo., I, 3, 25 (Dozogr., 289), SVF, 1, 85; Ac"JW.I TAT., p.
Cf. RaDIER, La physiq1le de Straton de Lampsaque, p. 54·55.
LESTOICISME ZÉNON DE OITTIUM 39
38
On peut s~ demander évidemment si la distinction d'un prineip!r tout naturel d'appliquer à la
Divinité les noms qu'on attribue au
passif et d'un principe actif à la façon de Platon et d'Aristote pHncipe vital de l'homme: aetker, aer, ignis 93.
n'entraîne pas inévitablement larurture du monisme stoïcien. Il Ce feu divin pénètre la matière amorphe pour la modeler et en
semble cependant ne pas en être ain.;i, parce que ces deux principes tirer le grand chef-d'œuvre qu'est la cr~ation 94. TI s'ensuit que la.
ne sont pas opposés l'un à l'autre, mais sont .depuis toujours uDÏs,.-et, causalité exercée par le souffle cosmique, n'est pas purem~·nt for-
comme ils sont matériels tous les deux, il n 'ya pas non plus d ',op- melle selon le ,vocabulaire aristotélicien, mais qu'elre· est un mélange
position à ~ point de vue 91. Il n'est donepas rigoureusement exact de causalité efficiente et formelle. De même la matière amorphe
de parler du panthéisme stoïcien: à la source de toute la réalité les des stoïciens n'est pas une déterminabilité pure; elle correspond
philosophes du Portique admettent un germe primitif, où la ma- plutôt à la matière seconde du Stagirite. Il est intl:rassant de noter
tière et le logos, le principe passif et le principe actif sont réunis: que dans les textes qui nous sont conservés, Zénon ne se sert pas
il serait donc plus exact de parler d'un panenthéisme: tout -est en encore du terme :7tVEÜJ,La ou spiritus pour désigner la Divinité: la
Dieu et la Divinité pénètre toutes choses. raison en est probablement que le pneuma n'occupait que la seconde
On admet assez généralement que If'S stoïciens plaçaient au~des­ place dans la série des éléments, ce qui était un obstacle à son
sus de ces deux principes un pneuma primitif, qui en serait la id('ntification avec la Divinité. Zénon se sert généralement des voca-
source: c'est là une interprétation de la philosophie {lu Portique bles héraclitée'ns: aL{h]Q' ou :7tÜQ 91S.
qui s'origine à la physique héraclitéenne et non pas à l'empir~3 Il nous fa_ut répondre encore à une dernière question: quel est
psychologique qui constitue le fond du système stoïcie·n. Lorsque le rapport qui existe entre les principes (<lQXaL) et les éléments
Zénon a prouvé que- le cosmos est un être vivant, il ne se pose pas ( afoLXELŒ ) T TI n'est pas certain que Zénon ait déjà posé ce pro-
de questions ultérieures: la vie ne semble pas être un mystère aux blème; il requiert cependant une solution. Les stoïeiens signalent
yeux des stoïciens. Une matière amorphe et un .souffle vitalexpli- une double différence entre les deux: tout d'abord les principes
quent suffisamment l'exubérance de la vie qui nous entoure. C'est sont éternels, sans commencement et sans fin, tandis que les élé-
cet élan vital, qui anime le cosmos, que les stoïciens appellent Dieu 92; ments doivent leur existence à l'interaction des principes 91. En
puisque l'âme humaine est une parcelle de ce souffle divin, il est 93 CIc., De'fU],t. de~m, l,' 36, SVF, l, 154.; CIC., .AcOO., II, 126, SVF, l,
154; TERTULL., .Ad1J. Maro., l, 13, SVP, l, 154.; MINUCIUS FELIX, 19, 10, 8VF~
124 E, SVF, l, 85; Pl:IILON, De provid., l, 22, SVP, l, 85; THÉODOR• ., Grace. 1, 154.; AUGUST., Âd1J. Âcad., III, 17, 38, SVF, l, 151.
aff. eur., IV, 12, SVF, 1,85; CHALCIDIUS, 11& Tim., e. 290, SVF, I, 86; H CIe., De nat. deorvm, II, 22, 57: Zeno igitur nat~ram ita definit ut eam
STOBtx, Eel., l, 11, Sa, p. 132, 26W (ARIUS DID., fr. 20, Diels), SVP, l, 87: dieat eue ignem arlifieiosum ad gignendum progredientem via. - CIc., Âoad.,
StNÈQUX, ep. 65, 2; THEOPHR., Phys., fr. 3, Doz"gr., 4.77, 14.-16. l, 11, 39: (Zeno) statuebat ignem esse ipsam eam naturam, quaa quidque gigne-
91 CHALCIDIUS, In Tim., e. 292, SVF, l, 88. P. BARTH, Die Stoa, p. '18. CI. ret et mentem atque sansum. - DIOG. LA., VII, 156.
Baeumker (Daa Problem der Materie, p. 347) a montré que la conception stoï- 95 H. LEISEGAN'G, Der heilige Gei8t, Leipzig-Berlin 1919, p. 4.9. Le terme
cienne da la mati~re est très différente de celle d'Aristote: «Sie ist du aus ,piritu apparait dans un texte de Chalcidi1l8, que nous avons eiW plus baut
sich bestehende, feste Substrat (t/XOXElJ1EVOV), die Substanz (mjoCu) welche (In Tim., e. 292; SVP, l, 88): il n'est cependant pas- certain que eette parUe
die nahern Bestimmungen tragt und ihnen erst Bestand gibt J). Il s'ensuit que du texte se rapporte l Zénon, bien qu'il en soit ainsi pour le passage qui pr6-
torites les déterminations de la matière sont d'ordre qualitatif. En ce qui con- eMe imm6diatement notre texte (et. L HEfNIaUNN, Poseidoft,io.' tnetapAy8Ï8cM
cerne les rapports entre la matière et la divinité, il adlllet qu'il fautdistin.guer 8ohrift6ff., l, Breslau, 1921, p. 30). D'ailleurs une des prineipales sourees des
ces deux principes d'après les stoïciens, bien qu'ils ne puissent jamais exister renseignements de Chaleidius semble être Posidonius: fi n'est évidemment pas
séparément. impo88ible que Posidonius ait déformé quelque peu les renseignements sur
92 THEODOR., Grace. aff. eur., IV, 12; PG, 83, 901: Z"vrov 'tov 9EOv xaL n'tv Zénon dans le sens de sa propre pensée. (Au sujet des sourees de Chaleidiu8
üÀ"v àQXW; ËcprJot:'V dvu\.. ACHILLE TAT., lsag. in .Arat., 3, p. 124 E (fr. 4), et. B. W. BWlTALSKI, De. CMlcidi1U Komtne~tar su P'lato', TitnCJe1U, Munster,
SVF, l, 85: Zi}v(J)v 0 Km.roç à{>xà.ç dVUL ÀÉyEL 't00v OÂ.rov9EOv xai. üÀllV, 9EOv ..€V 1902, Beitrige zur Geseh. der Philos. des Mittelalters, III, 6).
TO 1tOlOÜV, Ü)."V ôÈ: 'to 1tOlOlJJ1EVOV. AtTIus, l, 7, 23, SVF, l, 15,1. Cf, P. BARTlI- 96 DJOG. LA., VII, 134.: ~W.<péQELV ~é <p«OLV ÙQxà.ç xai. O'toLxera· 'tW; .. iv yàQ
A. GOEDECKEMEYEB, op. cit., p. 21. dvaL ciyEVlho,,~ xat CÏ<p'6«1Q't0'UÇ, 'tà ~È O'tOLXEin xatà -rl)v ËxxUQroOLv cp6'ElQEat}U"-
•A)J.à xcù àaro,w.~O\1; dvu" 'ttlç ÙQxciÇ xut ci.wQcp~, ~à ôè fUJWQ<pWo{ta.~.
40 LE STOICISME 1 CLÉANTHE D'ASSOS
41
outre ka principes sont incorporels' et amorphes, tandis que l!, Au cours de cet exposé nous avons plusieurs fois attiré l'attE:ntion
éléments jouissent déjà de certaines déterminations formdles. Cette ~ur l'empirisme psychologique caractéristique du système stoïcien:
seconde différence peut paraître étrange au .premier abord: e 'tst le point de départ de cette philosophie nous paraît être 1'homme
pourquoi M. Heinze a proposé de remplacer ùaooJLâtouç par aooJLata ''J~ qu'elle considère comme constitué de pneuma et de matière. Pui~
Cept·ndant '!ette correction nous paraît inexacte; car la significa- q,uc l'univers est également un être vivant, les philosophes du Porti-
tion du terme ùaooJLatoç n'est pas « immatériel », mais bien cc incor- que lui attribuent les mêmes éléments constitutifs qu'ils ont décou-
~rel », c'est-à-dire amorphe. C'est pourquoi nous préférons l'in- verts chez l'homme. C'est ainsi qu'ils en arrivent à admettre deux
terprétation donnée p-ar Hirzel 98 qui s'appule', d'une pan, sur la ;:.rincipes à la source de toute la réalité, un élan vital qui anime le
juxtaposition de ùaooJLatoç et de aJLoQQ>o; et leur opposition com- cosmos (Âoyo;) et une matière amorphe; en un mot, une semen~
mune à JLEJLoQQ>waôal, d'autre part, sur la définition d'un aWJLa divine 102. On peut se demander si les stoïciens n'ont pas éprouvé
donnée par Apollodore: c ~est ce qui est étendu selon les trois di- i~ besoin de ramener cette dualité à un principe unifiant supérieur
mensions, la longueur, la largeur et la profondeur 99. TI Y a donc 3 l'exemple des grands représentants de la pt:'Dsée grecque qui l~
une double différence entre les éléments et res principes: ont précédés. Il semble bien que non, et ce à cau~ du point de dé-
- les principes sont éternels, les éléments ne le sont pas; part psychologique de leur système: c'est ce qui distingue très net-
- les principes sont amorphes, les éléments ont certaines déter- tement la pensée stoïcknne de celle des anciens physiologues.
minations formelles.
Si dans certains textes on nous dit que d'après les stoïciens les 2. CLÉANTHE D'Assos.
principes étàiënt matériels, cette information ne contredit en auc.une
façon les caractères que nous venons d'établir 100. Quant à la ma- Le successeur de Zénon est resté fidèle à la conception pneumati-
nière dont les principes produisent les quatre éléin.€·nts, les stoïciens que de l 'âme humain~·, qu'il avait héritée de son maître 103• Cepen-
D'en donnent pas un exposé systématique, mais ils la comparent à dant les quelques fragments qui nous renseignent sur' la doctrine
la production d'un être vivant à partir de la semence, qui com- du pneuma

chez Cléanthe, montrent clairement d€s diverooences
0
de
prend égal€-ment deux éléments constitutifs, le pneuma et l'él~­ vue avec le fondateur de l'école, divergences qui portent le sCl€'au
ment humide 101. C'est en pénétrant la matière que le souffle divin d'une pEnsée originale. C'est le cas, par exemple, pour le caractère
produit dans un ordre déterminé les quatre éléments.
successeur de Zénon. - D'après M. E. BRtBIltR (Histoire de la philo8ophie,
l, p. 291·298) et J. BmEZ (La cité du monde et la ciel du 80leil chez les 8101-

*. CÎémI .. Aead. royale de Belg., cl. des lettres, XVIII (1932), p. 253·254), cette
.conception immanentiste de la divinité serait d'origine orientale :, CI Comme
97 Di.e Lehre l10m LogOI, p. 91. On l'a fait remarquer encore, le Dieu des stoïciens n'est pas un Dieu hellénique.
98 Untersuchungen f t Cioeros p1tilo8ophisohen Sohritten, Leipzig, 1882:,. n, D'après la philosophie grecque, l'Êtro suprême, que ce soit le Bien de Platon
p. 756. 011 la Pensée. d 'Aristote, vit pour ainsi dire indUférent au monde; laperfec-
99 DIOG.LA., VII, 135: orof.U1 ~. Èat', «p1loi.v •Aj'toÀÀ6ôroQoÇ Èv TÜ cpuOtXii, 'to tion de son existence le fait demeurer étranger A nos misères; idéal de 1'homme
'tQLXn ÔLO.ata.'tov, Eiç ..,ilxoç, Ei.ç nÀo:to.ç, Et; ~o:6o.ç. et de l'univers, il n'agit 8ur eux que par l'attrait. de aa; beauté, sana que sa
100 Eus., Praepar. evang., XV, 14. PG, 21, 1341; Ps.-GAL., Hiat, philos" 16, volonté a.it A intervenir. Par contre le Dieu des ltoïciens diapose l'organisation
Dozogr., 608; ORIO., Contra Celsum, VI, 71, KOETSCBAU, II, 141. entière du monde en faveur de l 'homme. Sa puissance se fait sentir en toute
lOl.DIOG. LA., VII, 136: roO:rtEQ È~ TÜ yovfi 'to onÉQf.U1 nEQtiXE'ta.L, oÜ"cro xo1 chose et la providence ne perd de vue aucun détail ••
'toÙ'tov O:rt EQ ..,a.·ux OV ÀOyov oV'ta. 'tOù XOOJlo.\I, TOLOVÔE {mOMUtEaOa.t Èv 't{il 102 STOS., EOl., l, 20, le, p. 171, 2W (ARtus DID., Fr. Phyl., 36, DIELS),
VyQ<i>, E'l'EQyOV uirc<i> j'toloiivta 'tl}Y üÀllY :rtQoÇ 'tl\Y Troy É;'Ï')ç yÉVEOlY· Eha. Wtoyt:~ùv SVF, l, 107; Eus., PrlUpar. e11ang., XV, 18, 3, SVF, l, 107. Ces deux prin-
j'tQW'tOY Tà. 'tÉOO«Qa. atOlXda., :rtiiQ, üÔ(OQ. ÙÉQU, 'fÏIY. cipes, matière et pneuma, sont inséparablement unis l'un à l'autre; cf. J. Mo.
Ce Oj'tEQJla.nxoç Â.Qyoç, qui pénètre et modèle la matière, doit être identüié REAU, L 'dme du tnOtlde de P14ton auz stoioieM, p. 164, surtout la note 5,
aveo le souffle divin, qui anime l'univers et qui sera appelé nveiif.U1 par 1(1 103 GAL., De l'lac. Hippoor. et P14tOtl.,· II, 8~ SVF, I, 521,
CLtANTHE D' ASSOS 43
42 LE 8TOICISllE
qualité comme une réalité corporelle 104. Dans ce cas, si deux êtr€s
corporel de l'âme humaine. Alors que Zénon le déduisait immédiate-
se ressemblent, ce sera en vertu de certains caractères corporels
ment du fait que l'âme Èsi un 'souffie, Cléanthe en. fournit deux
preuves syllogistiques, qui ont été conservées par Tertullien et par semblables.
Némésius d'Emèse: la simple juxtaposition de ces textes montrera M. E. Bréhier a donné de ce texte une interprétation qui nouS.
senible inexacte: « Il €st donc probable qu'en refusant à l'incor-
que la rédaction latine, qui est la plus ancienne, est aussi la p111S
porel en général à la fois le prédicat de semblable et de dissem-
complète et la plus précise:
blable, Cléanthe veut dire qu'il n'est pas un être» 105. S'il en était
Nbr., De -naf. hom.., p. 32, SVF, TERTULL., De an., c. 5, SVF, l, ainsi, les stoïciens ne reconnaîtraient aucune réalité aux deux prin-
l, 518: . 516: cipes qui sont à la source de tout ce qui existe, ce qui n'a pas de
a} où JA,6vov, <p1}aLV, 0f.L01.01. to~ a) Vult et Cleanthes non solum sens. D'autre part le raisonnement de Cléanthe se ramènerait à C€ci:
yovE'Üal. YLVô~a 'Katà ta aWf.La, corporls lineamentis, sed et ani- l'âme est corporelle, parce que l'incorporel n'existe pas: ce qui nous
&llà 'KaL 'X(ltà tTiv ~v toi; mae notis similitudinem paren~l•. paraît singulièrement simpliste.
1CC1{Wn., tO~ .q-3taL, tot; ôla-ftÉaE"L bus in fillos respondere de spe- C'est pourquoi nous croyons pouvoir expliciu·r l'argumentation
l:wJA,at~ ôÈ ta Of.LOI.OV 'Kat tc> àv6- culo, scilicet morum et ingenio- oe Cléanthe comme suit: si deux êtres se ressemblent, c'est parce
J10l0V, OUXI. ôÈ àaroJA,cltOU, aWf.La rum et adféctuum: corporis au· qu'ils ont certains caractères semblables. Or tous les caractères d'un
aQa ft ~ .... tem similitudinem et dissimilitu- être quelconque sont des ·réalités corporelles: donc le rapport du
dinem capere: et animam itaque s:,mblable (ou du dissemblable) n'exisu: qu'entre des êtres corporels:
corpus, similitudini vel dissimili~ dès lors, s'il y a une ressemblance t:ntre les enfants et leurs parents
tudini obnoxiam. quant aux caractères psychiques, c'est que l'âme aussi est une
h) oùôÈv àawJ1atov aul11CcÎax,EL b) .1tem corporalium et ineor- réalité corporeUe 106.
aWl1atl, ovôÈ àarol1cltq> aWI1Œ, àllà poralium passiones inter se non
communicare. Porro et animam 104 PLUT., De comm. Mt., cp. 50, p. 1085e, SVF, II, 380: "t'àç ~È: 1CO..o"tT)"t'~
aWfla OWl1atL l:UI11Cclax,EL ôÈ 1] aù miÂ.Lv oùa~ xaL aooJUl"t'a 1COLoÜal.. SIMPLICIUS, In. ...4. Nt. categ., f. 69 r., ed.
vux,-i} teP OWl1atl voaOÜvtl 'Kat compati corpori, cui latsa ictibus,
BAS., SVF, II, 383: au" o'Ù~È: ft l:"t'oo'ixOOv M;a, ~Ovtrov aooj.W."t'a dvaL"t'à. crX:1lj.W."t'a,
TEI1VOflÉvql 'Ka.. TO (J(Ï>J.La tii 'lroXn· vulneribus, ulceribus eondolescit wa1CEQ xai. "t'à. aU.a 1COui., <JlIM'rovEL TÎi 'AQUJ"to'tÉÀ.ouç ~6;n. GAL., De q1UÙitati-
atoxuvol1Évrlc; yoüv lQ,,-6Qov YLVE- et corpus animae, cui adflictae bus incorporei.9, 6, vol XIX, p. 480 K. SVF, II, 385. Ibid" 4, vol XIX,
tal 'Kat cpo6oul1Évrlc; roXQ6v· aWJA,Œ cura, angore, amore coaegreseit p. 473 K. SVF, II, 386. AfTIUB, Plac., IV, 20, 2, SVF, II, 387.
per detrimentum socii vigoris, 105 La théorie de8 tflCOrporel8 dau l'...4. noien Stoiciame, Paris, 1908, p. 8.
aQa " "'UX..]. 106 Cette conception des rapports de similitude et de dissimilitude diffère
cujus pudorem et pavorem rubo-
radieal~ment de celle d'Âristote. Dans le livre des apories de sa Métaphg8ique
re. atque pavore testetur. Igitur celui-ei se demande! à qui il appartient d'étudier ces relations (Meta., B 1,
anima corpus ex corporalium pas- 995b 20). Plus loin, quand il e88aie de déterminer exactement l'objet de la
sionum communieatione. philosophie première eomme étant la seience de l'être et tant que tel, il en
arrive 1 admettre. eomme objet de la métaphysique leI attributs tranaeenden-
Le premier argument s'appuie sur un simple fait d'expérience, taux de l'être: or, eomme le aemblable et le du.semblable sont des espèces de
à savoir qu'il y a une ressemblance entre les parents et leurs enfants, l'un, qui est incontestablement un attribut transcendental, l'étude de ees rap-
non seulem~'nt quant au physique, mais aussi par rapport aux carac- porta appartient au métaphysicien. (Cf. Meta., r 2, 1000 b 33. - Ct. Meta., r 2;
1004 b 1-6, 1005 a 11-18: dans ees deux demiera textes le semblable· et le dis-
tères psychologiques. Cette similitude serait inexplicable, d'après semblable sont décrita eomme des propriétés de l'être en tant que tel Cf.
Cléanthe, si l'âme était incorporelle: en effet, le semblable et le W. D. RoSB., ...4.Ntotle'. Metaphyriu toith introducti<m and oommeJl.tary, Ox-
dissemblable ne s'appliquent qu'à des réalités corporelles. ford, 1924, p. 224). Par le fait même ees relations de similitude et de dis8imiIi-
Le principe qui est énoncé dans la mineure' de ce syllogisme, est tude ne sont plus enfermées dans les limites du monde eorporel, m.a~ elles
If 'étcndeD.t à l~ réalité tout entière, <lui est l'obJet de la fhilosofhie fremièr~.
unt: conséquence logique qu fait que les stoïciens considèrent toute
èL:êANTIiÉ ri' ASSOS 45
44 LE STOICISME
Si déjà l'influence exercée par l'âme sur le corps fournit aux
Le second argument est basé sur l'inte·raction de l'ânle et dlLer stoïciens et aux épicuriens une preuve de la matérialité de notre
corps. Lorsque le corps est malade, l'âme n 'y est pas indifférente, principe vital, celle-ci ressort encore plus clairement de la. considé-
mais elle souffre avec lui; de même quand l'âme est frappée de ration de l'action inverse; telle est la seconde partie de l'argumen-
honte ou de crainte, le corps en subit le contreeoup; cette interac- tation de Lucrèce: « De plus, il est également vrai que l'esprit
tion n'éta-:tt possible qu'e·n·tre deux réalités corporelles, il en faut pâtit avec le corps, qu'il partage les sensations du corps comme
ctnclure que l'âme est corporelle. - Une première interprétation i~ t'est facile de le voir. Si, sans détruire tout à fait la vie; ia pointe
qu'on pourrait donner de cet argument consiste à faire appel à barbelée d'un trait pénètre en nous et déchire les 06 et les nerfs il
! 'adage stoïcien selon lequel tout ce qui est principe d'une activité en résulte néanmoins une défaillance, un affaissement à terre, pl~in
quelconque est une réalité corporelle lOT. Si donc il est prouvé que
de douceur, puis une fois à terre une confusion qui naît dans l'es-
1:âme !E·xerce une certaine activité, on peut en conclure logiquement
prit et, par moments, une velléité imprécise de nous relever. Donc,
qu'elle est corporelle. Cette explication, tout en étant impeccable,
c'~t de matière qu'il faut que soit formée ·la substance de l'esprit,
ne .tient oependant pas compte dot'· toutes les données du raisonne-
pmsque des traits et. des coups matériels sont capables de la faire
ment de Cléanthe. En effet, il y est question, non pas d'une activité souffrir» 110.
quelconque, mais de l'influence que l'âme exerce sur le corps, et
Cette argumentation semble avoir été préparée par la psycholoaie
inversemènt: l'âme subit également l'influence des dispositions cor-
aristotélicienne. Si "1'on compare la doctrine du Stagirite à celle des
porelles. .
stoïciens, on arrive .à la JIJ.ême constatation que tantôt: les philo-
On trouve là même argumentation dans le poème de Lucrèce, qui
sophes du Portique ont adopté en gros la conception d'Aristote,
la met au compte d'Épicure et qui fournit certains éléments. pré-
sans entrer cependant dans le détail des distinctions subtiles qu 'H.
cieux pour comprendre la portée exacte du raisonnement. Il dis-
y a introduites. En effet, Aristote admet également l'influe'nce des
tingue nettement deux parties dans cette preuve: d'abord l'acti-
vité que l'âme exerce sur le corps, ensuite l'influence qu'eUe en ~mport~nte dans sa métaphysique pour déterminer le rapport entre le moteur
su bit. Voici donc la première partie: « Ce même raisonnement nouS lm~obile. et .le monde sensible. En .effet, du m"oment qu'on admet le principe
enseign€: que la substance de l'esprit et de l'âme est matérielle. Car, 8to~co-éplcurlen s~r l 'action transiti~e, qui n'est possible que par contact
récl~~oque, on dOit en conclure que le moteur immobile est également une
si nous la voyons porter nos membres en avant, arracher notre corps
r~a~M ~orporell~. ?ep~ndant Aristote est arrivé à résoudre eette aporie par une
au ~ommeil, nous faire changer de visage, diriger et gouverner le dlhtmebon subtile: d après lui, toute action exercée sur une réalité distinete
corps humain tout entier, comme aucune de ces actions ne peut ne suppose pas néeessairement le contaet réeiproque: (,( il est des eas où: nous
évidemment se produire sans contact, ni le contact sans matière, disons que le moteur touche simplement le mobile sans que ce qui est toueh6
lJe devons-nous ·pas reconnaître la nature matérielle de l'esprit et dt· touche ~ qui le touche. Mais e 'est parce que les moteurs de même genre que
l'âme T» 108. Tout le poids de cé raisonnement se trouve donc dans les mobiles meuvent en étant mus, qu'on juge néee888.ire de IUppOSel le contaet
comme réciproque. n en résulte que si une ehose meut tout en étant non-mue
elle peut toucher' le mobile tout en n'étant elle-même touchée par rien. No~
la façon dont l'âme peut exercer une influence sur le corps: puis-
que ct-tte action n'est possible que par contact, il faut que l'âme disons parfois, e~ effet, que celui qui nous fait de la peine noul touehe mais
soit une réalité matérielle- En effet, d'après la définition d'Aristote, hOUS ne le touehons pas:t (ÂlLIST., De geMr. et 00fT., A 6, 323 a 28·33, trad.
le' contact « est la coïncidence des extrémités»; il s'ensuit que « se" J. TRICOT, p. 61). Nous pouvons en conclure d ~une façon gén6rale 'que d'après
ront seulement en contact ces choses qui, étant des grandeurs dis- Aristote, l'objet désirable (OQEX't'OV) exerce lur les êtres doués de co~aissanee
une ~luence qui peut être eonsidér6e comme un contaet, sana que' pourtant il
tinctes et occupant une position, coïncident par leurs extrémités» 109. en subl886 une transformation ou une atteinte quelconque (H. SIEBECK, URter-
SUChuRgef&, pp. 212·213). C'est par cet approfondissement de la notion de
AtTIUS, Ploc., IV, 20, 2, SVF, II, 387.
lOT
contaet qu 'Aristote. parvient b. donner une explication satisfaia&nte dei rap-
LUCR., De rerom natura, III, 160-167, trad. A. ERNOUT, p. 105.
108
ports entre le moteur immobile et le monde.
109 ARIST., De gen.er. et corr., A 6, 323a 3-6, trad. 3'. TRICOT, Paris, 1934,
110 LUCRÈCE, De rerllm Ratllra, III, 168-176, trad. A. ERNOUT, p. 105.
p. 59, Aristote a approfondi cette llotioll d\l con~et (Uqni), parce qu 'elle e.~
tË éT6têt8~
dispositions corporelles sur l'âme humaine: « il semble bien qué'-
toutes les affections de l'âme Boitmt données avec un corps: le cou-
1 n~cessaire de prouver sa corporéité. Ceci paraît être une simple
conséquence du fait que le pneuma, étant dcvenu une notion phi-
rage, la. douceur, la crainte, la pitié, l'audace et, encore, la joie, losophique, s'est détaché de ses origines empiriques et médicales:
ainsi que l'a:'Dour et la haille; car en même t~mps que se prOduisent nous y reconnaissons le premie·r acheminement vers une «spiri-
ces déterminations, le corp$ éprouve une modification. Oe qui le tualisation» complète, qui ne se réalisera que beaucoup plus tard.
montre en fait, c 'est q~e, parfois, dE?S causes· d'affections fortes et Nous pouvons donc conclure que Cléanthe est ·resté fidèle au
frappantes surviennent en nous, Bans entraîner ni irritation, ni principe fondamental de la psychologie de son maître: le caractère
crainte, tandis que, d'autres fois, deS eauses légères et faiblement corporel e-t pneumatique de l'âme. Mais en ce qui concerne l'ori-
perçues suffisent à pro~oquer deS mouvements, quand le .corps est gine de l'âme humaine et ses rapporu. avec -le corps, il n'admet pas
déjà surexcité et se trouve dans un état comparable à la colère. Mais la simple connaturalité entre le souffle vital et l'organisme corporel.
voici une preuve plus· claire' encore: enl 'absence de toute cause de 11 semble plutôt avoir subi des influences platoniciennes: en effet,
crainte, on peut éprouver les émotions de la peur. S'il en est ainsi, il enseigne que l'intelligence humaine est introduite du dehors dans
il est évident que les affections sont des formes engagées dans la le fœtus: « ll\l{}-ayoQaç, 'Ava;ayoQaç, llÀanov, 8EVoXQatl)ç, KÀEavih}ç
matière » 111. Cependant Aristote a très bien vu que cette interac- 9uQa\}EV ELOXQLvEa&al 'tov VOÜV» 113. Il est assez frappant que parmi
tion de l'âme et du corps n'autorise pas à en inférer immédiate~ent ces philosophes grecs ne figure pas le nom d'Aristote, alors que
la matérialité du principe vital: pour que cette conclusion soit ad- c'est A lui probablement que l'expression a été reprise: en effet,
missible, il faudrait montrer d'abord que toutes les activités de dans le De generatiDn6 amimalium, Aristote écrit en parlant de
l'âme, sans exee-ption, sont indissolubl'ement liées au corps. Par l'origine de l'âme humaine: « UUtEt'aL ôÈ 'tov voüv J.l.ovov 9 UQ a a EV
contre, si cerlaNMl activités s'exercent indépendamment de la ma- f.1CELCnivaL Kat SELOV dvaL J.lOVOV» lU. Il n'est pas facile de don-
tière, on pourra en conclure que le principe de ces activités peut ner d~ ce texte une interprétation satisfaisante: que signifie exacu-
exister indépendamment de la matière, qu'il est donc immatériel. ment le mot 9ûQa3EV ,
« Si donc il y a quelqu'une des fonctions ou des affections de l'âme D'après lI. De Corte, « le voüç, principe vital indépendant de
qui lui soit véritablement propre, l'âme pourra posséder une e-XÎsten- toute matière quant à sa structure ontologique, est charrié par la
ce séparée du corps; par contre, s'il n'yen a aucune qui lui soit matière qui constitue physiquement l'élément actif de la généra-
propre, l'âme ne sera pas séparée» 112. tion» 115. « Seule donc elle (la faculté noétique) peut venir intégra-
Les deux arguments p~ lesquels Cléant1!e ~ssaie de prouver que lement du dehors (9uQa&v) par le· véhieule du sperme éjaculé par
l'âme est corporelle, nous semblent indiquer une certai~e évolution le mâle» 116. TI n'en est pas ainsi des fac~tés inférieures de l'âme:
dans la signification du pneuma. En effet. pour Zénon ce terme ce~es-ci en effet sont dépendantes dans leur existence d'un organe
avait encore sa signification purement matérielle; par contre Cléan- adapté A leu1" fonctionnement: elles sont donc sorties graduellement
the, tout en admettant le caractère pneumatique de l'âme, juge de la potentialité" de la matière! à laquelle elles~sont indiSsoluble- .
ment liées. Mais il n'en est pas ainsi de 1'intelligt.'Ilce: bien qu'elle
111 ARIST., De aft., l,l, 403 a 16-25, trad. J. TRICOT, p. 9-10. soit de fait rattachée à une matière, elle n'en dépend pas dans son
112 .A:RIST., De a•• , l,l, 403 a 10-12, trad~ J. TRICOT, p. 9: d_ J1ÏV eNv Ëad
existence. M. De Corte & essayé de fonder cette interPrétation sur
TI. "'ÜW Tii~ 'VUxii~ ÉOywv ft :nu-O"mui'tO)'V tÔLOV, ÈVÔÉXOL't' av aùn.v XWO~Eoita... •
El ôè J.L'litiv lanv tÔlOV u'ÙTi}t», oùx av d'l xwoLatl'a· - Cette doetrine les principes généraux de la métaphysique et de la biologie d'Aris-
ariato~lieienne Il ,~ 'labo rée plus tard par les commentateurs mMiévaux : tote.
à la luite de eertaines distinctions ultérieures introduites par Jean PBILOPON'
(De ÂftMno, p . •5, 25, ed. HAYD'OCK, Berlin, 1891), AVDROts (De Â~i.m6, l, 11. BTOB., l, '190, Do~ogr.,
392.
no 12 et 13, p. 6 r, Venise, 1562) et S. THOMAS D'AQUIN (Comm. ia De Aaim4, 11. ÂlUST., De /leMr. aRim., B 3, '136 b 27.
l, 2, no 19, 00. PIROTTA, T... rin, 1925), ont prêconisé la doelrine, admiae encore 115 La doctriM de Z'iAtelligett.ce CM. Âristote, Paris, 193', p. 10~.
de nos jours, de b. dépendance subjective et objeetive. . 111 ~id., p. 108.
49
Cette explication a été combattue fortement parF•. N~nal1t, passive (Tb na{hll'lxov) comprenant le OUJ10ç et l' È1ClÔ'uJ111TLXOV ; d'au-
qui refuse· catégoriquement d'attribuer à Aristote ces conceptions tre part, la partie impassiblr (l'Ô a1ta3Éç), qui comprend le voüç ou le
traducianistes et qui repousse également le créationismeque Tho- ÂOyL<TtlXOV. Ce même antagonisme se retrouve dans l'hymne de
mas d'Aquin et d'autres après lui ont voulu découvrir dans' ce pas- Cléanthe: il y est question du malheur des méchants, qui se laissent
sage. D'après Nuyens la signüication générale du terme e~Qa{kv E:ntraîner par leurs désirs à la recherche insatiable des biens de
ne lai~ pas l'ombre d'un doutè: ~ s'oppose 1 cpUO'EL, c'est-1&e ce la terre, au lieu· de tendre vèrs le vrai bonheur en suivant la voix
qui est par nature, et signifie simplement quelque chose, qui vient de la raison (O'ùv "<1» et en obéissant à la loi divine, qui gouverne
du dehors;. il paraît impossible de préciser davantage la conception le monde 121. li est donc bien clair que notre texte l;lous renseigne
d'Aristote sur l'origine de l'âme, parce que sa psychologie ne con- uniquement sur l'origin~ de cette partie supérieure de l'âme, l'in-
stitue pas un système philosophique achevé. TI admet, d'une part, telligence impassible.
que l'âme (st l'entéléchie du corps et,· d'autre part, qu'elle est Il y a encore un autre élément dont on doit tenir compte dans
immatérielle et éternelle, principe de la pensée; mais·il n'est pas ) 'interprétation de notre texte: c'est que, parmi les stoïciens,. Cléan-
arrivé à faire une synthèse harmonieuse de ces deux aspects de· notre the est le seul qui soit nommé. On peut en conclure, Sê·mble-t-il, qu'il
principe vitaIlls. Cette interprétation va nous permettre de dék·r- s'agit d'une doctrine qui lui est propre. C'est pourquoi l'interpréta-
miner la signüication de notre texte pour le système de Cléanth~. tion de L. Stein n'est pas admissible 122. D'après lui, il serait ques-·
Il importe d'abord de remarquer que, dans l'information doxo- tion de la 1tEQhpu;LÇ, telle qu'elle est exposée par Chrysippe; le
graphique citée ci-dessus, il est question de l'intelligence (vo'Üç) f,; fœtus n'aurait dans le sein de sa mère qu'tme vie végétative: c'~~
non pas de l'âme (VUX~). Cette distinction n'est pas inutile: en seulement au momt·nt de la naissance, par l'aspiration de l'air en-
effet, Posidonius, quia introduit dans la philosophie du Portique vIronnant (9uQa{}ëV), que le c:putOV devient un têi'>ov. D'ailleurs, il
plusieurs conceptions platoniciennes, telles que la trichotomie, nous n'est guère concevable que les stoïciens aient admis que la su~
dit que sur ce point Cléanthè était d'accord avec lui 119; età titre stance subtile de notre pneuma psychique se trouve dans l'air en-
de preuve il donne un extraÎtd 'un dialogue entre le ÀOyLO'J.I,OÇ et le vironnant: c'ESt ce que Bonhoffer a déjà fait remarquer en parlant
OUJlOÇ, composé par Cléanthe, où l'opposition entre ces deux facultés de l'explication de L. Stein 123 ~ Cependant l'interprétation qu'il pro-
de l'âme apparaît très nettement 120. D'après ces indications Cléan· pose lui-même ne tient pas compte non plus du caractère exception..
the distingue donc deux parties dans l'âme: d'une part, la partie nel de la doctriIie de Cléanthe: d'après lui, en effet, l'intelligence
existerait de façon latente dans l'embryon, parce qu'elle y a été
111 F. NUYENB, .op. cit., p. 31·33. introduite par la semence. Il est bien clair pourtant que cette posi-
F. NUYJ:NS, op. cit., p. 290-293.
118
tion· n'a rie~ d'€'Xceptionnel: nous avons vu que Zênon explique la
119 GAL., De pZac., Hippocr. et Pw.f., IX,. 1 (.01. V, p. 6, S3 K, p. 653, lw.
MULLER), SVP, l, 571: nooELÔrov~ ••• ÔELXVUOLV Èv 'tfi nEQi na:Doov nQuyJ.LU'tE~ transmission de la vie par la division du pneuma psychique:. une
ÔLOLXoutLÉVOUç T)tWç imb 'tQt.iilv ôuvuJ1lrov, ÈnLituJlll'tLxiiç 'tE xal OuJ.LOELÔoÜç xal parcelle du souffle vital·· du père est contenue dans le sperme et
loytmLxiiç' Tijç ôi alrrijç ÔOÇllÇ 0 nO<1E~WV~ lÔELtEV ttVUL xat 'tOv KltuvDt)v. passe dans le fœtus. L'explication que M. De Corte a donnée du.
120 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., V, 6· (vot V, p. 416 K,. p. 456 Iw. texte du De generatione animalÎum d'Aristote; n'est donc ·guère
MÜLLER), SVF, l, 510: nlV JlÈv oùv 'tOü KlE4vDouç yvroJlllV imiQ 'toU nu'Ô'r)'tLXoü
plus admissible ici. Si le OUQa-3Ev n'avait d'autre signification que
'tT)ç 'i""x.T)ç lx 'tOOvbe cpa(vEaDu{ CJlTI(n 't00v Èn&v·
AOyLO.,wÇ· TL1CO't' laD' ô floUÂ.EL, OutLÉ; 'tOVtOJ.LOL CPQuoov. le traducianistne stoïcien, on ne voit vraiment pas pourquoi Cléan-
eu",Oç'<o>i y', 00 ÂoyLOtLÉ, nciv ô flouÀOJlUL nOL.Eiv. the serait seul nommê parmi les stoïciens.
A. f}a.oLÂ.I.XOv <d>1CE<Ç> • nÀ1Îv oJ.W>Ç EbtOv miÂLv.
e. oov èlv E1CLitu~, 'tuVD' 01CroÇ yE'Vl]<1E'ta.L.
To\,.d 'tà o.JlELfluia lUeuv60uç CJlTIoi" dVa.L nooE&hOOvLOC; ÉvUQi'OOç h~tueWJlMI ni" 121 STOB., Eol., l, 1, 12, p. 25, 3, SVP, Ii 531, 16-21.
nEQL 'tOÜ nu'Ôll'tLxoÜ riiç 'i""Xiiç yvro"'11v Ul1tOÜ, EL yE &ri nenOLll XE 'tOv AoyLO..,oV 'tip 122 Pl1Icho'Zogie der Stoa, l, p. 163.
9uJ1<il Ô~OJlEVOV wç ÉUQov hÉQ'P' ua EpQ:td 1&M die Stoa, p. 51.
b STOlèis~

n y a une troisième donnée dont on doit tenir compte dans l'in!'l' avoIr besoin de cette nourriture corporelle; eepend8\llt Cléanthe
t.erprétation de ee texte: les autres philosophes qui f~rment groupe affirme que même le soleil, l 'hégémonikon du monde, ne se passe
avec Cléanthe. Si l'on excepte Anaxagore, dont la psychologie nous pas de cette pâture et que les exhalaisons de l'océan lui servent de
est moins bien connue, ceux-ci .représentent deux grands courants noumture 128. Peut-être que, d'après Cléanthe, l'âme se nourrit
de la philosophie grecque, qui défendaient la doctrine de l'immor- des effluves du sang durant son union avec le corps et que, dans
talité t:t la mettaient -en relation étroite avec la préexistence de l'âme sa vie séparée, elle vit de la même nourriture que le soleil.
humaine. Or nous savons que Cléanthe admettait la survie de l'âme La psychologie de la connaissance montre également que Cléanthe
après la mort jusqu'à la première conflagration, et cela pour tou.tes ne s'est pas dégagé du matérialisme stoïcien: sa conception de la
les âmes sans distinction, alors que Chrysippe ne l'admettait que sensation le prouve à l'évidence: la définition de la sensation géné-
pour les âmes des sa~ Hf. On peut se demander dans ce cas. si ralement admise par les philosophes du Portique était la suivante:
Cléanthe n'a pas comme les pythagoriciens et les platoniciens à qui nJJtWO"lÇ EV ",uxii 121. ~pendant les stoïciens n'étaient pas d'accord
on le comp~re, admis cette même corrélation entre la survie et la pré- sur le sens exact qu'il fallait donner au terme nJJtwO"lÇ. Cléanthe
existence de l'âme humaine. S'il en était ainsi, on pourrait donner conçoit cette impression de façon toute matérielle, comme l'écriture
au terme 9uQ·aôEv une explication pleinelm"nt satisfaisante, qui s'ac- ou le dessin sur une tablette de cire: certaines parties sont enfoncées
corderait d'ailleurs avec la doctrine des autres philosophes dont tandis que d'autres se montrent en relief (xaTù dO"ox;rlv TE xaL
parle notre texte. Dès lors,· quant à la doctrine de Cléanllie sur E~OX~V) et c'est ainsi que se constituerait dans la partie principale

l'origine de l'âme humaine, nous croyons qu'il faut faire une 'dis- de l'âme une image de l'objet observé 128. Chrysippe n'admet pas
tinction entre l'âme passive, d'une part, dont l 'origine ~st expli- cette interprétation grossière de Cléanthe et conçoit cette impres-
quée selon le traducianisme préc~nisé par Zénon, et l'intelligence, sion comme une transformation d'ordre qualitatU (Ét"EQOLWO"lÇ ou
d'autre part, qui préexiste· à son union avee le corps. àUOLWOlÇ) 129. Ces deux: conceptions de la connaissance supposent
" S'il en est ainsi, on peut se demander évidemment si les preuves incontestablement un hégémonikon qui n'est pas totalement dégagé
par lesquelles Cléanthe veut établir le caractère corporel de l'âme de la matière: l'objection que font les adversaires de la théorie de
humaine, s'appliquent aussi à l'intelligence. Peut-on ·attribuer à Cléanthe, consiste uniquement ·à dire que _cette matière, dont l 'hégé-
cette partie supérieure de l'âme le caractère pneumatique que Cléan· monikon est composé, est tellement subtile et si peu solide, qu'on
the affirme de l'âme en généraIT L'opposition entre ces parties de ne peut guère y concevoir des impressions stables 130.
l'âme humaine ne doit-elle pas être fondée sur une différence de Dans une de ses lettres à Lucilius, Sénèque parle encore d'un
natm:e f D'après les rares informations que nous pouvons recueillir, autre point de désaccord entre Cléanthe et Chrysippe, la nature
Cléanthe ne semble pas avoir poussé son dualisme psychologique
"jusqu'à ses dernières conséquences: ainsi il admet, comme Zénon et 128 CIe., De ut. deorotn, II, 40, SVF, l, 504.
121 SEXT. EKPIlL, ~dl1. math.; VII, 228, SVF, l, 484.
Chrysippe, que l'âme se nourrit continuellement des effluves du
" 128 SEXT. EIlPIR., ibid., SVF, l, 484. q>«vtao~ oùv iCJ"tL xa"t' uùt~ M{J)OI-Ç
sang 125. On peut évidemment se demander s'il ne s'agit pas ici de
I:v "i'Uxii. neQL ~~ eü6ùç xaL ~t.ÉO't1)aav· KMâv&r)~ ~ ydQ ~xOU<Je riav MCOOI.V xa"tà
i 'âme. inférieure: en effet, puisque l'intelligence a une origine dU- elaox1lv 'Œ xal Èsomv, œo:7tf:Q xaL < -ritv > 6ui. "tWv OOx-ruÂ.Uov yLyvo~V "toü
férente et survit à la séparation d'avec le corps, elle semble ne pas ~QOû WnCOOL'Y.- ID., ~dl1. j{ath.., VII, 312, SVF, 'l, 484; :W., ~d". Mat".,
VIII, 400, SVF, 1, 484-
129 SEXT. EIlPIB., ~d!l •. Math., VII, 221, SVF, II, 56; DIOCLts lrrA.oNts
~2f ~IOG. ~A.., ':II, 157 , SVF, I, 522: Kltavfh]; JLh oùv :7t&.o~ !:7tL8U1J.LÉVEL'Y
'chel DIOO. LA., VII, 50, SVF, II, 55.
(1Jcil. "tW; """,xaç) ~XQL Tfiç Ëx.-ruQroae(J)Ç, XQvalJt1tDÇ 6È"t«Ïç "trov oo«pwv J16vov. -
130 SEXT. EllPIB.., Pyrrh. hypotyp., II, 70, SVF, l, 484: Ë:7teL omo ~ "i'UxTI xaL
Platon mettait également des degrés dans l'immortalit6 d'après la conduite des
hommes en cette vie; cf. l'im., 90 B. . " . ~yeJ.LOVI.XOv :7t"VEiif.LÔ. icnw "i Â.e:7ttoj.LEQÉCJ"teQov :n nveVJU1fOÇ, W; cpa.aL\, où OOVl)<JE"taL
125 GAL., De pZac. Hippocr. et Plat., II, 8 (V, p. 283 K, p. 248 Iw. MULLER),·
"t1-Ç M{J)OI.V bnvoELv Ëv amit> oU"tE xa"t' elooxTIv xa.i. Ë;OX'lV, ~ btt "twv acpQ<1y(6caw
BVF, I, 521. oQ~iJ.nr.~~ [xa"td] nav "tEQa"toÂ.oyouJAÉv'lV:~EQOL(J)nX1}v.
CLÉANTHE D'ASSOS 53
LÊ STÔléiSMI

de la marcbè: «inter Cleanthem et discipulum eius Chrysippum- indications, Chrysippe 8 'est probablement écarté de la doctrine
Don eonvenit quid Bit ambulatio: Cleanthes ait spiritum esse a générale de l'écol~, lorsqu'il engage directement la partie principale
principali usque in pedes permissum j Chrysippus ipsum principa- de l'âme dans toute activité humaine: il inclinerait donc sur ce pomt
le» 131. On doit se demander tout d'abord quel est le nœud 'de cette vers les idées de Straton de. Lampsaque.
controverse. La lettre de Sénèque, où cette information ESt donnée, Cette psychologie de la connaissance montre que la supériorité
examine si les vertus sont des êtres animés: Sénèque s'élève aVE.e de la partie principale de l'âme est bien relative: étant matérielle
vigueur contre le fractionnement ridicule de l'âme humaine en des comme la partie inférieure, elle n'est pas complètement impassible.
milliers de petits êtres vivants, d'après le nombre des vertus qui Elle subit au contraire les impressions du monde environnant com-
s'y trouvent, et défend la thèse d'ap~ès laquelle la vertu at une me une tablette de cire, bien que, d'après Cléanthe, elle ne soit pas
disposition de l'âme une et indivise. C'est "entraitanteettequestion directement engagée dans l'activité et la passivité de nos organes 136.
qu'il objecte qu'on pourrait également· substantialiser les actions L'intelligence

de Cléanthe ressemble donc au vou; d'AnaxaO'ore 1:1 ,

humaines et considérer l'action de se --promener comme lin être qw, tout en dominant le monde matériel, est lui-même engagé dans
vivant "distinct. En parlant de la eontro~'rse entre Cléanthe et la matière, comme son élément le plus subtil (Âmtotatov) et le
Chrysippe, il propose de suivre l 'exemple de ce dernier et de se plus pur (xa{}aQcOtatov).
moquer de cette accumulation de petits êtres animés dans l'unique
âme humaine. D'après ce contexte, le nœud de la question semble ••*
être de savoir si oui ou non les actions humaines peu~"nt être ·con-
sidérées comme des entités plus ou moins-indépendantes. Cléanthe," De même que le fondateur du Portique, Cléanthe a calqué sa
en admettant que les actions humainES sont provoquées par des conception de l'univers sur son système psychologique. Le cosmos
courants pneumatiques qui partent de 1'hégémonikon et se dirigent est conçu par lui comme un organisme énorme, plein de" vitalité har·
\Ters l'organe approprié, affranchirait dans une certaine m€sure les" monieusement ordonnée, dont 1'hégémonikon se trouve dans le so-
actions humaines! l'égard de la pa.rtie principale de l'âme j tandis leil136. Après l'exposé que nous avons donné de la psychologie de
que Chrysippe considérait toute activité comme un~ certaine dis-' Cléanthe, il n'est pas difficile· de se rendre compte de la significa-
position de 1'hégémonikon lui-même. tion de cette doctrine. En effet, 1'hégémonikon est vraiment le cen-
D'autre part, ce problème ne semble· pas être sans rapports avec tre de la vie. Non seulement de la vie cognitive, puisque les impres-
la question de la localisation précise des sensations et des affections. sions du dehors viennent mettre leur empreinte dans sa matière
D'après la doctrine générale des stoïciens, les affections seraient le "subtile, mais aussi de toute l'activité" de l'organisme, puisque celle-ci
fait des organes touchés, tandis que les sensations auraient li~u dans est causée par les courants pneumatiques que le centre émet dans
l'hégémonikon lui-même 132. Par là ils se séparaient, d'une part, les différentes dkections. L'âme humaine est une parcelle de cette
d'Épicure, pour qui les sensations aussi bien que les affections âme du monde, qui pénètre et anime tout ce qui existe 181. La con-
avaient lieu dans l'organe qui avait reçu l'impression 133, et de ception du soleil comme un être vivant n'était pas une nouveauté
Straton· de Lampsaque, d'autre part, qui localisait· toutes ces acti· dans" la philosophie grecque: cette astrobiologie se trouve déjà
. .

\Tités psychiques dans la partie principale de l'âme 13". D'après ,ceS


XtÙ 'tà; a.tath}œ" I:v 'til» I)yexovuccp, o6x I:v ~oiç ne:rcMtoCJL 'tO:tou; avvCcna.a6-a.&..
131 SbŒQUE, Ep., 113, is, SVF, l, 525. Ot. ~. HoDID, op. Dit., p .. 96.
132 AiTros, Plac., IV, 23, l,Dextogr., 414: Oi ~-rroixo1. 'tà fÙ:v :tuih) I:v -ro~ 135 P •. BARTH - A. GoEDr.cxntlJYER, op. oit., p. 43.
:tenoVDexn. 'tcmmç, -rà; ôè a.tath}oEt; I:v 'tep fJYEJ.LOVLXep. 138 STOB., l, 452 W: IO~uvft1)~.o ~"t(liLXOç I:v I).Lcp Ëcp1}oev dVa.L "to ftYEJLOVLXOV
131 Arrws, Plac., IV, 23, 2, Dog;ogr., 414: '&tlxouQoç xal -rà :tuin) XtÙ 'I"à;
"(00 x60flOU.
131 HERK lAS, Irri8. genJQ. phQo,., 14:, SVF, l, 495: Ti)v ôÈ 1I/\'xi)v Ô~' 0).0" lOÙ
o.toihloEU; I:v 'toiç nveOvD-60L -rMOU;, -ro ôÈ fJYEJ.LOVLXOv âna.'f}Éç.
13"" AiTws, Plao., IV, 23, 3, Doa;ogr., 415: ~"(Qu'twv xo,1. 'I"à :tain) 'ri}ç "INXiiç x6oJtOU ÔL~U~V, t'je; JLiQ~ f'tt'Éxovt~ 1)f1dç E"'i"'xoüri«\.
CLtANTHE D'ASSOS 55
54 LE STOICISME

exposée dans l'Eptnort"s et dans les ouvrages d'Aristote. CIéanthe remarquer qu'il était trèS ripandu daM la Grèce ancienne 140; il n'a
toutefois en donne une prenye bien stoïcienne: il cherche à détermi=' donc pas éUS in~roduit d~Asie par les 'philosophes stoïciens.. Ce qui
ner avec précision la nature du feu dont les astres, et spécialement nous paratt plus spécüique'ruent oriental, ce ne sont pas des pièces,
le soleil, sont composés: 00 feu n'est certainement pas semblable au de doctrine séparées, mais l'esprit qui anime le tout et qu'on pour.
feu ordinahoe, qui consume la matière combustible; il doit donc res- rait caractériser en deux mots: animisme universel et immanence
semble; à cet autre genre de feu, qui est le principe de vie des êtres totale.
vivants. Si le soleil et les astres sont' constitués de ce feu vital, Cléanthe s'ést servi le premier du terme pne-uma· pour désigner
c'est qu'ils sont animés d'une vie exubérante, qui se répand sur l'âme du monde 141. L'accord entre la psychologie humaine et la
l'univers tout entier 138. Faut-il reconnaître ici des influences orien- psychologie du cosmos est donc complet: de même que le pneuma
tales f Certains le prétendent, et la chose est d'autant plus probable psychique anime notre organisme tout entier, ainsi le pneuma cos-
que Cléanth~, comme presque tous les stoïciens, ut originaire mique pénètre jusqu'aux extrémités les plus reculées de ce grand
d'Asie 139• Cependant, si l'on prend séparément les _différentes thè- organisme qui s'appdle le monde. On peut se demander si ce chan-
ses d.e la doctrine stoï6ienne, il est possible, croyons-nouS~ de leur gement daM la terminologie dénote une évolution dans la doctrine.
troUVf:r toujours des antécédents grecs, qui ont préparé le terrain. La raison pour laquelle Cléanthe n'a pas adopté la terminologie de
Spécialement en ce qui concerne le culte dn soleil, A. Dieterich fait son maître pour désigner l'âme du monde, est sans doute en rapport
avec son dualisme psychologique·: nous avons vu, en effet, qu'il se
. 138 CIeo, De nat. deorum, II, 41, SVF, l, 504: «atqui hie noster ignis, quem
servait des termes ÂOyLO"J.lOç ou \'oüç pour désigner la partie supé-
usus vitae requirit, confeetor est et eonsumptor omni~ idemque, quoeumque
invasit, cuncta disturbat ae dissipat. Contra ille eorporeoll vitalis et salutaria rieure de l'âme, qui, tout en étant matérielle, occupe cep€·ndant une
omnia conserva t, aUt, auget, sustinet sensuque adficit:t. Negat ergo e888 place privilégiée et n'est pas directement f:·nga~ée dans toute acti-
dubium (Cleanthes), horum ignium sol utri similis sit, eum is quoque efti· vité humaine. C'est pourquoi il pouvait difficilement se servir de
ciat, ut omnia floreant et in suo quaeque genere pubescant. Quare cum solis ce terme pour désigner l'âme cosmiqüe tout entière, qui fait jaillir
.ignis similis eorum ignium sit, qui sunt in eorporibus animantium, solem quo· la vie jusque dans les recoins les plus cachés' de l'univers.
que animantem esse oportet, et quidem reliqua astra, quae oriantur in ardore
eaelesti, qui aether vel caelum nommatur. . Cet exposé de la cosmobiologie de Cléanthe nous âmène à parler
139 Fr. Cumont (Le. mysth'e8 de. Mithra, Bruxelles, 1913, p. 22) insiste de ses conceptions théologiques. Mais avant d'étudier la notion
surtout sur les rapports qu'il y a entre le eulte de Mithra et le sto-ïeisme: même de Dieu, il sera utile de voir / comment Cléanthe arriVE: à la
Cl L'adoration de l'astre du jour comme dieu principal du paganisme ne s'in-
construire. Dans les fragments qui. nous ont .été conservés de sa
spire pas seulement des spéculations philosophiques des greu; elle 8e fonde
sur une dognuatique spéciale, qui a pour premiers auteurs ces prêtres astrono-
philosophie, on trouve deux esquisses concernant le chemin qui con-
mes de l'orient, auxquels on conservait le nom de Cl Chald~ens.. Suivant leurs duit à Dieu. La première est envisagée d'un point de vue historique
doctrines le soleil, qui occupe le quatrième rang dans la série des planètes, et psychologique: ce sont les causes qui expliquent la croyance de
plaoo au milieu d 'elleseomme un roi entouré de Iles satellitell (fJacnl.eùç -Hlwç)
réglait le cours de. cell astres errants et le mouvement même des cieux. Sàn
globe ineandescent .déterminait la marche des autres corps sidéraux. TI était 140 A. DIETEBICH, ~brCJZM, Leipzig, 1891, p. 54.
le CI cœur du monde» (xCl.Qaea TOÜ xOoJ.W") qui par sa chaleur animait tout ce ·141 TuTULL., .A.pol., 21, 10 (ed. J. P. WALTZlNG - A. SJ:VE1WNS, texte et
grand organisme ». - J. Bidez rattache la conception du soleil chez Cléanthe trad., Paris, 1929, p. 49). Apud vestros quoque sapientes M)yOV, id est serma-
plus spécialement ail eulte syrien de Helioll ou Baal xooJ.W'XQci"f(a)Q: Cl C'est dire nem &Plue rationem, eonstat artifieem videri UDÎversitati&. Hune enim Zeno
que Cléanthe, en plaçant l'astre du jour iL la tête de sa Cosmopolis, ne faisait determinat faetitorem, qui euneta in disposiüone formaverit eundum et fatum
qu'adapter la théologie orientalisante' du Portique l une idée admise depuis voeari et deum et animUIJ,l J'ovin. et neeell8itatem omnium remm. Haee Clean-
assez longtemps et BOUS des formes diverses dans tout le mysticisme aêiatique ». thes in spiritum congerit, quem permeatorem universitatis affirmat. - H. LltIs-
(La cité du monde et la cité du ,oleù, p •.274). - Le soleil occupe également GANG, Der 7u:ilige Geiat, p. 50: «aIs Bezeiehnung der Substanz der ....Gottheit
une gran.de place dan a la littérature hermétique; cf. J. KBOLL, Die Lehre~ ~. trat das 1tVEÜJ.W. zuerst bei Cln7"si~~ auf 11 ~ le texte ~ité rrouTe 'lue cette rem",,·
Herme, Tri81uepÜltoB, )Iunster, ~928, p. lOt, Dt 9, que est inexaew,
56 LE 8TOICISME CLÉANTHE D'ASS08 57
l'humanité· aux dieux. La seconde est d 'alllire strictement philosop~­ est également 8J.DBl du monde 145. TI n'est pas étonnant non plus,
que ~·t constitue une preuve de l'existence de ·Dieu. Nous n'entrerons après l'exposé que nous avons fait de la psychologie de Cléanthe,
pas dans le détail de cette preuve, mais il faut pourtant en dire un que ·le nom de Dieu soit attribué également A la partie la plus
mot· pour préciser la notion de la divinité. Le point de départ de élevée de l'âme, c'est·à·dine l'intelligence 146. En outre, puisque
cette arguLlentation, c 'est qu'il ya dans la nature différents de- l 'hégémonikon chez l 'homme est situé à una place déterminée et
grés de perfection. Ainsi, parmi les êtres vivants, les uns sont plus qu'il en est de même pour l'hégémonikon du monde, il est naturel
parfaits que les autres. Il faut en conclure qu'il en' existe un qui que cet endroit soit également considéré comme Dieu: c'est la voûte
est le plus. parfait ('XQclnatOV ~ov) ,car une ·série indéfinie d'êtres brillante du ciel 147; tel est le sens
qu'il faut donner au terme
da pIns en plus .parfaits n'est pas possible. D'ailleurs les .perfec- aeth61" ainsi qu'au terme mundus. Car ce dernier mot ne semble· pas
tions que nous connaissons en ce monde·, ne sont pas susceptibles désigoor l'univers dans sa totalité, mais plutôt le monde sidéral,
d'un accroissement indéfini. Or si nous regardons les êtres avec ou encore plus précisément, la sphère des fixes U8. On pourrait se
lesquels nous vivons, nous constatons que l'homme surpasse et. do~. demander pourquoi parmi les dénominations de la divinité ne figure
min~ tous les autres par sa:bealité corporelle et par ses qualités pas le soleil, alors qu'il a été d~igné par Cléanthe comme le siège
psychiques. Cependant, A y regarder de plus· près~ l'homme non de l'hégémonikon du monde. Nous croyons que cette question, tout
plus ne peut pas être l'être le plus parlait, parce qu'il est constam- en étant légitime, ne présente qu'un intérêt secondaire: ce qui im-
ment sujet à de multiples faiblesses morales et physiques. L'être porte au point de vue théologique, 00' n 'l6St pas tant le siège de
le meilleur et qui est parfait à tout point de vue sera donc plus l 'hégémonikon, mais l 'hégémonikon lui-même. Quant a.u siège, il
parfait que l 'homme. Il sera orné de toutes les vertus et n'admettra n'y a pas de doute qu'il se trouve dans le monde sidéral; si l'on
en lui aucune faiblesse: toiito ~F. où ~LO(aElreEOÜ. "EatlV uQa 9EÔÇ tu. veut des déterminations plus précises, les info·rmations ne concor-
Le S€ul point qui .nous intéresse dans cette preuve, qui a des accoin- d~·ntplus: c'est ou bien le soleil ou bien la sphère des fixes ou bien
tances manifestes avec l'argumentation aristotélicienne donnée dans le monde sidéral dans sa totalité 149.
le De Pk1wsophÙJ. pour prouver l'existence de Dieu l43 , c.'est la notion Il n 'y a d~)DC aucune contradiction dans les différentes dénomi-
de la divinité qui s'y fait jour. Dieu est un être vivant, qui sur- nations de la divinité f:t. les· reproches de l'épicurien Velleius à
passe tous les autres en perfection; il se trouve au sommet de la l'adresse de Cléanthe ne sont pas fondées. Ces dénominations se
série graduellement ascendante des perfeetionset, de plus, il. est ramènent toutes, en somme, à l'âme du monde, ou plus spécialement
l'être parfait à tout point de vue; il n'admet aucune faiblesse mo-
rale ni physique. Cette repr~entation correspond tout à fait A 145 AtTIU8, Plo.c., 1, 7, 17 (Dozogr., p. 302 b 15), SVF, l, 532: âLOyÉvY}Ç xat

l'idée profondément religieuse de la divinité qui se· manifeste dans KÀeuVÔ1)ç xw OlvmtLÔ1}ç (-cov OeOv) TÎ]V.fOÜ XOOJ.LOU ,,",Xtlv.
146 CIctBoN', De fto.t. cleorom., l, 31, 8VF, l, 530: (Cleanthe8) totiU8 naturae
l 'hymne célèbre que Cléanthe a adressé à Zeus 144. menti atque animo tribuit hoe nomen (seil. deum) •.• nihil ratione eenset divi-
Nous pouvons abord.er maintenant les différentes conceptions de nius. Mnrocros: Octa11Ï4U, XIX, 10, SVF, l, 532: Cleanthes enim mentem,
la divinité attribuées au philosophe d'Assos. Il est tout à fait naturel, modo animum... plerumque rationem deum disseruit. .
141 CIe., De wo.t. cleorum, l, 31,8VF, l, 530: (Cleanthe8) ultimum et altiasi-
après coque nous avons exposé plus haut, que l'âme du monde,
mum atque undique el.reumfusum et extremum omnia eingentem atque eom-
considérée comme un souffle divin qui pénètre l'univers, soit appelée ple:mm. ardorem, qui aether nominetur, eertiasimum deum judieal - LACT.,
Dieu: puisque- le cosmos est un être vivant et que, dans tout vivant, Iut., l, 5, 8VF, l, 534: Cleanhes et Anaximenel aethera dieunt e88e summum.
l'âme est plus parfaite que le corps, il faut bien admettre q~ 'il en deum.
148 CIc., De t16t. cleorum, l, 37~ 8VF, l, 530: C1eanthes autem, qui Zenonem
audivit una euro. eo, quem proxime nominavi (seil. Ari8tone) tum ip8um mun-
H~ SEXTUS EllPIB.., .Adl1. Math., IX, 88, SVF, l, 529. dum deum dieit e8le. - Ct: J. MOREAU, L'cime du monde, p. 111 et p. 117-118.
143 ARISTOTE, Dialogorum fragmenta, ed. R. W ALZER, ll'ireIlze, 1934, :p. 80, 149 CIC., De tl4t. cleoncm, l, 31, SVF, l, 530: (Cleanthe8) di"ini~teQ1 OIq~elQ
Ui STQB., Eel., I, l, 12, p. 25, 3, SVF, Ii 531. tribuit ~~
CLÉANTHE D'ASS08 59
58 LE BTOlCISME

à l'intelligence cosmique, qui. a IOn siège dans ·lemondeaidéral. comme Cléanthe; ensuite passant à la localisation de cette intelli-
.Cette localisation de ·la divinités~accorde pleinement avec laqua-'" gence, il attribuerait le nom de dieu au « mu-ndus », qui désigne..
trième des causes qui expliquE-nt historiquement et psycholQgique- encore une fois le monde sidéral. et finalement à la sphère des
ment la croyance de l 'humanité aux dieux, à savoi~ la r~aritê, fixes,. « qui domine et entraîne dans son propre mouvement les
l'ordre, la variété, et la beauté des mouvements célestes 150. Cette orba; planétaires, dont le système est ici particulièrement désigné
conception n'est d'ailleurs pas propre à Cléanthe : elle est alléguée par le terme mundus» 163. Nous retrouvons donc de part et d'autre
également par Aristote au troisième livre de son D8 Plilo$Opkia la reconnaissance du caractère intellectuel de la divinité, ainsi qu~
comme explication de la croyance en Dieu 1151. 'On pourrait se de- la localisation de l'intelligenoo divine dans le monde sidéral, et plus
ma.nder toutefois si cette conception de la divinité comme l 'hégé- spécialement dans la sphère des fixes. Il est donc bien probable que
monikon .(lu monde peut s'accorder avec l'idée de Dieu qœ nous Cléanthe a subi l'influence de ce dialogue aristotélicien; c '{,st sur-
avons trouvée dans l'hymne de Cléanthe et dans sa preuve de tout par ce dialogue que les philosoph€s hellénistiques ont pris con-
l'existence de Dieu. En effet, si Dieu n'est qu'une partie du grand tact avec le système du Stagirite 1~.
organisme cosmique, même s'il en est la partie principal~, comment Il y a encore un autre point sur lequel Aristote et Cléanthe se ren-
peut-il être considéré comme un 't'ÉULOV )toi. «ÏQ1.O'tov tci>ov t - La contrent: c'est la nature de l'âme et de Dieu, telle qu'elle nous €st
seule réponse qu'on puisse donner à cette question, c'est que la connue encore une fois par l'inrormédiaire de Cicéron: D'après ce
conception moniste du cosmos ne compromet pas dans le système dernier, Aristote aurait été amené à admettre, en dehors des quatre
de Cléanthe la substantialité de chaque. être, car on pourrait poser éléments connus, un cinquième, paree qu'il ne parvt·nait p~ à expli-
exactement le même problème pour tous les êtres e·t spécialement quer à l'aide des premiers l€s activités supérieures de la vie, sur-
pour les hommeS;. un monisme conséquent ruine évidemment la per- tout l'activité de la pensée 155. Cette quintessence, plus subtile et
sonnalitéhumaine et la responsabilitémorale.C '€St parce que le plus mobile que les dutres CJ"tOlXEia, serait donc l'élément constitu-
monisme stoïcien n'est pas la solution d'un problème métaphysique, tif des âmes et des dieux, ou, comme il dit ailleurs, des astres et
qu'il n'a pas été poussé à ses dernières conséquences logiques. d€S intelligences 156. J. Moreau fait observer au sujet de ce texte,
Une dèuxième rEmarques 'impose au sujet de la théologie de qu'il n'y a pas de raisons d'y voir des contaminations stoïciennes:
Cléanthe: c'est sa ressemblance frappante avec les conceptions théo- « A l'époque du De Philosophia ... , l'éther n'était pas encore ce

logiques attribuées par Cicéron à Aristote et qui sont empruntées qu'il devient dans le De Caelo, une matière naturellement apte A
au troisième livre du De Phùosopkia 1152. D'après ce texte le Sta-
163 J. MOREAU, L'lime du monde, p. 117·118.
girite reconnaîtrait d'abord comme dieu l'intelligence, exactem€>nt 164 W. JAmER, .A.ri8totelea, Grundlegung ew,. Geachichte .e€ur Eft.twick·
1ung, Berlin, 1923, p. 130.
160 CIe., De Mt. deorum, II, 15, BVF, l, 528: quartam eausam e88e, eamque
. 155 CIe., !U80., 1, 10, 22: Ari.atoteles longe omnibua - Platonem semper
vel maximam, aequabilitatem motui couversionum < que> eaeH, solis, lunae,
exeipio - praestans et ingenio et diligentia, eum quattuor nota illa genera
siderumque omnium distmctionem, varietatem, pulehritndinem, ordinem, qua-
prineipiorum euet eomplèXus, e quibua omnia orerentur, quintam quand am
rum rerum a.speetua ipse satis indiearet non esse ea fortuita. -
naturam eenset eeee, e qua lit mens; eogitare enim et providere et diseere et
151 SaTo ElI:PIB.., ~dl1. Math., IX, 20 (ABIST., Dialog. fmgm., 00.. W ALZZR,
doeere et invenire aliquid et tam mwta [alia] meminiase, amare odiaee, cupere
p. 74): 'Allà.&Ti xo.1. MO "t00v J1nEOOQW'V' 9!aaa.J1tVoL yàQ ~. 4tJ1ÉQo.v f4h 'i).uw
timere, angi laetari, haee .et aimilia eorum in horum quattuor generum messe
1CEQl.:toÀOÜVl"a, vVx"tcoQ ai Ti)v mux"tO'V "t00v 0JJ..œv runÉQCO'V XL'V'TIOW, bOflLO'UV dva.L
nva. tnov "tOv Tilç "toLalin}ç xLvi}oeooç xai. Ma;Laç UL"tUW. nullo putat; quintum genus adhibet vaeans Domine et sie ipsum animum
1112 CIe., De Rat. Morum, l, 12, 33: Aristotelesque in tertio de philo80phia.
b8i>".i XEWV appellat novo nomine quasi quandam eontinuatam motionem et
libro multa turbat a magistro suo Platone dissentienB; modo enim. menti omnem ·perennem.
.156 CICÉRON, ~oad., 1, 7, 26:, Quintum genua, a quo essent utra mentesque,
tribuit divinitatem, modo mundum ipsum deum dicit esse, modo aUum quen·
dam praeficit mundo eique eu partis tribuit ut repUeatione quadam mundi Bingulare eorumque quattuor quae supra dixi dissimile Aristoteles quoddam
motum regat atque tueatur, tum eaeli ardorem deum dicit eue non intelligenll esse rebatur. - CIe., T1UC., l, 26, 65: lm au~ est quinta quedam natura,
Çft~lulQ ~ul1di e&&e partem, ~uem aUo loco irse dCBi~navit deqlQ, . ~b ArÏ8~te~e ~ducta ~rimum, haee ~t .4e9r\lDl ~~ çt ~n~onun,
60 LE STOICISKE si
se mouvoir c~ulairement, .destinée à fournir dans le· système défi:...
nitif la simple puissance du mouvement circulaire, la virtualité du
premier mû appelant l'action- du pr~·mier moteur; il est, pi~ naive- •••
ment, la réalité qui exerce des fonctions psychiques, la substauee
spirituelle ~eprésentée à l'imagination, et comme k-lle revêtant les Après cette analyse des principaux textes qui se rapportent à la
espèces d'une matière subtile» lU. doctrine du pneuma chez Cléanthe, nous devons nous demander si
Cet éther,· qui serait considéré par Aristote comme la substance cette doctrine marque une certaine évolution par rapport à celle
de l'âm.e et de· Dieu, 8 'identifie évidemment avec le feu vital que du fondateur de l'école. Nous croyons qu'une certaine évolution
Cléanthe· a reconnu dans le soleil et dans le monde sidéraL n dis- peut être notée, principalement sur deux points:
tingue très nettement ce feu d'avec l'élément terrestre du même
nom,en ce qu'il ne consume pas la matière, mais il est au contraire 1. La doctrine du pneuma· a été élargie par le philosophe d' Assos
un principe de vie et de mouvement: il est donc de même nature de manière à constituer le fondement de sa conception du monde.
que le souffle vital qui nous anime. Le pneuma est-il d~)DC supérieur Nous avons dit plus haut qu'il s'est servi du terme pneuma pour
aux quatre éléme-nts, comme l'éther d'Aristotef Il semble bien que désigner l'âme du monde, qu'il confond avec Dieu, et il est le pre-
le rapport des quatre éléments avee le pneuma ne soit pas le même mie.r à le faire: aucun fragment de Zénon n'emploie le terme pneu-
que celui qu 'iIsont a~c la quintessence aristotélicienne: dans les ma dans le sens indiqué ci-dessus. De plus, dans une information
deux cas il y a une supériorité manifeste par rapport aux éléments, doxographique de Tertullien, les conceptions théologiques des deux
mais elle est d'une autre nature. Chez Aristote, l'éther estsupé- philosophes sont juxtaposées et Zénon se· sert du terme Àoyoç pour
rieur aux autr~s comme élément (O't'OlX,Eiov ), tandis que, chez les désigner la divinité, que Cléanthe appelle pneuma.
stoïciens, il s'agit d'une prééminence de principe (àQx,lÎ), bien que,
2. On aurait pu s'attendre à ce que le dualisme· psychologique,
dans les deux cas, cette supériorité entraîne une supériorité de sub-
emprunté à Platon, dégage notre principe vital, ou du moins sa
stance ou de nature 158. .
partie supérieure, de l'emprise de la matière, mais il n'en est rien.
La substance de l'intelligence humaine et divine est nettement dis-
151 J. MoB.EAU~ L'4me du monde, p. 122. L'auteur écarte le soupçon de eon- tinguée des quatre éléments. De même que la quintessence aristo-
taminations stoïciennes en eomparant la doctrine de ces fragments,d 'uné part, télicit:nne, le pneuma surpasse les éléments par sa subtilité et sa mo-
avec 1'EpinomlBet, d'autre part, avec les écrits cosmologiques et physiologi-
ques d 'Aristote. Cf. E. BIGNONE, L'Âristotele perd'Uto e ZII formo.zioM
bilité, mais il reste pourtant matériel comme eux. Cependant on ne
liJ.o801ica di Epicuro, Firenze, s.d., 2 vol., l, pp. 227-272. J. BIDEZ, U" rin- saurait contester que ce dualisme psychologique soit le point de
gulier fl,Q,u!rage littéraire d4n.a l'Ân.tiquité. Â la recherche dt, épll11e, cie l'.Aris- départ d'une évolution dans le sens de la « spiritualisation »: c'est
tottl perdu, BruxeUea, 1943, pp. 33-44. n Y" a cependant des objeetions llérieu- en" distinguant les caractères spécifiques de l'aetivité supérieure de
ses eontrecette interprétation matérialiste de la psychèlogie aristotélicienne: l'homme qu'on arrive à préciser la nature de son principe. SiCléan-
c 'est que, d'une part, elle est basée uniquement sur dès témoignages de Cieé-
ron, dont la Bouree est eertainement stoïcienne, et que, d'autre part, elle 'ne
the n'est pas arrivé à des vues plus spiritualistes, c~est qu'il a
eadre pas avec l'évolution générale de la pensée du Stagitite, telle qu'elle a a~ordé le problème de la nature de l'âme du mauvais côté: il s'est
été retracée par Nuyens. En effet, cette psychologie matétialiate a'oppose demandé si notre principe vital e~ en relation d'activité ou de pas-
directement au spiritualisme de l'EuiUme. sivité avec le corps, .ce qui est évident par l'unité même de notre
lG8 DIOG. LA., VII, 134, SVF, l, 493; HERKIAS, Ir",. gentil. philo,., 14
être, au lieu de chercher comme Aristote s'il n'y a pas une activité
(Doxogr., p. 654), SVF, l, 495: MÂ.' () KÂ.Eo.v61]C; MO 'toO fPQÉatOC; b<iQuç -ri)v
propre à l'âme, pour pouvoir en déduire l'ém.ergence de notre pri~­
XEq>aÂ.l}V xa'tayd4 (JO" 'toO &lyJ.l.o:tOC; xai. amoc; civtJU1. 'tde; ciA'l{tdC; è.Qxciç, 9EOv xai.
üÂ.'lv. Kai. n]v .œv yilv J.l.E'ta6OJ.Â.EtV EIç ü~roQ, 'to ~è ü~roQ d; ciiQa, 'I0v t.È ciiQu cipe Vital.·
<üvro> q>ÉQEa6al., TO ôÈ miQ EIç t"à :7tEQLytw XroQt'tv, til" ~È '""",x""v ~ ..' 0).00 TO\;
xoop.ov ÔL~~"', ~s tdq~ fŒ'tÉX0Vt"aç ~p.dç ip.vvxoüaO(J~,
ce contact. Cléanthe faisait appel à l'infiue-nce exercée par l'âme
3. CHRYSIPPE.
sur le corps, influence qui serait inexplicable sans un contact réci-
Chrysippe est le représentant le mieux connu de l'ancien stoï- proque, tandis que Chrysippe s'appuie sur une explication vul-
cisme. Nous avons conservé de lui un grand nombre de fragments, gaire du phénomène de la mort: il estim~ que la séparation qui se
beaucoup plus que de ses prédécesseurs: c'est que, philosophe poly- produit au moment de la mort n'aurait pas de sens, s'il n'y avait
graphe, il a exposé dans des développt:ments sans nombre la doc- pas eu contact réciproque au cours de la vie.
trine traditionnelle de l'école. Ceci ne l'empêche pas d'avoir cer- Les grands représentants de la philosophie grecque qui ont été
tain.es idées personnell-es, que nous essayerons de déterminer pour amenés à admettre des réalités immatérielles, se sont trouvés de-
autant qu )elles se rapportent à sa doctrine du pneuma. vant le problème de leur rapport avec le monde matériel. On n'ad-
Zénon 8 'était basé sur l'expérience immédiate poUr admettre le met généralement pas. qu'un contact immédiat, sans êtres intermé-
caractère pneumatique de l'âme: Chrysippe essaie d'en fournir une diaires, soit possible. Cette. idé~ se fait jour dans la psychologie et
preuve syllogistique, qui, cependant, ne dépasse pas les données d'un dans la théodicée: ainsi la trichotomie platonicienne et plotinienne
empirisme vulgaire. L'identification qu'il préconise entre la respi- apparaît comme une descente graduelle du sommet de notre âme
ration et la vie, ne s'origine pas à des considérations philosophi- vars la matérialité du corps. Aristote met également l'inrelleet
ques, mais à l'obServation quotidioe:nne 159. n n'est donc pas éton- agent au-dessus de toutes les autres faeultés qui se rapprochent
nant que ce point de départ empirique conduise à des conceptions insensiblement de l'organisme matériel. Il en est de même dans la
matérialistes en psychologie. Chrysippe est pleinement d'accord avec théodicée. Platon met au sommet de l'être l'idée. du bien: entre
ses prédécesseurs sur le caractère matériel de notre principe vital celle-ci et la réalité sensible, il admet plusieurs intertnédiaires: Its
et il en fournit une preuve qui, dans son fond, coïncide avëc le se- nombres idéaux, les idées et les' êtres mathématiques. Plotin, qui
cond argument de Cléanthe 160: en effet, il se base sur le contact s'est surtout inspiré dt· la pensée de Platon, admet également plu-
qui existe entre l'âme et le corps pour en déduire immédiatem~nt le sieurs intermédiaires entre l'un qui domine l'univers, et la réalité
caractère matériel de notre pneuma psychique; ce qui différencie sensible, qui nous environne. Le premier ciel d'Aristote '€t les astres
les deux raisonnements, c'est seulement le chemin suivi pour établir animés sont également des êtres de liaison entre la nature immobile
t·t les êtres chan!)eants. C'est probablement l'idée de l'unité du cos-
mos qui a inspiré' aux philosopes grecs de construire ces hiérarchies
1511 CHALCIDIUS, 1ft Tim., Co 22() WROBEL, SVF, II, 879: Item Chryaippus:
una et eadem, inquit, certe re spiramus et viVÏJnua: spiramua autem natunùi
grandioses de perfections variées: la cosmobiologie des stoickns est
spiritu: ergo etiam vivimus eodem spiritu, viVÏJnus autem anima: naturalis une preuve péremptoire de leur conception. unitaire du monde. En
igitur spiritus anima esse invenitur. - La conclusion de ce syllogisme coïncide vertu de celle-ci, on & cru nécessaire d'exclure toute rupture dans
avec le point de départ de Zénon, TUTULL., De an., 5, SVF, 1, 137: eonsitum la continuité ascendante des perfections; un hiatus quelconque bri-
spiritum definienl animatn. serait le contact nécessaire à l'unité de l'univers daI1$ S& totalité.
160 TERTOLL., De a1l.., 5, SVF, II, 791: Sed et Chrysippus manum ei (seil.
Cleanthi) porrigit, constituens corporalia ab incorporalibus derelinqui omnino Les philosophes du Portique, qui n'ont pas fait la distinction
non posse, quia nec contingantur ab eis (unde et Lucretiua: tangera enim et &ristotéli~ie'nne entre le contact réciproque et le contact unilatéral,
tangi niai corpus nulla potest res), derelicto autem corpore ab anima *affici
morte. Igitur corpus anima, quae nisi eorporalis, corpus non derelinqueret. puisque l'unité du cosmos, conçu comme un organisme vivant, est
.
ont poussé leur matérialisme jusqu'auX dernières conséquences et,

Dans l'édition du C.S.E.L., Reifferseheid et Wissowa, p. 305, ont ajoutA:


chez eux un dogme fondamental, ils ont évité scrupuleUsement toute
·hom~: terme indispensable pour comprendre la signification de 18. phrase.
NjK1lsros, De n.at. hom., 2, p. 53, SVF, II, 790: XQua&mtoç 6i qn}aw on cl fêlure dans leur système du monde.
9ci.vut'oC; ÈO'n """,xiie; XWQLa.wc; &:ta aw~toc;' oùôiv 6i àawt'u'tov ~o aWf.'«'toç . Comril~nt .faut-il concevoir les rapports entre l'âme et. le corps f
XWQCl;nuL' où&È yàQ Èq>Wtt'nuL aro.,wt'oç &.aw~t'ov, '" &è "",xi) )(ui. Èq>Wt-cEta.\ Pour ~ener une solution satisfaisante à ce problème, Chrysippe
~U{ X<OQLtnuL t'ou aWJlUt'o~1 aw~ ÜQu 1) 'l'UXt). examine successivement les. différentes possibilités;

1
t.,Ë STOIOIëd lmRYSlPP~

1. La simple contig~ïté: les .deux éléments constitutifs de notr! Ainsi on comprend également l'énoncé péri prkis de l'argument
être seraient simplement juxtaposés sans 'pénétration mutuelle. Cette qui se lit chez Akxandre d' Aphrodise: dll' où8è wç
Èv dYYELq> "C<l>
solution est immédiatement écartée, parce que le pneuma doit com-
oooJ.'an ELll âv li "'\'X.~. Elll yàQ. 'Kat oü"Croç oùx. oÀov ËJA,'lroX.ov "Co
muniquer la viJ à l'organisme corporel j or il est bien clair qu'une
O'wJA,a .IS. En effet, le mélange qui se fait par fractionnement dtS ma-
simple juxtaposition de l'âme et du corps sans pénétration osmoti-
tières en question, n'est rien de plus qu'une simple juxtaposition,
que ne changerait en rien la nature de ces parties constitutives: le
qui ne peut Ï'€'ndre compte de l'animation de l'organisme corporel
corps resterait donc sans vie, comme il l'était auparavant 161•
par le principe vital. Ce mélange illusoire se distingue très nette-
2. Les deux principes constitutifs doivent donc se pénétrer mu- ment de ce que Chrysippe appell€· la oUyX,UOlt; 166 et qu'Aristote dé-
tuellement, pour qu'une causalité réciproque soit possible. Cepen- crit comme le véritable mélange, où, p'ar l'interaction des matières
dant il ne peut pas être question d'un véritable mélange, car le mises ensemble, une nouvelle substance~st constituée, ayant des pro-
pneuma y perdrait son unité 162. Ceci. prouve que. le mélange est priétés düférentes de celles des éléments constitutifs. Un des cri·
conçu par Chrysipp~ comme une atomisation de la matière, dont tères fondamentaux pour savoir si la mixtion a eu lieu, e'est que
les plus petites parties sont juxtaposées. « le composé doit être homéomère»: .la plus petite partie du mé-
Il est évident que-, dans ce eas, le pneuma psychique serait frac- lange doit avoir les mêmes propriétés qU'e le tout 16T. A la fin de son
tionné en d'innombr.ables particules, qui seraient dispersées dans traité sur la mixtion, au chapitre x du premier livre du D,e gene-
l'organisme tout entier: comment pourrait-il être encore le lien ra·rum.e et cOfTUptûme, Aristote donne la définition suivante: « la
d'unité et le' principe de la cohésion, comme Chrysippe nous le· mixtion est une unification des choses mélangeables, à la suite de
représente' Cette conception du mélange correspond à ce qu' Aris- leur altération» 168. Il est bien clair que la mixtion véritable ne
tote appelle JA,~lt; ~QoÇ rlJv a'lofrrlolv 163; pareille mixture suppose nous aide pas' à comprendre les rapports entre l'âme et le corps,
que les matières mélangées soient réduites à une poussière de par- car l€: pneuma psrchique ne perd pas ses propriétés quand il entre
ticules microscopiques, qui ne se pénètrent pas et qui cependant, à en contact avec le corps, mais celui-ci est animé et transformé sous
cause de kurs dimensions inférieures au seuil de la sensation hu- la poussée vitale qu'il lui communique: il y a donc ici un caractère
maine, donnent l'impression d'un mélange véritable: cette juxtapo-
sition occulte pourrait. donc se ramener à la simple xaQâitE(nç 164. 3' o'Ô)t ld"CLV Etç 'tcU.â.XLC1tU 8La.I.QdH}va.t., oün: oW6-eo~ 'ta.mo xa, ....Li" cUl' ËTEQOV,
8i}Àov roç OÜTE )C(1Tà ....LXQà o(J)toJ1€Va ~E't 'l'à IUyvUJUVa q>avc:u. f.L€ ....txitc:u.· cnMtEO~
161 CBALCIDIUS, 1_ Tim., 221, WROBEL, SVF, II, 796:, Si adplicit.a Bunt yàQ ÉcnUL XUl où xQCloLÇ où3è ....LS~, où8è ~elo 'tav amav ).6yov 'tep OMp 'to ""OOLOV.
corpua et anima, quid ex adplieatione composituDl horum duum qua tenus totum 185 De anima lib" man.f., p. 115, 32, BR.UNS, SVF, II, 791. Voici la traduc.
erit vivum' Vita enim secundum ipsos in solo spiritu, qui adplicitu8 non tiolr de ce texte z «il n'est pas possible non plus que l'âme soit dans le corpe
permanat ad corpus intimum. Nihil enim penetrat adplicitum. Et totum animal comme dans un r6ei.pient. Car, de eette façon-là, une fois de plus, le corps ne
vivere aiunt: non igitur anima et corpus adplieatione sociantur. ALla D.ABBOD.,
De anima lib"; mant., p. 115,32, BRUNS, SVF, II, 797: cU.)" oùôÈ xUTà nUQ<iitEow,
Berait pas anhd entièrement ». 1> 'apr9 la teneur littérale ae es texte, U Il't â
pas de diff'r~ce entre cette seconde hypothèse e.t la première, celle de la
oooi yàQ OVtroç o).ov Ë....""'xov ËcnUL TO OWJ1U. simple juxtaposition: en effet, personne ne lOngera 1 parler d'Ull m6lange
162 CBALCIDIUB, 1_ Tim., 221, W)tOBEL, SVF, II, 796: Si vero permixta entre le récipient et son eontenu: cs 'est pourquoi notis eroyons nous trouver ie1
lunt, anima unum aliquid non erit sed permixta multa. Stoiei spiritum, id est devant une expreasion imprécise de la seconde hypothèse, qui se râpporte au
animam unum quid esse profitentur: non ergo permixta stmt. fractionnement de deux matièrea' m6lang6es. .
163 ARIST., De gen.er. et corr., A 10, 327 b 32 - 328 a 13. 168 ALEX. D'APHBOD., De m~t., 594, id. 216 ssq., BRUNS, SVF, II, 413.
164 ARIST., De Seft.ll. et BeASib., 3, 444 a 31: xut ô' Ècni. .... LS~ TOrv o(J)JuÎ'trov .....q 16T A.B.IS'l'., De gefler. et con'., A 10, 328 a 10: fPaf1ÈV Ô'/E'LnEQ 3d f.L€ ....tXitUL TI.,
J16vov 'l'av TQonov TOÜ'tOV OmEQ O'CoV'tUL TW~, nUQ' ci).).'r}À.a TOrv H.uXLatrov 'tLitE· 'ta . . ,xitèv OJ.LOLOJU!Q~ dv(1I., xa, WcmEQ 'tOÙ voo'toç 't0 p,ÉQoç v3roQ, OVtro xai. '(où
JAivrov, ciôftÂ.c.ov ô' -ft ....tv ~ui nlV atoih)ow, àll' o).roç nd.'Vtl) nd.V't~ .... Èxdvroç f1ÈV XQuitÉvtoç.
YÙQ .... (ywtu~ TaÜ'ta JA.6vov oou ÈvôÉX8'(U~ ÔL€Â.Etv dç 'tà ÈÂ.clXL<1TU, xa&WœQ àvftQro. 168 A.B.IST., De geMr. et corr., A 10, 328 b 22: -ft ôÈ .... LÇ~ 'twv ....LX'tWV cillol,(J)-
KO~ Üt.'tou~ " 'tà onÉQJWT(J.. - ABJST., De gener. et corr., A 10, 328 a 5: bu,
itÉvtrov Ëv~.
67
essentiel qui manque pour qu'on puisse parler de mixtion, à savoir - -que le pneuma pénètre l'organisme corporel sans perdre ses
la transformation. 'des composants~ caractères propres: ce qui s~rait le cas s'il s'~issait d'une mixtion
proprement dite;
3. Il ne reste plus aux stoïcrens qu'une se~ 80iution, c'est la
- que le pneuma anime le corps tout entier et qu'il se propage
compénétration .totale, la XQ<ÏOI; al' O~U)v. Le caractère propre d~·
par conséque'nt à travers l'organisme jusqu'à la périphérie: il n'est
ce mélange total, c'est que les composants conservent leurs pro-
donc pas juxtaposé I;LU corps, comme ce serait le cas dans la 'mixti.on
priétés .spécifiques, tout en se pénétrant mutuellement 18'.
purement apparente.
Il est ~z difficile de sè faire une idée exacte de la solution que
les stoïciens donnent à ce problème fondamental de la psychologie. C'est le point de départ matérialiste de la psychologie stoïcienne
L'objection qu'on a faite contre cette doctrine, consiste à nier la qui a amené cette solution purement physique; elle s'origine donc
possibilité qu'il y ait deuX corps au même endroit: cette objection à une position du problème qui pourrait s'exprimer de la façon sui-
n'a pas été faite contre la J.L~I;, ce qui montre qu'il s'agit:d'une- vante: comment peut-on expliqu€'r l'unité biologique 'd'un être vi-
compénétration plus intime et plus profonde. La sohiiion que Chry- vant à partir de deux composants matériels f La réalité de ces prin-
sippe a cherchée du problème psychologique, c'est l'Union la plus cipe') constitutifs eux-mêmes ne sembl€, pas problématique: c'est
étroite possible entre deux principes m~tériels, dont les caractères pourquoi les stoïciens sont restés toujours en deçà des solutions
sont inaliénables" C'est chez lui un problème plus physique que métaphysiques 111. '

métaphysique: aussi il ne s'aventure pas à montrer l'origine de cœ Nous sommes amené ainsi tout naturellement à poser le problème
perfections constitutives du mélange, mais bien leurs rapports mu- de l'influence causale exercée par le pneuma psychique sur l'orga-
tuels dans l'unité biologique de l'être vivant. La solution qUI est nisme corporel. D'une façon générale on peut dire que le pneuma
préconisée par Chrysippe, consiste donc dans une espèce de fusion, est le fondement de la cohésion des êtr€s individuels et de la sym-
où les deux éléments conservent leur substance (O'Ô<JlO) €-t leurs qua- pathie universelle du cosmos 172: chaque être individuel constitue
lités matérielles 170. Il a voulu sauvegarder et synthétiser par là deux une cellule plus ou moins autonome dans le grand organisme cosmi-
vérités essentielles, qui 8 'imposent à toute observation: que. On pourrait se demander ici comment les stoïciens ont éprouvé
le besoin de chercher un li(!'n d'unité pour expliquer l'individualité
169 CluLCIDIUS, lA Tim., 221, WROBEL, SVF, II, 796: Superest ut ex con- des êtres. C'est que, d'une part, ils ont accentué plus qu'auparavant
eretione manent: ergo et per se invicem transeunt duo corpora et locus unU8, l'unité de chaque être en même temps que sa liaison étroite avec le
quo eorpus continetur, duobus eorporibu8, praebebit eapacitatem,cum vas quod
monde et, d'autre part, ils semblent avoir envisagé le problème en
aquam reeipit, vinum et aquam 8imul ·capere non possit. - ALEX. D'AHROD.,
De oft.ima libn mont., p. 115, 32, BRUNS, SVF, II, 797; El ÔÈ oÀoV bL' QÀ.ou, fonction de l'atomisme épicurien, tout en y donnant une solution
È.."tElhi) ~civ 'to oÔ>JW. ÉJA-""'XOV, mÏ>ç oÔ>JW ô&à oooJW.'tQÇ ÔL11XEL, ÔEUCvUVo.L ÔEL. Ko.\ différente. En effet, si la matière a besoin d'un principe unifiant.
yàQ xo.i. blEt o.t' 'riili 'VUxTiIi 1COW't1'}'te1i ooofUl'to. xo.'t' o.irtoùç xo.\ ai. 'tOÜ oootw'tQÇ, Q 'est qu'elle ne possède pas par elle-même l'unité que nous lui con-

~6Uo. oooJW.ta ËatLv Ëv 'tci> o.mci> xo.t ôWqJoQo. ô,' cU.À.i!À.oov ÔLi!xOVto. Xo.\ iv 'tcp naissons dans les choses sensibles; si donc le principe -matériel- n'a. .
airtcP 't6~fl}. pas de cohésion par lui-même, c'est· qu'il est conçu à la manière de
1'10 ALla. D'ApHBOD., De mid., 594, id. 216, 17 8Sq., BRUNS, SVF, II, 473.: Démocrite et d 'Épicure eomm~ une poussière d'atomes non orga-
Mo xal ~À.EuSvoov 'tLVÔ>V ooo.w.toov OManr ô ..' OManr clVtLm,tQÉx'ta.oLV cU.À.i!À.OLÇ oinooç
Wç ooot;ElV ÉXo.OTOV o.irtoov iv Tfl JA-L;€L TÜ 'toUlÛTU ri)v 'tE otxdav OÙOLaV xcil 'tàç 111 E. BRfHrn, L4 'hlOfi4J de. laoorporBû, ,:. 11: c Le monde dei stoïciens
iv o.\rtii ~ow'l1l't~. - E. Bréhier écrit à ce sujet (CMynppe, p. 128·129): est composé. de. principes spontanés, puisant en eux-mêmes' vie et activiU, et
. Cl La tMorie du mélange n'est au fond qu'une solution du vieux problème pla- aucun d'eux ne peut être dit proprement l'effet d'un autre ».
tonicien de la partieipatiol1: comment l'élêment idéal· et formel peut-il sana 172 ALEX. D'APHBOD., De mizt., p. 216, 14, BRUNS, SVF, II, 473: ÉOTI. ÔÈ ft
altération, être présent dan:, les ehoses sensibles' L'élément informateur est XQuaUt-rtou ô6~u ~EQl xQaœ~ iiÔf • ftvô>crlto. .. JIÈV {,"O-d6uo.L -ri)v mif.L1Co.Oo.v OÙOLa.V,
ici un 80uffle matériel; mais dans son eommerce avee la matière qu'il régit, il nvt'Û"ut'~ 'tL\'QÇ lh.à ~ciaTa~ o.lrri'tc; ÔI.i!XOVtO~, uq>' oU ouvixeta.. 'tE xut OUJA-J.livE" x0.1
doit comme l'Idée se garder pur de toute altération ». cnlJUtUaÉ~ éOTI.V o.irtci> 'to "av.
tE STOlCISd CHBYBIPPE 69
JlÏsés. Le rôle primordial du pneuma eonsisu· a1~rs tout nature1i:e- On trouve une distinction analogue chez Aristote, où elle est
ment à unifier' ces innombrables partieules pour en faire des orga· appliquée, non pas aux éléments eux-mêmes, mais aux qualités élé-
nismes vivants, qui occupent leur place dans le grand organisme du mentaires, qui se réduisent à quatre: le chaud, le froid, le see et
monde. C'est ainsi que le stoïcisme ~st une réaction contre l'ato- l 'humide. Les deux premières qualités soet considé~ées comme acti-
misme physique et social des épicuriens. En ce qui concerne l'unité ves, les deux autres sont passives 11T. Les éléments sont des com-
du cosmos, 0 'est surtout l'art divinatoire qui a contribué à répan- binaisons de deux qualités . élémentaires, dont l'une est active et
dre cette idée d'une sympathie universelle: en effet, cOJJlIlKnt 1'0]). , l'autrE: passive:.1e feu est chaud et se<" l'air est chaud et humide,
servâtion ·du vol des oiseaux ou l'analyse des inkstins pourraient- l'eau t:st froide et humide et la terre est froide et sèche. Puisque
elles nous' renseign('r sur les événements de notre vie, 8'il n'y avait. ch.aque élément comprend un principe actif et un principe passif,
pas entre les deux une sympathie mystérieuse' Comme nous savons la distinction de Chrysippe ne cadre pas avee le système aristoté-
que Chrysippe a écrit deux livres ~ la divination 173, mise en, licien, car on ne pourrait plus dire d'un élément qu'il est unique-
connexion par Cléanthe avec 1'existe~ce même des dieux,' il n'est ment actif ou uniquement passif: il s'ensuit que les éléments sont
pas étonnant qu'il admette cette unité organique du monde, qui réciproquement actifs et passifs: c'est ainsi qu'Aristote explique
est le fondement philosophique ~e œtte théorie. Un 'lutre facteur leur mixtion et leur transformation réciproque 118.
a favorisé l'éclosion de ces conceptions monistes: c'est l'uDÜication La distinction que Chrysippe a faite entre les éléments est donc
politique et culturelle du monde civilisé. Les phiI~phes de la certainement d'origine aristotélicienne. D'une façon générak on
période hellénistique ont vu tomber la cloison étanche qui les enfer· peut dire que l'opposition d'un principe formel avec un principe
mait dans leur polis; les barrières infranchissables qui séparaient matériel joue un très grand rôle dans la philosophi~ péripatéticienne.
les peuples ont été supprimées et les horizons de l'humanité pensante :Mais Chrysippe a appliqué aux éléments eux-mênies ce qu'Aristote
sont devenus beaucoup plus larges. Aussi nous croyons que le cos- affirmait des qualités élémentaires. 1
mopolitisme de la période hellénistique a singulièrement favorisé Ce qui est plus important pour notre sujet c'est que le philosophe
stoïcien a introduit des ,modificatio~s. importan~ !dan~ l.es ra~por~
l'adhésion à la doctrine de la sympathie universelle.
Il y a donc, d'après Chrysippe, à l'intérieur de chaque être un du pneuma avec les élements tradltlonnels. Zeno~ dlStlDgualt SOI-
principe de cQhésion, le ,pneuma, qui le pénètr~ tout entier: dans gneusement le pneuma en tant que principe (4Ql~), des quatre
certains textes, ce terme est appliqué au deuxième élément, à savoir éléments qui en étaient produits. Chrysippe au l,~ontraire ne met
l'air 174, bien qU'e l€s stoïciens se servent généralement d'une autre plus rien au-dessus des quatre éléments, à partir desquels l'univt'l'8
terminologie, déjà employée par Platon 1715: à~Q, miQ, iJôwQ, yij : les est composé: le pneuma psychique lui-même est une combinaison
d'eux premiers ensemble représentent la substance pneumatique des deux éléments actifs 119. Quand il s'agit de déterminer la ma-
(xvruJ-lunxi) oùalu): ce sont les éléments actüs (ôQuaTlxù atOllEta);
les deux derniers sont passifs (xul'h]nxù atOllEra) et constituent 111 ARIST., De gener. et corr., B, 2, 329 b 24: geQtWv 3i xa.i. MQOv xa.1. VyQov
ensemble l~ substanc~ déterminable (UÀl'KTt oùa(il) n8. xa.i. ;t)Qov 'tc;\ J&ÈV 'tip :tOLt)~LXÙ elva..., 'tel 3~ 'tip naiht'tLXel À.éyna.&.0 8eQtWv yaq Èan
'to cruyxQ'ivov ~el oJ'O'{EVij •••• ,,",XQOv 3è. ~O CJVVciyciv xa.i. O'UyxQivov oJ'O~ 'tci 't~
l'raCIO., De dwin.., l, 3, 6, BVF, II, 1187.
auyyevii xa.L 'tel 1'1\ otWcPuÀ.a., VyQOv 3è: ~O ooQLO'tOV otxe((p OQ'P eOOQLO'tOV Ov,
ÇT)QOv 3è 'to tUOOLO'tOV t&.ÈV otxe((p oQ'P, 3uaoQLO'tov 3i. Ct. Meteor., â l, 378 b 10.
174 GAL., nEQi. :t).,i}'6ouç, 3; VII, p. 526 K, BVF, II, 440: Mav 'to Ô'V
178 AmST., De 1IeMf'. et corr., B, 2, 329 b 22: 3EL 6è. :tOlt)'tLXÙ dvaL cUl1}M.ov
Ë'PMa.v a.tTWç &tcrlta... ouvExnxiic; d; 'to dva...... '. TO Jdv m'f'Ü)1Q xa.l TO ,ruQ
xai. na.ihtTLxù 'tel atO"XELa.· l''yvvta... YÙQ xa.1. ~ta.6dll.e .. e~ àiJ..t)Mr..
auviXElV Éa.mo u xal 'tel ÙÀ.À.a., 'to ôè.. ;;ôooQ )ta.l n'av yiiv ftiQOV 3eioita.L 'toi)
179 ALEX. D'APHROD., De anima, p. 26, 13, BRUNS, BVF, n, 786: JUÏllov ôè
ouvÉ;ovtoç.
116 Tim., 32 B.
xa.'tel 't00ç t1}V 'lJUXiiv yEVVwvta.; EX :tO&,ii~ tU;E<Ut; Te xa.i. auvitÉaE<Ut; nvoov ELt) à,v Ta
""'xii 'Ï}'to .. ciQfWVCa. il aUv6EaLÇ xa.i}' ciQfWVCa.v nvWv aoof!clT(J)V. "Qy !fOLV o't Te MO
n8 GAL., nEQi. :t).,i}-6ouç, 3, V~I, p. 525 K, SVF, II, 439. Ntldsros, D. Mt.
Tilç l:TOOç moEÜJU1 aVniv À.ÉyOvtE$ dva., auyxdfJSVov :t~ EX Te m1qos l'a.i. OiQos.
hom., 5, p. 126, SVF, II, 418 j CIO., .&c4d., l, 7, 26.
l'o.~ 0\ :teQt 'E:tCxouqov.
70 LESTOICISMB CHRYSIPPE 71
mere dont ces dEux éléments se comportent, Chrysippe fait appel tous les êtres sans perdre S6S caractères propres (xQà<7!.Ç ~l' oÀrov)
à sa théorie du mélange total: il y a pénétration mutuelle et totale est ca"US8 d8 la cohésion des parlies dœns chaque êt-r6 et de la 'ym-
sans que toutefois les" caractères propres d6 chaque élément soient pathie universelle dans le cosmos.
anéantis 180. En faisant du pneuma un mélange de deux élémen~, Ce panpntUmatisme de Chrysippe amène deux autres questions
il est incontestable que Chrysippe est arrivé à des vues plus maté- auxquelles nous devons répondre:
rialist.es et que, au point .de vue de la spiritualisation du pneuma,il - comment le pneuma peut-il. en pén6trant tous les êtres, assu-
est nettement en régression par rapport à ses prédécEsseurs immé- rer la cohésion de leurs parties constitutiv€s'
diats 181. D'autre pa'rt, si l'on tient compte de la nature de l'âme - si c'est le même pneuma qui anime toutes choses, comment
et de SES relations avec le corps, tell~qu'elles ont été définies par peut-on expliquer la différence e·ntre les êtres'
Chrysippe, il doit s'ensuivre qu'il y a un rapport étroit entre l 'har- Nous rencontrons ici pour la première fois la notion du 'fOVOç,
monie de notre mélange psychique et notre état de santé. Car la· qui occupe une place importante dans la physique stoïcienne. TI est
condition essentielle de celle-ci est que la composition de notre une espèce de tension, qui est à la source de la cohésion des diffé..
souffle vital soit ·faite suivant des proportions harmonieuses 182." rentes parties d'un être €t de sa parenté étroite avec l'univers tout
Par là Chrysippe introduit dans sa psychologie les conceptions phy- entier 183. C'est la raison pour laquelle Chrysippe considère le pneu-
siologiques des méd€eins de son temps; son matérialisme philoso- ma comme le principe actif dans la constitution de chaque être, car
phique ne lui permet donc pas de dépasser le niv€lIu de l'expérience c'est par son mouvement incessant qu'il produi~ sur l'élément ma-
immédiate e"t de la science purement empirique. Cléanthe" aussi tériel cette action uD.üicatric~. Il nous faut donc examiner de
admettait une interaction de nos deux principes constitutifs, d'où plus près la nature et les principaux caractères de ce mouvement.
il déduisait la corporéité du pneumapsychique. Pour Chrysippe En premier lieu, il n'est pas produit par une cause extrinsèque:
cette influe-nce mutuelle ne constitue plus un problème, puisque le pneuma se meut lui-même;
l'âme elle-même est un mélange d 'éléments,exactement oomme En second lieu, il est éternel 1sf•
l'organisme corporel: la seule différence entre les deux est que Ces deux caractères s'accordent bie·n avec l'argument que Platon
les éléments psychiques sont àctüs, tandis que ceux du corps sont invoque dans le Phèdre pour prouver l'immortalité de l'âme. En
passifs. effet, c'est en s'appuyant sur la même liaison logique entre le carac·
Nous en arrivons ainsi à une première conclusion au sujet de la tère automatique d'un mouvement et son caractère éternel, qu'il
pneumatologie de Chrysippe: chaque être possède en"lui 1l1I pneuma, parvient à établir que l'âme estinengendrée et incorruptible: la rai-
composé des deux éléments supérieurs. Le p,rirncipeacflif pénétrant son que Platon donne pOUl" prou~er sa conclusion, c'est qu'un êtro
qui est principe de son propre mouvement, se mouvra sans inter-
180 GAL., De l'lac. Hi1!Pocr. et Plat., V, 3 (160), p. 421 MÜLLn. ruption, « du fait qu'il ne se délaisse p"u lui-même J) 18tJ. C'est que
181 N ons ne pouvons pas admettre la conception de X. Schindler d'après qui
la pneumatologie de Chrysippe constituerait un progrès dans le sens de la lB! ALu. D'ÂPlIR()D., De mi:&t., p. 223, 25, BRUNS,SVF, II, «1: 'tCç yciq
8piritualisation: fi In der Auffassung des Seelenstoffes ist Chrysipp über 8einen xaL 0 "tôvoç "tO'Ü 2tVrif.LŒ"t~, Ucp' 00 auv3oUJUV« ,",v "t8 auvéXt.14V lX8' Titv :7tQOç "tci
Vorgiinger hinausgegangen: er denkt sich das Pneuma feiner aIs Zenon und otxEiu JAiQ'l 'Xo.L avvii1t"tal "to~ :rcŒQa'XEI.Jdvo~. "
Kleant~esJ PLUT., De dote. rep-ugnafl.t., Co 41, S. 261/18: nlv ~v CÏQaw-rEQov 18" AR. Dm., Epit. Ir. phy,., 28, Dozogr., 463:. XQÛaUt:!toç 3~ "tOuNtOv n
m·Eij,..o. Tilt; <pUOErot; 'Xai. Àvt"tOJ1EQÉO"tEQOV T)YtL"tal (Vgl auch DIOG. LAËRT, VII, Ô~686aI.Oin"O • dvw. "to av mo"eVf.LŒ 'Xwoüv Éa'U"to 'Xo.L ÈS aVtoù" :rcveiif.LŒ Éa'U"to XlVOÜY
139). Zenon hatte den Seelenstoff blosz aIs ein nvWf.LŒ nuQOEahiç bezeiehnet, :rcQOaro xaL o:rctaro. Ct. ÂLEX. D'APlDOD., De m{.fl., p. 224, 14. BRUNS, SVF, TI,
Chrysipp verfeinert die8e "Auffassung, in"dem er erklirt, dasz die Substanz der 44:2; GAL., De tremore, palpitatiOft.e, COft.11Ulrione, 6, VII. p. 616 X, SVF,
Soole in einer richtigen Misehung von Luft und Feuer be8tehen mûsse li. (Ditl Il, 44:6 : 1«11 T) qro~ xa.i.it 1VUxTI ooôèv ciUo Ti "tom' ÈO"tLV (seil. "to OEQtWv) mm'
doi8che Lehre 110ft. den Seelenteilen und Seeleftl1emaogen. "'-'be.tOnàerebei Pa-- o-uaUxv uVtO'XL"'l"tOv "t8 'Xo.L âtl'Xt"'1"tOV o.\rto VOOOV O'Ü'X â.v a.~"tO~.
naitiol und POBeido"ioB und ihTe YerweMun.g bei Cicero, Munich, 1934. 1'. 11). lBS PhMre, 245 e: To yciQ amo'XI.V1l"tov cHMva"tov· "to ô' cill.o ).woüv xa.i. ~
t82 SiEIN, op. cit., l, li. 132, n. 252, WJ.ou )',vovf'EVov, :rc~ÜMl.V f.XOV 'X1.Yl\OEro$, :rcaüÂ.o.v f.XEl ~roil~·"M6vov ~ lO a~o
72 LE STOICISME CBRYBIPPE 73
Platon conçoit l'âme humalDe, non seulem€'nt comme une puissanc!, deux directions du courant pneumatique ne produisent pas le même
motrice, comme UDf: possibilité réelle de mouvement, ··mais comme effet dans l'être qu'il anime: un des deux, probablement le mouve-
un principe toujours en acte de mouvoir. Sur 00 point sa psycho- ment centrifuge, fait monter la température, tandis que le mouve-
logie coïncide avec celle de Chrysippe: du fait que ie pneuma est ment centripète produit un certain refroidissemf.·nt: ce qui se com-
principe de son propre mouvement, il ne cesse jamais de se mou· prend aisément, puisque le premier mouvement s'origine an foyer
voir. de la chaleur vitale~ tandis que l'autre a été refroidi par le con-
En assignant au mouvement du pneuma ces deux caractères pri· tact avec la '-température ambiante. -- D'autre part, le mouvement
mordiaux. Chrysippe rend inutile toute recherche ultérif.·ure qui centripète est cause de la cohésion de l'être et de sa subsistance,
pourrait nous faire aboutir à une source suprasensible des trans- tandis que le mouvement centrifuge produit le volume et les autres
formations incessantes de ce monde. C'est en étudiant la structure propriétés 188: c'est que le premier mouvement produit une tension
métaphysique du devenir qu'Aristote est arrivé à établir la Déces· vers le centre, une certaine c~ncentration de l'être autour de son
sité d'un moteur immobile. On remarque immédiatement qu'il y a noyau, et par conséque·nt une tendance à se constituer en lui-même,
de part et d'autre une attitude métaphysique différente à l'égard séparé des autres substances; par contre le second mouvement pro-
du mouvement. Pour Aristote le mouvement est une marque d'im· duit u~€' certaine détente, une expansion vers le dehors, ce qui dans
perfection et d'indigence, qui s'explique métaphysiquement par une les êtres vivants donne lieu à une différenciation progressive des
immobilité: c'est la primauté de l'acte sur la puissance. Tandis que organes dans la croissance du fœtus et au déploiement de l'action et
les stoïci,ens oonsidèr.ent le mouvemdnt comme une spontanéité de la connaissance dans l'être qui est déjà pleinement évolué.
inépuisable, qui traverse la matière et qui fait jaillir la beauté infi- Les stoickns n'ont pas été les premiers à établir un rapport entre
niment variée de la croissance et d€' la vie: c'est la primauté de )a la nature des corps élémentaires et les mouvements qui kur sont
puissance sur l'acte 186. propres. Au début du De Caelo Aristote fait une sorte de déduction
Ce mouvement présente encore un troisième caractère, qui est en des éléments à partir de l'étude du mouvement: c'est en distinguant
connexion étroite avec les deux précédents: c'est qu'il se fait le mouvement circulaire du mouvement rectiligne qu'il arrive à dis-
dans les deux sens. En effet, si l'on admet que le mouvement du tinguer l'éther des autres éléments. Par une analyse ultérieure du
pneuma est rectiligne, il n 'y a pas d'autre moyen de If.' rendre éter·
188 Ntldlsros, De ta.at. Mm., 2, p. 42, SVF, II, 451: Ko.a~'"tEQ ot ~'t(olxoi.
nel, que d'en faire une alternance continuelle de courants pn€·umati·
'tOVlX1JV nvo. dvm XLV110LV :nEQi 'tà oOOJW'to. Et; 't0 E'LOro üJW XLVOU~LÉvYlV xo.i
ques qui partent du centre vers la périphérie et viC€, versa 18T. Ces Et; 't0 i;w, xaL Tilv f1h d~ 'to i;w f!EYe&wv xo.i. :nOLOnl'twv WtO'tEÂtO'tLXT)V

XLVOVv, ün o\nc. WtoÂt't1tov Éo.u'to, oWtO'tE Â1Jyn XLVoUJ4tVOV, àU.à xo.i 'tot; ÙÂÂot.;
dvaL, n.v ~È Etç ''0 ELaW ÉvOOOEW~ xo.i oùo(aç. R. K.· RACK (La
Bi"teri 8foic4, Ricerehe religio8e, 1, 1925, p. 505 ssq.) a essayé de donner au
000. XLVd'to.L 'tomo m'\-,i) xo.i ÙQxi) XLV1JOEW~.
concept de tension une signifieation plus philosophique. Ce que les stoïciens
18G A:trros, Plac., 11, 7, SVF, II, 338: ot ~'twLxoi 'to :7tQoo'tov o.Lnov WQLOo.V'tO
auraient chereh4S, ee terait une· nouvelle' eonception de la divinité, qui arrache
XLVTI'tOv. - SI)(PLICroS, 1ft, Arist. categ., f. 78 b, ed. BAS, SVF, II, 498: xut 'rii~
le moteur immobile d 'Aristote l son isolement et l IOn ind~férenee par rap-
XLy1JOE{J)Ç, <pT)olv 'IO.f16ÂlX~, où xo.Â~ ot ~'twLxoi bnl.o.f16uvOV'to.L ÂÉyOV't~ 'to a'tEÂÈç
port au monde, pour le rapproeher de la réalité changeante et mobile. ll8 au·
bti 'rii~ XLv1JOE(J)~ ELQ1}aOo.L, oùx on oùx Éonv iVÉQYEUl. (Éon yàQ :nâV'tro~, q>o.oiv,
raient trouv6 la solution par le coneept du ,,6v~. C'est l partir du .pneuma
ÈvÉQYEUl.) cill,' ÉXE~ 'to :ncULV xo.i :ncUL'V, oùX tvo. aq>ix1}'tw. Etç ÈvÉQYEUl.V (ÉO't~ yàQ
primitif que toute la réalité est constituée et e'est dans ce même ·pneuma
'lÔil) ciU' LVo. EQya01')'to.i :nou ËUQov 0 ion f1tt' o.im]v. To.Ù'to. f1èv OVv ot ~'tw·':xoi.
qq 'elle se risout périodiquement: or ce double proeessus se ferait par un
ÂÉyOUOLV. .
simple phénomme de dilatation et de eondensation du pneuma; par le fait
181 GAL., De -mmore, palpitaticme, convlil.rione, 6, VII, p. 616, SVF, même, la divinité, tout en restant invariable, entrerait directement en contact
Il, 446: a'tE yàQ CÏELXLVTI'toV &v 'to Éf1q>Vtov OEQf14lv: 0Ü't' dow JAÉvoV 0Ù1;' i;w avec le flux ineessant de la réalité sensible. - Nous reconnaissons que cette
XLVEi'to.L, ~~ÉXE'to.L ~' CÏEi Tilv É'tÉQo.v o.moü XLVTlOLV f) nÉQo.. To.XÙ yàQ cl.V f) f1èv explieation est ingénieuse et originale, maia elle ne s'accorde pas avec la théorie
Éow flOvil Xo.'tÉ:no.UOEV Etç cix"VTlOto.v, f) ~È ix'to~ iaxi~o.aÉ 'tE xo.i 'to.UTo ~Liqrl}ELQn fttoïeienne du 't6voç, telle qu'elle est exposée par Chrysippe. Il suffit pour
o.mo. MÉ'rQI.O. ~È a6EVVUJŒVOV xo.i. ~'tf?Ul. avwnop.EVov, ~ "H~âxÂEL'to? ÉÂE"fEV, 8 'en convaincre de lire les fr~gments qui se rapportént l ce' 8cjet et qui ont
«4\.XiVl}'tov ,omw fdVEL. ~W raaaemblés var von 4~: f;JVF, II, 439-462,
74 LE 8TOICI&ME CHRYSIPPE 75
mouvement rectiligne suivant qu'il s'écarte oa se rapproche dueen- l'a fait remarquer W. Jaeger 191, cette explication de la p€:rception
tI"e, il sépare les éléments lourds des éléments légers. En étudiant les sensible est une généralisation du cas de la sensation tactile: quand
caractères du mouvement circulaire, Arlstoteessaie de déterminer un objet est à une certaine distance de nous, nous devons nous ser-'
la nature de l'éther; ce mouvement ESt principalement caractérisé vir d'un bâton pour l'atteindre; il en serait de même dans la sen-
par le fait qu'aucun autre ne s'oppose à lui.: le corps auquel il appar- sation visuelle 192. Cette explication ~ grossière réduit le problème de
tient n'aura pas de contraire; iln 'est ni lourd, ni léger, puisque l'ontologie de la connaissance à une élimination de la distance qui
aucun mouvement rectiligne ne lui appartient. Il faut en conclure sépare ]t) sujet connaissant de son objet: tout est expliqué, du mo-
qu'il est inengendré, incorruptible, impassible et éternel. En eUet, ment qu'on a mis la chose extérieure en contact immédiat avec le
la génération et la corruption se font précisément.1 partir de con- sujet, de sorte qu'il se trouve dans le rayon d'action du pneuma
traires ou vers 'des contraires 189; or le mouvement circulaire n'a psychique.
as de contraire; il est done d'une régularité invariable et éternelle. L'explication de l'ouïe se fait de façon analogue par l'agitation
Si l'on compare ces conceptions aristôtéliciennes avec celles de de l'air qui se propage comme une sphère en expansion ou comme
Çhrysippe, on remarque- premièrement que Chrysippe ne parle pas les ondes successives d'un étang où l'on vient de jeter une pierre 193.
d'un mouvement circulaire, bien que celui qu'il attribue au pneuma C'est par ce contact immédiat entre l'organe· de la con-
soit étern€-L C'est un signe de plus que le pneumaest rabaissé au naissance et l'objet que Chrysippe explique la transformation
rang des quatre éléments, alors que, chez Zénon et surtout chez qualitative ou altération qui est à l'origine dt· la sensation. En effet,
Cléanthe, il avaitplurot les caractères du cinquième élément d'Aris- une fois que ce changement pneumatique s'est produit, noliS saisis-
tote. En second lieu, le mouvement attribué au pneuma par Chry- sons deux choses: la transformation elle-même et la cause de cette
sippe est une combinaison des deux mouvements rectilignes distin- transformation. L'image sensible est sous ce rapport comparable à
gués par le Stagirite. Cette divergence de· vue s'explique par la dif- la lumière: en se révélant dIe-même, elle fait connaître l'objet dont
férence des domaines étudiés: les spéc.ulations d'Aristote sont prin- elle dérive 194. Si cette représentation est particulièrement claire,
cipalement d'ordre physique,tandis que Chrysippe se base sur des
données biologiques et physiologiques. X<lt'à &Ë ri}v 1lQOC; l'Ov 1lEQlXdJ1€Vov aéQa btt.6oÂ:,lv Ëvt'ELVOvt~ u\nOv X<OVOEI.ÔWC;,
L'explication que nous trouvons chez Chrysippede la perception ot'u~ li OJLOYÉvrlc; 0 Cl.tlQ. - DIOG. LAËRT., VII, 157, SVF, II, 867: oQéiv &E l'OÙ
sensible est une applic.ation du mouvement pneumatique ot·t elle est l'UU;Ù riiç OQâOEroç xaL 'tOù {)1[OXEl~OU cpOOTOç ÈvtELVO~OU X<OVOEI.ÔWc;, xu{ta
q>TJOI. XQUOIJt3t<>Ç Ëv &evtÉQ<P 'nov cpuOlXWV xaL 'AJt\)UO&OOQ~. rLvtoi}Ul ,dvt01. '10
en même temps une des conceptions les plus grossières du matéria-
X<OVOELÔÈç "COÙ aéQoç 1lQOÇ 'tU O"'EL, ri}v &è ~aOLv 1lQOç Tip OQooJ&iv<p· roç
&LÙ Pax-
lisme stoickn. La perception d'un objet se ferait par un courant Tr)QLaç oÙ\' "COÙ "Cu-6Moç aéQ<>Ç "Co ~ÀE1tOtJ.eVOV àvu~oi}ul.' - Cf. CUALCIDIUS,
il
pneumatique qui,partant de l 'hégémonikon, se dirige vers la pu- ln Twaeum, ep. 231, SVF, II, 863.
pille de l'œil, OQ il entre en contact avec la portion de l'air située 191 Neme8io& WA EmeMl, Berlin, 1914, p. 39.

entre l'organe visuel et l'objet perceptibl€·.Ce contact produit dans 192 GAL., De Plac. Hippocr. et Plat., VII (642 Y.K.), SVF, II, 865:

l'air une certaine tension, quise propage suivant un cône dont le "i] "COLWV roc; &14 fkucTr)Q~ "Coii 1CéQLÇ âÉQ~ 'oQCiv faJ.uiç ot ~"CQ)ixol MynQ)OCl'V.
193 DIOG. LAo, VII, 158, SVF, II, 812: cixoUeLV 68 <itJLCÏÇ> 'toù l'UU;ù
sommet est dans 1'œil et .dont la bas.edélimite notre champ visuel"
"COÙ [l'E] cp<ovoÜVt'oç xa.L "Coi; We01ÎoVt'<>Ç aéQ<>Ç d1)Ttop.ivoo Ocp«LQOEl&cOç, dl'U
Le courant p~umatique a le pouvoir de produire cette tension dans 'X'UfU1"Cooflivoo xat "Cu~ axoa~ 1CQOm'tUt-rOvt<>Ç, &ç xUfU1"COÜ"CUI. "Co iv 't'Ü &EsUfAÉvD
l'air environnant, parce que sa nature y' est apparentée 190. Comme v&ooQ xa"Cà. xUxlouç 'ÔltO "Coii ifL611){tÉvt<>Ç 1'600. 1

19. SUTUS, .A.àt1. Math., VII, 162, SVF, II, 63 (ex Antioeho, .toieorum in
189A.luST.,Phy,., P, 5, 205 a 6: 1lavta YÙQ l'Uo.60lML Ès Ëvavdou dç f:vo.V- bu ra seetatore): KaL cpavt<lOLaV Q1)"CÉov dvulo 1la{toç 'tL 1lEQL "Co ~<pov ÉuvtOÙ TE
",Lev, olav lx OEQtJOù dç lPUXQov, XUL "Coii É"CÉQOU 1lUQuO't'al'lXov. Olav 1lQo06~éç 'tLVL, q>TJOLV 0 'AvtLOX~, &lC1T1.-
190 A:trws, PÙIC., IV, 15, 3 (Dozogr., p. 406, 4), SVF, Il, 866: XQVOlmtoç {}iJ1d}a 1lroç ,",v O"'LV, xa.L OUX OÜTroç a'ÜTi}v &l4Xf:lfLÉv1)V 'tax0fLE'Y roç
1lQi.v "Coii
xal'à ri}v auvMOOLV ",où l'Uusù ciiQ~ oQéivit~, vuyévtoC; fÙVimo 'tOù oQu'tLXoii ~Ài",Ul &lC1XElJ1.Évr1V dXOf.'EV. KUl'à JJivtOI. ri)v "COl«1'11n)V ciUo(Q)OLY 6UOLV avtllafL-
(Stob, Ô1['tLXOÙ) m't1.ÎJWtO), 01lEq MO lQÙ ~yEJWVLXOÙ JUXQI. 'rijç xoq,,~ &I.~XE" ()uvofU{)U, Évoç JLÈV alrril$ rii$ w..lo«.OoEoo~, t'OUl'~(Jn t1)~ cpavt<l(J~, &EU"CÉ~OV ôt
76 LE STOICI8ME 77
les stoïciens l'appel1€i'ont une représentation compréhensive· (cpOYTft- nel, qui, lui-même, est décrit comme une réalité matérielle, pouvant
Ola XUTaÀ'IXTonl ),' celle qui condUit tout naturellement à l'adhésion se conserver dans la substance extrêmement change'ante de notre
rationnelle (auyxuTa{hcnç): à ce moment, le sujet ne subit plus hégémonikon.
seulement l'action d'un objet extérieur, mais il le saisit vraiment, Deux obstacles surtout ont empêché Chrysippe de sortir de son
il 1'étrein~ il le fait sien. Ce point d'aboutissement de la connais- matérialisme psychologique: d'une part, il n'a pas entrevu le carac-
Sance, qui est la XUTw..TJ'l'I<;, s'accomplit dans 1'hégémonikon: c'est tère actif de toute connaissance, carattère qui a été si forkment
là aussi que Chrysippe établit le siège de l'art, .qui est un système accentué dans la philosophie moderne; d'autre part, il a méconnu
de compréhensions qu'une expérience répétée nouS a fait acquérir la différence profonde entre une connaissance- sensible et l'assenti-
en vue d'une fin utile 191• Des adversaires du stoïcisme se sont de- ment rationnel. Alors que cette différence avait été reconnue par
mandé plus tard comment la substance subtile du pneuma psychique Cléanthe, qui admettait le dualisme platonicien, t!lle Est remplacée
pouvait servir de dépôt pour ces compréhensions, alors que chaque dans le système de Chrysippe par un monisme matérialiste intégral.
impression nouvelle le transforme t9talement ~ on pourrait, t:ifeffet, Nous devons maintenant résoudre un second problème, que nous
irouver' difficilement un sujet plus instable à la conservation des avons soulevé plus haut et qui se rapporte à la différence spécifi-
compréhensions 1". que entre les êtres. Car, si un même souffle anime toutE' la nature,
Il rrssort de cd aperçu que la psychologie de la connaissance chez comment peut-on rendre compte de la variété extraordinairE: qu'on
Chrysippe, où le pneuma joue un grand rôle, porte l'empreinte d'un constate dans l'échelle ascendante des perfections Y Nous n€' parlons
matérialisme très prononcé. En effet, il place à l'origine de l'acte· pas du principe d'individuation dES êtres, mais de la cause qui pro-
c·ognitif un contact matériel entre le pneuma psychique et l'objet duit cette incroyable richesse dans les degrés des pE·rfections natu-
connu, par l'intermédiaire d'une te-nsion de l'air; c'est à partir de relles. Chrysippe explique que le pneuma, bien qu'il anime le cosmos
cette contiguïté corporelle que se produit . l'altération du pntuma, tout entier, ne pénètre pas tous les êtres de la même façon: C'Est
qui subit passivement l 'action de l'objet extérieur. Ainsi se co~­ cette différence dans l'intensité du pneuma qui est à l'origine- de la
stitue dans l'âme une image plus ou moins fidèle de la chose: dans variété spécifique des êtres 191. En effet, « le pneuma traversE' cer-
le cas où ell~ est claire et évidente, elle: entraîne l'assentiment ration- taines choses comme principe de cohésion ( É~IÇ), tèls les os t-t les
nerfs, tandis que pour d'autres il est principe d'intelligence (voüç),
'l'OÙ Tl)V ciiJ.olcoow ËJU'o~";oa.vt:~, 1'OV'C'Éon 'l'OÙ bQa't'où~· xo.i. bd.1'OOv ci>..Mov Cltcrlhi- comme pour l 'hégémonikon» 198. Dans c.e texte il ne semble pas qu'il
OEOJ'V :tC1QWtÂ.";owv. -QO:tEQ oÙ\' 1'0 <p~; Éo.vro 'tE ÔELX'VUO~ xo.i. :ta'V1'o. 'l'à I:v a.vnl>,
soit question d'êtres différe-nts, mais des parties constitutives d'un
ovnI) xo.i. " q>U'V1'0.C7La, clQXTlYo; Ti); :tEQi. 1'0 t;q,ov EtôtlOEO>;, <pro1'O; ÔLX'lV Éo.vn1v
1'E El-UPUvLt;ELv Oq>dÂ.E~ xo.L 'l'OÙ :to~";oa'V1'oç o.Vd)v lvC1QYOù; l:vôE~X't'~ll xaitEC71'aVa1.. même être: certaines parties sont animées par un :7tVEÜJ.lU ÉXtlXOV,
- GAL., De digMscendis pul.noUB, l, 5, Vol VIII, p. 793, SVF, II, 79: d'autres possède-nt un mrEÜJ.lU <pUGlXOV, qui leur confère la vie végé-
:tQci)'t'Q YUQ Ëanv a~1'à I:v 1'oi; "fU'tÉQOI.Ç oroJU10~ 'l'à :taihiJU11'~ ÔMEQo. ôi 'l'à tative, d'autres enfin sont traversées par un mrEÜJ.lU 'l1UX1xov, prin-
'toVrrov :toa."l1'~ci EX1'Ot; imoxdVEVa.
cipe .des m8DÜestations les plus élevées de la vie. Il n'est pas dou-
195 Scholia i" Diofa.ys. Xhrac., p. 649, BEKKER, Aneoà. Gr., II, SVF, II, 94:
teux que ceci s'applique également aux différences spécifiques qui
0\ ôi: l:'t'roixOL Â.Éyoua~· 1'ÉXV'l lotl c:nJC:JTrUW EX Xa.'t'o.Â.'Î}"'Erov lJi.-"'tElq~ ovrtEY"Jl-
V0.C7JAivrov 1tQO; n 1'~ E'ÜXQ"loto'V 1'OOV i:v 'tlP ~Lcp. - Ct. E. BBtBIEB, Chrysippe, 191 DIOG. LA., VII, 138: 1'OY ô1t XOOJlOv &1.()~Eicr6ru xa1'à. voüv xo.' :tQavo~v,
pp. 82·101. Xo.&' c:i cp1')OL XQUaImtOç ,,' I:v :tÉJU"fCP :tEQL 1CQOVO~ XUL nOOE1.ÔWV~ Ëv 1'q)
196 SEXTUS, Pyrrh. Hypot., III, 188, SVF, II, 96: :tQ).,~v otl:1'roixoi. :tEQi. ",",Xl)V
1'QL1'cp 1Cf!Ql OE<Ov, Etç Wt<lV UÔ1'oi) JdQ~ &L";XO'V1'~ 1'OÛ voù xo.&aneQ Èrp' "JlOOv
dyaita <p0.C7LV dvaL dXVa.; 1'Lvciç 1'ciç ci.QE't'U;. dXV1}v ôi: dvo.L <Po.o&. c:nJCJ1'1}f&U lx rov
'rii; ""'xii;· cill' Tlôtt ôi.' rov
fÙ:v J.Uillov, ÔL' n
&t ll1'1'OV.· Le vC>ÜÇ, dont est
xo.'t'o.Â.";'l'Erov auyytyuJlva.aJAivrov, 1'ciç ôi: xo.nù....;'l'EI.Ç yLyvEoito.a. :tE Qi. 1'0 "YEf1OV~av. question ici, 5 'identifie bidemment avec le pneuma cosmique.
IlOOi oW· I:v 1'q, "yEJ.1OV~XcP, :tvEUf&U1'L xa1" o.irtoùç \maQXo'V1'~ lvWto-tnal.Ç yLyvE1'o.L 198 Ibid., VII, 138·139: ee texte ne peut pas ·être pris au pied de la lettre,
Xa1'o.Â.";'l'Erov Xo.L ci.itQow.w; 1'oooVrrov roç "(evÉaOuL 1'ÉXV1}V, O'ÙX otov 'tEl:vvoijocu., comme si l 'hégémonikon comprenait encore un autre élément, pervant· de sub-
't'1};' btLy~yvo~ç nmrooEO>; ciEl. 1'l}v:tQo a\rrii; WtaÀE~oUC71};, btEi. xvrav TÉ fOlL strat au pneuma; en effet, l 'hégémonikon eBt pneum& sans plus. Cl. M. HEINZJ:,
'10 m'EÙ~ xo.i. li OMu )Çw~ta(tc:u. Â.ÉyE't'U&. xo.1)-' ixaC1tllv MWO\o'V. op. oit., p. 146.
biiR~SIPPË

se montrent dans des êtres distincts. TI imporl.C de remarquer que ces


... égard sera différente: ce que le pneuma lui assure, c'est la cohésion
multiples degrés d'intensiÏé dans l'animation due au pneuma ne con- dans 1€S êtres inanimés et, dans les êtres vivants, une organisation
stituent pas des différences substantielles; c'est le même pneuma spéciale adaptée aux phénomènes de la vie, qui, eux, sont directe-
qui animt les différentes parties d'un être et les multiples réalités ment attribués a~ pneuma. On pourrait dire que chez les stoïciens
du cosmos, tout en dosant son dynamisme vital d'après les besoins les deux principes constitutifs des êtres sont plus rapprochés l'un
de l'ordre et de l'harmonie de l'univers. De même qu'Aristote assu- de l'autre, mais que l'être qui résulte dt, leur union n'a pas le même
rait l'unité foncière des êtres en faisant dériver toutes les perfec- degré d'unité.
tions d'une seule forme substantielle, ainsi les stoïciens reconnais- La question de l'origine de l'âme humaine se rattache étroiteme·nt
nient le pneuma comme la source de toutes lES manifestations de à ce que nous venons d'exposer: nous avons parlé plus haut du
croissance et de vie dans le monde. C.ette activité plus ou moins traducianisme de Zénon, d'après lequel une partie de l'âme des
grande du souffle yital est en rapport étroit avec· sacomp06ition: parents est transmise aux enfants par un phénomène de division
une augmentation de l'élément igné produira une activité plus élevée appliqué au pneu ma psychique. Cette conception matérialiste de la
. et plus étendue, tandis que 1'accroissement de l'élément humide reproduction avait été abandonnée partiellement par Cléanthe, pro-
s'accompagne infailliblement d'un affaiblissement des perfections bablement parce qu'elle ne concordait pas avec son dualism~ plato-
qu'il communique 198. . nicien. Chrysippe rétablit la doctrine du fondateur de l'école au
Quand on compare la causalité que le pneuma des stoïciens exerce sujet de la génération humaine. Dans la première partie de son
SUr la matière, avec celle de l'entéléchie aristotélicienne, on constate nEQl lPux'llç, où il traite principalement de la nature de l'âme et
aussitôt une différence de point de vue. Le Stagirite voit principa- de la localisation de l 'hégémonikon, il rejette la division platoni-
lement dans l'âme le principe formel, qui vient compléu·r la déter- cienne et défend la conception de Zénon, qui distingue huit parties
minabilité de la matière; ainsi l'âme humaine est considérée comme dans l'âme. La fonction reproductrice en est une 200; de même que
la cause de tou*s les perfections que nous possédons en nous; par les sensations et la voix, elle s'explique par un courant pneumatique
contre la matière est un principe de limitation, qui est à l'origine qui va de l'hégémonikon jusqu'à l'organe appt;oprié, c'est-A-dire les
de l'individuation de notre perfection spécifique j la causalité que testicules 201. Une parcelle du pneuma paternel est donc contenue
l'âme exerce à l'égard de cette matière t:st avant tout d'ordre for'" dans la semence; au moment de la fécondation, elle passe dans le
mel. Les stoïciens ont plutôt mis l'accent sur la causalité efficiente, fœtus, où elle devient le principe d'une vie purement végétative.
ce qui nous paraît être en rapport avec 1'orientation empirique dE' Du fait de la ressemblance qu'il y a entre les parents e·t les enfants
leur pensée.. En effet, pOUl' Aristote la matière et la forme sont des quant au caractère et aux dispositions, Chrysippe tire argument
composants réels de tout être matériel, auxquels il a été amené par pour prouver que l'âme est également engendrée et que la vie psy-
des analyses philosophiques; tandis que la matière et le pn€'l1ma chique ne naît que plus tard 202. Cette conception s 'oppose-t-elle à
sont des réalités existantes et directement observables. Ceci n '€st uUe de Cléanthe f Pas directement. Lui aussi. admettait la même
évidemment pas de nature à nous étonner après ce que nous a.vons ressemblance, d'oû. il déduisait le c·aractè~ corporel de l'âme. Mais
dit de la 'XQTaÂT)'Inç. La matière stoïcienne, tout en étant informe, il reconnaissait au-dessus de la vie psychique le voü~, principe de
e'at-à-dire tout en n'ayant pas d'organisation déterminée, ne pré·
sente pas le même degré d'indétermination que le principe matériel. 200 G.u.., De Pl4c. Hippocr. et" PÙJ.t., III, 1 (112), p. 251 Mü., BVF, II, 885.
d'Aristote. Par conséquent, la fonction que le pneuma. exeru' à son 201 AtTros, Plac., IV, 21, BVF, II, 836: 't(ov ~È )..Outrov 'to tùv )..iynUL MÉO-
. . J.W, OnEQ xui. aUto m'EÜJAAi ÈatL ~1.O.'tEivov MO 'toû f)YEJ.A.OVLXOÛ J.A.Éxo'- TWV nUQa·
199 GAL., Comm. G '" Hippocr. epid., 6, ed. Bas., V, 510, K. XVII, B 250, SVF; O'tU'tOOv•
. Il, 715: ;'IQO-rEQOV tùv yà.Q 7tVtÛJiQ 'to Tiiç ~xf\c;, Vv06uQov 6l 'tb Til~ qn;oeroc;. 202 PLUT., 8toie. repugfl.., 41, 1053: Mo8el;eL ai XOi}'tUL 'tOÛ ytyovivaL ri)v
PLUT., St oie. repugn., 41, 1053: AVtOç (seiL XQuoU'moç) 6è ncU.Lv nrv'l'uXT)'Y ",UXT)v xai. J.A.E'tClYtvEatÉQClV dVClL f.'(Ü.LatU Til> KUt TOY 'tQÔ;tOV KUL tO ~it~ l~o •.u)L.
d.Qa.W'CEQov m'IlÙJW 'fiiç qJUOEO>Ç Ka.t ÀE1t'tOJLEOÉatEOov i}yd'tUL. oùaOu&. 'tà TÉKva 'to~ yowüa...
80 LË sToiCISMË ottRYSJPP~ 81
la vie rationnelle, qui n'était pas soumis au traducianisme des autrél Cette explication de Chrysippe suscite tine difficulté très sérieu-
parties. Nous n'a.vons pas de raisons pour admettre que Chryaippe se: elle semble être en contradiction directe avec la théorie du
ait fait ]a même distinction: ce traducianisme intégral était égale- philosophe sur le mél~nge psychique. Comment un refroidissement
ment admis par Épicure, qui expliquait « les aptitudes intellec- peut-il constituer pour notre souffle vital un peTfectionnement,
tuelles, les sentiments, le caractère, les qualités de l'€sprit et du alors que l'augmentation de l'élément igné élève son activité, comme
cœur ... par la proportion selon laquelle sont combinés les éléments nous l'avons vu plus haut T Nous n'entrevoyons d'autre solution à
de l'âme; ils se transm·ettent héréditairement des parents aux en- cette antinomie, que le désir de donner du terme 'iroX~ une inter-
fants non moins que lœ traits de la physionomie ou les germes de prétation étymologique en le rapportant à j(EQt'l1u;lÇ.
certainEs maladies » 203. Le problème tel qu'il est posé par Chrysippe Cette question de l'animation successive ou immédiate a été posée
se retrouve dans une question traitée par la psychologie moderne, à plusieurs reprises, principalement dans la théologie du moyen
celle de la transmission des propriétés acquises: les psychologues âge, où on s'est occupé de ce problème à la suite de la doctrine
actuels s'y prennent évidemment tout autrement que les stoïciens; aristotélicienne sur l'animation successive. C'est cttte dernière solu-
ils soumettent d'abord les faits enregistrés à un examen critique et, tion qui a été adoptée également par les stoïciens. Comme ils n'ad-
si de fait il y a transmission héréditair.e, ils expliquent celle-ci e·n mettaient pas de différence essentielle entre les vies végétative,
établissant un rapport entre une propriété acquise déterminée et la anima~e et rationnelle, la transition d'un stade à l'autre pouvait
physiologie de tel ()rgane. Leur matérialisme psychologique dispen- se faire insensiblement. D'autre part, l'animation successive restait
sait les stoïciens de faire· ce détour. Puisque l'âme des enfants s'ori- plus près des données de l'expérience, puisqu'on n'avait aucune
gine à celle des parents, et que, d'autre part, notre pneuma psychi- . preuve de vie rationnelle ou même de vie' psychique chez le fœtus.
que se développe lentement dans le sein de la mère à partir de la C'est pourquoi ils ont adopté cette solution: ainsi notre pneuma
fécondation de l'ovule, ils peuvent parfaitt·ment expliquer l'hérédité psychique dans son plein épanouissement est l'aboutissement d'une
des qualités psychiques. D'après Chrysippe, le fœtus ne jouirait pas longue évolution, qui commence au moment de la fécondation .de
encore d'une vie animale, aussi longtt-mps qu'il se développe dans l'ovule et qui dure jusqu'à notre quatorzième année. D'après les
le sein de la mère: le pneuma psychique n'atteindrait It': de terme principes que nous avons donnés plus haut, ce développement con-
son évolution qu'au moment de l'enfantement, par un phénomène sisterait surtout dans un accroissement progressif de la chaleur
de refroidissement et de durcisse·ment SOU8 l'influence de l'air .vitale, qui produirait un~ intensification et une élévation de l'ac~i..
ambiant 2M. L'éveil de l'intelligence se situerait eneore beaucoup vité psychique.
plus tard, vers la quatorzième année 20i'i
••*
203 E. JOYAU, Epicure (Les grands Philosophes), Paria, 1910, p .. 127-128.
On trouve chez Chrysippe la m&ne application des donn'ées psy-
204 PLUT., 8foÙ). repugn., 41, 1053: TO ~QÉcpoç h Tii yamQi. <pOOEL TQÉcpEai}a..
chologiques au monde tout entier, que nous avons constatée chez
'VOfL~EL xaiMmQ CJlUTov' o-rav ()È TEX-&ü "IroXO'ÛfLEVOV WO TO;; ÙÉQoç xa&. OTOJ.U)'UfLEVOV
.ses prédé~esseurs: le souffle vivifiant de la divinité pénètre jus-
TO nvt;;fUl flEta6dllELv xai. y(yvta6aL tq,ov. - ID., De primo frigido, 2, 946,
SVP, II, 401: 0\ ()È ~TOO'ixOi. xai. TO 1CVEÜfU1 Â.ÉyOUOL Èv Toi; aWfLO.OL TWv ~QtcpWv
'qu'aux confins du grand organisme cosmique. Le pouls de la vie,
Tii ~EQL'I"Û;EL· OTof1O;;aDaL xa, fLETa6cû..Â.ov Ëx cpUOE~ yCYVEai}aL "Iroxiav. - . qu'on perçoit dans l'univers, est donc produit par ce pneuma anJ"
ID., De comM. flOt., 46, 1084 e. - ID., Stoic. repugfl.., 41, 1053 a. mate~r, qui part de l'hégémonikon du monde, s'étend· jusqu'aux
20~ JAKBLIQUZ, De anim4 chez STOB., Eel., l, p. 317, 21 Wi SVF, II, 835: extrémités du cosmos et revient vers ce centre de vie et de connais-
ncULV Toiwv mQi. TO;; vo;; xa" ~aoô>v 'tWv xQELT'tOvOOV OOvo.~(J)'Y 'rijç 1I'Uxiiç 01 ;.ah sance.
l:TOOLXOi. Â.iyouc". fli) tWùç l,upÛEOB(lL TOv 'J..OYOVI· ücntQov ()è cruva.-&QO'tEcrl}W. MO TI nous faut maintenant apporter M'rtaines précisions ~oncernant
't<Ïw a.~O€(j)v KaL cpo.vraoL<ÛV ~EQ' ()ExatÊooa.oa. Ét1l. la nature et l'activité de la divinité dans le monde.
LË ST6iCI~

TI Y a tout .d'abord un grand nombre de textŒ qui attestent...1a \ln dieu immatériel·logé aux confins du monde, aiors que les pre-
nature matérielle et pneumatique· de la divinité 20G j il n'y a d'ail- mie'ra étendaient l'immanence de la divinité jusqu'aux matières les
leurs sur· ce point aucune innovation de la part de Chrysippe: il plus viles 208. Cet immanentisme a dû subir de nOinbreuses attaques,
ne fait qUE' traduire en formules brèves la doctrine traditionnelle parce ·qu'ontrouvait indigne de Dieu qu'il soit contaminé par le
de l'ancien stoïcisme. TI est également logique que le souffle vital contact des matières les plus répugnantes 209. Cependant les stoï-
qui anime l'univers, puisque son rayon d'action est le plus étendu, ciens, tout en admettant cette pénétration du pneuma divin jus-
soit le plus puissant et le plus mobile et que, par conséquent, l'élé- qu'aux frontières du monde, ont attribué de préférence la dénomi-
ment igilé s'y trouve à l'état pur 20T• La divinité sera done conçue nation de Dieu à la source de ce courant vital, l'hégémonikon du
comme. un souffle igné, qui· n'est plus tempéré par l'admixtion de cosmos. Bien qu'il soit exagéré de dire, comme Tertullien, que « les
l'air, mais dont le mouvement régulier est assuré par la nature stoïciens déclarent qu'il (Dieu) est placé hors du monde, qu'il fait
éthé'rée de la substance divine. tourner cette masse gigantesque de l'extérieur, comme le potier
On pourrait se demander à ce .sujet comment il est posSible que tourne sa roue» 210, il ~st certain cependant que le terme Dieu est
le souffle vital qui traverse le cosmos et dont· l'âme. humaine n'est attribué de préférence au monde céleste 211: en effet, c'est sur la
qu'une parcelle, puisse être considéré comme divin, alors que sa beauté et l'ordre éternel du monde des astres que Chrysippe' eon-
nature n'est pas parfaitement pure, à cause de la proportion d'air struit sa preuve de l'existence de Dieu, car C'€st une œuvre magnUi-
qui s 'y est ajoutée. La réponse à cette question se trouve dans ·le que qui surpasse de loin les capacités de la nature humaine 212.
mélange d'immanence et de transcendance qui caractérise la théo~ Nous trouvons donc chez Chrysippe, comme chez son prédécesseur,
logie stoïcienne, comme nous le verrons dans ce qui suit. Le terme un mélange assez singuli€-r de transcendance et d'immanence: la
Dieu s'applique premièrement à l'hégémonikon du monde, qui est divinité est en même temps l'intelligence suprême, localisée dans
exempt de toute composition; mais il s'applique aussi aux couranœ le monde des astres, et le courant ·pneumatique qui pénètre jus-
pneumatiques qui s'éloignent de cette source pure et qui, en 8'en~. qu'aux confins de l'univers.
gageant dans la matière, ont perdu l'éclat de leur origine.
. Un second caractère de la divinité, qui est étayé également p~ 208 SEXTUS, pyrrh. H'IIpot., III, 218, BVFJ IIJ 1037 t ~ 'AQ1.O'tcnilTJç JLÈV

beaucoup de témoignages, c'est qu'elle est immanente. Sextus Em~ CÙJOOl'ClTOV E'Ut€\' dvuL TOv 9EO'V xat nÉQ~ 'toü OOQuvoü, l:TWLxOi. 3è m'EÜl'Cl ~LiixôV
xuL 3ui TÔ>V ttÔE~<Ôv. .
piricus oppose à ce po~nt de vue les stoïciens· à À.ristote~ quipoSè
209 CIJK. D'ÂLU., C01l. ad Ge.t., p. 58 POTT., SVJ1, II, 10a9~ Où3è J11tV 'to~
WtO 'ril~ l:Toêiç 1C(lQEÀ.E'UaOJ-Ul', ~ui mUT'lç iiÂ.'r)ç xUL 3~ 'rilç dTLJ.W'tUntÇ TO 9EioY
20t AÉTIUS, Ploc., l, 6, SVF, II, 1009: ·OQit;ovrUI. 3è "tTa'V 1'OÜ 9EOÜ oùoCo.'V ot
l:Tw'ixoL O\TtWç' motùl'Cl VOEQOv XUL mJQro3~, oW ËxOY ph twQqn)'V, J'E"t0.6dllov 8L.qx.eLV ).éyOV"C~. - CLtK. D'ALal, Btr0m4t., l, p. 346 POTT., BVF, ~ 1040~
3' E~ ô fJoUÀ.E"tUL xut O'\1Vt:~OJ.WLOUJ."EVov nacnv. - .A.ftros, Plac., I, 7, 83, SVJ1, cUlà XUL ol l:TWLxOL ••• orol'Cl mu 'tOv 9EOv 3ui 'rilç anfWTcÎntç iiÂ.TJ~ nEllOLntxi-
_II, 10271 Ol.~"t~LxoL VOEQOV- 9tOv Mocpc:dvovraL, m;Q 'tEXVLX6-Y, 00cp ~Ltov bd. \'aA. UyOOOLV. - A.Lu. D'A.PImoD.; De (J~ libn fMft.t., p. h3, 12 BRUNS, BVF.
yÉvEOLV XOOllOU,· ÈtutEQLELÀ'r)cpoç nâVT~ "to"Ùç onEQJ.UlTLXO'Ùç M)youç, 2«1'ft' oüç lxâmu ~ 1038.
:xuit' E[J1O.Q~V yLvnaL· X~L nvrlil'Cl J1h 3Liixov 3L' oÀou 't00 xOo-J.Wv. _ . 210 TmTt1LLIJ:N,. ~pologltique, texte et trad.· J. P. 'W.AL'l'ZINQ et A. 8~

On peut lire à ce sujet toua les textes qui ont éu rasaeinb16s par VOD. Arnim, Paris, 1929: Co 41, 7) p. 99.
SVP, II, 1028-1048. 2U A*mts, Plac.,· l, 7, 33, BVF, II, 1027 t ·parlant. des conceptions des

201 Eus., Praepar. e1Jang., XV, 15 (AR. DIDYK.), Doa;ogr., 465: XquoL."Ctfll 3è ltoieielli lur la divini~ t OEo\,ç ~è xÜ1. 'tOv xOOJ.LO'V "'" 'to\,ç à.cni(H1C; xul. rip yfi'V,
'tOv alitÉQa 'tOv xu-6-(lQWTa"tov xat di.LXQLVÉcnU"tOV an nuVT(a)V. EÙxL'YI)'tOt~TOV mu 'tOv 3' O:vonuTW mlvt(a)V 'VoOv I:v olaiQI. (!vcuOiQWY dvœ Om Btob.). - Em1.,
xaL ,",v oi.'r)'V :7ŒQulYOVTU 'toii XOOllOU cpoQcÎv (scil. 'to -f)yEI'OVLXOv 'to "(00 xOOI'OU Praepat. ~fI.{/., nI, 9, 9, SU, II, 103~! XClTà .f0"Ùç l:'tœLxo"Ùç "tTa'V ~ xul.
dvaL). IDpPOL., ·PhaOB., 21 (Doxogr., 571, 7),SvF, II, 1029: .~~ XQUoUucC>Ç .xu\ OeQJ11)v oVaUlV 'to i)yel-tOVLXOv «pOOxOV"CEÇ etvaL 'tOÜ xOafJOU, xul. 'tOv 9EOv dvœ orof.Ul
Z1\v.(a)V, oL imÉitEYto. x.ul a,,.tOt .dQX1)v J1ÈV 9EOv TroV "dVT~, awJ.Ul <Mu TO' xuaa:· xuL 'tOv &r)J1LOUQ'VÔV UVtOv, 003' hEQO'V 'ril~ TOÜ mJQOç 3uvo.fU(J)Ç. Au sujet de l'hA·
QW"taTov, 3Là. 1Co.VT(a)V &È ~L1\XELV ~v nQOvOw.v·ir.\itoiij -·STOÜ.,- 1,:«.4 (~-DiDnr.), gltnOfl.ikem- du monde d'après Chryaippe, el. A..B.rus DID., Bpil. phYl. Ir., 29,
Do:r,og,., 466; DlOO. LA.,. VII, 137.· . . DIELS (Doœogr., p. 465), SVF, II, 642; DIOG. LA., vm, 139, CVF, II, 644-
212 CICtRoN, De fUIt. àeorynn, II, 6, 16, SVF, II, 1012.
LÉ BToimsYi CHRYSIPPE 85
Cette théoiogie stolcK'IlDe 8 'oppose nettement à celle d ~picur~ d'autre part, il est source de la sympathie universelle, puisque c'est
qui craignait de troubler la quiétude de la divinité et de la souiller le même souffle qui anime· tous les êtres.
au contact des choses de la terre. C'est pourquoi il localisait l€s Quant à la façon dont le pneuma divin exerce SOn influence,
dieux en des endroits suffisamment éloignés de la terre, pour que cette causalité ne se présente pas comm€,· un déploiement libre, mais
les plaintt.s et les misères humaines ne troublent pas leur bonheur. comme le déroulement nécessaire d'une évolution qui triomphe de
Tertullien remarque très justèment à ce sujet que le dieu des Épi- tous les obstacles 21G: cette force divine n'agit pas au hasard, puis.
curiens «est inexistant... pour les affaires humaines: 1Ieminem re- qu'elle contient virtuellement en elle toutes les perf~ctions qu'elle
bus hummais» 213. C'est la continuation du dieu d'Aristote, qui vit fera surgir, ainsi que l'ordre de leur production. Les raisons sémina·
à l'écart du monde, tout en mouvant toutes choses par l'attrait de les, qui sont précisément les germes de toutes choses, sont cachées
sa perfection. Le dieu des stoïciens est pleinement engagé dans le en elle et se développent au moment voulu, sdon la loi toute-puis.
monde. Bien qu'il garde une certaine transcendance, il vit cepe- sante qui régit l'ordre du monde 216. C'est sur cet enchaînement
daÏlt au contact de tout ce qui est, il est l'âme de chaque être'.. nécessaire des événements que Chrysippe fonde la divination: corn·
Quel est maintenant la· causalité que le pneum.a divin '~~e~ sur ment' pourrait-on jamais prévoir les événements futurs, s'il n'y
l'ensemble de la réalité. Il importe avant tout de noter qu'il n'est avait pas de loi régissant leur développement 217 T
pas question de création: le problème métaphysique, qui cherche Dieu connaît-il le monde' Ou bien la puissance divine, qui pré-
l'explication dernière de l'être même des choses, n'est pas posé 214. side au cours des événements, est-elle une force impersonnelle et
Cette insuffisance métaphysique est une conséquenc logique de la aveugle, qui fait jaillir la croissance et la vie suivant une nécessité
théorie stoïcienne de la connaissanCE:. Puisque la xUTaÀTl'l',ç n'est fatale' D'après les principes de Chrysippe au sujet de· là connais-
pas autre chose que l'assentiment rationnel aux données de l'expé- sance, on doit conclure que Dieu connaît le monde. En effet, la
rience, comment pourrait-elle les dépasser pour en scruter l'es- possibilité de l'acte de connaître est conditionnée par le contact
sence et l'exp1ication suprasensiblef C'est l'épistémologie empi- immédiat entre le courant pneumatique et l'objet sensible. Or cette
'liste qui a rivé les philosophes du Portique au monde sensible et condition est parfaitement réalisée, puisque le souffle divin pénètre
aux explications d'expérience immédiate.. Ainsi la causalité du toutes choses; la connaissance ·divine aura donc la même étendue
pneuma divin est limitée à ce que nous avons dit plus haut au sujet
de la psychologie individuelle: la cohésion chez les êtres inanimés 215 PLUT., De Stoic. repugn., ep. 41, p. 1056 d, SVF, II, 935: OùôÈyÙ{)(üta.;
(pour autant que cette expressi.on ait un sens dans le système stoï- il ÔLç, &ll.à 1tavtaxoü~ ....iiÂÀ.ov ô' Èv 1taOL tOLç qroOLXOL; ,ÉYQa<p! tut; ~ xat"à
JA.iQ~ cpUOfOl. XCIi. x"Vl\GEOLV EV<mlJ'Ut"a 1toUa yevicrltaL xai. xoo).U ....at"Cl, 'ti\ ôè 'tWv
cien) , la croissance chez les 'plantes, la. vie sensitive chez les ani- OMov ....1}aÉv.
maux et la vie rationnelle chez l 'homme. Ainsi le pneuma €St, d'une 216 STodE, Eclog., l, 79, 1 W, SVF, II, 913: XQUOImt~ ôUva....LV 1M:UJ'Unx1)v
part, à l'origine de l'individualité de chaque être, puisqu'il lui con- 'ti}v oUOLaV ril~ EtfUlOJ1Évtl~, 'ta.;e" t"Oü 1tavrOç aI.OLX1}nXl}V. ToVto f1h oÙ\' Èv tip
fère sa perfection à lui et le rend capable d'une activité spontanée; ÔWtÉQCP IIEQi. KOGJ1Ou. 'Ev ôi 'tip arotÉQcp IIeQi. ·OQoov xai. Èv 'to~ IIEQi. ril~
EtfUlOJ1Évtl~ xal iv cllloLÇ G1toQOOqv 1to"vrQ61t~ WtocpalvnuL )J;yfJW C EtfUlO~
Ëodv 0 'tOÙ XOGJ.LOU My~ » ;j c Myo~ 't00v Èv 'tip XOOfUll 1tQovo~ aI.OLXO\'J'ÉvOO'V» ;j
218 TERTULLIEN, ..A.pologltique, ed. WALTZINO-SEVElUJNS, c. 41, 6, p. 99. c )..6y~ XCI~' Ov JÙV 'tà y€yov~'ta yÉyO'Vf!., 'tà ai ywoJ.'EVa yLvnw, ~à ai yevr)o0JJ.eVa
2U Nous ne pouvons pas a!lmettre ce. que E. Bréhier écrit (Chryaippe, p. YEV'lGnm.-.». - At'rItJ8, Pl4c., l, 7, 33, SVF, II, 1021.
148); «Nous trouvons là (à savoir chez Chrysippe), que l'on ne s'y trompe 211 DIOGtNIEN dans Eus., Praep. eooftg., ry, 3, p. 136, SVF, II, 939: ~ÉQE"
point, la première ébauche d'une idée antihéraclitéenne et peut-être anti-helléni- ai xai. ciU1}v WtOOE";"V iv 'tcp 1tQOELQllJ1Évcp pL6ÀUp (aeil Chryaippus 1tEQi. Et"f.U1Q-
. que, l'idée de création» i et en note: «Ce qui est frappant, en effet, c'est la fdvrl~) 'towUn}v nw· C "1) YÙQ civ tlÏç 't00v fla.vtEOO'V 1tQOQQ1\OELÇ Mlli}EL; dvaC cp1')OLV,
discontinuité .
. , entre le germe du monde et le monde entièrement d6veloppé la-
.cune qUl n est remplie par rien li. Nous croyons qu'il est abusif de se servir
, et "1) 1ta.vta \mo ril~ EtJA4Q~~ 1tEQLELXOV'tO :t. - CHALCIDItJS, 1... Ximaeum,
cp. 161, ·SVF, II, 943: At vero divinationem dieunt elare demonstrL"8 proventul
du terme eréation pour désigner le développement des virtualités latentes d'un iam dudum esse deeretol. Neque enim, nisi decretum vraeeederet, ad rationePl
germe. Or c'est là le sena de la ÔLUXOO ....1}OLÇ des stoïciens. eius aecedere potuiaae praesagos,
86 LE STOlCISME CHRYSIPPE 87
que l'action animatrice du pneuma, c'est-A-dire qu'elle embrassei! le pneuma pénètre partout et qu'il est l '.âme de tout ce qui sa
l'univers tout entier. D'ailleurs les définitions que Chrysippe donne passe dans le monde. Ne faudra-t-il pas renoncer à la conception
du destin, prouvent suffisamment qu'il ne s'agit pas d'une fata- téléologique du cosmos ou bien limite'l' l'étendue de la causalité de
lité aveugle, mais d'une providence toute-puissante. Car le destin l'âme du monde f En 8e basant SJlr les principes stoïciens on peut
est défini comme « une force pneumatique, qui régit l'univers avec donner une .double réponse à cette question. Une des caractéristi..
ordre », ou bien ( la loi rationnelle de tout ce qui, dans le monde, ques de la philosophie du Portique, c'est la considération du monde
est régi par· la providence» 218. TI ne s'agit donc pas d'une succes- dans sa totalité, comme un organisme gigantesque qui embrasse la
sion nécessaire d'événements sans signification et sans finalité: réalité tout entière. C'est seulement en fractionnant cette réalité
cette providence occupe dans le système stoïcien une place de pre- cosmique, qu'on se heurte à des imperfections; celles·ci, tout en
mier ordre parce qu 'elle ~t le fondement de sa morale. En (·ffet, ayant un fondement réel, disparaissent cependant du moment qu'el-
l'attitude inébranlable du stoïcien· sons les coups sanglants de la les sont insérées dans l'ordre de l'univers. La conception téléologi-
souffrance se base sur la ferme conviction que tout ce qui arrive, que des stoiciens s'applique d~nc à l'ensemble du cosmos et à cha-
a été prévu et ordonné par la providt·nee divine. Ainsi les événe- que partie, pour autant qu'elle est engagée dans cette totalité 219.
ments les plus douloureux; de la vie prennent un sens dans l'évolu- Une autre considération encore aide les stoïciens à expliquer le
tion universelle du cosmos. mal dans le monde: ils distinguent entre le 3tQOTlYOUJ.lEVov, le but
Les stoïciens ont eu à déf~ndre leur doctrine de la providence principal d'une action, et le ÈJtlYIVOJ.LEVOV "tÉJ.oç, c'est-à-dire les
contre de nombreux adve·rsaires. Le dieu d'Aristote est enfermé conséquenocs qui découlent inévitablement de certaines activités 220.
en lui-même; c'est la Pensée de la Pensée, qui ne joue aucun rÔle Cette distinction doit s'appliquer également au pneuma divin, qu'on
dans les affaires humaines, qui ignort· même l'existence du mondè. peut donc considérer comme la cause du mal, pour autant que
Les divinités des épicuriens ne s'occupent pas non plus de ce qui celui-ci est une conséquence inévitable de l'activité bienfaisante de
se passe sur la terre: logées dans les espaces intermédiaires entre la provide·nce divine. Il faut donc encore une fois envisager le plan
les mondes, elles jouissent pleine~ent de leur quiétude bienheureuse, providentiel dans son ensemble, la totalité de l'ordre cosmique, et
sans troubler leur regard par le sombre déroulement dts vies humai- alors les imperfections particulières, tout en étant des taches d'om-
nes. Quand on compare la conception stoïcienne de la divinité à ces bre réelles qu'on ne peut écarter, disparaissent dans l'harmonie
théologies contemporaines, il y a lieu de se rappeltT la distinction universtUe.
pascalienne entre le Dieu des philosophes et le Dieu qu'on adore dans La théologie de Chrysippe est-elle panthéiste f E. Bréhier a donné
la prière; car le dieu d~ stoïciens est beaucoup plus près de la à cette question une réponse négative. « Le feu originair~ est un
vraie dévotion que celui d 'Aristote ou d'Épicure. Les accents émou- dieu; et ce monde,· bien qu'il contienn~ des dieux, n'est pas un dieu
vants de l 'hymne de Cléantbe et les prières touchantes de Sénèque lui-même. Si des stoïciens postérieurs ont affirmé la divinité du
témoignent que cette divinité immanente répondait pleinement aux. monde (au sens de 8I.axOO'J.LTlO'lÇ), ce panthéisme n'est nullement une
aspirations religieuses de la période hellénistique; l 'homme se sen- thèse de Chrysippe. Le feu eSt un être individuel; le monde est une
tait perdu dans les vastes royaumes constitués par l'effacement des combinaison, un système d'êtres. Le feu originaire est une pe·nsée
frontières antérieures et il cherchait l'appui de la divinité au plus pure, une âme; le monde est un être animé, composé d'une âme et
intime de son âme. d'un corps, et la divinité ne se trouve que dans l'âme ). Bien que
Dieu est-il la cause du mal dans le monde' Les souffrances atro-
ces, les maladies, les guerI"e.9 et toutes les misères humaines doivent- 218 DlOO. LA., VII, 143, SVF, II, 633: 'to yàQ 1;ipov 'tot; f1'Ï1 1;cPou xQet't-
'tov • miah aè 'toO XO<Yf1OU xQEtnov. CIctBoN, De Mt. deorum., II, 14, 38, SVF,
elles être mises à son compte f Si cette questioll &. \ln sens f c'est que
II, 641: Est autem mundo nihil perfeetius, nihil virt~te melius: i{itur muncU
est propria vinus.
;18 AtTIUS, Plac., l, 28, 3, Dozo(lr., 323. ~20 )ft llEINJE, 01'. cie., !? 132 nq.
88 LE 8TOICI8ME . CHRYSIPPE 89
cd exposé nous semble parfaitement exact, il faut noter cependant plus' humaine 221. Le grand mérite de la physique stoïcienne est
que le mélange total tel qu'il est admis par Chrysippe, conduit logi- d'avoir donné un fondement rationnel à ce cosmopolitisme et à c~
quement à la divinisation du monde, en ce sens qu'il n 'y a' aucune rapprochement des classes sociales: en insistant sur l'unité organi-
parcelle de la matière, si microscopique soit-elle, qui ne soit animée, que du m~nde et sur la solidarité psy~hique qui relie tous l~s
par ce souffle divin. D'ailleurs ce demi-panthéisme nous semble hommes par le fait qu'ils sont tous animés du même souffle vital,
être une conséquence du dualisme métaphysique des stoïciens: cn les stoïciens ont frayé le chemin au développement d'une nouvelle
effet, comme ils admett~'nt à la source de toute réalité deux prin- 'culture, qui 'allait s'étendre jusqu'aux confins du monde civilisé et
cipes auxquels ils attribuent dés caractères opposés, ils ont été· ame- gagner les couches inférieures de la société.
nés à regarder un des deux comme divin et à limiter le rôl~ de En ce qui con~'rne plus spécialement la doctrine du pneuma. On
l'autre à une plasticité passive. Cette matière' déterminable ne 'peut peut relever surtout deux points dans la pensée de Chrysippe:
donc pas être identifiée avec la divinité, bien qu'elle·.e~ soit piné- ..
trée et animée; ellen 'est pas non plus, comme dans la: religion ira- 1. Il importe de remarquer tout d'abord que son rôle n'a pas été
nienne, un principe du mal, qui contrarie le dieu bienfaisant, puis- celui d'un novateur apportant des modifications notables au sys-
qu'il n'oppose aucune résistance à son action immanente, mais qu'il tème traditionnel de l'école. Cependant l~ travail de vulgarisation
se laisse pétrir passivement. Cette dualité de matière e,t d~ forme à grande échelle, dont les multiples fragments conservés de ses
nous semble être d 'origin.3 péripatéticienne, de même que Je carRC- œuvres sont les témoins, a requis de sa part une certaine élaboration
tère d'actualité pure attribué à la divinité; mais cette dl)~trine de la doctrine: ainsi Chrysippe a déterminé avec précision com-
prend une tout autre signification dans une métaphysique d'imma- ment il faut concevoir les rapports entre le pneuma et la matière;
nence intégrale. en outre, il a essayé de montrer comment le même pneuma peut
traverser le monde tout entier et donn€'r naissance à la multiplicité

••• variée des perfections spécifiques. Dans le domaine de la théodicée


on trouve chez Chrysippe des précisions' importantes au sujet ~a
la causalité de· la divinité dans. le monde et du gouvernement pro-
L'Etfposé classique du stoïcisme, tel qu'il a été donné par Chry- videntiel des événements. Nous croyons donc que_ l'exposé systéma-
sippe, offre une vision du monde et de l'homme, qu'on pourrait tique et largement accessible que Chrysippe a voulu faire de la
caractériser comme l'expression la plus pure de la culture hellénisti- philosophie du Portique, l'a forcé à mettre au point certaines par-
que. En effet, la pensée stoïcienne travaille plutôt en étendue qu'en ties de la doctrine et à y introduire certaines retouches. Cept·ndant
profondeur, son orientation est plutôt horizontale que verticale. nous ne présentons les points indiqués ci-dessus comme originaux
Ses doctrines n'auraient guère été possibles au siècle précédent, qu'avec une grande réserve, car la p'énui-ie des textes diminue dans
lorsque les philosophes, tout' en entreprenant qudques voyages, res- une certaine mesure le bien-fondé des conclusions de notre étude
taient cependant enfermés dans les limites de leur cité. Depuis qU€' comparative.
les armées d'Alexandre ont traversé victorieusement le monde orien- 2. Concernant la nature intime du pneuma, nous avons constaté
tal, les barrières entre les peuples et les civilisations se sont dfon- chez Chrysippe une régression incontestable: alors que Zénon et
drées et l'unité foncière de la race humaine a été entrt'vue. Les dif- Cléanthe .mettaient le souffle vital au-dessus des quatre éléments
férences sociales ont, pour une grande part, subi le même sort comme leu~' principe et leur source, Chrysippe4.e fait descendre de
que les limites entre les p·eupl.es: on s'est aperçu aussi de l'unité sa position privilégiée et il en fait un composé des deux éléments
de la race humaine et de l'absence d'une supériorité' de class.e, fon- supérieurs, le feu et l'air.
dée sur la nature: c'est t'n effet une caractéristique de la période
hellénistique, que l'attitude à l'égard des esclaves devient beaucoup ;~1 J, K.u:BST, Ge8chicl,te de8 Helle"Ï8mu8, Leivzig-Berlin, ~I, p. 130-13.1,
90 LE STOICISME
PANtTIUS DE RHODES 91

Ainsi le· pneuma~ qui se ~ttacbait d'abord étroitement! Péther- ont surtout eu à défendr~ leur doctrine contre les critiques péné-
<l'Aristote, perd ses prérogatives et devient un- mélange totaI' des trantes de cd académicien. TI est indéniable que le dogmatisme de
deux éléments qui surpassent les autres par l'intensité de leur acti- l'école a été fortement secoué par ces attaques vigoureuses et que
vité. Ainsi le matérialisme du Portique a trouvé dans Chrysippe son· certaineS thèses fondamentaleS ont été aba~données, principalemt:-nt
expression la plus parfaite. Il n 'y a que des éléments dans le monde: par Boéthus de Sidon et par Panétius de Rhodes. Si tous ces auteurs
la matière aussi bien que la forme, tout est constitué à partir d'un- M- sont pas traités à aa suite et dans un paragraphe 'Spécial,
mélange d'éléments. Si l'on attribue les activités supérieures à des c'est que la pénurie des textes ne nous permet pas de retracer leur
éléments -plus subtils, c'est uniquement parce .que ceux-ci présen- pneumatologie: ce-rtains textes cependant, qui nous renseigqent sur
tent au regard d'un observateur quelconque, une plus grande mobi- leur pensée, nous aideront à comprendre l'évolution de Panétius.
lité,ce qui étend leur rayon d'action et augmente la rapidité de Au premier livre des Tusc.ulaInes, Cicéron donne une information
kurs mouvements. précieuse au sujet de la psychologie de son maître, disant que,
d'après lui, l'âme est constituée d'air enflammé 224: notre souffle
vital comprend donc deux éléments, le feu et l'air. C'est pourquoi,
4. PArnros DE RHODES. continue Cicéron, après la mort l'âme ne reste pas enf~rmée dans
l'enveloppe corporelle, mais elle traverse l'atmosphère épaisse qui
Panétius de Rhodes, le fondateur du moyen stoïcisme, n'est pas entoure la terre pour aboutir en des endroits plus conformes à sa
le successeur immédiat de Chrysippe à la tête de l'école: il y a eu nature: « quand l'âme a dépassé cette région, abordé et reconnu
entre eux trois autres chefs, mais il ne nous reste qu'un petit nom- une nature analogue à la sÏ€-nne, elle cesse de s'élever en hauteur et
bre de fragments pour nous renseigner sur leur système. Ce sont s'arrête sUr des feux- formés de la combinaison d'un souffle subtil
Zénon de Tarse, Diogène de Séleucie, dit de Babylone et Antipat€·r et d'une ardeur modérée du soleil. En effet, a~ moment précis où
de Tarse. Cette période de transition entre l'ancien et le moy~n. elle a trouvé une légèreté aussi bien qu'une chaleur analogues à la
stoïcisme n'est pas toutefois sans importance: elle est caractérisée sienne, elle ne se meut plus dans aucun sens, étant comme suspendue
par l'expansion plus grande de la pensée stoïcienne. Un d~ disci- en équilibre, et c'est alors, quand elle a rejoint une nature analogue
ples de Diogène, Archédème, fonde une école stoïcienne à Babylone, à la sienne, qu'eUe se trouve enfin dans son milieu natureL Là, sans
tandis que la doctrine du Portique avait déjà été portée à la cour que rien lui manque, elle sera nourrie et entretenue· par les mêmes
des Ptolémées par Sphaerus du Bosphore. Panétius, de son côté, a substances qui entretiennent et nourrissent les astres» 225.
introduit le stoïcisme à Rome, où il était l'ami et l 'hôte du second On doit se demander si tout ce passage de Cicéron est inspiré par
Scipion l'Africain 222. On peut donc dire que la pensée stoïcienne Panétius: sans doute, c_e que l'auteur des T-usoula'MS dit des pérégri-
s'étend et pénètre dans des couches plus larges et plus profondes nations de l'âme après la mort, à la recherche de son lieu naturel,
du monde hellénistique. Une autre caractéristique de cette période, semble être une conséquence directe de la constitution de l'âme.
o'est que les philosophes du Portique ont apporté des modüications
importantes à leur système, principalem€-nt sous l'influence des atta- sorte à tenir eompte des tendanees fondamentales de la nature humaine, prin-
ques de Carnéade 223 • piogène de Séleucie .fi Antipater de Tarse cipalement de l'appétit du bonheur. - Nous ne nions pas l'influence de ces
facteurs internes; nous verrons cependant dans la suite que des critiques de
222 G. RoDIER, :ttvile. ik philo.ophi6 greOf[fU, Paris, 1926, p. 239. Carn~ade BOnt à l'origine de certaines modifiea.tiona dans le dogmatisme de
223 L Heinemann (Po,eidanio.' metdphyriBohe 8chrilten., l, p. l uq.) n'admet l'école.
pal cette influence des critiques de Carnéade sur l'évolution de la pensée stoï- ~ CIctRON, TtUc., 1, 18, 42: 18 autem animus, qui si est horum quattuor
cienne: il croit plutôt que ce développement s'est produit sous l'aetion de cer- generum, ex quibus omnia eonstare dieuntur, ex inflammata anima eonstat, ut
taius facteurs internes, qui se ramènent à un eontaet plus étroit avec la vie potissimum videri video Panaetio, IUperiora eapes88t neee8se est.
concrète. En effet, Jes représentants du moyen stoïcisme se BOnt occupés des 225 CIctRON, TtUculaMI, Tome 1 (I-ll), texte établi par G. FOBLP e~ trad,

~tt"ire8 politi<Iues et de l'éducation 4es jeunes gens: U. ont ~t6 &IQené, de ~ par J. ~U~BERTt Paris~ 1931. l~ 43 f V. 29,
92 LE STOICISME

Il Y 8 cependant une objection qui.Dous semble insurmontable cont~ Quant à la psycholo~ie de Panétius, il n'était pas seul à enseigner
l'attribution de ce texte à Panétius: c'est que le philosophe de cette composition de notre principe vital: elle était admise par
Rhodes n'admettait pas l'immortalité de l'âme 22S, pas même la Boéthus de Sidon, et Carnéade la propose égalem€ut comme la théo-
survie 1imitée telle qu'elle avait été préconisée par le fondateur de rie la plus probable concernant la nature de l'âme 230. C'est pour-
l'école. Car Panétius, sous l'influence des critiques de l'Académie, quoi Schmekel pense qu'elle aurait été suggérée par ce dernier à
a été d'un matérialisme plus radical que les· représentants de l'an- Panétius 231 • Cependant cette doctrine psychologique n'est en au-
cienne école. cune façon une nouveauté dans le stoïcisme: nous l'avons vu, elle
Il fa.ut 'noter, d'autre part, que la conc€·ption que Cicéron e~pose était clairement enseignée par Chrysippe, qui a enlevé au pneuma
en cet endroit ne s'accorde pas tout à fait avee ce qu'il dit au même sa position privilégiée au-dessùs des éléments pour le rabaisser .à
livre. des Tusculanes quelques pages plus loin. Là il insiste particu- un composé des deux éléments actifs; c'est pourquoi il est beaucoup
lièrement sur la parenté qui existe entre l'âme humaine et Dieu 221. plus probable que Chrysippe a légué cette conception à Carnéade
Toute·fois ces 'Prémisses ne le conduisent pas à une conclusion nette et à Panétius.
sur la nature de ·ces réalités supérieures: il hésite entre la composi- Si cette doctrine psychologique de Panétius concorde avec c€-lle
tion d'air et de feu, d'une part, et la simplicité d'un élément uni- de Chrysippe, il· y a cependant une grande lacune dans nos ren-
que qui trans~'nde les éléments traditionnels, d'autre part; c'est seignements: en effet, nous ne rencontrons pas le terme m'Eùlla dans
cette dernière s·olution que Cicéron expose dans sa Con.solcition, ou- les rares fragments qui nous ont été conservés. Cependant, à cause
vrage qu'il composa après la mort de sa fille et dont il cite un de la coïncidence que nous venons de· relever, nous croyons être en
extrait. Une telle conception est également attribuée à Aristote. Ce- droit de conclure que ce terme, pour autant que Panétius s'en soit
pendant la définition que nous y trouvons de la divinité· nous sem- servi, aura conservé la même signification matérielle que chez Chry-
ble très peu conforme à celle d'Aristote, puisque Dieu y apparaît sippe: nous ne voyons pas non plus la raison pour laquelle Pa-
'doué d'un mouvement, alors qu 'Aristote insiste sur l'immobilité nétius aurait modifié la terminologie philosophique de son prédé-
du premier moteur 228; ce sont au contraire les stoïciens qui ont cesseur sur c.e point, où il lui empruntait la doctrine elle-même.
opposé à l'actualité invariable du Dieu d 'Aristote le dynamisme En admettant cette composition psychologique, Chrysippe et Pa-
perpétuel du pneuma divin. nétius se sont rapprochés des théories médicales de leur· temps, qui
D'après ces textes Cicéron semble avoir hésité entre la psycho- essayaient d'expliquer les maladies par la désharmonie des qualités
logie de son maître et une autre conception, qu'il attribue à Aristo- élém€·ntaires de l'organisme, alors que la santé serait la suite natu-
te, mais qui est en réalité un amalgame d'élém.e·nts aristotéliciens et relle d'un mélange harmonieux: nous verrons plus loin que cette
stoïciens. C'est probablement un Aristote qui ~st vu et partielle- théorie est universellement admise et appliquée ~ans la pathologie
ment déformé par Posidonius; d'ailleurs cette conception de l'âme de l'école pneumatique. Panétius nous fournit une explication ana-
comme un souffle éthéré se retrouve chez les péripatéticiens posté- logue du « miracle grec»: comment se fait-il que- l'Attique ait pro-
rieurs tels que Critolaus et Diodore de Tyr 229. duit tant d'hommes de génie alors que d'autres régions en produi-
sent rarement! D'après Panétius ce fait s'e·xpliquerait par l'in-
226 M. VAN DEN' BaUWAENE, 1J(J théologie de CidrOf!., Louvain, 1931, pp. 71- fluence favorable du climat de cette région· sur les éléments consti-
72 et 80-81. tutifs de notre âme et leur mixtion harmonieuse 232: ceci montre
221 ClCtR()N, T'USe., l, 26, 65.
228 ClCtMN, op. cit., l, 27, 66. 230 MACROBE, Som". 8oipiotlû, l, 14, 19 (Dœogr., 213). - CIctRON, De nat.
Plac., 1, 7, 21 (Doxogr., 303: KQLTOAo.oC; xui. L\~Qoç b Tl"QLOC;
229 AtTIUS, deorum, II, 14, 36:, probabilius enim videtur tale quiddam esse animum, ut Bit
voùv' M' ut{}ÉQoç Wtut)OÙC;. TERTULL., De an., e. 5 (Doxogr.,. 212): nec illos ex igni atque anima temperatum (Carnêade).
dico 60108 qui eam (seil. animam) de manifestis eorporalibu8 effingunt... u~ 231 Die Phao8ophie der mittZere", StOQ, Berlin, 1892, p. 32 ••
Critolau8 ct Peripatetici ciu! ex Cluinta neseio qua sub6tantia. 232 PRoCLUS, If!. Tm.. Pl4t., l, 50: Ti)v ôÈ MQQ.(JWV 'twv wQwv nlV 'tWv q>Qov'.
que l'activit6 intellectuelle la plus haute est ramenée au niveau dtu~ il;a pas pris la même attitude à l'égard de ces deux fonctions: en
ÎD-teractioD d'éléments matériels. effet, la reproduction n'est plus considérée comme une activité psy-
Proclus ne cite pas seulement Panétiuscommereprésultalltde chique, tandis que le langage ne peut plus être envisagé comme une
cette théorie, mais certains platoniciens : eeux-ci 's.esont basés sur un fonction distincte de l'âme, comme elle l'était pour Zénon et Chry-
texte du T ...mée, où le' prêtre d'Égyp.tefaisant l'éloge de la Grèce 'et sippe, mais comme' un cas particulier de mouvement volontaire. Car
de tous les grands hommes qu'elle a produits, dit à Solon: « Elle (la Némésius ne dit pas qu'en rangeant le langage sous la rubrique du
déesse) avait choisi le lieu où vous êtes nés: elle y avait considéré mouvement ~olontaire Panétius en ait nié le caractère psychique:
l 'harmonieux mélange des saisons, qui le rendait apte à porter ,les nous savons d 'aineurs le rapport étroit qui, d'après Platon et les stoï-
hommes les plus intelligents »233. No~ trouvons dansee texte le ciens, rattache la parole à l'intelligence. La principale· raison qui a
même rapport entre .les conditions atmosphériques d'une région et déterminé la localisation de l'hégémonikon dans le cœur, c'est en
les disP08itionspsychiques des habitants. Nous avons vu plus haut effet l'origine attribuée à la parole.
que Cléanthe déduisait le caractère ·corporel de notre pne~a psy" C'est pourquoi nous pensons que Tertullien n'a pas bien compris
chique de l 'interaction entre l'âme :et le corps: Panétius va plus Panétius en lui attribuant une division de l'âme en six parties, com-
loin en admettant que la nature du milieu ambiant détermine la me s'il avait tout simplement retranché deux fonctions de la divi-
constitution intime de notre souffle vital. D'après les principes stoï- sion traditionnelle. Si l'on compare la conception de Panétius à celle
ciens, cette action est conditionnée par une oortaine .homogénéité de de Zénon, on arrive à la conclusion suivante: Panétius a gardé des
l'agent et du patient: l'âme est donc conçue comme un souffle chaud 'parties de Zénon l 'hégémonikon et les cinq sens, mais il reconnaît
de la même nature. que l'air environnant, réchauffé par les rayons une autre fonction, le mouvement volontaire, qui comprend eomme
du sol~il. cas particulier le langage. Tous 'ces' traits s'accordent parfaitement
Sil. dans la constitution de l'âme humaine, Panétius ne s'écarte avec la division de l'âme que Némésius donne à un autre endroit de
pas de la tradition stoïcienne, il semble -en être autrement en ce qui son traité sur la nature humaine 286.
concerne les facultés de l'âme. En effet, Tertullien nous apprend
qu'il n'admettait pas la division de l'âme en huit parties,pl"éconisée
par Zénon' et vulgarisée par Chrysippe, mais bien en six 23'. Les (xatà nQoaLQEaLv) (&1CQoalQÉtcoc;)
deux parties l'etranchées sont le langage ~·t le pouvoir dereproduc· "",uXlxa L 1
tion: la première appartiendrait à eeque Némésius appelle le mou- --------~~~~----------
~ )t.a{Y oQJ.lTtV
vemt·nt volontaire (xa{)-' oQJ.li)v xLV1')a,,) , c'est-à-dire le mouvement '''(V1')O'~
qui est soumis au contrôle de la raison; la seconde constitueraitnn

~
.J.ltta6atlxOv 9QE1CtlXt)
élément, non pas de notre vie psychique, mais plutôt de notl"e vie , ,-, . ,
tO XLVl)tLXOV tOU acoJ.lataç navtoc; alltlJtlxt]
végétative 235. - D'après ce renseigne~ent, il tst clair quePanétius cpcoVl)tuc6v . an:EQJ.lat-lX~
~ otcnLX~Vt navuLno~ tdv xaL cilloL TLvfç Tmv IT1aTrovLXiOv bd TiOv cpaLvof.'Évrov &VwtYEUatuWV
4}xouaav ro~ riiç 'ArtLxi}ç, 8ui T~ roQa; TOÜ ÉTOuç tU uxQaf:'Évaç btL't'r)aeÜo~
lx~ç :7tQOç ri}v Trov CPQov'JUOV âvôQmv tbtoyÉwr)CJLV. .
Cette division donne un aperçu schématique· de toute l'activité
233 PLATON, Tim., 24 e: TUUtl)V OW ai} Ton mlfUtooav ,",V 8a.œOCJf1TlCJLV xai. humaine, ordonnée d'après un seul point de ~e: sa subordination
aUvtaS w " 9EOç :7tQol'iQouÇ uJ.4Ü; 8I.OXoCJf1~CJooa xa't<pxL02V, lxMsaf.'Év'l TOv TO:tOV
fv cP 'Y~oin riJv MQaaCav 't00v roQmv I:v a'6T~ xun8oùCJa, on CPQOVLf.&œTciTOVÇ KMe. alc:rihiaeLÇ xaL elç TO CPClM]TLXOv xaL TO mteQfA4'tLx6v. IIuvuL't!.OÇ ôi 0 cpLlO-
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23'TEBTULL., De Gft., e. 14 (Do~ogr., 205). oQiMTuTa' TO ôè CJ:7t€Q,uiTLxOv oÔ riiç "",xi1~ J.LiQo~ à.llà ~~ qroCJe(J)Ç.
233 N:bltsIU~ De ttat. lIom., e. 16, p. 211,ed. MAT'l'JI.uI: Z~vrov a~ {, ~Trotxo~ 230 op. oit., e. 26, ed. MATTBABI, p. 249. - Cf. K. SCnINDLJ:R, op. oit., p.
oX'to.JLEQi'J 'P'}CJw dvaL Tf)V "'UXT)v, ÔWLQwv o.Vriav 6~ U 'to "Yl!f.lOvtxOv xo.i. d~'t~ 34, n. 2.
à la juridiction de la raison •. C'€st done une elassifieation· -q~ Si la classification des activités humaineS que nous trouvons chez
.a été entreprise d'un point de vue moral plutôt que purement Némésius, doit être attribuée à Panétius, comme nous croyons l'avoir
psychologiqùe. La question que l'auteur s'est posée est celle des montré, nous voyons reparaître dans la psychologie stoïcienne le
limites de la raison dans la direction de l'activité humaine; or il dualisme platonicien, adopté déjà par Cléanthe. En effet, l'auteur
est frappant que les deux traits qui caractérisent, d'après Némésius, considère les facultés humaines au point de vue de leur soumission
la psychologie de Panétius s 'y retrouvent: le langage fait partie du au contrôle de la raison: celles.qui n'obéissent pas aux déciSions de
mouvement volontaire et la reproduction est classée parmi les fonc- notre libre choix, sont exclues de l'âme; seules les autres sont con-
tions de la vie végétativ€'. On pourrait se demander pourquoi le sidérées comme fonctions psychiques. Ce qui nous conduit à la con·
doxographe ne parle pas des autres fonctions de l'âme,. qu'il énu- clusion que l'âme comprend, d'une part, la raison, l 'hégémonikon
mère dans son aperçu schématique. La raison en est bien simplt-: au sens plein du mot, c'est-à-dire la faculté qui co~ande, et.d'au·
il compare Panétius au fondareur de l'école et il indique donc uni- tre part, les fonctions qui sont soumises au contrôle de ~ raison.
quement ce que les parties distinguées par ce dernier sont devenues Ceci s'accorde pleinement avec la psychologie exposée par Ci~é·
dans le système de Panétius. Nous croyons donc que K. Reinhardt ron, dans les endroits de son œuvre où il s'inspire de. Panéti~. Au
a tort d'attribuer cette division à Posidonius; il n'apporte- d'ailleurs second livre des Tusculanei il écrit: « n y a en. eff€t deux parties
aucun argument précis pour appuyer sa thèse 237. dans l'âme: l'une possède la rai~on et l'autre en est dépourvue. Par
Il n 'y a donc en somme qu'une fonction que Panétius ne recon- suite le précepte de se commander à soi-même revient à dire que la
naît plus c~mme psychique: la reproduction. On peut se demander raison doit maîtrise'r la partie impulsive de l'âme. La nature a mis
si cette exclusion ne présuppose pas l'abandon du traducianisme dans presque tous les hommes un élément qui est faible, lâche, bas,
stoïcien, car si une parcelle du pneuma paternel est transmise avec énervé en quelque sorte et ~mpuissant. Si l'homme n'était que ceJa,
la semence, comment la reproduction peut-elle être considérée com- il n 'y aurait rien de plus hideux que l 'homm~. Mais Une souveraine
me une fonction de la q>Ual.Ç T Nous croyons que Panétius a exclu univ€-rselle, une reine, la raison se trouve à son poste et ses efforts
la reproduction comme- fonction psychique, parce qu'il s'est placé personnels, l'étendue de'ses progrès réaJisent en elle la vertu; assurer
au point de vue de la morale et non pas, comme ses prédécesseurs, son empire sur la partie de l'âme qui doit ol>éir, voilà à quoi doit
au point de vue de la psychologie, c'est-à-dire qu'il n'a pas con- pourvoir un homme» 238. Nous sommes prêt à concéder qu'il €st
sidéré la causalité de la semence dans la production d'un nouvel très difficile de faire exactement le départ, dans l 'œuvre de Cicéron,
être, mais plutôt l'acte sexuel, qu'il a soustrait totakment au con· entre les. €mp~ts à Pallétius et ceux faits à Posidonius. Cepen·
trôle de la raison; il répond à un besoin incoërcible comme la nutri- dant il y a certains caractères dans notre texte, qui montrent que
tion et échappe aussi complètement à notre libre arbitre que la la source n'est. pas Posidonius: car Cicéron parle explicitement des
croissance. D'autre part, nous avons vu que, d'après Chrysippe, le parties de l'âme, alors que cette dénomination a été rejetée par
fœtus, aussi longtemps qu'il se développe dans le sein de sa mère, Posidonius et re-mplacée par celle de ÔWQ,U;, puissance ou facul-
n'a pas encore atteint le terme de son évolution: il y. joûit d'une té 238; de plus, Cicéron parle d'une dualité de parties, alors quë
vie végétative et ce n'est qu'au moment de la parturition que se Posidonius admet les trois facultés distinguées par Platon 240. ·On
produit le passage à la vie psychique sous ,l'influence de l'atmo- pourrait objecter que, dans un autre texte, parallèle à celui que
sphère ambiante. D'après cette conception, la causalité du sperme nous venons de citer,' Cicéron parle de « duple~ .• ~ vis animarum >1,
se limite donc à la production de la vie végétative dans le nouvel ce qui répond plutôt à la terminologie posidonienne 241. Cependant,
. organisme, ce qui s'accorde parfaitement avec le classeme·nt de la
fonction reproductrice comme une faculté de la qn'a!.Ç. 238 CIcD.oN, Tuc., li, 20, 41, trad. RU1LBERT, p. 104.
239 GAL., De l'lac. Hippocr. et Plat., p. 501, 10 ·.iq., MUu.o.
24. GAL., op. cit., p. 432, 9, MruER; et. p. 476, 2.
231 P08eidonio" Munich, 1921, p. 355.
241 CIcDoN, De off., II, 28, 101: Duplex est enim vi. animarum atque
tË STOICISM! 99
que SOn successeur Mnésarque, semble donc avoir admis une dua-
dans l'expiication de ce texte, Cicéron se sut 'Qe nooveaudu termé-
lité de parties ntttement distinctes 246.
« pa"S» j d'autre part, à côté de « vis ammaru.m» il emploie égale-
ment le terme « Mtura»; or il.semble bien que ce vocable est utilisé Dans sa monographie sur PanétiuS de Rhodes, N.B. Tatakis a
ici pour montrer l'aspect sous lequel on considère les deux parties essayé de mettre ce dualisme psychologiqu~ en rapport avec la pré-
de l'âme, à savoir comme principes è. 'activité j si au contraire 'ce sence, dans l'âme, des deux éléments supérieurs: « La substance que
terme se rapportait à une distinction dans la constitution des deux Panétius reoonnaît à l'âme est déjà un indice de ce que sera sa
parties de l'âme, nous aurions une preuve enco.re plus frappante que thèse des parties de l'âme. Par le feu qu'elle contient, elle participe
la SOUrcE': -n'est pas Posidonius, car ce dernier s'oppose explicite- à la raison universelle, à l'éther. La part de l'air qui entre dans la
ment à cette dualité de Substances 2.2. composition de l'âme représt-nte une échelle inférieure, la partie
C'est pourquoi nous n'admettons pas l'accord que R. Philippson irrationnelle de l'âme» 247. Cette interprétation est purement hypo-
a essayé d'établir entre Panétius et Chrysippe 2.3: d'après lui, Pané- thétique et n '€st appuyée par aucun texte. Elle nous semble d'ail·
tius aurait déjà rejeté l'ancienne terminologie du Portique et tout leurs invraisemblable, si l'on tient compte des principes posés par
en distinguant deux facultés psychiques, il n'aurait pas admis une Chrysippe: cette distinction nette entr~ le feu, d'une part, comme
dualité de parties: de même que Chrysippe, il n'aurait pas admis principe de l'activité de connaissance rationnelle, et d€: l'air, d'autra

[
une partie irrationnelle dans l'âme, bien qu'il y reconnaisse .deux part, comme principe des fonctions irrationnelles, ne s'accorde pas
facultés bien distinctes 2U. La différe·nce entre les deux se trouve- avec l'explication de Chrysippe sur les différences spécifiqu€s des
rait uniquement en ce point-ci: Panétius admet la domination de êtres: car la cohésion et les différents degrés de la vie sont produibl
la raison sur les facultés de l'âme, tandis que pour Chrysippe toutes par un courant pneumatique, qui comprend donc toujours un mélange
les facultés psychiques chez l 'homme sont pénétrées de rationalité j total· des deux éléments supérieurs. Bien que la proportion de ces
les facultés <fe l'âme ne seraie·nt donc pas seulement dominées par deux éléments ne soit pas toujours la même, ils n'agissent pourtant
la raison, elles seraient rationnelles en elles-mêmes 2.5. Nous croyons pas séparément. Nous n'avons aucune raison de penser que Pané·
que R. Philippson attribue ici à Panétius une innovation, qui doit tius ait modifié cette doctrine.
être mise au compte de son successeur. On verra d'ailleurs que la Panétius s'est posé également le problème de la survie d~ l'âme
conception dynamique du monde et des êtres particuliers est une après la mort et il lui a donné une solution négative. Pour bien
des caractéristiques de la pensée posidonienn€-. Panétius, de même - saisir le sens de ce problème dans le système du philosophe de Rho-
des, il impOlie de remarquer qu'il n'admet pas la conflagration
natura: una pars in appetitu posita est, quae est oQJ1l) graeee,quae hominem périodique du monde, laquelle permettait à ses prédéceSS€urs de
huc et illue' rapit, alter a in ratione, q\1ae doeet et explanat quid faeiendum concevoir une immortalité limitée, en harmonie avec la nature éthê-:
fugiendumve sit. lta fit, ut ratio praesit, appetitus obtemperet. rée du pneutna psychique. Ne pouvant pas admettre uhe immor-
2.2 GAL., De 'pZac. Hippocr. et Plat., p. 501, 10 ssq., MÜLLER. talitéau sens plein du tnot, telle qu'elle était défendué par son
2.3 Panaetiana, Rhein. Museum, 78 (1929), pp. 337·360; 79 (1930), p. 406·
maître Platon 248, il a poussé jusqu'au bout les conséquences de son
410.
2H R. PHIIJPPSON, Rhem. Mus., 78 (1929), p. 354: c Ieh glaube dagegen dus
matériaiisme psychologique.
l>anaitios in der Tat em irrationales Element in der Seele angenommen hat,
flieh aber dabei insoweit im Einvernehmen mit Chrysipp befindet, a1& er eben- 2.6 GAL., HUt. phU.,' e. 24, p. 251, KÜHN, (Dozogr., p. 206): fA. ~ Q ~ 8è n1~

Bowenig ",ie dieser einen irrationalen Teil meint ». ",\I~; clJl)-th) fA.Ô\.(W "Cà MyLXàv xa.i. "Co atoih]"CLXOv.
2415 R. PHILIPPSON, art. cit., p. 358: «Chrysipp nimmt nur insofern einen 247 N. B. TATAKlB, PanttitU de Rhode" Paris, 1931, p. 12i et i2S.

besonderen,· überrationaliswehen Standpunkt em, aIs er annimmt, dass bei den 2.8 n est à. noter cependant que Panétiu8 ne l'est pas leulement oppoS4S pout

vernunftbegabten Wesen der À6yoç auch die ocn.ta( rational pragt, und er son propre compte à. la doctrine de l'immortalité de l'Ame, mais il a pr6tendu
deshalb ein eigentliehes w..oyov aueh aIl aVva.J1~ in dem logisehen Bewuslltsein suivre Bur ce point la tradition platonicienne la plus authentique; e 'est pourquoi
nieht gelten lii.lst ». il a refus6 d'admettre le PhédOfl. comme une œuvre de Platon, paree que l'immor'
100 t~ 8'1'6tdiàW P ANÉTIUS DE RHODES 101
Voici le premier argument de Panétius'À l'appui de sa thèse:·« Br périssable, tout ce qui est in engendré est impérissable. Ce principe
veut, en effet, et personne ne te conteste,' que tout ce qui est· né est également reconnu par Platon et si Aristote l'attaque sur ce
périsse j or, dit-il, l'âme naît e·t ce qui le ferait voir, c'est la ressem- point, c'est qu'il a pris au pied de la lettre le récit mythique du
blance des enfants aux parents, ressemblance qui serait manüeste Ti~6 2Gl. Comment Aristote arrive-t-il à fonder ce principe T Tout
aussi bien dans l'esprit que dans le corps» :Me. en se basant d'abord sur un~ induction à p~rtir des phénomènes de la
Le point de .départ de cet argument est exactement le même' que nature, où il constate que les êtres naissent et périssent, il fait appel
celui de la démonstration par' laquelle Cléanthe essaie de prouver principalement à un jeu dialectique de concepts pour prouver sa
le cara,ctère corporel du pneuma vital, à savoir la ressembla~ce entre thèse: ce qui a commencé d'exister, c'est qudque chose qui n'existe
les parents et les e~ant3, même c·n ce qui concerne les qualités psy- -pas nécessairement, qui peut donc ne pas exister, dont la nature
chiques. Cette ressemblance semble être incompatible, d'après Pané- est telle qu'il peut être à un moment déterminé et ne pas être à un
tins, avec la thèse platonicienne de la préexisu.·nce des âmes, thèse autre moment; si cet être existait éternellement, ce ne serait pas
qui .avait été reprise par Cléanthe: ~·n effet, si les âIiies préexistent en vertu de sa propre nature, mais par un autre être qui le soutien-
à leur union avec un corps déterminé, comment se fait-il que ce drait dans l'existence; or c'est là une' solution inadmissible pour
corps, qui est formé par le souffle vital et l'âme elle-même qui Aristote: le contingent deviendrait nécessaire. J. Baudry remarque
l'anime reproduisent la figure e·t le caractère des générateurs' Cette très justement à ce sujet: « Il faut donc choisir: si le monde est
ressemblance ne peut être expliquée que par le traducianisme, admis impérissable c'est qu'il a en soi les raisons de son existence et de
généralement dans l'école: les âmes sont nées exactement comme les lui-même est éternel. On ne peut même concevoir qu'il ne· soit pas.
corps; elles ne sont pas introduites àu dehors, comme le pensait Mais s'il a commencé, semblable aux êtres de la nature qui ont un
Cléanthe, mais elles se reproduisent par un simple phénomène de commencement et une fin, il doit nécessairement finir. Il est un
division, ql,li assure la transmission des caractères. Panétius appli- effet contingent, et le contingent ne peut devenir nécessaire; ce
que maintenimt à cee; données un principe aristotélicien: '(0 TE yàQ serait une contradiction dans les termes et 'une contradiction de
i'EV6~E\'oV &vayx'r) '(ÉÀ~' Àa6etv 21SO, ~e qui le conduit logiquement nature, et la chos€'· est aussi impossible qu'une génération absolue) 2~2_
à l'exclusion de toute survie. On peut se demander d'où vient ce Ainsi on pourrait assigner à cette thèse un double fondement: d'une
principe, qui est à la base du raisonnement de Panétius et quelle part, l'identification du ,naturel avec ce qui se produit toujours et,
én est la portée exacte. d'autre part, l'absence de l'idée de création. La dépendance méta-
Il y a, chez Aristote, toute une polémique conce·rnant l'éternité du physique viS-A-vis d'une volonté créatrice libre, c'est là une notion
monde, contre les philosophes antérieurs et spécialement contre Pla- qui est étrangère à la philosophie du Stagirite et à la pensée grecque
ton, dont il vise en particulier la doctrine, exposée dans le Timée. en général_ C'est pourquoi les philosophes grecs qui enseignent l'im-
~ristote prétend que son maître aurait attribué au monde un com~ mortalité de l'âme, tels que Pythagore, Platon et Posidonius, admet-
lDencement, bien qu'il ne mette pas de limitè à sa durée dans l'ave- tent égale·ment sa préexistence 20. Panétius reste donc fidèlement
nir. Cette doctrine a été l'objet des attaques réitérées d'Aristote. dans le sillon de la pensée grecque, quand il rejette la survie de
D'après lui, il y a un lien nécessaire entre les termes: engendré et
périssable, inengendré et impérissable: tout ce qui Est engendré est 251 E. BoHDJ:, P'1Jc1ae, Tubingue, 1925, p. 304, n. 4; PLA.TON, Besp., VITI,
546 a: htd yevo~v'P mlVCL rpitoQd lmw.
212 J. BA.UDRY, Le problMM de "origiM et· tk "Itern.itcf du motlde, Paris,
talité de l'âme y est défendue de la façon le plus .formelle (ASCLtPms, schor. 1931~ p. 123.
in ..And., 576 a 39, BRANDIS# d. TXICH:Mth.LER, LitertJfÏ8che Fehde.Îm Nrteft, ~a LAer., DW. IMt., III, 18: Nam cum timerent argumentum illud, quo
Jahrhvllderl "or ChriBtu, Breslau, 1881-1884, p. 135). colligitur neeesa8 esse ut oeeidant animae cum. cOrpOribU8 quia cum eorporibus
24.9 CIcDoN, TUBC., trad.. J. HUllBERT, 1, 32, 79, p. 49. nascuntur, dUenmt n011 osei animas Bed insinuari potius in eorpora et de
2M AllIST., Phys., r 4, 203 L. 8. Cf. Pl~ys., e 7, 261 a 13; De coero, A., 10, allia in alia migrare. Non putaverunt aliter fied posse ut supersint animae
2i9 b 20: Ü'-rU\'tU ••• 'tù yLVOJlEVU XUl CP{)E\.QO~U cpULVE'tUl. post corpora, niai videantlU' fuisee ante eorpora.
"

1 P ANtTIUS DE RHODES 103


102 LE STOICISME
i
ur
-
l'âme après la mort parce qu'elle a commencé d'exister avec nous apprennent, c'est que Panétius a refusé de croire à la survie,
corps. parce que l'âme a commencé d'exister et qu'elle n'est pas impas-
Cicéron rapporte encore une autre preuve de Panétius concernant sible; or c'est Aristote qui a établi ce liEm indissoluble entre les
la même q:lestion: « Un second argument qu'il invoque d'autre part termes: inengendrél impassible et immortel.
est que rien n'est sujet à souffrir sans être aussi sujet à la maladie; On pourrait se demander si le fait d'être mortel s'applique à l'âme
mais ce qUi est exposé à la maladie doit aussi périr; or l'âme souffre, tout entière ou seulement à sa partie inférieure. Nous n'avons aucu·
donc dIe· périt aussi)) 25f. Cette argumentation se rapproche de la ne raison, semble-t-il, d'introduire cette limitation: en {:ffet, dans
preuve de Cléanthe par laquelle il essaie dé fonder le caractère ma· les arguments examinés ci-dessus on nous parle de l'âm{.· 8,lLDS faire
tériel de l'âme humaine·: elle est cependant plus simple du fait que de distinctions ultérieures. D'autre part, il est plus que probable
Panétius montre directement que l'âme est périssable, parce qu'elle l' que Panétius a rejeté également la survie limitée préconisée par le
fondateur de l'école; il Y était amené d '~illeurs par le seul fait qu'il

',
est sujette à la souffrance. Cet argument avait été adopté par Car-
néade contre la divinité stoïcienne 255: il part de ce principe que n'admettait pas la conflagration périodique du monde.
tout ce qui est passible, est mortel i il n 'y a que l'impassible qui 1
puisse être éternel. Encore une fois, cette doctri.ne est aristotéli-
cienne: dans le De Oqelo, le Stagirite affirme très nettement que , '
•••
tous les corps de la nature, qui subissent des change·ments, sont péris-
sables 256. Aristote semble se baser ici sur l'expérience immédiate:
c'est, en effet, ce que nous constatons dans les animaux, les plantes
et les éléments. C'est pourquoi Aristote· oppose à tous ces êtres chan-
geants et périssables la substance du ciel, l'éth€'r, qui est invariable
t ,.
ExamiI?-ant les vues des philosophes précédents, nons y avons tou-
jours distingué deux parties: l'une concernant le. pneuma psychi-
que ou individuel, une autre touchant le pneuma cosmique, qui
pénètre la réalité tout entière. Panétius admet-il également ce pneu·
ma cosmique, qui anime le monde et qui a été identüié par les
et impassible 257. D'autre part, dans son TIEQL '\j1uxiiç, Aristote
anciens stoïciens avec la divinité T Pour autant que nous puissions
insiste également sur le caractère impassible de l'intell€ct agent
nous baser sur les doctrines fondamentales du système de Panétius,
comme fondement de son immortalité 258; c'est que, d'après le Sta-
la réponse à cette question sera plutôt négative.
girite, un être suit nécessairement la p€·nte de sa nature. Si un
être est passible, il peut évidemment périr; et s'il est naturdlement 1. Nous avons vu plus haut que la théorie du pneuma était !n
périssable, il périra un jour. Toute la conception théologique d' Aris- rapport étroit avec la thèse de la conflagration périodique du monde.
tote est également basée sur ce principe: si son premier moteur fst En effet, l 'histoire du monde était conçue comme une évolution
un aXlVllTov, c'est pour garantir son éternité. D'après N. B. Tata.- périodique à partir d'un noyau primItjf, en l€quel l'univers se·
kis, Panétius aurait nié l'immortalité de l'âme parce que celle-ci est résorbait régulièrement: ce noyau était pour ainsi dire la semence
composée; nous ne voyons vraiment pas sur qUE~S textes l'auteur du monde, contenant les raisons séminales de tout ce qui devait s'épa-
s'appuie pour avancer cette interprétation. Ce que les témoignages nouir un jour. TI comprenait deux éléments, tout comm~ le sperme
ordinaire: le pneuma, qui était l'élément formel et l'humidité, qui.
25. CIe., Tuae., trad. J. BUlIBERT, l, 32, 79, p. 49. était l'élément matériel. Nous savons que cette doctrine a été l'objet
255 CIe., De nat. deorum, lU, 13, 32. Cf. SUT. EMP., .Ad..,. Ph y." 129 et 142. d'attaques acharnées de la part des philosophes de l'Académie, prin-
2~6 ARIST., De ooelo, A 3, 270 a 29. cipalement de Carnéade, et que les stoïciens ont battu ~'n retraite.
257 ARlST., De caew, A 3, 270 b 1 ssq.: â..on J1h oÙ\' ut8wv xo.l Mt cru;'l(JLY Zénon de Tarse et Diogène de Babylone commencèrE'nt à douter de
ËlOY Otrn: <pi}LoLY, ru' UY"lQUTOY xUl UVaA.ÀOLroTOV xo.l Wta'Ôi~ Èan Tb nQroTov Troy cette thèse et Boéthus de Sidon l'abandonna complètement~8, Or
(Jro~uhc.ov, Et 'tiÇ TOiç imOXELJtivOiÇ nunwEL, cpaYEQOv Èx '(rov alQ'lJtivc.ov icrriY. - .
Cf. ibid., B l, 284 a 14.
:58 ARIST., De animo, r 5~ 430 a 18 i 4 4, 408 b 29, ~~D N. B, T.AT~IS, 01" cit., p. 103,
104 LE STOICISME PANÉTIUS DE RHODES 105
nous savons que·Panétius s'est égalëment rangé du côt~ ·de ces inno:w qui expliquent la croyance universelle à la divinité 265. Il est do ne
vateurs de la pensée stoïcienne. Il'est tout à fait évident que l'aban- très probable que cet abandon total ou partiel de la divination est
don de cette· thèse ne pouvait pas rester sans influence sur la t·n rapport avec une transformation de la conception du monde et
théologie dp. Panétius: les quelques fragments qui nous r€·nseignent de Dieu dans la pensée de Panétius.
sur la conception de Dieu de Boéthus de Sidon en sont une preuve- Pouvons-nous déterminer avec plus de précision en quoi· consiste
irrécusa ble 280 cette transformation f
2. La t~éorie du pneuma cosmique était également en rapport ave~ Au second livre du De natUf'G Œeot"ùm, Balbus, le représentant
la divination et la sympat~ie universelle. En effet, .comment peut-on de la philosophie stoïcienne, nous parle de l'interdépendance uni-
rt~ueiÙir des renseig~ements sur une destinée humaine <:lans le vol verselle des parties du cosmos et conclut qu'ellë n'est possible que
des oiseaux ou dans la position des e~trailles d'un animal sacrifié 1 si le monde est traversé d'un souffle divin, assurant la cohésion et
C'est que dans l'univers wut se tient: ily a une interdépendance ,la disposition harmonieuse de toutes ses parties 268. Cette conclusion
universelle, de la plus petite partie: du cosmos à l'égard du tout et termine l'exposé des preuves par lesquelles Chrysipp€: démontre
du tout à l'égard de cette parcelle microscopique. Un regard exercé l'existence de Dieu: il n'y a pas le moindr€: doute qu'il ne s'agisse
découvrira donc dans les événements les plus banals les secrets de ici de la doctrine traditionnelle des stoïciens sur le pneuma cosmique.
la destinée humaine. Cette sympathie universelle était expliquée par - Au troisièm~ livre du même traité de Cicéron, le représentant
la doctrine du pneuma: le monde était conçu, non comme un ensem- de l 'Académie, Cotta, reprend cette affirmation de son antagoniste
ble artificiel de choses accumulées, mais comme un organisme animé et dit à ce sujet: « ltaque illa mihi placebat oratio de convenientia
d'un souffle unique, le pneuma cosmique. De même que le pneuma consensuque naturae, quam quasi cognatione continuatam conspirare
psychique était un principe d'unité à l'intérieur de chaque être, ainsi dicebas, illud non probabam, quod negabas id accidere potuisse nisi
le cosmos était traversé d'un pneuma divin, qui en assurait la cohé- ea uno divino spiritu contineretur. Ilia vero cohaeret et pennanet
sion. Sous l'influe·nce, encore une fois, des attaques venues de l'Aca- naturae viribus non deorum, estque in ea iste quasi consensus, quem
démie, Boéthus de Sidon abandonna cette conception unitaire. du cruV1ta&lav graeci vocant; sed ea quo sua sponte major est eo minus
monde :61. Nous savons, d'autre part, que Panétius a élevé des doutes divina ratione fieri existimanda est» 261. Le porte-parole de l' Aca-
sérieux contre la divination 262. C'est probablement que les criti- démie ne nie donc pas l 'bannonie et la cohéSion des parties du cos-
ques sagaces de: Carnéade contre l'argumentation de Zénon pour mos, mais il n'est pas d'accord avec Balbus au sujet de la cause de
prouver que le monde est un animal doué de raison, avaient prof on- cette sympathie. Tandis que Chrysippe y voyait une preuve· évidente-
.dément secoué son dogmatisme stoïcien 263. Nous savons, d'autre de l'existence du pneuma divin, qui anime et ordonne toute· la
part, que la divinat~on était considérée par Chrysippe et Antipater réalité, Cotta y voit tout simplement un effet de la nature: cepen-
comme unEl conséquence nécessaire de l'existenée des dieux 264 et dant il ne s'agit pas de la nature telle qu'elle est définie par Zénon,
que Cléanthe la considérait comme une des causes psychologiques mais de la nature qui est à l'origine de tous les mouvements et d€s
transformations dans le monde 2". Pour comprendre la portée /exacte
260 DlOO. LA., VII, 143: B6rrOoç ôi CJl"l0L'V oUx dVo,L t'Pov 'tov x6o ...ov (SVF,
de cette assertion, il faut retourner en arrière, au second livre, où
III, 6, 6). Si Boéthus renonce à la cosmobiologie de l'ancienne école, il en H5 CIctRoN, De t&(Jt. ileorum, II, 13-15, SVF, l, 528.
résulte évidemment que la divinité ne peut plus être conçue comme l'âme du He CIctRON, D~ tI4f. ileonlm, II, 1, 19: Haec ita fieri omnibus inter le
monde: Dieu est identifié avec l'éther ou avec la sphère des fixes (AtTxus, J,
eoncinentibul mundi partibus profeeto non possent, niai ea uno divino et con-
7, 25, SVF, III, 6, 2; DIOG. LA., VII, 148, SVF, Ill, 6, 3). tinuato spiritu eontinerentur.
261 DIOO. LA., VII, 143, SVF, III, 6, 6.
261 CICtIWN, D~ f&6t. àeorum, Ill, 11, 28.
262 N. B. TATAKIS, op. cit., pp. 110-120.
288 CICtRON, De f&6t. ileorom, m, 11, 27: Naturae ista aunt, Balbe, naturae
263 CIctRON, De 1I4t. àeorum, III, 9, 22-23.
non artificiose ambulantis ut Zeno, quod quidem quale ait iam videbimus, sed
26. CICtRoN, Pedivi?l.., l, 38, 82, SVF, II, 1192,
oDlJ1.Ï4 eieJ!.~ et aiÏtantia moUbus e~ QlU~tio~bq8 sqÏs,
106 LE STOICISME P ANtTIUS DE RHODES 107
Balbus donne les différentes significations du terme natura: ,.ptès le fondateur du moyen stoïcisme, sous l'influence des critiques de
avoir parlé de la nature comme d'une poussée irrationnelle qui ex- Carnéade, a substitué au pneuma cosmique de l'ancien stoïcisme
plique la détermination du monde matériel, il passe à la définition la natura, comme principe de l 'harmonie et de la cohésion univer-
Zénonienne de la nature: c'est une puissance rationnelLe et un prin- selle.
cipe d'ordre, qui s'avance méthodiquement et qui e~plique le lien n nous reste à chercher maintenant la signification exacte de ce
nécessaire e'ntre la cause let l'effet de chaque être; le génie artisti- nouveau concept et la raison de cette substitution.
que de cette puissance créatrice n'est égalé par aUCun artiste 269: Considérant l'ensemble du système' de Panétius, pour autant qu'il
c'est évidemment le logos de Zénon. La troisième définition ~t celle nous est connu par les quelques fragments qui en ont été recuellis,
d ~Épieure, d 'après leq~el la, nature embrasse le monde matériel nous conclurons:
tout entier: l'auteur passe ensuite à la dernière signification du
terme: « Sed nos cum dicimus natura constare administrarique mun~ 1. Panétius ne pouvait pas acoopter la définition de la nature
dum, non ita dicimus ut glaebam aut fragmentum lapidÏ$ aut ali- fournie par Zénon, parce qu'elle introduit dans le monde un déter-
quid eius modi nulla cohaerendi natura, sed ut arbore'm, ut aniinal; minisme rigouré'llx. L'histoire du monde se ramène alorS à un dé-
in quibns nulla temeritas sed ordo apparet et artis quaeda:Jll simili- roulement périodique des mêmes événements nécessaires:' c'est ici
tudo» 210. Nous voyons im.médiatement que cette quatrième défini- qu'il y a une divergence nettement prononcée entre les deux philo-
tion s'accorde avec la nature selon Cotta; or, dans la suite de l'ex- sophes. En effet, si l'on regarde de près les deux définitions ainsi
posé de Balbus, il est continuellement question de cette nature, ce que la suite du développement, on constate que Panétius ne nie pas
qui fait que cette partie de l'e-xposé stoïcien ne diffère guère de la la cohésion universelle dans le cosmos 272; il ne s'oppose pas non
conception académicienne. Ceci prouve que Balbus ne nous donne plus au caractère rationnel de la nature 723. Mais la partie de la
pas, dans cette partie de son exposé, la doctrine de l'ancien stoïcis- définition de Zénon qu'il laisse de côté, est celle qui se- rapporte à
me. Cet accord avec la philosophie de l' Acadé~ie suggère immé- la conne~ion nécessaire entre les événements;, nous pouvons com-
diate'ment que la source de la pensée cicéronienne est Pa,nétius; ce prendre maintenant la dernière partie de la quatrième définition,
n'est certainement pas Posidonius qui a substitué la nature au pneu- où l'auteur proteste que sa conception de la nature n'introduit pas
ma, car nous verrons dans la suite 'que le pneuma cosmique joue un le désordre dans le monde (ll,ullà te me ritas ), mais qu'il y à. dans le
rôle très important dans sa philosophie: il y a d'ailleurs dans ce cosmos un ordre qui ressemble à celui de l'œuvre· d'art.
qui suit une allusion manifeste à l'éternité du monde, qui caracté- n est incontestable que la thèse de l'éternité du monde a dû
rise la pensée de Panétius 271. Tout c€ci nous incline à croire que changer sensiblement la conception de 1'hisroire ,selon Panétius:

spécialement la définition de la nature du t 82, van den Bruwaene la considère


269 CIctRON, De nat. deorum, II, 32, 81. comme originaire du neQL nQovoLaç de Panétius, bien qu'elle ait été mise au
:no CIctBON, De nat. deorum, II, 32, 82. point par Cicéron; d. p. 102: c Cette définition est la définition de Cieéron ,
271 CIctBON, De n.at. deorum, II, 45, 115: cr: Nee vero haec solum admirabUia, quand il veut rendre exactement le concept Mtura tel qu'il ressort de 1 'œuvre
sed nihU maius quam quod ita stabilia est mundus atque ita cohaeret, ad de Panétius qu'il a sous les yeux.. L'auteur a noté également l'aeeord entre
permanendum ut nihil ne excogitari quidem poaait ap~iu.s ». M. Pohlenz a dtjà Padtius et les philosophes de l'Aeadémie sous ce rapport (op. cit., p.' 163).
attirtS l'attention sur ce texte: puisque Panétius n'admet pas la eOllflagrati~n 272 CIctRON', De Mt. deorom, II, 45, 115: Maxime autem, corpora inter se
périodique du monde, il faut bien que le eos.mos soit orgallisé de telle façoll iuncta permanent quasi quodam vinculo eireumdato eolligantur j quod facit ea
qu'il puisse durer indéfiniment. Dans les œtt. Gel. Anz., ~926, pp. 279-288, natura quae per omnem mundum omnia mente et ratione eonficiens funditur
l'auteur fait une analyse minutieuse de cette partie de l'exposé de Balbus, et et ad medium rapit et convertit extrema.
il arrive à la conclusion que lcs paragraphes 115-153 sont inspirés de Panétiu,- 273 CIC:tBON, De nat. deorum, II, 34, 87: Si igitur meliora sunt ea quae
- N ous eroyon~ que M., van den Bruwaene (La théologie tk Cicéro"" p. 101 natura quam illa quae arte perfeeta sunt nec ars effieit quiequam sine ratione,
8eq.) a raison d'étendre au paragraphe 81 l'influence de Panétiu8, bien qu'on ne natura quidem rationa expers est habenda. - Ibid., II, 33, 05: aut igitur
Ile puisee pas dire que ce.Qi·ci ell soit la 80urçe unique. ~n ce qui CO~eern!! pl", P.lhil est ~uod sen~e~te ~~t~lra re~aturt aut lqqn4um reii coq.f~teQ4qm e5t,
108 LE 8TOICISME

celle-ci ne 'sera plus l'épanoulSSeDlf:nt" Iiécessaire" des raisons léJIIi..


l priétés inaliénablES 2TG; qu'il y ait un rapport naturel entre les mou-
109

nales"qui existent" de toute éternité, mais une 'évolution progressive,


où il y a place pour de l'original, "du nouwau, de l'imprévisible.
N. B. Tatakis a montré par les fragments conservés de J;>anétius que
- vements de la lune et les maré€s, il n'hésitera pas un instant à l'ad-
mettre, mais il reste sceptique devant les liens mystérieux qui
rattacheraient les événements de sa vie à la disposition des int:!stins
c'était là réellement sa conception sur 1'histoire du cosmos 21f. On d'un animal 218•
comprend ainsi que la nature ne soit plus conçue comme une loi
de fer qui détermine la suite des événements avec une nécessité •••
absolue~ mais comme une poussée instinctive qui, tout en agissant.
Nous pouvons dire d'une façon générale que dans le système de
rationnellement, est la source d'un progrès indéfini. Nous croyons Panétius on rdrouve la physique stoïcienne, mais passée au crible
que c'est ici la grande innovation de 'Panétius par rapport au fon- d'une critique impitoyable et perspicace. En ce qui concerne sa
dateur du stoïcisme. pneumatologie, elle peut se résumer dans les conclusions suivantes:
2. Panétius s'oppose également au pneUma cosmique de Cléanthe
1. Nous n'avons pas de textes qui nous renseignent directement
d de Chrysippe. En "effet, cette doctrine était en rapport étroit
sur la conception du pneuma psychique de Panétius. Cependant,
a veo la conception organique du monde: tout ~ 'univers _était con-
pour autant que nous puissions en juger d'après sa doctrine psy-
sidéré comme un organisme gigantesque, animé par un souffle divin.

t
chologique, il ne s'écarte guère du matérialisme de l'ancien stoï-
Ce pneuma cosmique, qui traverse la réalité tout entière, était iden-
cisme. Bien qu'il ait admis un certain dualisme à l'intérieur de
tifié avec la divinité; toutefois cdle-ci était plus spécialement loca-
l'âme et qu'il en ait exclu certaines fonctions comme n'étant pas
lisée dans l'hégémonikon du monde, qui embrassait partiellement
psychiques, il partage les idées .de Chrysippe sur la constitution de
ou totalement la région des astres. Nous voyons au troisième livre
notre souffle vital, et la survie, que ce dernier reconnaissait encore
du De nat1lra deorum que cette 'cosmobiologie stoïcienne a été forte-
aux sages, est maintenant niée, d'une façon générale. On ne peut
ment attaquée par Carnéade: celui-ci s'évertuait surtout à en mon-
donc pas dire que les influences platoniciennes et aristotéliciennes
trer les conséquences absurdes.
qu'il a subies, ont contribué à "« spiritualiser)) sa notion de l'âme
En substituant la nature au pne\llIla cosmique dt.' ses prédéces-
humaine et de ses activités intellectuelles.
seurs; Panétius a introduit des modifications importantes dans la
conception de Dieu et du monde: il écarte tout d'abord 1'hégémoni- 2. Pour ce qui est du pneuma cosmique, nous croyons avoir mon-
kon du monde et, par conséquent, il ne sera plus question d'unf: tré que Panétius y a substitué la notion de nature, qui ne peut pas
divinité transcendante: la nature E.st un principe d'activité imma- être confondue avec la <PUO'lÇ de Zénon, mais qui doit être conçue
nent à chaque être; la source principale de son dynamisme ne se d'une façon moins déterministe: l'enchaînement nécessaire des évé-
trouve pas dans la région des astres, ~ais à l'intérieur des réalités nements est relâché, et la natur~ se présente plutôt comme une Pu.is-
matérielles qui peuplent le monde. Il y aura aussi, à la suite de sance créatrice, une poussée vitale qui est la source d.'un développe-
cette substitution, un relâchement du lien qui rattache les êtres les ment réd et d'une évolution grandiose dans le monde.
uns aux autres: nous avons vu que cette sympathie universelle n'est
pas niée par Panétius, mais l'abandon de la cosmobiologie constitue 215 CIcDoN, De 011., l, 30, 101: Intelligendum etiam est duabua quaai nos a
par elle-même un affaiblissement de cette unité. Ainsi Panétius reste natura indutos eue personis, quarum· una comm1ll1ia est ex eo quod omnea
participes aumu8 rationis praestantiaeque eÏ1l1, qua anteeellimu beatüs, a qua
plus fidèle aux données de lrexpérience, en admettant, d'une part,
omne honestum deeorumque trahitur et ex qua ratio inveniendi offieü exquiri·
une certaine communauté naturelle entre les êtres et, d'autre· part, tur, altera autem quae proprie, smgulis esttributa. .
l'individualité de chaque réalité, qui est caractérisée par des pro- 218 CICtRoN, De" dwin.., li, 14, 33-34. Nous croyon que la conception ·de
Carn~ade est admise par Pan6tius: « Seseenta licet eiusmodi proferri, ut diatan·
nt N. B. TATAXIS, 01'. oit., pp. 131·~31. tium rerum oogn.atio fUltvrali8 appareat ».
110 111
On pourrait dire que la pensée de Panêtius' est plus puremmt sur Sénèque a été étudiée en détail p~r K. Schindler 281 et S. Blan-
rationnelle et aussi plus individualiste que celk· de ses prédécesseurs ken 282. W. CapeUe a reconnu également des idées posidoniennes dans
stoïciens. Cette physionomie spéciale du système de Panétius a été le pseudépigraphe HEQi x6(JJ1ou:l~a. Ces quelques indications sommaires
expliquée ~ar l\I. Pohknz par le fait que, étant d'origine grecque, suffisent déjà pour révéler en Posidonius un penseur de grand
il s'est montré hostile aux influences orientales que les autres repré- style, qui a dominé par l'étendue de ses connaissances la vie intel-
sentants du Portique avaient apporté€s de leur pays natal 277. En lectuelle de son époque et qui a inspiré aussi les générations p~té­
tout css, on voit nettement dans les grand~s lignes de sa philosophie rieures.
les recherches sinueuses d'une pensée qui ne se rend qu'aux éviden- Cepenqant, si les historiens de la philosophie sont unanimes à
ces rationnelles. reconnaître l'influence étendue que Posidonius a exercée sur la cul-
ture de l'antiquité,' ils ne le sont plus dès qu'il s'agit de retracer
les grandes lignes 4e ce système grandiose. Les études de K. Rein-
hardt 284, qui s'est évertué à donner un aperçu cohérent de cette
5. PoSU>ONIUS D'ApAMÉE.
pensée de grande allure et qui s'est acquitté de cette tâche av€c plus
d'esprit inventif que de précision critique, ont été attaquées sur
Tous ceux qui se sont occupés des courants philosophiques auX
plusieurs points par M. Pohlenz dans l€s comptes rendus qu'il en a
approches de l'ère chrétienne et même plus tard, ont découvert des
puLliés 285. Presque en même temps 1. Heinemann a fait paraître
traces de .} 'influence de Posidonius, qui est i~contestablement la
deux volumes sur les écrits métaphysiques do€: Posidonius, où il essaie
grande figure du moyen stoïcisme. Cette influence n'est pas due à
de recueillir soign€"usement les lambeaux de sa doctrine, épars dans
l'originalité de sa pensée, mais plutôt à sa science encyclopédique,
]a littérature de l'antiquité 286. Or, si l'on compare les trois ver-
qui embrasse tous les domain~s du savoir, et à l'ampleur de son
sions qui ont été données de la pensée de Posidonius par ces trois
style 278. L'étude de 'V. Jaeger sur Némésius d'Émèse a mis en
historiens de la philosophie, on constate des divergences de vue non
évidence l'influence exercée par le philosophe d'Apamée sur la
seulement su~ des questions de détail, mais sur les solutions les
pensée néoplatonicienne. Il a été prouvé, d'autre part, que Philon
plus fondamental~s du système. Ces désaccords nous ont mis en
d'Alexandrie a fait des emprunts importants à cette même sour-
garde contre les affirmations non fondées et les généralisations hâti-
ce 279. Dans la littérature hermétique, on se heurte également à des
ves: c'est pourquoi nous tâcherons de progresser prudemment, en
conceptions stoïciennes assez nombr€uses, qui remontent en dernière
nous basant sur des doctrines attribuées nommément à Posidonius.
instance à Posidonius 280. L'influence de ce dernier sur Cicéron et
D'après un témoignage explicite de Diogène Laërce, Posidonius
a admis la doctrine traditionnelle du Portique concernant le carac·
277 M. POHLENZ, Stoa 1lnd SemitismUl, Neue J'ahrb. 1.. Win. und J'ugend·
1
bUdung, 1926, p. 269: «In Panaitios... baumt sieh reingrieehisehes Lebensge' 281 K. BCBINDLD,. Die .toiBche Lehre 11on. den Beelen.teikn uRd Beelen.11er·
fühl noeh einmal auf, l'tosst das Fremdartige ab:a. mog6fl. imbe80Mere bri Pafl4itio, und Po,eidonio, ""d Oare YertDefldung l:ei
278 EDw. BEVAN, 8toicieM et sceptique" trad. L. BÀUDELO'!, Paris, 1927, Cicero, Munieh, 1934. .
n
p. 92: Cl n '1 a pas une philosophie originale de Posidonius, comme il 1 a 282 B. BLA.NXJ:RT, BeMoa (epilt. 90), Q17er Mtuv ,. cultuur efI Pos&tliMI
une philosophie de Platon ou de Plotin.L 'importanee de Posidonius n'est pas oz.. trijfl bron, Amsterdam, 1941.
là. Sa grande œuvre fut de grouper, plus complètement que personne autre, 283 W. CAPELLE, Dw Bchri/t ~ der WeJt, Neue Jahrb. l. du klaSI. Alter·
la masse de er9yanees qui hantaient l'esprit deI hommes en leur donnant une tum, Gesehiehte und deutsehe Literatur, Bd. 15 (1905), le Abt., Se .Heft, pp.
forme plus frappante et plus éloquente ». ED. NORDEN, Di6 antike KUfl.8tproBa, 529-568.
Leipzig-Berlin, 1923, p. 154, note 1. 28. Po,eidon.io" Munich, 1921. KoBmOl und Sympathie, Munich, 1926.
278 M. APELT, De rationibua quibuadam quae Philofti ..4.l&mndrino cum Pori· 285 GOtting. gel Naehriehteu, 1921. Gatt. gel Anz., 1922, 1926 et 1930.
donio iftteroedunt (diss.), Leipzig, 1907. 286 L HEINElUNN, PoMonio.' metaphYNc'M 8chrilteft, Breslau, l, 1921;
280 JoS. KROLL, Die Lehren de, Herme. TrimaegÏltoB, Munster, 1914. Il, 1928.
11~

tère pneumatique de l'âme humaine: à ce point de vnesa· )losÎtÎMt XlJQtWTaTOV vuliiç El~o; 2BO, le second pour indiquer l'âme tout en-
ne diffère pas dece-DedeZénon' de Cittium ou d'Antipater. UT. Ce tière291 • L'opposition que nous avons soulignée plus haut entre le
texte ne DOns permet évidemment pas d~détermineravec préeision démon psy~hique et la puissance du mal dans l'homme, indique clai-
la nature de cepneuma psychique: Posidonius a-t.;il réservé au rement que le ÔatllWV .de Posidonius n'embrasse pas l'âme entière,
pneuma une place spéciale, au-dessus 'des quatre éléments, comme mais seulement sa partie supérieure 292. La suite de l'exposé mon-
Zénon et Cléanthe, ou bien en a-t-il fait un composé des deux élé· trera quelle est la signification précise de cette distinction'.
ments actifs, comme Chrysippe et Panétius' Cette question est pro- Posidonius n'est pas resté fidèle au monisme psychoJogique de
visoirement insoluble. D'autre part, la psychologie de Posidonius l'ancienne éCOle. De même que son maître Panétius, il a €ssayé
se complique par le fait qu'il se sert d'une terminologie qui eSt peu d'accorder la conception pneumatique de l'âme avec la dichotomie
précise et surtout peu habituelle dans le langage philosophique du platvnicienm:-; il admet, d'une part, une faculté rationnelle, qui E'.st
Portique" D'après lui, ~'Deffet, il y a dans chaque homme un identifiée avec 1'hégémonikon de l'âme et, d'autre part, des facultés
auyyEVl);3aLllOOv, qui a une nature semblable à celle du 'démon, qui irrationnelles, le elJ~OELÔÉÇ et l'ÈJtdh'lIl1TlXOV293. C'est à dessein que
pénètre et gouverne l'univers tout entier :ce démon psychique est nous parlons de « facultés» au lieu de « parties», terme consacré
opposé à une puissance mauvaise, purement animale et sensuelle 288. - par l'ancien stoïcisme: eu effet, Galien nous dit que Posidonius, à
QueUe est la signification exa'cte de ce texte f Nous constatons tout
290 Tim., 90 A; Phédon, 107 D; Répubt, X, 607 E; Lois, V, 729 E. Cf.
d'abord que Posidonius ne s'écarte pas de l'immanentisme tradi..
H. LEISEOANG, Der heilige Gei8t, p. 105.
tionnel du Portique, car le démon psychique a une nature semblable 291 R. HEINZE, Xe'MkMtes, Leipzig, 1892, p. 144.
à celle du pneuma cosmique~ Cependant il est intéressant de noter 292 M. POHLENZ, Gatt. gel. Nochr., 1921, p. 192. S. BLA.'lKERT, op. cit., p.
qu'on parle d'une ressemblance de nature, et non pas d'une iden- 223: l'auteur a rassemblé un certain nombre de textes (pp. 210-213) pour dé-
tité : les prédécesseurs de Posidonius parlaient d'un ûx6m[Qa'IlŒ, terminer le sens précis du terme ôa(~O)v" Cependaut il n'arrive pas à en dégager
J.tÉQoÇ, Ûn:oQQoLa. Ce qualificatif «semblable» n'est-il pas l'indice d'un des conclusions précises, parce que sa collection est trop disparate. 1. HEINE-
MANN, op_ oit., l, p. 69: «Der Damon ist mit dem Trliger des men.schlichen
monisme moins rigide que le leur' Le terme ~atllOOV que Posidonius Denkvermogens identiseh. Die seinem Wert entsprechende Betii.tigung ist al80
applique à l'âme, donne la même indication: en effet, d 'après E~ Rho. in erster Reihe das Denken». K. SCHINDLER, op. cit., p. 51 ~ «Der auyyE\-i]ç
iJe 289 ce terme est emprunté à la religion populaire, où il désignait un ôaL~(Jn' ist offenbar = "-oyu~ôv ».
esprit distinct de l'âme humaine; plus tard ce vocable a été appli- 293 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., p. 432, 9, MÜLLER; cf. 476, 2; TO JIÈv ô1)

qué à l'âme elle-même, mais plutôt dans un sens allégorique, pour Tàç ÔUVUJLELÇ Tiiç 'l'uxilç TQELç dvaL TOV ÙQLÔJ'OV, a'tç VtL'ÔuJ.lOÜJLEV 'tE xo.L 9uJ'oüJLE'6a
'Kai. M>YLl;oJLEtta xai. nOO'Elbrovwt; OJlO"-oyt:t xaL 'AQLO"tot'Éi..ll~- - K. SCHINDLER,
désign€·r la personnalité idéale de l 'homme. Platon et Xénocrate se
(op_ cit., pp. 46-52) a rassembl~ un certain nombre de textes, qui sont tous
sont également servis de ce terme, le premier pour désigner TO tirés de Galien et se rapportent à la dichotomie posidonienne: il risulte de
cette enquête que la séparation des deux faeultés est moins nette, moins infran-
chissable ~hez Posidonius que chez Platon. Dans les pages suivantes l'auteur
281 Droo. LAo, VII, 151: Z1)v<o'V 8' b Km.e~~ xal 'Avd:rtaTQo~ lv TO~ ntQl essaie de compléter &es renseignements sur la psychologie du philosophe- d'Apa·
mée à l'aide. du chap. 26 de NémésiuI, qu'à la luite de K. Reinllardt (P08eidO-
'\VUxiiç xaL nOoe~Wvloç meü~ Ëv9EQJWV dvaL 'riJv '\VUX"l" • TOVtCil YÙQ ~Jlc% etval
ft&o&, pp. 354-355) il considère comme posidonien dans l'ensemble (aIs Ganzes),
Èf13tVou<; xalimo Tomou xlVEiO'fral.
tout en y reconnaissant des doctrines de Panétius: l'auteur est arrivé à accor-
288 GAL., Ploc. Hippocr. et Plat., pp. 448-449, MÜLL:lR 1To ô~ TWV :rta'ÔW'vaIno"",
der les données de Némésius avec les renseignements de Tertullien lur la psy-
tOUTÉan 'fiiç Tt ÙVOIW"-OYLaç xaL TOU xaxooollWvoç fJCou, TO Jl" 'KaTÙ :rtciv Meoihll chologie de notre philosophe. Nous croyons cependant q~e le travail de discri-
Ttp Èv airÏoLç OOLflO'VL <ruyyEVd TE ovn xol T1)v olWLav qroOLV' ÉXOV'CL Til» TOv olov mination que Sehindler essaie de faire, dans les données de Némésius, entre ee
'KOOfWV ôlOLXoüvn, Ttp ôÈ XELQOVl 'Kal l;cpro8EL '"'OTE auvEX'K"-LVovr~ cpÉQeoihlL qui revient à Pan~tius, et ce qui appartient à Posidonius, ne se fonde pas sur
289 P81Jche, Tubingue, 1925, pp. 316-318. Si certains ltoïciena parlent de des arguments sérieux: l'auteur a ~onstruit uue hypothèse qui ne manque pas
ce d6mon comme d'un être dutinct de l'âme, il faut attribuer ce manque de d'une certaine probabilité (cf. les arguments de la page 54 pt l'ueeord général
pr6cision à leur langage imagé. a\"eo Tertullien), mais qui ne s'impose pas:
114 115
la suite d'Aristote, a rejeté cette terminologie. stoïcienne et a 8dopt~ étaîent émis par 1'hégémonikon lui-même, il ne saurait y avoir une,
le vocable ~""aJ1lÇ. Comme il ne s'agit pas ici d'un simple change- différence de nature entre le eentre émetteur et les courants pneu-
ment de vocabulaire, nous devons essayer de préciser l~ significa- matiques. - On pourrait supposer qu'en rejetant le terme ~ÉQoÇ,
tion exacte de cette nouvelle terminologie. Et tout d'abord, est-ce Posidonius n'admet plus les courants pneumatiques qui, tout en
Posidonius qui le premier a introduit cette modification f K. Schind- s'originant au centre de l'âme, s'en éloignent cependant graduelle-
1er pense qu'il avait été précédé déjà par Panétius, mais il ne donne ment et acquièrent une existence individuelle, en se séparant dt: plus
aucun argument qui' se rapporte à Panétius lui-même: If:' fait que en plus du centre dont ils émanent: ce fractionnement de l'âme
Chrysippe, Mnésarque et Posidonius emploient couramment le terme serait incompatible avec l'unité foncière du pneuma psychique.
ôûvuJ'lÇ, ne suffit pas à établi~ que Panétius s'en soit servi égal'e- Mais, si telle avait été la préoccupation de Posidonius, il n'aurait
ment 294. On ne peut pas davantage s'appuyer sur la terminologie pas été un innovateur au sein du Portique, car ce problème avait
du chap. 26 de Némésius, pu~que ce texte est d'inspiration posido- été agité déjà par Cléanthe et par Chrysipp€', qui s'étaient posé la
nienne. D'autre part, un texte de Galien affirme qUe Posidonius, même question au sujet de la marche. C'est pourquoi nous pensons
à la suite d 'Aristote, a rejeté cette terminologie stoïcienne, sans dire que les parties de l'âme auxquelles Posidonius s'en prend, ne sont
. un mot de Panétius 29G: nous savons que l'argumentum '!!Z silentio pas les ~ÉQl1 des stoïciens, mais les parties platoniciennes: ce que
est faible, mais il a ici une certaine valeur puisqu'il n'est contredit Posidonius rd use d'accepter c'est que les facultés psychiques diffè-
par aucune autre preuve. il n'est pas exclu que Pa:nétius 8f) soit rent de nature et soient localisées en des endroits différents de l'or-
servi déjà du terme ôuvaJ.uç, mais c'est Posidonius qui a introduit ganisme humain 298.
à d€Ssein une nouvelle terminologie dans ce domaine. , Bkn que Posidonius admette .donc la dichotomie platonicienne,
Quelle est alors la signification exacte de ce~te modification f la séparation entre la faculté rationnelle et la faculté irrrationnelle
K. Reinhardt a insisté particulièrement sur le caractère dynamique, de l'âme est beaucoup moins profonde chez lui que chez Platon
du Douve'au terme, qu'il faudrait traduire par « force» 296. K. lui-même: ceci ressort très clairement aussi de l'analyse que K.
Schindler n'accepte pas cette interprétation €t croit que, dans le Schindler a faite des renseignements qUE: Galitm a conservés au
langa~ de Posidonius, ôuvaJ1t; doit être traduit par « faculté »297. sujet de la psychologie du philosophe d' Apamée 299. La limite entre
S'il en est ainsi, quelie est la différence entre la « faculté» posido- les deux facultés est nettement tracée, mais le ÂOYlXOV n'est plus
nienne et la « partie» de l'ancien stoïcisme T Il y a peut-être une considéré comme la raison infaillible, toujours droite: elle petlt
indication dans le texte de Galien que nous venons de citer: ôuvaJ1LÇ ...
J1làç oùoLaç Êx riiç xaQôtaç ôQ~ro~VT)ç : l'auteur insiste donc sur
298 GAL., De l'lac. Hippoor. et Plat., 432, :MÜLLER:'tOÔÈ'Xa1..to'içtÔ:Co~aÜtà.ç
1e fait que la substance des différentes faeultés est la même et
a.ll~Mov ~Xc.oQla&a.L xa.t d}v 'lNX~v ~JUÔV J1~ J10VOV ËXELV ~v ~a.trtn l)uvaJ1E~ noU~,
qu'elle est établie dans le cœur. Mais n'en était-il pas ainsi égale.. cUÂ,à. xat aUvitE'tOV lx f.I.OQlc.oV fntciQXEw É'tEQOYf:VOw 'tE 'Xc:r.l Ôt.a.cpEQOvtroV ta.t; O'Ôaltt~
ment dans l'ancien stoïcisme! En effet, les différentes parties de ·IrotoxQa"tou~ ~att xol IIMhcov~ l)6yJl4- Ce texte est lIUrloutaignifieatit, paree
l'âme étaient en réalité des courants pneumatiques, émis par 1'hégé- que, dans la phrase qui précède celle-ci, Galien parle de Poaidonius et d 'Aristote.
monikon qui' se trouve localisé dans le cœur, et qui se transmettent qui admettent trois facultés dans l'âme. R. Heil1ze (Xenokrafe., p. 130, note 1).
aux différents organes du corps humain: puisque ces courants 8 'appuyant sur Hirzel (Utt.t~8., II, Exk. II!), pense que Posidom118 a loeall.s6
les facultés distinctes A. des endroits ditf4rents de l'organisme humain: ,n ren-
29. K. SCBINDLER, op. oit., p. 40. voie' ~ ee lujet à un texte de Plutarque (El J'ÉQoÇ ta naih]'tlxov, voL V, p. 5,
29~ GAL., De ,plac. Hippocr. et Piaf., p. 601, 10 88q., :MULLU: '0 3i 'AQLCn'o- DÜBNER), dans lequel n l'attaque à ee fractionnement de l'âme et qui, d'après
'tii.:'lÇ 'tE xat /, nooELÔroVLOÇ Etô'l t1h ;j JAiQTI "PUxfiç ~ Ovo~t;OU(JLV, ~vyaJ1ElÇ 3i lui, ne peut viser que Po sidonius. Comme si Plutarque ne pouvait pas attaquer
~tvaC <pMI. J1~ ooo(aç È'X 'rilç XUQô(aç /'Qf.UOJ1É'V'l;. Platon lui-m~me et d'autres qui le réclamaient de son autorité pour enseigner
296 POllei<ùmi.o" p. 239 ssq. le même fractionnement de l'ime.
291 K. SCBINDLU, op. cit., pp. 27-28. 291 K. SCBINDLER, op. cit., pp. 46-52.
i1é POBIDONlUB D' AP AMÉE 117
également faiblir et provoquer des. mouvements· passionneis ioo•. c~ lept1Jse K. Schindler 302, le philosophe d'Apamée aurait adopté sur
Est évidemment -une réaction du monisme psychologique de l'an- le point qui -nous occupe, la doctrine de son maître, suivant laquelle
cienne école devant le dualisme radical de la pensée platonicit·nne: notre souffle vital est composé des deux éléments supérieurs, le feu
Posidonius a- voulu sau,·egarde·r l'unité du pneuma psychique, tout et l'air 303: la raison sur laquelle l'auteur s'appuie pour considérer
en introduisant dans sa psychologie l'opposition des facultés, ·admise cette- doctrine comme posidonie·nne, c'est que Cicéron y insiste, d'une
par Platon. Nous avouons ne pas voir comment se réalise concrète- part, sur le caractère matériel de l'âme et que, d'autre part, il
ment cette conciliation des deux systèmes: nous pourrions évidem- affirme qu'elle est quelque chose de· divin. Nous croyons cependant
ment nous aventurer dans le domaine des hypothèses, qui 8 'accorde- que l'auteur est quelque peu téméraire lorsqu'il affirme que ct-tte
raient plus ou moins bien avec les données du problème. Mais nous conception ne peut venir que de Posidonius, car Chrysippe aurait
préférons nous en tenir aux résultats quelque peu sûrs. C'est -la pu souscrire à la même doctrine. Nous concédons cependant qu'il
faculté rationnelle de l'âme humaine que Posidonius a considérée t·xiste d'autres raisons en faveur de Posidonius .et, d~s lors, il est
comme un cruyyEVft~ ôalllrov, qui possède une nature sembl'able au probable que Cicéron a puisé chez Posidonius plutôt que chez Chry-
pneuma cosmique. Peut-on dire que ce démon est vraiment 1'hégé- sippe.
monikon de l'âme, la source de toute l'activité psychique T Ceci Nous pourrions résumer les résultats acquis jusqu'à maintenant de
nous paraît beaucoup moins- sûr, car dans cette hypothèse, on ne la façon suivante: notre pneuma pychique, bien qu'il comprenne
voit 'Taiment plus en quoi consiste l'opposition que Posidonius met deux facultés distinctes et opposées dont la première est appelée' un
entre les deux facultés de l'âme 301; d'autre part, si la faculté-ration- ÔUlJ.lWV cruYYEVrlÇ, est localisé dans le cœur de 1'homme et est consti-
nelle n'est pas l'hégémonikon de. notre vie psychique, on ne voit tué tout entier de la même substance, qui est un mélange des deux
pa; très bien non plus comment Posidonius a pu maintenir -l'unité élémt'nts supérieurs.
de notre pneuma vital. )Iacrobe nous a conservé _une autre définition de l'âme par Posi-
A vons-nous des· renseignements plus précis sur la nature de notre donius: eUe se résume en un seul mot: « idea» 30". Quelle Est la
pneuma psychique T - S'il est vrai qu'au premier livre des Tuscula- signification exacte de ce terme et commt'nt peut-on concilier cette
nes, les § § 65 et 60 traduisent la psychologie de Posidonius comme nouvelle définition avec les résulats déjà acquis de notre enquête'
On trouve chez Plutarque un· renseignement important au sujet des
300 K. BCHINDLER, op. cit., p. 62 fi Trou dieses Zwiespalts zerfiillt die Beele disciples de Posidonius et de leur conception de l'âme du monde,
nicht wie bei Plato in einzelne Teile, sondem das Pneu ma wirkt sieh aIs
telle qu'elle est exposée dans le Tintée de Platon: « "Ollola ôÈ tOUtOLÇ
J.lu oùo(u, die bei Tier und Mensch den Bitz im Herzen hat, in den bm'u~ltl-Ç
aus. Bei aller ErhabeJÙ,leit kann selbst das i.Oylxov indirekt die 1tcith} hervor· EC1t'lV <lvtEutELV xal toiç ";EQl TIooElÔWVLOV· où• yàQ IlŒxQàv t'ijç üÀT\ç ù,.;Éo-
rufen, deren eigentliche Ursache dio Triebe des w..oyov sind ». tT)oav· àllà ôE;aJUVOl, Ù)v ~wv ";EQatrov oùoLav ";EQL tà oWIlŒta ÀiYEO{}Œl
301 C'est là l'objection que nous opposons à la solution proposée par IlEQlC1t'~V, 'Kal taü-ra tci> VOT\tci> lll;avtEÇ, WtE<p~oaVto nl V1PtrlTtV lôÉav ElvaL
M. Pohlenz (GOtting. Naehr., 1921, p. 193; Gott. gel. Anz., 1922, p. 172; tOU- xa'Vt1l
, ~
ulaotatOU -" _<1 '
xat aQh/f.LOV -
cruvEC1t'WOaV c ,
aQllovLav ,
";EQLE~Ovta :.
305
Gott. gel. Anz., 1926, p. 299) et reprise par K. Bchindler (op. cit, p. 93):
« Die Menschenseele ist illrem 'Vesen naeh Logos, verschieden von der Tierseele, 302 K. -ScHINDLER, op. cit., p. 88. Cf. 1. HUNEKANN, op. cit., II, PP! 382-386.
verwandt mit Gott. Sie ist in ihrer Existenz unabhangig vom Leibe, geht aber 303 CICtXON, Tusc., l, 65: Quae autem divina' Vigere, sapere, invenire,
mit diesem eine Verbindung ein. SoU aber aus dieser ein einheitliehes Wesen meminisse. Ergo animus, qui, ut ego dico, divinus est, ut Euripides dieere
entstehen, so muss die Seele zu dessen TtytllO"lxov werden und wie die Tier- audet, -deus. Et quidem, si deua aut· anima aut ignis est, idem est animus
seele, die fûr Erhaltung und Leitung des Organismus notigen Funktionen hominia. Nam ut illa natura eaelestia et terra vaeat et umore sie utriusque
ausüben. So entwiekeln sich in ihr aus dem Verhiltnis zum Leibe (xu't'à TO 1tQoÇ n) harum rerum humanus animus est expers. TtUc., l, 60: Sive anima sive ignis
neue Fiihigkeiten, die irrationalen Vermogen und eine Erkenntnia vermittels sit animus, eum iurarem esse divinum.
der Sinnesorgane. Natürlich konnen diese fur aber nur wibrend ihrer Vereini· 304 Somn_ Bcip., l, 14, 19, Doxogr., p. 213.
gung mit dem Leibe eignen, laüssen \'erschwinden, wenn sie naeh dem Tode 3~ PLUT., De procreatioft.e animae in TÜR., 22, 1023 B. Cf. tradue1ion de
in ilsrt! lIeimat zurückkehrt Il.
P. TBtvENAZ (L 'cime d,. mOAde, le de""'r et la matUre ohe~ Plutarq,ue, Pari.,
118 LE 8TOICISME POSIDONIUS D' AP AMtE 119
Posidonius distingue chez Platon trois degrés dans la hiérarcm. qui est étendu dans t.ous les sens, l'espace géométrique, c'est-à-dire
des êtres: ceux qui occupent la' première place, au sommet de la la matiàre corporelle 309. D'après cette définition l'âme serait dono
réalité tout entière: ce sont les premiers intelligibles (1C{)(ota v01)Td); le principe formel de la matière corporelle.
œ second lieu, les êtres .mathématiques (J1a{)1),.ultlXa); enfin les Nous n'avons pas encore épuisé la signification de notre déf~i­
choses sensibles (alcrlh)td). D'après la définition posidonienne, l'âme tion. En effet, on y parle également d'une certaine harmonie qui
du monde, dont les âmes individuelles ne sont que des parcelles, occu- règne dans l'âme: une harmonie qui est basée sur d~ proportions
perait dans la hiérarchie des êtres une place intermédiaire compa- numériques conve·nables 310. Ceci ne fait qu'expliquer la nature de
rable à celle des êtres mathématiques entre le noétique et le sensible: l'âme en elle-même et la causalité qu'elle exerce sur la matière:
avec la monde ,intelligible elle a en commun l'éternité (d(3LOÇ), et l'âme du monde est pour la matière chaotique un principe d'ordre
elle est passive comme les choses sensibles (1Ca31)'tlxt]) aoe. Que l'âme et d'organisation harmonieuse (x~(JJLOç). C'est dans cette activité
ne soit pas impassible, c'est là une doctrine traditionnelle dans qu'elle apparaît le plus èlairement: plusieurs philosophes anciens
l'école stoïcienne: Cléanthe en avait conclu que notre principe vital en ont conclu que sa nature intime consiste dans une proportion
est corporel et Panétius basait là-dessus S8 conception de la morta- numérique harmonieuse.
lité de l'âme. Quant à l'éternité de l'âme, ce n'est pas une doctrine La définition de l'âme que nous venons d'examiner, apporte des
traditionnelle du Portique, mais elle s'accorde parfaitement avec ce précisions de gr~:nde valeur sur la psychologie de Posidonius. En
que nous savons par ailleurs de la psychologie de Posidonius. - effet, l'âme y apparaît comme le principe formel de la matière corpo-
L'âme du monde oc.cupe 'donc une place intermédiaire€·ntre les relie: elle est un principe d'ordre pour la matière· chaotique et désor-
êtres impassibles et éternels et les choses sensibles, qui sont passives donnée, un principe d 'harmonie et de proportion. Ce dualisme de la
et périssables. Par le fait même Posidonius attribue à l'âme des matière et de l'âme est le pendant de l'opposition dont nous avons
caractères que Panétius considérait comme incompatibles: l'éternité parlé plus haut entre les facultés rationnelles et irrationnelles à 1'in-
et la passivité: c'est que le philosophe d' Apamée s'appuie sur Pla-
ton, tandis que son maître se rangeait du côté d'Aristote, dans la 309 P. TBtvENAZ, op. cit., pp. 65-67. D'après Ph. Merlan l'expression l'OÙ
. controverse qui divisait les deux grands philosophes de la Grèce 1CaV'tll lhaO'tal'où signifieràit plutôt 'le principe de l 'é~ndue, orque l 'étendu~
au sujet de l'éternité du monde 307. Si tels sont les caractères de elle-même (art. cit., p. 200), puisqu'il admet la synonYIJUe de uÀll = J.lEQI.O'tl)
l'âme d'après Posidonius, il est évident que le terme lôÉa ne peut OUOLa. = 1CEQClTrov O"ÙOLa. = 'tà 1tavtll ôw.O'ta"tOv, ee que P. TMvenaz n'admet paa.
Ph. Merlan a attiré aussi l'attention sur une définition de l'âJDe attribuée l
être considéré comme un équivalent de l'idée platonicienne, mais Speusippe et qui 8 'aceorde bien avec celle de PosidoniUl (art. cit., p. 199):
qu'il doit être pris plutôt dans le sens de forme ou figure· géométri- ME't'ci. &ft "taÜ'ta 't00ç EU; JUlihU.La.'tLXi}V O"ÙoCa.v Èvnfrmaç -ri}v O"ÙOUlv Til~ ~~
que 808: dans ee cas, la comparaison avéc les êtres mathématiques xa"tai..iyrolha",QLVf}~ro;. "Eon ôi} yÉvaç Ëv n aVril~ 'tà ax'iJ.l4, 1CéQ<XÇ ôv 3w.ata-
prend tout son sens. L'expression tOÙ mivttJ ôLŒotatoù signüie ce OE~ xai. Lang nach Waehsmuth) ,3uiatu(,,~. 'Ev a\rcotç oùv 'tMOLi
a.\rria <1) erg.
~E6iiQoç cl ID.a.'tcavLXà~ .uVriav clq><a>QLOU'tO, Ev tôéq. 3à "'00 1t~ &w.atu"tOü Lœû-
1938, p. 26) ~ CI Des objections dù même genre peuvent être faites aussi l POlii.. auutaç.
donius et l BeS disciples, ear pour eux < >
l'âme n'est pas trèe éloignée de 810 P. Merlan (art.' cit., p. 204 ssq.) renvoie l ee sujet l la définition de
la matière. Convaincus que e 'était l'essence des limites qui .Uait dite divisible l'âme donnée parXénocrate: ÛQdt~ Éa.vtàv XlVrov. L'auteur estime que, dans
selon les corps et qu'il s'agissait d'un mélange de eel limites aV!ee l'Intelligible, eette 'expression, il faut donner au tenne ÛQL-6-~ la même aignilieation
ils ont défini l'âme: 'l'idée de l'étendue en toua sens, constituée selon un qu'à. l 'tôÉa de Po sidonius. n en résulte que la définition de l'âme donnée par
rapport numérique harmonieux ' •• le philosophe d'Apamée Be rapproche très fort des conceptions psychologiq~el
306 PH. Mlœ.LAN, Beitrage .ur Ge,chichte de, afl.tt1:e" PlotOftÜmu. POIeido- de l 'Ancienne Aeadémie. Cette définition a été défonnée plus tard sous l 'm-
fti<>.. iib61" dk WeZtleeZe ift Plat01l.' Tilmaio,. Philolog., 89 (N.F., 43), 1934, p. 198. fluence de la pneumatologie stoïcienne; e 'est IOUS eette~ fonne a~té~, qu 'e~e
301 J. BAUDRY, op. cit., pp. 293-294. est attribuée à. Platon par Diogène Laëree, III, 67; wQ~E'fO &E UUl'T)V (.~
308 PH. MERLAN, art. oit., pp. 199-200, P. TBtvJ:N.u, L '41M d~ mOftde~ Jf -ri)v 'lNXtlv) lÔÉav 'tOÙ 1CaV'tll ÔlEO'tOOl'aç :ltVtU~la'taç. Cf. H. LElSJO.\."lG, Der hea~ge
devenir e~ la matUre chefPlutar'lU6, P~fis, 1938, pp. 65~67, Geist, p. 97, n. 1; M. ÂPELT, 01'. cit., p. 108 et 139,
120 LE STOICISME POSIDONIUS D' AP AllÉE 121
térieur de l'âme elle-même. C'est pourquoi nous pensons que K. Rein.... nius, cette connaissance supérieure nous est communiquée par les
bardt a tort de vouloir écarter tout dualisme du système de Posido- dieux dam; les song~. Cela s'explique de trois manières. Première-
nius 311. Cette erreur résult~ d'une considération unilatérale de sa ment par la parenté qui existe entre l'âme humaine et la divinité;
pensée philosophique : nous ne nions pas que le GUVÔEOJ,lOÇ soit une nous avons vu, en effet, qu'une similitude de nature fonde cette
doctrine capitale dans le système du philosophe d' Apamée, mais, com- parenté. Il importe de noter cependant que cette parenté porte sur
me différents courants philosophiques se re·ncontrent dans sa pensée, le démoli psychique ou la faculté rationnelle· de l'âme: elle peut
on doit tenir compte aussi des autres caractéristiques de sa doctrine, difficilement s'éu·ndre aux mouvements irrationnels qui s'opposent
même si .on n'arrive pas toujours à les coordonner parfaitement. à celle-ci. Cette faculté rationnelle pos.~ède donc par elle-même la
D'autre part, si l'âme occupe une place intermédiaire comme les puissance de divination dans le sommeil par le fait de sa parenté
êtres mathématiques, si elle n'est pas impassible comme les êtres avec le divin 313.
intelligibles, bien qu'elle soit éternelle, on ne peut pas dire qu'elle On pourrait se demander d'où vient ce don merveilleux que l'âmt:
s'identifie purement et simplement avec la divinité: comment pour- acquiert pendant le sommeil, et si elle en est frustrée à l'état de
rait-il y avoir quelque chose au-dessus d'e:~le, si l,'âme était une par- , veille et pourquoi Y La réponse à cett~ question est donnée dans k
celle de la divinité' Ceci s'accorde, d'ailleurs parfaitement avec même .passage de Cicéron: c'est que pendant le somme-il notre intel-
ce que nous avons noté plus haut au sujet de la nature du démon ligence n'est plus contaminée par la société du corps. A l'état de
psychique: sa substance est semblable à celle du démon qui gou- veille notre esprit est engagé dans les occupations. journalières, ce
verne le monde (rl)v o~lO(av CPUO'lV Ëlovn). n en résulte que Posido-· qui lui enlève l'acuité nécessaire pour pénétrer les mystères de
nius n'a pas seulement brisé les liens du monisme psychologique l'avenir 314. On peut dire la même chose au sujet d€s agonisants:
propre à l'écol-e, mais qu'il admet également une certaine transcen- tandis que l'âm€' se détache graduellement des liens qui l'ont entravée
dance de la divinité, à l'exemple des grands représentants de la durant la vie, elle acquiert insensiblement une force de pénétration
pensée gr~cque 312. Nous n'insistons pas ici sur ce point, parce que intellectuelle croissante, qui la rend capable de faire des prédictions.
nous y reviendrons plus loin. Posidonius citait l'exemple d'un habitant de Rhodes, qui avant de
En rapport avec la pyschologie de Posidonius, il nous faut parler mourir avait prédit le moment où six de ses contemporains
de sa conception sur la driuination, car la façon dont il explique cette arriveraient au terme de leur vie 3Ui. Ct·tte idée suivant laquelle ]e
connaissance supérieure est une application directe de ses vues an- sommeil 'augmente l'acuité et la pénétration de notre esprit, n·vient
thropologiques. Nous n'ignorons pas les divergences de vue qui exis- à plusieurs reprises dans le premier livrc du De Divin4tione de Cicé-
tent à ce sujet, principalement entre K. Reinhardt, 1\1. Pohl-€-nz et ron 318; l'origine de cette conception n'est pas douteuse·: Cicéron
'1. Heinemann, et nous n'avons pas non plus l'intention d'entr~'r
dans le détail de ces controverses. Nous voudrions uniquement met- 313 ClCUoN, De divin., l, 30, 64: Sed tribus Dlodis censet (seil. Posidonius)
tre en évidence, à l'aide des résultats que nous avons acquis, quel- deorum adpulsu homines somniare, uno quod providcat animus ipse per se~,
ques traits fondamentaux au point de vue qui n<?us occupe. Au pre- quippe. deorum eognatione teneatur.••
mier livre De la Divination, Cicéron nous dit que, d'après Posido- 314 CICDON, De divin., l, 30, 63: Oum ergo est soinno sevocatus animus a
soeietate et • eontagione corporu, tum meminit praeterito~um, praesentia cernit,
311 K. REINHARDT, Kosmos und Sympathie, p. 276 6Sq. futara prondet; iaeet enim corpus dormientis ut mortui, viget aUtem et vi'Vit
312 C'est pourquoi nous pensons que la remarque de A. Modrze au sujet du liaimal.
dualisme posidonien n'est pas assez nuancée: (Zur Ethik und Psychologie des 31S ClctaoN, De dÏ11",., l, 30, 64.
POlleidonio8, Philologus, 87 (1932), p. 331): « Poseidonios war «Dualist »in dem 31. ClctaoN, De dicin., l, 51, 115 (Reinhardt veut mettre les §§ 109-116 au
Sinne, dass er das Gattliche in Mikrokosmos und Makrokosmos zwar scharf compte de Cratippe; d'après M. Pohlenz, Gatt. gel. Anz., 1926, p. 292, tout le
vom Verganglichen trennt, ihm aber seinen Platz innerhalb, niebt ausserhalb passage qui va du § 113 au § 115 forme un tout, où Cicéron a simplement
der Welt gab». Nous croyons que l'immanentisme de Posidoniul$ est beaucoup interealé UDe remarque au sujet de Dicéarque et de Cratippe), CICÉRON,' De
moins radical que celui de l'ancienne école, cJi~ I, 57, 129 (Reinhardt aussi admet ,!ue la ~ource en cat Posidonius).
122 LE 8TOICI8ME POSIDONIUS D'APAMÉE 123
l'aura trouvée chez Posidonius, qui toutefcis n'en est pas l'in...- parce que, à l'état de veine, nous n'avons généralement pas la
teur: il!'. )Ufttrès probablement" dans le nEQl qHÀoaocpCaç d'Aristote, concentration d'esprit nécessaire, que nous n'arrivons pas à pro-
qui, à ce moment-là, était enCOl'e sous l'emprise de la philosophie nostiquer l'avenir; au contraire, celui qui s'est détaché de l'emprise
de Platon 311. du corps et des préoccupations journalières, soit pendant le som-
Ce premier résultat auquel nous arrivons est très important parce meil soit à l'approche de la mort, arrivera plus aisément à concen-
qu'il met en évidence la conception intellectualü,te de Posidonius trer son esprit et à scruter le mystère de l'avenir.
au sujet de l'art divinatoire: celui-ci est le fait du loyooSv . et il est 1. Heinemann a disceorné chez Posidonius deux manières de con-
en rapport direct avec sa force de pénétration. Ce n'est pas un mode naître-: il y a d'abord la méthode scientüique, qui prend son point
de connaissance qui s'opposerait au savoir rationnel en tant qu'il de départ dans la connaissance sensible et qui, à l'aide de multiples
serait dû à une recrudescence des mouvements instinctifs de notre expériences, parvient à enrichir graduellement notre savoir; mais
être, refoulant la connaissance claire et fondée en raison. il y a une autre connaissance, que Posidonius appelle symphytique,
Nous avons parlé jusqu'ici d~ conditions subjectives dé la divina- et qui se trouve non seule~ent chez l 'homme mais même chez les
tion, maison n'y trouve pas l'explication intégrale de cette eon- bêtes: cette connaissance n'est plus basée sur les apports des sens
naissance supérieure. Comment est-il possible qu'une intelligence ou de l'expérience, mais sur la sympathie univel"S€Ue du cosmos, qui
dégagée des liens corporels puisse prévoir les événements futurs' est traversé tout entier par le pneuma divin. Posidonius place sous
Ceci pose le problème des conditions objectives de la divination. Jci ~tte- seconde rubrique la connaissance instinctive des animaux, la
Posidonius se comporte en bon stoïcien, fidèle aux traditions de son connaissance propre aux âmes avant leur union avec le corps, la
école, et il admet la sympathie universelle de l'organismOe cosmique. co~naissance divine, les ~onnaissances de l 'humanité primitive sur
Il s'écarte donc de l'indiVidualisme de Panétius et enseigne au con- Dieu, l'âme et le droit, enfin l'art divinatoire 319. Nous croyons que
traire cette interdépendance universelle·, qui Permet de prévo~ l'évo- cette "explication est exacte, bien que l'auteur metfe une séparation
lution des événements à venir à l'aide de certains critères, appartm- un peu trop forte entre ces deux manières de connaître, en parti-
ment insignifiants. C'est que « futur» n'est pas synonyme d' (dndé- culier quand il s'agit de la divination: en effet, le grand argument
terminé» : les événements à venir étant déterminés dans leurs causes, que PosidoniUB donne à l'appui" de la divination est tiré d€s prévi-
celui qui a de cdles-ei une connaissance suffisamment compréhen- sions scientifiques, surtout des prédictions astronomiques 320: aussi,
sive, peut en déduire la succession des événemeonts 818. C'est done quand le philosophe d'Apamée insiste sur l'indépendance· de la
raison par rapport aux contingences corporelles, il vise évidemment
317 R. WALZEIl, Ariatoteli8 dialogcm.t.m frag-men~, Firenze, 1934, p. 13-14 les données de l'expérience sensible, mais surtout le lien de la
(SEXT. EKPIR., Adl1. Math., IX, 20-21, p. 395): tAQLO'to'tÉÀ1}C; ()È MO &uoiv ÙQxrov raison avec les préoccupations et les troubles de la vie journalière,
MOI.aV SErov ËÀEye YEYoviva...... ci)): MO tdv "trov :7tEQà. ri)v "",UXT)V CJUfA.6m:vôvtœv qui entravent le libre déploiement de la pensée. La seconde manière
ôtAi 'to~ Èv 'tOL; Wtvo&Ç y ..voJAivcwc; 'taUnaC; MOUOL(1(JfWÙC; xai. 'ttic; f'U'Vldaç. "Chav d'expliquer la préscience des événements futurs qui nous est accor-
t
yclQ. q>TIo(v. lv 'til> lntvOÜV xaa ÉUurl}v "fÉvIl'tu" " ",""X", 'ton ri}v 'ŒI.O'Y MOÀa6oÙcJU dée dans les songes, tire parti du contact qui peut s'établir pendant
qnjow :7tQofA.C1V'twe'tw "te xuà. :7tQOUYOQWEL tà. fA.ÉUOvta.. Towtin) ()i lan XCIi. f:y 't'P
X«'tà. 'tOv Suva'tO'Y XCOQ{tEai}U" 'trov ocoJUÎ'tcov. '.A:rtOÔÉXe'tUL yoüv XUL 'tOv :7tOL'ITÎ)'Y
le sommeil entre l 'homme, dont les sens sont engourdis mais dont
"OfA.TlQO'Y Wc; 'toVro :7tUQUTIlQ"ouV'tu' :7tE:rtOCTlXE yà.Q 'tOv fAÈV llu'tQoxÂov f:y "fil l'esprit est d 'au~nt plus en éveil, et les âmes immortelles qui peu-
civu1.QE'tai}u.. :7tQoo.yoQtUOvtu :7tEQi. 'tlic; "Ex'toQoc; civu1.QÉoECOC;, 'tov ()t "'EX"COQCI :7tEQL plent la zone apnosphérique 121. Toutefois cette explication soulève
'riic; tAx..uicoc; nÀEuri}c;. Cf. W. JoAmER, AriBtoteles, p. 166.
318 CICtRoN, De di11ifl., l, 56, 128: Non est igitur ut mirandum ait ea prae- Il. L HEINDUNN, op. cit., II, p. 336-331 et 466.
sentiri a divinantibus, quae nusquam ,int; sunt omnia sed tempore absunt. 120 CICtBoN, D~ dwift.., l, 56, 128.
Atque ut in seminibus vis inest earum rerum, quae ex Ü8 progignuntur, sic iD 321 CIctBoN, D~ diVÜl.., l,30, 64: Bed tribus modis eenset deorum adpulsu
causis eondit.ae SUDt res futurr.e, quas esse futuras aut eoneitata meus au' homines lomniare... altero, quod plenui aër ait immortalium a;ÜmofUID, in qui-
80Iuta eoJJlno eemit aut rlltio Ilut coniectura praesentit. 1J~ tan~uam ÏIUi~nitae ~o~a~ reri~~ avvare~~! Cl, E, BOHD~ P"c'M, p.
POSlDONTpS D' APAM}:E 125
124 LE 8TOICI8ME

Plusieurs problèmes:· et tout d'abord, queUES sont ces âmes qui pk" auditif, mais plutôt visuel, bien qu'il ne· s'agisse évidemment pas
nent dans ·la. zone qui entoure la terre' Ce sont premièrement les d'une vision corporelle 325. Cependant cette brève explication que
âmes préexistantes qui, descendant du soleil, passent par les diffé- Cicéron nous a conservée, nous paraît être plus qu 'une simple com-
rentes sphères qui entourent notre globe, avant de s'établir da.ns le paraison: en effet, si Posidonius est resté fidèle à la psycholooC7 ie de .
corps qu'elles viennent habiter 322; ce sont e·nsuite les âmes qui, la connaissance de l'ancien stoïcisme, il admettait réellement que
après avoir quitté le corps, continuent longtemp~ encore à mener chaque connaissance est une empreinte dans le pneuma psychique
une vie individuelle, en se nourrissant comme les astres· des exha- (rU1tooO'lç); et comme l 'hégémonikon des âmes séparées n'est plus
laisons qui montent de la terre 323. C'est donc p~r le contact avre recouvert de l'enveloppe corporelle, qui le cache aux regards indis-
ces âmes immorteIJes que l 'homme endormi· peut acquérir dés con- crets, ces empreintes matérielles ne sont pas un mystère pour les
llaissances d'un ordre supérieur. autres âmes, dont le regard est suffisamment aigu pour déchiffrer
Pour que ces âmes puissent communiquer aux hommes cette con- ces caractères subtils. - On pourrait ensuite se demander si l 'hom-
naissance de l'avenir, il faut d'abord qu'elles la possèdent elles- me endormi perçoit actuellement ces empreintes de la vérité dans
mêmes: d'où la tienne·nt-elles f Si nous appliquons· le principe que les âmes immortelles, ou si, à la faveur du sommeil, il se rappelle
nous avons développé plus haut, on comprend aussitôt que Posido:. simplement les connaiss~nces qu'il avait autrefois quand il vivait
nius attribue ce savoir extraordinaire aux âmes séparées. En effet, lui-même au milieu de ces âmes. Certains passages de Cicéron insi-
d'après lui l'acuité cognitive et la pénétration d'esprit augmentent nuent plutôt cette seconde solution 326. Aussi, bien que Posidonius
à mesure que l'âme se détache du corps; dès lors les âmes qui n'ont n'admette pas les idées innées et l'anamnèse platonicienne comme
pas encor!' été enfermées dans l'étroite prison d.u corps humain ou voie de connaissance normale 321, il a pu adopter cette doctrine pour
celles qui en ont été libérées auront évidemment un regard beaucoup expliquer la connaissance extraordinaire qui est accordée parfois
plus perçant et une science beaucoup plus étendue que les âmes pendant le sommeil. .
incarnées 32-1. Il Y a enfin une troisième manière d'obtenir pendant le sommeil
Il nous reste à déterminer comment s'établit ce contact dont parle cette connaissance de l'avenir: par le contact direct avec la di via
Posidonius entre les âmes immortelles et l'esprit de l 'homme en~ 32:; CIC:tRoN, ·De divin_, l, 57, 129:· Ut enim deorum animi sine oeulis, sine
dormi. Cicéron nous dit que dans ces âmes « tanquam insignitae auribus, sine lingua sentiunt inter se, quid quisque sentiat (ex quo fit ut homi·.
notse veritatis appareant»: c'est donc comme si l'esprit pouvait nes etiam eum taeiti optent quid aut voveant, 'non dubitent, quin di illud
cxaudiant), sic animi hominum, eum aut 8omno soluti vacant eorpore aut mente
lire la vérité empreinte dans ces âmes. Ce contact n'est donc pas
per 86 ipsi liberi ineitati moventur, cemunt ea, quae permixticum eorpore
320, n. 1: d'après Rohde, la conception de la zone atmosphérique comme de- aniIiU videre non p088unt.
meure des âmes, telle que le propose Posidonius, trahirait l'influence d 'Héra- 326 CIcfaON, De di1lÏ"., l, 51, 115: Viget enim animus in somnis liber a

elidt' du Pont disciple de Platon et d' Aristote_ Elle était connue cependant sensibus omniqoe impeditione eurarum iacente et mortuo paene corpore. Qui
des anciens stoïciens. quia vixit ab omni aeternitate versa~usque est cum innumerabilibusanimis,
La même doctrine se rencontre chez Sexto Empir. (Ad17. Phya., l, 86) et chez omnia, quae in. natura rerum sunt videt •.••
Philon d'Alexandrie (De Somnii8, l, 135 W, 641 }I; De pla",t., 14 W, 331 M; Ibid., 57, 131: Cumque animi hominum semper luerint futurique sint eur ii
De gi!Jaftt., 7 W, 263 M). Ces deux ·auteurs dépendent probablement de Posi- qUl'd ex quoque eveniat et quid quamque rem sign~icat perspicere non possintt
' ,

donius. sur ce point. Cf. M_ APELT, op. cit., p. 104. 32~ L HElNElUNN, op. cit., II, p. 374,. 467, 469. «Denn die Lehre von der
32:; POHLE..~Z, Gott. gel. Anz., 1926, p. 302. Anamnese im 8inne Platons bat er (PoseidonioB), wenn wir Tusc., l, 59, richtig
323 SEXT. EMPIR., IX, 73. Tout le passage de S. Empiricus IX, 66-73 et verstanden haben mit Naehdruck bekimpft_ In der Tat ist ja der metagnosti·
surtout 71 b - 73 expose la doctrine de Posidoniu8, ce qui est admis également Bche Weg Dur für Ausn&.bmemensehen und in Ausnahmslagen besehreitbar. Dass
par K. Reinhardt. Cf. M. POHLENZ, Gott. gel. Anz., 1926, p. 301. dagegen die normale Erkenntnis auf anderem Wege aIs vermittels der. Sinne·
3240 ClCtRON, De dwi",., l, 30, 63; lacet enim corpus dormientis ut mortui, und der Arbeit des Nus zu gewinnen sei, ist nach allem, was wir yon Poseidonios'
viget autem et vivit animus. Quod multo magis faeiet rost mortem, eum o~ninQ Lehre und· von seiner e.igenen Forschungsarbeit wissen, unbeding~ auszu.
corpore exeesserit. - schliesseQ ».
~OstDONms D'APAMÉ~ 127
nité a28. Nous !'eD.controns dooeici l'idée dtune révélation div.m:e, li besoin d'un excitant extérieur, pour stimuler l'activité de sa pen-
Dieu révélan,t directement à un homme, pendant 'qu 'il do~ certames sée: la nature de cet excitant peut être très variable, le résultat est
vérités concernant' l'avenir. Cette conce·ption est bien stoïcienne; toujours le même. Dans certains cas ce seront des chants phrygiens
le dieud~stoJciens ne se désintéresg('p88 des affaires humaines, qui produiront cette exaltation de l'esprit, dans d'autres cas ce sera
comme le voulait Aristote; il est réellement eng8;gé dan~ le. déve- l'air de la forêt, ou bien les effluves de la mer ou de certains fleuves,
loppement de la vie humaine et ·dans 1'évolu~~n ~e l 'hist~lredu ou enfin des exhalaisons qui se dégagent, en certains endroits, de
monde. D'autre part, cette explication de la divmatlon confIrm~ la la terre: (e credo etiam anhelitus quosdam fuisse terrarum, quibus
remarque. que nous avons déjà faite ,au .sujet de ~ théolo~e posldo- inflatae mentes oracla Iunderent» 332. C'est surtout cette dernière
nienne. En eff~t, si le philosophe d'Apamée n admettalt pas une explication qui nous intéresse, parce qu'elle sera longuement déve-
ce.rtaine transcendance de Dieu, cette explicationn 'aurait aucun loppée par Plutarque pour expliquer la disparition de l'oracle de
sens: il est clair que Dieu n'aurait rien à nous apprend~,8i nous Delphes: c'est ce pneuma mantique qui, se dégageant de la terre,
nous identüiions tout simplement avec lui. . stimule l'esprit du devin pour lui faire dévoiler le mystère de l'ave-
Nous n'avons parlé jusqu'ici que d'un seul genre de divination, nir. li semble bien toutefois que PQsidonius ne soit pas l'inventeur
celui qui se fait par les songes: danales paragraphES du premier de cette explication: Cicéron la donne déjà sous le nom de Chry-
livre du De Divinatione qui sont généralement eonsidérés ~comme po- sippe 333; on en trouve même les premières indications dans les Lois
sidoniens, Cicéron distingue soigneusement les(( dormientes» et les de Platon 334.
« m.e.nte pennon ,,829. Cette distinction semble répondre fidèleme~t
Ainsi donc, d'après Posidonius les oracles aussi bien que les
aux deux genres de divination qu'il présente au § 11~ etdo.nt 11 songes s'expliquent de la même façon: c'est en se dégageant des
dit qu'ils étaie·nt également admis par Dicéarque et par Crabppe: entraves de la sensibilité et des liens du corps que l'intelligence voit
les « v(lles» et les « donnientes ». TI ressort très clairement de l'ex· s'accroître sa perspicacité et son pouvoir de pénétration. C'est là
posé de Cicéron que l'explication fondame'ntale de ces deux genres ce qu'on pourrait appeler la condition subjective de la divination,
de divination est la même ; ce que les hommes ordinaires peuvent la condition objective en étant la sympathie universelle du cosmos,
entrevoir pendant le sommeIl, . le d€·VIn ' l'lSe a'1 "t
. 1e rea e a t·d·e v~"';lle 830. '•
.la connexion des événements actuels avec le passé et l 'avE'nir 33~.
o'est que le devin n'a pas besoin du sommeil pour dégager son esprlt
des préoccupations corporelles et pour 1e fixer sur les. évén:men~ 832 CICtRON~ De di'Vin., l, 50, 115.
à venir 331. Cependant chez lui non plus cette concentrabon d esprIt, 333 CIctRON, DB di11in., l, 19, 37: Collegit innumerabilia oraeula Cbrysip·
cette libération de l'intdligence ne se produit automatiquement. TI pus nec ullum sine locuplete auctore atque teste j quae quia nota tibi sun t,
relinquo j defendo unum hoc: numquam illud oraelum Delphis taIn celebre et
tam elarum. fuisset neque tanti.s donis refertum omnium populorum. atque
:328 CtciRON', De dWi"., l, 30, 64: 8ed tribui modia eenset aeorumad~ulsu regum, niai omna aeta.s oraclorum illorum veritatem esset expert&. Idem. iam
bomines somniare... tertio, quod ipsi di eum hominibui conloquantur. diu non facit. Ut igitur nunc in minore gloria est quia minus oraeulorum
329 CICtRON, De diviA., 1, 56, 128: .... res futurae, quai esse futura~ aut
veritas excellit, aie tom. niai I~ veritate in tanta' gloria non fuisset. Poteat
~oncitata mefl. aut .oluta 601nno cemit aut ratio aut conieetura praesentlt. -
autem. vis illa terrae, quae mentem Pythiae divino adflatu concitabl!-t, evanuiaae
Ibid., 57, 129: ... quod maxime eontingit But dormientibw aut mente permoti.! ~ vetustate, ut quosdam evanuisse et ezaruisee amnel aut in alium curaum con-
... eum aut 801n"O Bolut" vacant eorpore But meft.te permoti per se ipsi liberl tortos et deflexos videmUL
ineitati moventur ... - Ibid., 18, 34. lM' PLATON, UIJ., V, 74.1 D·E.
830 CIctaoN, De diviA., l, 51, 115: Atque haec quide,m vatium r~tio est, nec
lai D'après F. Cumont Cu. rBlilJiOM orie1Itale. daM' le fHJlJtJ""""e romaill,
dissimilis sane soomiorum. Nam quae vigilantibui aeeidunt vatloo.s, eadem Paris, 1929, p. 153 et p. 288, n. 4.1), c'est de l'Orient que Poaidonius aurait
noba dormientibus. Mritê cette conception de la Iympathie universelle du cosmos: en eflet, Philon
831 CIc:taON, De ditMl., l, 57, 129: A natura autem alia quaedam ratio est,
d'Alexandrie noui apprend qu'elle était répandue ehez 188 Chald6e1l5 (De mi-
quae doeet quanta. sit animi vis seiuneta a eorporisaensibus, quod maltÙIle eon- IJratioM ~braA., 32, CoHN-WBNDLA.ND, II, p. 303, 5). If: Ma~s Posidoniul semble
tingit aut dormientibui aut mente permotil. avoir éU le premier à formuler la doctrine philosophique, qui donnait 1& « .;.m0
128 LE ·sTormsy-g POSIDONIUS D'AP AMÉ~ 129
Cette divination se présenteeomme une salsle immédiate;. à ~ôté il vIent s'établir dall8 la région proche de la lune, où il se nourrit
de celle que Cicéron appelle «ratio et conjectura », laquelle se base. comme les astres des effluves remontant de la terre: et comme il
uniquement sur l'observation du passé pour faire des prédictions n 'y a rien ici qui exerce sur lui une action dissolvante, puisqu'il
conjecturales sur l'avenir. Elles ont ce·pendant ceci de commun est au-dessus de la couche humide et malsaine qui entoure la tt'rre,
qu ~elles sont rationnelles toutes les deux e·t se fondent en dernière dans une région beaucoup plus pure et dans un air beaucoup plus
analyse sur la connexion .nécessaire des événements cosmiques. subtil, la tranquillité de son existence lui est assurée pour une pé-
Tout cet exposé ~t i~portant pour la pneumatologie de Posido- riode fort longue 331• L'âme tout€foisn'ydemeure pas indéfiniment,
nius, paree qu'il présente une confirma.tion sérieuse de l'explication car, si le mythe eschatologique qu'on lit à la fin du De facie in orbe
dualiste que nous avons donnée de sa psychologie: nous croyons lunae de Plutarque est d'origine posidonienne, ce qui ne manque
donc avec 11. Pohlenz et l. Heinemann que K. Reinhardt a eu tort paa de probabilité, il se produirait après un certain temps une se-
de vouloir attribuer ce dualisme au· seul Cratippe.. conde séparation; le vouç se dégagerait de la "'UX~ pour se perdre
Pour achever la théorie- de Poa-idonius sur le pneuma individuel, dans. le Noüç universel, tandis que la ",um serait résorbée dans la
il nous faut dire encore un mot de son eschatologie. Nous avons vu substance de la lune 338.
plus haut que Panétius dressait contre l'immortalité de l'âme deux M. Pohlenz fait remarquer que la psychologie élaborée dans ce
objections irréfutables à ses yeux: notre principe vital a commencé mythe ne correspond pas entièrement à celle de Posidonius. En effe·t,
d'exister et il n'est pas impassible. Posidonius a adopté une attitude Plutarque distingue très nettement le voüç et la ",uX~ et insiste
différente à l'égard de ces deux arguments. Quant au premier, il même sur le fait que le voiiç n'est pas une partie de la "'UX~, ce qui
admet le principe fondamental sur lequel il est basé, .à savoir que n'est pas la doctrine du philosophe d'Apamée. Il reconnaît cepen-
tout ce qui comme·nce d'exister, doit nécessairement périr un jour; dant que ces divergences entre les deux conceptions peuvent s'ex-
mais il n'admet pas qu'on puisse en déduire la mortalité de l'âme, pliquer peut-être par la forme mythique que cette psychologie revêt
puisque celle-ci n'a pas de commencement. Quant au second argu-
ment, il admet que l'âme n'est pas impassible, mais il casaie d€.· (scil 't<Î>v'l'UX<Î>v), cUl' a.ma.t 'tep O'rof.&.O.'tL O'UJ.1J.1Ovijç TjO'a.v a.t'fLa.&., ~oÀù ÔÈ: :tQCl'tEQOV xa.\
tourner la düficulté qui en résulte pour l~ survie, en établissant Éa.\1'tULç. Cf. ACHILLE TATIUs, laagoge '" ..A.rati PhaeMmena, 0 13 (S. BLAN-
l'âme séparée dans une région parfaitement adaptée à sa nature, KJŒ~, op. cit., p.. 202): IIoO'El.Ôwvwç ôÈ: cLyvOEiv 'toùç '&~xouQELOUÇ ËCPTJ cOç où 'tcJ.

de sorte qu'elle n'€'D subisse aucune influence néfaste. Telle est la O'WfAAl'ta. 'tà; ",uxà; mrvÉXEL, cüJ.' ut 'l'Uxa.t 'to. O'Wf.&.O.'ta. wmtEQ xa.i.ft xoUa. Xa.L Éa.U"ti1v
Xa.L 'tci EX'tOç XQa.'tEt..
conception eschatologique de Posidonius, pour autant que nous pou-
331 SEXT. EllPm., IX, 73! "'EX<JXTJVa.~ OUv [ftÀLoU) YEYoJAlva... 'tov \m0 O'EÀ1jVt]V
vons en juger par certains passages de Sextus Empiricus et de Cicé- OLXOÙO'L 'tO~ov, EvO-ciÔE 'tE ôlci 'tl)V EU.~XQ(vt:WV 'toù ÙÉQOÇ ~Àdovu ~QOç ÔWJ.1ov11V
ron. D'après Épicure, l'âme séparée n'est plus capable de mener ÂUJ.100Voucn XQOvOVt 'tQocpij 'te XQ<Î>V'ta.L otxd~ "tÏi MO yil~ ciVa.ih.lJ.1ulaEL Wç xut 'tà Ào ....
u~e vie ~dividuel1e, parce que le souffle vital se dissipe comme une ~à üatQG., 'ta ô&aÀùO'ov 'te a.,,.t'à; iv EXELVOLÇ 'tOLç 't'6~oLÇ oùx ËXOUO'LV......... Of. ·CIctRcntJ
colonne de fumée; Posidonius au contraire enseigne que le pneuma Tua.:., l, 19, 43. E. BADSTÜBNER, Bei,trag6 .ur Erkliiru"g utkf Krit~ der
psychique ne s'évanuoit· pas, parce que son rôle principal est d'as- philœophiaohe... 8chri/t8'fl,' 8eMca8, Hambourg, 1901, p. 6 :, c Daaa die hier
wiedergegebene Lehre die des Posidoniua ist, zeigt die vollige ttbereinatimmung
surer la cohésion de l'être qu'il anime: s'il en est ainsi, comment
mit Sextus, ..dd17. Mathem., IX, 71, der hier die Meinung des Posidoniua uns
ne pourrait-il pas empêcher sa propre dispersion, une fois qu'il €st überlieferl ». - Cf. RBINBARDT, Kom08 urwJ Bympath4e, 322, 3; 348, 1 et 363;
séparé du corps 336 Y Après qu'il a quitté son enveloppe terrestre L JIEINDuNN, op. oU., II, p. 382.
8S8 PLUT., D6 laoia if&. orbe JUMe, Co 30: TuyxâvouO'L 8È: ot ph nQO'tl!Qov, ot ôè
pllthie» comme fondement à toute la mantique et en par~culier à l'astrono· ;;arEQov, o'ta.v 0 voüç WtOXQLitii 'riiç 'l"'Xiiç' ~OXQLVE'tUL Ô· ËQOO'tL ni~ ~EQL 'tov
mie» (FR. CUllONT, op. cit., p. 288, n. 41). Cependant noui avons vu plus haut -fjÀlOV ElxOv~, ÔL' Tj~ è... nl.aJUtEL 'to êcpuOv xaL XaMv XUL OEiov Xa.L J.1a.xciQ~o,·, ou
que Panétius a 'occupait de la sympathie universelle et que les fondements ~aO'u «pUaLÇ, cillTJ 8' ci>J.ro<; oQÉyE'tu..... ToU'toov ôè ('t<Î>v 'l'UXwv) fa O'EÀtlVt]. xa.{hbtEQ
essentiels de cette doctrine se retrouvent même chez Zénon de Cittium. E'CQTJ'tUt, aroLxEiov EO''tLV' ùVUÀUOvtUL yàQ Etç 'ta.Vn)v, WO'~EQ Etç·Tf]V yllv'tà O'Wf.&.O.'tu
336 SUT. EllPlB., IX, 72: OùôÈ yo.Q :tQOTEQOV Ti) owJ.1" ôwxQ"TIlTL?,ov f}v"m,j,v 'tWv VEXQ<Î>v •. - M. POBLENZ, Gott. gel Anz., 1926" p. 305. .
1?OSlDONIUS D' APAMf~Ê 131
chez Plutarque il.. Quoi qu'il en soit de la torme, le fond du n.rit Pobjet de notre étude, la spiritualisation du pneuma, il n'y a guère
nous paraît incontestablement pOBidonien: les deux élém€nts consti- de progrès à constater: en effet, bien que Posidonius admette la
tutUs <:lu pnenma psychique ne restent pas indéfiniment réunis, mais supériorité bien tranchée du voüç sur les facultés irrationnelles de
ils se sépar~nt à un certain mom€'Dt pour retourner chacun à la sub- l'âme, et ma.lgré sa conception sur la survie de l'âme après la mort,
stance d'où ils sont sortis. Cette idée, traduite dans le langage psy- il n'est pas arrivé à se dégager du monisme mawrialiste de l'école;
chologique et mythique de Plutarque, aura donné lieu à ct' récit du bien qu'il partage les principales conceptions de ce qu'on pourrait
D8 fadie in orbe ZU1UJe. . appeler les écoles spiritualistes, .il proftsse sur la substance du
Nons avons montré plus haut que les plus grands représt-ntants pneuma psychique la même doctrine que Panétius. Ce mélange
de la philosophie grecque admettaient un lien indissoluble entre,l'im- hétérogène de thèses spiritualistes avec un ~atérialisme foncier
mortalité de l'âme après la mort et sa préexistE·nce. C'est pourquoi produit évidemment un ensemble de doctrines assez peu cohérent.
il est a priori très peu probable que Posidonius ait été partisan de . Le système de PosidoniuS pork' bien la marque de son origine: il
la survie de l'âme après. la mort et qu'il ait nié sa préexistence. n'est pas .1 'œuvre originale d'un esprit génial, qui l'aurait conçu
Aussi avons-nous vu que cette préexistence était pour lui un des d'un seul jet, mais il se présente plutôt comme une vaste synthèse,
moyens d'expliquer la divination par les songes 1ft. TI est inuÏile de construite par un esprit encyclopédique €t éclectique. A moins qu'il
nous étendre longuement sur cette question, puisque notre inter- ne faille attribuer ce manque de cohérence à l'état fragmentaire d~
prétation est admise par presque tous les historiens de la philoso- nos connaissances.
phie ancienne 341. Il ~t donc bien probable que Posidonius , conçu
la descente de l'âme dans le corps de façon parallèle- à la montée •••
de l'âme vers le ciel: c'est-A-dire que notre pneuma ·psychique, ~vant.
d'entrer dans le corps a vécu pendant une très longue période dans Tout ce que nous venons de dire au sujet du pneuma psychique.
la région proche de la lun~; c'est là qu'on trouve ces « animi tm- nous sera d'un grand secours dans l'interprétation de la théologie
mortales» dont parle Cicéron; ce sont des âmes qui descendent ou de Posidonius, ·car nous retrouvons chez lui le psychologisme philo-
qui remontent; elles n'y vlve·nt pas comme des monades, séparées les sophique que nous avons rencontré dans l'ancienne école. Contraire-
unes des autres, mais elles s'enrichissent mutuellement par leur sa- ment à son maître Panétius, le philosophe d' Apamée admet que le
voir et elles entre·nt même en contact avec leurs compagnes qui sont cosmos est un être vivant et doué d'intelligence 343. Cependant la
provisoirement enfermées dans une enveloppe corporelle. preuve qu'il en donne diffère notablement de celle de Zénon. Celui-ci
Les conséquences de ce dualisme psychologique, tel qu'il résulte se basait, d'une pàrt, sur la perfection du monde, qui embrasse toute
de notre exposé, ont été considérables dans le domaine de la méta- réalité et, d'autre part, sur la causalité du cosmos, qui est à la source
physique et dans celui de la morale 3f2 •. Mais en ce qui concerne de tout ce qui existe. Posidonius en fournit une, preuve plus immé-
diate et plus directe: le signe distinctif de la vie, c'est le mouvement
339 M. POHLENZ, GOtt. gel. Anz., 1926, pp. 302-304 i F. Cumont (La t'Mo· spontané et la connaissance: ceux-ci ont leur source dans 1& chaleur
logie 80laire du paganilme romain, Mémoire de l'Acad. de Paris, XII, 2) admet vitale, qui pénètre un organisme et lui donne la plasticité et la spon-
aussi que ce récit est inspiré par Posidonius.
tanéité de la vie; s'il en est ainsi, comment le monde pourrait-il
340 CICÉRON, De divin., l, 51, 115; ibid., 57, 131.
3U L'attribution de la doctrine de la préexistence à Po sidonius est admise
être sans vie et sans connaiss~nce, puisqu'il ~t traversé tout entier
par Sehmekel, op. cit., p: 250 8Sq.; Rohde, op. cit., II, 324, note; R. Deinze,
op. cit., p. 13~;· Diels, Dozogr., p. 587 i Bonhofter, Epi'ktet, p. 79; Badatübner, la connaissance, puisque les facultés blférieure. sont irrationnelles; d'autre
op. cit., p. 5 i M. Pohlcnz, Gott. gel Anz., 1926, p. 301-302. Elle a été· miae part, le panthéisme stoïcien ne peut pas être maintenu davantage, puisqueee.
ell doute par. Zeller et Hirzel . facultés irrationnelles 8 'opposent à la divinité.
842 J. HEINEllANN, op. cit., pp. 56·57: l'auteur attire surtout l'attention sur If3 DIOO. LA., VII, 142: on 6è tiPov' 0 x6G~ xai. Â.oyLXOV xaL Ë",.,uxov xo..'
l'abandon de la morale socratique: la vertu ne peut plus être identifiêe avee VOEQOV xal XQVaum6ç cpt]GLV .... xaL nOGE.,l)wVLOÇ.
Lt é'r61ctèMij POSIDONIUS D' AP AMÉE 133
par 1& chaleur la plus pure et la· plus· mobile, d ;autant pius qu iti Principe de vie, principe d'intelligence, l'âme du monde ~t égale-
s'agit ici d'une ardeur qui est principe de ses propres mouv~ ment principe de la cohésion univ€·rselle du cosmos et de l'interdé-
ments 344. Posidonius en conclut que le monde entier est traversé pendance universelle de ses parties 348: nous avons déjà. montré que
par cet élan vital, qui pénètre aussi bien les animaux que .les plan- cette sympathie cosmique était pour Po~idonius la condition objec-
tes et qui fait jaillir partout la vie et la croissance 345. tive de la divination.
K. Reinhardt a attiré l'attention sur le fait que la force qui ani- Quel rapport Posidonius a-t-il établi entre l'âme du monde et la
me le monde ne présente pas chez Zénon et· chez Posidoniwi les divinité et quelle est la nature de son dieu' Après l'étude que nous
mêmes caractères: alors qu'elle était pQur le fondateur de l'école avons faite de sa psychologie, nous pouvons dire a priori que la cos-
un O'1CEQIlŒTLXOç ÂÔyoç, un feu artiste qui introduit' de l'ordre' dans mobiologie n'aura pas les mêmes caractères dans son système que
le chaos de la matière et qui est la loi irréfragable de la succession dans l'ancienne école. Car, si Posidonius étend les principes de
des événements, elle est présentée par le philosophe d'Apamé& com- sa psychologie au cosmos tout entier, il est évident qu'il n'obtien-
me une poussée vitale qui anime ·la réalité tout entière 848. Bien que dra pas les mêmes résultats que ses prédécesseurs: et s'il est
cette n·marque soit exacte, il importe de ne pas perdre de vue que, quelqu'un parmi les représentants de l'ancienne école, dont il pour-
pour Posidonius, l'âme du monde n'est pas une force aveugle; plu- rait se rapproche·r, ce serait Cléanthe, qui a adopté dans son sy.stème
sieurs textes au contraire insistent sur le caractère rationnel du le même dualisme platonicien. Le résultat auquel nous devons nous
pne·uma cosmique, qui est conçu sur le modèle du pne~a psychique, ~ttendre, c'est un nouveau relâchement du panthéisme, à propos
dont le voüç constitue. le noyau divin pour chaque homme 347. duquel nous avons déjà montré plus haut qu'il n'est pas aussi total
qu'on le croit généralement.
Posidonius nous dit au premier livre du I1EQL BEWV : OU<JLŒV ôÈ
844 CIcnON, De Mt. deorum, II, 11~ 31: absurdum igitur est dieere cum
homines bestiaeque hoc calore teneantur et propterea moveantur ac sentiant, BEOÜ .... Tf)V oJ.ov XO<JIlOV 'Kat TOV OUQŒVOV 349: ce que nous pourrions
mundum esse sine sensu, qui integro et libero et puro eodèmque acerrimo et traduire de la façon suivante: le monde entier est divin, mais ce
mobi1issimo ardore teneatur, praesertim cum is ardor qui est mundi non agita- vocable s'applique premièrement à l'ouQŒvoÇ, que le philosophe d'A·
tus ab alio neque externo pulsu, sed per se ipse et sua sponte mov~atur. - Cf. pamée considère comme l'hégéinonikon du monde 350. Le ciel est
E. REINHARDT, P08eidcmioB, p. 22; L HEINEMANN, op. cit., II, 171. donc considéré comme le ÔŒlj..lWV ou le Âoyoç· du monde, qui exerce
345 CICÉRON, De Mt~ deorum, II, 10, 28. D'après PosidoniU8 la terre eUe-
même serait traversée par ee souffle vital: c'est par là: qu'il explique la néces- dans le cosmos la même domination et la même suprématie que la
sité pOUl les plantes de plonger leur racines dans le sol, afin d'être ailimées faculté rationnelle dans 1'homme. En effet, 1'hégémonikon est ce
par le pneuma vital, qui est source de croissance; nous retrouverons la même qu'il y a de plus élevé dans chaque êtr.e 351. ,Et comme il y a chez
coneeption chez Sénèque, qui l'a sans doute emprunUe à Pc sidonius.
S{S K. REINHARDT, POleidcmio8, p. 239 ssq., surtout p. 242: Cl Er (poseidonios) 3{S CICtRoN, De ft4t. 4eorum, II,' 1, 19:, Haec igitur ita fieri omnibus inter
ersetzt wndeutend den Begriff des Feuers aIs der Weltvernunft (:tüQ VOEQOv, se eoneinentibus mundi partibus profecto non p08sent niai ea uno divino et
'tEX"lXOv) durch den Begriff des Feuers aIs einer organisch schopferischen und continuato spiritu eontinerentur; cf. ibid., m, 11, 28. L Heinemann (op. cit.,
bewegenden Kraft :t. .
II, p. 114 et 111) pense que ce texte doit être attribu6 à Posidonius et il attire
84.1 DlOO. LA., VII, 138: "tov ~ xooJ1ov otxt'Lc:ntm xaTà ,;oÙ\· xai. ~QÔVOLOV sp6eialement l'attention 11111' les marées dont il '1 est questio~ - W. .Taeger
xa6o...'"tEQ qrr}ot XQuoL.·moç ... xni. nooElhwvwç EV 'tQLoxaIhExâ'tql "tQi. OtWV ttc; (NtJfMfto' l10R Eme&4, p. 132) dit que Cicéron s'est abondamment inspiré, d&lll
WtUV amoü JAiQoÇ 8111xovroç "toü voü, xa6WtEQ Èq>'·'uuov Tijç "",uxilc;. ce seeoùd .livre sm;. les dieu, du lltQi. OeOOv de Posidonius.
CIc:hoN, De Mt. deorum, li, 11, 30: Videmus autem in partibus mundi 14. DIOG. LA., VII, 148.
(nihil est enim in omni mundo quod non pars universi sit) inesse sensum atque aH DIOG. LA., VII, 139: llO<JeIhWv~ f:y 'tep lltQi. OEOOv 'tOv O'ÙQ«VÔv cpacn 'to
rationem. In ea parte igitur in qua mundi inest principatus, haee inesse neces- -ftYEJ&OVLXOv "tOü xOOJWu.
Best, et aeriora quidem atque maiora. Quoeirea sapientem esse mundum neeesse an CIctBoN, De ft4t. deorom, II, 11, 29: Principatum id dico. quod graeei
est, naturamque eam quae res omnes complexa teneat perfectione rationis exeel- i)YEJ'OVUCOv voeant, quo nihil in quoque genere nee ~otest nec debet esse }lrae-
lere, eoque deum esse mundum omnemque vim mundi natura divina eontineri. tltantiua.
LE STOICISME POSIDONIUS P' APAMÉE 135
134
Posidonius nne opposition entre la connaissance rationnelle et. hl divin surpasse l'intelligence humaine uniquement parce qu'il est
connaissance sensible, ainsi qenous l'avons vu en exposant sa d'une matière plus subtile et plus pure. Dans la suite de la défini-
conception sur la divination, la divinité ne sera pas objet des sens, tion, l'auteur insiste sur la plasticité de ce souffle divin: cette vo-
mais ne p01:rra être atteinte que par l'intelligence 152 lonté créatrice (ELç 0 ~ouÀEt'a~) n'est pM figée en une forme déter-
C'est la première fois que nous rencontrons à.l'intérieur du Porti- minée et immuable, mais elle se transforme continuellement d'après
que cette doctrine de la divinité, qui la représente comme une réalité l'activité qu'eUe exerce sur la réalité concrète. Nous nous trouvom
suprasensible. TI importe toutefois de remarquer que suprasensible ici à l'opposé du 'KlVOÜV &XLVl1fOV d'Aristote: alors que le Stagirite
n'est pas· synonyme d 'immatériel 358 : le dieu dePosidonius n'est pas maintenait soigneusement son dieu dans une sérénité céleste, le phi-
plus immatériel que le démon psychique, mais il est d'une matière losophe d'Apamée lui fait prendre la forme de chaque réalité con-
tellement subtile qu'il n'est pas perceptible par les organes de. nOS crèU·: c'est que le dieu d'Aristote meut de l'extérieur, alors que
sens. Par conséquent~ si lé philosophe d'Apamée nous dit que la celui de Posidonius est le principe animateur de chaque être. Bien
divinité s'identifie avec l'hégémonikon du monde, qui est l'o"oaveSç, que le pneuma divin n'ait pas de forme déterminée, il n'en· est pas
il ne s'agit pas de ce que nos sens perçoivent des corps célestes et ainsi du pneuma d.e chaque être: nous avons vu au contraire que la
de leur mouvements périodiques: ce ne sont là que des manifesta- définition même du pneuma psychique est d'être une tÔÉa, une
tions du voüç divin, qui est invisible. forme ou figure géométrique. TI en est de même de la matière, qui
est pétrie par cètte force divine: la matière première ( oùaLa) n'a
Tout ceci n'exclut pas cependant que Posidonius ait renoncé à
pas de forme déterminée ni de qualités spécüiées; mais il n'en est
l'immanentisme de l'école.· Un texte bien connu nous repré-
pas ainsi de la matière concrète d'une réalité déterminée. Toutefois
sente la divinité comme une puissance créatrice qui anime la· réalité
il n'y. a qu'une distinction de raison entre la matière. première et
cosmjgue: xvEÜ~a VOEQov 'KaL :TC'UQWÔEÇ, oùx ËlOV ~Èv ~oQCPl\v. J1Eta6dÂ-
la matière concrète d'une réalité subsistante
. 355. En d'autres termes,
Âov ôÈ dç 0 ~ouÂEtal, 'Kat O"VE;OJ,lOlOUIJ.EVOV :TCU(1lV 854. Nous trouvons
dans ce texte les caractères essentiels de la divinité en ·eUe-même et 3~5 STOB., Eel. phys., 1, 11,5, p. 133 W: Ëq>1l0EV ~È 6 nooElbruvwç nlV 't'cOV OMIlV
de son activité dans le .monde : à côté du caractère rationnel de l~ OÜOLaV xo.i. üA.1lV MOLOV xo.i. aJ.loQq>Ov dv<U, xo.a' OOOV OÜ~Èv· WtO"CE't'o.yf1Évov U)wv
divinité (VOEQOV), que nous avions déjà relevé, le doxographe· ind~­ ËXEt. oxilf'Œ oüôè 1tOul't1]'t'o. xo.a' o.Vtitv; ciEi. ~. Ëv 't'LVI. 0X11J.lG'tt. xo.i. 1tOul't1]'tL dVo.l.
que la. nature intime de cette intelligence divine: :TC'VEÜ J1Œ •••• m1QWÔEÇ: âl4q>ÉQELV ~è 't"v oüoCnv 'ri\~ üA.1l~ Ti)v oÙocr.v xo.'t'à nlv lntôO't(l(nv bnvoLq. JA.Ôvov. -
Hirzel (Unter8.; II, p. 759) propose la eorreetion suivante: Ti}v o.lh"v oùocr.v:
un pneuma igné, où le mélange de l'air froid n'apporte pas de limi-
({ Die oüoCo. Ïlillt der -.môO'to.OL; nach mit der üA.1l zuammen, sie untersebeidet
tation à la vitalité et à l'activité créatrice de ce feu divin. Ce pneuma sieh von ihr nur in der btLVOI4, du ist der so entatebende Gedanke gegen den
niebta einzuwenden ist ». - La difficulté de ee texte eonsÏ8te à déterminer ·le
Sa:! SEXT. EMPIR., Ad11. log., l, 93: xo.i. ~ 't'o f.1ÈV q>cO~, q>7)oi.v 0 nOOEt.OOrvloO~ sens exact de OUOlo. ; ~mIUs, 1... T~, e. 290, SVF, l, 86: Plerique tamen
't'Ov nMl'trovo<; TeJ.lGloOv ÈS1lYOOJ1tVO<;, Uno 'ri'I~ q>(l)TOElboüç ~EO>Ç xo."ecr.lo.p&ivnUL, sUvam separant ab easentia, ut Zeno et chrysiPPU&. SUvam quippe dieunt esse
i) ~È q>oMt Uno 't'il~' ciEQOElOOÛÇ cixoiiç, oVroo xo.i. i) 't'cOv OMov cpUoL; lntO ~~ id quod. subest bis omnibus quae habent qualitates, easentiam vero p~am
Oq>EiÀEL xcr.'t'alcr.J,L6UWO·6'UL 't'oû Myou. Ct. S. BLANK.ERT, op. cit., p. 182. rerum omnium sUvam vel antiquissimum lundamentum earum, suapte natura sine
353 S. BLANKERT, op. cit., p. 200: «Zeer duidelijk dient eehter gezegd te wor- vultu et informe: ut puta aes, aurum, ferrum et caetera buius .modi sUva est
den, dd fi onzinnelijk» bij PosidoniuB niet fi onstoffelijk» beteekent,doeh: eorum, quae ex iisdem fabrifiunt, non tamell essentia. At ~et'O quod tam
fi nid met de zinnen te vatten ». Pbysiseh uitgedrukt komt dit praedieaat toe bis quam eaeteris ut sint ausa est, ipsum esse substantia. f.,'rOB., Eelo, l, 11, 5 a,
aan bet aether-element, een stof dus, voorzover dit elemçnt zieb tenminste p. 132, 26 W (ARIus Dm., Ir. 20, DIELS), SVF, 1, 87: Zitvowo<;· oUoCo.v 38 dvm
niet in sterren enz. zinnelijk-ziebtbaar manifesteert. ln bet pSyebiaehe vertaald TÏ)v't'Wv Ovnov 1tUvrrov 1tQmnjv üA.1lv, 't'Cllintv &1 roiauv d.t&wv xcr.l. oVte deCro YlyJ.
beet dit element WÛC;, in bet tbeologiscbe 9Eaç, doeb element, d.L stol, blijft ~v cM-E ilcinoo· 't'à 3è tdQ1l 't'Cllintç oUx ciEl. 't'o.Ü'tà .&l4tdvELV cUl.à 3UUQetà6m
bet, een deel van de mundus blijft bet ». xo.i. O'UYXEtaOuL. âLà. 't'o.m"ç ~È 314iniv TOY 't'OÜ 1tClV'tOç MSyov Ov fvloOt. dl'Cl.QJ.LivtJv
354 STOB., l, 58 (Dozogr., 302 b 22): «Un pneumA intelligent et igné, qui, XaÀoÜOlV olov1teQ xcr.i. Èv TÜ yovii 't'O mtÉQJU1- - CHALCIDIUB, 1... Tim., e. 292,
n'ayant pas de figure déterminée, prend toutes les fonnes qU'il veut et s 'ada~~ SVP, l, 88; DlOO. LA., VII, 139, SVF, II, 300; ORIOUZ, De oratÏOfte, vot II;
À tOQtes les réalités (flu'il l?énètre) », Cf. fLIN.J., lliBt, nat., II, lO, p. 368, 1, KOETBClI4U, 8VF, II, 328, Il ressor1; de tous ~ tex~6 flue l~ termo
136 LESTOICISME POSIDONIUS D' APAlrŒE 137
la matière concrète ,d'un" être . détermtnén'~t que lamatière~­ certaine force qui traverse la matière, de la même façon que l'âme
mièrequia subi "1 'action animatrice .d 'unpneuma divin: la matière nous pénètre» 358. Ce pneuma est la source de la riche variété et de
première et la matière concrète considérées dans un être déterminé l'admirable harmonie du cosmos: celui-ci n'est t:ien moins qu'une
ne sont" donc .pasdes réalités .différentes. En effet, si la matière con- nature morte, puisqu'il est animé d'un souffle divin. La causalité
crète a déjà despropriétésdétenninées, celles-ci" ne "vienntnt .pas de cet élan vital n'est cependant pas créatrice au sens propre, dIe
d'elle.;même mais ".doivent être. mises au comptedupneuma anima- se limite aux « yEVÉaElÇ KaL J!Et'a6oÀaç»: le pneuma transforme la
teui.. matière à peu près comme le démiurge- du Timée pour autant qu'on
Schmekeldéfend 'laconceptiond 'après laquellePosidoniusn'au- puisse attacher à ce récit un sens littéral 35'. Dans un texte de Sextus
rait admisqu'un.seul .princlpeà la source ·de toute la réalitéeosmi- Empiricus, qui traduit probablement la pensée de Posidonius, nous
que:celui-cisenit en même temps :matière etesprit,unpneuma trolivons une double preuve du caractère" divin de ce pneuma ani-
sub.til e.tigné 3H• La düférenciation entre matière et esp.rit se.pro- . mateur:
duirait uliérieurement par le mouvement ,interne du pneuma lui- a) cette force vitale, qui pénètre la réalité tout entière, doit néces-
même: celni-.ciserait laeau;a d'unetra'nsformationqualitative sairement se mouvoir elle-même: car, s'il n'en était PélS ainsi, elle
( àlloCroaLÇ), .à :Bavoird 'une .certainecondensation,qui sépare ce devrait être mue par une aut're et ainsi de suite à l'infini, ce qui
qu'il .appelleoùaÛl,de la matière (ÜÀ1}) 357. ~Nous croyons que est évidemment absurde. Nous retrouvons donc ici l'argument aristo-
;cètte interprétation est inexacte: toutd 'abord paree qu 'dIe. se heurte télicien des causes de soi subordonnées, où l'activité d'une cause
au caractère .fondamen·talde la physique stoïcienne, lepsychologis- déterminée est conditionnée par l'influence d'une cause supérieu-
me; en parlant de Zénon, nous avons déjà .attiré 1'attention sur le re 360.
fait.que sa "conception cosmobiologique ne permet plus d'interpréter b) de plus, ce, mouvement doit être éternel, car s'il n'était pas
sa pensée en fonction de la p.hilosophie.d 'Héraclite : l'attitude d'un éternel, il aurait commencé à un moment déterminé; or cela est im-
stoïcien devant les problèmes de physique est tout à fait différente possible, parce qu'on ne saurait assigner une cause qui explique
"de celle d'un présocratique. Deplus, s'il ya un stoïcien chez qui pourquoi le mouvement a commencé à ce moment précis 361.
cette identüication de la matièreet.de l 'espritn 'est .pas admissible, Ce mouvement perpétuel et autonome du pneuma divin ~ 'est pas
o 'est bien Posidonius: non pas.qu'ilse soit dégagé du .matérialisme une innovation de Posidonius: nous avons vu plus haut que Chry-
stoïcien, mais parceqli'ila, plus qu'aucun autre, fait dts conces- sippe enseignait déjà cette même doctrine. Ce qu'il y a de' changé,
sions au dualisme platonicien, en insistant sur la séparation de la c'est la présentation aristotélicienne de cette conception.
matière et du pneuma et en abandonnant le caractère unitaire "de 1. Heinemann estime que la pneumatologie de Posidonius constitue
celui-ci. Enfin nous croyons que la signification que Schmekel ac- une grande innovation dans l'école stoïcienne: le philosophe d'Apa-
corde au termeoùaLadans le système stoïcien doit être rejetée. mée serait le premier qui ait attribué à cette force vitale la cohésion
Il y a donc, à l'origine de tout ce qui existe,deux principes: le du eosmos; avant lui le pneuma n'aurait pas été doué d'intelligence
pneuma et la matière. Ainsi, Pœidonius "est resté fidèle aux con- et n'aurait pas été considéré comme divin 862. Nous ne nous attarde-
ceptions de l'ancienne école en concevant le pneuma comme « une rons pas 1 réfuter cette thèse, parce que tout l'exposé qui précède

oùow désigne la matière première et amorphe, .tandis que iiÂ.TJdésigne la ma- III SnT. EKl'IL, .Ad". Math., IX, 75, SVF, n, 311 : &Uvaf'LV l'LVU 6L' u\miç
tière concrète d'un êtredétenniné. Quanti l'expression "O'tcl TilvimôcnaoLv, n'8I'O''''I xviav xa&œteQ <iv>ilf'iv vuxTI Keq>OLtTlxev.
elle signifie, dans le langageatoïeien,«en réalité ». Cf. C. Ault, PMloJog'IUI, la E. BBtmEB, Chryrippe, p. 118 :. cL 'action divine eonsu.te essentiellement
"94 (1940), 1-3art.• 8ub8tantia », p. 65 ssq. en une transformation qualit~tive de la matiàre ••
366 Di6 Philosophie der mittleren8toa, p, 239: 0: Das Urwesen iatMateri(J 3. . SUT. ElilPm., .Ad". Math., IX," 75, SVF, n, 311.
und Geist zugleieh und aIs solehes einfeines feuriges Pneuml\ J), 381 SUT. EKPm., .Ad". Math., IX, 75,' SVP, n, 311,
3:;1 Op. oi.t.,p. 239. J63 .Jo ~I:lüNN, Of'. oit., Il, p. 29,
POSIDONIUS D'APAMÉE 139
138 LE STOIOISME
L'auteur connaît également l'èxplication des oracles par le pne~:'
en prouve la fausseté: il est vrai cependant que le panpnt1lDl81Ïsmr
ma mantique: à certains endroits il y aurait des fentes dans la
est réellement le noyau du système posidonie'n; c'est par là, pouvons-
couche ten"estre, qui permettraient au souffle vital enfermé dans
DOUS. dire, qu'il a dépassé dans une certaine mesure le dualisme
les profondeurs de notre globe, de s'échapper. Il peut aussi produire
platonicien aa.
chez l 'homme des effets extraordinaires, tels que des accès d 'e~­
••• thousiasme, le refus de prendre de la nourriture et le pouvoir de
rendre des oracles. D'autres exhalaisons de la terre .sont mortelles
Avant de- terminer cet exposé de la pneumatologie· de Posidonius, pour les hommes: e 'est ce qui se produit en certains endroits de la
DOUS voudrions noua arrêter un moment au pseudépigraphe D6 Phrygie 366. Ici encore nous nous trouvons devant une explication
Mundo, mis sous le nom d'Aristote, ouvrage dans lequel on a relevé stoïcienne, mais la brièveté de cette indication ne pennet pas d'en
des influences posidoniennes. D'après W. Capelle, la p'remière partie déterminer la source exacte. En effet, nous avons vu plus haut que
de cet ouvrage de vulgarisation serait inspirée de la ME"CEroQOÂoyLXYt cette manière de voir n'était pas seulement partagée par Posidonius,
arOLXELro(JU; du philosophe d'Apamée, tandis que. la ~onde par- mais qu'on la trouve déjà chez Chrysippe et même chez Platon. Il
tie, qui traite des questions théologiques, serait influencée par son n 'y a donc rien ici qui nous permette de tirer des conclusions plus
nEQL 9EiO'V 3". C'est surtout de cette seconde partie que nous précises.
entendons parler, parce que nous y trouvons certaines allusions à La conception générale de la divinité, que nous retrouvons dans
la doctrine du pneuma e.t à d'autres questions qui s'y rapportent. cet écrit, présente un ;ingulier mélange d'immanence et de trans-
Avant d'exposer sa théorie sur les vents, l'auteur essaie de déter- cendance: en effet, Dieu est établi loin du perpétuel devenir des
miner avec précision le sens du terme XVEÜJ.1a : et il distingue, à côté événements de ce monde, dans une immobilité complète, ce qui ne
du sens vulgaire. une signification plus philosophique: AÉYEtaL ôÈ l'empêche pas de s'intéresser aux affaires humaines et d'être la
xal ÉTÉQroç m'EÜ ....a 11 '[E Èv q>UtOLç xal tci>OLÇ xal ôLà xâvtrov ôLllxouaa cause preniière de tout ce qui se passe dans le monde 367. Il ~st inac-
:or , -,~ 365
EJ.1,,",XOÇ tE xaL" YOVLJ.1GÇ OUOLO,
, ,
XEQL, .
11Ç VU'V "
M;yELV OUX -
avayxaLov : cessible aux regards des hommes, .à la façon des grands monarques
le pneuma est donc considéré comme l'âme du monde, dont le souffle orientaux, qui dans leur palais fastueux de Suse ou d'Ecbatane·,
animateur pénètre partout et fait jaillir la vie avec une' fécondité étaient cachés par des centaines de servite'urs et par les multiples
inépuisab)e; rien n'est dit dans cette définition des 'rapports du cloisons de leurs demeures. La divinité ne peut être connue que par
pneuma avec la divinité. Il n'est pas douteux que cette définition 1'intellige·nce 841', non pas par intuition directe, mais à partir de ses
ne porte l'empreinte de la philosophie du Portique. Quant à spéci- œuvres 369. TI en est de Dieu comme de l'âme humaine: celle-ci éga-
fier exactement .à quel philosophe stoïcien elle a été empruntée, lement ne se montre pas directement, mais elle se manifeste con-
ceci est beaucoup plus difficile. Cependant certains traits témoignent tinuellement par ses activités 870; seulement l'âme est engagée dans
en faveur de Posidonius, notamment le caractère vitaliste de la dé-
finition (ËJ.1'1roX.0ÇtE "al y6VlJ.10Ç o\'o'a). Il y a lieu de tenir compte a81 De mut&do, 395 b 26 : ·OJ.LOCcoç~è xat 'trov 2tVeUJ.UÎt'(a)'V "oUa· "oUaXO'Ü Yii~
en même temps du fait général que la pneumatologie constitue vrai- m6fU4 mcpxtm· &v 'tà t&Av Mouauiv "oLei t'O'Ü~ élJ"el.d1;oV'taç, 'tel ~è ciTQOCpeLV,
ment le' noyau de la pensée posidonienne, plus que des systèmes 'tà ~è XQ11a~eiv, œmtEO l'à ev AeMpo~ xat AE6a3e~ 'tà ~f; xal. "ClVtMamV
antérieurs de l'école. ciVUI.QEl, xa&WœO 'to év «»OuyCq..
a81 De tn'vAdo, 400 b 11: (geOç) iv cixLVl}l'fll ~Q'U~ &uvcif.LeL "civta KLWi xa\
Xf:Quiye...
363 L HZINJI!)UNN, op. cit., II, p. 30: «Dagegen. ateM für Poseidonios der
368 De muMo, 399 ... 30: ·OTaY oùv 0""ciVf(a)'V IJyeJ.U&v TE xat yevÉl'roQ, ooQO.'toç
Begriff des Pneuma im Mittelpunkte der Metaphyaik und Religionaphiloaophie ».
WV cil.Mp 2tÂ....v ).oytO'JUP.
Cf. ibid., II, p. 435.
369 De muMo; 399 b 21: (Oe~) "tian 9V1lTÜ ,ooEL yev6f'€"~ ciinWq"lTO$ dtç'
3M Die Schrift 1101' der Welt, Neue Jahrb. f. daa klaas. Altertum, Ge6ehieh~
und deutaehe Literatur: Bd. l..V (1905), le ~bt., Heft 8, pp. 529-568,
o.mrov TOOV ËOY(a)'V OEroQett'OL.
lJP De mvndo, ed, W,MlRI)lp, Paria, 1933, p, 394 ~ 9,
'10 pe ?R-wf'dof 399 p J••
140 LE 8TOICI8l1E P6étDONIU8 ri'APAMtE 141
la matière, tandis que Dieu gouverne le monde, tout en se gardaJttP du monde 377, tous·ces traits sont des échos indéniables de la p€·tlsée
pur de tout contact avilissant 311. Cependant, comme· il ne conçoit stoïcienne.
pas l'influence causale sans contact immédiat, l'auteur a inventé un Quant à y voir un reflet fidèle du système posidonien, nous ne
intermédiaire entre Dieu et le monde: cet intermédiaire, il l'appelle croyons pas être e·n droit de le faire, en nous plaçant au point de
~UvaJuç Oda. Cette puissance divine n'est plus sans contact avec la vue restreint que nous avons adopté pour cette analyse. En effet,
matière. Au contraire elle est pleinement engagée dans ·la réalité l'auu·ur connaît la pneumatologie stoïcienne, et spécialement celle
sensible et anime le monde tout entier 872. C'est elle qui, à partir de· Posidonius. TI ne s'e'n sert cependant pas dans l'exposé de sa
des· éIéme'nts contraires, a produit l'harmonie du cosmos, c'est elle théologie, ni pour désigner la divinité elle-même, ni pour indiquer
aussi qui pénètre incessamment tout ce qui existe et qui maintient la puissance divine qui traverse le monde. D'autre part, la transce·n-
l'ordre ét la vie dans ce grand organisme 373. Mais cette puissance dance de la divinité est beaucoup plus accentuée dans le De Munda,
divine n'agit pas en vertu de soli pouvoir à elle: sa première. mise qu'elle ne l'est dans le systèm,e posidonien:· bien qu'on trouve des
en branle est due au souverain lui-même et c'est à partir de cette influences péripatéticiennes chez le philosophe d'Apamée·, nous
chiquenaude initiale que se déploie la riche variété des mouvements croyons que l'influence aristotélicienne est beaucoup plus grande·
vitaux 874. dans le De Mundo que dans la philosophie de Posidonius. On pour-
Il Y a incontestablement dans cet exposé populaire des éléments rait dire sans doute que cette accentuation de l'élément aristotéli-
aristotéliciens et stoïciens: la transcendance de- la divinité à l'écart cien tient à la simplification qu'une pensée philosophique doit néces-
du monde sensible dans une immobilité complète et la préoccupation sairement subir quand elle est reprise dans un ouvrage· de vulgari-
constante de l'auteur d'explique·r la variété de ce qui se produit sation; mais alors nous ne voyons pas pourquoi on n'a pas plutôt
dans le monde à partir d'un mouvement très simple, tout cela rap- accentué l'immanence de la divinité, qui se prête tout aussi bien à
pelle évidèmment le moteur immobile d'Aristote. D'autre part, la la vulgarisation. .
~Uva""LÇ Oda qui pénètre la réalité tout entière de manière à être Nous pouvons donc résumer le résultat de cette analyse de la façon
vraiment l'âme du monde, la conception du cosmos lui-même comme suivante: du point de ·vue de la pneumatologie et des questions qui
un grand organisme, plus parfait que n'importe quel être particu- s'y rattachent, le De m'Undo nous apparaît comme un mélange d'aris-
lier 37G, parce que tout être vivant est animé par une parcelle de totélisme et de stoïcisme, avec prépondérance de l'élément péripaté-
cette âme cosmique 376, enfin l'insistance sur la cohésion universelle ticien.
311 De mundo, 400 a 2: ToÜ'tov oUv ËXE' TOV MyOV /) 9EOç Èv 'XOO!Ul>, O"U'VÉXOJ'V
n)v TcOV oÀrov clQJ.lOVlo.V n: 'Xo.L oro't1lQ'o.v, n).11V oun: ,uao; wv, Évita ft yii 'Xut ;, ••*
90MQCx; Tonoç oVroç, àJJ..' üvro 'Xo.{}o.QCx; Èv 'Xo.{}UQCP xroQCP ~E6f1'Xroç, ôv ËnJ~roç
'Xo.ÀOÜ~EV OÙQo.vov JAh MO TOÜ oQov dVo.L TOV üvro.
372 De mundo, 398 b 6: l:E~VOn:Qov ôÈ xo.t nQEnroôÉaTEQOV o.Ïrtav ~ btt Ti}ç
Il ne nous reste plus qu'à tirer les conclusions de l'analyse q~
ù'VroTclTro xooQQÇ tbQùaao.L, Tf)V ôÈ Mvo.~LV ôui Toi; aU~(lVToç 'XOOJlOU ôl:rl'XoUOo.v nous avons. faite de la pneumatologie de Posidonius:
-ijÀWV TE 'XlVELV 'Xo.t OEÂlt'YTIV 'Xo.t Tav naVTo. oÙQo.vOv nEQwyELV o.tTwv TE yLVEaOo.L
TOLç btt rilç yiiç oro'tf\QW;. ct. 397 b 16, 400 b 11. . 1. En ce qui concerne la M·t'Ure du pneuma individuel ou du pneu.
873 De munào, 396 b 27: ... yijv TE ncioo.v 'X0.1 90J.a0ao.v o.l-DÉQo. TE 'Xo.t 'ÎlÀlOV ma cosmique, Posidonius n'a pas fait un grand pas en avant sur
'X0.1 OEÀ~Vf\V 'X0.1 'tOv oÀov oùQo.vov ÔLE'X6a~f1 (JE ~w [ft] ôui nclVTrov Ôllt'X01JOU ÔUvo.~LÇ.· le chemin de la spiritualisation. Aucun indice ne permet de dire
374 De mundo, 398 il 19: OÜTroÇ oUv ft 9do. cpUaLÇ cino TLvoç WtÀi)ç 'XLvtlOEroÇ TOÙ qu'il s'est dégagé dans une certaine mesure du matérialisme de ses
nQooTou Tf)v OOVo.~LV Et; Tci O'UVEXi) ôLÔroOl xo.t cb;' È'XELvrov nw.LV EIç Tci nOQQroTÉQO>,
,uXQLÇ liv ôui TOÜ :lto.VTOÇ ÔLE;ÉÀ'Ôtl. Ct. 397 b 32.
311 L'auteur se sert plusieurs fois du terme O"U'VÉXro, qui est d'un emploi
375 Dé mundo, 397 a 5: Tiç yèLQ liv ELfI cpUal,Ç TOÜÔE (seil. TOÙ 'Xo(JJlOU) ·'XQELTT(l)V ;
constant dans le langage stoicien pour d~signer l'aeUvit6 du pneuma qui elt
iiv yciQ liv ELnn TLÇ, .œQoÇ ÈO"tlv o.lrtOÜ.
cause de la eohêsion des êtres individuels et de la sympathie universelle de.
376 De mundo, 397 a 18: 'E'X TOlftOU (scil. TOÜ xoof'ou) naVTo. ËJ-Ut"fL Tt 'Xo.~
êtres entre. eux: 397 b 9, 399 b 14, 400 a 2.
'VUXl}v taXEL "ci ~«i>a..
....
14~
149
prédéce&c;eurs; d'ailleurs, il n'était pas assez personnel pour ie f~ 6. SÉNÈQUE.
Esprit de grande envergure, il a construit son système grandiose
Nous nous sommes demandé un instant s'il était nécessaire de
en emprunt.ant des éléments aux courants de pensée. ~e son époque ;.or
réserver à Sénèque une étu.de spéciale dans èet exposé de la pneuma-
ce n 'est pas chez les péripatéticiens ou les académIciens du premier
tologie stoïcienne et s'il ne valait pas mieux le considérer tout
siècle avant l 'ère ~hrétienne qu'il pouvait trouver l'élan de pensée
simplement comme une source pour notre connaissance de la pensée
nécessaire pour atteindre aux sommets de la réflexion humaine. Tout
posidonienne. Cependant les recherches que nous avons faites ont
ce qui est actif, est matériel: c'est là le dogme de fer qui pèse sur
montré que Sénèque est plus indépendant à l'égard de ses sources
tous les esprits à cette époque. Les penseurs de cette période ne sem-
que Cicéron, et qu'on trouve chez lui une pensée originale j mêm€:
blent pas avoir entrevu' les caractères essentiels de la matière .et les
les doctrines qu'il reprend à Posidonius prennent sous sa plume une
corollaires qui s'en dégagent: sinon ils n'auraient-pas pu eonsld~r~r
allure nouvelle et se colorent de nuances qui lui sont propres. Il dit'
la divinit4S et le principe de la pensée humaine comme des. réalités
d'ailleurs lui-même dans une de ses lettres qu'il n'a pas voulu sè
matérielles.
borner à faire œuvre de copiste fidèle, mais que son ambition était
2. Cependant Posidonius a sa.ns aucun doute préparé les voies à de retravailler les doctrines empruntées de manière qu'on ne r€eon"
la spiritualisation, du fait qu'il a introduit dans sa psychologie et naisse plus les sources de son exposé 318. Il ne serait donc pas juste
dans sa théologie un certain dualisme. En effet, il a distingué, à de le traiter comme un simple doxographe, alors qu'il a mis l'em-
l'intérieur de- notre pneuma psychique, les faculiés rationnelles et preinte de sa forte personnalité sur les doctrines traditionnelles du
irrationnellesJ en accordant aux premières une suprématie et une Portique.
domination incontestables. Il a renoncé également à l'immanence Il n'est cependant pas facile de délimiter avec précision la pneu-
totale préconisée par la plupart de ses prédécesseurs, pour affirmer matologie de Sénèque. Tout d 'abord, parce que notre philosophe ne
une transcendance très nette de la divinité: celle-ci, tout en étant s'intéresse pas directement à ces problèmes d'ordre spéculatif et
engagée dans le monde sensible par son activité et sa puissance coex- métaphysique; la philosophie est pour lui une conseillère' fidèle
tensi.ves au cosmos, demeure transcendante aux choses changeantes dans la direction de- la vie. Il le dit lui-même très nettement dans
par la meilleure partie de son être; elle est représentée avant tout sa XV~ Lettre à Lucilius: « non· est philosophia populare artificium,
comme le Noüç igné qui dirige l'évolution cosmique et qui fait jail- nec ostentationi paratum; non in .ve'rbis sed inrebus est. Nec in hoc
lir partout la vie et la croissance. Il est clair que ce dualisme' psy- adhibetur, ut cum aliqua oblectatione consumatur dies, et dematur
chologique et cosmobiologique devait préparer les voies à une con- otio nansea; animum format et fabrlcat, vitam disponit, action es
ception plus pure et plus spiritualiste de l'intelligence humaine, qui regit, agenda et omittenda demonstrat, sedet ad guber~aculum et
(st une parcelle et un reflet de l'Intelligence suprême. La raison per ancipitia fluctuantium diri~t. cursum.». A~ nous ne trouvons
pour laquelle Posidonius n'est pas arrivé à cette conclusion semble guère dans la philosophie de Sénèque des· idées nouvelles concernant
être le aUvÔEOp.o;, qui mitigeait singulièrement son dualisme: il se deS problèmes purement spéculatifs: il a généralement emprunté
représ~n~it le monde comme une éch~lle, gJ"aduellement ascendante, aux systèmes antérieurs les éléments de doctrine qui cadraient le
~e perfections étagées les unes au-dessus des autres, avec des tran-
118 Ep., 84, 5: NOl quoque has apes de~mus lmitari et quaeeUlDque· ex
sitions insensibl€s de l'une à l'autre, sans aucune fêlure, sans aucun
-divena 'leetiolle eonge88ÏDiu., separare, melius enim distincta lervantur i deiDde
)Iiatus, mais comportant une épuration graduelle à partir de la adhibita ingenü nostri cura et faeultate in unum laporem varia.illa libamenta
'matière la plus grossière jusqu'au pneuma le plus subtiL eontundere, ut etiam li apparuerit, unde aumptum lit, aliud -tam.en esse quant
unde aum.ptum est, appareat... § 1: Omnia, quibui est adiut1l8 an.Ïm1l8 noster,
abseondat, ipsum tantum ostendat, quod efticit. Cf. E.BADSTtJBNEB, Beifrag.
gur Erl:liirv"g und Krifik der philo8ophÏ8chen Bchrilfe'A Befleccu, Hambourg,
1901, p. 11.
t~ STOIClé~ 145
mieux avec son éthique 3 'l9. Ce qui rend également difficile l'étuôe-r Sénèque ne dit pas seulement que l'âme est un souffle, mais
de la pneumatologie de Sénèque, c'est la nature de ses écrits philo- « quodamnw<Î;(} se habems spiritUS»: c'est la traduction latine de
sophiques. Ils ne nous présentent pas un exposé systématique des l'expression stoïcienne: 1[VEÜ ....a 1[Wç É',(ov. Le 1[COç ËXov .désigne une
grands problèmes, mais ils traitent asse.z librement de diverses ques- des quatre catégories stoïciennes: 'Ô1[OXEL....EVOV, 1[0 LOV, 1[Wç ËXov, 1[Qclçn;
tions philosophiques: c'est le genre littéraire de la diatribe qui ne il se rapporte aux qualités accidentelles; et s'oppose aux caractères
vise pas principale·ment à approfondir les questions par des analy- essentiels, que les stoïciens considèrent également comme qualita-
ses minutieuses et des examens détaillés, mais qui expose de façon tüs 383. La principale objection que. présen.te Plotin contre cette
claire, agréable et frappante, certaines doctrines philosophiques 380. catégorie stoïcienne, c'est qu'elle est beaucoup trop vaste et qu'elle
Sénèque s'adresse toujours à un grand auditoire qu'il s'agit de con- embrasse donc des réalités trop düférentes 3U: les stoïcie~, eux,
vaincre, non pas par des argumentat~ons inu·rminables, mais en voulaient expliquer lesinanifestations passagères et continuelle-
répétant dans un· style ramassé les mêmes petites phrases aux mots ment changeantes de la vie par les manières d'être, également fuyan-
bien choisis qui enfoncent sa pE'llSée dans l'intelligence de l'audi- tes, du· pneuma.
--teur. ri -en est de même de ses lettres: dans la personne du destina- Quant au rapport qui existe entre l'âme individuelle et la divi-
taire il se re·présente tout un groupe d'hommes, qu'il veut gagner nité, Sénèque a encore adopté la manière de -voir de ses prédéces-
à sa manière de concevoir la vie. seurs: l'âme humaine est une parcelle de la divinité qui anime le
Sénèque est resté fidèle à la doctrine de ses prédécesseurs du Por- cosmos 385. Le problème du rapport entre Dieu et le monde est cer-
tique quant au' caràctère. pneumatique de l'âme humaine: « Quid tainement une des grandes questions qui ont préoccupé les penseurs
enim est aliud anima quam quodammodo ~e habens spiritus» 381. Ce· de toutes les époques. La solution que les stoïciens y oni donnée
souffle psychique est considéré aussi comme le principe des multi- n'est en somme qu'une transposition de leur traducianisme: si la
ples manifestations de la vie; pénétrant l'organisme humain tout rep~oduction des âmes s'explique par un phénomènto de division, pour-
entier, il est la· cause des différentes activités et sensations qui s'y quoi ne pourrait-on pas concevoir la même chose en Dieu! Pour des
produisent 382._ philosophes matérialistes, qui ne se posent pas de problème métaphy-
sique proprement dit, il est tout naturel que la causalité divine dans
3'l1 EUG. ALBERTINI, La comp,ositwn daM le8 ouvrage. phUo8ophique8 de
Slftèque, Paris, 1923, p. 205 ssq. Les théories de philosophes plus anciens,
la production du monde ne soit qu'un€: transposition de la causalité
qu'on trouve dans les écrits de Sénèque, ne prouvent pas un contact immédiat des parents dans l'acte de la génération. Il en résulte, d'une putt
e' direct avec les ouvrages. ciMs;· nous savons,. en effet, que Sénèque se servait que l 'homme doit se rendre di~e de cette origine divine 186 e11
généralement de florilèges philosophiques et de manuels, q~i ~taient très répan-
dus de son temps, fait qui vient ,encore compliquer l.'étude des sources de 383 CL. BAEuKKU, Da8 Problem der Materie in der griechùcMA Philosophlet

Sénèque. En ce qui· concerne son désintéressement vis-à-via de la psychologie Munster, 1890, p. 347; E. BRtUIJŒ, Chrv8ippe, Paria, 1910, pp. 134-135.
métaphysique, cf. Nat. quaeat., VII, 25, 2: Habere nos animum, cuius imperio 38t PLoTIN, EAA., VI, l, 30 : ll6)ç ôè iv 'tG :t(o~ ÉXOY :toUil~ Ô&aepOQàç I:v UVtoiç

e' impellimur et revoeamur, omnes fatebuntw-; quod tamen sit animus ille miars~ ;
reetor dominusque nostri, D:on magia tibi quisquam expediet quam ubi sit.. Alius 385 Ep., 66, 12: Ratio autem nihil aliud est quam. in ~rpus humanum. par.
illum dicet spiritum esse, alius concentum quendam, alius vim divinam et dei ~ivini spiritus merll&. L Heinemann (op. cit., J, p. 185) dit que ee texte est
partem, aliua tenuissimum animae, alius incorporalem potentiam; non deerit «gans aus Poseidonios' Geiat gesehrieben. ». - Cf. Hp. 120, 15. HEaJru.s,
qui sanguinem dieat, qui calorem. Irril. geste phil., 14 (SVF, l, 495). -
380 EUG •. ALBERTINI, op .. cit., p. 304 ssq.: Cl La diatribe est d'abord une con- Ist Ep., 92, 20: &,d «Ii cui virtua animusque in corpore praelens» hic .
férence nr un thème philosophique faite devant un auditoire de non-philosophes; deos aequat, illo tendit originis suae memor. Nemo improbe ~ conatur aaeen-
secondairement, 0 'est la transcription de cette conférence j, par extension e 'est dere, unde deseenderat. Quid est autem cur non exiatimes in eo divini aliquid
un écrit qui traite un sujet philollophique dans le ton d'une conférence adressé existere, qui Dei pars eaU Totum hoc quo continemur et unum est et Deus et
à un public non spécialisé »._ IOCÜ .umua eius et membra. - A. Modrze a prouv6 que Sénèque a emprunt6
381 Ep., 50, 6. ee texte àPosidonius (philologus, 87, 1932, p. 325 88q.); mais puisque le philo-
382 Hp., 113, 18. sophe romain s'est approprié cette manière de voir, cette question n'ihtéreslle pu
III
14d t~ 'ST6Icté:MI 147
d'autre part, qu.;il peut trouver en lui-même l'appui et le soooUi1t problème psychologique par son côté moral: ainsi, ce qui l'a con-
eonstants de la 4ivinit~. Ce n'est pas dans les temples et dans le duit au dualisme psychologique, ce sont les tendances opposées qui
culte officiel que l 'homme .rencontre la divinité bienveillante: qu'il tiraillent l'âme humaine vers le bien et vers le mal. C'est pourquoi
tourne son regard au-dedans de lui-même, c'est là qu'il trouv~'ra sa nous pensons que le sacer spiritus n'embrasse pas l'âme humaine
force et son appuil87• Ce panenthéisme constitue donc le fondement dans sa totalité, mais seulement la faculté rationnelle. Il est assez
de l '~thique stoicie·nne: l'homme est fort par lui-même, parce qu'il étrange, au premier abord, que Sénèque semble limiter l'inhabita-
porte dans son cœur une ~tincell~ divine. Hon divine aux hommes vertueux: nous ne croyons pas qu'il s'agisse
'Nous trouvons dans les ~crits de S~nèque le même dualisme psy- ici d'un secours spécial conféré aux hommes de bien, mais Sénèque
chologique que chez Posidonius. En. effet, si ce dernier parle. d'un indique par là que les hommes ve-rtueux suivent les conseils d~ leur
~ç 8a(J1wv, qui habite au plus intime de chaque homme, le conscience, tandis que les autres se laissent entraîner par leurs mau-
philosophe romain nous dit, qu 'un ~«sacer spirit1l$'» est ~tabli dans vais penchants: ils agissent comme s'ils n'avaient pas ce génie divin
notre cœur, comme le juge impartial et suprême de, notre ~onduite: .habitant dans leur cœur.
il nous donne des conseils pour' diriger notre vie aux moments dif- A propos de l'expression « sace,. spiritus », l. Heine-mann s'est
ficiles, li nous aide également à accomplir correctement notre ~e­ demandé ce qui se trouvait dans la source de Sénèque, le Prot,-epti-
voir, il nous approuve quand nous avons bien agi et il nous répri- que de Posidonius: ce dernie-r se serait-il parfois servi de l'expres-
mande quand nous nous SOmple8 laissé entraîner au mal. Ce sion n:VEÜJLŒ aylov 389, Ed. Williger a répondu à cette question qu'au
~,. spiritus se présente donc co~me 'la personnification de la con- terme sace,. ne répond pas en grec le mot aYLOç mais le mot ΀Qôç.
science humaine l88, ce qui est tout à fait conforme à la tendance La terminologie de Sénèque nous conduit donc à supposer que dans
gén~rale de la pensée de Sénèque. Il est très naturel qu'il aborde le son Protreptique, Posidonius parlait déjà d'un œQov n:vEÜJLa, ex~
pression qui se rencontre parfois dans la littérature philosophique
directement la presente analyse : noua avoJ).8 d'ailleurs dès le début, attiré l'at- et religieuse vers le début de l'ère chrétienne 390. La signification
tention sur cette dépendance. D'après E. Albertini (op., Di'. p. 135), cette influ- de cette expression est la même que celle de clWinus spiritus, que
ence se ferait surtout sentir à partir de la 78e lettre; J. Heinemann (op.ci'.,l, p.
nous avons rencontrée plus haut: elle indique que chaque homme
159 uq.) prétend reconnaitl'e déjà des traces de l'influence posidonienne à
partir de la 31e épître, mais Albertini estime que L Heinemann a beaucoup
porte en lui une étincelle divine 391.
exagéré .'1 'influence du philosophe d'Apamée dans les lettres de Sénèque (op. , Quant à la nature de ce pneuma psychique, il nous faut constater
Dit., p. 135, Do 4); l'étude de la pneumatologie nous fait pencher plutôt du encore que le dualisme psychologique n'a pas dégagé Sénèque du
côté du savant allemand. matérialisme traditionnel de son école; et ce, d'autant moins qu ~il
187 Hp., 41, 5: Vis istuc divina descendit... Maiore sui parte illie est, unde
, descendit. Quem ad modum radii som contingunt quidem terlam, sed, ibi -sunt ne s'est pas spéeialement occupé de questions d'ordre métaphysi-
unde mittuntur; sic animus magnu:s et saeer et in hoc demissus, ut propius
divina nOSBemul, conversatur quidem nobiscum sed haeret origini suac: illine 3sa,-MOfIGt,chritt tir Ge.chichte und Wia,euch4t' M,jtl4mdUfM, 54 (1920),
pendèt, illue spectat et ni~itur: nostrÏ8 tanquam melior interest. - Cf. J. HEl- p. 104, 1. -
NlDUNN, d'p. ci'., I, 111 uq.: Poaidonius et Sénèque s'appuient sur ce fait li" ED. WILLIGD, HagÏ08, U.ter,uMUftgefl, nr XenniMlogi8 du Httiligefl,
pour critiquer le culte organiH par l "tat. ' 1ft def' Aellet&iBch-hene"iBtiBa1um BeligioMfI. (Religionsgeschichtliche Versuche und
888 Ep., 41, 2 (d. APnEf, De MO 80oratia, KVI): Sacer intra nos spiritus Vorarbeiten, XIX, 1), Giessen, 1922, p. 96.
aedet, malorum bonorumque nostrorum observator [et] custos. Hie prout a 391 ED~ WILLIGD, op. ci'., p. 97: c Ei iat nun deutlich, dass das Pneuma wie
nohis tractatus est, ita nos ipse traetat. Bonus vero vir sine dao nemo est; an durch OEioç, 80 durch tEQ~ aIs gottlich d. h. dem mensehlichen Geiat überlegen,
potest aliquia supra fortunam niai ab illo adiutus exaurgeref IDe dat consilia gekenDZeiehnet: wird; das Attribut clyLO~ dagegen WÜlde im. eeht grieehisehen
magnifiea et erecta. .In unoquoque virorum bonorum c quis deua incertum est, Sinne des Wortes nur bedeuten konnen:, zn scheuen. Du iat aber gerade nieht
habitat deus ». - Au sujet de la terminologie - de Sénèque pour indiquer le gemeint; der Mensch meidet das g(Stt1lehe Pneuma nicht, sondern IUeht es in
rapport entre l'ime et le corps, d. Fa. HUSNER, Leib -utU! 8eelB m der 8prtJCh. aich aufzunehmen, um seiner Eigenachaft, die das Beiwort ausdrtiekt, der GOt~
8eMetU, PhU~logus, Suppl. 17 (1924). lichkeit: teilhaftig EU werden ».
tÈ 8T6Iot8~
149
que. n reprend simplement un certain nombre d'expressions et dë du pythagorisme: l'âme est enfermée dans le corps comme dans une
formulu à ses prédécesseurs stoïciens pour étayer ses doctrines mo- prison, sa liberté d'action est entravée; seule la philosophie est capa-
rales. Ainsi, il adopte le principe fondamental du matérialisme ble de la faire respirer librement au spectacle ravissant 'de la na-
stoicien: qùidquid !aeU, corpus est 382. TI fliut ~'Il conclure évidem- ture et de l'élever .d€s choses terrestres à la contemplation de la
ment que l'âme est matérielle, puisqu '€'Ile est, par définition, le • . ·té a85• N ous sommes donc bien loin de la connaturalité du
d IVlD1
principe d'activité qui traverse et anime l'organisme humain tout pneuma psychique f:t du corps, telle qu'elle était enseignée par
entier. Sénèque insiste simplement, comme Chrysippe, sur la euh- Zénon: il est presque incompréhensible que l'adoption de ce voca-
tilit6 de notre pneuma psychique (mrEÜl1a ÂEltloJ.LEQÉa-catov) D3, car bulaire et des expressions platoniciennes n 'ait ~'n rien changé la con-
la mobilité de ce souffle vital et la promptitude de ~ réactions ,ne ception de la nature de l'âme; car comment expliquer cette opposi-
s'expliquent pas, s'il est constitué d'une matière grossière et épaisse. tion radicale entre l'âme et le corps, s'il n 'y a entre l.es deux qu'une
Le philosophe romain appuie également sur la parenté entre notre différence de degré dans la matérialité commune à toutes choses'
pneuma psychique et les corps célestes, qui présente~t la même C'est que, pour tout matérialiste, une différence dd degré dans la
mobilité et la même rapidité aM: ceci s'accorde parfaitement avec matière doit nécessair~'ment fournir la raison des divergences les
la physique de Posidonius, qui considérait l' oÙQavaç comme 1'hégé- plus profondes dans la nature des êtres.
monikon dü monde. Ce dualisme se retrouve, non seulem.e'nt dans l'opposition de l'âme
Il peut paraître étrange que Sénèque insiste tellement sur le carac- et du corps, mais aussi à l'intérieur de l'âme, d'abord dans l'opposi-
tère divin et sacré de notre pneuma psychique et que, d'autre part, tion entre la partie principale et les parties inférieures, ensuite
il le conçoive' comme un souffle matériel. Ceci sernit évidemment entre la faculté rationnelle et les facultés irrationnelles dans la
incompréhensible, si ce matérialisme psychologique aUaitde pair partie principale dIe-même 896. TI importe de remarquer à ce sujet
avec un spiritualisme théologique j mais nous savons fort bif.'Il qu'il que Sénèque a exclu du domaine psychique un certain nombre de
n'en est rien, car si la divinité elle-même est conçue comme une fonctions vitales d'ordre inféri.e·ur. TI parle expressément de la fonc-
réalité matérielle, la spiritualisation du pneuma n'est guère avancée tion nutritive et du mouvement: la première coïncide avec le
par le fait qu'on insiste sur la parenté entre notre souffle vital 8QM'tIXÔV, que Panétius déjà considérait comme une fonction de la
et Dieu. q>uO'tÇ. Quant au mouveme:nt, il peut difficilement être question de
Bien que notre âme soit un souffle matériel, Sénèque insiste très la xa{}' oQJLTtv XLV'l0' tÇ, qui est un mouvement volontaire: il doit
fort sur le dualisme psychologique dans le sens du platonisme et s'agir plutôt d'un mouvement organique, qui échappe au contrôle
immédiat de -la raison, tel que le mouvement du cœur (acpuYJLool)
892 Bp., 117, 2. ou le mouvement de croissance (aùÇT)t'Lx~ ) .. D'autre part, l 'hégémo-
893 Bp., 57, 8: Quem ad modum flamma non potest opprimi (n:un eirca id nikon de Sénèque ne coïncide plus avec la raison, mais comprepd
diffugit, quo urgetur), quem ad modum aer verbere aut ictu non laeditur, ne également les fonction!!;. irrationnelles, le 8UJLOEL~€ç et l'Èln6uJ.&.TltLXOv
scinditur quidem, sed eirca id, cui ccssit, refunditur, sie animus,' qui ex tennis-
·simo constat deprehendi non potest nee intra corpus affligi Bed benefieio subti- IH Bp., 65, 16: (animus) gravi 8arein~ preSSU8 explicari eupit et reverti ad
litatis suae, per ipsa, quibus premitur, erumpit. - Sénèque a mélang6 des doc- nia quorum fuit. Nam eorpus hoc animi pondus ac poena est; premente mo
trines de l'ancienne éeole avec le dualisme posidonien, ce qui est parfaitement urgetar, in vinelia est niai accessit phno80phia et illmn reapirare rerum naturae
naturel, eu égard à la nature des BOurees dont il s'est inspiré. (Cf. E. ALBERr- apecta~o iU88it et a terrenia ad divina dimisit. Cl. Ep., 70, 16 et 120, 14.
ci'.,
TINl, op. p. 206). • IH Bp., 92, 1:, Puto inter me teque eonveniet extema eorpori adquiri, eorpus
~94 DiaJ., Xli, 6: Non est (seil anima) ex terreno et gravi eonereta cor- lJl honorem animi eoU, in animo esse partes miniatras, per quas movemur aU-
pore: ex illo eaelesti apiritu descendit; eaelestium autem natura semper in motu. murque, propter ipsum principale nohis datas_ In hoc prineipaU est aliquid inra-
est, fugi~ et veloeissimo curs~ agitur. Aspiee sidera mundum. illustrantia: nul- ti ole, est et rationale. Dlud buie servit, hoc unum est, quod alio non refertur,
Imn eorum peratat, sol labitur assidue et locum ex loeo mutat... 1 DUDC et 8ed omnia ad se refert. Nam illa quoque diviua ratio omnibus praeposita est
bumanum animum ex iisdem quibus divina eonstant BeminibuB compositum ••• •
lp&a lub Dull0 est: et haee autem nostra eadem est, CJuae ex nIa est. '
150 LE 8TOICI8ME 8ÉNtQUE· 151
de Platon 1". n en résulte évidemment que ces facultœ· ne IOnt plur Panétius et Posidonius présentent des arguments pour prouver
loPes à des endroits différents de l'organisme humain, mais qu'elles l'o.pinion qu'ils ont adoptée; nous n'en trouvons pas dans l'œuvré de
sont· considérées comme des états passagers· du même pneuma psy· Sénèque. C'est que le problème qui le préoccupe ~st .d'U:lle tout
chique 888. C'est ici probablement la t.1"aduction .psychologique .de autre nature; ce n'est pas un problème métaphysique, mais moral:
certaines données de l'expérience morale, à saVOll' que.la paSSIon la mort doit-elle être considérée comme un mal' Pour y donner une
peut envahir 1'âm~ tout entière, de même que la raison peu~ domi. réponse adéquate, le philosophe romain envisage toutes les posai·
ner les impulsions les plus véhémentes. Ce mélange de dualISme et bilités qui ont été proposées par les .représentants d.e son école, et
de monisme est assez singulier: notre pneuma psychique est en .puis- il e·n conclut qu'en toute hypothèse la mort est un bien. Même ·dans
sance vœ.à·vis d'attitudes extrêmes, mais il. n'en adopte jamais le cas où toute survie personnelle serait exclue, il tire encore argu·
qu'une à 1& fois. C'est donc dans .la possibilité d'attitudes ~pposées ment de l'état d'inconscience dans lequel la mort nous plongerait,
que réside le dualisme foncier de notre âme. cette CO~c~~tion psy. pour consoler ses lecteurs 402. Cette question pouvait d'ailleurs lui
chologique s'aècol"de d'ailleurs pleinement avee la déf1Dltion de la paraîtr~ d'importance secondaire, puisque Posidonius lui-même ad·
.veltù: «virtUs autem nihi1 aliud .est quam animus quodammodo se met que notre souffle vital est finalement résorbé dans le pneuma
habens» lit., la . vertu est donc considérée également comme une atti·. cosmique.
tude de l'âme tout entière. Enfin cette conception s'accorde aUSSI Si l'on compare les conceptions psychologiques· de Sénèque à cel·
avec la définition de l'âme, donnée plus haut: « quodammodo se les du fondateur de l'école stoïcienne, on constate que le' rapport
hàbens spiritus» 400. entre l'âme et le corps est. conçu d'une tout autre manière par cha·
. L'attitude pleine d'hésitation que Sénèque a adoptée dans la ques· eun d'eux. A partir de Zénon, l'écart e'ntre les deux principes con·
tion de la. survie de l'âme après la mort, est une preuve nouvdle stitutifs de notre être va s'accroissant: c'est que, au cours de cette
de son indiff.érence dans les questions métaphysiques. TI hésite, en période, on s'est ·de mieux en mieux rendu compte de la différence
effet, entre la survie personnelle. de notre pneuma psychique et qu'il y a entre lœ fonctions organiques, purement matérielles, et
son absorption dans le tout; certains textes montrent qu'il penche l'activité supérieure de l'homme, bien qu'on n'en ait pas encore
plutôt du côté de cette dernière solution 401. tiré les conclusions conceptant la substance même de l'âme humaine.
391 Ep., 92, 8: Inrationalis pars animi duas babet parte., alteram animosam,
On serait porté à penser que les stoïciens postérieurs devaient néca&-
ambitiosam, impotentem, positam in adfectionibus, alteram -bumilem, langui- sairement arriver à ces conclusions: mais l 'histoire ne se développe
dam, voluptatibus deditam: illam effrenatam, meliorem tamen certe forliorem pas comme un raisonnement logique. On s'est désintéressé, après
aès digniorem mo reliquerunt; banc neee88ariam beatae vitae putaverunt, [in] Posidonius, de ces questions d'ordre métaphysique, pour s'occuper
enervem et abjeetam. uniquement de 1~homme et de sa conception de la vie.
898 De ira, 1, 8, 3: Non &eparatas iata eeaes deductasque habent sed affeetul
el ratio in meRus peiulque mutatio anim! est. - Ep., 113, 7: Idem animus in
'varias figuras eonvertitur. •
••
89~ Ep., 113, 1: Une fois de plus, l'expre88ion «animus quodammodo se
habena» ripond l la formule grecque «~tw n~ ËXOY ». .
400 Ep., 50, 6.
Fidèle à la cosmobio~ogie stoïcienne, Sénèque a appliqué les don-
401 A. BONBOITEB, Epictet und die 8tOtJ, Stuttgart, 1890, p. 63-64. E.RoBDE, nées de la psychologie au monde tout entier. Cette comparaison est
PIIYCM, p. 328. - D'après L. Stein (op. cit., l, p~ 196) l'immortalitê .serait même poussée jusque dans les détails: toute la constitution du mon-
·eonllid~ree par ~nèque comme incertaine au point de vue mêtaphysique, mais de est conçue sur le modèle de l 'o~ganisme humain. Les stoïciens
i~diapeJl8&ble au point de vue moral, ee que Bonhoffer n'admet pas. Cf. Ep.,
distinguent dans le corps humain deux éléments qui pénètrent l'or-
102, 2; 76, 16: ~agnus animUII deo pareat et quiclquid lex univeTs~ iubet,
.ine eunctatione patiatur: aut in meliorem emittitur vitam lueidius tranquil- ganisme tout entier et qui sont à 1'origin~ des différentes fQnçtioDJt
UUlque inter divin a man8uru8, But certe sine ull0 futuru8 ineOnllllOdQ BUI llaturae
remiaeebitur et revertetur in totum.
LE STOICI$KE 8ÉNtQUE 153
152
vitale!iJ, 1 savoir le· ~ et le souffle: or ces mêmes élémenu se l'épilepsie: le souffle vital est .enfermé dans une partie déterminée
Z.troUfeut daDa l'oJ:pD.Ïslne eosmiqne 4Oa• La juxtaposition de ces de l'organisme.
deux éléments ne nous étonnera guère, après ce que nous avons vu L'analogie entre la terre et l'organisme vivant este encore poussée
d~ns les écoles hippoc:ratiq1l,e et sicilienne ainSi que chez les anciens plus loin. En effet, il y IL dans l'être vivant un centre d'où partent
stOïciens, où ils sQnt très étroitement unis. TI semble bien qua, les courants pneumatiques E.t à -partir duquel ils traversent le corps
d'après Sénèq'Q.e, ce souffle cosmique ~e soit pas introduit du. de- tout E:ntier; il en est de même de la terre. Ce centre vital n'est pas
hors, coÏDlDe dans la phySiologie hippocratique, maÏ3 qu'il soit èaché situé à la surface, mais à l'intérieur de la couche terrestre; la preuve
au sein de· la terre, aipsi que l'enseignent les stoïciens et les méde- en est bien simple: c'est que les eaux peu profondes &ont calmes et
~bls sicilie~ dans le cq analogue de l'homme 4Of,. limpides, tandis que les océans profonds sont animés d'un mouve-
. L "e:xplication que dOIlDe Aristote des tremblements de terre est ment perpétuel, précisément paroo que les eaux profondes sont très
aJl&logne 1 celle des stoïciens: oûx liv o~v 'Ü~O)Q où~È yij a'C-nov ~'C1l, rapprochées de ce centre vital, qui anime notre globe 401. Il n'en va
_ '.!r ., , 1.., 'J!'I: _Cl...'
2 tOI.
cUlà m'riJ.La lTIÇ 'XLV1lGEO>~ udlV EGo)'WXU vVEV '(0 E,O) avavuJ.Ll(l)J.LEVOV • pas ainsi des courants pneumatiques qui atteignent la surface de la
quand 1'~ha1aison 3èche, qui se produit 1 l'intérieur de la terre, terre: ils n'ont plus la force de produire ce mouvement incessant
nQ trouve PIlS d'issue, elle se démène contre les parois de sa prison des ondes. Ce raisonnement est purement stoieien, I(-n ce sens qu'il
et secoue ainsi l'écorce terrestre. C'est là, semble-t..il, lUle explication met à l'origine de tout mouvement un courant pneumatique: « quid
physiolQgique d'un phénomène cosmique: Aristote l'indique d'aU- cursus et motus omnis, nonne intenti spiritus opera sunt'» 408. C'est
leurs en passant, on peut donner la même explication des convulsions dono le T6vo~ du pneuma vital qui est à l'origine de tous les mou-
et des SP$SDles qlÛ se produisent en certaines circoJlStances chez les vements: c'est-à-dire qu'il y a un va-et-vient continuel de courants
animQux f04I. Les médecins de l'école pneumatique recourent à la pneumatiques de 1'hégémonikon à la périphérie et inversement, va- .
mêJn8 Ülterprétation pour expliquer certaines maladies, comme p. eL et-vi€-nt qui prodUit tous les mouvements spontanés de l'être vivant.
Ce souffle qui traverse la terre n'est pas se'Ulement, un principe
~03 l!{4f. Q16Cie,f., VI, 14: Corp~ nostl1lD1 et 88l1gtÜlle irrigatur ei -œiritu ,
qui per ~. itinera a.~qrrit. I1abeD1llJ1 auteIll quaedam angustiora reeeptacula de coh.ésion, il est également la source de l'exubérance de vÏ€' qu'on
animae per que nihi1 amplius quam meat, quaedam patentiora in quibus col.. peut admirer sur la terre .09. La preuve en est enc~r€. très simple:
ligitur et; Ullde divi,cUtur in partes~ ~ie hoe totum, terranpn oJDJlÎnm. corpus' et. aussi longtemps que les plantes ont leurs racines plongées dans la
aq~, ~uae ~~ ~gtWÜS tenant, ~ v~ntis, quoI nihi1 aliud quis quam &ni- terre, eUes croissent et se développt-nt normalement; dès qu'on les
D1~ v~nr~t~ pervi~ est. ....". n'après K. ~ardt (Po,eido,!,io., p. 160, n. 1), arrache, elles se dessèchent et dépérissent rapid~:ment. C'est là. pour
l~ ~ap~ 16 et le d6but dl! chap. 11 expose~~ la conception de PosidollÎus, tan-
die qqe le du'p. H 1 'bispire plutôt d'Asclépiodote, un disciple du philosophe Sénèque une preuve décisive du fait que le principe de vie et de
cl 'Apam~~- f; 80 llii.~n wi,r denn Poseidou.ios mit Asklepiodot von Seneu ,:u- croissance est caché au sein de la· terre: c'est le souffle vital qui,
~enge&fbej.~t;:t. - ]? Qltramare (~~ue, Que.rtion.t Mtllrelle., Paris, traversant la couche de la terre, pénètre dans les raeines des plantes,
192~, II, p. ~67, ll. 1) ~stime que le chap. 14 expose 1~ doctrine stoïcienne s'introduit dans la tige et· la pousse à se développer continudIe-
~ prob~bl~ment; -cen~ d~ fosidot»lJ.8; ces d~ux ~apitre., ne diffèrent en 8Qmme
que .W 1IJl poiD,t; ·d ',-ptè, le ~ap. l,4, le Bouffle qqi est eause des tremblements
de ~mJ ~n~tr., du dehors au sein de la terre, tandis que, d'après le chap. 1~, 40f N4f. gtUU8f., VI, 24: ergo yerialmUeest tenam ex ·alto moven et illic
~ qWifU.t eÏlt en.fe.rm~ au plUf profond de noUe globe: c'est cetW dernière spiritam in eavemis bagentibus colleipL
_expU~tioD, q~ e~ ...a.o~t6e p,-r Sénèque. 408 N 4f. qUiH.rt., II, 6.

.C)t No,f~ Q~,"., VI, 16, 401 N4t. quae.rt., VI, 16: NOIl esae tenam line -œi.ritu palam est: nOIl tan-
-tOG WST.~ J(6.ior., :a 8, 366 a 3. 'frad. T,alcO'l': • il en résulte que ce n'est tum ilIo dico, quo se tenet et partes lui jungit, qui mest etiam suis mortuis..
Jl.Î J~~u, JQ la tent qu,i est la eaulI8 des tremblem~ts de terre, mais le louffie, que eorporibus, sed illo dico vitali et vegeto et. alente omnia. - On peut comparer
c '~t.-'~ qupd· ~ qui est e~a16 l 1'e:xtérie~r 118 troqve çou1~r • l 'in~rle"r ee texte aux expre88Îona posidoniennes, que nous aVODI citées plus haut: vU
d~ 1-. tene:t~ prom"8tJfKli et MU.f(J gig"Mfldi; J. Heinemann (op. oit., II, 32) t'stime d '~eurl
~~ 4lJ,lST., wi4~, 366 b 25-30. Clue le :vhilo80vhe d'Avam6e es~ ~ ~u.r~ de ce ~8:888ie.
1
154 LE STOICISlŒ SÉNtQUE 155
ment flO. Chaque plànte n'a donc pas un~ vie pleinement indid- physiologie humaine: de même que, chez 1'homme, le pneuma psychi-
duelle; elle est· traversée par le souffle puissant qui anime la terre que est ~'ntretenu par les effluves du sang, ainsi les astres se nour-
tout entière. rissent du souffle qui remonte de la terre •. Une conception analogue
Certains phénomènes de la nature montrent à l'évidenee qu'il est attribuée par Cicéron à Cléanthe; lui aussi enseigne qu'un corps
€1l est bien ainsi: si les tiges de certaines plantes bien frêles par- igné ne peut subsiste·r sans nourriture·: le soleil, la lune et les autres
viennent à introduire leurs racines dans lei rochers et même à les astres ont donc besoin de se nourrir; les eXhalaisons qui se dégagent
fendre, ce n'est évidemment pas en vertu de leur force propre, mais des océans leur servent d'aliment U3. Cette concepti.on a probable-
paree qu'elles sont animé€s d'un souffle plus puissant: ceci se com- ment été reprise par Posidonius 41~. Ces explications diffèrent de
prend' aisément, du moment qu'on admet qu'elles sont dirigées par celle de Sénèque en ce que, pour ce dernier, les effluves pneumati-
le pneuma qui traverse la terre .11. ques remontent de l'intérieur de la terre, et non pas du fond de la
En parlant des tremblements de terre, nous avons vu que le 80~­ mer.
fle vital ne reste pas confiné à.l'intérieur de laterr.e sans que Tout cet exposé prouve que la terre occupe une place de premier
cette compression très passagère ne produise les catastrophes les plus plan dans l'univers de Sénèque. Elle est le grand réservoir où le
graves. Normalement ce pneuma se dégage de la terre p~r des mil- pneuma vital ,du cosmos est conservé. C'est dans ses flancs que la
liers d'o~vertures et c'est ainsi qu'il sert dfl nourriture aux corps nourriture même des astres est· précieusement gardée. On ne pour-
célestes 412. Nous trouvons i~i une fois de pIns une application de la rait eepen4ant pas en conclure que Sénèque ait établi 1'hégémoni-

410 Nat. quMt., VI, 16: Hunc (acil. vitalem sphitum) niai baberet (seil.
terra), quomodo tot arbutis spiritum infunderet non aliunde viventibus e~ tot
satîs' Quemadmodum tam diversas radices aliter atque aliter in se mersas
! kon d~ cosmos au centre' de la terre: ce serait une r~volution coper-
nicienne à rebours dans le systèllle stoïcien. Sénèque déclare que ce
souffle vital sert de nourriture au monde céleste; c'est qu'il recon-
naît ·à celui-ci la 'même suprématie dans l'univers que Posidonius.
fovere1; quasdam summa receptas parte, quasdam altius tractas, nisi m~ltum Nous sommes amenés ainsi tout naturellement à dire U:~ mot des
baberet animae tam multa, tam varia generantis et baU8tu atque alimento sui conceptions théologiqu~ de Sénèque. Toutefois nous sommes embar-
educantis. dt. Nat. quae.t., n, 6. rassés une fois de plus par le désintéressement qu'il manifeste à
elCiRON, De Mt. deonnn, n, 10, 26: Longa est oratio multaequerationes
quibus doceri possit omnia, quae terra concipiat semina quaeque ipsa ex se l'égard des questions métaphysiqu€s. Le philosophe romain reste
generata stirpibus in!aa contineat ea temperatione ealorla et oriri et augescere. fidèle à l'immanentisme stoïcien, sans cependant chercher à déter-
_ Le terme calor de Cicéron correspond à celui de '1'iritw, employé par Sénè- miner avec précision la nature de la divinité et ses rdations avec le
que: ici encore 1& dépendance des deu auteurs à l'égard de Po sidonius est monde. Le Dieu tout-puissant, ou la raison incorporelle, au sens
très probable. Cf. VIRGILE, Enéide, VI, 724: caelum ac terras camposque liquen-
stoïcien, ou le pneuma qui pénètre la réalité tout entière, ou le dEstin
tel... spiritus intus alite .
Ui Nat. qtl.Mn., n, 6: Parvula admodum sernina et quorum exilitas in eom- .
missura lapidum locum invenit, in tantum co~vale8Cunt ut ingentia saxa detur- 411 ClCDoN, D6 Mt. cfeorum, nI, 37, SVF, l,SOI: Quid enim' Non eiadem
bent et monumenta dissolvant. Scopulos interÏIn rupesque radices minutissimae ",obis placet . omnem ignem pastue indigere, nec permanere ullo -modo poue,
ao tenuissimae findunt: boo quid est aliud quam intentio spiritus aine qua niai àlitar: aU autem solem, lnnam, reUqua astra aquis, alia dulcibus, alia
nibU validum est. marinia' eamque cauum Cleantbes adfert, cur se sol referat nec longiuepro-
U2 Nat. quaesf., VI, 16: Totum boc caelum, quod igneus aether mundi grediatur 80lstitiaU orbi itemque brumali, ne longius. discedat a cibo. - Clet-
summa pars claudit, omnes hae stellae, quarom definiri non potest numet'1ls, RON, ibid., TI, 40, SVF, l, 504: c ergo» lnquit (lCiL' Cleanthes) c cum 101
omnis hio caelestiûm coetuset ut alia praeteream, bic tam prope a nobis cur- igneus sit Oeeanique alatur humoribus, quia nullus ignis sine pastu atiquo
Ium ageu vel omni terrarum ambitu non semel maior, alimenta ex terra tra- posset permanere••• ». - Ct. A..fTros, Plac., II, 11, 4, SVF, II, 690: ~QcixAeL~~
hunt et inter se partiuntur nec ullo alio scilicet quam halita terrarum 8ustinen- xa.i. ot ~~oiücot ~Qécpeoita.L ~oùç ciatÉQ«; lx 'ri); bnydou avuituf'uiaeoo;. .
tUf. Hoc illis alimentum, hic pastus est. Non posset autem tam multa tantoque 4H MACBOBB, 8at., l, 23, 2, SVF, l, 501: Ideo enim, sicut et Posidoniul et
88 ipsa maiora nutrire, nisi plel1& e~~ ~ae, quam t>er diem ~ noctePl ab Oleanthee affirmant, solis mcatus a plaga, quae usta dicituf, non reeedit, quia
oPUlibue partibue lUi tQdit, eub ipsa eq,rrit Oceanu, qui terr~m ambit et dividit.
156 LE 8TOICI8lŒ
. Ji'
implacable, toutes ces conceptions se valent aux yeux de Bmèque: spoolaleme·nt de la faculté rationnelle. Il y a donc chez lui un dua-
o'est, que MUS doute il les considère comme des aspects limités d'une lisme bien tranché,' dualisme de l'âme et du corps et, d'autre part,
réalité infiniment plus riche 415. dualisme de l 'hégémonikon et des parties inférieures- de notre prin-
Le dualisme psychologique de Sénèque n'a pas été sans influence cipe vital. C&pe~ant cet~ tintroduetion 4 'éléments platoniciens
su.r ses conception.s théologiqu~: la relation entre. la matière. e~ le dans la doctrine stoïcienne a laissé intacte sa conception de l'âme:
souffle vital chez l 'homme est la même que celle qui existe entre le il adopte sur' ce point la doetrine traditionnelle sans y apporter de
pneuma. cosmique et la matière du monde 411. Le souffle divin qui précisions bien nettes. n ne serait pas exact cependallt d~ qualifier
anime l'univers trouve. donc la matière devant lui ~t e'est sur cette le stoïcisme de matérialisme grossier: en effet, bien qut' les philo-
matière que sa Causalité, s'exerce.. n· en résulte que l'action divine sophes de l'Ecale mettent à la base de leur systèD1€' le principe
n'est pas tout à fait indépendante de la plasticitê de cet élément « quidquid facit, oorpus esf », cette corporéité est plutôt synonyme
matériel: Sénèque y trouve une explication facile de la souffrance de « réalité», « que·lque chose qui existe réellement». C'est là pro-
et du mal dans le monde. En ~ff~t, ces imperfections sont inhéren- bablement une attitude défensive que les stoïeiens ont prise contre
.tes à. la matière, qui ne peut pas être transformée par le pneuma les sceptiques. Tertullien adopre·ra plus tard la même conception
divin 411:. e'est pourquoi Dieu a armé et fortifié les hommeS pour contre l'idéalisme des gnostiques.
qu'ils ne succombent pas sous le poids de leurs misères, mais qu'ils 2. Sénèque parle aussi d'un' pn'euma cosmique, qui pénètN la

!
les supportent vaiUamment 418. terre tout ent~ère, qui fait pousser les plantes et qui sert de nourri-
ture ~ux corps célestes. Ce pneuma est considéré par lui comme une
••* des. formes ou un des aspects de la .divinité: bien que ce souffle soit
répandu à trav€·rs l'univers, i! est conservé en grande quantité au
Nous n'avons plus qu'à tirer l~ conclusions de 1'~'Xposé que nous sein de la terre. il ne semble pas cependant qu'il faille en conclure
avons: donné de la pneumatologie de Sénèque: que l 'hégémonikon du monde soit localisé au centre de notre globe;
en effet, ce souffle vital semble avoir un rôle subordonné à l'égard
1'. En ce qui concerne le. pneuma psychique, le philosophe insiste
du. monde astral, puisqu'il lui sert de nourriture: c'est que la qua-
plus que ses prédécesseurs sur le caractère divin de notre âme et
lité du feu céleste dépasse infiniment celle de la chaleur terres-
tre 41'. Cette distinction avait d'ailleurs été faite déjà par les anciens
41:1, Dial." XII, 8: Id aetum eltt, mihi erede, ab illo quiaquis formator uni-
verai fnit, sive ille deu8 et poten8 omnium, sive ineorporalis ratio ingentium stoïciens. Cependant lé fait de considérer la terre comme le maga-
operum. a,ltifex, sive divinus spiritua per omnia mmma ae minima aequali sin où se conservent les réserves de vie de l'univers, a augmenté
intentione diffuau8,. sive fatum et immutabilia eausalUDl inter se eobaerentium l'ilnportance de notre planète dans le système du monde de Sénè-
serie•••• q~e: ce géocentrisme n'a évidemment pas favorisé' une con~eption
418, Ep~,. 65, 23: Unive~a ex materia et ex deo eonstant. Deu8 iata tempe-
orI~ntée vers 1& transcendance de la divinité. -
rat•.•. Quem in hoc' mundo deus obtinet, hune in homiDe animul.
411 Dé pt:ovid., 5. 9: Non poteat artifex mutare materiam. - Sénèque
•.'6earte ici,. ..ou. l'influence du platonisme, du panlogisme de8 aneiens atoï-
eièns i; d •. Id. HEINzE, op. cit., p~ 138, surtout la note' 2. - La conception de
Chryaippe nous. est connue· par. Plutarque (Comm. not., 33, 10r6 C): eN. yciQ ii ye
Originaire de Phrygie,. où l'ap&tre Paul avait. apporté le message
v)."1. 'to. ~. È;. Éo.vri)ç, :ltU()ÉOX"Ixev.
418 De pro"itl, 6, 6:: Dieu, dit «Quia non poteram V08 istia (seiL malis) Illb·
de L'évangile, :Épictète est évidémment entré en contact avec la doc-
du cere, anim08' veatros ad\'eraua omnia arma\'i ». - Le problème du mal, tout ~e ehréti.en.n~: n fut conduit ~ Rome eolnme esclave d'Épaphro-
comme celui du libre arbitre, a ~~ de tout. temps la BOuree d'une des grandes anti- dIte et, pUJoSqu 11 y a séjourné pend.ant plusieurs années, il a pu
nomie. du système stoïcien, Cf. ED. BI;V4N, ~fQÏiçieM ~f 8oe,f~,"" tr~ L.
B4VPJWl, p. 45 BBq. 41. Nat. qUGed., II, 13 et 24.
15~

~es êxpressions indiquent que le solitaire de Nicopolis n'a pas iden-


admirer la patience surhumaine des martyrs, qui sacrifiaient lé\!!>
ne pour la foi au Christ. Sous l'empereur Domitien il fut banni tifié complètement l 'homme et Dieu, pas pius que Posidonius et
avec les autres philosophes et se retira à Nicopolis, en Épire, où Sénèque, qui ont égaleme·nt souligné cette parenté avec la divinité 423.
il groupa autour de lui un cercle d'élèves dévoués, auxquels il expo- Le germe de vie divine qui a été déposé· dans chaque homme, est
sait sa conception_ de la vie et ses maximes de morale f20. . appelé par Épictète, le mrEÜJ.I.(l ou leJ'tVEUJ.l.clnov. Il indique par là
La philosophie d'Épictète se caractérise par le même déBintéres~ comment il entend la nature ·de notre principe vital. Ce terme ne
sement à l'égard des questions purement spéculativeS, que nous se rencontre pas souvent sous sa plume, ce qui se' ·comprend aisé-
avons relevé ~éjà chez Sénèque. Ce scepticisme a brisé l'~n spon- ment puisque le genre de questions dans leque·l il devrait intervenir
tané de la pensée métaphysique et les philosophes sloiciensont n'intéresse guère l'auteur. Ce n'est qu'incidemment, à l'occasion dt':
renoDc6 aux constructions audacieuses qu'avaient élevées leS grands l'une ou de l'autre maxime de vie, qu'il en parle, sans faire le moin-
maîtres de la pensée grecque. Tous les efforts sont· centrés sur le dre effort pour en préciser la signification: ce terme sembit, dési-
problème de la vie, qui s'impose. constamment à notre attention et gner, avec une nuance de mépris, la substance de l'âme, qui est
que nous ne saurions pas éviter. C'est de ce point de vue qu'il faut considérée, selon la doctrine traditionnelle de l'école, comme un
comprendr~ l'insistance Bovee laquelle Épictète affirme une paren~ souffle chaud. Ainsi, en parlant· de la mort, Épictète dit qu'elle est
intime entre· 1'homme et Dieu: nous sommes des fragments déta~hes la séparation du corps et du J'tvEU! •.clnov : il faut bien, en effet, que
de la divinité; chaque homme porte en lui une parcelle de la divi- ces deux principes constitutifs de notre être soient séparés mainte-
nité présente en toutes choses 421. C'est que les hommes se sentent nant ou plus tard, car autrefois ils n'étaient pas non plus réunis;
de plus en plus perdus dans l'immensité de l'empire romain. TI en l'évolution périodique du monde exige que les âmes animent un
résulte qu'ils éprouvent de plus en. plus le besoin d'un Di.eu qui ne organisme pe·ndant un certain temps et qu ~elles· s'en séparent par
soit pas 'étranger à leurs préoccupations :et à leurs souffrances: la la suite 424. On n'est pas en droit de conclure de ce texte qu'Épictète
divinité d'Aristote, qui vit en dehors du monde sans même le con- était partisan de la préexistence des âmes: ce qui préexiste évidem-
naître, ne peut plus satisfaire les esprits; l'immanentisme des stoï- ment, c'est la substance de l'âme en tant que pneuma divin, mais
ciens est né de ce besoin et c'est sous l'influence de cette u·ndance elle n'existe pas encore en tant que conscience individuelle ou, pour
qu'il Se développe de plus t'Il plus. Cependant cette participation parler le langage d'Épictète, notre pneuma psychique n'était 'pas
à la substance de Dieu n'enlève pas. à l'homme son individualité eIi~ore détaché du pneuma divin, avant son entrée dans le corps 425.
et. son indépendance; c'est là 16 st·ns qu'Épictète semble attacher Nous avons vu, en effet, qu'il y a dans la philosophie grecque une
au terme àJ'tomtaaJ.1a: nous sommes des parties de Dieu tout en étant corrélation régulière entre la préexistence des âmes et leur survie
détachés de lui: car nous sommes vraiment principes d'activité libre après la mort. Or il semble bien qu~ la position d'Épictète sur ce
avec toute la responsabilité qui en résulte. Cette indépendanc~ est dernier point ~t beaucoup plus nette que celle de Sénèque et de
même· si grande que Di~:u ne connaît pas tous mes actes et tous mes Marc-Aurèle et qu'il a opté. décidément pour. la dissolution aussi
mouvements, précisément parce qu'ils me sont vraiment propres 422.
Épictète répète bien souvent que nous sommes de la parenté· de 423 Diu., I, 9, 13: Ne sommei-DOUS pas: cruyyeveiç 'fOü 9EOÜ xat È~iitrY
Dieu, que nous descendons de Dieu, que Dieu est notre père: toutes ilT)lV6al'f:V; - DiB••, l, 13, 3: Noua avou ·toua Zeus .eomme x~ et DOUS
lommes njç «ùriiç civœ&v xo.'ta.60lljç. Cf. Diu., 1, 1, 12; l, 3, 2; l, 9, 6 ete. .
420 1.LDRZroN, Histoire· du dol/me de la TrinitA, II, Paris, 1928, pp. 36-52. ~24 Diu., n,l, 15: 9uv~'toç d Èanv; f.LOQf.LOlwELOV. ~TQ~ aÙ'to "a'tuf'Uin,
421 Diu., II, 8, 11:· aù œtocmOOJAAl et 'tOü 9EOÜ; "'EXE"; 'fL i:v OEo.mcp JdQo~ (ôoü 7t~ oü Mxve,. To aWJ&4TLOV ôd XWQl.O"8iiva, TOU :tvwJ'U'tCou, &ç 7tQOl'EQov
. . .
btCvou. ÈXEXOOQLO'tO, " VÜV" ÜCJfEQOV. TL oùv c.iyavaxniç Et YÜV; Et yâQ J'Ta \'ÜV, ÜCJfEQOV•
. ~ DiB•• , l, 14, 6to.\ 'PUxo.1. fAÈY Wtcoç do1.v È'VôEl)E~VCn xu.1. ouvu.q>E'iç :tcp 9Eq, ALà TL; '[vu 1) XEQLOOoç Ù~TC1' 1'00 ~6cJf'OU~
~'tL o.Vroü tWQUl oùoo.t ,,0.1. WtOmtOOJAAlTu., crU 7tOVtOIj; Ô· o.VrOOv "LvTtJAAlToç aTl otxdou 4~ A. BoNBOFFER, Epictet und die St04, p. 53.
tw.1. CN~ () 9EOlj; o.ta6âvE'to.L.
1S1
bien de l'âme que_ du corps 428. P08idonius revendiquait la ~ie de iequei ils sont établis; dès que celui-ci recouvre sa tranquillité anw.
l'âme parce· qu'il la considérait surtout comme principe de cohé- rieure, ces qualités de l'âme réapparaissent également 428• Nous savons
sion: au moment de la mort, dù elld se sépare du corps, il n'y a qu'Épictète a partagé la conception de Zénon et de Cléanthe au
aucune raison pour qu'elle se dissolve comme le corps, car, tandis sujet de la cpavtaO"La: ill 'a conçue comme une TÛXOOO"I,Ç Èv 1PVX.ii Ut.
que celui-ci a pe-rc:1u son principe d'unité, elle ·Ie trouve en elle- L'image qu'il emploie ici montre assez bien la nature de cette
même. Ces considérations d'ordre physique ont disparu de l'hori- roncuO"tÇ : de même que les maisons qui se trouvent au bord d'une
zon philosophique. et elles ont fait .place 1 un évolutionnisme pessi- e·au claire, se mirent dans s~ surface .limpide, ainsi les objets exté-
miste: l'histoire du monde se résume dans des -agrégations passa- rieurs viennent se mirer dans notre pneuma psychique; il e·n résulte
gères et des dissolutions perpétuelles d'éléments matériels.: .Lva Tl é..videmment qu'ils sont influencés par l'état actuel de ce pneuma.
"EOLoÔo; àVlh}taL . Epictète fait don~ allusion ici à un a priori d'ordre ontologique, qui
Les représentants de l'ancienne école enseigliaient qu, ~otre pneu- détermine la nature de notre connaissance. Il en est de même des
ma psychiq"ue. se nourrit d'effluves du sang: c'est pourquoi· ils.le vertus et des dispositions que nous avons acquises à force de répéti-
considé~aient comme un "vriJW aVl.UPVtOV, contrairement·1 1a ,con- tions: un trouble passager de notre pneuma psychique peut les faire
ception de certains ~édecins qui faisaient dérivf.·r -notre souffle- disparaître momentanément, mais ils réapparaissent dès que le calme
vital de l'air aspiré, celui-ci ayant subi dans -1'organisme une cer- est rétabli. Il est intéressant de noter ici que le pneuma est considéré
taine épuration. A. Bonhoffer pense qu'Épictète s'est écarté sur ce par Épictète comme le substrat des vertus et des arts: ta :7tVEÜJA,a Èep'
point de la doctrine traditionnelle du Portique, parce qu'il nous o~ I::LO"LV ; cette conception diffère assez nettement de celle de Sénè-
parle avec un certain mépris du sang, le mettant sur le même pied que, qui définissait la vertu comme un :7tVEÜJA,a nroç Ëlov, c 'est-à-dir~
que le corps inanimé 427. Nous croyons que cette conclusion. n'est pas comme un état de notre souffle vital. Épictète ne considère pas ces
fondée et que la manière de parler-d'Épictète est due à son fata- vertus comme des manières d'être de notre pneuma, mais pluiôt
lisme pessimiste. Nous avons déjà noté plus haut qu'il fait montre comme les nOtOt1)tEÇ des anciens stoïciens, qui étaient conçues com-
aussi parfois d'un ce·rtain mépris à l'endroit de notre souffle vital. me des réalités corporelles.
le diminutif nVE'UJUltLOV, qui a été repris par Marc-Aurèle, en té- Les anciens stoïciens expliquent la sensation par un courant pneu-
moigne assez clairement. matique qui part de l 'hégéroonikon pour se diriger vers les organes
Ce pneuma psychique est considéré par Épictète comme le sujet sensoriels, p- ex. les yeux ou les oreilles; c'est là que le pneuma
immédiat de nos connaissances et de nos V(·rtus. Dans un de ses entre en contact avee l'objet extérieur, soit directement soit indi-
textes, il compare l'âme à un bassin rempli: nos cpaVtaoUlL sont com- rectement par l'intermédiaire de l'air qui est situé (·ntre l'organe
me l'éclat de la lumière qui y tombe; quand l'eau est en mouve- et l'objet en question: le courant pneumatique produit dans l'air
ment, cet éclat semble être mû également, bien qu'il ne l~ soit pas. ambiant une certaine tellBÏon, qui réalise le contact entre l'organe
Quand quelqu'un est plongé dans l'obscurité, les arts et les vertus et l'objet Épictète accepte' également I~ nécessité du courant pn:eu~
ne sont pas brouillés et confondus, mais seulement le pneuma dans matique ~mme messager -entre les organes et l'hégémonikon: il va
même plus loin, puisqu'il admet que ce courant peut dép~sser l'or-
4.26 A.. BONBOl'tu, op. cit~, p. 66-67: c Von der Ansehauung seiner Schula gane seDBOriel et entrer directement en contact· avec l'objet ext~
enttemt lich Epietet also nur dadureh, du. er den &hein von Unsterbliehkeit,
welchen die Stoiker noch beatehen lienen (T'lUe., l, 77) voUends zerstOrt hat. 428 Düa.-, nI, 3, 20: OtOv 'an la UxeM) 'l'OÙ Ua'tDÇ 'tOI.OÜ'tOV 1) ~, ·otov 1)
Die. wu von seinem Standpunkt au nur -konsequent; denn weil er ein selb- a1ÏyiJ 1) ~mO\HJ(l .'t<l» 00a't" 'tO&OÜTOV at fPUV'E'uoCc:u. -Oruv oUv 1"0 voo,Q XL'YI}{}fi,
ltüdigea Fortleben nieht andel'8 denn alI selbatbeWW18tes, peraonliehes bitte OOxei,œv xall) aVril XLveia&aL, 00 fdytOL xLvei~a... ~ MUV 'tOLVUV CJXO'tœDjj 't~,
denken konnen, BO musate er seinen IODstigenAnsehauungen gemisl ganz dar~ oüx al Ux;vœ xcd at clon-ai. cnryxÉovrcu., dllà 'to ~f.UX, icp' cW dcYLv. xa'tacf.c(ivtoç
auf veniehten ». ai xaitÉcnUtCII. xWœiva. .
421 BoNBOI'l"D, 0', cit., p. 45. 421 BoNBOITER, op. cit., p. 138.139.
Il
16:1
riem: ce pneuma souple et agile, qui va pour ainsi·dire tâter Itobj~ toujours la voie que la conscience ilidique comme étant la meil-
1& façonne d'apris son modèle pour en transmettre l'image l 1'h~é­ leure 484. Cette explieation matérialiste de l'activité de la volonté
momon 410. On ne peut certei pas dire que cette ~xp1ieation est n'est pas une innovation dans la philosophie du Portiqu<:: noua
moins mat6rialiste que celle des anciens maîtres de l'école. avons vu à plusieurs reprises que tous les· phénomènes de ia con-
On retrouve 6galement dans les écrits d'Épictète, 1& notion du naissance étaient expliqués de cette façon. Ce qui est plus signifi-
'tovoç, dont nous avons ·vu .. qu'elle est .en rapport direct avec la catif, c '~t que le sommeil est considéré comme une détente du
nature pne~tique. de l'âme: ·elle est un état. de tension, provenant :rovoç sensitif dans la région de 1'hégénionikon 435. Il·.n 'y avait donc
du mouvement incessant du pneuma allant du. centre lIa périphérie vraiment qu'un pas à faire p~ur expliquer toute activité volontaire
et inversement. Chrysippe avait déjl mis ce mouvement centrifuge comme UlIle tension matérielle d.e notre pneuma psychique. On
et centripète en rapport avec les qualités physiques des corps, c'est- pourrait croire à première vue que ce matérialisme intégral ne peut
l-dire avec la cohésion et l'étendue. Épictète y ràttache aussi la aller de pair a~c l'élévation de l'idéal moral qu'Épictète propose
fermeté dans les décisions: dans son chapitre,. plein d'ironie, S\ll" les et avec la profondeur de son· sentiment religieux. Q€'pendant nous
Pœ qui ne veulent jamais chanier d'avis, il parle du tcSvoç d~un avons constaté le même amalgame dans les systèmes de Posidonilis et
délirant, phénomène morbide de l'âme,. ;qui a besoin d'être traité de Sénèque: alors que le p~mier appelle l'âme un 8a(....oov, que nous
pour guêrir: œ sont là des ....avlXOL tOVOl, ou plutôt c'est de l' dto- devons suivre fidèltement dans la conduite de notre vie·, le secOnd
vw al. Épictète semble avoir principalement en vue l'obstination parle d'üne parcelle .,du souffle ·divin qui est immergée dans notre
entêtée avec laquelle certains hommes restent enfermés dans une con- corps. Si nous r€'neontrons les mênies expressions sous la plumè
ception de vie, même après avoir entrevu qu'elle n'est pas saine: d '~pictète 436, c'est que lui lion plus n'a perçu le lien étroit qui
en effet, quand l'obstination orgueilleuse s'ajoute à la ·pente natu- relie le caractère absolu de notre connaissance .et df: notre vouloir
relle de 1~âme faible vers le mal, .cette maladie pSychique devient à la nature inunatérielle de leur principe: puisque les stoïciE:IÏS
ingu&issable "1. réservaient toute activité âU êtres matériels,· ils ont conçu Dieu et
A cela s'oppose la tension saine et vigoureuse, n,tov·w : celle-ci son activité comme matériels (.t il n'est donc pas étonnant que l'âme
se caractérise par la fermeté sereine et inébranlable dans les déci- soit matérielle, tout en é14nt divine.
sions vertueuses. C'est pourquoi il est nécessaire <1:'eX8lD.Ï.D:er la. . Épictète ·nes 'appuie donc pas, comme Sénèque, sur l'éclectisme
nature morale de ce qu'on a décidé, avant de s'y cantonner 433 : cette de Posidonius: il marque plutôt un retour au matérialisme "intégral
MOVLa doit principalement être vigoureuse, quand les passions trou- de l'ancienne école.. C'est pourquoi il a abandonné également le
blent le calme de la vie: il est bien difficile, dans ces cas, de suivre dualisme platonicien· que le "-philosophe d'Apamée avait introduit
.dans ~n système 43~•• Aussi, quand il parle de ce qu'il y a de plus
480 Diu., II, 23, 3: dxii oW 001.;' 9sOç Ocph1fA.OiIç Éoo,xev, elxj mreü~
~ o.lrtotç cM(OÇ toxuQOv ml cpllOn:xvov, mene fUlXQàv È;LXVoUJ&nOV clva.- 434 Dia., IV, l, 141: xo.C'tOI. 'tchr tt!v {,x' ÉQon'oç üvo.yxa~o~ 't1.,,0t.e1v "CIQà
J.Uio<O>EoDw. 'to"ç mouç 't00v ;'QCI)pévrov; <?mt> notoç uyp:'J..oç cM-~ ~ùç 'to cpclLv6JŒYOV ~ cif'U I&èv 6Q<iM0. 'tOtÏl'ELVOV, ÜJ.&o. 3' oüx isevtoVOÜV'ta. Oxolou--
ml hLt&d:~ç ; iHiC1CU cMcP ln t.&ciUov ü., 'tLÇ avyyvcÎlf.L1)C; ~wv {,xoM6oL, ci", mo 'tl.voç fJUIiou
8

411 Diu., II, 15, 2: dllà "Qcinov Vy~ dVUL 3t:t 'to uxQ"Jlivov. e~ ydo dva.1.
'r~ I:v cJ(.Otul'tL, dU' ~ VyuUVOVfL, 00ç ùitÂown· âv ai f'Ol. q>()EVL'tLXOÜ 'tOvO\1Ç
h&UMin[ç] KU' cUa.~oveVn h' a.1'1Totç, ËQro GO"OTL uvftQCI)ne, ~1}"tE:1. 'tOv ~ro.
.5
ka.t 'tQÔ:rrov 'tLvd 9dou ~'feCJX1)Jdvov.
DIOO. LAo, vu, 158: Tbv 3è ~ ·yLvecritu.. lxluof'ivou 'l'OÙ o.tofh}'I'uwO
't6vou "eqi. 'to "'Y2f.LO'Yt.XÔV.
.

CJOVfQ.. Toiito OW dol. 'tOvOL, cUl' ù'tovw.. - Cfr. DiB,., II, 15, 17. 4S4I Diu., I, 14, 12; In, 22, 53.
432 Diu., II, 15, 20: O\TrCl)ç mi. ~ç "",xii, MOU J1ÈV x).(WI. ci&l)lov lxel.· 431 Stein (op. cit., p. 200) pr6tenc1 qu'Épictète a repris le dualisme psyeho-
cnuv &1 xaL 'tOvoç "QoaO 'tep x).(tulTL 'toVrlp xat TÙ CPOQ~ 'tOte yCVlTUL JO xaxov logique de Posidoniul, ou qu'il a tout au moine h6sitê, comme ~nèque et Marc-
ù6cn1ih)'tov mi. ùcteQWu:vtov. Aurèle, entre le mOnUme et le dualisme. - BonhoUer (op. oit., p. 92-93) .'est
a, Diu., II, 15, 8: 06 9U.eLÇ Tilv ÙQxitv cnf)oo... "o.i. 'tov gepiÀl.ov, 'to XQ'ip,U oppos6 l bon droit 1 cette thàee, qui, d'après lui, ne peut se r6cla.mer Mrieuae-
~ ncneQov Vydç fi 06X Vyt.iç, mi. WcCI)Ç ).o""Ov o~o&J.W1., o.\nq, "",,v men~ que d'un seul passage (Du•., IV, l, 84); celui-ci doit d'ailleurs être
w'tovw.v, ri)., oocpUMwv; - Ct. Di••., II, 15, 19. . interprétê dans le sena de l'ancien stoieiame.
MARC-AURtLE 165
lM tt STé)JCi~
Dieu. Comme il ressort de l'analyse que nous avons faite il est
~lev6 dans l'homme, il ne .'agit pas là d'une partie distiDetè et.
I~parée mais d'une manière d'être qui embrasse la personnalité· tout
même parfois assez dUficile de dégager l'opinion exacte qu a en- ,il
seignée, et quand on y parvient on ne sait pas encore. comment il
entière : cette expression a donc Une signification abstraite et allé-
l'a fondée, ni surtout, s'il l'a fait. D'autre part, il y a dans la philo-
gorique 438. En réalité notre pneuma psychique est purement maté-
sophie de ce solitaire un pes.'Jimisme sombre: il suffit de lire ses
riel, sans qu'on puisse dire toutefois s'il est composé des deux élé-
sentences sur la brièveté de la vie et l'attitude qui s'impose devant
ments supérieurs et actifs ou s'i! est constitué d'une substance supé-
rieure .ux quatre éléments 431.
la mort, pour s'apercevoir dc ce fatalisme aveugle devant les coups
les plus durs de la vic. Toute sa philosophie se résume dans cette
attitude d'acceptation et de raidissement en face des perspectives les
••• plus sombres de l'existence humaine; Ces deux tendances, qui sont
caractéristiques de sa pensée, n'étaient évidemment pas de nature
à le pousser vers des conceptions plus spiritualistes.
Un -mot pour eonclur~. La pneumatologie d'Épictète est tris tra-
ditionnelle. n "emploie le terme :rcVEÜJA,Œ dans le sens que l'ancienne
école stoïcienne lui avait déjà accordé; son explication de la con-
8. MARc-AunÈLE.
naissance sensible est tout à fait dans la même ligne, et sa notion
du TOvoç, dont il se sert pour expliquer la fermeté de nos décisions
Les pensées que l'empereur Marc-Aurèle a écrites pour lui-même
volontaires, n'est qu'une application des principes traditionnels de
(Ei.ç ÉauTÔV)r ne nous donnent pas un exposé systématique de sa
l'école. D'autre part, au lieu de continuer dans la voie ouverte par
pensée ph~losophique: ce sont des réfle'Dons décousues, sur différents
Cléanthe et Posidoni:us qui, par l'introduction d'éléments platoni-
sujets qu'il notait le soir quand il s'était retiré seul dans sa tente
ciens,préparaient la spiritualisation de notre principe vital,·il a
prétorienne pour méditer sur le sens profond de la vie humaine et
plutôt repris le matérialisme i~tégral de l'ancienne école. La pensée
décbüfrer l'énigme de notre destinée. Il y a cependant sous ces
d '1;pietète constitue donc plutôt un pas en arrière dans l'évolution
pensées éparses un système unique, qui soutient les rêfle'xions sur
que nons avons prise comme objet de notre étude. C'estqùe, d'une
les dUférents sujets et qui est sous-jacent aux diverses doctrines
part, la pensée d'Épictète n'est pas du tout métaphysique; il n'a
qu'il y expose: nous n'entendons pas seulement par là des thèmes
pas véritablement scruté les problèmes de la nature de l'âme et de
qui reviennent constamment, comme la providence des di€"ux l'ac-
. ' .
ceptatlOn de la mort, la condescendance à l'égard du prochain, mais
418 Diu., II, 18, 19: il faut c xu&ut~ ymaf}u1. f4t'à xo:(tG.QOü c:K1VtOÜ xui fAEtà
'tOü geoü c. une armature métaphysique qui sous-tend· le système éthique qu'il
439 Nous acceptons avec A. Bonholfer (op. cit., p. 43) que les stoïeiens, tout ' 1oppe' 440. 0 r ce soubasS€·ment, sur lequel s'appuie l'édifice
a deve
en niant théoriquement 1Yexistenee de la quintessence aristo~lieienne, ont de sa pensée, n'est pas le stoïcisme tel qu'il a été enseigné par les
introduit réellement dans leur physique une quinta Mtura, au-dessus des quatre
représentants de l'ancienne école, mais un mélange éclectique d'élé-
éléments. Ainsi noua avons dit plus haut que le pneuma de Zénon et de
Cléanthe li 'identüie en sOllllne avec l'éther d 'Aristote, puisqu'il dépasse les ments stoïciens avec des doctrines reprises au platonisme et à d'au-
autres êléments. On ne peut pas en dire autant, croyons-nous, des stoïciens tres écoles philosophiques. Ce mélange d'éléments hétérogènes ne
postérieurs: le pneuma psychique de Chrysippe et de Panétius est incontesta- facilitera pas l'analyse que nous essaye·r~ns de faire, pour déter-
blement un composé d'air et de feu, ~t bien que ces deux philosophes insistent miner avec précision la pneumatologie de l'empereur-philosophe.
sur sa subtilité, ila lui ont fait perdre en réalité son rang privilégié et ils
l'ont fait descendre au niveau déS quatre éléments. Nous avons pu conclure,
440 Kever JlGrou .ÂureZiU8 .Ânt. 00" trich .eweft., vertaald door Dr. A. VAK
avec une certaine probabilité, que Posidonius ne s'est pas écarté de cette
. DER HEGGI!: ZUNE..'l', Philolog. Stud., IV (1932), Teksten en Verhandelingen,
voie et qu'il a été suivi par Sênèque. Nous ne voyons donc pas d'où vient l'as-
surance de Bonhoffer, qui 'carte catégoriquement la conception d'après la-
5 en 6. - La persounalité de Mare· Aurèle est bien dessinée par V. Delbol,
p:
Fi,gure8 el dOOtrirw:6 tH' philosophes, Paris, 51-94.
quelle le pneuma psychique d'Épictète serait compoH d'air et de fe~
166 LE 8TOICI8ME MARC·AUR:~LE 167
llarc-AurèIe accepte dans sa psychologie une division tripartite de désigne toujours un souffle matériel. Si, dans la signüication maté.
l'l1omme. La terminologie dont il se &t·rt pour désigner ces trois rielle de ée terme, les anciens stoïciens ne voyaient pas d'obstacle à
parties constitutives, n'est pas strictement fixée: cela résulte de la l'employer pour désigner le principe des activités supérieures de
nature d~ ses écrits. Cependant la seconde partie, qui constitue le l'homme, e 'est que leur empirisme grossier leur faisait concevoir
lien entre le corp~ et l'inteUigence, est généralement indiquée par l'acte de la connaissance comme un procédé de rt'production maté--
le diminutif mEUJ.LCÎtLOV 441. TI n'est pas douteux que cette trichoto- rielle.
mie a été influencée par le platonisme, de &Orte que le pneumation Il y a, dans les parties constitutiV'ts -de l'homme,. une certaine
de Marc-Aurèlé répond à la partie irrationnelle de l'âme humaine,- gradation en ce qui re~arde leur relation avec le moi. Ainsi' Marc-
tandis que le voü~ ou ""YEJ.LOVlxclV coincide avec la parti~ ration- Aurèle nous parle du XEQlKElJ1EVOV <JOL <JOOJ1Œ'ttOV: le corps est une
nelle. On peut se demander pourquoi Marc-Aurèle a réserVé le terme espèce d'enveloppe dont nous devons prendre soin; il n~)u8 entoure
technique dont se serv€nt les stoïciens pour désigner notre principe comme un manteau (XEQuœlJlEVOV ). Notre principe vital est déjà
vital, à la partie inférieure -de l'âme et non pas à l'intelligence. La dans un rapport beaucoup plus étroit avec le moi: Marc-Aurèle
raison en paraît être dans l'évolution de la doctrine du pneuma l'appelle un aUJ1q>u'tov XVEUJ1ŒtLOV, expNSSion traditionnelle dans
dans la science médicale et dans la philosophie du Portique. En l'ancienne école. Enfin le noyau de notre personnalité, le moi pro-
effet, ce terme avait gardé au cours des âges une signification assez prtment dit, c'est l'hégémonikon ou la partie qui gouverne notre
bien délimitée, qui paraît difficilement applicable au noyau le plus vie, l'intelligence 443. Il n'y a vr~iment qu'une seule partie de nous-
profond de la personnalité humaine, même dans un système maté- mêmes où nous soyons les maîtres absolus, c'est la partie' principale:
rialiste. Les anciens stoïcicns définissaient le pneuma Psychique celle-ci nous appartient au sens plein du terme. « Si le tourbillon
comme une exhalaison sèche, qui se dégage continuellement du sang: t'emporte, qu'il E·mporte ton corps, ton souffle, tout le restel Ton
- ils ont été amenés par là à· accentue-r tellement la connaturalité de intelligence, il né l'emportera pas» 444.
notre souffle vital avec le corps, que le pneuma ne pouvait plus Le pneuma psychique de Zénon était une étincelle d'un feu supé--
guère être considéré comme le centre de la personnalité humaine, ritmr à celui qu'on trouve sur la terre, car il est -apparenté à la
qui accuse une ce·rtaine indépendance à l'égard des opérations pure- nature ignée des astres. Plusieurs de ses successeurs" n'ont pas
ment physiologiques de notre organisme. Marc-Aurèle a accordé au respecté la _simplicité de notre souffle vital et sa supériorité par
pneuma sa signification traditionnelle 442 et, par là même, il pou- rapport aux quatre éléments. Depuis Chrysippe on admet assez
vait düficilement lui attribuer les fonctions supérieurES de l'intel- généralement qu'il est composé des deux éléments supérieurs, l'air
ligence: c'est que, au cours des âges, on avait mieux entrevu la dif- et le feu. C'est à cette opinion que Marc-Aurèle s'est rangé égal~
fér€·nce essentielle qui sépare les fonctions organiques des activités ment: « Ton souffle et toutes les parcelles de feu qui te sont incor·
supérieures de l'âme. Sénèque parle déjà d'un « sacer spintus» et porocs, bien qu'ils aient une tendance .naturelle à s'élever, se con·
Posidonius avait substitué le terme ôa(J1oov à celui de pneuma, quand forment cependant au plan général de l'uirlvers et se maintiannent
il s'agissait des fonctions supérieures. C'est pourquoi le vO\;ç devait à leur plaee dans le composé < dont tu es fonné:> »445. - «Vois
posséder aux yeux de Marc-Aurèle un privilège inconkstable sur le aussi ce qu'est ton souffle: du vent et non pas toujours le même,
nVEÜJ1a, en ce sens qu'il se rapporte directement à l'activité intel- car à chaque instant tu le rejettes pour en aspirer d'autre à nou·
lectuelle (VOELV), dont l'évolution de la pensée philosophique avait
mieux fait entrevoir les caractères propres, alors que le pneuma "3 V, 33, 6: ·Oao. &è mO; .oorov 'toü XQea.6Cou xa1 'fOÜ 2tVEVf'4'tCou 'tU'Ü'tCl
~t'viia6œ l'tlU oà. Ona. Jlt}'te bel CloL
441 xn, 3, 1: ToLo. Èadv È; Jw 0'1J'Vi0Tl'\~. Clco,w'nov mrev,w'tl.OV, voüc;. - "4 XII, 14, 5: xciv nEQt'fÉQU CIe 0 ùv&w, nUQUCpEQÉ'tco 'to CJa.QXŒLOV, 'to mro-
II, 2, 1: ·0 'f( non 'foVtO dJlL, oaxoUx lad. xa.t m'E\I.,wnov xat 'f0 1)yEf'OVLXOv. JW'tLOV, 'tcU1cJ, 'tOv YÙQ vow où nUQowEL. - Trad. A.. L 'l'R4NNOY, Paris, 1925,
'42 V, 33, 4: a.,no 8è :to qroxci.oLOV, dva.ih.lf.lLa.o"Ç dcp' a.tf.la.'t<X;. - Vl, 15; p. 138.
-i] ù'f' a.lflU't<X; dva.ih1JlLa.o'S. i45 XI, 20, 1; trad. ~ L TnAN1fOY, p. 13l-.
168 LE 8TOICISME MARC-AURtLE 169
Teau" '". Mar-;-Aurèle a donC adopté la doctrine de l'éeOl~ médieale idées platoniciennes. En effet, les anciens stoïciens admettaient éga.
des pneumatistes, d'après laquelle notre pneuma psychique a besoin lement le caractère divin de notre principe vital, Ir ais ils n'y fai-
d'une double' nourriture: l'air aspiré du dehors et les effluves du saient pas de distinction. La limitation de ce caractère divin à .la
sang. ~ qui est nouveau, c'est que l'union de l'âme et du corps partie supérieure de l'âme est d'origine platonicienne. On peut se
est plus ou moins :violente et qu'elle ne peut être inaintenue que par demander. maintenant si la distinction nette que Marc-Aurèle a in-
l'ordre de l'univers; c '(st là incontestablement la traduction stoï- troduite entre le pneuma et l'intelligence, ne l'a pas amené à ad-
cienne de certaines conceptions platoniciennes. mettre l'immatérialité du voüç f Nous verrons plus loin que Philon
Puisque le pneumation n'occupe que la .seconde place dans la d'Alexandrie a été conduit par ce chemin à c.oncevoir le pneuma
hiérarchie des parties constitutives de 1'homme, Marc-Aurèle parle comme un principe immatériel; par contre, Posidonius et Sénèque,
assez dédaigneusement de ce principe matériel 441. AOll1Oç yciQ ~Laq>­ tout en accentuant l'opposition entre 1&. partie supérieure €t la par-
-&oQà ~lavow~ "ollil> yE pWJ.ov ~"EQ f) fO'Ü "EQl?ŒXUflÉvou 'tOUfOU tie inférieure' de l'âme, n'en ont pas moins enS€·igné le caractère
mWl1a't~ fOLd~E fU; 3ud'XQaow ?CaL 'rQOm] 448. Ce texte est impor- matériel des deux. Or il se·mble bien que Marc-Aurèle ne s'écarte
tant, 'car il exprime très clairement la déchéance du pneuma: celui- pas de la conception de ses prédécesseurs stoïciens: c'est l'opinion de
ci se distingue nettement de l'intelligence, qu'ii entOure comme un L. Stein 450. Cet historien de la philosophie fait remarquer qUE: Marc-
manteau: les néoplatoniciens parleront d'un oX'll1a ou "EQL6J.:rllla Aurèle insiste à plusieurs reprises sur l'unité de l'âme (t l'oppose
de l'âme, une réalité intermédiaire entre l'intelligence et le corps. au corps comme un principe constitutif un: c'est pourquoi il admet
Si Marc-Aurèle parle avec quelque mépris de notre Bouffit· vital, que la substance dt: l'âme et du voüç est la même, à savoir un souffle
il insiste d'autant plus sur le caractère divin de notre intelligence: pneumatique.
celle-ci est appelée pllis d'une fois une émanation de la divinité Nous croyons que cette solution requiert certaines précisions:
(àxoQQola). D'autres textes sont encore plus explicites: ils disent
clairement que le vo'ü~ de chaque homme est Dieu 44i. Les mêmes a) il résulte de l'examen que nous avons fait, que le terme mrE'Ü ....a
expressions que nous av~ns rencontrées chez Sénèque et Posidonius ou xvEU ....'Înov est,employé par Marc-Aurèle pour désigner, non pas
et que nous retrouverons chez Philon d'Alexandrie, reviennent ici: la substance de l'âme, mais le principe vital, qui est intermédiaire
il y a daDs cette conception un amalgame de stoïcisme avec des entre le corps et l'intelligence. Ce pneumation est un composé har-
monieux des deux éléments supérieurs. Nous ne connaissons aucun
448 II, '2, s; trad. A. L TRANNOY, p. 10, texte où Marc-Aurèle se servirait du terme n:vE'Û ....a pour désigner la
441 IX, 36. substance du vo'Ü;.
448 IX, 2, 4: Voie! la traduetion de ce passage faite par A. J. Trannoy:
b) Marc-Aurèle insiste beaucoup sur la parenté intime qui existe
(op. cit., p. 98) «Je donne le nom de peste IL la eorruption de l'intelligence
bien plus justement qu'A l'infection et A l'altération analogues de l'air respi- entre l'intelligence et Dieu; mais cette parenté n'est pas étendue
rable qui noul entoure ». Cette traduetion est évidemment fautive: l'auteur par lui à la partie inférieure de l'âme humaine.
Il 'a pas saisi le sens spéeial du terme m'EiifU1: cette opposition entre l'intelli-
gence et l'air respirable qui nausentoure n'a vraiment aueun sens. Nous pro- 450 L. STEIN, op. ml., p. 202, Do 421: c Wenngleieh Mark Aurel von drei
posons la traduction suivante: c Car le nom de peste est aceordé beaucoup plus ToUen der 8eele sprieht••• so fehlt es doeh aueh' nieht an Wendungen, die auf
justement A la eorruption de 1 'intellig~nee qu'A l'infection et A l'altération eine Einheitliehkeit der' 8eele hindeuten, wie 'z. B. der olten wiooerkehrende
analogues de ce souffle vital qui entoure (notre intelligence) ». Ausruf: JlCa.1I"'Xl1 (IV, 4, 21, 29, 40; IX, 8); aueh wird die 8eele kurzweg
448 Il, 4: ~et ~è Ti&rl :n:od o.la6ia{}al dvoç xooJWU ~Qoç El XCIi. TLYOÇ ÔLOL- dem Korper aIs Einheit gegenübergestellt, IV, 41; VI, 25; 29, 32; VII, 16;
xoWroç 'tOv xOOfWV à:n:O()()OI4 wÉO't1lç. - XII, 26: on 0 ÉxUatou voùç SEO<; xat X, 38; XI, 3 und XII, 1. Daran ist meht zu zweifeln, dass Mark Aurel wenn
iXEiatv ÈQ()UT)xe. -V, 27: ~\I~ii 6è geotç ;, mrYEXô)ç 6ELXVÙç o.Vtoiç rl]v Éa\l'toii er überhaupt vo~ und ~ seharf gesondert hat, in altstoiseher Weise beiden
~v tÏQEOXOf1Év'1V tdv'toiç MOVEfW..,ivOLÇ :n:oLOÜoav 6i, oCJO. floûlnw;' &r.LJUOV, Seelenteilen dieselbe Grundsubstanz, das luftartige Pneuma zu Grunde gelegt
av ao.c1'f(p 1f()ocnu'tt}v xa" 'Ï}yE.wva ;, .ZE'Ùç Ë6roxEV à:n:oo:n:a.aJ'u Éa.\l'foii. om~ 6t bat. Vgl., II, 2; IV, 3, i5. Dieses Bee1enllueuma ~t zw~~ korperhaf~, aber <loÇb
icn,v ;, Éxuo'tou voü~ xai ).éryo~. - Il, 1; Xl, 19. p~çM siehtbar~ XII~ 28 »,
170 LE 8TOICIBME MARC-A URt"LE 171
c) Mare-Aurèle ne dit jamais que le YOÜÇ est périssablep f t CJu'i}.r divinité, bien qu'il ait adopté les lignes essentieUes. de la théologie
affirme très clairement dupneumation 451, ou bien de l'âme, ou bien stoïcienne; en effet, la divinité est conçue comme u!le force imma-
du composé humain tout entier. Dans tous les textes que Bonhoffer nente, qui pénètre la réalité tout entière, pour faire jaillir la vie
eit.e 'au sujet de ee problème 462, il n'est pas question de l'avenir et produire un ordre harmonieux dans le monde: certains êtres. sont
de cette partie supérieure de l'âme humaine. Mare-Aurèle parle de transformés, tandis que d'autres. naissent. Mais cette force imma-
l'avenir du pneumation et du composé humaine, mais il n'aborde nente n'est pas appelée xVEVJLa; dIe es~ désignée par le terme <pualÇ.
pas la question du 'Voilç.
Si Mare-Aurèle n'aborde pas cette question, n'est-ce pas paree·
qu'elle ne se posait pas pour lui! Si l'intelligence, en effet, 8'iden- •••
tüie· avec .la divinité, qui continue d'exister éternellement malgré
la conflagration périodique du cosmos, il est dénué de sens de se Nous pouvons donc conclure au sujet de la pneumatologie de
d€mander si oui ou non le 'Voil~ est impérissable. ·La. question de Marc-Aurèle:
·la survie· personnelle après la mort présuppose évideÏnment une cer-
1. Le XVEVJ1Œ a acquis da.ns le système de l'empereur-philosophe
taine opposition entre l'âme et Di€'1l. Dans le système de Mare·
une signification assez neuve: il ne désigne plus l'âme tout entière,
Aurèle le problème de la survie après la mort devrait être énoncé
de la façon suivant€': est-ce que le voilç est .suffisamment indépen- mais la partie inférieure de 'l'âme, c'est-à-dire une réalité intermé-
dant à l'égard de. la divinité pour mener après la mort de l'homme diaire entre l'intelligence et le corps: ce pneuma est conçu comme
une vie individuelle et pe,rsonnelle f Marc-Aurèle donnerait à cette une enveloppe du voüe; et forme pour ainsi dire le pont entre c€s
question une réponse négative: après une certaine période d'indé- deux parties constitutives du composé humain. Il n'est pas probable
pe-ndance relaÙve; le voil~ est résorbé dans la substance de la divi- que Marc-Aurèle, soit l'auteur de cette innovation; d'ailleurs on en
nité. Ainsi nous 'rejoignons dans leur teneur matérielle les ·conclu- trouve des traoos bien avant lui chez Plutarque et dans la iittéra-
sions de L. Stein et de A. Bonhoffer 4~, mais la signüication for- ture hermétique: n'est-elle pas plutôt d'inspiration posidonienne f
melle que nous y attribuons est bien düférente. La question de la Nous reviendrons sur cette question dans une analyse ultérieure,
destinée du voile; après la mort n'a pas été abordée par Marc-Aurèle, quand nous disposerons de plus de données pour résoudre ce pro-
parce qu'il considère le voil~ comme une parcelle détachée de la blème.
divinité éternelle. C'est pourquoi nous pensons que cette parcelle 2. Le fait que le xvEiiJ.la désigne uniquement la partie inférieure
divine est d'une nature plus subtile et plus pure que le pn€'uma- de l'âme, a fait subir à ce· terme une certaine déchéance: en effet,
tion: alors que ce dernier est un mélangt· harmonieux d'air et de si Marc-Aurèle s'est refusé à l'appliquer à l'intelligence humaine,
feu, le premier serait plutôt constitué exclusivement de l'élém€'nt c'est qu'il attachait à ce terme une signification matérielle qui ne
igné. s'accordait pas avec la subtilité du voil~. Ce pneuma psychique est
Nous trouvons une confirmation de notre thèse dans le fait que un composé d'air et de feu dont le mélange harmonieux assure un
lIare-Aurèle ne s'est pas servi du terme xVEVJ1a pour· d&Jignt'r la fonctionnement sain et non;nal de l'organisme humain. Au moment
451 VIII, 25, 4: 'toVtœv ow tœJ1viiaDw. on Baio!1. 'l'tOI. ouOOoDiiva.. 'to auy-
de la mort ces éléments s'éteignent ou se dispersent pour entrer
"-Q''''ci'tLOv oou 'l 06EcrlHivUL 'to mtu~'t1.O'V 1«lt cillaxoü 1«l'tu'tuxiHlvô.... dans la constitution d'autres êtres. Le pneuma n'occupe donc plus
452 A. BONBOlTER, op. cit., pp. '59·62. la première place dans la hiérarchie des substanceS, comme chez
453 P. 61: «'Obrigenl verhiilt sieh Mark Aurel aUen diese~ Mogliehkeiten Zénon et ch~z Cléanthe; il y a maintenant au-dessus de ce souffle
gegenüber (1L savoir: OXEOOo..,oC;, 06ÉOLc; et f'E'tcicna.CJLc;J skeptiseh: Un innersten
vital un élément plus pur, plus subtil, plus igné,· qui est la 1J\lb$tanc~
Gronde ist ibm die stoisehe Ansieht von der Endliehkeit des Lebens und der
IOfortigen oder spiteren V"rnichtung der Souderexistenz am Uleisten spnpa- du voilç et de la <pua~ divine.
thiteb». Cf. V. D~, 0'.
cit., p. 91.
172 LE 8TOICIlDŒ éONcLÛSIONS i73
àinorphe, dont la' plasticité est moins parfaite que celle de la ma-
CONCLUSIONS. tière aristotélicienne. Il faut noter cependant que le Stagirite parle
également de la résistance de la matière au ~t)J1LOUQYOÜV et même à la
Avant de terminer ce chapitre, nons voudrions grouper ici les xatà to d~oç CP"O'LÇ. C'est qu'il ne se sert pas toujours du terme
conclusions de notre étude du pneuma dans l'école stoïcienne: ü'.f) dans ]a signification s'rickment métaphysique de principe
a) D'une façon générale la signification du u·rme pneuma s'est
indéterminé déterminable, mais qu'il lui attribue bien souvent le
maintenue durant toute l'évolution de la philosophie stoïcienne: il sens courant d'une matière déjà constituée dans son être propre,
désigne premièrement la substance de notre principe vital et puis- mais qui sera transformée par l'activité d'une cause efficiente.
que celui-ci est conçu comme une parcelle de la divinité, le p~'1lma Enfin le pneuma de chaque être est considéré par les stoïciens
désigne égalelllent la substance du dieu immanent des stoïciens; le comme une parcelle de l'âme du mon d€:, qui est identifiée avee la
..pneuma pénètre la réalité tout entiêre,puisqu'il est l'âme du monde divinité. n en résulte que i 'individualité de chaque être est forte-
et que cehii-ci est considéré comme un organisme gigantesque, animé ment diminuée dans le système stoïcien: chaque être est une parti-
par un souffle divin. n en résulte que le pneuma est le principe cipation directe et immédiate de la perfection divine. - Il n'en
d'unité pour le cosmos et qu '11 est cause de la cohésion de chaque est pas ainsi dans la pensée d'Aristote: l'essence n '(st pas un fluide
être particulier. Pour les plantes, les animaux et les hommes, le répandu à travers le monde, elle est vraiment propr€: à chaque être
pneuma est la source de toutes ies manüestations de la vie et des particulier; aussi les catégories du Stagirite .ne sont que des classi-
multiples activités que ces ~tr€s déploient. Touu perfection définie fications logiques d'êtres réels, qui, tout en appartenant à une
dans le monde doit donc être mise au compte du pneuma, puisqu'il même catégorie, conserven~ indiscutablement leur physionomie pro-
n'a devant lui qu'une matière amorphe et plastique. pre et leur individualité. 11 ne serait donc pas €-xact de considérer
Ainsi le pneuma remplit dans le système stoicie·n à peu près le le pneuma- des stoïciens comme un équivak-nt de la cause formelle
même rôle que la cause formelle dans la pensée d'Aristote. Cept'D- d'Aristote: on reconnait dans ces deux termes l~s traces de· ia dif-
férence profonde qui sépare les deux systèmes de pe'nsée.
. dant on aurait tort d'en faire des synonymes: en effet, le nVEÜJ1a
désigne la substance de notr(' principe formel, aiors que le tO te fi" h) Le' caractère matériel du pneuma s'est maintenu également
Elval. se rapporte aux caractères essentiels d'un être déterminé. durant tout le développement de la pensée stoïcienne: le terme dé-
C'est que la ~étaphysique d'Aristote est basée sur des analyses signe ou bien une substance ignée, extrêmem('nt subtile, qui est
logiques de concepts, alors que la physique stoïcienne s 'inspire di~ec­ au-dessus et à l'origine des quatre éléments, ou bien un composé
tement de doctrines médicales et biologiques: ainsi la nuance expri- harmonieux des deux élément'i actifs, l'air et le feu. Tons ]cs stoï-
mée par le terme "VEÜJ1a diffère nettement de Ce que désigne la ciens ont affirmé avec plus ou moins d'insistance la subtilité et la
cause formdle d'Aristote. Ensuite l'activité du pneuma est, d'une mobilité de cette substance, mais aucun d'eux ne s'est dégagé de la
part, plus étendue et, d'autre part, plus limitée que celle de la conception d'une matérialité univ(-rselle qui _arrête l'essor de la
cause formelle d 'Aristote. Elle est plus étendue, parce que 'la cau- pensée stoïcienne, enfermée le plus souvent dans un empirisme gros-
salité du pneuma n'est pas purement formelle, mais aussi efficiente; sier. CE..rtains philosophes du Portique, tels que Cléanthe, Posido-
elle est plus limitée parce que ·la cause formelle li'a devant elle nius, Sénèque et Marc-Aurèle, ont été influencés par le dualisme
qu'un principe indétermin'é déterminable, qui n'oppose aucune rési- psychologique de Platon et ont préparé les- voies à des conct·p·tions
stance à sa causalité. Or il n'en est pas ainsi de la matière stoïcienne: plus spiritualistes. Cependant le m'EÜJ1a ne semble pas avoir profité
bien qu'e~le soit chaotique et amorphe, elle est positivement un prin- de ce-tte évolution. Au contraire: nous savons que Posidonins se ser-
cipe d'imperfection, qui, par la résistance qu'elle oppose au Dieu vait du terme ~a(fUIlv pour désigner la partie supérieure de i 'âme
créateur, explique le mal et la souffrance dans le monde .Le pn€uma humaine, tandis que Marc-Aurèle réservait le te·rme ""ElJJ1anov
.divin ~e trouve entravé dans une cert~iJle JDesur€' par cette matière à cette réalité intermédiaire qui constitue le lien entre lE' corps et
11 StOIoISld
rintelligenee. Les stoïciens les plus spiritualistes ont donc rejeté
le vocabulaire de leurs prédécesseurs, quand il s'agissait de traduire
leurs idées originales en matière de psychologie et de théologie: le
fait qu'ils ont écarté le terme nVEÜJ1Œ pour désigner la faculté
rationnElle, indique suffisamment que ce mot avait pour eux une
signification tout à ~ait matérielle et qu'il demeurait lié 'au maté-
rialisme grossier de leurs prédécesseurs, dont ils essayaient de se CHAPITRE II
libérer dans une certaine mesure. .
- den 'est donc pas à l'intérieur de la philosophie stoïcienne que LES ÉCOLES MÉDICALES
le pntmn& a acquis sa signification spiritue}1e. Le ""EUJ1anOV de
Marc-Aurèle est· tout aussi matériel que le mWJ1Œ de Zénon: au
eontrai~, le pneumade Zénon n'est qu'une traduction stoïcienne Nous abordons un nouveau domaine du savoir, où nous retrou-
de la quintessence d 'Aristote, alors que le principe vital de Marc- vons, sous une forme moins élaborée sans doute et plus proche
Aurèle Est un mélange d'air et de feu. La position de Marc-Aurèle encore de l'expérience immédiate, la notion du pn€uma. Cette .coïn-
serait donc, sur ce point, d'un matérialisme pIns grossier. Nous de- cidence des sciences médicales avec la pt:·nsée stoïcienne n'étonnera
vrons chercher ail:leurS pour découvrir le sens et la raison de personne, puisqu'on s'est rendu compte, au début du chapitre pré-
l'évolution de cette notion philosophique. ~éde·nt, de l'origine médicale de cette notion: nous avons vu que le
pneuma est au centre des doctrines scientifiques de l'école hippo-
cratique de Cos, ainsi que de l'école sicilienne: c'est surtout _avec
cette dernière qùe les philosophes du Portique offrent des accoin-
tances frappantes. Nous avons exposé les doctrines de ces écoles, non
pas dans le détail, mais .uniqueIOOnt .dans la mesure où elles expli-
quent la pneumatologie stoïcienne, parce qu'eUes appartiennent à
une période antérieure. à celle que nous nous sommes proposé d'e-n-
miner. Les débuts de la période hellénistique, qui ont amené des
changeIllf.-nts si profonds dans la vie des hommes et des peuples,
ont égaIement marqué de il.eur sceau les différentes branches dû
savoir humain. En ce qui concerne les sciences médicales, les cen-
tres de la vie scientifique ont été déplacés et les méthodes ont subi
une transformation profDnd~. Alors qu'auparavant la médec:ine
était principalement étudiée et pratiquée e·n Sicile par les disciples
d'Empédocle, dans l'île de Cos où le grand Hippocrate avait fondé
son école et à Cnide, désormais le grand centre des études médicales
est Alexandrie. L'érection du Muséon, sorte de communauté dé
savants qui pouvaient s'adonner libr.ement et totalement A leur
science sous la haute protection des Ptolémées, véritables Mécènes
du' travail scientifique, a contribué singulièrement à faire d'Alexan-
drie le centre inteUectue1 du monde hellénistique. A côté de ce cen-
tre. principal, il faut mentionner un certain nombre d'aui.res villes
qui ont joué un rôle secondaire d.ans le développement des sciences
tRÂ8ISTRAT~ 171
i7G
médicales, telles que Laodicée, qui a·. vu naître 1'école mêthodique,.... 10ndé une école dont· les· disciples portent son hoin·; il y li ensuite
1;phèse, la patrie de Soranus, principal représentant de cette école, les médecins pneumatiques, qui ont assis leurs doctrines ·médicaleS
et de Rufus, médecin célèbre sous le règne de· Trajan, Attalie, ville sur les dogmes fondamentaux de la philosophie du Portique; il y a
natale d'_\thénée, le fondateur de l'école pneumatique, et Rome, où enfin- Galie·n, savant d'une 'large culture philosophique.
Asclépiade et Galien ont exercé leur art pendant de longues années.
Ce change·ment d'ordre géographique est accompagné d'une autre
1. ÉRASISTRATE.
transformation, qui est beaucoup plus profonde, parce qu'elle se
rapporte à la manière même dont la science est constituét:: sous ce 11 Y avait à Alexandrie pendant la première moitié du troisième
rapport la médecme subit l'influence de la culture cosmopolite de siècle avant l'ère chrétienne deux mêdecins célèbm, l'un un peU:
et·tte période et principalement de la pensée philosophique, qui était, plus âgé que -l'autre, ayant chacun leurs disciples, q~ défenaaient
d'allure nettement empiriste. TI est vrai que la science médicale a avec acharnement les doctrines de leur maître. Hérophile, le plu~
manifesté cette undance dès ses débuts; cependant les spéculations âgé, est connu principaœment dans l 'histoire de la médecine pou~
rationnelles sur les causes des maladies, qui étaient rattachées à des ses recherches sur l'anatomie humaine: sa grande découverte con~
facteùrs d'ordre général tels que les humeurs ou le pneuma, occu- cerne les nerfs, qu'il a été le premier à distinguer des m~cles et
paient une grande place dans les études médicales: ces considéra- des veints. Les Ptolémées faisaient tout ce qui était . en leur pou-
tions d'allure philosophique font place maintenant à des observa- voir pour stimuler cet esprit de recherche: ils mettaient à la dispo·si-
tions directes et multiples et à des expériences méthodiques. Pour tion de ces savants, non seulement des cadavres, pour· faire· dès
marquer nettement cette différence, il suffit de comparer les doc- dissections, mais même des criminels condamnés à mort, destinés à
trines de l'école Cnidienne, dont l'esprit métaphysique était le plus des vivisections, ~ qui a beaucoup e·nrichi les connaissances anato-
accentué, 1'homme y étant considéré comme une partie organique miques et physiologiques touchant l'organisme humain.
d'un grand tout 1, et les enseignements de l'école empirique, dont L'autre médecin de cette époque, Erasistrate, nous intéresse plus
les maîtres, à l'exee'ption d 'Héraclide de. Tarente, ont plutôt réduit spécialement, parce qu'on trouve chez lui certaines considérations
la science médicale à une pure technique d'utilité immédiatement d'ordre général qui rappellent la philosophie de cet~ période: nouS
pratique 2 • Ce n'est évidemment pas chez des représentants de cet n'avons ·pàs besoin du témoignage de Soranns pour .savoir qu'il
empirisme technique que nous trouverons des conceptions pneumati- s'intéressait à des questions philosophiques 3. Tout en pratiquant
ques: celles-ci sont très éloignées de la zone de leur intérêt. Les l'observation directe et l~ expériences conduites a~ec méthode, .~t
médecins de l'école empirique et méthodique ont certainement rendu r.f.connaÎt la valeur des spéculations étiologiques, qui cherchent· a
de grands services à l 'humanité mais ils ne nous intérœsent pas au donner une expIicatio~ satisfaisante de l'activité normale et des
point de vue des idées. Nous trouverons toutefois des spéculations sur troubles de 1;organiSme humain. C'est aiilsi qll 'Oil ·trouve chez tut
le pnt·uma chez certains médecins de cette période: ceux-ci ne sont pas ·une pneumatologie très développée, qui ..est  l~ .basè.de ·Se$ .co~p~
non .plus à l'abri de l'empirisme règnant, mais ils n'ont pourtant .tions scientifiques. ~alheureusemeJ1t, tousses. o~Vra~ ~yant, été
pas abandonné toute recherche des causes et ils ont été amenés de :perdus au cours des siècles, ·nous en sommes réduits à glaner danà
cette manière à des conceptions qui _témoignent d'un intérêt plus ·1 'œuvre étendue dé Galien, afin de recueillir çà et làdœ· indicatîons
large et d'une plus grande confiance dans le pouvoir de la raison. précieuses qui nous renseignent sur ses idées.
11. y a tout d'abQrd Erasistrate, médecin célèbre d 'Alexandrie dans Erasistrate a disting~é deux· pneumas, qu;il a f~~liS~. ·1· .d~
la première moitié du troisième siècle avant l'ère chrétienne, qui a endroits différents de l'organisme huinain.: le pneuma .~tal-!,dont..I~
.centre est êtabli dans le cœur et plus spécialement dans le. ventri-
. 1 A. REY, La fIl4turité de la fJ~e ,cien.tiliq~ BA Grace, Paris, 1939, p" 429.
: 2 K. -DEICHORAEBER, Di~ gri~chisMe Empiriker8MuZe, Berlin, 1930, pp•. 269-
.279 •. 3 Re FuCHS, ErtJ8Ï8tratea, Leipzig, 1892, p. 12•
118 ttstCOLËS vl:D10Atla hASISTftAT~ 17~

cwegaucbe 4, et le pneumapsyckique, qui .~ localisédaIiB Ieee,.· est le réservoir du pneuma qui, à partir de 00 centre, se répand
veau'• .Ai.Dail'antagoriismeentre l'école de Cos et l'écok· sicilienne dans le cor.vs tout entier 8. Les canaux par lesquels le pneuma vital
sur la loeàlisation du souffle vital est enfin surmonté : par .ce dé- pénètre jusqu'aux endroits les plus reeulés de l'organisme, sont les
doublement dupneUlns,on pouvait donner raison aux deux cou- artères:
. cellf:s-ci ne contiennent pas de sang, comme les· veines, mais
rantsqui partageaient 'la science médicale, en admettant à 1'~'xem-' uDlquemen~t le souffle· vital'. Galien rapporte cette conception sin-
pJede 'Platon ·düférentsfoye·rs organiques étagés se1:on les degrés gulière d'Erasistrate à plusieurs endroits et il ne cesse de l'attaquer
de notre· activité vitale. Par là le médecin alexandrin se diStingue de toutes ses forces: d'après lui cette doctrine serait en contradic-
~ettementdespb~losophes du Portiq~e,deme-urés fldèles pendant tion avec l'expérience la plus ordinaire. En effet, quand on coupe
des -siècles au dogme de leur 'fondateur, qui considérait le cœur des art~res il en sort. du sang et non pas du pneuma, bkn que ce
CODlDUt le point de départ de 'tous les courants pneumatiques. Ce- ~ng SOIt plus chaud et moins épais que celui des veines 10. Érasis-
pendant -cette différence est moins grande qu'elle ne paraît quand trate semble avoir. prévu cette objection, car il n'a pas séparé tota-
on s'en 'tient à certaines informations doxographiques, qui ont ~is lement les artères et les veines: comme· nous l'expliquerons plus
en lumière un seul ooté de la qU!estion 8 • TI n'est 'pas exact de .dire loin, elles communiquent entre elles par leurs extrémités n en
sansplüs qUe, selon Erasistrate, l 'hégémonikonest localisé dans le résulte que, lorsqu'on coupe. une artère, lepneuma invisible s't'n
cerveau : nous savons par les informations pluseomplètes de Galien éc~appe, et il est suivi immédiatement par le· sang qui vient dts
qu'ilemte encore 'dans l'homme un autre centre 'vital, (,·t :que vemes. Galien a vu une autre objection contre cette théorie dans
lepneuma psychique 'eSt élaboré dans le 'cœur, ·avant des'acbemilier le fait que .les artères débouchent dans les reins: en effet, si ceux-ci
vers le 'cerveau. En ce sens on peut dire que- le cœur ne renferme servent un~quement à purge'r les veines, pourquoi les artères, qui
pas seulement la puissance vitale, mais également la 'puissance psy- sont remplIes de pneuma, y aboutissent-elles 11,
Galien ne nous a
chique, 'qui 'est '1 la source de notre activité supérieure 'oDe ce pas. co~s:rvé tous les arguments par Itsquels Érasistrate essayait
,point de vue, 1aposition du cœur 'est plus centrale quecEUe du de JustifIer sa manière de voir; il semble en tout cas que ce dernier
cerveau, 'bien que de ce dernier partE'nt les courants pneumatiques soit resté fidèle à sa doctrine pendant toute sa carrière scientifique.
qui commandent nos actes de connaissance et de vouloir librt'. D'ailleurs il n'a pas été le- premier à défendre cette conception sur
Erasistratedistingue dans. le cœur humain deuxcompattiments le contenu pneumatique des artères: on la rencontre déjà au siècle
ayan:tchacun deux ouv€-rtures, qu'on pourrait appeler la porte précédent chez Praxagore de Cos, le maître d 'Hérophile, qui l'a
d'entrée et lapone de sortie: tandis que le ventricule droit est
rempli de sang, qui est conduit aux poumons, le ventricllle gauche 8 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., p. 539, MÜLLim: 'EçayeL ~É, w~ 'EQClOUJ..
T~at'6ç ';JOLY È;TlYoUfLE'Vo; 'tô q>OJ.voJAEYOV, lxat'EQov TWY cnotui'tO>'V, a'lJ1U J1ÈV E~
4 GALo, Deplae.Hippocr. et Plat., p. 141, M"ÛLLn.:'EQUO'lcnQCl'toÇ tŒv YÙQ TOY mEUf'OVa 'tÔ É'tEQOV aVrwv, mWJ1U ÔÈ Etç oÀov 'tÔ t;cpOV 'tÔ É'teQov.
l;Cô'tLXOÜ ':ltVEUJ.UI't~, 'XQvo",,;"o;~è 'toù 'VUX~xoü moEUIW.'tO~ :7tÂi)QTI cpaoLV dv<i~ <ritv 9 GAL., Do foetuu1n formatione, c. 3 (IV, 664, KÜHN); D, ""'. portium.
xo&lCo.v"o,1in)v .(àsa'Voirle ventriculegauehe). lIELKREICH, 1, p. 267. (III, .364, KÜHN) J Do w~ .ealiofte ad"orlUl ErtJlÏltra-
1 GAL., De ~plae. Hippocr.et Plat.~ p. 245,MÜLLltR: 'EQUO'CcnQ<1'to; oùv OOX tum, e. 3 (XI, 153; KtiHN). .
~, ci'>omQ OVtOL, 'tô tTll'oUJAEYovÂ.aJ.l6avO>'V, cillà ~à xa'taoxroil~ MyO>'V O'Ü'X 10 GAL., De foetuwm formatioM, Co 3 (IV, 671, KHHN): Ka'tà YÙQ 't'à; àQ't1)QC"
o"MyaYV Ex .J.&h 'rii~ 'Xt<paÀil~ qn}OL 'tô 'l'UX~xov, Èx ôè 'riic; XŒQôCa; 'tô twnxôv OQf1Cla- aç 'EQUO'LcnQat'O<; JI.Èv O\iô o~ OLetaL 1teQtéXEoiku 'tOv X"l1ÔV 'toÙ'tOVt ftJleiç ô·
hL m-tijJ.Ul. .
~~ûJ1dta, xU,itcLt@Q xat q>dCvnaL, Àmt'oJleQécneQov xat 9EQJLOt'EQov iv aVraiç
8 AÉrIl1S, Plac., 'IV, 5, 3 (Do~ogr" 391) : 'EQaaCoTQutO;1teQLtTtv J1i)vlyYa 'tO'Û
\r.taQXov a'lJ1U' 'tOLOÙt'OV yciQ 'tl. x~v t'CP 'tQCôiHjval.1-ô Qéov È; aVrWv'EcnLYo
Ëyxe«pCÎ1ôU, ftvËitl.XQuvCôa MyE~ (sell. o~'taL 'tô "YEJLOV~XÔV dva~).TlŒTt1LL.,
11 GAL., De 1IBU partium, V,5, HELKUÛJH, l, p. 267: oùx 6.v ËXOL l.éye~v
Do aL, e. 15: :in membranulis, ut Strato et Erasistratus.
., GAL., ~cpoy~ Â6yo~,A 17 (VIII, 760, Ktbm): AirtOç yàQ [, 'EQClOLcrrQU- 0Üt" 'EQaaLcnQa'tO<; 0'Ü't' àll~ 't'I.Ç, ~ 6.v ftyijt'aL moEÜf-U1 JA.6vov i:v àQ't1)QLa&Ç
'to;h 'tOLt; :EEQl.nuQE'tWV WtEtpi)va'to oaq>wc;, où JWvov tro'nxTtv ~VvaJ1LV dvaL xa'tci m:~t.éXEoi}aL, -ritv XQELaV 'toü J.LeYÉftou~ 't'wv El; 'tOÙC; véq>Qou~ ÈJ.lq>uoJdvrov àQTTI-
'riav 'XŒQ~Wv, âllà xaL ",",X~xi)v. QLWV.
1êo tRASISTRATE
181
abandonné sur ce point 12. Cette doctrine se .retrouve. même che:.. ces cas le souffle aspiré est beaucoup trop subtil pour pouvoir
Alcméon, un médecin de Crotone du début du cinquième. siècle 1s• lUter enfermé· dans les vaisSeaux pneumatiques: il en résulte· que
Ce rôle attribué aux veines et aux artères ne nous semble pas ces.. hommes meurent par manque de pneuma 18. Ici encore le pneuma
résulter tant des données de l'expérience directe que d'un essai de d'Erasistrate se düférencienEttement de celui des stoïciens; alors
synthèse visant à .harmoniser les anciennes conceptions sur l'âme' que ceux-ci ne cessent d'insister sur la pureté, la souplesse et la sub-
contenue dans le sang avec les doctrines pnE.'IlDlatiques du stoïcisme. tilité de notre souffle vital - rappelons ,nous des épithètes comme
De cette distinction des vaisseaux .sanguins et pneumatiques résu1~ xa,cmorotatov, ÀExt6tatov, qui reviennent constamment, -le méde-
cependant qu'Érasistrate ne pouvait assigner au pneuma la même cin alexandrin met l'accent sur sa densité, indispensable pour qu'il
origine que les philosophes du Portique: alors que ces demiers le ne s'échappe pas à travers les pores des vaisseaux. C'est que les
regardaient comme une exhalaison du sang, Érasistfate était bien problèmes qu'un médecin doit résoudre sont tout à fait différents
forcé de lui chercher une autre origine, puisque le pnE.uma .et le sang de ceux qui sont posés p~r la philosophie. Les stoïciens ont fait
ne se trouvaient. pas dans les mêmeS vaisseaux. C 't3t pourquoi il en- appel au pneuma pour donner une explication rationnelle de l'en-
seigne que la chaleur vitale, qui n'est guère différente dupneuma, semble des activités humaines, tandis qu'Érasistrate n'avait qu'A
n'èst pas ~qrotOV mais ÈxLxn)tOV: ce souffle vital est donc continuel- rendre compte du fonctionnement normal ou anormal de nos orga-
lement aspiré de l'air environnant If. Dans cette question le médE.ein nes: problèmes philosophiques d'un côté et questions physiologiques
alexandrin prend donc position contre la doctrine de l'école sici- de l'autre, il n 'est ~as étonnant que les notions auxquelles on fait
liennE', adoptée par les stoïciens, pour se rapprocher de l'école de appel soient différentes dans les deux cas.
Cos, pour laquelle également l'air aspiré est transformé en pnE'nma De plus, la supstance du pneuma stoïcien se rapproche plutôt du
psychique. feu que de l'air: certains stoïcie·ns en ont fait une sorte de quintes-
Érasistrate' a insisté sur le fait que ce pneuma doit avoir une sence éthér~e, dominant les quatre éléments, tandis que d'autres
certaine . densité pour qu'il puisse rester enfermé à l'intérieur l'ont considéré comme un composé des deux éléments supérieurs.
de l'organisme: c'est ainsi qu'il explique la mort des hommes qui Il n'en est pas ainsi du pneuma d 'Érasistrate: en effet, puisqu'il
descendent dans le gouffre de Charon, qui habiu·nt des maisons est tiré de l'atmosphère ambiante, l'air doit être l'ingrédient princi-
récemment enduites de chaux, ou qui demeurént un certain u'mps pal dont ·il est ·constitué. TI ne faut pas oublier· cependant qu'avant
dans un~ atmosphère infectée par des gaz carboniques IG. Dans tous d'être réparti dans l'organisme humain par les artères, il doit subir
une ~ertaine élaboration. D'après les renseignements, peu nombreux,
12 GAL., ~'P\lY tlw~ ~oyo ç, ll. (VIII, 941, KÜBN): To l.AÉv ye 'toû n~ay6-
qui nous sont fournis par Galien, cette élaboration doit se faire
"QO\I xal Oa\lJUlO"tOv ~ <JOL q>a.vEL'ta... M1}ôi yàQ 1tEQliXea&a.. ÀiyOYY Ëv CÏQ't1}QLa.lI;
'Coù; xuJ.&OUç, 0t-UOc; lx "tWv oqruytlWv tôéa.ç "tLVclç CLVtWV ~aAoy~Ea&ru. 1teLOci'tru.. dans le cœur, car c'est là le réservoir où tout le souffle aspiré est
la C. FuDlUCB, Hippocrati8che UAter8'UC~fI1Ien, Philog. Unters."H.15, Ber- d'abord rassemblé 11. Érasistrate n'admet donc pas comme Galien
lin, 1899, p. 67 BBq. .
141· GAL., De tremOf'e,palpitattofte, COft.l11Ù,. et frigo (VII, 614, KÜBN): 'Eym ...ev d1)QOU~ ~LMrillta&a.ccpÎJOL, xa.t "tclç "tWv flOO)v xollLaç ~(J)Ç oü3tdQoo
yàQ dnoy 'tO"Ü xa'tà. cpUCJLV OEQtwÜ :n:uit~ dvaL 'to Qi:y~, iva flft 'tLÇ 'toü Ëtroitev ,,0- ~8 "toUtmv yCyvea&a.( 1tO'(' av 8\M){tM~, et ÀemotLEQèc; cixQ~ ümiQxev' o-G YÙQ
.~ i~iia&w, xa'ta'l'ri6eCJ&o.L tLE OO;ELeV 'EQa.GI.O'tQu'tou xaL TIQa.;ayoQO\I xcd 'PL- Ô"i) toxeoh( oye 'Co "tOLOÜ"tO fLCÏllov Ëv "toi:ç CJOlJ14O'Lv, cru.: lxdtmea&œ nQém ...
lo"tLtwU xaL 'A~1}1t~ xa,L tl"Qlcov cÏÀ.Mov, OCJOL 'to OEQflOv OÙ" lfA.CPVTov cUl' btL- 1. GAL., D~ .,.,. re8pirotw.i8 (IV, 496, KtfBN): llci)ç JA.hr OW, cpaaCv, Ev· 'C8 'Cot~
.X"tll"tOY dvaL VOtl~OUOL. - GAL., Hippocr. de twturo hominÏl liber prim"" et ~J1O&Ç flaQUitQo&Ç, xaL 'totç veroO'tL KtXQLOfdvoLÇ o'CxOLÇ 'tL'tcivtp, xa.l nQOç Tii~
·GaleA' m etmI comm. (XV, 14:, KtiBN). "tWv iotJeof'Évmv «VOQWccov oOflii~ :n:vLyO~a.; Ka.'tà. ph 'tOv 'EQa.CJCatQa'tov, on
15 GAi.., , De U8U portitma, HELKllEICB, l, 392 (Ill, 540, KÜBN); . ..dA in orte- Â2m'Oç lâv Ëv Ta'iç "tOLa.VtULÇ xa.'taO'tMeCJLv cl ciiIQ O'Ù O'tÉye'taL nQOç 'tWv CÎQt11QLWv,
rUa nottlro ,a"""iI cOft.titl.eGt.r, le. 2 (IV, 707, KilS:N) : TIQo.;a.y6Q~ p.f:v M. xa\ cUl' buœvoÜ'tru. Qq.~~, xa,L lvôElq. :n:vE"\JJJ4't~ CÏ1toU\l'taL "to· tcüov.
-,mXUflEQéO'tEQOY a.vro xa,\ bw.vci)ç ci'fJUÏ>ÔEC; dvaC qrt'}CJLV (seil "to nvtÜJ14), 'EQa.G{o- 1'1 -GAL., .A.n in orterii8 ftaturo sanguil ~ontineottlr, c. ·2 (IV, 706, KtfBN):
.'1Qa.'t~ ôé, 01t1} J1h lXEL :n:o.XO\lÇ,~OÜ:~uOQLOEV, i~ &v ô' {mÈQ a.'Ô'toü MyEL "te"tl'ÎQal"t' AEmOtLEQÉO'tEQOV JA.i:v oÙ\' 0'Ùx av et1} "tO xa-rà. 'là; dQt11QLaç mEiiJ14 "tO"Ü 1tEQ.iXOV-
ay nc;~ O'Ùôa..,w; a.lnô :n:Qocni"Elv dvaL ÀEn~cn,. T~ "tE yàQ ÜQ't1}Q~ ~' alnoü TO$ 1)f'ÙÇ diQO$, Wç 1) yÉvECJLÇ a.VtOV 6~M.CJ)Ct:... rCve-raL ydq xa-rd "tOv 'E~~o'O'tqo.-
182 LES tCOLES ?ŒDICALES ÉRASISTRATE
183
que l'air aspiré par le nez passe d~~tement au cerveau 18; le détonr artères qui se contractent et se dilatent automatiquement, mais c'est
par le cœur est nécessaire pour que le pneuma puisse remplir la l? pneuma lancé par le. cœur qui produit la contraction et la dilata-
fonction qui lui est llSsignée: Quant A savoir en quoi consicrte exacte- tion successives de cette enveloppe du souffIt vital 20._ Il en résulte
ment cette élaboration et si elle est différente pour le pneuma vital que, d'après Érasistrate, les artères se comportent comme d(s canaux
et pour le pneuma psychique, ce sont là des questions sur lesquelles' i~~nim~: quand le cœur envoie dans les artères une grande quan-
nous n'avons pas d'indications précises. Il semble bien cepe·ndant hte de pneuma, les parois se dilatent sous sa pression comme un
que, .dans la pensée d 'Érasistrate, ~ette élabora~ion doive consister ballon que l'on gonf'e. Galien n'accepte- pas ct'tt.e explicaticn:
principalement dans l'adaptation de l'air aspiré à la chaleur vitale d 'a~rès lui les parois des artères se dilatent automatiquement et
de l'organisme: dès que cette transformation s'est accoJplie dans aspIrent le souffle vital, comme elles l'expulsent en se contractant 21.
]e ventricule gauche du cœur, une partie du souffle chaud passe au Nos deux médecins s'étaient déjà rendu compte que lorsque les
cerveau (c'œt le pneuma psychique), tandis que l'autre se répand artères sont coupées ou nouées par des lacets, on ne perçoit plus
par les artères Atravers le corps tout entier (c'est le pneuma vital). aucun battement du pouls. Ils donnent cependant de ce phénomène
L'explication que propose Érasistrate du battement du pouls une ink·rprétation tout à fait différente. L'explication d'Érasistrate
est également en rapport étroit· aVEC sa pneumatologie: le pouls est découle logiquement de ce que nous venons de dire: le battement
défini comme étant une dilatation et une contraction successives du pouls cesse parce que le pneuma, envoyé par le cœur, ne pénètre
des artères, produites par la puissance vitale et psychique en vue plus, dans la p~rti~ cou.pée ou isolée de l 'ar~ère. Pour G&lien ce phé-
de remplir ces vaisseaux de pneuma' vital 19. Il résulte de ce que nomene devraIt s expliquer par le fait que l'enveloppe artérielle
nous' avons vu précédemment que la puissance psychique ·dont· il n'est plus en continuité avec le cœur 22; car elle ne possède pas par
est question dans cette définition, ne doit pas nous faire penser au elle-~ême son pouvoir de contraction et de dilatation, qui lui est
cerveau comme cause du battement du pouls, puisque d'après Éra- contmuellement communiqué par le cœur; le mouvement de l'en-
sistrate le cœur ne contient pas seulement la puissance vitale, mais veloppe artérieUe est donc conçu comme un prolongement de la con-
aussi la puissance psychique: ce ne sont donc pas les parois des traction et de la dilatation successives du cœur, de sorte que, dans
les deux explications, le cœur est. vraiment le centre de l'activité
'fO'V ix 'foU :teQLÉxOVT~ T)~ dloo~ ELa(/) 'fOÜ oroJUl't~ elç fAÈv 'tclç "a'tà. moeUf-LO'Va organique et le foyer de la vie.
:tQroT~ «OTT) 0 La; Ë).-&ôV't~, .EnEL'ta ôi dç Tilv "aOôCav "ai. 'tclç ci).Âac;.
18 GAL., De 1UU reapirationis (IV, 502, KtJuN): 'All' oüô' Ëx 'tij; ELO:7tvoi);
OJ1O~ OL :tEQ' TOv 'EoaoUrroa'tO'V 'totç :tEOi. 'tOv "InnoXouTT)v TOÉcpEoitaL cpao .. 20 ~AL., SYf'OPN libr~m BUOrUm à6pul.nÔU6 (IX, 501, KUn): ·OC; &i
'E' "'2__·
'to "",UXLXOv :tVEÜtuL Toiç fAÈv yà.O Èx 'fil; "aQÔlaç ôt.à. 'twv doTT)oa.Wv È..'"ti. 'tclç J!.-r\- O~LO'toa'f~ E-'r EV, 0 ocpuy,w; yLVE'fa" cpoo4 'toü :taod xaQôla; UcL:tEf.UtO,uvO\l
VLyy~, 'to'iç ôi ~ ~t.à. ~ürv QLVrov El; 'tclç "«Tà. 'tOv È'yxicpaÀov xotÀLaç ËOXE<T6a.. :tVEUJ!.a'toç ôLà. 'trov Èv 'ta.iç ÜOTTJOLaLÇ xOLÀOnl'tmv.
'to :tVEüf.14 ooxd. Ti)v fAÈv 'EQ~LOtQcbO\l :tEQ' 'toVt(J)V ôô;av "~V'ta-üaa xaTML- • 21 ,GAL., nE 0 t X 0 e (a C; 0 cp u y f.I. wv, (V, 161, KthIN): 'OC; ô' 'EoaoCatQU'tQÇ
:trof.leV .•• ~~, OXE'fWv ci1(JUxcov Éoyov, oUx oOyavow 1;onLXCÜV, a.t ~QIcu 'tol'ç
. 1. GAL., nEO' ôLa«poQŒ; ocpuYI1WV, â2 (VIII, 714, KUUN): ·0 JLivyèto tq>OIÇ ~OE'fOÜOLV. "Hf'Eiç 'ôi xa, ô,,' idQO\I 'f"vôç OMU Pt.6).Cou "O).UE~ MEôd..
'EoaoLcnoa'toç ËOE1 TOv ocpuyJ!.ÙV dva" "L'V'r}Ot.V «OTT)Ot.Wv xaTa. ÔLacno).i)v xal croo- ;a~, atf.l.C1 ,,~v 'fip "a'tà. cpUoLV É X E LV 't 0 ~ ip 0., I:v aUTaiç 'faiç ÜOTTJQCa&ç
'fo).iJv WtO tro'tLxi\; 'tE "a.t 'l'UXLXi); ÔUVUf'E(I)Ç Ya.vofAÉvrlv, WtO:7t).1}oOOoEro;mxEV ÙQ- :tEQLE~Eo-&(u' Et ôÈ 'tMO :tavrL :tou ôij).ov, roç oüx, on :t).1}OOÜV'caL 'foU :tClQci 'ti)~
't1}Qt.Wv~ Ëxouomv Èv ama'iç :tVEÜf.I41;ro'tLxôv. - ID., l:cpuyJ!.Wv Myo;, â (VIII, 760, X<XQÔLaÇ l..'"tL:7tEJ1:tOJ.l.ÉVO\I :tVeUJLa't~, roC; 'EoUO'CatQa'tQÇ l-v6f.1.'~ ôLà. 'tomo &&4C7tiA-
KU~). Définition du pouls par A!)ollonius, fils de Straton et diseiple d'Éra· ÀovtaL JUÏUov, il, on ÔLaO'tÉUovrat., ôLà 'fMO :t).1)QOÜvtw.. .
sistrate: ocpuy..,o; ËO'tL xa'ta. 'ti)v btL:7t).i]O(/)OLV (OÜ MO xaQôCo.ç :tVeUf.I4'toç ËX3tEJ!.- Correctioft.: EXElV 'fO 1;roO'V: EXOV't" ~(a)1)v.
:toJ&ivO\l :tEQ' 'ti)v «OTT)OLaV ôui<rtaoLÇ YEVofAÉvrJ. Cf. la définition donnée par ~2 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., 618, MULr.D: ·OJ'O[roç yoüv 'tOl~ wUQOIÇ
Asclépiade: nE Q L ô .. a. cp 0 0 Œ; 0 cp Uy fi: wv, â 2 (VIII, 714, KÜHN): /) ôè xaL a~a~ Ô~'tJ!.1}-a~ioa' 'te x~i. POÔXq> Ô,a).~cpitEioa" aoqMC'to" yLVOV'tat., O'tEQTI"Ôd-
'Aox).t::nuô1}C; X('V'r}OLV «OTr)Ot.Wv xa.'tà. &Laato).~v "ai. (JUO'to).-r\v, :t).1}Qouf.LÉvmv JLiv om OUX: roc; ~Oa.OLcnoaT~ oLE'taL, 'toü :taQa 'fii; xaQôla; ÏX:tEJ1:topivou moWl'a-
:tVEUf.I4't~ TÜ :7tQOç 'to Âmfop.eqÈ; 'fOQ'f-, xevO\ltdv~ ~t "'Ü ~oif~roo~~ 'toU ~L'tcAr. 'to;.:. :U~d 'tq> ~oùç, XLTWv~ aÜ1:~ c:ruv~XEtç imc:ioXOVfaç 'tip 'fil) x~ùLaç oOOf'Ul\
YO$ a.\nwv, it~a ExeWO\l 'tl)v ôuvaJ'Lv EltLQQEouoav lOXEW <4"
LES tCOLES MÉDICALES tRA8ISTRA TE 185
184
.Puisque c'est le pneuma qui est la cause de la contraction et (ft, puisque les nerfs partentïous du 'ce'rveau et que le siège du pneuma
]a dùatation des artères d'après. Érasistrate, la fréquence de ce 'psychique y est établi. Quant au nerf lui-même, Érasistrate a cru:
battement dépendra donc de la quantité et du degré de subtilité longtemps, nouS rapporte Galien, qu'il était de la même substance
du souffle vital: de telle sorte qu'une grande quantité de· pneuma que la membrane qui entoure le cerveau. Plus tard cependant, des
suffisamment dense augmentera 'la fréquence du pouls, tandis' qu'une dissections plus minutieuses ont renversé ses conceptions antérÏt:-u-
petite quantité de souffle très subtil ralentira le battement. Cette res: il a découvert que les nerfs ne sont p~ des conduites du pnf:U-
explication, qui a été adoptée plus tard par Asclépiade, se distingue ma, mais que l'intérieur en est rempli de'la même substance que le
nettement de eelle d 'Hérophile, qui parle vaguement de la' force , cerveau 21. Cette découverte a dû renverser de fond en comble les
de la puissance vitale contenue dans les artères comme cause déter- cioncE:p1!i.ons pneumatologiqu;es d'Érasistrate: en effet, quel rôle
minante de la fréquence du pouls, et de celle d'Athénée qui fait faut-il désormais attribuer au pneuma psychique contenu dans le
appel à la notion stoïcienne du 'tovoç 23. D'autre part, cette doctrine cerveau, 8'il ne pénètre plus les nerfs pour commander toute l'acti-
d 'Éras~trate n'ut pas ,tellement éloignée de celle des courants vité de connaissance oet de mouvement libre de l'homme' Nous trou-
pneumatiques admise par les philosophes du Portique: C€8 cou- vons peut-être un refiet de cette évolution dans un écrit du Pseudo-
rants, ~effet, partent de la même source suivant les deux conC€'p- Galien, EldayroyT) Ti la'tQoÇ, où il est dit qu'Érasistrat.e distingue
tions ·et se répandent égàlement à travers le corps tout entier pour trois éléments ou trois principes du corps tout entier, ce qu'il ap-
faire jaillir partout l'activité et la vie. pell-e t'QutÀOXLaV 'tcOV àyyeCrov, c'est-à-dire les nerfs, les veines et les
artères j à côté de cela, il distingue deux substances matérielles qui
. D'après Érasistrate le pne'uma 'ne pénètre pas seulement danS les
animent l'être vivant: le sang, qui en est la nourriture, oe·t le pneuma
artères mais également dans les museles et lès nerfs. En effet, l'ac-
qui est une aide ou un instrument dans l'exercice de toute activité
tivittS des muscles est expliquée de façon analogue au battement
~a~urelle 21. Il n "est plUs question dans ce texte d'un pneuma psy-
du 'pouls j"quand ils sont remplis Ge pneuma, il en résulte une dilata-
chique 'ou d'une activité supémure qui serait exercée par lui: ce
tion, d'où un accroissement de la largeur qui a pour effet de dimi-
silence eSt assez significatif. Quant au rôle qui est attribué au
nuer leur longueur; c'est dans cet acte de raccourcissement, qui rap-
proche les objets saisiS, que consiste toute la vigueur des muscles 24: wd.oüv moov, ooO'nEo at <pl.i6EÇ at oW6-ttaloj xOIÂOTT)~ f1h ydo 't~ l~w lv Mi;
En ce qui concerne les nerfs, la doctrhie d'Érasistrate 'n'est pas con- xa't' a'Ù"COv, (~ 'EQQO'~oa"Cov)&U' OÜX aLJU1'to; aÜ'n) y' àUà. mrroflU"Coç ~LXOÜ
stante. Au début de sa carrière, i11es considérait comme des vaisseaux fLEcrni. Cf. B. FuCHS, .Â1U ThemÏ80fU Wer~ über ài4 acute". "ftd chro.UcM1l.
KrGnkhriteJI., Rhein. Mus., LVIII (1903), p. 80 j ID., .ÂMcàota meàÏOCl gro.eœ,
remplis de ,pneuma psychique 26: cette conception est très D;aturelle,
Rh~1n. Mus., XLIX (1894), p. 550. !ri. WELLYANN', ErG8Ï8trGt08, Paul,.a Real·
Eneyelopidie der clasaisehen Altertumawissensehatt, herausgegoben von G. Wia·
J3 GAL., n e Q i. ~ La <p 0 (Hl ç, 0' <p " y 'HÔ 'V 16 y 0 ç, r 2 (VIII, 645, KUHN): aowa, XI Halbband (Stuttgart, 1901), col 343. , '
~o6<ptloç fÙv Ycio<p7}O'~ bOOfl'1V Tilç ·xu'tà. Tilç clon')OLaç tm"CLX'i}~ OOVUf1ECOC; at-dav 2' GAL., De l'lac. Hip'pOlJf'.· et Plat., ~98, M"ÜLLER: 'EQUO'U:rcQU"Co; ,3è ciXQL nol-
dvaL D<pO&OOÙ OCPUYf1OÜ. 'A'ÔT)vaLOÇ 8i "Coù tm'tLXoù 'tOvou Ti}v toxtiv. 'Aox1'1"uiô1]~ 100 ~'V ËÇcoitev f'OlQav OOOOv ~'V "Coü wUoou na'V MO _Tilç naxdaç l'/rvLyyoç
~i cif1CPO'iv xaTayEÂ.ciO'ttaL, xai. "COvo~ xai. OOvup.tLÇ xui. 1niV"Ca "Cà. 'toLaÙ"Ca XULVà. -~Qf.UOtdvrJv dMbct:CVrjç 4>"0 :rtEcpuxéVai. cruJUtav 'to'VEÜQov xo.l ~u YE ~à; wtcJ-
rpuoxcov imUQXELV bvOfLU"CŒ, 'tftV 8i· a.t'tLaV Tilç 0'<p03Qon')'t0; dç nl'i}ito; xui. M.m-O- ~a ~<MO" "C00v ~QUfl,ul'tCOV 100d'V MO Tilç neOLex01im)ç ~Ov lyxicpa10v l''iwyyoç
Tr)"CanveûfLU't~ civoioEL, xaitWtEO, olfLUL, xai. 'EoaO'Latou"Co;· Ouai ydo oiho; "Coi.ç ~cpuxévœ cpd.axcm-oç "Cà. WOU. ' Allà. Ofe, noeoGUntç li.rv !i3YJ Xal ox01ip G.yœv
XL'(WOLV a'Ù"Cotç 'tOw ciQTT)Qulw flE"Ca8i:8mO'L Tilç 'tOVLX'ijÇ WvUflE(.OÇ, &Uà. 'f'i\ç xUQ8i:- ~LÇ ~oTç 'f'i\ç dXVl)ç 8eœqrjJ&4O'lo'V cixoL6ecnéoaç UcOLet'to "Càç civmoflÔç, lyvm
aç loxuQWç ÈxitÂ.L60uO'1]ç 'to nvEÜf1U, TÜ 'tMOU 8t.à. "COw «On')OUÏYV <poQ~ "Co civnSa- Ml rirv olav meouim)'V ~OOV wUQCOV MO' ëyxecp<i1ou necpuxutav.· .
"CLXOv lv TÜ nÂ.'1'Yii <p7}OL ytvVcict6UL. %1' [Gü..], Et CJ U y m y 1\ ;j ta" Q 6 ç (XIV, 691, KUHN): Kal 'EQuaCata-
24, GAL., D~ JON GlfeD1i8, Z (VIII, 429, KÜHN): xui. ydo OÙ\' xai. "Co~ flVç {) "Co; ~è Wç ciQxàç xai. O"'CoLxt:i:a oÂ.oU O'OOfLU'to; imoninflEVOÇ 't1)'V "COuU.oxCav "COw
.'EouO'LarQa'to; Èx 1'00 nÂ.'1QoùoitaL mrrifLU'tOÇ ,dç doo; MooLMvrciç WpaLQd'V cp1l0L ciyyd<.Ov, ,moa xa1. <p1É6aç xai. CÏQTT)QLaç, 1tC1QaULnEL 'ta 'tE "QYà. xal 'tà. xveû-
Joü fl'1xoVç, xui. ~t.à. 't0Ü"C' ciVEO'1tua6UL. . flU'ta~ _t\UO'& yùQ VMLÇ 'tUÜ"Ca &LOLxetc:ritaL UyeL "Co tcOov, "Ci; t.&2v a'tflUn cüç "CQocpfi
:. ~~ GAL., De ftGturalibU8 potentii8, II, 171, HJ:LKIlKICB ,(II, 97, KtJHN): Tij f'ÈV -f.i; 8! ~,LUn Wç cruvt:Q'(C; t:lç 'tci; 'f"O'LX~ mqYElU$' Où n~r6cive, 6i tWt~
"(à.Q 1tQOç "Co XEVOUt-m'OV Q.?toMn.r(Hff 1t<Ï>$ ùv ln &Vv(LL'tO Titv "COo'fÎlv ~umcivCt(L~ 'tQ ~~~~."
ÉRASISTRATE 187
186 LES ÉCOLES MtDICALES
Cette surabondance de sang ou pléthore est causée, d'après Éra-
pneuma, il nous fait penser au 2tQw"COyoQYavOY' d'Aristote et de'"
sistrate, par une anomalie dans la digestion: quand la nourriture n'est
Galien.
Le rôle que joue le pneuma dans la pathologie d'Érasistrate n'est pas bien digérée et que les secrétions normales ne se font pas, il en
résulte une production excessive de sang, que les veines ne peuvent
qu'une application à des cas particuliers de tout ce que nous venons
d'exposer. Nous avons parlé plus haut de la séparation que le méde-' pas contenir; cela se termine par une irruption dans les canaux
pneumatiques 30.
cin alexandrin a' admise entre le système des veines et celui des
artères; ces vaisseaux sanguins et pneumatiques se répandent à Une telle obstruction peut se produire non seulement dans - les
travers 1'organisme en .se divisant continuellement en des tmbran- artères mais aussi dans les nerfs: si des hum~'llrs visqueuses et den-
chements de plus en plus minces, d~ sorte que Its extrémit~8 de ces ses sont déverséeS dans les canaux qui conduisent le pneuma psy-
canaux se terminent par des ouvertures très réduit€s, qui, dans les chique, il s'ensuit évidemment une paralysie locale ou totale. Car
con.ditions normales, sont he·rmétiquement closes; le pneuma .reste le pneuma qui commande l'un ou l'autre mouve·ment libre est inter-
donc enfermé dans les artères, et le sang dans les veines 28. Je dis: cepté et ne peut plus remplir sa fonction 31. Dans ce cas-ci, on voit
dans' les circonstances normales, car il perut se faire que,' sous l'action très nettement que l'exercice d'une certaine activité est commandé
d'un facteur anormal, le sang force les portes et envahisse les vais- par un pneuma qui vient du cerveau et se dirige vers l'organe en
seaux pneumatiques. C'est le cas,
p. ex., quand le sang est trop question; il ne s'agit pas d'un état qui se propage dans le pneuma
abondant: les parois des veines IX·uvent bien se dilater jusqu'à un sans qu'il change lui-même de place. Érasistrate adopte donc la solu-
certain degré, mais finalement, si la pression s'accroît, les, extrémi- tion du mouvement libre généralement admise par les philosophes
tés s'ouvrent et le sang déborde dans les artères. Qu'est-ce quise du Portique. Une explication analogue est donneé de l'apoplexie:
produit alors' Érasistrate prévoit deux possibilités: ou bien le- sang des humeurs glacées se forment autour du cerveau et remplissent
déversé dans les artères .s'oppose au courant pneumatique et le les' nerfs, de telIe sorte que le pneuma psychique ne peut pas y'
refoule, jusqu'à ce qu'il arrive près du centre vital, dans l'artère entrer : leur accumulation autour du cerveau risque même d'éteindre
qui débouche ,di~ctementdans le cœur: c'est l'explication de la le pneuma psychique. Il en résulte évidemment une suspension com-
fièvre. Tout le pneuma est alors comp:.;imé dans la région du cœui,
au lieu de se répartir à travers le corps. 11 en résulte évidemment Èx TWv q>M6Wv de; 'tà.c; dQn')QLac; l'O atI-W fA.€'taxOiivaL, amo VOOELV dVClyxa~
un accroissemf.·nt de la lempératurede l'organisme~ Ou bien le sang, 1i3Tj. Atl'Lac; 3i xai. ciU.ac; 'tLvàç xai. OMEJ.LLiiç ÈÂal'l'ro l'O 1CÂijitoç dvaL l'OÜ alJA4l'oç.
débordant dans les artères est refoulé et s'accumule aux f:xtrémitês 'Üql' 00 3U1'tELvta&aL JaÈv TOv' XLl'Wva -rije; cpM66e;, dvaatoJ.Wùa&aL ôi l'à 1CQOl'EQOV
des vaisseaux pneumatiques: c'est l'explication de l'inflammation. f.t.eJ.Luxol'a 1CÉQa'ta, JlE't'aXEtaf}aL 3i EL; 'tà.c; D.Qn')QLac; l'O atJUl, xq.vtEOOev 'tip 1CClQà
Les tum~urs contiennent donc du sang qui a débordé des veines XClQ3Ca; q>EQOJ'ÉvCP nvEUJA4'tL 1CQOc:nWmOV XCli. ÈVLat'atŒVOV,°cilloLOÜvtL ritv Èxdvou
et .s'est arrêté aux extrémités des artères 29. n
"LVIlOLV, /)VLX' âv iyyùe; xal xa't' EÙit'Ù -rije; D.Qxije; xai. 'toüt' dveu. 'tOY m.lQE't'Ov·
cOitoU~ 'tE im' amoli 1CQOOro O<pTIvoüa6aL XCll'à 'tà 1CéQa'ta 't0lv D.Q't1)Qt.Wv xal
28 GAL., De ."enae sectione ad1JerBUB Erasistratum, e. 3 (XI, 153, KÜUN): 't~Ü't. dveu. Ti}v q>Â.EyJlovJav. .
'AQÉ0X8L 3i amiP (seil. 'EQCloLCTtQo:f(p) nvwJA4'toç JaÈv dyyELOV dvaL Ti}v cl.Qn')QL- 30 GAL., IIEQ t 1CÂ'I-D-olie;, c. 6 (VII, 531, KUSN). Ct. R. Fucus, Ertuiltratea,
av, alJ.U1't~ 3i 'ri)v cp1i6a· OXL~OtŒVa 3' d€i. 'tà f.t.eLt;ro 'tWv dyyELCOV dç Èw.nova p. 22-23.
J1h 'to tdYeaoç. ÛQ ..aJÙW 3i 1CMLro xai. 1Ceino 'toli OOOJUl'tOC; ÈvEXaÉvta, J'T)3iva YÙIJ 31 GAL., De afro bil6 (V, 125, KÜB;N): wJA.OÂ6yr)oe ôè xai. cl 'EQaOLcnQCl'tO; m,.
dvaL 't01COV ivOa J'~ 1CÉQClÇ dyydou XELJ1EVOV imUQXEL, dç oVtro oJ'LXQà 1CÉQa'ttl 'tOc; WtO 'toli XUJ.'O'Ü TOunftOU yCvea&a~ 'tLva 1Caih], XClLt'OL 1CClVti. 'tQ61CCP cPuÂ.cln0f.t.e-
't!MV'CQ.V, mo'tE 'tÎI J.L00t" 'tWv ÈOxa:trov atoJ'(iTcov "Qa'tmiJ12Vov Ëvtoç amWv '[OXEO- voç alTuicrO-a.. 'toùe; J.Wxih]QoùÇ xuf1OÛç. ' Allà 'tmie; ye yÂLOXQouc; xal 2taXELç Cl'Ù'tbc;
-D-aL 'to alJA4· "ai. 3a.à. 'tOÛ'to xa('tOL 1CaQClXELJ1Éveov dU.';À<nç 'tOÜ ato'JA4'toç "COÜ
Wœ1'11val'O 1CC1Qai.:uoEroe; at'fioUl; yEVia&aL, YQu",aç oÜt'roç· 'to JaÈv oùv 1Cditoç cruJl-
'tE Ti\ç 1pM6Oç xai. Ti}e; clQn')QLac;. Èv 'tOLç tôLoL; OQOL; J'ÉvELV 'to alJA4 J'T)3aJ'O-&L
6a1vtL, 1CClQEJ11Cl'OOOEro; UyQwv yLVOJ1ÉV'1Ç EL; l'à 'toù nvEUJA.OVoç dyyda, 'tà f:v TOLç
'tOLç 'tOÙ m>nÎJA4l'oç È1CEJ'6atvovdYYELoL;.
VWQOL;, 31.' rov at xat'à 1CQoaLQEOLV XLvftOEL;O'\1vtd.oüvtaL. - R. Fu-,ss, .4necdot<&
29 GAL., De 1Jenae Sf.cti.one ad1Jer81U Erasistrattwn, e.3 (XI, 153, KÜBN):
)fÉ~qL J1h &t l'o\i3~ vOJ1q> cpUoECOCi 3WL)(d~a~ 'to ~wov· È7tf:L ôÉ 't'$ ah·Ul. pww~
medica praecaf Rhein, Mqs., XLIX (l894), V. 5~O,
188 LES tCOLES !ŒDICALES . -bASISTiU TE· 189
pIète d·e tout mouvement· et même de toute activité de connaissan~ poür autant qu'on peut en discerner une, n'est pas la même de
ce n .. part et d'autre. Le pneuma des stoïciens tend à se « spiritualiser »
Nous pouvons donc dire que la clef de la pathologie d'Érasistrate, et, bien qu'il n'atteigne pas à l'immatérialité complète, peu à peu
o 'est le refoulement du pneuma, causé par l'irruption du sang les penseurs se rendent compte qu'il faut lui attribuer des carac-
ou de certaines humeurs nuisibles, soit dans les artères, soit dans tères . qui impliquent une certaine indépe·ndance de la matière Leo

les nerfs. Dès lors, il n'est pas étonnant que Galien ·ait trouvé dans pneuma des méd.ecins, au contraire, tend à se « matérialiser D.; nous
cette doctrine des anastomoses des veines et des artères une objec- avons vu, en effe·t, qu'Érasistrate note, en y insistant à plusieurs
. tion contre la conception téléologique de la nature admise par le reprises, que le souffle vital doit avoir une certaine densité pour
médecin alexandrin. En effet, lui dira Galien, si tout ce que .Ia pouvoir rester enfermé dans l'Cs artères.
Dature fait ft.Jève d'une finalité ordonnée, il faudra trouver égale- Comme nous l'avons déjà laissé entendre plus haut, l'évolution
ment une fin utile à ces an~stom.oses: or elles ne sont pas seulement différente du pneuma dans ces deux domaine·s du savoir résulte de
inutiles, mais elles sont nuisibles, puisqu'elles sont la source princi- la diversité des problèmes posés. Les stoïciens se sont servis de
pale des maladies 33. Nous ne savons pas si Érasistrate avait prévu ~ett.e notion d'origine médicale pour résoudre tous l~s problèmes
une objection pareille, mais nous compre'Dons très bien pourquoi philosophiques et principàlement· ceux d~ la connaissance et de
il ne pouvait pas se passer de ces· anastomoses: sans elles l'expé- 1'acti~ité libre; or un examen superficiel suffit à montrer la diffé-
rience la plus banaIt:· d'une artère coupée était capable de ruiner son rence qu'il y a entre ces activités d'ordr€· supérieur et les propriétés
système. de la matière brute: il en devait résulter pour le pneuma une indé-
pendance graduelle de la matière en raison directe de la profon..
••• deur des analyses philosophiques. Érasistrate avait à résoudre des
problèmes d'un autre ordre: il s'agissait pour lui d'expliquer les
Il nous reste à dégager de cet exposé les conclusions qui i~téres­ fonctions organiques et, partant de celles-ci, d'élaborer· une patho-
sent directement l 'objet d~: notre étude. logie. Chercher la· cause de la paralysie, de l'apoplexie, de la .fièvre
1. Le pneuma d'Érasistrate est un souffle matériel, il n'est pas ou d'une inflammation, ce sont là des· questions bien différentes de
nécessaire d'y h;lsjster, la chose est trop. évidente. ~a doctrine du l 'explication de l'acte de· connaître.. Cette comparaison est intéres-
·médecin alexandrin coïncide donc sur ce point aveè l'enseignement sante parce qu'elle montre à l'évidence comment le médecin ale·xan-
des philosophes stoïciens contemporains. Mais ce jugement U:'est drin se meut sur un tout autre plan que :les philosophes du Porti~
pas assez nuancé: il serait plus exact de dire que le pneuma, dont tique.
on part dans les deux cas pour construire. un système soit philoso- .. 2..Nous n'avons pas rencontré, parmi les renseignements touchant
phique, soit scientifique, est bien matériel: l'évolution de la notion, Erasistrate, d'indications précises sur la nature du pneuma; il résul-
te cependant de l'aperçu que nous avons donné,· qu'il doit être. con.
32 R. FuCHS, ~U8 T"Mmiaon. Wer"k über die GOlden ~d Dhr0ni8cheft. KrGn"k·
sidéré comtne un BouffIe chaud: c'est donc de l'air aspiré qui IL sUbi
'.eUe,." Rbem. Mus., LVIII (1903), p. 80: °Inn:oxQaTr)C; 3i XUL 'EQuolatQo;tOç cpUOL
dans ~e ventricule gauc'he du cœur une certaine élaboration; celle~ci
1tEQi. 'fOv lyxicpaÀoV cpÂi'yJ.W.'fOC; VUXQOü xui. 1tuyEl"OOÔOUC; yLve·aftuL .oOOtUOI.V, 'Ôcp' ou
XOL 'fà MO 'foUTOU 1tecpuxo'fu veüQa 1tÀ"lQoUfttVU f'-it 1tUQooixeaftuL 'f0 VUX~xOv consiste principaletn~nt, croyons-not18, dans une adaptation· à· la .
m'f:ÜJW, ciU" lyxo'fwt'VLyOfttVOV 'fomo XWWvE'VEI.V Moa6e~vu... température de l'organisme. Ce pneum& est sùrtout 'constitué d'air.
83 G.u.., De UI'U partium, VI, 17, HELYREICH, l, p. 358 (III, 492, KtlBN): l'élément qui occupe la seconde plaèe dans la hiérarchie des atOLXELa.:
Kui. 3..0 'fOÜ'fO XUL OOOL 'fULç ÙQ't1')QLa.~ oüô· oÀroC; utf.U1'foc; fUTOOLOOoaI.V, romtEQ cette constitution de notre souffle vital est une conséquence néces-
xai. (, 'EQuaLcnQO'foc;, oüôÈv ~'f'fOV Of'OÀOYOÜOLV uirt~ XUL OVfOL O'U'VuveO'fo,...wo- saire de son origine, qui elle-même découlè de'l 'adoption par Érasis~
Dm 'fut;· cp~(v. ElTu, XUL'fOL 'fEXV~XWC; \mo Tiic; qrooeroc; OWJ&EVOL xunaxroâaftuL
~âvtu, XOL ttU'f!Iv f'''lôÉv, <Mi. utO'ÔâVOV'tUL 'fàc; civoO'fo".mCJel,Ç 'tUVt«c; 0fWÀoyoWte,
trate de la théorie de Praxagore sur les veines et les l'rtères.· Lb
,\xi) ~. Ct, aUilJi ~ SQi~ de ce passage, pneuma des stoïciens n'est pas tiré de l'at.mosphère ambiante et i~
t~s t.COLË8 :MiÊDICAL~a . t t-êCOLE PNËlh.tATJ~\j~ 1~1

est principalement constitué du premier élément, ie feu, ou même- pneuma psychique ne sera cependant pas infructueuse- dans la suite;
d'une substance éthérée qui trans6ende les quatre éléments. C'est elle sera adoptée et élaborée par Galien, qui en déduira uoo con-
que le rôle du pneuma est totalement différent dans les deux ·systè- ception moins matérielle de notre souffle psychique.
mes. Pour les stoïci~'DS la .signification du pneuma est très nette:
il désigne la substance de· l'âme, qui· est elle-même une parcelle de
2. L'ÉOOLE PNEUMATIQUE.
la divinité, l'âme de ce grand être vivaIit qu'est le cosmos. Pouvons-
nous en dire autant du pneuma d 'Érasistrate' D'après les rensei- I,~ ya entre la pneumatologie d'Érasist~te et l'école pneumatique
gllEtments que nous possédons, ce pneuma apparaît comme un élé- un hiatus de près de trois siècles, durant lequel nous ne trouvons
ment nécessaire pour ae fonctionnement normal· de l'organisme pas de doctrines qui intéressent le sujet de notre étude. C'est que
humain. S'identifie-t-il avec le principe de l'homme' Nos sources la mécrecine est devenue avant tout une science pratique et renonce
ne nous e·n disent rien, et il est possible qu'Érasistrate n'en ait de plus en plus, sous l'influence des critiques de ~a part des scepti-
rien dit, car les spéculations sur l'âme concernent le p~osophë et ques, aux considérations étiologiques. Or c'est uniquement dans une
nQn.pasJe médecin. Dans un des textes cités plus haut, on nous dit science d'allure théorique et plus ou moins philosophique, que nous
que le pneuma collabore (cruvEQy6v) à ·1'eXle·rcice des aetivités natu- troUVE:rons lple pneumatologie élaborée. Ces C9nditions se sont réa-
relles. Mais on ne dit pas avec qui ou avec quoi il collabore:·si c'est lisées dans une é~ole de médecine dont les débuts datent du premier
avec l'âme, nous arrivons à une conception du pneuma voisine de siècle d~ l'ère chrétienne: l'écok- dite pneumatique. Son fondateur,
celle d'Aristote et de Galien. Quoi qu'il en soit, ce n'est sûrement Athénée, originaire d' Attalie, mais qui vécut à Rome et y établit son
pas sur ce point que le médecin alexandrin a mis l'accent: pour lui école, semble .avoir eu une culture philosop~que sérieuse et un
le pneuma rentre dans le système physiologique de l'organisme esprit critique pénétrant, qui n'hésitait pas à dénoncer les travers
humain comme une· substance indispensable, de ~a même manière de son époque. Dans son grand ouvrage IIEQl ~Ol){hUl(iTCJ)V, . il a
que le sang. adopté la. pneumatologie stoïcienne comme fondement de· ses con-
3. Quant à la distinction entre le pn€uma vital et le pneuma ceptions médicales u: c'est là le trait le plus caractéristique de tous
psychique, elle ne nous sembl~ pas résuUer non plus de considéra- les représentants de l'école 35. Ceci ne veut pas dire cependant qu'ils
tions philosophiques, comme si les activités supérieures de 1'homme s'en soient tenus à un rigorisme doctrinal immuable. Déjà le disci-
requéraient un pneuma d'une autre nature que les fonctions orga- ple principal d 'Athénée, Claudius Agathénus, originaire de Sparte,
niques, mais plutôt de la découverte des nerfs par Hérophlle. Ceux- présente des tendances beaucoup plus éclectiques et cherclre à con-
ci partant du cerveau pour se répandre à travers le corps tout en" cilier les doctrines de son maître avec les conceptions de l'école
tier, l'importance extraordinaire de ce centre a été mise au jour. empirique et méthodique. Les mêmes tendances se retrouvent chez
Mai't puisque d'autre part le souffle aspiré ne se dirige pas· directe- son disciple Hérodote, dont· la doctrine contient des traces d'in-
ment vers le cerveau et que les artères et les veines ont leur point de fluence de l'école méthodique. D'autres, comme Léonidas d'Alexan-
départ dans le cœur, on en a été réduit à admettre un double centre drie d Héliodore, étaient moins des théoriciens, mais ils se sont
et un double pneuma. Nous ne eroyons pas qu'Érasistrate~· soit
donné beaucoup de peine pour déterminer la différence entre ces . U lL WJ:LLlU.NH, Dï.J ~ti8CM 8c'huü bu GuI ÂrchigeM8, Ber1i.i1, 1895,
p. 5 ssq. .
de·ux souffles. C~ qui est essentiel pour lui, c'est la reconnaissance
35 :M.. WELLlUNN" op. cit., p. 7: c Du Charakteriatisehe derselben (der·
du cerVEau comme centre de la vie psyehique. Une plus grillide
pneumatisehen Sehule) bëstelÏt in einer eigenartigen Verlmüpfung der atoisehen
subtilité de ce pneuma du cerveau ne .pouvait guère être admise, . Philosophie mit den HauptBàtzen der dogmatisehen Sehule. Dieae Verquiekung
puisqu'elle était considérée par lui comme; une cause de maladie. der Yedizin gerade mit dem Stoieismus wird veratindlieh dureh die hinlinglieh
Ot·tte distinction entre Its fonctions organiques, commandées par le bekannte Tatlache, dus in jener Zeit der Stoieil!lllui in weitverbrt!teter Herr-
pneuma vit&l et les activités d'ordre supérieur commandées par le lehaft gelangt war ».
t~s fCOLES riDIC~a' t'ÊCOLE 'PNEUMA 'l'IQul<1 193
rendus célèbres par leur pratiqœ .chirurgicale. Le représentant;. slbie et intellectudle '3U. En ce qui concerne piliS 'spécialement la
principal de l'école a été Archigène d'Apamée en Syrie, qt;lÏ séjourna eonnaissance sensible, ks pneumatistes ont adopté l'explication, des
à Rome sous le règne de l'empereur Trajan et qui a exercé par sa stoïciens, en y apportant des préc~ions d'ordre secondaire. Ainsi
science une influence très étendue dans J'antiquité 8s• ils admettent que la connaissance se fait dans chaque organe appro-
Ce qui frappe tout d'abo:r;d au contact des doctrines de cette prié, sans que l'hégémonikon intervienne directement: c'est le pneu-
école, c'est que le fond d'idées philosophiques qui y sont' adoptées ma qui est localisé dans les yeux et spécialement dans la pupille
est beaucoup plus étendu que chez Érasistrate. On y trouve vrai- qui est le principe de la vue, alors.que les stoïciens insistaient géné-
ment un mélange de ce qu'on appellerait, en langage moderne, la ralement sur la centralisation des impressions se·nsibles par l'hégé-
icience positive et expérimentale et de considérations philosophi- monikon. Les pneumatistes en arrivent ainsi tout naturellement à
ques. S ~il Il été possible de réaliser cet amalgame, c 'est que le sys- introduire une certaine différenciation entre les souffles contenus
tème philosopflique: sur lequel les pneumatistes se sont appuyés est dans chaque organe: celui de la vue est caractérisé. par sa subtilité,
d'allure nettement ~'mpirique et ne s'éloigne pas trop des données celui de l'ouïe est très sec ~t très fin, celui de l'odorat est humide et
de l'expérience. C'est' aux penseurs du Portique qu'ils empruntent vaporeux, celui du goût est caractérisé par son degré d 'humidité et
la base de leur science médicale, à savoir la doctrine du pneuma . celui du toucher par son expansion à travers le corps tout entier .0.
telle qu'elle a été élaborée dans cette école. Nous avons vu plus haut Ces modifications vont donc dans le sens d'une décentralisation du
que Chrysippe distingue trois étapes' dans la hiérarchie du réel; pneuma psychique: alors que les stoïciens voulaient rendre compte
qu'il explique 'par un pneuma approprié à chaque degré de perfec- de l'unité foncière de l'organisme vivant et surtout de l'unité de la
tion. La même conception se retrouve chez les pneumatistès. TI y a conscience, qui est le poste récepteur de toutes les impI"(ssions sen-
, d'abord" en bas de l'échelle, le mEÜtta ÉxnxOv, principe de cohésion sibles, de quelque nature qu 'eHessoient, les pneumatistes ne sem-
des êtres matériels; 'qui par l'alternance de son mouvement œ'ntri- bloe.·nt s'occuper que de la physiologie de l'acte de connaissance: on
luge et centripète" assure l'unité en même kmps que l'étendue des pourrait dire en langage moderne qu'ils limitent leur examen à la
réalités sensibles 81; il y a ensuite le nvEÜJlŒ q)U(JLx6v, un feu créa- réaction physico-chimique produite dans l'organe sensoriel par l'ex-
u'Ur ou plutôt un élan vital qui traverse le cOsmos et qui, suivant citant matériel. .
un plan méthodique, fait naître partout la vie et le mouvement 88 ; Il Y a également, d'après les pneumatistes, un rapport étroit entre
il Y a enfin le nvEÜtta VUXLx6v, qui, constituant le degré supérieur le pneuma et la chaleur vitale, soit qUE: les deux s'identifient tout
dé la hiérarchie, est répandu dans l'organisme humain tout entier, simplement, le pneuma étant eonsidéré comme un des éléments con-
ie vivifiant de son 'influx animateur. Car il y..a dans chaque homme stitutifs de l'organisme humain à côté des éléments humide et soli-
un prieuma psychique qui est principe de ~ie, de connaissance sen- de u, soit que le pneuma produise la chaleur vitale par son mouve-
'ment incessant, de telle sorte que nous devons continuellement tem.
8. M. WELLllANN, op. cit., passim.
81 Ps. GAL., ·OOOL tU'tOLXOL, 96 (XIX, 372, KÜSN): -"E;LÇ Ëm1. mrWJ.Ulauvé-
39 Ps. GAL.,·O q.o L lu 't Q LK 0" 29 (XIX, 355,' ~ÛBN) : ~X'1 ËmL X'Ydi)Ul
XOV xu1. c:ruyxQU'toVv 'tà. fLÉ~ ........ Au sujet de l'auteur de Cet opuseule, el. M.. W~ :rcUQEG1CC1Q,uvoV Êv oMp 'tq, Oc.OJ.UI'tL ÔL' 00 ';ooJ&eV xul ÂGyd;6f'riu xu1 'tui; loutu~
MANN, 1X6 pneumo Bchvle, p. 65: 0. Kun um das Resultat der folgenden Unter- utafhjereow mQYoOJ18V 'Ôm)Ot'toVvrGÇ 'toO CKOJ.UI't~.
~uehUDg vorwegzuneJnne~, die Sehrift rührt von emem zum Synkretia~u8 hin-
40 PL GAL., ·OQOL lU'tQLXOC. 117-121 (XIX, 379, Kthœ): p. ex. la ~e!
neigenden Pneumatiker fri'ihestens aus dem 3 J ahrbundert ber:J. Cf. ibid., pp.
oQa.alc; ËmLv of) Yl.Vo~ ~Là.' 't0Yv' bcpaaÂfAœv 'tép auyxEXQUf'fLÉvcp l'Y ClÛ't0i; :rtVEÛJ.UI'tL
66-61. .
'lE:rt'têp J1W..tO'tu xU'tà. 'tbv 'riiç xOQT)ç 'to:rcov TUYXuvovn, ÔL' 00 al oQu'tucuL o.v;v..1j-
18 PB. GAL., ·0 0 0 L lu 't 0 LX 0 C, 95 (XIX, 371, KÜSN): cpûc:nç Ëm1. m;Q 'tEX- 'PEI.Ç ylVOV'tClL.
VLXOv 00q. ~'tov dç yéWOLV xu1. Ë~ iau'toO hEQYIl'tLnOOç xwoopnov. - Autre 41 Ps. GAL., ·0 Q 0 L l CI "C Q L X 0 C, 33 (XIX, 356, KÜHN): ~uviC1tT)x€V ~f.'OOV
.t6finition: qMnç lml m'EiiJ.UI évlnQfWV l~ ÉuV'toii XLvoUJ1n'OV KCI'tà 't0'Ùç cm:EQpa.- ''tà. OOOf'U'tu lx mEQ,eOYv, -GYQwv xut mrntJ1dno'V. ~TEQeà. JAh oùv lanv Oatci, XOvôQOL,
'tl.XOÙç AOyou; yr.vvfjyy 'tE KUL teÂtLOW xuL ~La.n)OoVY 'tbv livaoomov Iv XQ6vo1Ç xal 'YCÜQU, fLueç, q>M6eç, o.QntQlo.L )Cul 'tel. f:v xu'taÂ1j'l'eL mtÂ.ciyXVU' ~vQà. ~È ol- XUf.'OL
l-"')'éinow WOLCJ~IÇ. KUL 'tà. 1tEOLTtOOfA4"tU. To ÔÈ 1CVtiif4U 'to Éf.'q>vrOv ÈmL OEQJAl>V 'to f:v 'tÜ XaQÔLq.. '
J3
L 'ÉCOLE PNÈtfMATIQtt~ 195
194
p~rer notre chaleur vitale par la respiration, si nous ne voulons p~ amené des dout€.s sur la position centrale du cœur humain, comme
sans le savoir, retomber dans les mêmes douleurs que_ ceux q~i nous l'avons déjà remarqué chez Érasistrate. 'On admet cependant
souffrent d 'une inflamm~tion inte·me 42. Cette seconde conception, de façon générale que l'hégémonikon est établi dans le cœur. GalÏ€-n
qu 'Oribase nous rapporte comme étant celle d' AntyHus, un autre' raconte à ce sujet qu'un jour il vit un disciple d'Athénée soigner
représenant de l'école pneumatique, répond à un essai en vue un frénétique en lui mouillant la tête d'uIt mélange d'eau de rose
de résoudre un problème que les stoïciens ne s'étaient jamais posé, et de vinaigre et il lui fit remarquer qu'il n'était pas conséquent
celui de l'origine de la chaleur vitale. Il était d'ailleurs fort logique avec ses principes: en effet, la frénésie étant une maladie de l'hégé-
pour eux de ne pas se préoccuper de cette question, puisqu'ils con- monikon, qui, d'après son maître, est localisé dans k: cœur, c'est là
sidéraient le pneuma, que Zénon identifiait avec la chaleur, comme qu'il aurait dû appliquer son' remède 46. D'après les pneumatistes le
le principe universel du cosmos, à côté de la matière. \Par contre cœur est un organe musculaire qui a la forme d'un cône E:t qui
les pneumatistell se désintéressaient de ces problèmes cosmiques, du comprend deux ventricules, dans lesquels le pneuma vital est pro-
moins dans une très grande mesure, et limitaient leurs investiga- duit: c'est en effet de là que partent les artève.s et les veines, qui
tions aux êtres vivants et spécialement à l'homme. répandent le souffle vital à travers l'organisme tout entie'r 41. Il
Les pneumatistes admettent ~·ntre notre souffle vital et le corps faut remarquer cependant ciue ces canaux ne charrient pas seule-
la même connaturalité que les philosophes du Portique, bien que ment du pneuma, mais également du sang 48. En effet, si le cœur est
l'origine de ce souffle ne soit pas pour eux la même 43. En effet, au le centre des courants pneumatiques, il est également le point de
lie'u de le considérer comme une exhalaison du sang, ils lui assignent départ de la circulation du sang: le souffle vital lui est fourni con-
une double origine: d'une part, les effluves du sang et, d'autre part, tinuellem{'nt par les poumons, tandis que le sang afflue du foie 49.
l'air que nous aspirons sans cesse 44. Ainsi est réalisée une concilia- Nous trouvons donc dans le cœur les deux éléments· qui donnent
tion des vues de l'école hippocratique avec celles de l'école sicilienne, naissance au pnèuma psychique: le sang, d'où les effluves chauds
une position intermédiaire entre Érasistrate et le stoïcisme.
D'après l'école pneumatique, le cœur doit être considéré comme 378, KÜHN) : f)yeJ1OVLXoV ion 'll'uxiie; TO o.QXov TOOv l'EQÔ>v Tiie; ,,",xii;, TO ~o.aLÀEüov
le centre de notre vie, bien que certains théoriciens optent p~utôt xai. i:utuaoov, xo.ih8QuJAÉvoV 8è Év TÜ ~daE~ 'tOÜ ÈyxEq>w..OU. Ot 8è o1itroc;. "HYE-
J1OV~XOV ",",xiie; Éon TO xo.t'uQXov Tiiç oÀTJe; Toii troou 8LOLxfJaEroe;. TE'tayJ1Évov ôè Év
pour la base du cerveau 45. C'est" la découverte des nerfs qui a
"t'fi X«Q8Lq. hoü lyxEcpo.Àou : glose introduite sous l'influence de la définition
précédente; ef. M. WELLllANN, Die pneumat. Schule, p. 61, n. 3).
42 OJUBA..SB, COJ"ptU med. graec., VI, l, l, p. 163 (DARDlBERG, l, p. 461, 5.Ü) : 46 GAL., Methoàus medendi, XIII, 21 (X, 929, KUHN): 'I8oov yoüv not'È TOOv
To YÙQ nvEÙl1CI. Ti)v f:v f)J1i:v OEQJW.OLa.V Til> nOÀlm~YlÎTql Tiie; q>oQàç xa'tà Ti}v naQo.- M' ,AihlvaCou Twà Ti}v XE'I'o.À1tV o.tovô'wto. Q08LVCP" xal O;E~ l'EJ1~YJAivo..; ÉxroÀuov
'tQL",~V ëyE~EL xal t;romJQEL, Toaa~v MonÀo\iv 8ui TO Tiie; f:vEQYELa.; OOuiÂ.ELnTOV o.;LÔ>V ÈnupÉQELV 'tip 9roQClXL TO ~oiaihll1Cl.· ~E6À<l.q>-D0.~ JAh yàQ Til> n«Qo.q>QovoÜVt'L
f:v Tip arol1Cl.TL "tÛQroo~v matE, El f.l1t n«Q' ËxUO'tOV c:iVo.~of1EV Éo.ut'o~ "t'fi 8m Tile; TO f)yt:J1OVLXOv, dvo.~ 8' Év "t'fi XC1Q8Cq. ·'toÜt'o Xo.Tà. 'tOv 'Afrrlvo.wv.
àvwtvoile; xo.To.'I'V~Ea., l.o.i}dv ÙV 0J1ow no.itOvr<lÇ TOiç de; nolltiv ÉJ1"t:aoiia~v < Ëy- °
41 Ps. GAL., ·OQ L ta'tQ LXO C, 4:9 (XIX, 360, KÜHN): XC1Q8Co. iatl f.Lu<il81t;,
xttuaLV>. ËX~ axiil1Cl. xrovOEl8~ Xo.L Mo xov.~ f:v _a'lç YEVVciTo.L TO ÉJ1q>U'tov OEQf'Ov xal TO
43 G.u.., De digMBcendil pulBibus, IV, 2 (VIII, 936, KÜHN): TO aUJ1CPU'tov trot'LXOV nvWl1CI.~ 'E; "ie; ÉX1tEqnlxOOLV CÏQ'tT\QLo.&. xo.i. q>U6Ee; ix<pUovr<u. tu' Jyy XOQ11-
nvWl1CI. xo.4 t;OOTLXOv 'to 8m TÔ>V aro....o.TroV (Oc; airtoi. (seil. 'Aya{}i:voc;, :AQX~YÉ'v'rle;, yEi:'t'o.~ Til> navd arol1Cl.'tL 0 TE t;ro'tLXOc; YOvo; xai. ~ ËJLq>Vtoc; OeQJ1CI.OLa.. - Fr.
cV.Mn) fJoUÀOvro.L, TUo.JdvOV. Rüsehe (Blut, Leb~3 u. Seele, p. 277, il. 5), propose la correction de yOvoc; en
4t GAL., De ""'" reBpiratioft.iI, 5' (IV, 502, KÜHN):· no{}EV oùv, q><lOLV, ciÀÀO{}EV .TOvoc; : dans ce cas l'expression t;OO'tLXOe; 'tOvo; aurait le même seDa que t;roTLXOv
~E~ Ti}v TQO<pTaV (seil 'to nvEiil1Cl. '\jroXLXOV) El J11t n«Qà Toii 8m Tiiç Etamooije; ÉÀxo- m'€ii11Cl..
pivou; xo.4'tOL x~ 'riie; 'toii o.LI1CI.'toc; a.vo.-DuJ1uiat:ro; oùx Me~xOc; o.mo TQÉq>Eai)o.~, ° °
48 Ps. GAL., ·0 Q L laT Q ~x C. 49 (XIX, 360, KÜHN): Ko.Q8La. ••• É; "i~ ËX1tf:-
xo.-DWŒQ xai. n6Uo..; Tmv illoyLJ1OOV ta.TQÔ>V 'tE xai. cpLÀoaoq>rov l8o~EV. <pÔxOOLV CÏQ't'1}QLa.~ xai. q>U6E'i 8~' WV Ê:cutÉJUCE't'o.L a.ll1Cl. xal nvEiiJ1«'
41 Ps. GAL., ·0 QO L laT Q LX 01., 33 (XIX, 357, KUHN): 't0 8è nvEiif.laTO ËJ1- 48 PS. GAL., "OQOL lo.t'QL,XOC. 4:68 (XIX, 459, K"ÜHN): AUJ16o.VEL 8È xo.Q8Co.
q>ut'Ov ion OEQ.wv TO Év "t'fi xa.Q8(q.. - ARtTtE, De MuN, II, l, p. 23, ER1U!R.INS: d~ TO TQÉCPELV xo.l o.ii;ELV TO aô>JU'lt o.tl1Cl. t.th no.Qà 'tOÜ ilna'to;, nvEiiI1Cl. 8è no.Qd
, •• f) x(lQôw., troi}; xai. a.vanvoil; a.QXfJ. Ps. GAL., "OQoLlo.TQlxol., 113 (XIX, TOÜ moeUJ1OV~.
L'ÉCOLE PNEUMATIQUE 197
Se dégagent incessamment, et l'air aspiré par l'intermédiaire dei ne s'accorde pas avec celle que nous trouvons chez le Pseudo-Galien.
poumons. Celui-ci attribue le processus de la respiration aux artères, qui se
On ne pourrait cependant pas en conclure que les poumons sont ~aractérisent par le fait qu'elles ne contienn€'nt que peu de sa.ng,.
le principe de la respiration, car ils n'~xercent leur fonction qu'en d'ailleurs très pur, mais beaucoup de souff!e très subtil 14 • Le dou-
dépendance du cœur: c'est en réchauffant le poumon que lE: centre ble mouvement des artèNs, qu'on appelle le pouls, doit être mis en
vita11ui communique le désir d'aspirer l'air frais de l'atmosphère rapport avec la respiration: car la contraction des artères a pour
ambiante, pour modérer la température due à la chaleur vitale 50. but d'aspirer l'air ambiant, tandis que la dilatation sert ft. expulser
C'est là, en e;ffet, la première fonction.·que l'air aspiré doit remplir. les éléments fumeux et fuligineux 55. Ce mouvement alternatif du
Il sert en outre à entretenir notre souffle vital, dont la substance se pouls pe·ut donc ~tre oomparé au tOVO; des stoïciens: la. fréquence
renouvelle continuelle·ment iii. Bien que ces conceptions se rappro- de ses battements dépendra de la force de cette tension vitale 58.
chent très fort de la pneumatologie stoïcienne, on remarque cep~n­ Cette pulsation automatique, qui se produit dans le cœur et dans
dant des modifications. assez importantes qui sont dues à la diffé- les artères, a donc une triple fonction;' celle de modérer la chaleur
rence du point de vue adopté: les stoïciens mettaient généralement vitale' par l'air frais qui est aspiré du dehors; l'entretien du pneu-
a'accent sur le caractère igné du pneuma psychique, tout en recon- ma psychique; enfin l'augmentation du tovog vital, car c'est par
naissant qu'il est d'une autre nature que le feu terrestre. Ils ne ce renouvellement perpétuel que l'organisme se maintient et se dé.
cherchaient pas cependant à tempérer cette chaleur interne; le point veloppe normalement 51.
de vue da; médecins est évi~emment différent, puisqu'ils ne eher- Nous avons vu plus haut qu'Érasistrate avait enseigné, à l'exem-
chent pas à donner une explicatioD rationnelle de toute l'activité ple de Praxagore, la distinction nette entre artères et veines, en
humaine, mais à découvrir les facteurs déterminants de la santé et considérant les· premières comme les canaux du pneuma et les secon-
de la maladie. des comme les conduiks du sang. Une distinction analogue a éttS
Antyllus a insisté sur le fait que oo·tte aspiration d'air frais ne
.se fait pas uniqu~·ment par la bouche et par le nez, mais par toute xOIÀ~ xru "fCÔV xai}' oÀ1)V TJ\v O'dQxa, :rcoQcov yCVE'faL (P~ yciQ 0 o.l)Q ELaœ CÏ>i}tt"taL
.la surface du corps humain. Il existe à la périphérie de l'organisme nQo~ Ti)v ,",0 "ti]~ ôUlcnaaEC6Ç Yf:VV'rJi}Etaav f'ÙQUXroQLaV xa't'ci TÏ)v <pUO'LxitV 'toù nÀ1)-
humain des pores invisibles, par où l'air ambiant peut s'infiltrer QoüoitaL "to XEYmJJ.lEVOV civay(1)v)· cii}Qoüv tth dO'tQXofUVov 8ui QLVOOv xaL cn0tw--
dans le corps et modére·r la température interne 52. La quantité' "tO~, noÀ" ÔÈ xai. 8ui 't00v xa-&' oÀ1)v Ti)v btUP«VEUlV :rcoQcov, "foO'oVtfP 8è nÀd~
d'air aspiré dépend évtdèmment de l'extension des organes respira- 8esottria "fOv è;roi}ev el~ ÉavtOÙç cüQU, oO'cp:rceQli.v fA-Ei1;ova nav 't00v ËcpEÀX\lO'oJd-
vrov alrtOv ,,6:rccov f'ÙQUXca>QUxv :rcOL1}O'roJ'€"•
.toires: plus nous les étendons, et plus il y €-ntrera d'air en v~rtu de
G4 Ps. G.AL., ·0 Q 0' ta"t' Q , x 0 C, 14 (XIX, 365, do): 'AQ't1)QCa. lO"tLV cir
la nécessité physique de remplir l'espace vide 53. Cette conc~ption yEiov a'tfAAl"to; èÀa.n~ xa.l. xa,i}a.QCO"t'éQOU xa,\ 'toO cnryxexQa,dvou cp\IO"UcoiJ ~
tw-"t'O; :rcÀeCovo; xa\ ~oJ.LeQeO"dQov. .
. 60 A.UTbc, De C4u.ri.t, ri~ l, p. 23, ERYERINS: ••• /t xa.Q8Ca., ~~~ xaL frvamroiiç li5 Ps. G.u.., ·0 Q o,~t Ct"t' Q 'x 0 C, 7'4 (XIX, 366, dHN): 'AQ"nlQia.lcn\ O'oof'4
CÏQx'J. ~8E xaL "tep m'eUf.lOVL Tij~ oÀxi1~ "tOü ",",XQOü f)ÉQoÇ Ti)v nO'&T)v h8t8oi. 'Ex- xotÀov . 8LX(~COVÔV, Éx· xUQ&Caç oQf'ÔlJ1eVOY :rcveUtw-'toç ~CO"t'LXOO XOQTIyOv. AéXE'faL ôl
«pÀiyEL yàQ a:Ù'tOv, nXEL 8È /t xa.Q8La.. - Ibià., II, 3, p. 35, ERYERINS: xai. yà.Q xa,i}a.QOv cüQCi f:v"t'fi aucJ'Colij xa,1: lxXQ(veL I:v"t'fi 814cnolii "t'à. xOm'cOOYa xru 1LVVUcOOYa
-xa.i. ôui mW~ ËÀxeL mrriJJWo iç o.vamroTiv /t Xa.Qô(1). nEQt.nOOfAAl"t'a.. - Ct. lL WELLlCANN,-DW J'ft/HHn(lf. Bohule, p. 10.
Cil Ps. GAL., ·0 Q 0 L la"t Q LX 0 (, 74 (XIX, 366, KüHN): ElacpÉQouaa oÙ\' (seil. Il Ps. GAL., ·0 Q 0' t a ~ Q 'x 0 Co 110 (XIX, 316, KÜHN): CJcpuy~ lcn, XL"'le
CÏQn)Qia.) xai}a.QOv à.ÉQa VUXtL "t-r\v xUQ8Lav xai. "to lJUPl.lTov OtQJ1Ov· l) XQ2La yoiN O'I.Ç <pU0'LXY! xai. WtQoo,LQE'fo; "t'Oü f:v xa.Qô~ xa.i.ÜQ'nlQea...; OEQf.l-OÜ dç. laU"to Kal d«p'
"toü O«pUyf.l-OÜ a'Ün]Ëcni. "to È....VUXEa{}aL 8ui "toü UiQoç. "'EcnL 8È xaL aVtl) oua La "toü ÉaU't'oü croyxLVoüO"a Of.l-OCœç"tiav "te Xa.QÔLaV xa.\ "tciç CÏQ't1)Q~. Ct. GAL., D~ dit-
-cüQo; "to nQOcnLi}-EoitaL "til» 'l)fA-E'tÉQq> m'wtw-n yÉvvl)a~ xal. nQoaO-tlx1) "fOÜ ",",XLXOÜ terentia pul.tuumj IV, 14 (VIII, 756, KÜHN). Ibid., III, {VIII, 646, KthtN):,
nvEUtw-"toç. la cause de la fréquence du poul. : °Athivac.oc; ôè "toü ~Q)"tLXOÜ "tovO'U nav taxUv.
li2 ORIBASE, Corp. med: graee., VI, l, 1, p. 161 (DüEMBERO, l, 455). 51 Ps. GAL., "'0 Q 0 L ta" Q LX 0 L, 110 (XIX, 376, KUHN): a«p\1'(Il~ ÉcnL xa'fà.
53 ÛR.IBASE, Corp. med. gf'aeo., VI, l, l, p. 161 (DAREllBJŒG, l, 456): 'End 8UlO'toÀl)v xai. (J'UcnoÀi)v nQOç l ....,.",SLV "tOÜ ÈfAAPVtOU OEQ ....OÜ Kat o.üS"lO'LV l'oii ~(Q­
'tOlVUV ~ E~ l)~ oÀxi) "tOÜ nvt:Uf.lal'oç 8wa'tEUoJ.lÉvou l'OÜ 'tE OWQaxoç xaL Tii~ l'loXOV 'Ovou xo.t ~O'LV l'OÜ """,XLXOÜ nveUf-Ull'OS'
198 LES ÉCOLES MÉDICALES L'ÉCOLE PNEUMATIQUE 199
admise par les pneumatistes, sous une forme moins poussée. ne ambiante. Alors que les stoïciens appuyaient sur la parenté de notre
Pseudo-Galien rapporte que 1€s veines contiennent du sang et du souffle psychique avec les corps célestes, ces médecins l'ont ramené
pneuma, comme les artères, mais qu'au point de vue quantitatü le au niveau de l'atmosphère terrestre. Ceci constitue certainement un
sang y prédomine, alors que, dans les artères, le souffle est prépon- pas en arrière au point· de VUe d€' l'évolution du pneuma dans le
dérant 58. D'après ,le témoignage d'Oribase, Apollonius, qui appar- sens du spiritualisme.
tient à la même école pneumatique, admettait également la présence b) En expliquant l'origine de la chaleur vitale de façon purement
du pneuma dans It:s veines: c'est pourquoi il déconseillait de faire naturaliste, par le frottement du pneuma dans son mouvement alter-
des saignées fréquentes, parce qu'on n 'y perd pas seulement du natif, ils ont également rabai~é la nature de celui-ci et ils l'ont
sang mais aussi du pneuma vital, ce qui entraîne un refroidisstment ramené à un élément ordinaire, qui s'insère normalement dans la
général de l'organisme d par conséquent l'arrêt des fonctions phy- chaîne causale des faits naturels. Au lieu de le considére'r comme
siologiques 59. Par contre Rufus d'Éphèse considère les vdnes uni- un principe qui est à la source des quatre éléments mais qui les
quement comme des vaisseaux de sang;' alors que le pneuma est E'n- transcende par sa subtilité, sa pUr€-té et sa mobilité, ils en ont fait
fermé .dans les artères avec une quantité beaucoup moindre de un souffle ordinaire, dont la substanc,e doit être continuellement
sang 80. La raison pour laquelle les pneumatistes ne pouvaient pas nourrie par l'apport de l'air aspiré et dont la température doit être
admettre les vues d'Érasistrate en cette matière, c'était leur doé- modérée pour la santé de l'organisme.
trine sur l'origine du souffle: si l'on admet que le pneuma psychi-
que 'Est constitué intégralement ou en parme par les exhalaisons du *
sang, on est bien forcé d'admettre que le sang et le pneuma se
**
trouvent réunis. Les pneumatis~es définissent la sant.é comme étant un mélange
La pathologie et la thérapeutique des pneumatistes sont fondées harmonieux, non pas des éléments, mais des qualités élémentaires:
tout entières sur les considérations général€s que nOlLS "enons d'ex- le chaud et le froid, le sec et l'humide 61. Les d€llX premières qualités
poser. Mais avant de passer à l'étude de ces branches, nous voulons sont évid€Ill.rnent d'une impoltanoo capitale; aussi n'avons-nous
ajouter une remarque au sujet de la nature du pneuma selon les pas cessé d'insister sur cette condition nécessair€' du développement
représentants de l'école. Toute l'analyse' qui précède montre à l'évi- normal de 1'organ~me: une température modérée. Si donc par une
dence que le pneuma des stoïciens a subi une dégradation notable: cause quelconque le refroidissement régulier de la chaleur interne
a)' En faisant entrer l'air aspiré dans la constitution même de ne peut P.8S se produire, tout l'organisme en souffrira. On peut
notre souffle vital comme un ingrédient de celui-ci, les pneumatistes en dire autant .des deux 'autres qualités, qui exercent également leur
ont établi un lien de connaturalité entre le pneuma et l'atmosphère influence sur le souffle vital, puisqu'il se dégage de l'élément humi-
de. La théorie des humeurs n'est donc pas éliniinée, mais elle est
°
58 Ps. GAL., "0 Q OLt a"t Q , " ~ 73 (XIX, 365, KUHN): CI»1i", ËOTLV üyydov intégrée dans la pneuma~logie de oos médecins, puisque 'la consti-
aiJ1G."t<>Ç "al "toù O'UY"ExQa,revou "tep aLJW."tL cpuo,,,où 1cvmiJ1G."tO~... ÉXEL 6È :d,dov
tution même du principe vital en dépend. La notion oo·ntrale qui do-
'to al~ oÂ.Li'oo"tf:Qov6È "to tro"tLXOv 1tVEl;JlCL
59 ORIBASE, COrp. med. graee., VI, 1, 1, p. 218 (DAREliBERG, II, 64-65):
mine, donc l 'hygiène et la pathologie des pneumatistes est l 'd,.tov(a
To fÙv OÙV q>1i6a.ç 3WI.QELV noU.ax~ 'tOÜ É-rouç oiixin.:ni3ELOV fJi'OO.tT)V, Ëvvowv, du souffle vital: tout ce qui la fayorise est hygiénique, tout ce qui
on ci...-a. "tep ai~n noÀù O'\1VExxQLvt'taL "to t;ronx()v ,.;vW~ 'toV"tou 8' üvw..LOXO.œ-
vou, mmvo'tEQov 0 Tf: oÂ.oç OyxOC; xa"taWVXt'taL, xaL nÛV"ta "tù cpuOLXÙ ÉQi'a XELQro °
61 PS. GAL., ·0 Q L ta"tQ '''0 ~129 (XIX, 382, KUBN): UyC€ui ÈO"tLV f:ÙxQa.oCa.
i'Lvt'taL. " 't00v naoÛQrov nQoo"trov O"tOl.XELroV, Ë; <uv"to owJtG. ouvÉO"tT)XE OEQJtOÙ, 'l'UX,QOù, UyQoü,
, 80 RUFUS, 183 (RUELLE). Cf. M. WELLlIANN, Die pnewmat. Schule, p. 70: ;T)QOù. Ct. GAL., lntroductio Beu medicu.B, 9 (XIV, 698, KUBN).Ct. M. WELL-
q>Ài6EÇ ..iv dOLV üyytta nEQLf:XnXÙ aiJ1G.'toç, 3ui <Uv "to alJ1G. dç nÛV"tŒÇ "t00c; "tOù YANN, op. cit., p. 157: «Jede Erkrankung des menschlichen Korpers beruht nach
ooo...-a."toç "tonouç nG.Q03tÉ....,-ct'taL • aQTYlQ{m 3É dOLV ayYtta nEQLf:XnXÙ al~"tos der Theorie der Pneumatiker au! einer Dyskrasie der vier Elemelltarqualitii.ten,
~ nooolC;, nvEUJ'a1:0S ÔÈ nUov ;toÂ.u, Èv ols /) oqnry ....OC; i'Lvna~.
"'",~:., die bèstiounte Anomalie~ des l?lle~ma und der Bitte im GefoIse hat-.

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200 LES tCOLES MÉDICALES L'ÉCOLE PNEUMA'rIQUE 201
la trouble est cause de maladie. Cette notion stoïcienne désigne lIIl tal entre les deux, puisque, de part et d'autre, on attribue la mort
état du pneuma psychique, tEl qu'il puisse exercer normal~ment à une anomalie du pne'uma.
l'activité qui lui ~t propre comme principe vital: il faudra donc Quant à l 'hypocondrie, elle serait produite d'après Arétée par un
qu'il ne soit ni trop chaud, ni trop froid, ni trop sec, ni trop humi- pneuma épais et semblable au brouillard, qui paraît humide tout
de, de manière qu 'Upuisse déployer son action vivifiante jusqu'aux en ne l'étant pas et qui ,remplit le ventre tout entif'r: il en résulte
extrémités de l'organisme vivant. L' eiitovLa du pneuma psychique des accès fréquents de toux brève et sèche". ~s coliques sont
est donc la norme' suivant laquelle on jugera de certains exercices causées également par un pneuma froid et inactif qU\ reste enft'rmé
physiques, de certains alim€'Ilts, de certains remèdes. Ainsi, les exer- dans les circonvolutions supérieures des intestins, sans pouvoir mon-
cices athlétiques sont approu:vés par Antyllus parce qu'ils favori- ter ni descendre. C'est par la localisation de ces douleurs dans les
sent cette tensi~n normale du pneuma 62; i~ en ~t de même de la circonvolutions des inkstins qu'Arétée explique le nom grec de
~I:'rche (')1 terrai~ accidenté 61. cette maladie:, eurov 61••Une explication analogue est donnée de
Les maladies se réduisent aussi, directement ou indirectement, l'épilepsie, qui se produit lorsque le pneuma est enfermé dans la
à une dyscrasie des qualités élémentaires, qui exerce une influence poitrine: les spasmes et 10(8 convulsions proviennent tout naturelle-
néf~te sur la constitution et l 'activité du pneuma. Ainsi Arétéed~ ment de œ qu'il eherche par tous les moyens à s'échappe'r de sa
Cappadoce, médecin célèbre du second siècle de l'ère chrétienne, dis- prison; en effet, cette agitation convulsive dure aussi longtemps
tingue deux espèces d'angines: l'une qui provient d'une inflamma- que l~ souffle intérieur n'a pas trouvé d'issue; si à un certain mo-
tion des organes respiratoires, l'autre qui résulte d'une anomalie du ment'les humeurs et le souffle débordent dans les organes respira-
pneuma ~n lui-même 6f. Cette maladie peut donc se produire sans toires, l 'étouffement intéri~'llr touche à sa fin: comme l'écume de
inflammation aucune, simplement parce que le' S()uffle vital est la mer houleuse, agitée par les vents, afflue vers le rivage, ainsi les
devenu trop see et trop chaud: pour appuyer sa théori~, Arétée cite humeurs rejdées' par l'épileptique le libèrent de son trouble 68.
l'exemple d 'hommes qui sont mortellement atteints dans le gouffre Le Pseudo-Galien parle également d'une maladie qu'il appelle
de Charon par une sellie aspiration ~t d'autres qui sont contaminés EJ.tx"E'UJ,uITooaLÇ: elle se produit lorsque le pneuma se rassemble en
par un chien enragé, sans morsure aucune, en aspirant simplement trop grande abondance dans 1'~stomac; il en résulte évidemment
son haleine 65. Noùs avons déjà rencontré l'ex(!,mple des hommes une dilatation excessive de l 'estomac ~t du ventre, qui empêche la
asphyxiés dans le gouffre de Charon chez Érasistrate, qui en don- rép'artition normale de la nourriture 69.
nait eependant une €~plication différente: d'après lui, l'air aspiré
y serait tellement subtil, qu'il ne pourrait pas être renfe~mé dans 1$1 ABtTtz, De OGU8Ï8, II, U, p. 98, ERKERIN8:,"AXQL 'tWv yaari)Q 2tlJ.UtMx'tUL
les vaisseaux pneumatiques. Il y a eEpendant un accord fondamen- Wto mai ....ttfo<; 1CUXÉo<;, o. . LXMOôe~, VyQOü roç ôoxÉeLv, oùxÉ't' Emo<; UyQoU.
61 A.B..tTfJ:, D~ MU8Ï8, II, 6, p. 40, . ERllERIN8: 'Eyylyvno.L ôi xul m'f:Üf.&4 "i'UX-
62 ORIBASE, Corp. mea. graeo., VI, 1, 1, p. 183 (DAR&!lBERO, l, 524): "H ~ QOv, cXqyOv, OÜ'te xU'tco 2teQiioœ Qt)t&wv OÜ'te &va, dvelaéueV<lL· JAl"WL 3i ixutolù
yà.Q cnivtov~ :7tciÀ.1} n'VWJUl'toç MOVCo.V xo.i. taxùv EQyul;E'to.t. ÉÂLCYoo,..,nov iv olLyt)oL 'tWv civco illSem, 'toüvexe xo.l 'to 2tclit~ ixlx11}C7W ëCJXev d·
,_, 1
63 ORIBAS!!, Corp; med. graee., VI, 1, 1, p. 181 (DAREMBERO, l, 534): nWf.lo.- IIK.CJV.

~oç 'tovO>'tLxOv 'tomo 'to 'Y" ....VUOtOV {à savoir: la marche en terrain accidenté). 68 A.B..tTfJ:, Dt! CGU8Ï8, l, 5, p. 5, ERHERINS: "'Hv 3i xoovcp JUlXQip xal 2tcmp
64 ARtTt!!, De MU8Ï8, l, 1, p. 10, ERKERINS: n y a deux espèees de crovuYXTI : 1COllip ~ tAh 'tà. €vôov 'toi) O<OQ1}"oç, meiiJUl 3i lyxo.ULQxitiv 'tà 2tŒvto. ad-
'il YÙQ TOOV oQYU'l(J)V 'toov ~ç nvrutVoiiç Eon <pÀlyfA.OViJ 'il f'OlIvo\J 'tOÜ n'Vwf.lOo'toç an, cmo.aJÙ>Ç ôÈ xo.l 'tciQux~ 't00v airtécov ln, xlti3cov 3i VyQOOv civa1C1in l; 'tci;
,.t(ia~ E<p' É(J)'U'tÉo\J ti)v o.hC1}v toxovr~. . ' ôtœt'Voà;" aùv VyQ~ 'to m'f:Üf.&4, civeC7V; ôÈ "rijç 1CQoainv n'Vl;~O<; «LtŒvtcav ÉOLXe: ci-
. 65 ARtTtE, De cau8i8, l, 1, p. 11, ERKERINS: l:uvuYX1lv nlvôe xo.ÂÉ0f.ltV otov <PQov ôè Wto:nOOUOL, WcmEQ bd 'tOiaL Jl.EYOlOtOL n'VWJUlOL i) O&.l.o.aoo. ti)v o.XV'lv.
C7U'VVEUouOo.V Évôov ,..0.1 o.Y1.,OUOo.v. 'Ef.lOi. ôi ÔOXUL umiou 'toU m'wJUl'tOC; t'oVvo\J 6t Ps. GA,L., "OQOL lo.'tQLXOL, 258 (XIX, 419, KUHN): 'EJ.UtVEUJUÎ'tCI)(JCç lo-
'to xaxbv É,,~o.L 'tQo~v 1Co'\-llQilv Èç 'to OeQ.w'Ç~~ov ~i. ~"lqcho."Çov 'tqUt0fAÉV0'!, 't~v o'tuv 2tM:Lov n'VeÜJUl'YEVo~OV xo.dX'l'to.t.,lv O'to ....axcp "o.i. ô14TElvn uÜ'tOv. "o.,
livt:vOe-r wü olÎltw'tO$ ,'tL:V~ <pMyf.lOvii~, Tilv XOLÂLav ~' o.moü, wO't~ xo.i. Èf4XOÔ~Ecrlto.~ ~v '"'l? 't~OCf1lS otxovof4~Y,
202 LES ÉCOLES MÉDICALES L'ÉCOLE PNEUMATIQUE 203

On retrouve les mêmes doctrines pn('umatologiques dans un écrit corps et les organes corporels, suivant le principe que les contraires
intitulé nEQl mJQETWV d 'Alexandre d'Aphrodise. Cet auteur ne se produisent naturellement dans le même suje·t. On doit donc attri- .
peut pas être confondu avec le célèbre comm€·ntateu·r d'Aristote, buer au pneuma et aux humeurs le même rôle dans la· maladi(J et
qui porte le' même nom. Ex~minant les doctrines exposées dans cet dans la santé: la fonction des humeurs est de servir de nourriture
opuscule, l"r. Wdl~ann arrive à la conclusion qu~ son auteur doit aux organes corporels, alors que les souffles sont comme un instru-
être rangé parmi les membres de l'école pneumatique et qu'il a ment universel et générique de l'âme (roç oQyavov xa-36Ào\1 xa1 yEVlxov
vécu après le second siècle de l'ère chrétienne 70. Alexandre d'Aphro- rijç vuliiç). Il en résulte que les humeurs et le pneuma ne sont pas
dise, procédantméthodiquemE.nt, donne d'abord la définition de la les causes matérielles de la fièvre, mais les causes efficientes 74.
fièvre :8EQJ1QaLa 1CaQà <pu env, MO 'XaQôl~ JLÈv clQXOJÛv'r). L'auteur L'auteur présente e·ncore un autre argument, qui entraîne la même
insiste sur ce point que cette chaleur excessive doit avoir sa source conclusion: la santé et la maladie sont des affections dES éléments
. dans le cœur: c'est de là, en effet, qu'elle pourra se répandre dans animés en tant que tels; il s'ensuit qu'elles n'ont pas à proprelpent
le corps tout entier par l'intermédiaire des courants pneumatiques parler comme suj€t les. humeurs ou les souffles, qui sont des élé-
. et du sang 71. L'auteur affirme donc très nettement la position cen~ ments inanimés (car ils ne se nourrissent pas et n'exercent aucune
traIe du cœur humain, comme foyer de la chaleur vitale et commE: autre activité naturelle), mais uniqu€·ment les organes corporels 75.
point de départ des artères et des veines 72. Cette conception s'ac- Ces indications sont très 'importantes pour notre sujet, car elles
corde pleinement avec la doctrine des pn€'umatistes et avec la phi- nous révèlent une conception du souffle vital assez différ~nte de
losophie du Portique. Le Pseudo-Galien nous a conservé également celle que nous avons rencontrée chez les pneumatisres: le pn€'uma
une définition de la fièvre, où il n'est pas question de cette localisa- n 'y est pas considéré comme le principe vital qui, localisé dans l€·
tion, mais qui la réduit à une dyscrasie du pneuma, dans la.quelle cœur, est l'origine première de toutes les activités huma~nes, mais
le chaud et le sec prédominent 73. il est conçu comme un instnlment (oQyavov) inanimé (aVU'X,ov) de
Poursuivant son examen, Alexandre d' Aphrodise cherche à déter- l'âme, instrument dont elle se sert dans l'exercice de toutes les fonc-
miner les causes matéri~lle et e·fficiente de la fièvre: la cause maté- tions vitales. Cette conception du pneuma nous semble aSS€z proche
rielle ne peut être cherchée ni dans le souffle vital, ni dans les de celle de Galien, qui l'a empruntée à Aristot(,': en effet; la fonc-
humeurs, mais dans les organes corporels, qui nous servent dans tion qui était assignée au pneuma par le Stagirite, c'était d'être
l'exercice de nos activités. En effet, puisque la santé doit êtI'€' con- l'instrument premier de l'âme (1CQWt'OV oQyavov). D'ailleurs l'exposé
sidérée comme une disposition natu~elle du corps. humain, le sujat lui-même dénote sans aucun doute des influences aristotélicienn€s
, de la maladie en général, et donc de. la fièvre, sera égal'tment le dans la méthode, le vocabulaire et la position des problèmes. C'est
pourquoi nous p€'nsons que le nom de l'auteur est en réalité un
70 M. WELLYA}."N, op. cit., pp. 86·81: «Will man den ·RüeksehluBB von dem pseudonyme, choisi par un médecin pneumatique, qui trahit une
Inbalt der Sehrift auf die geistige Riehtung des Verfassers gelten lassen, 80 parenté indiscutable avec l'école péripatétjcienne.
war er Pneumatiker J) (p. 81).
71 De feb no us, ed. J. L. IDELn (Physicl et medici graeci. miMres, 2 vol., 74 D~ fe'bnoU8, XIII, 2 (IDzLER, p. 90): 'Oc; YÙQ Tt UyllCa. &ui&Eau; q>UaLx1j 'tU;
1841-42), Il, 5, p. 83: ~Ei: YÙQ Èx xUQSW; «lQXEoftaL xat Sui :rtVEUJ.w:trov xat atf-W- ouoa "t'oo àvftQomlv~)U OOOJUl'tOç, &L' -li; "t'EUUoC; cl civftQ<l):Jtoç 'tciç Éamoü nQOO'Y)xoV-
'toç MO 'tamle; Èq>' May tivaL 'to oroJAU 'tOv :rtUQE'tOvo aac; EVEQ'YEUxç MO"t'eUt, Ev "t'oiç "'OQLoU; Eml 'toü aroJ14'toç, Wv at lvÉQ"fELO.L· X'IJLOl
72 De febribus, II, 6 (IDELER, p. 83); IV, 2 (IDELER, p.84): 'E:rtEi. SÈ :rtà'V 'to SÈ Xal1tVEUfUl"t'a :JtOL1}'tLXci 'taVTY}e; aL'tLa.. 'tci JLèv (~ OQ"iavo'Y xa&ol.ou xaL YEVUCOv
lx 'tile; xUQMa; 9EQ",OY de; oÀOY 'to oro~ :JtaQMEf.L1tofUVOv SLà .œorov LEl'UL 'toù 'tile; ",",xiie;, ot SÈ 00ç ül1) "t'00v JLOQWw, ES Wv. nu;E'taL 'tE xal 'tQÉq>El'aL, <Mo) xal Tt
:JtVfuJAU'toe; xa.t 'tOO atJ14'toc;, ci :JtaVtL :JtQooEon ",oQUp 'tOÙ OOOJAU'toc;, EX Tile; alrrijc; voooe;, -lie; ElSo; cl :JtUQEl'Oc;, Suiinou; :JtUQci q>UaLv 'toü àvftQro:Jt(vou oroJUl'toç, Vcp' -lie;
wVta xUQMac;, dxo'troc; ,",y :JtaQà qniOLV 9EQ ..."V, EX 'tlie; xUQS(a.c; ÙQxotdvrtv, SL' dQ- lv 'taie; EVEQyeCau; xa-ft' ama xai. nQro'toe; alaih"iTil YL"fVEl'aL ~Àa61}, Ev 'toie; amoiç
TY}QUÎlY xai. q>u6rov E~ May tÉvaL 'to oro..,a q>aflEV· ÉO'taL JLOQLoU; "t'où oroJAU'toe;, Wv at lvÉQYELaL • 'tà yciQ ËvuV'tCa. Ev 'tiP aÙ'tiP :JtÉCPUXE
nps. GAL., "0 Q 0 L la 't Q ~ x 0 C, 185 (XIX, 398, KÜBN): :rtUQEl'Oe; Èon Sua-- YLYVEai}aL. IIvEÜJUl SÈ xai. XU ...oi. :JtoL1}'tLxà ...cillov, cill' O'ÙX (,lL)(ci VOOOU l(a" nv-
QE'trov a'{-na..
)t~aoia wv qroOLXOV ;tV~F'toç t:Jti lO 9E~t-"0TE'l0Y xai. ~llQOTE'lOV•.
75 ]Je febribus, XIII, 3 (ID~ERJ V. 90.91).
204 LES ÉCOLES 'lŒDICALE8 t t~cOt~ P~t1:M'A rrIQU~

Si l'auteur considère le 1CVEÜJ1U comme un principe actif plutôt bâüs~e parl;ardeur du soleil, par le mouvement, par un accès de
que comme le substrat· inerte de la fièvre, cela ne veut évidemment colère ou par une autre cause de ce genre 80. L'action de la cause
pas dire que le souffle lui-même ne peut pas être frappé de malaise: sera indirecte dans If: cas où la fièvre est produite par la tempéra-
le sens vrai est' plutôt que le pneuma, de mêm'e que l-es humeurs, ture froide de l'atmosphère ambiante: celle-ci produira d'abord une
joue un roleactif dans la diffusion de la fièvre. Puisque celle-ci contraction de l'épiderme, d'où il résulte que les pores qui se
s'origine au cœur humain, qui est précisément le siège central du trouvent à la périphérie de notre corps sont fermés et que le refroi-
!souffle, il est tout naturel qu'elle se répande à traVE:rs le corps par dissement indisp€-nsable du pneuma ne peut plus se produire: les
l'intermédiaire dn pneuma 78: l 'homme ne sera vraiment att~·int de éléments fumeux et fuligineux ne pouvant .plus être expulsés, la
la fièvre qu'au moment où, par cet intermédiaire·, la -chaleur exces- substance du pneuma n'est plus renouvelée et tempérée par l'apport
sivese '&era co~niluniquée à tous les organes corPorels._ de l'air ambiant 8l • L'auteur a donc adopté la thèse des pneuma-
L'auteur adopte également la division tripartite de l'organisme tistes sur le rôl~: de la respiration dans l'entretien du pneuma et
humain, dont nous avons parlé plus haut; il '1' a d'abord les organes dans la conservation de la température normale dt.' l'organisme.
corporels, qui constituent l'élémf:ntsolide, ensuite les humeurs, qui L'analyse de la pneumatologie du IIEQL mJQEtWV montre donc
sont l'élément liquide, et enfin le q",C.1l~OV XYEüJA,u,qui est lasub- que le jugement de M. Wellmann est peut-être trop radical quand il
stance de nature aérienne. De là les trois ~spèces de fièvre d'après ne voit dans notre auteur qu'un pneumatiste ordinaire. Il y a dans
l'élémt'nt qui est atteint le premier de ce mal et qui le communique cet opuscule, à côté des doctrines médicales empruntées à l'école
ensuite aux deux autres 77. C'est évidemment lepneuma qui est le d'Athénée, des influences péripatéticiennes irrécusables: c'est pour-
plus facilement inf]ammable~ et dont la fièvre se 'guérit le plus quoi le nom de l'auteur nous paraît assez suspect.
·rapidement; par contre, Tes deux autres éléments sont plus résis-
tants, mais, une fois atteints, il est beaucoup plus difficil~· de les
ramener à la température normale. La fièvre qui ne s'étend pas
•••
au-delà du pneuma s'appellera l'a fièvre éphémère 78.
Il résulte de notre enquête que ces médecins méritent vraitnent
L'auteur procède encore à des distinctions ultérieures, qui ne leur nom de pneumatistes, puisque le pneuma est au centre de leur
relèvent pas d'une différence de nature dans· le "pneuma, puisqn 'il physiologie et de leur pathologie. Il joue un rôle de premier ordr~
est le même partout,mais des différentes causes qui sont à l'origine dans les principales fonctions vitales et presque toutes les maladies
de cette chaTeur anormale qu'est la fièvre 79. En effet, la cause qui et anomalies de l'organisme humain découlent directement ou indi-
la produit peut agir directement ·sQr le pneuma· ou indirectement.
recteme·nt d'une indisposition du pneuma. Localisé dans le cœur,
Le premier cas se produira, par ~xemple, si la chaleur anormale est il envoie ses courants vivifiants dans toutes les directions pour
animer les organes les plus éloi.gnés de ce centre vital: c'est pour-
7C! De ,e'bribUII, XXIX, 2· (IDnm, p. 103).·
quoi une· anomalie dans le souffle vital aura infailliblement des
77 De le'bribw,XV, 1 (IDELER, p. 91): TQW>v TOLVUV f:v "'J1LY mrov, O"tEQEroy,
UyQOOv xat Tijçcit:Qoo80uç 0-60La.ç, xal Troy JAlv f1OQLroY 'tOÜ "'J.1ETÉQOUOOO)WTOÇ· OV- répercussions dans le· corps tont entier. A ce point de vue, les pneu-
. 'trov TOOv O"tEQEOOv, TOOv 8l XUJ100v TOOv UyQrov, 't'OÜ ôl qroOlXOÜ :tYEUfUlToç Tijç UEQcO-
80~ OOO~, ault6ai:vEL "'tiiv'1t(1Qà qn;OLV 9EQ.w-nrta. ciUO'tE JAlv Ë; CÏÂ.).,ou .Trov ElQ"l- 80 De le'bribu, XXIX, 2 (lDzr.Œ, p. 103).
J1ÉVrov CÏQXEai}a\, Ë:7tLVÉJ.l€a6a.L 8È 'X<1i 0'U'V8w'fL'D·ÉvaL Tip 1tEnovfr6n Tà ÂOl1tà 000 81 De le'bribtu, XXIX, 3 (lDEL'D, p. 103): lO"t, 8è on, fLETa.;~ 't'roY :tQOXClTUQ-
'YÉV'l, dJ1-ra cpf}o.atu: ).,uflilva.L :7tQ6uQO'V xa, 8wcpOQ1l-6ijvaL· xdvtroDE'V TQELç "'J1lV X6vtrov at~Lcaw xa.t TOÜ O'U'Vet;wyJdvou, :7t(01)Youf'Évou :tClQEJUtUrtOvtoç atdou, OTUV
xai :7ta.Qà nlvijÂ"lV Ôa.rupOQ(1t TOOv :7tUQn-OOv Qvacpa.i:VOVl'aL TO JÙ:v :tEQLi1.O'V 'i'UXQOv TO 8éQJA4 mncvOOCTQ, i) 86 Too 8éQ)w't~ mixvcooLÇ ~O :7tVE"ÜJ1U
78 De 'e'bnDUII, XI~, 1 (lDELE:R, p. 941: iPttvEQch. TOL~ Ëx TOOv ElQ-r}J1ÉVrov,. dvd'I'U, f.L-ra É).xoJAivttç EtOro 't'Î'i~ lJ1'i'UXOUO'rl~ 'tE xa, Ql1t~t;oVO'rI~ TO xa't'à q)VaLV
on Q{fO"ta ~ :7tâvrrov dv.Wt't'n-aL 'tE TO :rrvE"Ü)W x~, TUxlO"ta 8uxÂvn-aL, i'j't't'ov ôè 0\ OEQ,wy cieQwoouç OOo(a.ç· 8tam'ELTa~ yàQ ooa~ roQaL 't'à TOOv t;q,rov ooo)W't'a., 'f(ÔV
XUJ1O(,in8È -l'j't't'O'V Tà tWQw. JLh cbf.Loo8rov xal À~yvuoo8o)v :7tEQ&Jnrol.uiTrov E~ 't'à ÈXTO~ WtOXEOf'Évmv, c7.vteLatQ-
11 De febnoUII, XX, 1 (lD~LER, !». 94), xof.LÉvtl~ 8; Til~ cieQoo8ou~ oùo~ xat TO ËJ1cpU'tov Ql1t~t;OUO'rI~ OeQJ16v.
GALtEN
20C LES :ÊCOLES Ml~DICAt~S
s ~est o.ccupé to.ujours de pro.blèmes philo.so.phiques: cette largeur
matistes so.nt certainement lcsdiscipl€s fidèles des philosophes du
de vues lui a été transmise par son père, qui lui a donné une éduca-
Portique. On tro.uve d'ailleurs chez plusieurs d'entre eux des co.nsi-
tion très soignét'. Cet intérêt pour la philosophie lui est resté pen-
dératio.nsd 'o.rdre philoso.phique, qui n 'o.nt pas un intérêt médical,
dant toute sa vie: o.n en tro.uve la preuve no.n seulement dans les
ce qui n'était pas le cas po.ur Érasistrate, do.nt la science· est plus
o.uvrages qu'il a compo.sés sur des sujets philoso.phiques, mais égale-
po.sitive. Il faut no.ter cependant que les pneumatist.es ne reco.n-
ment dans ses écrits sckntifiques. C'est surt{)ut durant so.n séjo.ur
naissent au pneuma aucune fo.nctio.n proprement psychique: no.us
à Rome, s'étendant sur les trente dernières annéeS de sa vie, qu'il
en avons eu la preuve dans la faço.n dont ils 'expliquent l'acte de la
a déplo.yé to.ute son activité co.mme médecin et co.mme ho.mme de
co.nnaissance: ilsn ~enco.nsidèrent en So.mme que l'aspectphysio.lo.gi-
science, embrassant p&r so.n savo.ir encyclopédique tous les domaines
que, sans se préoccuper du côté psychique. -
de la médecine.
Au po.intde vue de la spiritualisatio.n du pneuma, les. pneumatis-
To.ut co.mme Érasistrate, Galien distingue dans chaque homme
tes fo.nt plutôt un pas en arrière par rappo.rt aux sto.ïci€,ns 'et même
un do.uble pneu ma : le souffle vital (rcvEÜJ.lU ~rotLXOV), qui se· trouve
par rappo.rtA Érasistrate. Il est vrai que ce dernier également fai-
dans le cœur et dans les artères et le pneuma psychique, qui est
sait pro.venir le pneuma de l'atmo.sphère ambiante (xVEÜJ.la lXlXt1l-
lo.calisé dans le cerveau (XVEÜJ.lU 'V'UX,lXOV) 83.
To.V) : mais l'air aspiré ne pouvait devenir un élément co.nstitutif du
souffle vital qu'après avo.ir subi une transfo.rmatio.n essentielle; Comme nous l'avons noté en parlant d'Érasistrate, cette distinc-
tandis que les pneumatistes regardent l'air aspiré Co.mm€' un ingré'- tion n'est pas sans rappo.rt avec la déco.uverte des nerfs, faite· par
dient du pneuma psychique, ayant po.ur fonctio.n d'entretenir sa Rérophile. On a dû se rendre co.mpte que ceux-ci ne part€nt pas du
substance et de mo.dérersa température. Ils do.nnent d'ailleurs un€' cœur et ne débouchent pas dans ce fo.yer de la chaleur vitale, mais
explicatio.n purement naturaliste de la chaleur vitale. Il n'est plus qu'ils s 'o.riginent au cerveau: là se tro.uvait donc éO'alement un cen-
questio.n chez eux d'une pa.renté spéciale entre le pneuma igné et tre vital très imp'ortant, co.mme- l'avaient déjà enseigné les médecins
la chaleur des astres: si, dans certaines fo.rmules d'allure sto.ïcienne, hippo.cratiques, sans dispo.ser toutefois des mêmes arguments po.ur
ils reco.nnaissent encore la supério.rité du pneuma par rappo.rt aux appuyer leur doctrine. Cependant l'élabo.ratio.n ultérieure· de cette
autres éléments 82, ce n'est certainement plus le cas dans l'exposé conceptio.n, telle qu'elle a été entreprise par Galien, présente aussi
{)rdinaire de le'ur do.ctrine. Le souffle psychique est ramené sur la certaines ressemblances frappantes avec l'anthro.po.lo.gie plato.ni-
terre et inséré dans la successio.n nécessaire des causes naturelles. cienne, spécialement avec la conception de degrés divers dans la
vie psychique de l 'ho.mme, les parties de l'âme étant lo.calisées à
différ€-nts endro.its de l'organisme. En effet, co.mme on le verra
3. GALIEN. par la suite de l'expo.sé, Galien ne s'est pas bo.rné à admettre deux
centres vitaux juxtapo.sés, mais il a établi une véritable hiérarchie
Claude Galien occUp€' dans l 'histo.ire de la médecine une place dans les fo.nctio.ns qu'ils exercent dans la vie humaine.
de premier plan, no.n seulement po.ur les renseignements précieux Co.mme les médecins de l'éco.le pneumatique, Galien admet que le
qu'il fo.urnit sur les autres médecins de l'antiquité, mais aussi po.ur pneuma vital co.mprend deux éléments co.nstitutifs: l'air aspiré de
les idées perso.nnelles et o.riginales qu'il émet dans ses no.mbreux l'atmo.spère ambiante et les effluves du sang. Ces deux élément!
o.uvrages. Ce qui le rend spécialement intéressant po.ur notre sujet, se fo.ndent en un tout homo.gène dans le cœur et dans les artèrtS,
c'est qu'il n'est pas simplement un ho.mme de science', mais qU.'iI alo.rs que le souffle psychique do.it subir une élaboratio.n ulté-

8:1 [GAL.], Introductio seu medicus, 9 (XIV,698, KÜHN): Ilarlant d'Athénée,


83 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., VII, p. 604, MULLER: 'to !lb- oÙ\' xafù
le fondateur de ] 'école pneumatique: Kut :1tÉJ.Ut'tov (sci]. al' 0 LXELOV) :1tUQELOuyEL
tà.ç clp'tTIQLa.ç xat 't~v xflQÔ(av :1tVEÜ~la l;wnxOv Ècn( TE xal :tQoaa'roQtVE'taL, 'to ôè
xu'tà 'toùç ~'tO)':xoùç'to Ôl"ilxov ÔLÙ :1tavnov :T['\'wf1u, {,cp' où 'tù mh"ta OVVÉXEoi}U~
'K(l'tÙ 'tov Ëyxicpa.J.ov 'fUl.LXOv.
)(a~ ÔU>LxEio{}aL.

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J l,
1·~
tEs ÊCOLES idDICÂ.t~~ GALIEN 209
rieure 84. L'air aspiré ne peut pas être assumé tel quel dans ià coti:..- t~res, situé à ia base du cerveau, et par lequel le souffle vital doÎt
stitution du souffle vit.al: il doit subir d'abord une certaine trans- passe-r avant d'arriver au cerveau .pour y être transfOTIné en pneu-
formation, que Galien compare à la digestion de la nourriture. TI y a ma psychique. Galien nous dit que l'endr.oit lui-même où ce réseau
donc certains éléments qui sont assimilés, tandis que d'autres sont a été établi par la nature, en démontre ·déjà toute l'importance:
éliminés; cette élaboration de l'air aspiré se fait principalement s'il a été placé en un lieu aussi sûr et au::;si protégé, c'est qu'il ·a .
dans les poumons, de même que l'absorption de certains éléments une fonction de première importance à remplir; celle-ci correspond
nutritifs par le sang est effectuée surtout par le foie 85. La respira- au rôle des circonvolutions des intestins et des enroulements de.s
tion sert donc directement à l'entretien de notre pl:leuma: cepen- canaux qui débouchent dans . les testicules: ceux-ci ont pour fonc-
dant Galien lui reconnaît également, comme les pneumatistes, une tion de préparer soigneusement la matière qu'ils conduisent €t de
fonction modératrice par rapport à la chaleur vitale se. En effet, pourvoir abondamment aux besoins des activités vitales qui s'y
depuis qu 'on a rabaissé la nature de notre souffle igné au niveau du rattachent. Il en est de même du ÔlXTUElÔÈÇ 1CÀÉYJ.1a : toutes ces cir-
feu terrestre, on est constamment préoccupé de la proportion har- convolutions ont pour but de préparer la matière qui est contenue
. monÏ€=use de cette chaleur interne. Par contre, nous ne trouvons dans les artères, à savoir du sang chaud, subtil et vaporeux, ·et de
aucun indice d'une préoccupation analogue chez le fondateur du pourvoir abondamment à l'entretien du pneuma psychique, qui est
Portique: c'est Chrysippe qui le premier a Tamené k pneuma dans établi dans le cerveau 88. C'est pourquoi, si toute communication
la série des quatre éléments. entre le cœur et le cerveau €st coupée, la réserve de pneuma conte-
Le souffle vital, pour être transformé en pneuma psychique, doit -nue dans ce réseau d'artères peut servir pendant bi€n longtemps
subir encore une élaboration ultérieure. Celle-ci se fait tout d'abord encore à l '-entretien· du pneuma psychique, surtout si 1'homme reste
dans ce que Galien appelle to ÔLXtlJElÔÈç 1CÂtyJ.1a, nom qu'il a em- immobile, pOur éviter autant que possible toute dépense de souffle 89.
pruntéà l'école d 'Hérophile; et elle est achevée dans les ventricu- ;Par contre, si l'on fait courir un animal dont on a bloqué les artères
les mêmes du cerveau 87. Le ÔLXl1.lELÔÈÇ 1CÀiYJ.1a ~st un réseau d'ar- au moyen de lacets, la réserve de pneuma sera beaucoup plus vite
épuisée et l'animal devra interrompre sa course après un parcours
84 GAL., De plac. lIippocr. et Plat., 'VII, p. 605, MÜLLER: "to t;roTLXOv n'VriiJ.Ul plus ou moins long 90.
~aTà tà.ç UQ'tllQLaç TE xai. 't1}V xa.Q8CavYEVVclta\ Ti)v 'ÜÀ"lV ËXOV Ti')ç yMOEroç Ëx TE Galien a fait plusieurs .(·xpériences sur des animaux, chez lesquels .
'filç d(J;tvo~ç XaL Ti')ç "INxiiç uvaihJ~uiOEroç. - GAL., 111. Hippocr. librum de il avait bloqué les artères du cou au moyen de lacets. Il a pu
-olitnento commentaritu, III, 1 (XV, 263, KÜBN) i GAL., Methodus medendi,
:constat€-r que l'animal n'en mourait pas et que sa respiration et
XIl, 5 (X, 839, KÜBN).
85 GAL., De U8U parti",,,,, VII, 8 (1,392, 17-24, HELliREICB): EijÀoyov yàQ oùx
ÈyxÉq><Û.OV Èx 'tOÛ t;ro'tLXOÜ n'VEUJ.UlTOÇ ÈQyat;of.lÉvrl TO """,XlXOv olav Â.a.6UQLvilOv
ài}Qoro~ oùô' l;o.Upvr)ç 'tov l;roi}EV diQa TOÛ xa'tà 'to t;cpov n'VEUJ.Ul'tQÇ yLyvE<rfraL
'tLva :tOLXv..OV l3llJ.uoU~"r"lOE ~Àtlou)v "COÙ È'yxEq>w..ou 'to 3LX't\IEL3èç :tÀiy~a.
'tQOqnlv, àUà XCl'td PQaXÙ J&h uÀÀou>u~tvov, WO:tEQ yr. xai. 'td oi:na., ~EXOJ1€VOV ~È ·lbià., III, p. 326, MÜLLER.
'tl)v otXE\(J.v :toul't1)Ta T<il O\I~ql rtvEuJUln XQovql :tÀE\OVL xai. Taiin)ç ~ç W.ÀOL-
88 GAL., De pul8'Uum US", 2 (V, 155, KÜBN): 'A'JJ.' btElÔl) '"av TWv ÈvrÉQrov
roOEroÇ TO rtQw'tov ()Qyavov tnt<iQXELV 'tl)v TOÛ m'EU~OVOÇ Oo.Qxa, xaiM.:tfQ yE xai. 't~ç
· ËÀLxa xai. Ti)v TWv dç 'toùç OQiE~ È~q>uoJ!ÉVrov uyyeCrov àXQL60iiç "Ce :ltÉ;pEroÇ Évexa
Etç alf.lu f'Ua6oÀijç f) oàQ; TOÙ -ijna-coç È3dxWto 'ti)v ahLa.v ËXELV. '''Cwv 1tEQl.exoJ.tivmv ,,).Wv xaL :tQOOÉ'tL 3a""LÀOü~ :taQa.cncroijç 'taLç É;~ç lVEQyeLa.~
88 GAL., De oau.ri.9 reapiratiofl.~ (IV, 466, K'"ÛHN): f) tdv XQELa TO ""QLWTaTov ÉroQw~tv YEyt'Y11f1Évrlv, EijÀ.oyov lMxEL xuvtaüi}a "COlOÛ'tOV 'tL JlE~"lxa~aitaL Ti)v
lon TÔ)V ~ç ÙVWtVo'ijç atnwv, 'tllQoûoa ~ 'ti)v O\I~f.lETQLa.V Ti')ç È~~ou BEQJUl4 .q>uow, af'Cl "CE xa"CEQyat;oJtÉv1)v :toUcp XQOv<P 'ti)v Èv "CaLçdQ'tllQLa.~ 'ÜÀllV alJL<l
O'Caç, 'tQÉq>oooa 3È 'ti)v OÙOLa.V TOÛ "INXLXOÜ :tv€Uf.la'toç. .9EQJ10V ial ÀEn:TOV xa~ (hJUÜ3eç intâQXououv, üJ.Ul 'te xa'taOXEUo.t;ouoav 'tQoqri)v
81 GAL., De U8'U partium, VII, 8 (l, 393, 23 - 394, 5, HELliREICB): TO 3' Èx TÔ)V 3m"tÂij Tcp xa'tà 'tOv lyxÉq><Û.ov '\(roXLXiP n'VEUJta'tL.
'-QaXELWv dQ'tllQLWV m'wJUl to l;roi}EV ÉÀXi}èv Ev tdv TÜ oUQxi. TOÛ m'EliJ1Ovoç Ti)v 811 GAL., De pulsuum UB'U, 2 (V, 155, KÜBN): Kat. ~Là 'toÜ"Co, xq.v OTEQ"litii Ti')~
~Qro'tllV lQYaolo.v Mlf.l6o.VEL, JlETà 'taü'tu 3' lv T'fi Xa.QMq. 'tE xai. TaLç <Ï.Q'tllQLa.L.; xai. ,:ltQoÇ '"av xUQ3Lav OUVEXELaç 0 ËyxÉq>a.Àoç, È;aQxE't UÙT<p TO ÔlXTUEI.ÔÈÇ :tÀÉYJta JtÉXQL
p.cU'Ô'Ta taLçXClTà TO ~ixTUeL3Èç ftÀiyJUl -rl)v 3E1J'tÉQav, É:tELTa njv nÂtt.ro'to.'tllv · :ltoÀÀoû, xai. ,wÀL<Jo-' oTav ÙTQEf.lfi TO t;wov. wç ô.v ~~ 3wta,'roJ!ÉVou 'tllVLxaû't"- tOÛ
l'V Tatç'toû~E<pc:UO\1 xotlla~ Ma 3i) xai. 'JroXLXOvOxQL6ô)ç yLyvEt'aL. - · ",,",XLXOÛ. n'VEl"~a'to~ Eiç TftV xai}" oQ~~v F\'ÉQYELClV.
GAL., De plac. Hippocr. et Plat., VII, p. 605, MÜLLER: dXOTroÇ xo.l xu'tà TOV 90 GAL., De :pul~um 'lU"', 2 (V, 154, KÜHN).
r
'J,
210 LES tCOLES MtDICALËS OALtEN 211
son mouvement en étaient à peine troublés. Il en conclut que- le..,. sens propre; celui-ci est soigneusement conservé dans le ventricule
cœur n'est pas seul à fournir du pn~uma au cerveau 91. Il est égale- postérieur 06.
ment inadmissible que le pneuma psyehique· soit suffisamment nourri Il y a donc, d'après Galien, deux ce'ntres de vie dans chaque
par les effluves du sang, car dans le cas considéré où les artères homme; le cœur, qui est le foyer du pneuma vital, et les ventricules
sont nouét;S, la quantité de souffle qui peut s'en dégager est évi- du cerveau, où le soufflE- psychique est élaboré et conservé. C'est à
demment minime: il faut donc en conclure que la quantité de partir de ces centres que les courants 'Vitaux traversent l'organisme
souffle la plus importante lui est fournie par l'aspiration faite par tout entier. Galien distingue trois sortes de canaux _qui circulent
le nez 92. Le pneuma psychique, localisé dans le ceryeau, est donc dans le corps: d'abord les nerfs, qui, partant du Ce·rveau, mènent
e-ntretenu par deux voies différentes: d'une part, par le souffle qui la force sensitive et motrice vers les différents organes corporels;
a été préparé dans le réseau des artères, et, d'autre part, par l'air ensuite les artères, qui, par l'apport de l'air aspiré et les exhalai-
aspiré par le nez, qui passe directement au cerveau 93. Galien a sons du sang, ont pour fonction de conserver la chaleur normale
souu-nu cette doctrine contre Érasistrate en s'appuyant sur l'au- et d'entretenir le pneuma psychique; et enfin les veines, qui inter-
torité d 'Hippocrate. On pourrait se demander évidemment si l'air viennent dans la production du sang et surtout dans sa circulation
aspiré par le nez ne doit pas être élaboré de quelque' façon avant à travers l'organisme 97. Galien s'est opposé avec énergie à la thèse
d'entr~'r dans la substance de notre souffle psychique, alors que d'Érasistrate, selon laquelle les artères ne contie-ndraient que du
Galien insiste sur la nécessité des circonvolutions artérielles à la pneuma, alors que les veines seraient les vaisseaux sanguins. D'après
base du cerveau pour transformer le pneuma vital et pour l'ékver lui, en effet, elles contiennent du sang et du souffle. TI en donne une
à un degré de -perfection supérieur 9~. Il faut remarquer c€·pendant preuve expérimentale: quand on les coupe, il n 'y a pas d'abord du
que si, dans ce cas, l'élaboration par le réseau artériel n'a pas lieu, ~ pntuma qui s'en échappe, comme le voulait Érasistrate, mais du
l'air aspiré subit cependant une élaboration dans les ventricules sang 98; c'est là un signe que ce sang ne provient pas des veines par
antérieurs du cerveau, qui commandent l'aspiration, l'expiration l'intermédiaire des anastomoses, mais qu'il est contenu dans les
et l'émission du souffle à partir du cerveau 95. Ces deux ventricules artères mêmes. Galien en arrive ainsi à une opinion qui se rap-
de devant ne co~tiennent donc pas encore le pneu ma psychique au proche de c.elle des pneumatistes, lesquels attribuaient également
aux artères ce d-ouble contenu, avec prédominance toutefois du
91 GA.L., De U8U respirationi8, 5 (IV, 503, RüaN).
92 GAL., De 'U8U f'e8pif'ationÏ3, 5 (IV, 506, RüaN); ibid. (IV, 503): 'A1loÀd1lE'tClL
pneuma: cette conception semble- leur avoir été suggérée principale-
yOÙ'V, llTOL Tl)V (h'aihJ~La(Jlv aimi> Tl)V Èx TOÜ al~LUToç lxavl)v \rn<iQXELV, 11 Tl)V ôLà ment par les battements du pouls. Galien nous dit également qu'un
TWV QLVWV dO;'tVo-rlv. •AJ.."A' oùôè Tl)V (h'a{h,~Lacnv dxoç yLvEcJ'Om Ôa'VL"Al] ~QOXCP des facteurs qui déte·nninent la fréquence et la force de ces batte-
Ôw"A.Eupi}EL<1WV TWV UQTT)QLWV. ~ELxvuTaL ôÈ TOÜTO Èv Till 1lEQL XQdaç OqlUy~Ù>V. ments, c'est la quantité de souffle psychique contenu dans les artè-
'Avay-,(atov ow Èx TijÇ ôLà QLVWV Èonv wç Tl)V 1t"AELOTt)v dvaL TQOCP11V Tq> 'Vl.7.LX<l> res 99.
m'EU~TL
93 GAL., Methodw meàendi, XII, 5 (X, 839, RÜHN): Toù ~Èv Ôl) "VUY-lXOÜ 1tVFIJ. •
••
~TOÇ ivaQyroç ÈÔE~a~ olov 1l11yl}V TLva oùoav TOV ÈyxÉcpa"AO\·, ùQôo~ivou xat
TQEcpo~OU Ô..o. TE TijÇ d01tVoijç xai. Tijç Ëx TOÙ ÔlXTllELÔOÜÇ 1l~..ÉY~TOÇ XOQllyLaç.
96 GA.L., De Zocil affectil, r 9 (VIII, 114, KUHN).
94 GAL., De 'U8U partium, XVI, 10 (II, 420, 17, HELY.) :TQÉCPOU~L YÙQ aUTC.lL (scil.
91 GAL., De U8U partillm, l, 16 (l, 33, 4, HELK.): Etll liv oÙ'\' vWQow ~ XQdu
ÙQTT)QLaL) TO "",UXLXOV Èv Èy-'(Ecpw..cp nvriiJUl, 1lo"Aù MI TL 1laQaA.j.unov TU cpUon
ôUva~ ..v atc:rlhjoEwç 'tE xa.t XLvt}OEW(j; Weo nj(j; UQxijç 1tC1Qay~LV TOiç xaTà ~liQo;'
mh'Toov TroV c'UÎ.wv 1tVEUtu!nov, WOTE OÙÔÈv aau~ac1Tov È1lt 1tÎ.dOTOV :tQO:tE~A. .i·tO~ln"'1ç
ÙQTT)QLWV ôè cpu"A<1UELV 'tE Ti)v xaTà cpUOLV aEQ~OW.V ,caL TQÉcpELV TO 1t"EÜ~a TO
xai 1tQOX<lTELQyaof1Évtlç xat 1tana TQ01tOV 'Ï]Â"AOLWf1ÉvtlÇ XQilt€LV aVto TQOcpilÇ.
"VUXLXOV • aL~Toç ôè ÉVExa yEVÉOEWÇ 'tE ü~ xat Tijç d~ 1tcl.VTa Ta. ~QLa CPOQàç at
95 GAL., De 'U8U partium, VIII, 10 (l, 481, 6, HEL.M:.): Ai. ~Èv Ôl) 1tQOaihOl ÔVO cpA.i6~ Èyn-o,'TO.
(sell. XOI.ÀL(LL) n'IV T' dom'ol)v xat Tl)V ÈX1('\,ol)V xat. Tl}v iXcpU<1lJOlV iQyat;oVTUL Ti)v 98GAL., ~n in arteriis natura sanguÏ8 contineatur, 1 (IV, 704, KüaN).
È; ÈYXE<pw..OU. ~ÉôELxTaL ya.Q ÉTÉQW'Ôl :tEQt TOVtroV' WeoÔÉÔElXt(U ôÈ xai on 1lQO-
99G.-\L., De sanitate tuenda, B 11 (VI, 149, KÜHN): ~ xaTa. .r.-,
1l000nlTa TOÜ
xaTEQya~oVTaL ye xo.i 1lQo1l(LQaoxEua~ouoLV o.'\hq> TO "",UXlXOV :tvrii~a.
~XlXOÙ m'EU~aToç M"AOLOOOLÇ.

j
LES ÉCOLES MtDICALi!S
Ici se pose la question du rôle que Galien attribue au pneumt
dans le fonctionnement de notre vie physiologique ou psychologique.
1
J dans les membres inertes lOf. Galien en conclut que le pne'uma psy-
chique n'est pas le principe vital, comme le' pensaient les philos<r
213

Cette question-_~t évidemment différente pour chacun des pneumas pht:s du Portique, mais qu'il joue un rôle important et même indis-
que nous avons distingués. Aucun des deux n'est identifié par Ga- pensable dans notre connaissance sensible et dans nos mouvements
lien avec l'âme, dont nous ignorons la substance 100. Quant au pneu- libres. Ce sont là deux domaines importants de l'activité humaine,
ma psychique, il est considéré comme le premier instrument (xQw'tov <
bien que celle-ci soit beaucoup plus large. Il est intéressant de noter
oQyavov) de notre principe vitaP01, qui est probablement établi au que le pneuma psychique ne joue aucu'n rôle dans 1'.activité supé-
cerveau, puisque c'est là que se produit l'activité de la pe'nsée et rieure de 1'·homme: la pensée. C'est que cette activité, essentielle-
que le souvenir des images sensibles €st conservé 102. Cet instrument ment· immanente, n'a pas besoin d'instrument pour pouvoir s'ac-
psychique n'est pas cependant d ,un usage umverse . 1_: l''''amE' s ,e.n
eomplir. La chose n'est pas 'aussi claire quand il s'agit des fonc-
sert uniquement en vue de la connaissance ge·nsible, et des, mouve- tions vita.les d'ordre inférieur: le souffle vital joue-t-il vis-à-vis
menb libres 100 ; car ces activités sont ~onsidérées par Galien, d 'dIes le même rôle que le pneuma psychique vis-à-vis de la con-
à la manière des stoïciens, comme provoquées par des courants naissance sensible et des mouvements libres! L'opinion de Galien
pm·umatiques émis par un centre vital. L'âme, qui est localisée dans n'est pas très explicite à ce sujet; nous verrons plus loin qu'il rat-
la tête, se sert donc du pneuma psychique conservé dans le ventricule tache plusieurs maladies à des troubles du pneuma, qui n'est autre
postérieur. du cerveau, pour commander les actes sensoriels et mo- que le souffle vital. Il faut bien en conclure que ce pneuma a un
teurs dans les divers organes. certain rôle dans le fonctionnement normal de nos activités physio-
Que le pneuma psychique ne s'identifie pas avec l'âme humaine, logiques, et qu'il n'est pas simpleme'nt un stade passager de l'évolu-
Galien nous -e·n donne une preuve expérimentale. Une lésion grave tion du pneuma psychique.
·au cerveau, qui laisse échapper le souffle psychique, n'est pas néces- De ce que le p'neuma psychique n'est plus identifié avec l'âme
sairement mortelle, mais eUe entraîne toujours un état d'inconscience elle-même, il résulte que nombre d'expressions stoïciennes reprises
et de paralysie plus ou moins long; dès que le pneuma est rétabli par Galien acquièrent ch{'·z lui une signification toute différente.
en quantité suffisante, la conscience revient et la vie réappa.raît Ainsi, l'explication qu'il donne de la sensation s'accorde assez bien
avee celle que nous avons rencontrée chez les philosophes du Porti-
100 GAL., De usu respirationis, 5 (IV, 501, KÜHN): EÜtrofUV ôÈ 1[QO"t'EQOV, 1t(O~ que: la connaissance visuelle est expliquée par un courant pneuma-
xaÀOùJAiv tL ",",XLxav 1[VEiiJW., ô'yvoEiv OflOl.oyoih'"tEÇ oùaLo.v ",",xiiç. •
tique qui part du cerveau et se dirige vers les organes sensorids.
101 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., VII, 604-605, MÜLLER: "t'a J.Liv OW xa"t'à
'tàç ÛQ'tl)QLo.ç xat 'tT)V xaQôlav 1[VEùJ.la tronxov Èad TE xat 1[QoaayoQEVE"taL, 'ta ÔÈ
J,Iais puisque la connaissance est pour ainsi dire une ext~nsion des
xa"t'à. "t'av Èyxiq>aÀov 'VUXLxav OÙX w~ oùaÎp. '\j1uxijç {m<1QXov, dU.à. (OÇ oQyttvov frontières de notre être, il faut que le pneuma traverse la pupille
1[Qw"t'ov aÙti'jç otXOU<Jl]ç xatà "t'av ÈyxÉq>aÀov. 01[OLo. "t'~ av TI Ti}v oùaLav. - de notre œil, et pénètre la couche d'air située entre l'organe visuel
De loCÏ8 affec-tù, IV, 3 (VIII, 233, KÜHN), III, 9 (VIII, 174, KÜHN). et l'objet observé, à peu près comme les rayons du soleil trave~l!-~
102 GAL., De locis alfectÜl, III, 9 (VIII, 174, KÜHN): Toi; yàQ Êx nlç ava"t'o-
l'atmosphère 105; alors que, chez les stoïci~ms, ce courant pneumati-
J.liiç q>QLvoJLÉ"o~ ô'xoI.0u60ÙaLv 11J.lLV EÜI.0YOV Êq>aLvno, Ti}v J.lÈv ",",Xltv aùTi}v Èv "t'ip
aWJL(ln "t'où iYXEq>OJ..OU xa"t'q>xijmtaa., xai}' 0 xat "t'a l.oy(tEa6aL yLyvE't~a., xat fJ "t'on'
10' GAL., D6 U8U rtl8pirati<mÏ8, 5 (IV, 501, KUUN) j DfJ plao. Hippocr. et Plat.,
o.tafhrtLxWv q>aV"taat.Wv Ù1tOXELtQL J.lvi)J.ll").
VII, p. 603" MÜLLER: Ta 1[Qw'tov ôè aürij~ (ecll. Tilç "Iroxiiç) oQyavov efç 'tE 't~
103 GAL., De locis affectis, IV, 3 (VIII, 233, KÜHN); il est question du
o.t.a-th1ae~, &tclaQÇ 'toU tq,ou xat nQoaÉ't1. Tà.~ xait' OQJtltV x~'VlÎaE~ (scil. lJil.nov
:tvEÜJL(l ",",1.LXOV : Xal.W ôÈ oü"t'roç, wç Lan, Ta xa"t'à. "t'àç XOLl.LQÇ 'tOù iYXEq>OJ..OU
WtoÀa6Eiv) 'tomo etVUl 'ta :tVWJ.lo. (ecll. 'to VUXLXOV), ~'O xa1 xevroitÈv üXQ~ ùv
nQw"t'ov oQyavov imo.QXov 'tÜ ",",XÜ 1[QOç Ta ÔLQ1[ÉJ(1[ELV dç Wta''"ta Tà. J.lÉQl") "t'où
o.ùit~ ô,itQoLa6Ü, Ti}v JA.h trol\y Mm ô'q>ULQeia6o., TO tipov, ô'Vo.L<rÔ1)"t'OV ôè x0.1 cixC-
aWJL(l"t'oç atc:rihjaLv "tE xat xLVl")aLv. Ibid., III, 9 (VIII, 174, KUHN): 'ta 1[Qw"t'OV "
Vt')'tov ÈQyo.t;Erial. Ko.L"t'OL YE, ELttEQ TJV ama f] Tilç 'VUxiiç oùaLo., crovÔLEcp&eLQE'tO
Ô· aÙti'jç (seU. Tij~ 'VUxiiç) oQyavov E~ o.mwaç "t'àç alaih}nxUç TE Xo.L 1[QOo.LQE'tLX1; d...J
ô.v amtï> XLVOU~cp 1[<lQaxQiiJ.lo. 'ta tipov.
hEQYELo.ç dvaa., "t'o xa"t'à 'tàç xoJ..Lo.ç amoù ;tVEÙJ.Ull xaL J.lÙÂ1.6v yE xa"t'à. Ti}v 01[Laf}tv. 105 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., VII, 615, MULLER: omro yoiiv dxoç ian
- De praesagitione ex pulsibus, l, 1 (IX, 210, KÜHN).
xo.t Ta 1[EQLyLVO~VOV ds b<pitaÀ/-,OùS 1[vEiifUl xaTà /-,Èv n,v 1[QolTT)V ËfUtl'wow

1
214· LES tCOLES ytDICALES

que est une partie de l'âme, qui entre donc directt-ment en contaC'tP
avec son objet, il n'en est plus ainsi chez Galien: pour lui, le souffle
1
1
GALIEN

la lumière du soleil, il devient tilç O"'ECOÇ oQyavov; il en est de même


du pneuma émis par l 'hégémonikon, établi au cerveau 109. Ce pneu.
215

psyehique est un messager subordonné, envoyé par l'âme, afin qu'il ma est donc un instrument et un messager, mais la sensation doit
entre en contact avec l'objet et qu'il rapporte à l'âm.e une image être attribuée en dernière instance à l ',âme humaine: c'est elle qui
fidèle de la chose qu'il a atteint.e. émd le courant pneumatique -et qui reçoit son message, c'est elle
D'après les stoïciens, la sensation n'a pas lieu dans l'organe qui aussi qui compatit avec l'organe sensorid impressionné.
..
reçOIt .
l'ImpressIOn . dans l'h"egemom'kon 106 : C 'est 1"a
senSI'bl e, malS J Cette pneumatologie de Galien et surtout sa doctrine sur If: rôle
que les impressions les plus diverses sont centralisét:s dans. une con- du pneuma psychique est un amalgame de conc€-ptions stoïciennes
science. Cette conception n'est plus. admiS€: par Galien, parce qu'elle et arist.otéliciennes. En effet, le Stagirite admet égalt'.ment un souf·
est contraire, d'après lui, à notre expérience journalière: (on effet, fle intermédiaire entre l'âme et le corps et considéré par lui comme
si quelqu'un s'est blessé au doigt, il sentira la douleur à l'endroit le premier instrument de l'âme 110. Pour tous ceux qui admettent une
de la blessure, et non pas dans l'hégémonikon; cette se-nsation se différence de nature entre le principe vit.al et le corps, cette con.
fait donc à la périphérie de l'organisme et non pas dans la partie ception ne présente rien d'étonnant; et à mesure qu'on accentue
principale: c'est que les fibres nerveuses sont une partie du cer- la différence entre ces deux principes constitutifs de l'homme, il
veau, siège de l 'hégémonikon, de même qu'une branche ou une devient d'autant plus nécessaire qu'un intermédiaire assure la liai.
pousse sont des parties d'un arbre lOT. son entre eux et explique leur interaction. Nous avons vu plus haut
La fonction propre de l 'hégémonikon n'est donc pas la sensation que Cléanthe concluait au caractère matériel de notre pneuma vital
proprement dite, mais la <J\)VaL<J-lh]<Jlç de ce qui a été annoncé par à partir de cette interaction: comment l'organisme matériel pour·
les courants pneumatiques 108. Il faut noter cependant que, par suite rait-il agir sur un principe immatériel et inversement' Ce problème
de la conception de Galkn sur le pneuma psychique, ce dernier ne sera posé très nettement par S. Augustin, qui essaiera de le résoudre
pourrait pas rendre compte totalement du phénomène de la con- en admettant également un intermédiaire pneumatique entre l'âme
naissance. Puisque ce souffle n'est qu'un instrument de l'âme dans et le corps.
l'exercice de certaines fonctions, c'est le principe vital lui-mêm~ Il est important de remarquer que, dans le domaine purement
qui fournit la dernière explication de la connaissance-. Ceci ressort philosophique, le pneuma perd insensiblement la position privilégiée
assez -clairement de la comparaison employée par Galien pour éluci- qu'il occupait dans la philosophie du Portique, à mesure qu'on
-der sa conception: lorsque l'air ambiant est baigné tout entier da:as entrevoit de mieux en mieux le lien nécessairë entre les activités
supérieur€s de l'homme et la nature immatérielle de leur principe.
F.vOÙa6a.L TE 'teP :rtEQLÉxovn Xa.L OUVa.llOLO\1v a.ÙTO :rtQoÇ T1]V tÔU)Tll TU TTJÇ Éa.moù
Dans la langue scientifique et purement philosophique de l'époque
qnJOEOOÇ, où ,.I:riv È.."tL :rtuimov yE ÈxuLvEa6m. - Ibid., VII, p. 616: TOtOÙTOV YUQ
'fi. :t<lOXELv ËOLXEV 0 :rtEQLÉxoov ~J.I.ÜÇ ùiu~ o..."to TllÇ TOÙ m'EUJ1<LTOÇ ÈJ.UtTwoEmç, o:toiov
de Galien le pneuma désigne encore une réalité essentiellement ma-
TE Xa.L 1CQOÇ Tilç ~Â.wxilç a.ùyliç. térielle. IJa signüication primaire du pneuma, même chez les stoï-
106 AtTms, Plac., IV, 23, 1 (Doxogr., 414): OL ~TO)':XOi. Tcl IlÈv 1tuOl) Èv 'toiç ciens de l'ancienne éeole, ne se rapportait donc pas A une activité
m:.."tO\.oOOl T01tOl.;, 'tà; ôÈ a.loihioEt.; Èv Tip f}yEllO\·LXip. déterminée (p. ex. penser, vouloir, percevoir, etc.), mais plutôt à
107 GAL., De l'lac. Hippocr. et Plat., VII, 694, MÜLLER: OtOV1:o.L ~th· oùv 01
une certaine manière d'être matérielle:e'n effet, s'il n'en était pas
:tÂ.EimOi. Xa.L ôU1TOü \wQou 't1]V (;XO Trov 1CQOO:tI.1t-COV1:(l)V ÙÂ.ÀOlOOOtV ÈVÔlÔOl,ÉY1'lV
È1Ci. TO 'tiiç 'PUxil~ ~YE~lOVLXOV El; Ôluyvwmv o.yuv f},.wç a.m(Ov OÙX ÈWOÜY"tEç, (~Ç
OÙX ÜV ~ Tile; MUvt)ç a.to'Ô"rJot.; Èylvno xa.Tà TO UIlVOIlEVOV fJ eÂ.W~levO\· fJ Xa.O~LF\'OV lot GAL., De plac. Hippocr. et Plat., p. 642, MULLER: :rt<lQa.:rtÂ.t]<1LOV oUv n XMl
~QLOV, EL Ilit xa.L 'tilç aloihloEwç f) ôUva.llt.; ll V Èv a.moiç. "EXEl ôÈ È\'av-rlooç il 'toù "EQLÉXOV1:0ç ~J1CÏ; <ÏiQoe; Y(VE'ta.~· "EqJoon<1JAivoç YclQ v<p' ftÂ.LOU 'fOLOÙ1:0V lanv
ÔO;(l~ouOtV ÈXEivol TO w..'1{}Éç. AÙT6 "tE yàQ TO VEÜQOV ÈYXEqJMOU ~LÉQoÇ ÈOTlV, llÔtl 'rijç 01fJEroç oQYa.vov, olov 'fa n<lQa.ylvoJUVov Ès ËYXEqJOJ..OU morofla.· "QLV
OlOV1CEQ ÙXQEJUÀlV il ~~.c:imllJ1<L ôÉVÔQou, TO TE IlÉQoÇ El; Ô ÈIl<pUEnu, -.:i]v ôUva.lltV qJooTurlHjvm ÔÈ; xa.Tà -.:i]v v<p' f}Â.LOU E~ a.Ïrtbv Ëx Til; fJoQilç àVa.rtonÂ.oufLÉvrlv
nù-coü ÔEXO~I.EVOV El; OÂ.OV Éa.UTq, ôwyvwonxOv yLvna.L T(OV '\j.Ia.UOV1:00V UÙTOÙ. w..Â.OLWOLV 0flOL01ta.{}Èç oQYUVO\' où yLvETUL.
~08 W, JAEGER, Ne1nesi-Qs von Emesa, Berlin, 1914, p. 52, UO FR. Rüscm;, Blu.t, Leben und Beele, I). 235,
216 LES ÉCOLES MÉDICALES
GALIEN 217
ainsi, on aurait continué à appeler de ce nom l'intelligence humaine,
la chair 114. L.a rrVEUJ.ulf<.l)(lIÇ se produit de deux manières, d'après
alors même qu'on avait entrevu son caractère immatériel. On pour-
Galien, suivant que le pneuma venteux s'assemble ou bien dans des
rait dire d'une façon sommaire et synthétique qu€: la conception.
creux: pt'rceptibles, ou bien dans des cavités que nous ne connais-

,
de l'âme SE" spiritualise, mais que, dans le domaine de la philosophk
sons que par voie de raisonnement 115. A ce point de vue Galien se
pure, cette évolution n'atteint pas la notion du "pneuma. OtHe-ci
sépare donc nettement de la doctrine. d'Érasistrate, pour qui l'épais-
ne reste donc pas indissolublement liée aux réalités qu'elle désignait
seur du pue'uma était une condition nécessaire de santé et de vie
ch(~ les stoïciens, bien qu'elle soit d'ùne stabilité remarquable dans . '
parce que sans cela il s'échapperait des artères: il ~st resté fidèle
la manière d'être qu'elle signifie. Il en est résulté une difficulté très
à la doctrine constante des stoïciens, (lui attachaient la plus grande
sérieuse pour les auteurs chrétiens dts premiers siècles, qui étaient
importance ~ la subtilité de notre souffle vital pour le fonctionne-
amenés par la Bible à se servir de cette notion pour désig~r des
ment normal de toute notre activité. C'est que Galien a en même
ré~1ité9 immat~riel1es, tout en se heurtant au matérialisme qui s'y
temps des préoccupations scientifiques et philosophiques, ayant l'in-
rattachait dans la· philosophie et dans les conceptions populaires.
tention d'expliquer non seulement les fonctions d'ordre inférieur
. '
mais aussi la connaissance et l'activité libre.
*
** Une· explication apalogue est donnée du vertige, dont Galien dis-
tingue deux degrés de gravité: d'abord le vertige ordinaire (Mvoç),·
Nous avons vu plus haut que le pneuma est constitué de deux élé- où on s'imagine être emporté dans un mouvement rotatoire incessant,
ments: l'air aspiré et les exhalaisons du sang. Notre souffle vital et e·nsuite le axoroBlvoç ou vertige obscur où en même temps un
peut donc être corrompu de deux façons différtutes: ou bien par voile ténébreux obscurcit le regard. Cette maladie est causée par le
des humeurs malignes, d'où se dégagent des exhalaisons nuisibl€s, mouvement désordonné d'un rrvfüJla <puawBEç, qui se dégage dans
ou bien par la constitution défavorable de l'atmosphère ambiante 111. la tête même ou bIen qui remonte des parties inféri~·ures de l'orga-
Galien insiste particulièrement sur l'action néfaste que 1'humidité nisme. Galien fait remarquer à ce sujet que la production de souf-
exerce sur le pneuma : il perd son caractère subtil et éthéré et de- fles pareils exerce toUjours une action perturbatrice sur le fonc-
vient épais et vaporeux 112. Ce 1tVEÜ~a cpuawBeç, comme l'appelle tionnement de l'organisme: celle-ci se manifeste par des crises
Galien, est cause d'une grande quantité de maladies. Il est tout aiguës accompagnées d'affaissements et de cris 116 Galien distin-
d'abord à la source d'un c-e·rtain nombre de tumeurs 113: Galien gue également deux espèces de choléras: d'abord le choléra humide,
raconte que des médecins ont souvent opéré des tumeurs dans les causé par des humeurs aigres, qui proviennent de la putréfaction
muscles, croyant y découvrir du pus, mais qu'ils ont été bien sur- de la nourriture absorbée; ensuite le choléra sec, produit par un
pris de n'y trouver que du souffle répandu en petites quantités dans pneuma venteux: et aigre qui pénètre dans toutes les fibres nerveuses

111 GAL., Methodus medendi, XII, 5 (X, 840, KÜHN): "H ôÈ TOÙ :rvwJ.la'toç 114 GAL., Hippocr. àe GeUt. morb. victu liber d Gal. comm., IV, 19 (C.M.G.,

diJ..OLOOOLÇ ôui 'tE lLOXih'JQOÙÇ yLyvnaL XUlLOÙÇ 'Xat 'tt]v'toù 1ttQtixoV'toç ciiQoç 'Xa'Xlav V,_9, 11. p.290) (XV, 710, KUHN).
ÜÀÀ.o'tE È; ÜÀ)''lç at'tLaç dc; 'toù't' àX{}É'\'Toç. 115 Ibid.: l} ôè mw,w.'tOOOLÇ yLvuaL 8L1't"Wç, ;j'tOI. 'Xa'fa 'fLV«Ç atc:rth)'fd; xotÀ6n)'f«Ç

112 GAL., De plac. Hippocr. et Plat., p. 682, MÜLLER: oü'tro ôÈ 'XaL 't0 CPUOWÔEÇ -il l.6ycp OtO)Ql1'tUç·
a6QoLt;oJLÉvou 1tVeUJ.l«'foç cpuoooôo\lC;
:rvEùJ.la yt'Wo.'taL 'XU'tù 'tù l;<i>a, 1tQooÀa6ouO"lç yE 'tliç àEQWÔOUÇ OÙOlUÇ UyQàv l'Xl!dôu. 116 GAL., Hippocr. de acut. morb. 11ictu liber et Gal. comm., IV, 35 (C.Y.G., .
Cf. Ad Glauconem de 'meclendi methodo, II, 8 (XI, Ill, KÜHN). V, 9, l, p. 307; XV, 804, KÜHN): -Orav i) 'XEcpal." :lttQLcpÉQEoitaL cpo.\'Tat;'I1'fm,
Ôivoç ovo~uil;ETaL 'f0 1ta6oç, o'tav ôè xaL O"Xo'tWÔ'lç i) O'l'LÇ uJ.l« 'f<pas cpo.""'l'taL,
113 GAL., Ad Glauconem, II, 8 (XI, Ill, KÜHN) : METa6li,'aL yàQ liô'l 'XQLQo~
O"XO'tOÔLVOÇ 'XaÀEL'taL 'Xat y("naL ôLà 'X""lOLV cl'tax'tov cpuowôouç :It"wl,a'toç -il xa'fà
Ècp' É'tEQov oyxou yb'oç, <P 'tfJç yE'\'ÉOEOOÇ l} m.'l m'EÛlla cpuowôÉç ÈOTl.. 'OvolLal;naL
ô' où lL(h·O'\, <pUOWÔEÇ, ùUù 'Xal cpiiou 'to 'tOLOÙTOV 1tVEÛ~ 1ta~ù 'XaL à'tlLWÔES {ma\>-
Ti}v 'XEcpaÀl}V ÈxoV'toç 't01tlXl}V yÉvEOW -il 'X(i'fro{}EV avacpEQoJLivoU. no.OUL ô· aL 't00v

XO", OÙ~ at6EQwÔEÇ 'tl}V oùoLav oùôÈ 4."t'tOy.


'tOLOU'tOOV 1tVEU,w.'tOOV yE'\'ÉOELÇ 'tuQClXiiç dol. ô'I).,oo'tL'Xa(, ÔL' â.s 'XaL ·~~LOE&Ç 'Y(VQVto.~
p.t'tà O'UJU't'toop.O.'toov Oo~u6Wô{.\)v,
218 LES tCOLES !âDICALES CONCLUSIONS 219
se trouvant dans le voisinage du ventre: c'est en les piquant et en ,.", 3tve:UJA,ŒnOV de :Marc-Aurèle, qui occupe également la place centrale
les contractant qu'il cause des douleurs atroces 11T. dans la hiérarchie des parties constitutives de 1'homme.
Ce m'rullCl <J>UOWÔEÇ peut se produire aussi sous l'influence du 2. Dans le sens d'une spiritualisation du pneuma, les vues de
froid: c'est le cas de la palpitation, qui est causée d'après Gali€-n Galien ne constituent pas un progrès. Il est vrai que le dédouble-
par une 8ceumulation de ce souffle venteux 118; celle-ci se produi- ment de ce souffle en pneuma vital et psychique a amené une cer-
sant dans la région du diaphragme, peut entraver également l'ac- taine gradation dans la subtilité de le~r substance. Nous retrouvon~j.
tivité de la pensée, parce que le cerveau souffre avec toutes les par- chez Galie-n l'insistance des stoïciens sur la pureté et la subtilité de· .
ties du système nerveux 119. Ce ne sont pas S€ulement des causes notre pneuma, qualités exigées par la fonction qui lui est
physiques qui_ peuvent exercer une influence néfaste sur notre souf- dévolue. D'autre part, cependant, le pneuma de Galien a subi une
fle vital, mais également des événements psychologiques. Ainsi des dégradation nota.ble, par le fait qu'il n'est plus identifié avec notre
émotions trop fortes, comme une grande peur ou une grande joie, principe vital. Comme nous l'avons vu, cette déchéance révèle la
peuvent détendre complètement le pneuma 120. Ces indications mon- signification primordiale de la notion du pneuma, qui se rapporte
trentsuffisamment qu'à côté du- pneuma psychique Galien recon- sans aucun doute à une manière d'être matérielle.
naît un rôle important au souffle vital dans l'exercice normal des
activités physiologiques.
CONCLUSIONS .

••
1 Il nous reste à dégager les conclusions générales de ce chapitre:
1. Si l'on compare la signification du pneuma psychique des
Voici les conclusions qu'on peut tirer de cette analyse-:
stoÏcie-ns avec le souffle vital des sciences médicales, on voit que le
1. La pneumatologie de Galien est particulièrement intéressante contenu de cette notion est fondamentalement le même de part et
à cause du rôle _qui y est attribué au pneuma psychique. Nous avons d'autre. C'est que la médecine, et surtout la pneumatologie de l'école
déjà trouvé l'indication d'une conception analogue chez l'auteur du de Sicile, a inspiré la psychologie et la cosmobiologie de Zénon de·
IIEQL :rct'QETWV. La genèse de cette doctrine n'est pas douteuse: la Cittium. Cep~ndant la différence des problèmes qui se sont posés
distance croissante qui s'établit entre l'âme et le corps a suggéré aux philosophes du Portique et aux médecins, a provoqué une C€-r-
tout naturellement l'idée d'un intermédiaire qui les reliât et qui t~ine évolution en sens contraires: alors que les stoïciens se servaient
rendît possible leur interaetion réciproque. C'est pourquoi le pneu- de cette notion pour e·xpliquer les phénomènes supérieurs de la vie
ma psychique prése-nte aussi certains traits de ressemblance avec le humaine, les médecins la mettaient en rapport avec les fonctions
vitales d'ordre inférieur: presque toutes les maladies étaient expli-
111 GAL., Bippocr. de acu.t. morb. vietu liber et Gal. comm., IV, 90 (C.M.G., quées par une anomalie du pneuma. Il en est résulté que les méde-
V, 9, 1, p. 34.9; XV, 885, K'"üHN): wç yciQ VyQà. XOMQa yLVETaL ÔQL~(OV xu~rov
cins inséraient de plus e·n plus ce souffle dans les éléments con-
ix Ti]Ç Ôtaqr{toQô.ç TroV ÈÔTjÔEO~<OV YE"VV11{)ÉVT<OV, om<oç T) SllQà. m'eV~TOÇ qruoro-
ôouç ÔQL~OÇ' ÔL' Ô xa~ Tci :rrÀllOw.~oVTa TU YOOTQL VEUQroôll ooo~Ta ôaxvo~vu Tt: stitutifs de notre organisme, au même degré que la chair et le sang.
)tat Tt:LVO~a :rrovov :ltOLOÜOL. Comme ils se préoccupaie-nt fort peu: de questions philosophiques,
118 GAL., In H,·ppocr. praedictionwm Zibrum 1 CQ7nm., A 29 (C.M.G., V, 9, 2, ils ne cherchaient pas à déceler le principe premier de la vie, mais
p. 42; XVI, 570, KUHN).
119 Ibid., A 35 (C.M.G., V, 9, 2, p. 49; XVI, 58:4, K"ÙHN): rl)v ~ oÙ\' :rrM~llV
1 les causes immédiates du fonctionnement normal ou anormal de nos
organes. Ceci explique également la conception du pneuma psychi-
ÈÔEL;aJ.1EV \r.to qruoroôouç 1[VeV~toç YLvEoi)aL' ôLà. Tomo )taTà. ~v "TO ôw.cp(lay~
ouaTciv :rr(1Qa6ÀÔ..."nELV Tt: xa~ Tijv Y"ro~llv, È:rrELbi] TO~ VEUQOOÔEaL ~oQi:OLÇ Tjci.QX~
que selon Galien: celui-ci continue à admettre le pneuma des stoï-
OUJU'tUOXELV ELroi)EV. ciens mais il le ramène à un niveau plus bas dans l 'éc!~eIle des élé-
ue G.u•., MetllOdUl medendi, XII, 5 (X, 841, KüaN). m.ent~ cOllstitutifs <le l 'homme. L~ <lésint~ressement des médecin~
""

i'

220 LES tCOLES MtDICALES

à l'égard des problèmes philosophiques a donc influencé leur pntu-


matologie, en ce sens que le pneuma a été détaché insensibkment
a
du principe vital, parce que celui~i se trouve en dehors du rayon
des préoccupations scientifiques.
2. Au point de vue de la spiritualisation du pneuma, la: pneuma~ CHAPITRE tIi
tologie médicale marque plutôt une régression. Ceci résulte encore
une fois de ce que nous venons de dire. Puisque ce souffle est de- LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX
venu un élément nécessaire dans le fonctionnement normal de notre
organisme, ~yant une température et une dt·nsité déterminées, il a
Dans les deux chapitres précédents nous avons pu suivre pas à
perdu sa parenté intime avec les corps célestes et il a été ramené
pas le développement ininterrompu d'une pensée assez uniforme:
sur terre. Érasistrate insiste même sur le fait que le pneuma ne
en effet, les penseurs du Portique sont toujours restés fidèles aux
peut pas être trop subtil, parce qu'il s'échapperait des artères:
dogmes fondamentaux formulés par Zénon, et la pneumatologie des
nous sommes bien loin ici des épithètes stoïciennes, par lesquelles
sciences médicales reste foncièrement la même au cours des âges.
les philosophES du Portique affirmaient la subtilité et la pureté
Il n'en sera plus a,insi pour les systèmes que. nous avons à examiner
incomparables de ce souffle éthéré. Pendant tpute la période que
maintenant, car les débuts de l'ère chrétienne se caractérise·nt par
nous avons., examinée et qui s'étend sur plusieurs siècles, le pneuma
une complexité extraordinaire de la pensée. Il ~n rés_ulte un€: ex-
médical a donc gardé sa signification purement matérielle: il ne
désigne rien d'autre qu'un souffle tiède, élément indispensable de
notre vie physiologique.
1 trême difficulté à démêler les éléments constitutifs de CtS courants
d'idées. Ce ne sont pas seulement les systèmes philosophiques, tds
que le stoïcisme, le platonisme, l'aristotélisme, le pythagorisme, qui
se trouvent fusionnés, mais il s 'y ajoute des idéEs empruntées aux
religions les plus diverses. La pensée de Philon d'Alexandrie, la
philosophie dt: Plutarque, l 'hermétisme, les conceptions magiques,
les systèmes gnostiques et les recherches alchimiques sont des exem-
ples frappants de ce syncrétisme idéologique.
Il en résulte évidemment un manque d'unité et de précision, qui
provient d'une double cause: d'une part, ces systèmes n'ont pas
été construits par un seul pe·nseur qui procèderait méthodiquement
et ne se rendrait qu'aux évidences rationnelles; d'autre part, le
rationalisme clair ~t serein de la philosophie g~eque a fait plac~ à
un intuitionnisme vague et mystique d'origine orientale. Au- lieu
de faire appel à des arguments rationnels pour étayer certaines con-
·ceptions d'ordre philosophique, on les appuie plutôt sur des révé-
lations secrètes ou sur une science mystérieuse réservée aux seuls
initiés. Cette période- donne l'impression d'un découragement .de la
pensée rationnelle devant les grands problèmes métaphysiques: tant
de solutions différentes en ont été proposées au cours des siècles,
,toutes défectueuses par quelque côté, que l'esprit se lasse de recom-
,me'llc~r cette recherche infructueuse et se retranche daùs un éclec-
tisme pratique.
tE SYNCntTlsME PHILOSOPHIQUE ÊT n~LIGIÈUX tE tlvtn~ bF! LA SA(iESS~

Qu'en résulte-t-il pour la pneumatologie de cette époque' L'ana- problèmes et de chercher des solutions à des questions que les au-
lyse des différents systèmes montrera que la doctrine du pneuma teurs de ces systèmes ne se sont jamais posées: appliqu€·r les caté-
p rése·n te, elle aussi, les caractères que nous venons de discerner dans gories modernes de la pensée à ces idéologies philosophiques et r€1i-
les courants idéologiques de cette période: l'écl~-ctisme, l'orientation gieuses ne pourrait pas st' faire sans préjudice de la vérité histori-
pratique et le manque d'élaboration philosophique. que.
En premier li~u, nous ne retrouvons pas seulement dans ces sys-
tèmes éclectiques des éléments dl la pneumatologie stoïcienne et 1. LE LIVRE DE LA SAGESSE.

t
médicale: ceux-ci s 'y trouvent fondus avec la doctrine du pneuma
Le livre de la Sagesse nous introduit dans le milieu cosmopolite
de l 'Ancien et du Nouveau Testament et avec des éléments em-
d'Alexandrie, au premier siècle avant 'l'ère chrétienne 1. L'auteur,
pruntés à la religion égyptienne. Cet amalgame d'éléments hétéro-
qui témoigne d'un sentiment religieux authentique et profond, ap-
gènes se fait généralement à l'avantage de l'un d'entre €ux. C'est
partient probablement à la communauté juive établie dans cette ville,
pourquoi, il importera d'examiner avec la plus grande précaution
ou du moins à une des communautés juives d'Égypte: c'est ce qui
le contenu exact des termes employés. Le fait que l'on trouve fré-
quemment le terme pneuma dans les écrits religie·ux de cette épo- 1 résulte de multiples indices rdevant de la critique interne 2. Bien
que ces communautés de la Diaspora, répandues à travers le monde,
que ne nous autorise pas à en déduire une dépendance de ces der-
formassent des groupes se·rrés autour de la synagogue, centre de
nie·rs vis-à-vis de la philosophie païenne, même si des auteurs anciens

t
leur vie religieuse, et que leur manière de vivre dressât une barrière
ont tenté d'introduire leurs conceptio~s philosophiques dans les
difficileznent franchissable entre elles et les païens, elles ne pou-
doctrines religieuses. Notre grande .préoccupation sera donc de
vaient cependant pas échapper complètement à l'influence de la
démêler avec précision les éléments d'origines diverses qui entrent
civilisation hellénistique dans laquelle vivaient leurs membres; ce
dans la constitution de ces différenus pneumatologies et d'en déter-
n'était pas seulement des raisons d'ordre économique qui les obli-
miner l'importance respective.
geaient à entrer en contact avec l(s peuples païens, mais leur pro-
Il faut noter ensuite que les doctrines du pneuma présentent du-
rant cette période un caractère plutôt pratique, en ce sens que la
1 sélytisme religieux les po~ssait également à initier ceux-ci à leur
doctrine et à leur culte. Aussi y avait-il régulièrement d€s conver-
signification la plus marquée que nous y trouvons a trait aux rap-
sions à la religion juive parmi les païens qui, dégoûtés de la bru-
ports entre la divinité et l'homme: la signification primordiale du
talité et de l'immoralité de leurs pratiques religieuses, étaient à la
terme ne se rapporte plus à la nature matérielle de Dieu et de
lecherche d'une vie plus }.Jure et d'une dévotion plus spirituelle. Il
l'âme humaine, mais plutôt à la connaissance de l'av€nir par la
en résulte que la littérature juive, originaire de ces communautés
divination, à l'activité magique, à la transmutation des métaux et
établies en terre païenne, présente des caractères nett€-ment diffé-
à la conduite morl\le de l'homm€'. Le pneuma de ces systèmes syn-
rents de Célle de la Palestine: ces écrits ne visent pas seulement à
crétistes se présente donc plutôt, dans ses lignes essentielles, comm€'
confirmer leurs lecteurs d~s leurs croyances et leurs pratiques reli-
une émanation de la divinité, une réalité intermédiaire qui est a.c-
gieuses, mais ils veuknt ainener les païens à s'intéresser à ces doc-
cordée à 1'homme en vue de l'aider dans la conduite générale de la
trines et à prendre part aux exercices de leur culte. C'est'ce qui ex-
vie ou bien en vue de cE:rtaines performances concrètes.
plique le style et les expre~sions dont notre auteur se sert pour amener
Il sera bien difficile aussi de déte·rminer la nature exacte de ce
1 D'après P. Heiniseh (Da8 Buch der Wei8heit, Munster, 1912, p. XXI) et
pneuma dans ces différents systèmes, précisément parc. que ces
Ft. Feldmann (Da8 Buch der .Wei8heit, übersetzt und erklirt, Bonn, 1926, p.
penseurs n'ont guère de préoccupations métaphysiques: ils ne s'at- 12-13), le livre de la Sagesse a .été composé entre 80 et 30 av. J.-C. - F. Foeke
tardent pas à des analyses théoriques, qui leur semblent vaines, parce (Die En.tstehun.g der Wei81lcit Salomo8, Gœttingue, 1913), estime que la date
qu'elles ne contribuent pas à les éclairer sur la destinée humaine. de composition est encore plus récente.
C '~st pourquoi nous devrons éviter soigneusement 4e poser de faux :1 FR. FELDllANN, op. cit., pp. 11 et 14.
2~4 LE SYNCRÊTISME PHILOSOPHIQUE 'E'l' RËLIGIEUX'
ses lecteurs à rechercher la sagesse, comme ·le trésor le plus prée~x
qu'un homme puisse acquérir durant sa vie. Si l'écrivain sacré
1, LE LIVRË OÈ LA SAG~É

et .1tVEÙJ.1a ~wnx6v ne laisse pas l'ombre d'un doute sur la significa-


tion de ce dernier: cette synonymie est d'ailleurs clairement affir-
fait appel à certaines notions de la philosophie de son temps, ce
n'est pas parce qu'il adhère aux idées qu'elles rteouvrent, mais mée dans d 'autres pass~s encore 6.
c 'est dan~ le but d'être compris par ses lecteurs païens ct mêm€·. ·par On peut se demander si ce terme n'a pas été emprunté aux philo-
certains juifs, qui s'étaient laissé influencer par la culture hellé- sophes stoïciens, qui s'en servaie·nt également pour désigner l'âme
nistique 3. La suite de cet exposé ~ontrera que notrt· auteur ne humaine. ?YIais l'expression xVEÜlla tWtlXÔV n'a guère été employée
donne aucune preuve d'une connaissance quelque peu .approfondie par les stoïciens: la distinction entre le 'xVsülla tWtlXÔV et le xVEülla
de ces systèmes philosophiques: ils ne l'intéressent que pour autant
qu'ils constituent le bagage intellectuel des hommes de son temps,
bagage dont il faut tenir compte si l'on veut diffust·r une nouvelle
conception de 1la vie 4.
r lPUXlXÔV a été introduite par Érasistrate, et il n'est pas impossible
que ce soit sous l'influence de la terminologie de son école, établie à
Alexandrie, que l'auteur sacré s'en est servi. D'ailleurs cette tt·r-
minologie lui était directement suggéré€: par la Bible elle-même,
L'auteur se sert à plusieurs reprises du terme XVEÜJ.1a, qui, comme
il résulte da deux chapitres précédents, appartenait au vocabulaire
philosophique et scientifique de son temps. L't;·xamen des différents
j Gen., II, 7: ÈVE<pucrTJcrEv elç TO xQocrwxov aÙToü XVOl)V twilç. Cette ex-
plication est d'autant.plus probable que l'auteur, un juif profondé-
ment religieux, n'introduit pas la distinction d'un double pneuma
passages où ce mot est employé, permet de les classe·r en deux caté- comme les disciples d'Érasistrate: nous croyons donc que le· XVEüJ.la
gories, d'après la signification qui lui est attribuée. ~WTlXÔV est plutôt une traduction plus souple de 1'hébraïsme de la

.1. Dans un certain nombre de passages, le pneuma désigne le prin-


cipe vital de l 'homme et peut être considéré comme synonyme de
'l'u1.tl, terme que l'auteur emploie à d'autres endroits. Un des textes
r Genèse. Quant au texte, où l'auteur parle de la Sagesse pénétrant
tous les €sprits (VII, 23 ôlà xclvnov x,wQOüv XVE'UllclTWV VOEQWV xa{}aQwv
AeXTOTclnov), il est impossible de ne pas y reconnaître l'influence du
vocabulaire stoïcien.
les plus N·présentatifs à cet égard, est celui 'où l'auteur s'élève,
Quoi qu'il en soit de la terminologie, le pneuma du livre de la
.plein d'indignation, contre tout homme qui fabrique des idoles, di-
Sagesse n'exprime certainement pas les doctrines psychologiques du
sant que: « Son cœur est comme de la cendre, son tspéranc~ es'tplus
Portique. En effet, c'est un point essentiel de la philosophie stoï-
vile que la terre, et sa vie est de moindre valeur que l'argile. Car il
cienne que le principe vital de chaque homme est une parcelle du
méconnaît celui qui l'a fait, qui lui a inspiré une âme agissante et

r
pneuma divin qui pénètre tous les êtres et anime le cosmos: il y a
a mis en lui un souffle de vie )) 5. La juxtaposition des termes' lPuXtl .
dans chaque être une étincelle du feu divin qui traverse le monde.
a II. FOCKE, op. cit., p. 91: « Nacb aIl' diescm glaube icb die vorhandencn Ce panenthéisme ne se rencontre pas dans le livre de la Sagesse:
Ankllinge an griechische Philosopheme folgendermassen deuten zu müssen. Sie l'âme humaine n'est pas une partie de Dieu, mais elle est l'œuvre
verdanken ihr Dasein der sclben Absicht, mit der Josephus etwa die Pha'risiier
de DieU (TOV xÂclGaVTa aÙTôv), elle a été insufflée par Lui dans
und Sadduzaer aIs philosophisehc Scktcnhinstellt, und ihre « Lehrcn» mit
Rilfo griechisch philo80phischer Terminologie wiedergibt. Unse; Verfasser l'argile de notre corps (ÈJ.1XVEUGaVTa, EJ.1<pumlcravTa), elle a été prêtée
wandto sieh mit sciner apologetischcn und polemisehen Schrüt sowohl an jüdi- à l'homme jusqu'au moment de la mort, où
Dieu la lui redeman·
Bche, wic an heidnische Lescr » • dera 1. Tous ces termes montrent à 1'é~idence que les conceptions
... FocKE, op. cit., p. 92: «Eins geht mit Sicberhcit aus dem gcsagten bcr·
vot, dass niimlieh dic innere Bcrührung diescs Juden mit der gricchischen Phi- 6 Sap., XVI, 14, RAHLFS, II, 370: livaQ<01CO; ôÈ WcOX'tÉV\'EL JlÈV TÙ XUXlq. uô-
losophio eipe ganz oberfliichliche, und flüehtige war, dass der Hellenismus nur 'toü, È~EMtOv ôÈ m'EÜJlCl oùx àV<LC1fQÉCPEL oüôè ÙVUMEL 'l'uxTjv n<1QaÀ'lJlCP6douv.
·a1s cin dünner Firnis sc in Denken umkleidete ». Ct. VIl, 23.
5 Sap., XV, 10, RABLFS, II, p. 368: oxoÔoç ÔÈ -i) xUQÔ(u UUtOù, XUL Ylie; E'Ùn:- 1 Sap., XV, 16, RAHLFS, II, p. 368 ~ l'auteur parle des idoles: av6Q<OOtoç YÙQ
on
uO'tÉQu -i) ÈÀ....tiç mhoù, XflÀ.OÜ n: dn~n:Qoç /) ~(oe; u\rtoü, i)YVOflOE 't'OV nÀ.a- ~O(flO~ u\rto-uç, xUL 'to m-EÜJlCl ÔEÔU\'EI.OJ.tÉvO~ È1tÀ.UOEV u\rto-u~· OÙÔE~ yàQ u\rtil»
oUV'tU UÙtOV XUL 't'OV iJUCVE-uouV'tu u\rtq, 'l'\'xi)v ÈVEQYO'Üouv XUL ÈJl'Puo-r]ouytu 0JlOI.OV uy{}Q<oxoç tOX-UEL nÀ.aouL fleov • 9vrrt~ ôÈ {ôy VEXQOV lQYU'tETUL XEQoiv dv6-
m'EV l-W ~o)'t\.xov. wç
....oLc; • 'XQdT't<Ov yci.Q ionv TWV oe6uo!!a't<Ov o,\rtoü. uùtoç JlÈV ~flOEV, ÈxEivu ôÈ
où8ÉJtotE. - Cf. II, 23.
227
monistes des stoïciens sont totalement étrangères à l'auteur, qm.
affirme très nettement l'immortalité de l'âme humaine et la récom-
admet la distinction entre Dieu et l 'homme, en même temps· que la
pense des justes après la mort: c'est là presque l'idée centrale qui
dé~·ndance de l 'homme vis-à-vis de Dieu. Il serait évidemment mal
est admirablement mise en lumière par l'auteur. Si nous comparons
à propos de chercher dans le Ïivre de la Sagesse des précisions trop
à ce langage clair et précis les hésitations de Sénèque et de Marc-
poussées sur les relations ~ntre l'homme et Dieu et sur la causalité
Aurèle, la position négative d'Épictète et de Panétius, la demi-
divine dans le monde; l'autoeur ne nous donne pas un cours de théo-
solution de Zénon et de Chrysippe, il est indéniable que l'écrivain
dicée. Il n'a d'ailleurs aucune prétention philosophique et se sert
sacré dépasse de loin les conceptions générales du Portique.
tout simplement de la te·rminologie de la Genèse pour décrire l'ori-
Pouvons-nous en conclure que, d'après notre auteur, le pneuma
gine de l'âme humaine.
Un· autre point important, où le livre de la Sagesse s'écarte de la
psychologie stoïcienne, c'est la .dqctrine concernant la destinée
humaine après la mort. D'une façon générale, on peut dire que les
r est immatériel' Nous croyons que ce raisonnement contiendrait un
la·tius
. hos. En effet, nous n'avons trouvé aucun indice' dans le texte,
qUl prouve que l'auteur a entrevu la connexion nécessaire de ces
deux notions: il veut roe·nseigner ses lecteurs sur la destinée de
stoïciens n'admettaient qu'une survie personnelle limitée de l'âme
l'âme après la mort, ~n se basant sans doute sur la doctrine ortho-
humaine séparée du corps. Après quelque temps notre souffle vital
doxe de sa religion, sans qu'il ait l'intention de donner une justifi-
se disperse et est résorbé dans le pneuma cosmique. Nous avons mon-
cation métaphysique de sa conception; nulle part au cours de son
tré déjà que Cléanthe et Posidonius sont allés plus loin dans la voie
ouvr!lge il ne rattache cette immortalité de l'âme humaine à la
de l'immortalité individuelle, mais c'était sous l'influence de la phi-
nature de notre principe vital, précisément parce que cette con-
losophie platonicienne. L'expression la plus fidèle de la doctrine
naissance de la survie lui vient d'une autre source que la spéculation
stoïcienne est renfoe·rmée dans la formule 1toÀUXQOVLOV 1tvruJlu, attri-
philosophique.
buée au fondateur de l'école. De sorte que nous pouvons retrouver
certains échos de la philosophie stoïcienne dans le langage que l'au- 2. Le pneuma ne désigne pas seulement, dans le livre de la Sagesse
teur sacré met dans la bouche des impies: « Après cette vie nous l 'Aame humame, • conçue comme une œuvre divine; }p terme est appli-'
serons comme si nous n'avions jamais été; le souffle, dans nos nari- qué également à la Sagesse, que l'écrivain sacré décrit comme un
nes, est une fumée, et la pensée une étincelle, qui jaillit au batte- souffle qui émane de Dieu et pénètre tous les êtres.
ment de notre cœur. Qu'eUe s'éteignoe·, notre corps tombera en cen- Examinons d'abord les multiples attributs que l'auteur lui appli-
dres, et l'esprit se dissipera comme l'air léger»8. que. Ce pne-uma divin remplit toute la terre (l, 7: OTt 1CVEÜJlU XUQlOU
L'auteur s'oppose de la façon la plus formelle et la plus catéO'o- 1tE1tÀ-rlQWXêV rl)v otxOUJlÉvl)v) et, puisqu'il conserve tous les êtres il
• 0 .
salt tout ce qui est dit par les hommes (I, 7: xut ta mJVf:x.OV tà 1tavtu
'
rlque à CC$ conceptions impies 9. Dans tout le passage qui suit, il
yv<i)(J\.v Ël,EL <pwvijç) 10. Car ce pneuma est intelligent (VII, 22: 1CVEÜJlU
VOEQOV) et plein d'affection pour les hommes (l, 6: <plÂav{}Qw3tov yàQ
• 8_ Sap.! ~, :' trad. A. CRAMPON ; RAHLFS, II, 346: on xWtvo~ of] 1[V01] Èv QLCJi.v
'I1 •.u.ov Xo.L 0 À6yo; O1tLYÔi!Q iv XLVIjOEL xUQbCuç of]J.lWV, où 06Eo{)ÉVTO~ TÉq>QU à.,-r06lj- 3tVEÜJlU <Jo<pLaj VII, 23: <plÂav{}Qw3tov), auprès desquels il joue un
Ono.l TO oWJ.U1 xo.i. TO 1tVEÜJ.lC1 bwxu{h'\OUUL 00; Xo.'",o; o.TlQ. - Heinisch (op. cit., rôle éducateur (l, 5: 3tVEÜJlU 3tUlÔELaÇ) : o·n ne peut évidemment pas
p •• 0-42) se demande si les impies qui parlcnt ici sont dcs épicuriens. Il pense le confondre avec le souffle vital, qui est propre à chaque individu.
que ce sont plutôt des juifs qui ont renié le judaïsme et qui couvrent leur Il s'agit ici d'un pneuma saint (l, 5; VII, 22: 3tVEÜJlU ciy~ov; IX, 17)
apostasie d'un vernis très superficiel de philosophie grecque; cf. FELDlIANN,
et unique (VII, 22: JA,ovoyevÉç), bien qu'il soit communiqué à un
o~. cit., p. 31: «Ankliinge an Epikur, Heraklit u.a. machen die Freigeister noch
nlcht "Zou Schülern dieser Systeme ). - Il est bien inutile d'ajouter que nous ne
10 Noua avons reneontr6 plusieurs fois le terme ouvÉXro en examinant la
voulons pas mettre tout ce passage (II, 1-20) au compte des stoïciens: nous
pneumatologie stoïcienne, o~ il 6tait généralement employé pour désigner l 'ac-
visons uniquement les conceptions eschatologiques, qui correspondent à la
doctrine du Portique. tivit6 du pneuma en tant que principe de coh6sion. n semble donc bien que ce
terme a ét6 repria au vocabulaire du Portique, avec lequel il présente des
D Sap., JI, 21-23; III, 4·10; V, 15-16 etc.
accointances indéniables tout en ayant une signification moins précise.
LE SYNCRtTISMË PHILosoPiiÎQUE tT RËLIGIËUX . LE LIVRE DE LA SAGESSE 229
grand nombre d'êtres (VII, 22: 1COÂUJLEQÉÇ) 11. Sa subtilité extrao~ l'a ayu)v aou :cvEüJ1a cl:CO U'l'L<1tOOV) : il est donné aux hommes qui le
dinaire (VII, 22: Àuttôv) lui assure une mobilité sans égale (VII, 22: demandent humblement dans la prière (VII, 7: ,8lÙ l'OÜtO ro;aJLl1v xa\
ruxCVl}tov) et un grand pouvoir de pénétration (VII, 22: rQavôv) u. q>QôVTIaLÇ Èô6-frtt JLOL· È1rexauaclJL'l1V, Kat .qÂ{}ÉV JLOl :CVEÜJLa aoq>wç; cf.
Ce contact avec les êtres ne souille pas s~ pureté (VII, 22: àJLôÂuv- VIII,' 20-21; IX, 4); il n'est donc pas étonnant qu'il s'éloigne des
l'OV) 13, Clar il ne se laisse pas dominer par eux (VII, 22: à1C~JLaVtOv), pécheurs et des hommes injustes (l, 5: ayLov ydQ :cvEÜJLa 1CalôELa~
puisqu'il est tout-puissant (VII, 23: 1CaVl'OÔUvaJ.lov) H. Tout au con-
q>ru;Et'aL ô6Âov xat btavaa~aETaL &11:0' ÂOylcrJLWV clauVÉ'rOOV xat fkrI.-
traire, c'est lui qui, par son amour du bien (VII, 22: qHÀaya{}ov),
~aEt'aL È1CEÀ{}OU01lÇ clôlxCaç).
exerce chez les êtres qui se laissent pénétrer pa~ lui, son action
Cette antinomie se résout facilement si l'on tient compte de la
bienfaisante (Vll,- 23: EÙEQYEtlXô").-.Avec une -sûreté inébranlable et
double activité que le pneuma de la sagesse exerce dans le monde.
tranquille (VII, 23: ~É6alov, claq>aÂÉç, UJLÉQlJLVOV), il t'xerce son pou-
Elle se présente à nous, d'une part, comme une force créatrice qui
,'oir, qui ne connaît pas d'obstacle (VII, 23: clXWÂUtO,\'). Son regard
traverse le monde tout entier, de sorte que rien n'échappe à son
clair (VII, 22: aa<pÉç) oct perçant (VII, 22: o;u) "oit tout ce qui se
action toute puissante 16; à ce point de vue la croq>La apparaît comme
passe (VII, 23: 1CaVE1CLtTX01COV) et pénètre les esprits intelligents, les
l'artisan du cosmos, qui a formé tous les êtres.
plus purs et les plus subtils (VII, 23: ÔtÙ 1CaVl'OOV x,ooQOüv 1CvruJLâtoov
' ) 15
D'autre part, le pneuma de la sagesse est décrit comme le prin-
,\'OEQWV xauaQwv 1..ê1[tOtatOOV
- _Q. - '1
.
cipe d'une connaissance supérieure ~t d'une vie morale plus élevée:
L'auteur insiste dans les termes les plus formds sur l'extension parlant de ce don intellectuel l'auteur dit: « C'est lui (Dieu) qui
universelle de ce pneuma (VII, 24: m1crl1ç YÙQ Xl~crEOOÇ XlVl1ttXWtEQOV m'a donné la véritable science des êtres, pour me faire connaître la
ao<pla, ~H~XEl ôÈ xat XOOQEL ÔlÙ mlvl'oov ÔlÙ rl)v xa{}aQôl'l')ta; VIII, 1: structure de l'univers et les propriétés des éléments, le commence-
(cro<pla) ôtatELvEl ôÈ cl1[O 1CÉQatOç È1[t 1CÉQaç EÙQwaTooç xal ÔlOlXEL tÙ ment, la fin et le milieu des temps, les retours périodiques du soleil~
:cavta XQl1atwç; XII, 1: tO ydQ aq>{}aQtôv crou 1C'\'EÜJLa ÈcrttV Ëv 1CücrlV ) les vicissitudes de~ temps, les cycles des années et les positions defJ
et, d'autre part, il affirme que ce pneuma est un don accordé par étoiles, la nature des animaux et les instincts des bêtes, la puissance
Dieu (IX, 17 : ~ou}.~v ôÉ crou Tl; Ëyvoo El JL'l) crù Ëôooxaç cro<ptav xaL Ë1[EJL'Paç des esprits et les raisonnements d~s hommes, les différentes espèces
des plantes et la vertu des racines. Tout ce qui est caché €-t à décou-
11 Nous avons rencontré une expression analogue chez Sénèque: sacer 8piritus~ vert, je l'ai appris j car la sagesse, ouvrière de toutEs choses, me l'a
~Qov mrrii~c.a: l'adjectif o.yLOv doit avoir ici la même signification.
enseigné» 11. Cependant ce n'est pas seulement une connaissance
12 Plusieurs de ces épithètes ne sont pas étrangères au vocabulaire stoïcien:
nous avons vu plus haut que l'adjectif Àe;tTOV ou plutôt le superlatif 1.€1rto-w:tOV théorique et purement spéculative que la sagesse communique: cette
est souvent appliqué au pncuma. Lcs philosophes du Portique ont également p~nétration des mystères de la natùre est ordonnée à la pratique des
insisté sur le fait que le pncuma pénètre tout, même les matières les plus vertus €,t à l'accomplissement de la volonté de Dieu en toutes choses:
viles; le TOVoç, qui est en rapport étroit avec la mobilité du pneum3, est une « Les labeurs de la Sagesse produisent les. vertus; elle enseigne la
notion centrale de la physique stoïcienne: e 'est par ce mouvement perpétuel
qu'elle explique la cohésion et l'extension des êtres.
tempérance et la prudence, la justice et la force, ce qu'il y a de plus
13 La xQàoLÇ lh' oÀrov des stoïciens traduit en somme le -même caractère du utile aux hommes pendant leur vie» 18. « Aussi ai-je résolù de la
pneuma; en effet, le propre de ce mélange total, e 'est que les éléments consti- prendre comme compagne de ma vie, sachant qu'en~ serait pour moi
tutifs, tout en se pénétrant complètement, gardent intacts tous leurs caractères une conseillère de tout bien et une consolation dans mes soucis et
propre!. mes peines» 19. « Car elle connaît et comprend touUs choses, et eHe
14 Le pneuma des stoïciens est ~galement tout-puissant, puisqu'il n'a devant
lui que la plasticité de la matière totalement amorphe. Cependant certains
16 Sap., VII, 21: la sagesse est appelée: :rcUvtrov, "teXVlTLÇ; VII, 23:
philosophes du Portique ont cherché dans la résistance de cet élément matériel
:rcuvtoM,vulJ.Ov, Vil, 21; VIII, 5: TÙ :rcUvtU ËQyut;o~; d. H. DUESBERG,
tIDe explication du mal et de la souffrance dans le monde.
LeI ,cribel tnlpiré,. 2 voL, Paris, 1938-39, II, p. 489.
Hi Sénèque parle éghlement d'un esprit qui est en nous pour observer notre
11 VII, 11-21. ta VIII, 7,
conduite et pour la juger au point de vue moral.
U VIII, 9,
230 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX
LE 'LIVRE DE LA SAGESSE 231
me conduira avec prudence dans mes œuvres et me gardera par ft
ment qui gouverne le cosmos: c '€St dans la grande œuvre de la
gloire. Et ainsi mes œuvres vous seront agréables, je gouvernerai
nature que tout homme de bonne volonté p.eut trouver les traces de
votre peuple avec justice et je serai digne du trône de mon père» 20.
sa puissance infinie 25. De plus, l'auteur attribue la même activité
« Étant unique, elle peut tout; restant la même, elle renouvelle
à Dieu et au pneuma de la sagesse: il dit, en effet (1, 6): « La Sa-
tout; se répandant à travers les âges dans les âmes sainks, elle les
gesse e8t un esprit qui aime les hommes et il ne laisse pas impuni
fait amies de Dieu et prophètes (cpLÂouç 9EOÜ xat nQO<ptltaç xata-
le blasphémateur pour ses discours, car Dieu est le témoin de ses
mœua'tEL ) )) 21. C'est dans ce second sens que la sagesse ne ~, com-
reins d le véritable scrutateur de son càmr (~at t'ijç .xaQôlaç aùtoü
munique pas à tous les êtres, pas même à tous les hommes, mais seu-
~nL?xon?ç.(H.l1{hlÇ) et il entend ses paroles'(xatt'ijçYÀw<Jal]çaxoucm1ç);,.
lement à ceux qui aspirent à une vie morale plus élevée et qui im-:-
Et Im~edlatement ·après il 'ajoute : « Car l'esprit du Seigneur ( nYEÜJ.I,a
plorent humblement le secours de Dieù.
xUQ~\1) remplit l'univers et celui qui conserve tout, sait tout ce qui
Certains textes peuvent donner l'impression qUE: ce pneuma est
se dIt (YVW<JlV ËlEL <pooviiç) »; plus loin il donne comme attribut du
une émanation de Dieu, un être intermédiaire entN: lui et le monde,
pneuma de la sagesse d'être: navEnL<J)(01tOV (VII, 23). D'ailleurs la
et dont l'être suprême, dans sa solitude intangible, se servirait pour
sagesse n'est pas le seul des attributs divins qui est rE:présenté de la
créer et gouverner le cosmos 22. Cette conception nous paraît inexac-
sorte:'l'auteur personnifie égalèment la parole divine « qui s'élança
te. Il ressort de. l'ensemble du livre que le pneuma est plutôt une
du ciel, d.e son trône royal, comme un guerrier impitoyable«
représentation symbolique de l'activité divine dans le monde: si
(XVIII, 15) et la puissance de Dieu est également décrite comme un
certains passages prêtent à cette activité un caractère personnel 23,
pneuma (V, 23; XI, 20).
il ne faut pas les prendre au pied de la lettre, mais comme un pro-
Il serait évidemment intéressant, dans le cadre de notre étude, de
cédé littéraire, choisi par l'auteur pour se faire comprendre dans
déterminer aussi exacte'me~t que possible la nature de c"e pneuma
une matière aussi délicate 24. En effet, P. Heinisch a déjà attiré
divin et spécialement d'examiner s'il faut le concevoir comme une
l'attention sur le fait qu'aux termes de l'exposé, c'est Dieu lui:
réalité matérielle ou immatérielle. Les opinions sont divisées sur ce
même qui a créé directement le monde et l'homme, c'est lui égale-
point. M. Heinze pense· que le pneuma doit être conçu plutôt comme
une entité matérielle, bien qu'il reconnaisse que la question n'est pas
20 IX, 11-12.
21 VII, 27. Nous avons légèrement ehang6 la traduction de Crampon pour explic~tement traitée par l'écrivain sacré et qu'il est donc difficile
supprimer une équivoque. . de la trancher sur des indices de vale'ur souvent douteuse: il se base
22 VII, 25-26: dt ....\; YUQ È<TtLV 'rii~ tOÜ OtOO 8\1'VdJ1E~ 'XCli. <ÜtoQQOI4 'rii; toü prjn~ipa1ement sur la description de la sagesse, donnée au chapitre
:rtClV'tO'XQUtoQoç OOS1); EiÂL'XQLvrl~ • 8ui toüto OÜÔtv J1ElllClllJLÉvov d; Clùniv :rtClQt ....- VII, où il est dit que ce. souffle divin traverse tous les êtres 8là ~v
:rtLmEl., WtClVyClO'J.14 YUQ Ëonv 'ProtO; dL8~u. xa-3aQ6t1)ta (VII,' 24) et où des attributs tels que noÀuJ.L€QÉç, ÂE3tt6v,
23 Un passage bien caraetéristique en VIII, 4. dmLvt)tOv (VII, 22), qui lui sont· appliqués, seraient des indices
24 M, HEINZE, Die .Lehre 'Vom LogQs, p. 200: « Der pseudonyme Verfas8er bat
sérieux de sa nature matérielle 2f;. Plus récemment, Büchsel a dé-
allerdings das lebbafte religiOse Bedürfnis gehabt, den Begriff Gott.es mogliebst
rein und erbaben zu balten, hat demnaeb eine seiner bervorragendsten Eigen-
sehaften gleiebsam von ihm abgelost und zwisehen ihn und die Welt gestellt, 25 P. HEINISCH, op. cit., p. 156: «Dagegen lebri der Hagiograpb dau Gott

wobei er bau fig daran streift, dem Sinne naeh. dieser eine Selbstindigkeit zu selbst unmittelbar die Welt (I, 14; IX, l, 9; XI, 11, 24; XVI, 24) wie aueh
verleihen neben Gott, wiihrend er in poetisehem AU8drueke sie vielfaeb perso- den Menseben (II, 23; VI, 7) gesebaffen bat und die Welt regiert (XV, 1);
nifiziert. In Wahrheit aber ist er niebt dahin gekommen, ihr pbilosopbiseb eine femer, da$s es dem Menseben leiebt wird, Gott aus der Natur aIs aus seinem
Selbstwesentliehkeit zuzusehreiben, und kau~ so weit darin gegangen, aIs sein Werka zu erkennen, dass Gott sieh von ihm finden liisst (I,1-2; XIII, 1-10)
mutmus1ieher Vorgiinger Aristobulos J>. - Bien que nous ne puissions souserire und dus nur die Sünde den Menschen von Gott trennt (l, 3) ».
à tout ee qui est affirmé dans ee texte, nous sommes d'aeeord avec M. Heinze • 26 M. HEINze, op. cit., p. 196: «Hiitte der Verfasser VerllD.1assung gebabt,

pour diro que le pneuma de la Sagesse pe :peut :pas ~tr~ çonsld~r~ ç()m~e u.I\~ slch klar zn werden über die Frage, ob das m'EiiJ.14 korperlieh ud stotflieh,
personne distinet~ de DieQ, oder UDko~rlieh und uieht stofflieh zu denken sei, 80 würde er sieh wobl
tür eUe nejahuns des erster~n b_ben eu.tsçheide~ m\Ïssen, aber ~ di~SQ Not-
232 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE E'r RELIGIEUX LE LIVRE DE LA SAGESSE 233
fendu la même interprétation 21. Par contre, P. Heinisch défeml divin n'est pas souillé par le contact avec les êtres matérie'lB (VII, 22:
catégoriquement la nature immatérielle de ce pneuma, en se basant dJloÂuvtov, dmîJl<lvtoV; VII, 25 :oùôÈv JlEJll<lJlJlÉvov Etç <lmi)v X<lQEJlXUt-
principalement sur son caractère divin 28. tEL) : c'est qu'il y a une différence de nature entre ces dtux réalités.
De·yant des questions de ce genre, noUs croyons qu'il est de la Notre auteur blâme aussi de la façon la plus formellof; tous ceux qui
plus h8u~ importance de se rendre exactement compte de ce qu'on ont divinisé les réalités visibles, uUes que le feu, l'air, le v~nt, le
cherche: en effet, nous risquons toujours d'abord~r une œuvre' an- ciel ou les astres, et qui n'ont pas su dépasser ce monde sensible
cienne ·avec nos catégories modernes, alors que l'auteur n'avait pas
les mêmes préoccupations que nous. Ceci est d'autant plus vrai que
dans le cas présent nous poserions une question philosophique à un
auteur qui n'a pas de préoccupations de ce genre. Si nous formulons
la question re1ative au caractère immatériel du pneuma; quel est le
[ pour remonter au Dieu invisible, à l'Être véritable 30•. Il en résulte
que, suivant notre auteur, le pneuma divin est immatériel en ce sens
qu'il est infiniment -élevé au-dessus de ce monde sensible et qu'il
f:st donc d'une autre nature que les réalités matérielles. Quant aux
épithètes qui ont été relevées par M. Heinze, eUt!s peuvent évidem-
contenu exact que nous donnons au terme Cl immatériel»' Si nous ment avoir une signification matérielle, et c'est même leur sens pri-
consultons un manuel mode-rne de philosophie, on nous dira que le mordial: cela prouve une fois de plus que la connaissance humaine
terme « immatériel» désigne la manière d'être d'une réalité qui est plonge ses racines dans le monde sensible, et que pour le dépasser
intrinsèquement indépendante de la matière: il est bien clair cepen- elle doit encore faire app-el aux images des réalités matérielles: toute
dant que cette définition, dont nous ne discutons pas la valeur, est réalité suprasensible est d'une certaine manière ineffable. Le lan-
le résultat d'une longue ivolution philosophique: on ferait évidem- gage nous en donne un témoignage irrécusable: les mots dont nous
ment fausse route, si on voulait chercher des déterminations aussi nous servons pour indiquer ces réalités supérieurc~, désignaient ori-
précises concernant le pneuma dans le livre de la Sagesse. ginairement des êtres puroement matériels. C'est donc la doctrine
La clef de la solution de ce problèm~ se trouve dans le fait que générale de l'ouvrage qui doit fixer le sens de ces termes: or nous
le pneuma de la Sagesse n'est qu'une représentation symbolique de avons essayé de montrer que la réponse à faire à cette question TI 'est
l'activité de Dieu dans le monde. Il en résulte que ce souffle qui pas douteuse.
pénètre le cosmos tout entier pour y exercer son activité créatrice, Nous reconnaissons cependant que l'auteur du livre de la Sa-
mais qui agit spécialement dans l'âme des justes pour leur communi- gesse semble avoir repris ingénument au vocabulaire stoïcien un
quer une science supérieure et une vie morale plus noble, ne diffère certain nombre de termes, qui étaient entachés de matérialisme, sans
pas de la nature de Dieu: c'est un aspect de- l'être divin lui-même qu'il ait voulu leur attribue-r ce contenu matériel. C'est que la pen-
que l'auteur a représenté de cette façon pour le m€ttre en évidence. sée du Portique pénétrait tellement l'atmosphère intellectuelle du-
D'autre part, il n'est pas douteux que Dieu es~ infinim€nt élevé rant la période hellénistique, qu'on en subissait l'influence sans s'en
au-dessus du monde matériel dont il est le créateur. Nous avons noté apercevoir.
déjà à plusieurs roeprises que, dans le livre de la Sagesse, il n 'y a
Ceci nous amène à examiner une de·rnière question: la dépendance
pas t.race du panenthéisme stoïcien: Dieu est nettement distinct de
du livre de la Sagesse à l'égard de la: philosophie stoïcienne. M. Hein-
la création, même de l'âme humaine qu'il a formée à son image 29.
ze prétend que la. représentation de la sagesse, telle que nous la
Cette distinction est encore mise en lumière dans la description de
trouvons dans ce livre saint, est le résultat d'un amalgame de la
la sagesse, où l'auteur insiste spécialement sur le fait que ce souffle
O'o<p(<l avec le concept stoïcien de la divinité, conçue comme un pneu-
wendigkeit nieht an ibn herantrat, ist die Frage gar nieht behandelt, und wir
30 XIII, 1: Ma:t'aLO~ ~ yàQ 1tavl'€~ UvOQc.o..."tOL qnJaEL, ol; 1tC1Qilv 9EOÜ ô.Y'·roaLa
mÜ8sen uns begnügen mit den Andeutungen die gegeben sind D.
21 Der Gei8t Gotte8 im Neuen Testament, Gütersloh, 1926, :p. 76, xaï Èx 't'oov oQroJAivrov aya{}oov oùx 'CaX"auv ElÔML 't'ov onu oVte 'to~ ÉQYOL; 1tQOCJ-
28 P. HEINIsCH, op. cit., p. 153. . ÉXOV't'E; btiyvroaav 't'Ov 't'eXVi't't)v, ID' 'il m;Q'il :rcvriifUl 'il 't'UXLVO\' tÏiQu 'il xUxÀov
29 II, 23 j VII, 22; IX, 4; XIII, 1, uU't'qrov 'il ~La.LOV ijÔ(I)~ 1\ <p(l)ariiQ~ ooquvoü 1tqvtuvei$ xoaf'-ov 9~oo,.iv0f'LO«Vt
234 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX LE LIVRE DE LA SAGEH'SE 235'
ma qui traverse la réalité tout entière 31.11 propose comme argumeni!, monde comme un grand organisme, animé par un souffle puissant,
pour appuyer sa thèse, que l'auteur,: à l'instar des philosophes du qui n'est autre que Dieu. Le 1CVEÜf.La O'o<pwç, par contre, n'est que
Portique, applique au terme l'épithète VOEQOV ; d'autre part, il fait la représentation symbolique d'un aspect de la divinité, ~on activité
remarquer que le pneuma de la sagesse pénètre l'univers tout en- dans le monde: activité créatrice, d'une part, atteignant t.ous les
t.ier, tout comme celui des stoïciens (VIII, 1; VII, 24). Büchsef ad- êtres; acti;vité illumin.atrice et sanctificatrice, d'autre part, limitée
met également une grande influence de la philosophie stoïcienne sur aux âmes droites. Cette différence peut paraître asséz subtile: elle
la conception de la sagesse, telle qu'elle est décrite par l'auteur est cependant réelle et nettement marquée.
sacré (VII, 22 - VIII, 1) 32. TI attire spécialement l'attention sur le
caractère métaphysique de la description du pneuma: l'écrivain
sacré cherche à déterminer la nature de ce souffle divin, qu'il con-
çoit en même temps comme corporel et comme intelligent, comme
r b) Le pneuma des stoïciens est répandu à travers le monde, de
telle manière que chaque être en possède une parcelle: l'âme humaine
est donc une éti~celle de ce feu divin, qui anime l'univers. - Il
n'en est pas ainsi du pneuma que nous a,vons rencontré ici: le souf-
une réalité pensante. Ces deux traits ne se retrouvent pas, d'après
Büchsel, dans l 'Ancien Testament; ils sont des indices irrécusables fle individuel est créé par Dieu sans se confondre avee l'essence
de l'influence stoïcienne 33. divine. Quant au pneuma de la. sagesse: il désigne. uniquement l'ac-
Il ne sera pas dUficile, après l'exposé que nous avons fait, de por- tivité de Dieu dans tous leS êtres, et spécialement dans les âmes
ter un jugement sur ces interprétations. Disons immédiakment que justes. Nous ne croyons donc pas qu'il y ait des traces du panen-
nous les trouvons exagérées. Qu'il y ait des influences de la termino- théisme stoïcien dans le livre de la Sagesse d nous répondons à
logie stoïcknne, nous l'admettons pleinement, et nous avons indi- Heinze que la manière dont le pneuma de la sagesse se répand à
qué les multiples ressemblances qu'on peut retrouver dans le voca- travers le monde n'est pas la même que la pénétration du pneuma
bulaire de l'auteur avec celui des stoïciens. Il n'en résulte pas stoïcien.
cependant que les doctrines sont les mêmes de part et d'autre. Si c) Le pneuma des st{)ïciens est conçu comme un souffle matériel
l'on compare objectivement les doctrin€s exposées par l'auteur sacré très subtil, il est vrai, mais ·dont le caractère corporel n'est jamais
avec la pneumatologie stoïcienne, on trouve des divergenoos de vue mis en doute: ils doivent y tenir d'autant plus que la matérialité
sur les points les plus essentiels du système: est, d'aprèS eux, une condition nécessaire de l'activité: tout ce qui
a) Le pneuma des stoïciens déBigne la substance de la divinité: est actif, est corporel. - Nous avons vu, par contre, que le 1CVEÜf.La
car le propre de la philosophie du Portique est d'avoir. conçu le O'o«pWç, qui est de la même substance que Dieu, est infiniment élevé
au-dessus du monde matériel: de sorte qu'on est en droit de con-
31 M. HEINZE, op. cU., p. 195: «Wenn nun au ch die Bezeiehnung der Weis.
clure à une diversité de nature. C'est pourquoi nous répondons à
heit aIs moEiiJ.W selbst unmittelbar in der jüdischen Literatur vorbereitet war,
und wir die besondere Hervorhebung desselben in unserem Buehe Dieht sehon Büchset" qu'il y a dans Bon interprétation une méconnaissance com-
auf die Stoiker mit zurückführen wollen, so spricht doch maneherlei dafür, dass plète de l 'hétérogénéité du monde matériel et du pneuma divin. Les
l'ine Versehmelzung der CJocpCa. mit dem stoischen Begriff der Gottheit, aIs indiCE-8 que nous avons recueillis ont montré que le pneuma de la .
cines die Welt durehdrlngenden m'EÜ~ vor sich gegangen ist». sagesse n'est' pas conçu comme une choSe pensante mais comme une
32 BÜCHSEL, op. cit., p. 75.
intelligence très pénétrante et dépassant de loin toutes les réalit~
~ BUCHSEL, op. cit., p. 76: «Gerade dus die Weisheit denkend und dinglieh,
intelligibel und naturhaft gedaeht wird, dus auf die Dingliehkeit, die Na- sensibles.
turartigkeit sonel Wert gelegt wird, ist bezeiehnend. Solche Beschreibung des d) Le pneuma des stoïcie·ns n'est pas 'un don, accordé par Dieu
Geistes wio die: vielteilig, zart, leieht, beweglich durch aIle Geister hindureh-
à des âmes privilégiées, mais il est le principe constitutif formel de
gehend, sucht man im Alten Testament vergeblich. Aber in der StO& findet
man ihresgleiehen sehr bald ... Jetzt unter dem Einfluss der stoisehen Meta- chaque être. C'est pourquoi on ne lui attribue jamais cette activit,é
physik sucht man sich den Geist in scinem Wesen vorzustellen. D~ metaph l- dans l'ordre de l'illumination et de la justification, que l'auteur
~~h~ DenkeJl .i3~ in das J"dent\jlD eingedrungen », ~çré a.ppli~ue ~~ 1CVEVfA4 <Jo<pLa? 4Io~ que l~ 60qffle ~oicien se
236 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPH.IQUE ET RELIGIEUX

présente comme un élan vital, dont la poussée irrésistible traverse-'


le cosm.os, le 1tVEÜ~a de. la sagesse est un secours spécial, accordé par
Dieu aux humbles prières des justes.
1 dans les livres sacrés les doctrines fondamentales de la sagesse
païenne. Il en résulte que son travail de coordination n'est pas tou-
jours à l'avantage des conceptions religi(.·uses du judaïsme. C'est
pourquoi, si nous avons cru devoir réduire l'influence de la pensée

•• païenne sur les idées énoncées dans le livre de la Sagesse, il n'en
sera plus !linsi dans l'interprétation des doctrines de Philon. La
Il résulte de l'exposé qu'on vient de parcourir, que le livre de la suite de l'exposé montrera que ce n'est pas seulement la philosophie
Sagesse constitue une étape décisive dans l'évolution de la doctrine du Portique qui a influencé sa pneumatologie: nous y découvrirons
du pneuma, car, nous y rencontrons pour la première fois un nvEÜJla également plusieurs éléments dont l'origine platonicienne n'est pas
qui n'est plus rivé au monde matériel, comme celui des stoïciens douteuse. Et comme Philon ne nous donne pas d'exposé systémati-
et des médecins grecs, mais qui; étant de la même nature que le Dieu que de ses doctrines, mais qu'il faut les glaner dans ses nombreux
du judaïsme, transcende les réalités sensibles.. Si l'auteur sacré s'est commentaires de la Bible, il ne sera pas facile d'arriver à une
servi de ce terme stoïcien pour faire comprendre à ses lecteurs juüs synthèse complète et précise de la pneumatologie du philosophe
et païens l'activité divine dans le monde, il l'a tout naturellement alexandr.in. La confrontation des textes qui nous renseignent sur ce
porté à l~ hauteur de ses conceptions théologiques: il en résulte que point, nous a permis de distinguer les différentes significations du
Its. expressions stoïciennes, adoptées dans cette théologie spiritua- terme pneuma, que nous examine·rons successivement.
liste, prennent une signification toute différente de celle qu'elles
·1. Philon s'est servi tout d'abord du terme pneuma pour désigner
avaient originairement, étant entachées par le matérialisme du Por-
un des quatre éléments, à savoir l'air 34. Il importe cependant de
tique.
noter que ·1e philÇ>SOphe alexandrin ne parle pas du 1tVEÙ!la tout
Il faut remarquer cependant que cette spiritualisation du pneuma
court, mais du 8EOÜ 1tVEÜJla. Il ne nous semble pas toutefOls qu'il
est encore imprécise, puisque cette notion d'immatériel n'a pas
faille attacher une signüication trop spéciale à cette détermination:
encore un contenu bien défini: c'est l'exclusion d'une certaine· ma-
elle est plutôt une réminiscence du récit de la Genèse où il est
nière d'être qu'on constate autour de soi, plutôt que la détermina-
dit que l'esprit de Dieu planait au-dessus des eaux CGen., l, 1: 'Kat
tion positive d'un contenu réel. Ce qui manque encore, C'Est l'éla-
JtvEÙ!la 8Eaü È1CE<pÉQEt'O È1tavw t'Oü üôat'oç). Philon fait remarquer à
boration philosophique de ce concept, élaboration qui se fera 'gra-
ce sujet que le pneuma a ·reçu cette qualüication, parce qu'il est le
duellement au cours des siècles. C'est par la réflexion patienre des
plus· vivüiant de tous les éléments et que Dieu est le principe de
philosophes, qu'on arrivera à se rendre compte dt' mieux en mieux
toute vie 35.
de ce que le spirituel comporte comme contenu· positif.
Ce n'est pas la première fois que nous rencontrons l'expression
1tVEÜJA.Œ ~wnx6v.Nous venons de la retrouver au livre de la Sagesse.
2. PHILON D'ALEXANDRIE. __ Elle était d'ailleurs fort répandue à Alexandrie parmi les disciples
d 'Érasistrate; et puisque l'équÎval€-nt de cette expression se trouve
Bien que Philon d 'Alexandrie ait vécu à la même époque et pro- dans la Bible, le conformisme de Philon était pleinement satisfait.
oablement dans la même ville que l'auteur du livre de la Sagesse, Que le pneuma ait Un rapport spécial awe la vie et avec la divinité,
on constate chez lui une attitude b€·aucoup plus accueillante à l'égard
de la philosophie de son temps. Alors que l'écrivain sacré repré- UDe· gigtlntibua, 22 Bsq.: ÀiyETUI. aè SEo\; n'VtÜf.Ul ~ua' Ëvu·~ TQ&tOV Il Q~.
sente le type du juif profondément religieux, qui se nourrit de la rov à~Q MO Y'ilç, TQLTOV OTOI.Xdov E:tLXoUf.œVov 'Üaun. Cf. ARIST., Meteor., IV, 9,
lecture et de la méditation des livres sacrés, tout en n'étant pas 887 a 29.
étranger à la culture hellénistique de son milieu cosmopolite, Phi~on 31 De opil. fnundi, 30: TCQOVOJ-lWç ai TO TE TCVrii!U1 ~Ul TO rpcôç 1]SLOÜTO • Tb J-Lèv
apparaît plutôt comme le s~vant ·émancipé, qui cherche à retrouver YÙQ WVOJUWE 9EOÙ, ôLOn tCOTLXO)'(UTOV TO TCVriifA4, tcoiiç ~è 91i0~ utfLO~.
o 'est là une idée tout à fait stoïcienne, qui a été partieulièrement"
mise en relief par Posidonius: lui surtout a conçu l~· pneuma comme
un élan vital et une pensée créatrice, qui fait jaillir partout la vie
et le mouvement et qui doit être identifié I\vec la. divinité imma-
l des constitutives 39. Cette conception ne nous semble pas être stoï-
cienne: suivant les philosophes du Portique cette cohésion était
assurée par le :n:vEÜjla Ext'lXOV, qui pénètre toutes choses, doctrine
que nous retrouverons également chez Philon. Elle ne peut pas être
nente au cosmos: rappelons-nous les expressions de« vis WooremadA» confondue non plus avec la physique de Démocrite, d'après lequel
et « causa gignendi» par lesquelles Posidonius désigne ce souffle l'attraction se produit entre des atomes semblables, alors" que, d'a-
divin, qui pénètre toute réalité; rappelons-nous également les argu- près Philon, ce sont les éléments dissemblables qui s'attirent.
ments d'allure, aristotélicienne par lesquels il essaie de prouver que Philon retrace également l'origine de ces éléments et par consé-
ce pneuma cosmique doit être identifié avec la divinité. quent, du cosmos tout entier. Le tableau qu'il en donne est un mé-
Cette prise de contact avec la pensée "de Philon nous montre déjà lange assez curieux de conceptions bibliques avec des doctrines stoï-
le contraste qu'elle offre avec le livre de la Sagesse: bien que l'au- ciennes et platoniciennes: ce sont surtout ces dernières qui prédo-
teur sacré ait subi l'influence du langage de son époque, il expose minent. D'après lui, 'en effet, la création du monde comprendrait
des idées qui ne sont pas empruntées à la philosophie hellénistique, deux phases: Dieu n'aurait pas créé immédiatement les réalités sen-
mais qui constituent l'âme de sa pensée religieuse; tandis que, chez sibles, mais avant de donner l'existence auxOaJ.Loç ai,a{}nt'aç, il aurait
Philon, la terminologie est celle de la Bible (du moins dans une grande fait d'abord le xOajloç VOl1taÇ, comprenant les exemplaires immaté-
mesure), mais le contenu de ces termes est beaucoup plus influencé riels du monde sensible, c'est-à-dire le ciel, la terre, l'air, le vide,
par la philosophie. l'eau, le pneuma et la lumière 40. li est assez significatif qu'on
Dans le même texte de la Bible (GlYn., l, '1), Philon a découvert ret~ouve tous oos éléments dans les trois premi-ers versets de la
encore un autre point d'attache avec ses conce"ptions philosophiques: Genèse; op. y trouve également le terme qui a donné lieu à cette
la localisation du pneuma. Il y est dit, en effet, que l'esprit de Dieu interprétation platOnicienne du récit de la Genèse: 'Ev aQxn rnoll1aEV
"planait au-dessus des eaux: le philosophe alexandrin en _conclut que ô 8F.oç t'ov oÙQavôv xaL n'tv yiiv. eH ôÈ yii ~v àOQat'oç ... : la terre invi-
le pneuma occupe la troisième place dans la série des éléments, après sible est pour Philon l'Idée suprasensible de l'élément terrestre.
la terre et l'eau 86. Philon semble donc avoir repris la théorie des Il a donc cherché à décou\rir dans la Genèse un double récit de la
éléments, telle qu'elle était enseignée, dans l'école stoïcienne, avec' création du monde: il aura d'ailleurs été confirmé dans son int€·r-
des influences bibliques sur la dénomination, la sériation et la loca-, tation .par le fait qu:on y trouve très clairement un double récit de
lisation de ces éléments 87. Nous retrouvons même chez lui la distinc- la création -dè l 'hoinme. Alors que les exégètes modernes donnent
tion entre les éléments supérieurs et inférieurs, telle qu'elle était une explication philologique de cette anomalie par les documents
faite par Chrysippe: le pneuma et le ciel (oùQavaçau lieu du terme J et E, Philon propose une explication philosophique basée sur le
ordinaire :n:ÎJQ) sont considérés comme des éléments divins, tandis dualisme dé la pensée platonicienne. D'après lui, Dieu aurait pro-
que ,la terre et l'eau sont placées à un échelon inférieur 38 : cette
division s'accorde singulièrement avec les at'ollELa ôQaat'lxQ et :n:a&r]- a9 De Cherubim, 11: xut 1CQoaÉ'n yfj; 'fÙ:Y m,Q<1V~, OOQ<1VOÜ ôÈ yij, d:ilQ 6è 00<1-
nxa de Chrysippe, qui a introduit dans sa théorie des éléments le 'toç, 'ÜôroQ ôÈ mWJl<1'toç xaL 1CcilLY <1t J.1tta.;v cpOOE&Ç WJ."Â.roV 'tE xal 't00v UxQCIJ'Y
dualisme aristotélicien de matière et de forme. x<ù al cixQ<1L 't00v JAiarov xaL 't00v É<1'U'toov lQoo<n.v.
40 DB opit. mundi, 29: 1CQW'tOV fLÈv ouv 0 :n:ouùv èrcoC1}aEV OOQ<1VOvci.atOJl<1'tov xal
Il existe entre ces différents éléments une attraction réciproque, yijv d6Q<1'tov xai. diQoç lôÉa.v X<1LXEVOÜ ••• da' OOa.'toç acnô!J(1'tov O'Ô<JCav xul:n:veV-
qui assure la cohésion de l'organisme cosmique e,t de toutes ses par- fA.C1'toç "ui. èrcL':n:dow É6M~ou q>CO't~. Ô :n:OJ..LY ciawJl<1'tov1av xutvo1}'tov ~).loU:n:o.qdÔELY­
Jl<1 X<1L :n:dvtrov aou q>cIla<pOQu clO'tQ<1 XU'tcl 'tOv ooQUVOv ËJ.l.EUe auviO'tamNu. La rai-
son pour laquelle Philon distingue le pneuma d~ l'air nous semble être aa fidélité
aa De gigant., 22.
à la teneur littérale du texte de la Genèse: e 'est pourquoi il a assumé égale.
31 De ebrietate, 106; De at..crif. Abel et Ca.i-ni, 97.
ment, parmi les éléments constitutifs du monde sensible, le ciel, le vide et la
a. Qu. in GeR. (ed. RICHTER), IV, 5.
lumière, qui sont mentionnés dans le récit biblique.
246 t~ fJ'YNcRÊTISME piiIt.OSOpiiIQ~ ~T :kËLIG~ 241
duit d'abord un homme céleste, qui n'a rien de matériel ni ete solution a paralysé l'énergie pneumatique: sans eile', en effet, les
périssable: celui-ci a été marqué de l'empreinte divine. Ce n'est que parties dissoutes ne pourraient pas un instant se maintenir 44. Ce
plus tard que Dieu a façonné l'homme sensible, terrestre et mortel 41. pneuma, principe de la cohésion des êtres individuels, est appelé par
On retrouve donc chez Philon· une con~'ption du monde à deux Philon, un <1\JJ.L<puÉO'TClTOÇ ôÉO'J1QÇ expression qui rappelle le xyeüJ.La
étages, empruntée à Platon: à côté des éléments sensibles et péris- <J\.I1.upuÉÇ de Zénon. Cette manière de s't,xprimer est d'ailleurs adé-
sables il y a les modèles immatériels et impérissables, comme il y a· quate, puisqu'il s'agit d'un lien matériel entre des êtres corporels.
un homme céleste et immortel au-dessus de l 'homme terrestre que Toute octte doctrine a été reprise par Philon aux stoïciens, avec
nous voyons et que nous sommes. cette différence cependant qu 'il lui manque le caractère systématique
et logique qu'ell~ a chez un Chrysippe: en effet, une activité analogue
2. On rencontre également chez Philon le XYEUJ1a ÉxtlXOV des stoÏ-
est attribué -au Àoyoç, auquel Philon applique les mêmes épithètes
ciens, qui, d'après ceux-ci, est le principe de la cohésion des êt«s
qu'au pneuma 45, tandis que, d'autre part, il adm€'t encore un autre
individuels: à cela se ratta.che directement lE: concept du tonus, qui
principe de cohésion: l'humidité 46. ~ lien étroit entre le pneuma
a été élaboré principalement par Chrysippe. Cette conception est
et l'élément humide se retrouve également dans la philosophie de
le'prise par Philon: il reconnaît également dans chaque être un
Zénon, puisqu'il admet que le pneuma est constitué par les exha-
pneuma qui, par une alternance de mouvements centripètes et cen-
trifuges, assure la cohésion des parties et leur exteusion dans l'es- laisons qui se dégagent du sang, mais le pneuma Est considéré tou-
pace 42. Il n'y a pas, d'après les stoïciens, d'êtres purement ma- jours comme l'unique principe de cohésion.
tériels,' parce que ces philosophes considèrent la matière comme un On peut se demander si cette seconde signification peut se ratta-
principe amorphe et dispersé qui doit être traversé par un pneuma cher à la première. :?our les stoïciens cette question ne se pose pas,
car ou bieu leur pneuma est au-dessus des quatre éléments ou bien,
pour être transformé en une réalité concrète.
Cette énergie pneumatique, qui assure la cohésion des êtres, n'est s'il y est engagé,' il désigne le mélange harmonieux des deux élé..
cependant ni éternelle ni indissoluble. Ne voyons-nous pas les réa- menUi actifs. Il est donc tout naturel de lui attribuer cette activité
lités les plus dures et les plus résistantes se dissoudre après un cer- unificatrice. Pour Philon la question se présente tout autrement et
tain temps 43' On ne peut cependant pas en conclure que cette dis- on ne voit vraiment pas quel lien il peut y avoir entre le pneuma
qui occupe la troisième place dans la série des éléments et lE: pneu-
41 LelJ. alleg., l, 31: ~LTTà avftQw1trov yÉvl} • ô ~ yo.Q È«ttLV OÙ()(lVLOÇ üvftQro- ma, principe de cohésion. Il y a, chez lui, une autre difficulté: les
:toç. b ~È Yr1LVOç. ·0 ~ OÙV OÙQo.VLOÇ an xa1:' dxova 9EOÜ YEyovWÇ, cpf}o.Q1:ijç xui. différents éléments exercent les uns sur les autres une attraction
ovvoÂ.roç yEW~Ouç oùaLo.ç à.~tOXOç, b ~È Yll'LVOÇ Èx 01toQuôoÇ {;i..TJç, 1)V XOÛV xÉXÀTJ- réciproque; s'il en est ainsi, comment faut-il encore un courant
XEV, È1to.YTJ ' ôLb tOV JiÈv OÙQaVLOV q>TJaLv où 1tE1tÂo.O'Ôm., xat' dxova ôÈ tEnntG>a{}aL
pneumatique pour assurer leur cohésion f Il est assez probable cepen..
9EOÜ, tov ôÈ yt)'Lvov 1t).,aofUl, cilÂ' où yivvTJ~ t:lvaL 't'OÜ TEXVL't'OU, Ct. Gen., l, 26:
xai. EbtEV b 9EOÇ' nOl~aroJiEV üvftQro1tOV xa1:' Elxova 1]JUtÉQav xai xu{P JiOCroOL\'.
Gen., II, 1: xai. Ë1tÂaaEV b 9EOÇ TOV üy{}Qro1tOV, X0ÜV MO 'tijç yijç.
° ~ant que Philon a conçu cette attraction mutuelle des éléments com·
me une aptitude naturelle à entrer en composition, tandis que le
42 Quod DeU8 ait immtltabUi8, 35·36: A(-f}rov ~tÈv oùv xai. sUÂro\', â ôt\ tijç ouJi- lien unificateur reste toujours le courant pneumatique.
CPULa.ç à.1tio1taO'taL, ôÉOJiov xQutaLotatov ~LV dQyut;no. OH ~i Èon mEÜ!la o.va-
O'tQECPOV Ècp' ÉaU'to' aQXEta.L JiÈv yàQ &""'[0 't'WV f4Éaoov bti. l'à 1tÉQota tECvEai}aL, ",at;- 44 QUÏ8 rer. cI",. "herel, 242, oô yàQ J'ÔVov OWJ14C1LV üU.à "al oroJUi't'cov 3LXci
OQV ÔÈ aXQac; È1tLcpavElaç avaXuJi1ttEL 1tMLV, üXQLÇ àv bd TOV ambv o.cp(XTJtaL Ta. 8lat.QE'6évToov 't'(1)~I.V ÈttLcpOLtC"h 't'à. ~' o~~ ~LalOeitivta uf'1)xavov UQf'ovCo.v
nov, clql' Mi TO ,-rQ<ôtOV wQJi~""" ËSEroÇ b OUVEXt\C; OÙtOç ~LauÂoç üC:PÔC1QtOç, ÔV ot ôÉsariaL xai. ivmm.v, 't'rov m'fUl«'nxrov 't'ovoov, oi (JUJL<PUé«tta't'o~ ~éo~ ~(Jav, lha·
~oJULç WtOJiLJiOUJiEVOL Tai<; tQLEtTJQLaLV e.v 't'Otç o.y{}QW1trov WtUvtrov XOLV01ç OEa.- ~03tÉvtrov.
tQOLÇ wç ~ya ~i) xal ï.o.~Qbv xul1tEQLJ.!<lX'l't'OV ËQYOV à.1toÔtLXVUVtaL' Cf. De aetern. 45 rUa MOI., III, 2, 155: b ovvÉXrov "ai. ~LOLX<ÔV 't'o aUJUtav. De Chnub., I,
tnundi, 86. 144: le logos est dit_ O;UXLVfJtOtatOV xai. 9€Qf'Ov, MEQJioV ~at :tUQWÔ1'J.
43 De aetern. mundi, 125: A(-f}OL 01 xQata..otatOL àQ' oU Ji"~WOL xal crr1 1tOVtaL 46 De opif. mtlndi, 31: auvÉXnaL 3è ~at ~laf.LÉvEL 1:à f'Èv m'E1~f'C1t~ É"vron·
<xo.i.> xaTà ti]v ËSEro; o.ai}ÉVElaV -- il ~' È«ttL m'Wl«''t'oc; 't'choc; ôÉoJi0C; oùx uQ- tlXOÜ ~UVUfUL, 't'à ÔÈ 'tijç VOt~O~ 0,", lwmt~ o.cpauaLvof'ÉV'tlv xatà tQuq>TJ JiLxQà xai.
Q'lX't~, ô}J.à .wvov ôuaôuiÂ.u't'oc;. l!EyâÂa OQWtnriuL. De gigant., I, 266.
Lt SYNCRtTISME pIiJL6S0~HfQtftËT ~~LtàIËûx ~ttItON D'ALÉ~ANDtU~
"
Il importe de remarquer que cette pritumatologie de Philon, tout
1 évidemment que notre pneuma n'est pas une étincelle détachée do
en s'accordant matériellement avec les\doctrines stoïciennes, prend la substance divine, qui est indivisible, mais que la puissance divine·
cependant une tout autre significatio;n dans son système par suite s'étend jusqu'à notre âme et élève son pouvoir de connaître et
de ses conceptions théologiques : puisqu'il accepte généralement la d'agir 50. En effet, si 1'homme se dépasse dans l'acte cognitif et si,
transoc·ndancedivine, nettement affirmée" dans la Bible, il ne peut par la pensée, il peut embrasser le monde entier, c'est par son affi-
pas ideiltUier le pneuma, qui assure la consistance des réalités ma- nité avec la puissance divine, qui n'est pas enfermée dans les limi-
téri~lles,avec la divinité. On peut 'donc dire que le pn~uma de tes du monde matériel, mais qui le transcende infiniment comme
Philon reste enfermé dans l'ordre physique, alors que celui des stoï- eréatri~e 51. C'est en ce sens qu'on peut dire que l'intelligence créa-
ciensrépond à une interprétation métaphysique d~ la réalité. trice est l'âme du cosmos 52. Si donc Philon se sert du terme stoïcien
o.1Co<J1ta<JJ!a pour désigner le rapport entre l'âme individuelle et Dieu,
3. La notion du pneuma occupe également une place importante
on ne peut pas y voir une affirmation du panenthéisme dn Porti-
dans la psychologie de Philon, qui prt·nd son point de départ dans
que, mais plutôt celle de l'extension universelle de la puissance et
les deux premiers chapitres d~ la Ge~. En effet, on peut y dis-
de l'activité divine 53: ceci tessort encore de l'emploi dn terme
tinguer d~ux étapes dans la création de l'homme: d'abord la pro-
à3tauya<JJ!a, qui se retrouve également an livre de la Sagesse 54.
ductionde 1'homme céleste, marqué de l'empreinte de Dieu, et en-
Philon s'est demandé pourquoi Dieu a donné ce pneuma à l 'hom-
suite la formation de l 'homme terrestre. Même dans la création de
me terrestre plutôt qu'à 1'homme idéal, qui semble en être beaucoup
l 'homme sensible, on ~ut distinguer deux phases, d'après le récit
plus digne 55. La réponse qu'i,l donne est double: d'une part, Dieu a
biblique (Gen., II, 7) : Kat Ë1CÀa<JEV {) 8EOç tOV aV{}Q(J)1CoV, 'X,oüv &1C0 tilç
fait cela par pure libéralité, accordant ses dons à ceux qui ne sont
yijç 'Kat ÈvEC:PU<tr]<JEV E~ tO 1CQO<J(J)1COV aùtoü 1CVOl)V tooilç, 'Kat ÉyÉvEtO {) av-
pas parfaits et qui n'en profiteront peut-être pas toujours: c'est
{}QO>1COÇ È~VUXl)V tW<Jav. Il y a d'abord la formation de l 'homme ter-
donc lui qui prend les devants et appelle les hommes à participer à
restre, comprenant un corps et une intelligence également ter-
sa vie propre, manifestant par là l'abondance de ses richesses. D 'a~"
restre et périssable. Ce voüç était évidemment passif e·t informe;
tre part, il a voulu prévenir les excuses des méchants, .qui ne pour..
mais il a été transformé totalement par la collation du pneuma divin,
quia élevé son pouvoir intellectif et lui a donné l'immortalité 41. Qavoü 'XUL xooJ!OlJ XooQ'Î')OClL 'tOCJOi1TOV, et J.l1] rij; BELaç 'XaL EÙlIo.LJ.lOvo~ "VVX'Î')" E'XtLV1l~
C 'est grâce à ce pneuma divin que nous sommes capables de con- à.1COO1C(lCJJ!« Tiv 00 8Ul\.QETOv ; '2

naître la nature de Dieu 48 et que Dons pouvons sortir des limites 150 Quod. det. potion in". 80l., 90: TÉJ.lVnaL YÙQ 008Èv TOÜ BEColJ 'Xa't' à.1C<iQTTI~
étroites de notre prison corporelle en parcourant l'étendue du ciel OLV, cUÀà• ,...ovov E'XTtLVETClL. dlO ~J.lO\.QaJLÉVo; T'Î')~ EV Tq, 1CuvrL TEMu)TYlTI\t"
~ ___ '" "1 -'2'
O"tCl"
t;VVOn )(OOf!OV, 'tOL; 1CÉQaoL TOÜ 1Cavro; O'lJVElJQUvETUL, Qii;LV 00 Â.ClJ.l6avrov· /)Â.x~
et de la terre par la force de notre intelligence 49. Ce qui suppose
yà.Q f] lIUvCl....1,Ç Cl\rtOÜ. Cf. le texte eitê ci·dessus: ug. alleg., l, 37.
al De migf • .J.bt., 192.
41 Leg. alleg., 1,32: ..AvDQro1Cov lit: TOV l)( Yii~ ÀôyLOTÉov dvaL vo1iv dmeQLv6-
li~ Leg. alleg., l, 91: OL YÙQ 'rii~ tÔCaç ,,",xi\~ Ti)v ooolav 0'Ôx 'CaaOL, 1t~ liv
J1eVov OWJ.lO.TI., oWt(J) li' daxE)(QL~O\'. '0 lIÈ voü; OÔT~ yewfu)ç Em-t TiP Ovn )(at :ceQL 'rii<; 't'Wv oÂ.rov ,,",xii<; WcQL6woaLEV; 1). YÙQ 't'Wv oÂ.mv ,,",x'l 0 BE~ eon XCl'tà.
'PÔtLQTOç, El t1Tt 0 BEOe; ÈJlm'eUOELt'v a'ÛTiP lIUvat1lV cU'l'ÔLvTj~ t(J)'Î')~· TOTE YÙQ yLVE· MOI.a.V.
't'a", oimÉn 1CMlUETal, d.ç "VVX1]v, (0)( «QYOv )(aL OOLO:rm'C(J)TOV, cU~: el.ç VOEQÙV 'Xut 63 Quod det. potioti itt". lot, 90; Leg. alleg., Ill, 161! ~ lIè ~ alitiQoÇ
~roOClV ovrroç' «d.ç ~XTtV ,. yo.Q cp1'}OL c~rooav lyÉvETO 0 àv6Qro1CO; 7.
lady Wto<maoJ!« BEiov.
48 Leg. alleg., 1, 37: 'Ef.UPu(vEL lit n 'XCl1 cpuOl'XWTEQOV f] 1CQO<pOQcl. TQla YÙQ
d'VuL lIEi,TO EJ11CVÉOV, 'to lIEXOJUVOV, "Co E~VEO~VOV. To JAh oùv EJ1m'ÉOV èmlv (,
6-t De special leg., IV, 123: BEOE&'ôèç 8f}J.lwUQY'JJ.l<1, "ni;
J.lC1XC1QCa; 'XCli TQLOJ.lOXCl-
QCa; qroOEoo; WtClUyClOJ.lO.. Philon se sert ~e~ louvent de l'image de la lumillre
eEOç, TO lIÈ lIEXOf!EVOV /) voü;, "Co lIÈ ÉJlm'EOf!EVOV TO m'EÜJ.lO.. TL oùv EX ToUtrov pout désigner l'essence de Dieu: De Som"., l, 75: '0 9EO; «pWç Eb'iL ••• 'XuL ou
cruvo.YETCll; ÉvooOI,Ç y(vETal TroV TQLÔ>V, TELVClvtO~ 't'OÜ BEOÜ T"i}v ù«p' Éautoü &UvaJllV
1ILà. TOÜ ttioou m'EVJ.lClToç àXQL TOÜ Un02œl~OlJ - TLVoç ÉvE)(Cl ft 01CO>Ç ÉvvOUlV
.wvov «pWç cUÀù xut 1tClvtO; É'tiQOlJ «proTO<; «QXÉnntov, J.lcillov lIè ÙQXETWcOu lCQEO-
6UtEQOV 'XClt ÙVWTEQOV.
tt'ÛTOÜ Mi6oo~ ; li5 Leg. alleg., l, 33: lh.à 't'L -l];(roo€'V 0 eEO~ oÀoo<; 'to" Y'lYM\ xut «pLÂ.oowJ.lO."
49 Quod clet. potion ift8. 601., 90: 1CWç ow 8~ ~QâXÙV OÔTro; ma 'tOv ch-
't'ov VOi1V m'WJ.lO.TO; Bdou, cU),,' OOXt "tOv 'XClTÙ T"i}v taÉa" yEyOVOTo. xo.t T"i}v et·
~QWlCLVOV VOÜV, t1tlVlYYL" 1faQÔL'h ~QaXÉOLV Oy'XOI~, iyxaTELÀ'lJ.l~OVI ttiye'Ôoç 00- )(OVCl Éamoü.
PHILON D'ALEXANDRIE 245
ront plus dire qu'ils ont péché par ignorance: la collation du pneu. Il reste à déterminer la nature exacte de ce pneuma divin qui a
ma divin, avec la connaissance supérieure qui l'accompagne, leur été accordé à l 'homme terrestre. Nous devons poser ici la même
enlève toute excuse ri8. question qu'au paragraphe précédent: ce pneuma est-il matériel ou
Cette anthropologie biblique ne pouvait pas manquer de rap- immatériel7 Et il faudra préciser aussi nettement que possible le
procher Philon de la psychologie stoïcienne avec son dogme fonda- sens de ces notions.
mental suivant lequel l'âme est un pneuma ri7. Ceci ne veut pas dire Disons dès mainu·nant que ce pneuma peut être considéré comme
évidemment que le philosophe alexandrin a repris simpleme·nt le immatériel. Voici pourquoi: si l'on compare ce que dit Philon au
monisme matérialiste du Portique: les influences bibliques ainsi que sujet de ce souffle divin avec son exposé sur la création de l'homme
la pensée platonicienne ont agi nettement en sens contraire. Philon céleste et les épithètes qu'il ~ui attribue, on trouve des ressemblances
a enseigné de la façon la plus formelle le dualisme de la nature frappantes, de telle sorte qu'on peut dire qu'ils sont de même na-
humaine: une partie de l 'liomme est visible, une autre est in,·isible; ture:
la première est purement humaine et mortelle, tandis que l'autre a) Le propre de l 'homme céleste, d'après le texte de la Bible,
est divine et immortelle ri8. Philon fait même une distinction ulté- c'est qu'il a été créé à la ressemblance de Dieu (xat' ELxova llJ.lEtÉQav
rieure à l'intérieur de l'âme humaine, entre la partie principale, qui
est pneumatique, et les puissances inférieures ri9. Ce sont évidem-
°
xaL xa{)-' J.l0LO}(JlV ). Or Philon insiste également sur le caractère
divin du pneuma qui a été accordé à l 'homme terrestre: il est décrit
ment ses conceptions platoniciennes qui l'ont amené à lire cette ('omme « une image et une empreinte de la puissance divine », com-
psychologie dualiste dans le réci"t· de la. Genèse. Malheureusement les me « une œuvre divine, un éclat de la nature divine », comme « une
exposés qu'il en donne à divers endroits de son œuvre ne semblent parcelle divine de l'éther» 60.
pas toujours très concordants: tantôt il insiste sur le fait que le
b) Philon dit q~e cet homme céleste est impérissable, alors qu'il
pneuma divin a transformé l'âme tout entière et tantôt il le repré-
accentue le caractère mortel de l 'homme terrestre, et même de son
sente comme la partie principale de notre principe vital.
intelligence. Or il dit la même chose du pneuma divin, qui est repré-
senté toujours comme un principe d'immortalité; c'est de cette
rieLeg. alleg., I, 34-35.
façon qu'il interprète les expressions bibliques 3tvoYtv ~O}ilç et EL;
G7 Quod det. potion in.trid. 80l., 80; cprJOLV gl'L «ÈVEcpV"'laeV EL; TG j(Q6a(Oj(ov
O:tr'tOÛ m'riifLU troiiç xo.i. EyÉvE'tO 0 civi}Qoo1toç dç VUXT)V troaav» 1tMLV ôLà ToU-
~lJXl)V twO'av li.

TOU 1taQLcna.; on 1tVEÛ~ EOTLV l} "",uxijç o'Ùala '" m'EÛJ-Ul ",",xijç oUaLaV 1tQOEL1tOrv. c) Philon explique que cet homme céleste n'a pas été fait d'argile,
G8 De opi!. mvndi, 135: Tl)V ôÈ ",",Xl)V M' O'ÙÔEVOÇ ytvr}TOÛ TO 1tUQWtav EX comme l 'homme terrestre: en effet, il est impérissable comme Dieu
TOÛ 1taTQOç xai. fJYE}L6vOÇ Trov :rrUVTOOV. "0 YÙQ EVEcp'ÛO'TIaEv, ol'ÔÈv ~v ÉTEQOV il lui-même. La même choSe est affirmée du pneuma divin, qui est
m'EÙJ-Ul Ddov à.'"to TTiÇ J-UlxUQLaç xai. EÙÔatl'OVOç cp'ÛaEooç ÈxdV\'}ç MOLXtaV Ti)v
MUÔE OTELÀo.J.tÉvIlv L··"
Wq>EÂELq. TOÛ yivouç 1}l'rov, LV' Et xai. 9vJ}TOV ÈOTL xaTù
mis en opposition très nette avec la substance de l 'homme terrestre
Tl)v oQaTi)v J.tEQtoo, xaTcl yoüv Ti)v àÔQaTov ài}avaT{t'r}'taL.
59 Qui8 rer. di",. herea, 55·57: ËÔO;E Til> vOJ.'Oi}i't'[) ÔhT'r}V xal TT)V oùaLaV ElvaL 60 Qv.od det. potiori im. 801., 83: Mov 'tLV<Ï xai. XUQWCTi\Q<1 9daç 3uvaJ.tECI)Ç.
"",uxije; . atJ-UlI'Èv Tijç OÂ'r}ç, 'tOÛ ÔÈ l}yEI'OVLxOOTnTou 1tVEÛJ-Ul geiov; et un peu plus De 8pecial leg., IV, 123: OEoeLÔÈç Ô'r}l'tOOQyr)fLU rijç f.LC1XUQLaç xai. TQLOf.LC1XUQCa.ç
lom: TOÛ ôÈ voû nlv oùaLav'È; OÙÔEVOÇ TiQTrjaE yEV'r}'tOû, àll' \mo 9EOÛ xaTa- qroaeCI)Ç <btaVyacJfA4. - Leg. alleg., III, 161: Tj ôè "VUxTI ataiQoç EOTLV <btcXmaCJfA4
m'EUcrltEiaav d(f~yayEV. - Dans la littérature herm~tique nous retrouverons 9ELov. - De plantatione, 18-19: c'EvÉmtroCJe» Yclo cpt)aLv c ;, OE~ d~ TO "Qoaoo-
également cette division tripartite avec le terme m'riiJ.'U pour indiquer la partie 1tOV aÜTO'Ü moi)v tooijç » matE àva)'X11 nQoç TOV Ex:rriJ.'1tOVta TOv 3EXOJ.'EVOV WtELXo-
supérieure; et. R. REITZENSTEIN, Die helleni8ti8chen MyBteTÏenreligi<men, p. 311: vLa-(}(u. &1.0 xal i.Éyn'aL xaT' dXOva geoû TOV· civ6QO>1toV y~aaaL, oU l'l)V xar
fi: Zugrunde liegt ein Sprachgebrauch, der die u~sichtbare Lebenskraft in uns dXOva TLVOç TroV YEYOvôTOOV. - Quil rencm d"'.here8, 56-51.
1tVEÛJ-Ul (bewegte Luft) nennt; ihre GIeichartigke'it mit der uDsichtbaren Kraft 61 Leg. alleg., I, 31: ~O J.tf;v oÙ\' oUQavLOç (scil civ6Qoo1toç) aTE xaT' dxava
über uns (Gott) wird stark empfunden; wie das m'EÛfLU ~ uns zum aroJ-Ul in Ge- SEOÛ YEYovœç cp6aQrijç xai. auvôÂcoç YEoo3ouç oUata.; àJ.tÉTOXoç - wH., 32: ~O ôÈ
gensatz tritt, so du m'EüfLU im aIIgemeinen aIs das ttbersinn1iehe zu dem Sinn- voûç omoç YEOOÔllÇ EOTL Tep 5YTL xai. qrl)aQTôç, Et Ill) ;, 9EOS Elun'riatlo am'i) ôv-
licheq ». vUfuV w..1) 6LYilç ~ooil$'
LE SYNCR~TISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX PHILON D'ALEXANDRIE 247
246
qui le reçoit: Philon s'est même demandé pourquoi Dieu a pu 1l' d'autre part, la recherche de l'image et de l'expression concrète·
donner à cet homme vil de préférence à son modèle céleste 82. Philon ne nous donnant pas des traités systématiques, dans lesquel~
on met en œuvre des notions abstraites, mais plutôt des exposés
d) Philon insiste également sur le fait que cet homme céleste n'a
accessibles à tout homme cultivé, il essaie de rendre aussi concrète-
pas été faç')nné, mais qu'il a été produit par Dieu comme une em·
ment que possible l~s idées et- les conceptions qu'il développe.
preinte de sa propre nature. Le même caractère est affirmé du pneu·
Il nons faut donc tâcher de préciser ce que Philon entend par le
ma.
terme incorporel, appliqué au monde idéal et à Dieu, Le contenu
Philon se sert dans les deux cas de l'opposition des termes xt-
de ce concept est certainement déjà plus positif et mieux déterminé
XMlaa-al €·t t'Em1:7twa3aL, pour marquer la différence: d'une part, une
que dans le livre de la Sagesse, où l'auteur se bornait à affirmer la
œuvre fabriquée par Dieu et, d'autré part, une empreinte de la
différence profonde entre la divinité et le monde matérid. Un pre·
puissance divine 83.
mier caractère, que Philon attribue à la divinité et qu'il applique
Si nous avons voulu mettre en évidence la ressemblance· entre
également au pneuma prophétique, c'est l'indivisibilité 66 : nom
1'homme céleste et le pneuma divin, c'est qu'il en résulte que ce der-
croyons que ce trait ne manque pas d'importance, car la simplicité
nier est de la même nature que le mondt': idéal, dont Philon nous
sera durant des siècles le contenu le pIns positif du spirituel. -
dit clairement qu'il est suprasensible et incorporel 64. Il rt:ste cep en.
L'incorporel est également suprasensible: nons avons vu que le
dant à résoudre une difficulté assez sérieuse. Philon répète à plu·
terme &oQaroç est appliqué au monde idéal et au pneuma divin 8T.
sieurs reprises que la substance de râme est l'éthf,·r 65: on peut se
De plus, l'origine de l'incorporel est différente de la création du
demander évidemment si ce n'est pas là un indict: irrécusable que
monde matériel: alors que ce dernier est façonné par Dieu, les réa·
sa pensée ne s'est pas encore dégagée du matérialisme stoïcien et
lités spirituelles sont des participations directes à l'essence divine
de ce qu'on nous représente comme la psychologie du jeune Aris-
bien que celle.ci ne se disperse pas en parcelles détachées. Et enf~
tote. - Il nous semble cependant qu'il faut tenir compte, dans
chez Philon le lien s'affermit entre incorporel et immortel, lien qui
l'interprétation de ces expressions, de l 'f,Dsemble de la pensée de
était préconisé déjà dans le livre de la Sagesse.
Philon, telle que nous l'avons esquissée. Or il résulte de cela que
L'ensemble de ces caractères nous autorise à conclure quele pneu·
cdte manière de parler doit être attribuée à une double cause: d'une
ma de Philon, en tant qu'il désigne la partie supérieure de l'âme
part, l'incertitude d'une pensée tâtonnante, qui ne se rend pas
humaine, est vraiment immatériel et qu'il renferme déjà· les notes
encore bien compte du contenu exact de la notion d'incorporel;
essentielles qui, par des analyses philosophiques et un travail d'éla·
62 Leg. alleg., l, 33: ~ui 't'L f);Lo>aE'V 0 9Ebç- oÀo>e; 't'ov YTlYEVl1 XClL cptloaw~'t'ov boration constant, seront distinguées dans ce concept. 11 est évident
'Voüv m'EU~'t'oç 9ECou .•• - QUÏ8 rer. div. 'Mrcs, 56: 't'oÏl ôÈ voù Tl}V oùa(Clv È; que ces caractères sont incompatibles avec l'immanentisme stoïcien
0'Ù~E'Vbc; "1Q't'T)aE YEVTJ't'Où, uU' \mo 9EOÙ XCl't'Wl'Vt:uaf}EiaCl'V Etar]yClyE'V.
et la connaturalité matérialiste entre l'âme et le corps. H.· Leise-
63 Leg. alleg., l, 31:. 't'Ov J1ÈV oùQavulv (Bcil èivfrQO>~ov) CJl11aLV aV ~~ï..Uaf}ClL
XCl't" ElXOVCl ôÈ 't'EnmroaOClL 9EO'ü, 't'ov ôÈ yTj'ivov ~Àao~ 0)..).: oùyÉvvl]~ dVCl~ gang 68 s'appuie toujours sur drs concordances verbales pour déceler
't'où 't'ExvL't'ou. ct. ib·id., 32. - De plantatione Noë, 18: 0 ôi: .uya.c; Mo>uaije; O'ÙÔEVL les influences 'multiples que Philon a subies et pour réduire au mini-
't'rov yeyovo't'O>v 'rile; ÀOyLxTje; ""uy.ii~ 't'o Elôoç O/lOLooaEV, ÜÀÀ' Et'uv ClÙ't'~V 't'oÏl 9dou mum les doctrines bibliques dans ses exposés. Ces concordances ver-
'XCli. uOQa't'ou m't:U~Toc; exECvou ô6XLlA.OV elVClL VO/llOflCl O'Ilf.œLO>'ÔÈv XCli. 'tU~orl}èv bales n'autorisent que. des conclusioDS- sur des influences qu'il a
acpQClytôL 9EOÙ, ~C; 0 XClQClX't'ijQ Èa't'Lv 0 u'Uhoç Àoyoe;.- Qui.! rer. div.~re8 Bit, 56-57. subies dans sa terminologie; il faut des analyses plus profondes et
CH De opit. fY,undi, 29.
6:t Qui8. rer. div. Mres, 283: 't'o ôÈ VOEQOv xCli. OÙQUVLOV rijç ",",xiie; yivoe; ~Qoe;
66 Quod tlet~ potiori \,.... 801., 90: 't'éJ.LW'C'o.L yàQ ~èv 't'où 9eCou X(l't' d:t«ont-
o.l'ÔÉQo. 't'ov XCl'ÔClQW't'Cl't'OV wç ~a't'ÉQCl UCPL;E't'ClL. IlÉJUt't'T) yciQ, Wç 0 't'rov clQXClLO>V
ï..6yoc;, Ëa't'O> 't'te; oùaLa. x'OXÀocpoQ1}'t'LX~, 't'rov 't'EnaQO>v xCl't'à 't'o xQt:Lnov ôwtpÉQou.
mEii,...a
alV, cillà /l0v0v lX't'ELW'C'ClI.. - DfJ gigant., 27: 'VÙV ~è 't'o br.' ClÜtcp lan "'0
aocpôv, co 9Eiov, 't'G a't'J.L1}'t'ov, 't'o UôwlQE't'ov.
ao., È; fie; OL 't'E U<J't'ÉQEe; XCli. 0 aUJUta.c; OÙQClVOe; ËÔO;E YE'YEVl1af}Cll 1'je; XCl't" uxoÀou.
'ÔOV 9nÉov XClL 't'TtV ùv6QO>~lYrJV ",",XTtV MOa~ClafU1. - Quod Deus Bit immut.~ 46.
67 De opil. mundi, 29; De plant. Noë, 18.
- Leu. allcU., III, 161, . 88 1)er 'M'lige GeÏ8t, p&f8Ïm.
248 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX PHILON D 'ALEXANDRIE 249
plus compréhensives pour déterminer le contenu réel des termes.. reprend la formule que nous avons dêjà rencontré€; chez Cléanthe,
employés. et suivant laquelle elle a été introduite du dehors (9uQa{}tv).
A côté de la "","XTt VOEQcl xaL ÀOylXlÎ, Philon admet également une Il nous est possible, après cette analyse, de nous faire une idée
""'m aL<rfrr}tLXlÎ d'ordre inférieur: celle-ci est matérielle et mortelle e-xacte de la signification psychologique du pneu ma chez Philon.
d la description qu'il en donne ressemble assez bien à celle du Le terme désigne tout d'abord la partie supérieure de l'âme humai-
pneuma psychique des stoiciens, avec cette différence toutefois _ne, qui est immatérielle et immortelle: une image, une empreinte,
qu'elle n'est pas constituée par les effluves du sang, mais qu'eUe un rayonnement de la nature divine. Cette significatipn a été sug-
est contenue dans le sang même 69. Lorsqu'un homme est à l'agonie gérée à Philon par quelques textes de la Bible, qu'il interprète dans
et que déjà toute respiration a cessé, bien que le corps ne soit pas le sens de la philosophie platonicienne: en effet, la signification
encore complètement refroidi, Philon estime qu'il y a encore des de ce pneuma incorporel se rapproche plus du voüç de Platon et
restes du pneuma psychique répandus dans l'organisme '10: il ne d'Aristote- que du ouyy~ç 8aL!J.wv de Posidonius, bien que ce der-
s'agit pas ici du souffle immatériel et divin, mais d'un pneuma nier ait préparé la spiritualisation du pneuma. Philon ne se sert pas
matériel, qui est en rapport étroit avec la chaleur vitale. Or nous souvent du terme 1tVEÜ!J.ll pour indiquer cette partie supérieure de
avons vu que les philosophes du Portique ne faisaient généralement l'âme humaine: il emploie plus couramment les termes voüç, Â,OYLO!J.ôç
pas de distinction entre la chaleur vitale et. le pneuma, puisque et ôUlvoLa; le pneuma indique assez généralement un rapport spécial
celui-ci était conçu ou bien comme un Souffle igné ou bien comme avec la divinité '13: en effet, par son origine il se présente comme
un mélange harmonieux d'air et de feu, qui est le principe de la quelque chose de surajouté à la nature humaine, quelque chose qui a
température organique. profondément transformé le voüç terrestre, en lui conférant la vie
La connaissance sensible est décrite également d'après la doctrine véritable ou l'immortalité et en haussant singulièrement son pou-
stoïcienne, comme un courant pneumatique, qui, partant de l 'hégé- voir intellectif.
monikon, se dirige vers les différents organes du corps humain 71. A cette partie supérieure de l'âme humaine s'oppose la partie
Philon s'est donc contenté de l'explication du phénomène de la irrationnelle, qu'il appelle également pneuma, mais dans un tout
connaissance donnée par les stoïciens, qui se bornaient à synthétiser autre sens. Elle est le principe des fonctions organiques et de la
les multiples impressions du monde extérieur, sans se préoccuper connaissance sensible et constitue pour ainsi dire le lien entre l'in-
beaucoup de l'intussusception elle-même: celle-ci était réduite à un telligence et le corps. Cette conception est rattachée par Philon à
simple contact entre l'objet extérieur et l'organe sensitif. un texte biblique: (Lev., 17, Il) ft yàQ '\lJUXtl1CelOl1Ç oaQxoç aI!J.a aùtoü
Quant au traducianisme stoicien, Philon l'a repris pour l'âme ÈOt'Lv. Le philosophe alexandrin voyait tout naturellement dans ce
inférieure, principe de la vie végétative et de la connaissance sen- texte une expression de la psychologie de Zénon, qui conçoit l'âme
sible 72. Pour ce qui concerne l'intelligence immortelle et divine, il comme une exhalaison du sang. C'est pourquoi nQUS ne partageons
pas a'opinion de M. E. Bréhier quand il écrit: «(philon) donne
69 Quaest. III Gell., II, 142. Cf. H. LElSmANG, Der heiUge Geist, p. 97, n. 2. un sens nouveau à la distinction stoïcienne entre âme et âme ration-
'10 Legatio ad Gaiu-m, 63: xaï. yàQ f) fhryaTIJQ où nQo noÂMilv È'tE'frvllXEL X,Qo- nelle. La première, qui nous est commune avec lu animaux, a pour
vrov rot; ciJUluQro*lvaL 'tà MXnLa 'twv XT)~EO'tWV OJ\là 110VOV oUx 'Î}onnLQE'"", Ë"tj.
ML",avrov nvOlv UO'tUTrov TOÙ ""'XLXOÜ n'VWf1<1'tOC; Èvun<1QXOvTrov xat Èyxa't'ELÂT) ....- !1iQT) ôWvÉf-LOuoci, ntV ôè :tVEUfU1TLX~V dc; 'tàç 'rijt; ""'xilt; &uvâJULt;, ntv ôÈ OQurn-
f1Évrov 't'il> oooJUl't'L. - xt]v xat ntv atoitt)'t'LXtjv' ntV YÙQ ÂoyLO'f-LOü 'tavli'v \ntEQituéov ~LCi l'OÙ; cpaO'Xov-
'71 De tUf/a et in11entiolle, 182: nO'tLt;E"taL oùv wonEQ MO nT)yl}C; TOÜ xa"tà ",u- 'taç OUQa'frEV a(,.,.l'Y ÙtELO'Lé."aL OELOV xat cit~LO'V OVt<1.
x'f}V f)YEflOV'"XOÜ 'to oooJUl't'OC; f)YEf-LOVLXOv nQooronov, 'to f1ÈV oQauxov n'VEÜf1<1 'tEL- 13 M. APELT, op. cit., p. 136: «Nam Philo, quotienscumque spiritus mentionem
VovtO;E~ 0I1JUlTo" 'to ôÈ ciXOUO'tLXOv E~ 0Uc;, E~ ~È l1ux'til~ 'to OOCPQt]OErot;, 't'o feeit, rationem quandam inter divinum numen et hominem intercedentem signi-
~. aù yWOE(Ot; E~ O'toJUl xat 'to a.<piiç de; aUJmaoav TIJV ÈnupavEwv. ficat. Qua re hac voee üs praeeipue utitur loeis, quibus quam arte superior
'12 De opif. mtmdi, 61:, ft ~È (scil. cpU(JLC;) 0La. 'tEXVL'tllC; 11 XUQlO}'tEQOV Ebtt:LV civE- humanae naturae iudoles corn deo eoniuncta si t, ostcndit.. - Cf. K. STEUR,
nO'''ln"tos 'tÉY.V'l ~roonÀ.aonL "t~" f1ÈV UyQàv OÙOLaV EÎ.S ni. l'OÙ OU',K1't0S fLÉÂ"l xa,~ l!o'mafJ.àrel en ~/lilo~ Purmcrendf 1935, 151,r.
250 LE 8YNCRtTI8ME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX PHILON D 'ALEXANDRIE 251
substance le sang; la seconde a pour substance le souffle» Tt: il y JI, prophétique réside dans l'âme humaine; il est même possible qu'il y
en effet, des textes où Philon dit très clairement que l'âme infé- demeure pendant une période plus ou moins longue 78. Les hommes
rieure est pneum~tique, bien que ce pneuma ne s'exhale pas du sont dominés par les préoccupations de ce monde et les soucis de la
sang, mais qu'il y soit contenu. Il en résulte que cette âme irra- vi~ sans cesse renaissants: ils n'ont pas l'mtelligence assez détachée
tionnelle est parfois identifiée avec le sang, conformément à la te- pour que le pneuma puisse s'approcher et prendre posS€ssion
neur littérale du texte biblique. ·d'eux 79• C'est parce que Moise a établi sa tente en dehors du.camp
des préoccupations temporelles, qu'il a été inspiré par le pneuma
4. Le pneuma revêt, dans l'œuvre de Philon, encore. une autre
divin et qu'il a pu accomplir les plus saints mystères; alors que le
signification, dont le point de départ se trouve également dans la
pneuma s'éloigne très vite des autres hommes, il est resté chez lui
Bible. Jahvé dit à Moise qu'il doit se choisir parmi son peuple
afin de faire de lui un myste et un hiérophante, qui communique
soixante-dix anciens de cond~ite exemplaire et les amener d~vant la
1i!S saints mystères à tous ceux qui ont subi cette purification inté-
porte de la tente, où 1~arche de l'alliance est conservée. Le texte con-
rieure BO. Il résulte de ce que nous venons de dire, qu'il y a un rap-
tinue: KaL ÀaÂljaro ÈX€i JUt'à aoU xaL à<pEÀW axe> toU 1CVeUJ'atO; to'Ü
port très étroit entre ce pneuma prophétique et la cond';ltte morale.
btl aOL xaL btL{h)aro br' àùtou; (Num., XI, 16-17).
Le détachement des soucis de ce monde est une condition néces-
Le souffle, dont il est qUi!stion ici, est désigné comme un 9ELOV xal saire pour que 00 souffle divin puisse prendre possessi~n de l'âme
xQoqn)tlxOV 1CVEÜJ'a 75. Il est clair, en effet, que ce pneuma n'appar- humaine: les hommes sont généralement trop charnels, et pour cette
tient pIns du tout à la nature humaine; il est accordp comme un raison le pneuma ne peut pas subsister en eux. Nous trouvons déjà
don surnaturel à certains hommes en vue de la missi ou qu'ils ont chez. Philon cette opposition entre aaQ; et XVEÜJla, qui jouera un
à remplir: c'est une connaissanCE: d'ordre supérieur, communiquée grand rôle dans la théologie de saint Paul s1 •
directement par Dieu, et elle n'a pas un intérêt purement théorique, Le pneuma est également un secours qui est accordé aux hommes
mais, comme le don de la sagesse, elle soutient les hommes dans pour mt-ner une vie morale plus élevée. Cette aide divine est avan't
l'accomplissement fidèle de la volonté de Dieu: c'est pourquoi Philon tout d'ordre intellectuel: c'est une lumière spéciale donnée à notre
l'appelle unmlvampov xvruJ'a 78. Parlant du pneuma de 1t!oïse, Phi-
lon dit que ce souffle divin ne l'accompagnait pas touJours: c'est 78 De gigant., 28: at.b ai] :7tVEVJUl 9dov ,Œvew JAh WvaTôv f:v 'l'UXnt aUl~W
surtout aux moments décisifs qu'il s'approchait de son âme, pour aÈ OOUvaTov, ooç e'UtoJ.lev. Kai. TL 9au,..a~oJ.l€V ; o·MÈ yàQ cillou Ta 1tUQWtav
lui suggérer la ligne de conduite à suivre 77. A ce point de vue on O'MevOç ÈXUQà xat fli6aLoç ÈyyLVF:taL xrilaLÇ ùV'tLQQE:rt6vtrov xai. :rtQO; ÉXcLTEQa
pourrait comparer le pneuma au ôalJ'ovLOv de Socrate, qui assistait 'fo.Ào.vtro6vtrov 'f00v c1vftQro:rtLVroV :rtQay,w.'frov xal ciU.m:e àUo~ ivôexoJAivrov
J.LETa6oMiç.
égak-ment son possesseur aux moments les plus importants de son
79 De gigQl1f,t., 53~ wan; oVv Èv TO~ 1toUO~, 'fOUTian TOrÇ :rtoUd TOÜ l3'ou TÉÂt)
existence. :rtqoTdteL,ŒvOLÇ, où xaTatdveL 'fa itdov me'ÜJW, xciv 1tQOç oÂ'yov XQOvov avacnQrupÜ,
C'est d'ailleurs une doctrine générale de Philon que ce souffl~ ,...6vcp ôÈ civ6-QOmrov eweL ivi. 1tC1QayCVEl'aL, 0 :rtcivta MClf.UPUlOUJ.LEVOV 'fà f:v yevÉae ..
xat 'fà ÈorotU'fro Xa'fa.:rtÉtMI'4 xai. nQoxOlUfLl'4 Tii~ oo;t)~ civec.J&ÉvU xai. Y"J1vD 't'Ü
H Les idées philosophiques et religieuses de Philon d' .Alexandrie, Paris, . ÔUlVOCq. 1tQoÇ .geav a<pLSF:taL.
1908, p. 134. so De gigan.t., 54: ÛÜT~ xat Mrouaii~ l;co ril~ 1tUQEfA.60Âii~ xai. "fa;; (J(J)JUl'flXOÙ
75 De tUf/a et tn.l1tmtione, 186. De Yita Moria, II, 40. :rtavto~ cnQa'fo:rtÉôou m1;aç 't"fJV laU'fa;; <nC'1vTtV (Exod., 33, 1) 'fOUTécn.. 't"fJv yvroJ1'1V
78 De giganf., 24: TOLOiitOV Èan xat Ta MrouaÉroç :nvEV~ 0 Èm,cpoLTq. TO~ i6- taQUauJ.LEVoç à.xÂwij, :rtQooxuveiv TOV geôv CÏQXF:tW xal elç 'fOv yvocpov, 'fav cieLÔ'ij
ôOf..lTJxovta :rtQea6U'tÉQoLÇ Ta;; aa.eveyxdv ÉTÉQrov xai. fleÂTLW~vU\, x«Qw· olç O'MÈ xooQov, doeÂitrov a\rra;; xa'fatdve .. nlooJUVOÇ 'fciç ~Qro'fU'faç nÂtfciç. rLVF:taL ôè
:rtQea6U'tÉQoLÇ :rtQbç MT)'f}eUlv Évean yevÉ<rOaL f..lTt p.eTo.À.a6oüal. TOi} :rto.vaocpou :nveU- où J.t6vov ....U<Te'l)ç, à.llà xa~ lEQocpuvtTI~ oQYCcQ'V xai. ÔLÔcimcaÀoç 9eCœv, li 'fotç 0)'((1
JUlTO<; Ëxdvou. AÉyF:taL yàQ OTL «ù<peÂw Ma TOÜ È:rtt aot xaL bn9l}oro bd 'fOÙç xexaitUQJ!ÉvoLÇ "qi1)yTJoF:taL.
É6oof..lTJxovta :rtQea6U'tÉQO'Uç» (N'WIn., XI, 11). . 81 De gigant., 29: AtTLOV ôÈ rilç ciVD'tLO'T1)J.LO<71M)ç fA.ÉYI.<7TOV 1) aàQ; xa, 1) 1tQOç
71 De Vita MON, l, 175: f..lLXQÔV ai buoxwv Ëvf}ouç yLVF:taL XaTWtVeuaf}E~ WtQ o«Qxa. otxdroaLÇ· xai. a\rtaç ôi oJ.LOÂoyd <puoxrov c ~~ 'fQ ~tv«~ ClVtO~ oO.qxas •
lQV t:too-(t6t~ btu:pomlv a\rtiV '.VEVJ.UlTOC; xat 6Ecm~eL :rtqO<Jl1lTEVrov •• , J1i~ MVua(tCLL Ta ge~ov m'EÜf-U1 xata~rvu\oo
252 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQuE ET RELIGIEUX

intelligence, ponr qn 'elle s'achemine vers la vérité 82. Grâce ~


ce don surnaturel nous saurons, dans les circonstances les plus
, ~ttILÙN b 1ALEXANDIUË

prophète ignore complètement le sens de ses paroles: son intelli-


gence a quitté l'acropole de l'âme pour que le pn€uma divin puisse
253

critiques, quelle voie nous de-vrons suivre pour nous conduire selon 8 'y établir. Ce dernier prend alors possession des organes vocaux
]a sagesse. Plusieurs expressions employées par Philon pour décrire pour énonoo'r clairement sa prédiction 81. Le don prophétique ne
les effets d("· ce pneuma montrent des ressemblances frappantes avec résulte donc pas, d'après ces indications, d'une élévation du pouvoir
la conception chrétienne de la grâce: xoÙou QUÉvToç dç. aùtov tOU intellectif de nos facultés cognitives, mais d'une possession divine
Odou xvn1~atoç 83. Ce don divin pénètre en abondance dans notre qui, éliminant toute lumière nature.lIe, nous accorde directement une
âme et nous pousse à chercher en toutes cho9€s le bon plaisir de connaissance supérieure.
Dieu : en répondant fidèlement à ses inspipations nous trouverons La raison que Philon assigne pour motiver cet effacement de l'in-
le bonheur véritable et nous deviendrons de plus en plus sem- telligence nous semble assez singulière, car elle est en contradiction
blables·à Dieu 84. C'est pourquoi nous devons nous tenir loin de directe avec ce que, à d'autres endroits de ses œuvres, il dit de la
toute iniquité et de tout ce qui peut souiller notre âme, afin que partie supérieure de l'âme humaine. Le pneuma de l'intelligence,
, .
ce don preCIeux . pas enleve
ne nous ~Olt ' 81S .
nous l'avons vu, est représenté toujours comme une réalité immor-
La principale question qu'il nous faut résoudre est évidemment telle et immatérielle. D'ailleurs l'argument en lui-même nous paraît
celle du rapport qu'il y a entre ce pneuma prophétique et l'inklli- assez peu logique: afin que l'immortel ne soit pas obligé de coha-
gence humaine, qui est également pnot·umatique: ce souffle divin biter avec le mortel, Philon écarte de l'âme humaine la partie la
élève-t-il le pouvoir intellectif de l'intelligence, ou bÏ€-n s'introduit- plus noble et la plus divine et laisse le pneuma prophétique cohabi-
il" à côté d'elle, comme une faculté d'ordre supérieur, ou bkn encore ter avec la partie inférieure de l'âme et avec le corps.
prend-il tout simplement la place de notre raison humaine' H. Leisegang a relevé encore une autre contradiction dans la con-
Philon adopte aSS€z généralement cette dernière solution. Lorsque ception de Philon 'au sujet de l'inspiration: la plupart des hommes
le pneuma divin prend possession de l'âme humaine, il faut que ne pourront jamais atteindre ce sommet de la connaissance extati-
l'intelligence se retire, car if n'est pas permis que le mortel cohabite que, qui n'est accessible qu'aux sages. On peut se demander pour-
avec 1'immortel: c'est donc l'effacement de la raison qui prépare le quoi cette inspiration divine est réservée aux philosophes, alors que
terrain de l'âme pour l'inspiration divine, conçue comme une extase l'intelligence humaine n 'y joue aucun rôle. H. Leisegang explique
et un délire prophétique 86. Durant toute la durée de l'inspiration" le cette antinomie par la double origine de cette conception philonienne :
celle-ci serait, d'après lui, un amalgame de certaines doctrines philoso-
82 De rUa Moris, II, 265: ;, yàQ vo'Üç oùx clV OÜtCOç EùaxO:7tCOÇ E'lrO-u60ÀTjOEV,
phiques avec les croyances populaires: d'une part, l'idéal purem€-nt
EL J'Y) xaL SEiov ~v :tVE'Ü!,« TO :toÔTjYE"tOÜV :tQoÇ aù'tY)v Tf)V cUfr6ELav.
83 De opif. tnundi, 144.
naturel et rationaliste du sage stoïcien, et, ·d'autre ·part, les· concep-
84 H. Leisegang (op. cit., p. 119) pense que cette conception est empruntée tions courantes sur l'action de Dieu daris les âmes. Alors que le vul-
aux stoïciens et qu'elle doit être mise en rapport spécialement avec la doctrine gaire attribue ces connaissances supérieures à une inspiration spé-
de Chrysippe sur l'immortalité des sages; nous ne voyons aucun rapport entro ciale de Dieu, réservée à un petit nombre d'élus, les philosophes n'y
ces conceptions.
voient qu'une pénétration plus profondé de la sympathie univer-
85 De gigant., 47: &ton TÜ xOÀatTtTjQLq> XQiiO'ÔŒL ÔUVOJlEL ÔWVOTj-t}f'LT) (seil.
o SE6ç) -I}QEJ'-r']OCOJUV o.alXO\h'TEÇ lva xat TO OOq>LUÇ :tVEÙJ'a SELov J'Y) (>q.ôi:roç JlE'ta-
selle du co~mos: le sage seul peut avoir accès à ce domaine du savoir,
va<nàv OlXTJ'taL, :tUf.l:to).uv ôÈ XQovov xa'taJlELVtJ 1taQ' it "LV E7tEL xal :taQà MrouOEL
Til> OOq>il>. Cf. Leg. alleg., l, 35 et l, 42; De gigant., 53; Qu. in Gen., l, 90, 62. 81 De apeoial. leg., IV, 49: 1tQoqnln]~ J.I.Èv yàQ oùôÈv tÔLOV WtocPa.LVE'tat Ta
86 Quis rerum "div. heres, 265: 'tep ôÈ :tQo<pTjnxip yÉVEl q>lÀd TOÙ'tO ouJ'6aLVELV' :tŒQMav· cU),' È<nlv ÉQJ'T)VEÙ~ \mo6auOV't~ hÉQou :tuv6-' ooa :tQOq>ÉQE"ta4 xa-6-'
È;OLX~E'tal .œv yàQ Èv it"lV 0 voiiç xa'tà Tl)V 'toù SElOU :tVE'\JJ'a'toç àqll;LV, xaTà ôÈ ÔV XQOvOV Mouo~ YEYovroc; EV àYVOLq.,· JL€'tavL<naJtivou .œv TOÛ ÀOyLOJ'OÜ xa1
TY)V JlE'ta"u<naoLV amo'Ü 7tW.LV E;OLX~ETŒL, SÉJ'lÇ yàQ oùx Éon OvTjTOv à:6avu'tq> :tC1QaXEX<OQ1}XOt'oç TT)v TTjç ","",xiie; àXQ01tOÀLV, È1tL:tEq>OLn]XOt'OÇ ôè xaL Èvq>XT)xot'~
ouvolxiioal' ôlà 'tomo Tt MOLÇ TOÙ I.OyLOJ.lOÙ xat TO :tEQt amov OXOTO,? Éx<nuow 't'où Bdou 1t'VE'UJW.'toç xaL miouv TT)V q>roviiç oQyaV01tOLtav XQOUOV'tOç 'tE xat ËvTj.
xai OEOc:pO~"l'tov fWVw.v iyiVVl')OE. XOÜV'tO~ E~ ÈvC1QYÏÏ ÔlÎÀroOLV rov 1tQo-6-EO:tltELo-0 De Vit a MON, l, 277.
PHriON Di ALËXANDRTË 255
parce que le «,1étachement par rapport aux impressions faUaeieusegr
des sens est une condition nécessaire pour l'atteindre. Ceci repré- Lorsque ce pneuma prophétique prend possession de l'âme, l 'hom-
se~.te une explication rationaliste de la divination, telle que nous me tout entier en est pénétré et transformé. Les yeux, l'expression
l'avons trouvée déjà chez Posidonius. du visage, les gestes, la voix en subissent l'influence. TI rend le corps
Il est intéressant de remarquer que les expériences mystiques de plus beau, augmente la force persuasive des paroles et fait en sorte
Philon lui-même, telles qu'il nous les rapporte, ne s'accordent pas que tous les auditeurs les comprennent 91.
non plus avec la théorie que nous avons esquissée. En effet, le pneuma D'après H. Leisegang, cette conception philonienne de l'extase,
se présente dans ses descriptions comme llne personne invisible qui de la connaissance intuitive et mystique, .ainsi que les. vues de Plu-
s'entretient avec lui, Philon 88, et lui communique des connaissan- tarque sur l'ins:piration de·vraient être mises au compte de Posido-
ceS- mystérieuses d'ordre théologique. Philon peut se rappeler par nius 92.· Le pneuma prophétique qui, d'après le philosophe alexan-
après l'enseignement de cette inspiratio~ divine et il essaie de le drin, est à la source de cette connaissance supéritoure, doit être rat-
communiquer fidèlelIlent à· ses lecteurs 89. TI n'est pas question, dans taché à une des formes de la divination de Posidonius, à savoir celle
tout cet expOsé, d'une retraite de l'intelligence, puisque c'est à elle qui se fait par l'internlédiaire des âmes immortelles, peuplant l'at-
que s'adresse ce-t interlocuteur invisible et qu'elle. se ressouvient mosphère. Tous ces pneumas séparés sont synthétisés par Philon en
après coup de l'enseignement qui lui a été donné. un seul, dont les âmes individuelles ne SOnt que des <X1tOO'J'tuO'JLŒrŒu
Nous croyons que Philon a voulu simplement expliquer le fait, Cette (:xplication nous paraît inadmissible pour les raisons sui-
fréquemment relaté dans l'Ancieon Testament, des prophètes inspirés vantes:
qui ne comprennent pas eux-mêmes le sens de leurs paroles: le phi- a) Nous croyons tout d'abord qu'il n'est pas exact de mettre
sophf: alexandrin en a conclu, avec une inconséquence toute sponta- Philon et Plutarque sur le même pied en ce qui concerne leur con-
née, que le pneuma divin avait pris la place de l'intelligence humai- ception de la connaissance intuitive et mystique. Il y a entre le
ne, qui se retire parce qu'elle est indigne de cohabiter avec ce 1tVEÜJLŒ JtQoQ'Tlt'LXOV de Philon et le J'tVEÜJLŒ JLŒVt'LXOV de Plutarque
souffle immortel. TI n'est donc pas nécessaire de chercher des eoxpli- une distance infranchissable. Qu'il nous suffise de faire remarquer
cations dans les croyances populaires de la période hellénistique: que le pneuma mantique n'est rien d'autre qu'une exhalaison, qui
Philon trouvait cette doctrine dans Je texte même qu'il voulait ex- remonte en certains endroits de la terre et qui, par s~m action sur le
pliquer 90 pneuma psychique, produit l'enthousiasme divinatoire.
b) La différénce entre la conception de Philon et celle de Posi-
88 SomA., II,252: inrr}xd 6É f1O" 1Cw..LV '10 Etroi}oÇ dq>avli>ç EVOJl.I€iv nvriiJl.C1 <;lonius est à peine moindre. D'après ce dernier, la divination se pro-
&.6Qu"t.ov xo.L q>1l0'LV' W OÙ1:0~, iOLXaç dVE1CLO-n1J1C.OV dVaL xaL JWiw..o\J Xo.L 7tEQLJl.o.·
duit par la retraite, non pas de l'intelligence,· mais de la connais-
Xl.,:OU 1CQ6yJW'toç, 01CEQ dq>i}6vroç - :l'toUci yciQ Xo.L ÜÂ.À.o. Ma(Q~ u<pllYllOaJl.T)V -
dvoht.Ôo.;o>. sance sensible: c'est par là qu'il devient possible au devin de sonder
89 De CherubMn, 27: 1jxoua(1 f>É :l'tOTE xo1 o:nouBaLo'tÉQo\J À6yo" :nC1Qci 'lN:x.liç EJl.liç plus profondément la sympathie universelle du cosmos, soit directe.
t4o{}u{o.ç 'tci :noÀ.À.ci OEOÀT):l'tTEta6o.L xaL :l'tEQL WV oint OlaE Jl.O,VTeVEai}m· Ov, iàv MVO>Jl.o.t, ment, soit indirectement, par l'intermédiaire des âmes immortelles.
~0Jl.VT)J.iOVEUoa.ç EQW. - Cf. BÜCHSEL, op.c!t., p. 90 ~ Cl Waa Philon aIs .pneuma"
ti.sche Erlebnisse erzahlt, wür!len wU überrasehende Einfiille eines Gelehrtcn Ph~dre, 224: 88q. et [cm, 533 D ssq. n '1 a là., en effet, des points de ressem.
nennen, die dieser aIs lIlystisch frolllmer Mann auf Gottes Offenbarung durch blance très intéressants, de sorte qu'il n i e8t pu iÏ1vraiaemblable que la théorie
den. Geist zurückführt. N ach Philons Theorie dagegen ist die Prophetie eine de Philon soit dépendante de Platon. - Le rapprochement avec Plutarque nous
Art Wahnsinn, Ekstase blassivster Art. Also Philo bat sich seine Theorie durch· paraît moins fondé, car le pneuma mantique '1 est conçu de façon purement
RUS n.i,eht nach aeinem Erleben gebildet, aber auch offensichtlieh nicht nach dem matérielle et préSente d'autres caractères que le louffle prophétique de Philon.
Alten Testament, vielmehr wie Leisegang mit Recht gezeigt h;at, nach Platon D. -. Pour un examen plus détaillé de ce8 doctrines, nous renv0'10n8 au paragraphe
90 :rOUf expliquer la conception de Philon a~ sujet de la retraite de l'intel- sU1vant.
ligence, quand le pneuma pro}lhétique prend possession de l'âme, H. Leisegang 91 P~ILON, De Virtuhow, 211.
(op. oit., p. 1~6 8sq., 8Urtout pp. 166-167) renvoie à. certains textes de Platon 1 92 Op. cit., p. 223 ssq. et 228 8Sq.
93 Op cit., p. 116.
256 i?iÏILoN 1>'ALExANbIUÊ 25~
Puisque celles-ci sont exemptes de toute. impression sensible, leur
c) Les stoïciensn 'expliquent généralement pas la divination.à.
force de pénétration intellectneI1e est beaucoup plus grande.
l'aide d'un pneuma spécial, qui envahirait l'âme humaine', mais par
Chez Philon, au contraire, cette connaissance intuitive et mysti-
une connaissance plus profonde de la sympathie universelle du mon-
que n'est possible que parce que la raison humaine quitte l'acropolt:
de. Là où il est qu€.stion d'un pneuma, comme chez Plutarque et
de l'âme pour céder la place au pneuma prophétique. Nous nt:
péut-être chez Chrysippe, il s'agit d'une exhalaison matérielle de
voyons vraiment pas comment Philon aurait pu e'mprunter cette
la terre, qui ne P€·ut être comparée au pneuma prophétique de Phi-
théorie de l'inspiration à Posidonius. lon.
H. Leisegang a aussi comparé le souffle prophétique de Philon
avec le pneuma cosmique des stoïciens, et il prétend découvrir une
ressemblance frappante entre les deux H. Cette conception nous •••
paraît également très peu vraisemblable:
a) Le pneuma cosmique des stoïciens est conçu comme un souffle Après cette analyse de ·la pntumatologie de Philon, nous devons
matériel qui traverse l'unh·ers, exactement comme l~ pneuma psy- nous arrêter un instant pour démêler, dans les différentes significa-
chique anime l'organisme corporel: c'est parce qu'ils ont construit tions de ce terme', les influences variées qui s 'y sont fait valoir:
leur image du monde sur le modèle du composé humain, que les 1. C'est la Bible qui a incontestablement exercé l'influence prin-
.philosophes du Portique ont introduit cette âme pneumatique dans cipale sur la pneumatologie. de Philon. On peut dire qu'elle a inspiré
l'univers. toutes les significations que nous avons distinguées, sauf la deuxiè-
Par contre le pneuma prophétique de Philon n'est certaine·ment me. Cette influence est double:
pas un souffle matériel comme celui des stoïciens: ceci résulte très
- Elle concerne d '-abord la terminologie. Philon a trouvé assez
clain·ment des épithètes qu'il lui applique et dont certains rappel-
fréque·mment le terme 1tVEÜJ.la dans la traduction des Septante et il
lent la description du 1tVEÜJ.la Go<pLaç donnée au livre de la Sagesse tHl.
n'est pas étonnant que sa pensée syncrétiste y ait rattaché une doc-
D'autre part, la raison que Philon allègue pour motiver la retraite trine philosophique.
de l'intelligence dès que le pneuma prophétique prend possession
- L'atmosphère générale de la Bible a également influencé la
de l'âme, est un indice assez clair de sa nature immatéridle 96.
pneumatologie philonienne: nous ente'ndons par là cette opposition
b) Le pneuma cosmique est considéré par les stoïciens comme nettement tranchée entre le monde terrestre, où tout événement est
une divjnité immanente, qui pénètre et anime l'univers tout entier. passager et toute vie mortelle, et un monde supérieur, celui de la
Le pneuma prophétique de Philon, au contraire, ne peut pas être· divinité transcendante, éternelle et immuable. Il est évident que le
identifié avec Dieu: il apparaît plutôt comme un être intermédiaire concept matérialiste du pneuma, introduit parmi les réalités. de ce
entre la divinité transcendante et les hommes. Leisegang admet monde supra-te·rrestre, devait subir de ce fait une transformation
qu'on peut souvent l'identifier avec le Àoyoç, du moins quand il profonde comme nous l'avons déjà dit en examinant le livre de la.
s'agit d'expériences mystiques 97. Sagesse; c'est dans cette opposition du pneuma avec' les réalités
matérielles, que nous croy,ons trouver la source première de la .spi-
94 Der heiUge Gei8t, pp. 210·215.
ritualisation de ce concept. Il suffit de comparer le 1tVEüJ,la Go<pLac;
95 De gigant., 27 : VÙV ôÈ "Co E."t' a'Ù"CtP moeü,w fan "Co oocpôv, "Co Odov, "Co
Ü"CfA.11"COV, "Co ~ÔW.{QE"COV, "Co ào'tEwv; "Co 1tuvrn ÔL' OMov Êx3'n:. . tÏ..TlQw.œvov· 01tEQ
du livre de la Sagesse au XVEÜJ,la 1CQO<PT)tlXOV de Philon, pour voit
rocpEÀOÜV où ~ÀM'te"CaL oMÈ lJ.uaôoi)Èv É"CÉQoLÇ oM' aù 1tQoO'tE'ÔÈv ÊÀo,noÜTaL Tf)v la marque profonde que le judaïsme a imprimée à la pensée du phi-
aVvEOlV xaL Êm.anUJ.Tlv xnl aocpLav. losophe alexandrin. C'est l'atmosphère profondément religieuse et
96 Quis rer. div. here8, 265.
97 H. LEISEGANG, Pne1ltma hagion., Leipzig, 1922, p. 62: «Bo sind ÀÔyoç; und
kulation bandeIt, sehr haufig Wechselbegriffe». - Cf. M. HE&XZE, op. cit., p.
mEiif.1U, da wo es sich um Vorgange mystischen Erlebens und mystischer Spe· 242.

li
0 .. ·
258 LE sYNciri~TIsME PlüLoSOP1ÎlQUË ft RELIGIEUX
~ttItON 1> t ALËXANblU~ 259
spirituelle de la religion juive qui est à l'origine de la transformâ!
tion brusque de cette notion matérialiste M. le monde suprasensible est moins accentuée chez Phiion et qu'un
grand nombre d'êtres intermédiaires jettent un pont entre la divi-
2. Les influences stoïciennes dans la pneumatologie de Philon ne nité transcendante et les réalités sensibles.
sont pas t=\ifficiles à reconnaître. C'~t surtout dans la deuxième
signification qu'on peut les discerner: il n'est pas douteux que la
doctrine du XVEÜJLŒ ÉY.nxov a été reprise à Chrysippe. La philosophï'e •••
du Portique a influencé également la première et la troisième signi-
fication: le pneuma comme élément ne leur était pas inconnu, bien Il nous reste à formuler les ooncl1UÎo.ns qui peuvent se dégager
qu'il désignât généralement un principe qui est à l'origine des élé- de cette analyse.
ments ou un mélange harmonieùx des éléments actifs, alors que le 1. Le pneuma a acquis chez Phil~n une signification tout à fait
pneuma psychique, qui se nourrit des effluves du sang, est une des nouvelle à laquelle nous ne trouvons pas d'antécédents dans la phi.
pièces fondamentales de leur psychologie. losophie ou les sciences antérieures: il s'agit du pneuma prophétique.
3. Enfin des idées platoniciennes et aristotéliciennes ont pénétré Nous sommes donc en droit de conclure que cette signification a été
dans la pneumatologie de Philon, probable-ment par l'intermédiaire suggérée au philosophe alexandrin par la Bible. C'est d'ailleurs à
de Posidonius: nous visons ici principalement cette conception du l'occasion de l'interprétation du texte sacré qu'il en parle. Il est
monde à deux étages, d'après laquelle il y a, au-dessus du perpétuel vrai que les stoïciens ont bâti leur conception de la divination sur
devenir des réalités sensibles, un monde idéal, suprasensible. et in- le fai~ que le pneuma cosmique anime l'univers comme un ,grand
çorporel, qui comprend les modèles immuables des êtres changeants. orgamsme. Mais la différence est très grande entre le panpneuma-
Ce dualisme platonicien, qui s'accordait d'ailleurs pleinement avec tisme de Posidonius et la doctrine ph,ilonienne du prophétisme:
la théologie biblique, a amené Philon à la conception d'un pneuma celle-ci trahit des -accointances beaucoup plus frappantes avec le
immatériel. Cette influence est surtout pt-rceptible dans la première XVEÜJLŒ <JO<p(Œ; du livre de la Sagesse.

signification, où Philon admet, au-dessus des éléments sensibles, des 2. C'est également sous l'influence de la Bible et du voùç platoni.
exemplaires incorporels et invisibles. Il faut cependant remarquer co-aristotélicien que la spiritualisation du pnenma s'est produite dé-
que la théorie platonicienne des Idées n'a pas été conservée dans finitivement, en ce sens que la notion de l'incorporel présente déjà
toute sa pureté, puisque la délimitation entre le mond€: sensible et chez Philon un contenu plus positif, comprenant certains caractères
(immortel, suprase'nsible, indivisible) dont nous pouvons dire qu'ils
98 Nous ne pouvons donc souscrire iL la conception de H. Leisegang, quand
il écrit: (Der heilige Gei8t, pp. 266-267): tl Er (Philon) verteidigt und inter-
sont définitivement acquis. Nous ne méconnaissons pas les mérites
pretiert nicht den jüdisehen Glauben, er sueht vieImehr die in der Septuaginta de Cléanthe et de Posidonius dans la préparation de cette spirituali-
.enthaltenen religiosen Vorstellungen, die einem Orieehen platt und abgescbmackt sation; nous ne nions pas non plus la possibilité d'atteindre des
vorkommen mussten, dadurch zu veredeln, dass er sie- mit Hilfe der allegorisehen réalités immatérielles et d'en pénétrer la nature par la réflexion
Methode aIs Mysterienlehren und philosophische Weisheit erscheinen liess ). -
purement -philosophique; mais nous constatons qu'effectivement
Nous admettons une influence réelle de la Bible portant aussi sur le oontenu
de la notion du pneuma cbez Philon. Cette eonception a été adoptée autrefois cette spiritualisatio.n s'est produite sons l'influence ·de facteurs
par H. Siebeek: Neue Beitréige i'Ur Entwic'k~'Ungsge8chichte des Geiat-Begriffs, paraphilosophiques, en l'occurrence par l'idéologie religieuse du
Arch. 1.. Geseh. der Philos., XXVII ~Neue Folge, XX), 1914, p. 5 i Geschichte judaïsme 99.
der Psychologie, l, p. 150 ssq. - Cf. ED. BEVAN, Stoicien" et Sceptiq:ues, p. 91,
surtout n. 1. - Nous reconnaissons cependant que la philosophie de Platon a
influencé profondément l'interprétation philonienne des textes bibliques, comme 99 Nous ne pouvons donc admettre la eonception de H. Leisegang, quand il
nous le dirons dans un instant: le penseur d'Alexandrie a expliqué les textelJ ~erit (op. cit., p. 100): CI: Nieht durch den Einfluss der Bibel und des Juden.
sacrés d'après les catégories platoniciennes. tums ist, wie Siebeck meint, Philon zn dieser Spiritualisierun,; des :tVE\i~a.
gekommen •. Cf. ibid., p. 112. - Cf. HERllANN' SIEBBCK, Die Entwickhnag der
LE :SYNCRtTISME pitILoS6PtiIQu~ ËT ~ELIGIËÜX PLUTARQUE 261
Parmi les différentes significations du pneuma dans l'œuvre "lie manentes et divines, qu'on· ne peut atteindr€: que par le regard de
Philon, il y en a donc certainement deux qui en font une· réalité . l'intelligence et par la purification de l'âme.
spirituelle et immatérielle,. avec le contenu positif que ces termes Les conceptions théolo'giques de Plutarque sont fortement in·
comportent. C ~est en raison de cela qu'il faut attribuer à Philon une fluencées par la pensée platonicienne: la transcendance de Dieu est
place de première importance dans l'évolution de la pneumatologie. tellement aCC€'ntuée, qu'il dénie à ce dernier tout contact direct et
immédiat avec les réalités sensibles 102. Il en arrive ainsi tout natu-
rellement à admettre toute une série ci 'êtres inte~édiaires, qui
a.PLUTARQUE. jettent un point entre la divinité et les hommes: l'âme du monde,
les dÏ€:ux inférieurs et les démons.
Comme prêtre de l'oracle .de Delphes, Pluta.rque était avant tout Nons retrouvons la même influence platonicienne dans son sys·
llréoccupé de maintenir 'la foi traditionnelle aux dieux et la con- tème cosmobiologique. En effet, il distingue dans le mond€: deux
~iance du peuple dans les prédictions des oracles 100. Il en résulte parties constitutives: l'âme et le corps. Ce principe matériel n'a pas
que l'orientation générale de sa pensée est plutôt rdigieuse. que phi~ été créé par Dieu: il en est de. même de l'âme irrationnelle, qui, en
losophique. tant que principe de mouvements irréguliers et désordonnés, n'est
Le scepticisme des écoles philosophiques se répandait en ondes pas d'origine divine. Ces deux éléments, insépara blemt:'Dt unis, eris·
concentriques et gagnait des 'couches de plus en plus étendues de la tent depuis toujours 103. C'est au moment où le voüç s'est joint à
population, où il ruinait les croya.nces les plus sacrées. Pendant ces principes d'ordre. inférieur que le cosmos ou le monde ordonné
toute sa vie, Plutarque a. tâché d'endiguer la vague de scepticisme 1 a commencé à exister. Grâce à sa participation à l'intelligence, l'âme
religieux qui défe·rlait sur le monde. C'est pourquoi il a combattu a pu ordonner harmonieusement ses propr€s mouvements et ceux de
avec -énergie le naturalism~ stoïcien, qui, tout eh sauvegardant le ]a matière. On peut dire en ce sens que l'âme a produi~ le corps du
culte traditionnel 'comme un symbole, ne voyait dans le monde que mond€·: ce n'est donc pas en le tirant de sa propre substance ou en
le jeu de forces naturelles dominées par la fatalité. ~i n'exclut ]e créant ex 'fIIikilo que l'âme a formé le cosmos, mais en introdui-
enaTIcune façon que des idées stoïciennes se soient infiltrées dans sant l'ordre et l 'harmonie dans les mouvements désordonnés de la
sa pensée: comment pourrait-il en être autrement, puisque toute matière 104. Cette partie supérieure de l'âme du monde est seule
l'atmosphère intellectuelle dans laquelle il vivait en était pénétrée Y d'origine divine: elle n'a pas seulement été infusée par Dieu, mais
Ce·pendant le maître préféré entre tous, pour lequel il nourrissait elle est même une émanation de la divinité suprême 10~. La cosmo·
une admiration sans bornes, c'était Platon 101: c'est qu'il trouvait
chez lui les mêmes aspirations religieuses et mystiques qui le détour- 102 ZELLER, III, 1, p. 19~, n. 4.'
103 PLUT., Q-uaeBt. platon.,' IV: ~ JLÈV YÙQ uvou~ 'l'ux11 xal 't'o UftOQ<pOV O'ro!'Œ
naient du monde sensible et changeant au profit 'des réalités p€·r-
mmmi'\QXov cill:r\ÀoLÇ cid xal ooMteQov amrov Yf:veaw Éaxev 003' ciQxTlv,
104 PLUT., Quaest. p14too., IV: 'E1cEL ôÈ tl 'Irox11 voü JLn'ÉÀa6e xaL clQJ'OVLaç,
Lehret:om Geist (Pneunta) in der Wissenschaft des Altertums, Zeitschr. für xal yevoJAivt1 3ui O'UJ.UP(J)'Vl~ ÉJ.UPQCJ)\', JLn'a60Ài1~ at'tla yÉyove TU ijÀn, xaL xQa'tit.
Volkerpsyehologie und Sprachwissenschaft, XII (1880), p. 389 ssq. aaaa 't'at; a\rril~ xwTJaeal. 't'à; ExdYrJ~ btemrâaa't'o xaL btÉOTQf:'l'ev, OÜt'm 't'O aroJ.la
Nous nous écartons également de la conception de Fr. Rüsche, qui, s'ap· 't'OÜ xoaftO\1 yf.vtO'I.V ÉOXev (mo Tii~ 'Iroxi1~, xaL xa't'aOX"lJLClnt;ofJ.f:'VOV xal crov0ftOLOU-
puyant sur quelques expressions matérialistes d'origine stoïcienne, prétend que JLf:'VOV. Où YÙQ E~ a\rrii~ tl 'IroX"Î Tf)V 't'OÜ O'OOJLCl't'C>Ç èÔ1l ....uwQyel. «pUaLv, oüô' EX 't'OÜ
le pneu ma de Philon n'est pas encore complètement spiritualisé (Pneuma, Sede ....1] avroç, cill.' EX aooJLCl't'o~ ci't'âK't'OU xat ciaXTIJLCl't'LOTO\1 aroJLCl "tf:'tay~ov cbteLQyâ.
tmd GeÏ8t) Theologie und Glaube, XXIII, 1931, p. 623)". - Nous rejoignons O'a't'o Kat "eL-fh1VI.OV. Cf. PLATON, Tim., 30 b et! Lois 896 b. - R. VOLKllANN,
également sur ce point l'opinion de H. Siebeck (art. cit., p. 396). Leben, Schritten und Philosophie des Plut. von Chair., Berlin, 1869, p. 69. -
100 B. LATZARus, Le8idéei religieuses de P1N.tarque, Paris, 1920, pp. 50·55; P. 'THÉVE.~A.Z, L'dme du monde, le devenir et la matih'e chez Plutarque, Paris,
E. BatHIE&, Hi8toire de la philosophie, l, p. -142; R. HIR.zn, Pl'Utarch, Leipzig, 1938, pp. 13·89.
1912, p. 9 ssq. 105 PLUT., Quaest. platoo., II, 2: ~ ôÈ 'l'''XT), ,·oü JUtaaxoüaa KaL ÀOYLO'J!Oü Kat
101 B. LATZARUS, op. cit., p. 44. tiQftOV~, 0,", ÉQYOV iOT~ l'OÜ 8eoü 1'0vov, cUÀà xai. J!iQo~, oVô' tilt' C;XVtOÜ, cUM
262 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX PLUTARQUE 263
biologie de Plutarque a éM influencée également par la pneumam- tres textes cependant, il ge·mble qu'il ne faut pas trop accentuer
logie stoïcienne: on reconnaît sous sa plume la termi~ologie du Por:- . cette distinction de parties. En effet, Plutarque insiste formelle..
tique, bien que le pneuma ne soit pas mentionné explicite~ent 106. ment sur la différence qu'il y a entre l'âme des animaux et la
En ps~chologie, Plutarque a adopté, à l'exemple de Platon, la partie irrationnelle de l'âme humaine: celle-ci est inséparable de
même distinction entre le 'Vouç et l'âme inférieure. Dans les concep- l'intelligence, avec laquelle elle constitue une âme vraiment une,
tions ant~opologiques qui servent d'introduction au mythe du De qui est tantôt principe d'une activité raisonnable, quand elle reste
lacie in orb8 lUMeI cette dichotomie psychique ~st affirmée de la fidèle à sa nature intelligente, tantôt soutce d'activité déraisonnable
façon la plus formelle. D'après Plutarque, ceux qui considèrent quand i(Ue se tourne vers le monde sensible et se laisse envahir par
l'intelligence eomme une partie constitutive de l'âme, se trompent lui 111. C'est probablement sous l'influence de Posidonius que la
aussi gravement que ceux qui font de l'âme une partie organique: trichotomie platonicienne a acquis une signification nouvelle, les
car le 'Vouç dépasse la nature de l'âme dans la même mesure que frontières entre les pa.rties étant moins nettement tracées que chez
celle-ci est supérieure au corps lOT. La nature de l'âme est donc com- Platon. Au lieu d'être les centres d'activités distinctes, elles devien-
parable A celle de la lune, qui occupe une position intermédiaire nent plutôt des ~odes variés d'activité appartenant au même prin-
entre le soleil et la terre: elle aussi est intermédiaire entre l'intelli- cipe: c'est pourquoi Plutarque attache moins d'importance que Pla-
gence, impassible et autonome, et le corps, passif et hétéronome 108 ; ton à la localisation différente de ces facultés 112.
ce n'est qu'après avoir été formée par l'intelligence, qu'elle peut Dans le mythe final du De facie in orbe lunae, dont nous avons
façonner la 'forme harmonieuse du' corps 109. ·Dans c€·rtains passages déjà fait mention, Plutarque a, déduit de la dichotomie psychique
la division de l'âme est (·ncore plus poussée. La partie irrationnelle sa doctrine de la double mort:
comporte également deux parties, -localisées à des endroits différents
1. La séparation du corps et de l'âme: séparation brusque et vio-
de l'organisme humain: le 9UJ.A.OElÔÉÇ et l' Èm9uJ.A.ll't'lxov. Celles-ci sont
lente, après laquelie le corps se dissout, tandis que l'âme erre pen-
dominées pa.r le 'Vouç, qui est établi dans la tête 110. Suivant d'au-
dant un certain temps dans la région sublunaire jusqu'à ce qu'elle
xa.i. a.."'C' a.irtoü xai. Ë; a.utoù yiYOVEV. - Ibid., II, 1 : f) ÔÈ cmo yEVVrjoavtoç ÙQxi) arrive à s'établir dans la lune. Elle y devient un ÔaL!lOOV, qui entre-
xo.i. ôUvaJ'iÇ ËyxÉxQataL tq,TExvOl{}Évn xai. owÉxu "tl)V qrUCJLV, cbtômeaoJ1n xat tient des relations fréquentes avec la terre, principalement par les
,wQI.OV oùoav "Coù 'tExvwoavtoç. 'E3tEL 'tOLVlJV ou 3tE3tMOp.évOLÇ 0 XÔOJ1Oç· OÜÔÈ oracles et dans les mystères. Ce séjour da.ns la lune, bien que pré-
<J\I'V'r'IQJ1OoJ,livOiÇ 3tOLlJJUlOLV ÉOLXEVt ciiJ.' ÉVEatLV airtip J'oLQa 3toÀÀi) l;o)Ô'n]'toç xat caire, n'apparaît pas comme une punition, puisque l'âme y mène
OE..ot1)toçt f)v 0 OEOÇ ËyxatÉ03tELQEV cicpt Éamoù TÜ ,jÀn xai. "atÉJ'L;EV fLXÔtroç, ÜJUl
une vie heureuse, mais plutôt comme une purüication lente et gra·
:tatiJQ TE 'toù XÔOJ1OU, t4>ou yEYOVÔtOç, "aL 3tOLT)n}Ç Ë3tovoJ'al;E'taL.
106 ZELLEB, III, 1, p. 191, n. 4: 1: Der Einfluss des Stoicismu8 aul diese Dar-
duelle.
ltellung verrat sich auch im Ausdruek ganz deutlich; der Batz dMs die Seele 2. Après un ce·rtain temps, qui varie d'une â~e A l'autre, d'après
ein Teil ulld Ausfluss der Gottheit sei, iBt ursprünglieh btoiseh ». la vie qu'elle a menée sur terre, il se produit une seconde sépara-
lOT PLUT., De facie in orbe lUMe, 28, 943: Tov av{}QOl3tov OL :toÀÀoi. aVv6Etov
tion: l'âme irrationnelle se dissout dans la substance de la lune, dont
J.LÈv oQ{}wç, Ëx ôuoiv ôÈ J'ôvov mJvi}EtOV oUx oQ{}wç f}yoüvtaL' J'ÔQLOV yàQ dva(
~tl'OV iXELVOlV clJ'«QtavOvteç otç f} '$uxi) l>oxeL
:troç ""'xilç OLoYtaL 'tov voüv, OÜÔÈv
111 PLUT., Et J'ÉQoÇ 't'o :ta '6-T)'tL"OV 'filç, a,v{}Q'OO3tOU ~"xil ç ~ Ô';V(1,u~;
,wQI.OV dvaL 'tOÙ OWJ1(ltOr; • voùr; yàQ ""'xilç, oo<p ""'xi) OO)J1(ltOr;, Ù,.u:LVÔV ÈatL ')tu.i.
(fragm.) : . La nature de l'âme humaine eomporte: 'to Ô'Ûva.a{}a.L JLÉV'tOL cUoyLatEiv
OE..ol'EQOV.
"ai. 'to ôUvaaDaL ÀoyLt;Ea{}aL· EvEQyEi 3è "a't' cif.UPol· xa'td l.6yov Jdv o3t'T)vlxa.
108 PLUT., De facie in orbe lvnae, 30, 945 e: To yà.Q ü1PUXov aX"Qov amo
"ai.
~ÀÉVn :tQoÇ tT)v laurijç OÜOLa.V, ClÜnJ ôi ËatLV 0 I:v aÙTfi voiiç • ~a'td 3è l'i)v cUoyLa.V
:ta'ÔT)'tOv \m' üÀÀOlvt 0 ôÈ voù; cma-fH)ç xa.t airtoxQatOlQ' f.lLXtov ôÈ "ai J1Éoov f} o3tô'tav VE'\.Iaii :tQoÇ 'td ËÇOl aVriiç, 'taÜ'ta. 3' Ëati. "à ataih]'ta. ".AJJ.o OÙV 't'o I:v
,,",xii, xo.{}MEQ f} OEÀlJVl') 'tWV avro xo.i "d'tro aUJ'J'LYJUl "ai. fU'taxÉQaoJ1« \mO 'toù a,v{}Qw:tq> ÜÀoyov, xai ruo tO Ëv 'tOLç l;cpoiÇ' 'tO ,m, yàQ Ëv 'toVtOlÇ ""'XlJ, tO ôè
OEOÙ yiyovE, 'toVtolv aQa 3tQor; 11Â.1.OV Éxouoa 'tOv ÀÔyov, ôv ÉXEL yi] 1tQoÇ OEÀlJVl')V. Ëv ùv{}QWlt<P ôm'aJ'iÇ' "ai. 't0Ù't' âv EfT) 'tÏ\ç 'toù Àoy(l;Ea{}aL ôuva~&.EOlç ÙxwQLatov.
109 PLUT., De facie in orbe lvnae, 30, 945 a: 11 'tE "",xia tu:touJ.LÉVTJ J1ÈV \mo
'OQ{}wç üQa. 0 ' AQLatO'tÉÂ.T)ç tT)v ù'\'{}QW3tOU ,,",x~v ôm·aflLv ouvOJtoxaÂwv! on 3tOtç
'tOÙ voù, tu:toùoa ôÈ 'to oWJUl "ai. 3tEQL3tWOOOUoa 3tavtaxO{}EV Ëx,w.'ttE'taL 'to ~lôo$. J1Èv ÀoyLl;EtaL, 3totÈ ô' oÜ.
t10 rLUT., 9vae8t. l'lat on., IX, 1,
~1:f PLUT., 9vaest. l'latQ1l.., IX, Z,
264 - LE SYNCRÉTISME PHILQSOPHIQUE ET RELIGIEUX PLUTARQUE 265
elle a été constituée autrefois, tandis que le 'VoU; s':élance vers ~ exhalaison chaude du sang, dont l'élément principal n'est pas l'air
soleil; c'est par amour de -J'image du divin qu'est le soleil, qu'i},se mais le feu; il en résulte évidemment que l'EÛTOVLa ou la force de ce
dégage des entraves de l'âme inférieure pour s'unir à la divinité 113. pneuma dépend de sa température.
Il résulte de l'ensemble de ces indications que Plutarqu€: a repris Plutarque donne une explication analogue de la différence de
pour son compte la dichotomie psychique de Platon, bien qu'il affir- tempérament qu'il y a e-ntre les jeunes géns et les vieillards. Il fait
me davantage l'unité de notre principe vital et qu'il soit enclin, intervenir trois éléments dans l'explication qu'il en propose: le
sous l'influence de Posidonius, à en rapprocher les différentes facul- corps, l'e sang et le pneuma, qui, comme il le dit ailleurs, sont leS
tés. Cette introduction était nécessaire pour comprendre la signi- facteurs déterminants de la sie passionnelle de l'homme 116. Alors
cation exacte de la pneumatologie de Plutarque. que les jeunes gens ont' un corps agile aux organes souples, du sang
On peut àttribuer au terme 1rVEÜJ.la, dans 1'œuvre de Plutarque, chaud et un pneuma impétueux, les vieillards ne disposent que d'un
une double signification, que nous tenterons de préciser dans ce organisme ravagé par l'âge, d'un sang de basse température et d'un
qui suit: . pneuma détendu. Il en résulte que les premiers ont des passsions
1. Le pneuma désigne tout d'abord la faculté irrationnelle de véhém€.ontes, qui les emportent sans relâche vers les objets les plus
l'âme humaine, réalité intermédiaire entre le CQrps et l'intdligence. variés, tandis que, chez les autres,. ce foyer de la vie passionnelle
- Dans son opuscule IIEQL O'aQxo<paYLaç , Plutarque essaie de mon- s'éteint peu à pen à mesure qu'ils approchent du soir de leur exis-
trer que l'homme n'est pas par nature un être carnivore. Parmi les tence 111. Les influences sont facilement discernables dans cette
arguments qu'il avance pour étayer sa thèse, il note que le pneu ma théorie des passions: le rapport étroit qui y est établi entre le sang,
humain n'est pas assez cha.ud pour digérer et assimiler une nour- la chaleur vitale _et le pneuma est certainement un écho, direct ou
riture aussi consistante que la chair 114; par contre certains animaux, indirect, de la philosophie du Portique. Que la pneumatologie soit
tels que le serpent et le scorpion, se nourrissent même de pierres èt mise en rapport avec la vie passionnelle, cela ne doit pas nous éton-
de coquilles; car leur pneuma possède une température plus ner, puisque le pneuma était, pour les stoïciens, le principe d'expli-
élevée, capable de décomposer c~ matières et d'en dégager les élé- cation de toute la vie sensitive.
ments nutritifs llIs. Cette conception dépend directement de la pneu- Une interprétation analogue est donnée de la maladie. Un homme
matologie des stoïciens qui concevaient ce souffle vital comme une est malade, lorsque des pneumas impurs de toute sorte ont envahi
son organisme 118: car la santé consiste essentiellement dans le mé-
113 PLUT., De facie in orbe lunae, c. 28-30. - Nous trouvons dans cette con- lange harmonieux des éléments (EÙxQaO'La). En cas de désharmonie,
ception de Plutarque un écho de la doctrine posidonienne ~ur les âmes qui peu-
plent l'atmosphère terrestre; cf. H. VON ARNIM, Plut"4rch über Diimonen und 11. PLUT., De Virt. mor., XI: aL ,...h nEQi. "Co o.lflo. xai. "Co m'tiiJUl xo.i. "Co ooof-la
Mantik, Amsterdam, 1921, p. 10: « Diesc Gemeinschaft der korperfreien Seelen ôuvo.J.ŒtÇ t"à; "C<Ï>v na{t<Ï>v ÔLacpoQà; nOI.O'Ü(JLv.
unter einandcr und mit Gott ist ein Gedanke, der mit dem Pantheismus des 111 PLUT.,- Utrum animM an corpori8 rit libido et aegritudo, IX : olov Wftùç
Posidonius im engsten Zusammenhang steht ». - D'après R. Hemze (Xenokra- Èv viotÇ âx,...Œ~eL "Co ÈnLituJi1)"tLXOV, Ëv nQEa6UTatÇ "Cà nEQu'\mov' "Coiç ,...h. YÙQ a1.w
tes, p. 123 ssq. surtout p. 141), Xénocrate aurait été le premier à enseigner 'te SEQ,...oV ËyxÉxQa'ta~ xai. m'EiiJ.LC1 Qayôatov bd, "Cà; OQÉ;EtÇ :t<1QÉO"'C1)XE, xai. "Co
cette conception de la double mort, dans l'intention d'écarter les contradictions o<Üf.L« "Coiç oQyo.votÇ xa{t<1Qoiç xai. aXQaupvÉ(JLV Ë""J.ŒÂlç ad XaL noÀ.V(J(paooC1fov
internes de la psychologie platonicienne. avwcLvet <xai.> aV<1QQIJtLt;eL "Cà; bnitu,...U:ï; roonEQ Ë; \iÀ.1)ç VE<1Q~ ciw..""o~
114 TI e Q i. 0 n Q x 0 cp a y La ç, 995 a: Plutarque nous dit qu'il manque chez :7tEQupGQ4 aLJ.LC1"Coç,ès OOV f!.e'ta6allotœVov bd, nollà "Caiç oQf.lIliç "Cav vÉov <oQ<Ï>-
l'homme: m'eVf-latoç 9EQf-lOtT)Ç TQÉ'Pal xat -xaTEQyo.oacr6aL ôuvatTJ "Co ~UQù xaL tœV>· ·0 nQÉa6uç, "Coii 'te geQ,...oii nQoÀ.1Jt6vT~ ~31), <p TO bnitu""1)T<ucav>
XQEOOÔl'Ç, et un peu plus loin il nous parle de: "C'ii 'fQoÇ 'fÉ"lpLl à,...6À.lrn]"CL "Co'Ü àVE~ro:7t'UQEtl"O xai. TiP m'eUflaTL xoÀoov xal xa"CaTETQl,...,...iv~ TiP ooo,...a."CL, nEQi. "Cà;
m'eVJ.LC1"Coç. D'après P. Wendland, Plutarque serait dépendant dans cet opuscule fJôovàç a,...6À.Vç, ~atç ÈnLitu,...wtÇ xat ÔUOXLV1)"Coç ...
des idées de Musonius, qu'il combat sur certains points, mais que, pour le reste, 1\8 PLUT., r Q 'Ü À. À. 0 ç, 931 b-: \mà noÂl.<i>v xa.l JUlXQ<Ï>v xoMi~Ecr6E VOOT)f-lŒTrov,
il suit et admire (Musonianae QUMstiones, Berlin, 1886, p. 54-55), UxEQ Èx fllêÏç mtyijç WtaV'tÀ.c:nJtuVa 't'iiç nÀ.1)ofLOVilç "Coiç ooof-'aow, naVfQOOnWV
tl5noo~ ctV 'tL~ U;t' i~i}Qoov WcpÉÀ.OL"C0 1 87b, tn'EU,...a'troV xai. ôuoxaa~'tCl)V uflCÏ$ tfU'I.:rtÀ."10~v.
266 LE 8YNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX PLUTARQUE 267
des exhalaisons impures s'élèvent du sang, rejoignent le pneuma et;, Les indications recueillies dans 1'œuvre de Plutarque permettent
produisent line temp6rature fi6vrense: dès que cette dyscrasie est de dégager les conclusions suivantes:
supprimée, l'organisme ne tarde pas à fonctionner normalement: - Plutarque ne se sert pas souvent du terme pneuma en rapport
le sang redevient doux, le pneuma se débarrasse des éléme·nts nocifs avec la psychologie humaine: ce vocable est entaché de matérialisme
et l'organisme retourne ·à sa température normale 119. C'est en som- stoïcien et s'oppose donc directement à so:! anthropologie spiritua-
me l'explication que nous avons déjà rencontrée chez les médecins liste. Nous avons vu, en effet, que le prêtre de Delphes a adopté la
pneumatiques, qui étaient d'ailleurs des contemporains de Plutarque. psychologie de Platon, où il n'y a pas de place pour le.pneuma stoï-
Dans les Quaufùmel tMt16rakl, Plu~rque se de~ande pourquoi cie:n: ces deux systèmes psychologiques sont' tellement hétérogène~,
la peau des" poulpes change de couleur. D'après· Théophraste, ce qu'une conciliation entre eux n'était guère possible.
serait un effet de 1& craintè et, dans ce cas, le phénomène s'expli- - Là où Plutarque se sert du terme pneuma, c'est généralement
querait de· la même manière que chez l'homme qui devient pâle en rapport avec les fonctions vitales d'ordre inférieur. IX; cette ma-
quand un danger subit le menace: le trouble du pneuID;a vital serait nière, le texte du pseudépigraphe De vita et poësi H~ri (c. 122)
donc la cause de ce change·ment de ooul~ur 120. Plutarque trouve nous semble traduire assez exactement la pensée de Plutarque: 1:0
cette explication inadéquate par~ qu'elle ne rend pas compte de la ôÈ 1CVEüJA.<l Èanvaurlt 11 ""'xli Ti OX11JLa rljc; ""'x;iiç : le pneuma désignerait
ressemblance qu'il y a entre la couleur adoptée et celle des objets donc ou bien l'âm'e irrationnelle ou bien mi intermédiaire entre
environnants: se basant sur l'autorité d'Empédocle, il croit· qu'il l'âme et le corps, et que l'auteur appelle le véhicule de l'â~e 122. C'est
doit y avoir une influence du milieu sur la peau du poulpe grâce surtout quand il s'agit d'expliquer ce·rlaines fonctions· physiologi-
aux particules que ces objets lancent dans toutes les directions. ques que Plutarque se sert de ce terme, qui lui était fourni par la
. Lorsque l'animal a peur, son pneuma se retire et produit une con- philosophie stoicienne et par les médecins de son temps. Cependant,
traction générale de l'organisme: il en résulte que les particules du comme il intervient également dans l'explication de la vie passion-
milieu environnant restent à la surface de l'animal et lui donnent nelle et dt": l'inspiration mystique (nous le verrons dans ce qui suit),
la même couleur que les ~bjets qui l'entourent 121. C'est pourquoi nous croyons être en droit de le considérer comme le principe· des
Je poulpe ne prend pas la couleur de n'importe lequel des objets fonctions vitales d'ordre inférieur. TI faut ajouter cependant que
environnants, mais uniquement de ceux dont les particules sont pro- ce terme n'a rien de technique chez Plutarque, de même que sa
portionnées aux pores de sa peau. Cette explication est intéressante pensée n'est pas systématique.
à notre point de vue par~e qu'elle révèle le pneuma comme principe 2. La prÏi:J.cipale signification du pneuma chez Plutarque doit être
de la vie et du mouvement. inise en rapport avec l'inspiration: il désigne alors le souffle divin
· qui est à la source de la dJi1!ÏlMtÎ<m. La première signification que
119 PLUT., n tQL àQuil; XClL XClXtClÇ, 101 e: la santâ revient: Tijç XQÛOEroç nous avons discernée n'est qu'un vestige de l'influence stoïcienne
J.LnCl6oJ..oUcn]Ç XClL m'EUJUlTOÇ XQ'ICJtoü XClL yluxÉoç Cli~I.ClTOC; i'Y"(EVOJ-tÉvOU xai. OEQ- ·s~ la pens6e de Plutarque: elle ne présente rien d'original, mais
....O"tTJT~ oixttnç - Pa.-PLUT., De l1ita et poeri Hom., 122: TO atJUl vo ....it xaL TQ6- ·se rattache plutôt au voc.a.bnlaire courant de l'époque. TI n'en est
qni Èon TOÜ "tVEUJUlToç. plus ainsi du pneuma mantique: Plutarque s'y intér~it beaucoup"
120 PLUT., Quae8t. ft4tur., XIX: :n:O"tEQOV, ~ eEOq>QnatOc; «pETO, 3ElÀov ion plus de par sa fonction et nous a laissé une élaboration plus poussée
'to XQwJ.lO.y
. q>Uou t;epov; OTQV oÙ\' tClQax-6ii TQt:1[O~OV Tep :7tVEUJUlTL, ou ....fA.E"ta6w..ÀEL de la notion correspondantè~
xai}WtEQ c:ivt}Qro~oç; c'est par ce même argument que CltSanthe prouve le carac-
tère corporel de l'âme (cf. supra).
Le but· principal que poursuivait le prêtre de Delphes était de
121 PLUT., ibid.: '0 3È 1tolWtouc; nlV 'te OciQXCl 1tQoo~dv ClÜtO-6EV àvfrQl1v ui>ÔTJç,
ranimt·r la foi aux oracles. Pour y parvenir il avait à surmonter des
XQt 1toÂ.WtoQOÇ, 'XCll 3EXT\.XOÇ ~oQQoui)v iO"tLv; O"tClV 3È 3dan, Tep m'EUJUlTL TQi:-
122 Le terme OX'lJ-LCl le trouve également dans le THn~~ de Platon, oa il se
:n:o~OC; xaL TQÉmov, otov ÉOq>L't;E TO OWJla xaL OUvTtyayEV, won 1tQOo3ÉXEO'Ôa~ xq.~
rapporte au eorps, soit eo~m~ v~hi~ule <1e 1~ :t~te (44 E), soi~ ",()pl!D~ v~hiçul~
urÉ)'ELV f1t\;tOÂ.~$ T~ TWv iYYÙ$ WtOÇQOlCl$. . ..
4e J'~e (69 0),
268 LE 8YNCRtTISM~ 'I)'J7TT,nJ::i)PHIQUE ET RELIGIEUX PLUTAnQtft
difficultés très considérables. Celles-ci provenaient tout d'abord -de- éoinme ie soieÜ caché derrière les nuages. Il y a des circonstances
ce que depuis bien longtemps l'oracle se taisait et _ne faisait plus, au cours de la vie, dans lesquelles cette faculté divinatoire, qui
comme -autrefois, des prédictions célèbres: c'était là un phénomène sommeillait, se met tout à coup en exercice. Cela se produit généra-
qu-'il fallait expliquer, sinonIe peuple aurait rejeté les oracles avec lement durant le somme-il ou bien pendant les mystères: c'est que
un sourire de mépris, comme des fables appartenant à un passé loin- le corps s'est trouvé brusquement dans la disposition requise ou bien
tain. Plutarque trouve une explication de la disparition des oracles que l'intelligence s'est détachée du monde environnant, tandis que
à un endroit déterminé dans le fait que cette intelligence de l'avenir la faculté irrationnelle et intuitive regardait l'avenir.. Le devin ne
est accordée à 1'homme par l'intemédiaire d'un pneuma, qui est ressemble en rien à 1'homme de science, qui, par des analyses pro-
amené par le vent ou qui se dégage de certaines sources très pures 123 : fondes et des calculs savants, essaie de déterminer les événe~ents
il en résulte qu'aux endroits où on rend les oracles, tous les -obje-ts futurs 128; car la faculté divinatoire reçoit passive-ment les images
. sont. pénétrés de pneuma mantique et baignent dans ce souffle divin; sensibles qui la renseignent sur l'avenir. Il suffit qu'elle se détache
même les stat~es de pierre et de bronze en sont traversées 124; les du présent, pour que son horizon s'élargisse. Cette abstraction du
animaux -sacrés, qu'on élève dans l'enceinte du temple, le recueil- monde environnant €st amenée par une certaine disposition de l'or-
lent dans le gazon qu'ils broutent pour que· les hommes puisse-nt lire ganisme corporel, qu'on appelle l'enthousiasme (Ev6oucnaa'JA.Oç) 129:
dans la couleur, la -forme et la disposition de leurs intestins les celui-ci se_ produit parfois sans cause extérieure, bien qu'il soit pro-
signes de l'avenir 123. voqué assez généralement par le pneuma mantique, qui s'exhale de
Comment se produit cette inspiration divine' Quelle est l'influen- la terre à certains endroits.
ce que le pneuma exerce sur la pythie, afin de la mettre en état Ce souffle mantique pénètre dans le corps de la pythie et produit
de proférer ses oracles' Il faut remarquer d'abord que le pneuma dans la 'lroX~ un mélange étrange et insolite, dont il est difficile de
mantique ne confère pas à l'âme la faculté divinatoire. En effet, déterminer la nature de façon précise et claire, mais au sujet duquel
l'âme la possède toujours, bien qu'elle soit généralement aveuglée on peut faire de multiples conjectures 130. On trouve chez des au-
par son immersion dans le sensible et les préoccupations de ce mon- teurs postériel!rs des déterminations précieuses de la même doctrine.
de 126: car, si les âmes séparées· possèdent cette connaissance supé- Strabon dit que le ~EÜJA.a Èv{}-ouala<TtlXOV se dégage à la surface de
rieure, alors qu'au moment de la mort elles n'acquièrent pas de la terre par une petite ouverture, au-dessus de laquelle on a placé
nouvelle faculté, il est clair que toute âme e~t en possession de ce un haut trépied: c'est au moment où elle prend place sur ce siège
savoir, tout en étant généralement incapable ·de l'exercer 121. TI est d 'Apollon que le souffle divin pénètre dans le corps de la pythie
et qu'elle commence à prononcer des oracles 131. Origène et Jean
123 PLUT., Def. orac., 40, 432 d: To ~È JUlvnxOv Qe'ÜJUl xat moe'ÜJUl OEuSTal"ov
Chrysostome dise-nt en outre que lè pneuma mantique entre dans
Ëcin xai. oOuOl"al"ov, av "tE xa'ft' ÉU\1tO-ÔL' à.iQo~ av "ft ,œt}' ''ÔyQoU vo.J1<1l"~ btupÉ-
Q'Il"aL.
128. PLUT., Del. orac., 4:0, 4:32 e: Où yciQ, ~ 0 E'ÔQ'-"'Côt)c; cpr)OL c ,wvnc; clQt.a-
12.. PLUT., De Pythiae oraculis, VIII, 398 a: OÙYcLQ CÏQxd OEOV Et; OWJUl xa-
i}ELQyvUvaL 8vT)l"OV cma.; ÉXo.Ol"OU J.L'Ivoç, c:ü.là xai. ',Jtlq> :7ta'Vl"i. xaï. Xo.Â.xq. OUJ.Lq>UQU- l"~, OOTLÇ dxatEL xaÂ.ci)ç» cW! Wt~ ËfUP(KOV -&Ah civqQ "at 'tq,voÛ'V Ëxovn ~~ _.
'VUxijç xai. J.Ln' dXOT~ 1]youJ.Livltl XCl~' 000v btoJ.LEV~.
oOJAEV airtov, Wm\EQ OÙX ÈXO'Vl"EÇ à~LOXQErov l"O)V l"OLOlJTrov ou,:un-roJ.Lo.l"rov Tl}V -nJx1)V
ÔTlJ.LLOUQYOv xai. TUÙtOJ1<1TOV. .. 129 _PLUT., op. cU., 4:0, 4:32 e: To ôè JUlvnxOv roo:7teQ YQaJ.L~"tetov a.yQUq>OV xat
125 PLUT., De Pythiae orGctùis. IX, 3g8 cI.- ~YOV xai. ooQI.O'tOV l~ amoU, ôExnxOv ôè: cpaVTaa..wv :7tu'ftEOL xai. nQocu.oih)oecov.
128 PLUT., De def. orac., 39, 432 a: OtTtroç i] ",uxi} "tiiv JUl'Vl"LXl)V oùx Ë:7tLX"tcitaL aaulloyCcn~ Wt"tttaL 'toU J.lÉllo'Vl"~, o'ta'V lxcniiJ.UÜ.LatCl 'toO nUQ6vr~. 'ESCcnaTuL
OOVaJ.LLV lx6à.aa TOU OWJ1<1T~. roO:7tEQ 'Ybpouç, c:ü.l' Ëxouoa xat vüv, "t\IcpÀo'ÜTaL ôui . ôÈ: xQaCJEL xai. ÔW-t}ÉOEL TOU OWJ.LU"t~, i.v J.Lna60Â.Û yLyvOJ.La'OV, ôv Mouowa,wv
xaJ..o'Ü J.LEV.
"tiiv :7tQOÇ l"0 8vT)TOv àVo.J.L~LV aÛTijç xai. aUyXUOLV.
121 PLUT? op. cit., 39,431 e: Et yciQ at ÔLaxQL'ftdom OWJUlTOÇ 1\ J.Li} J.LnaaxoUom 130 PL~., op. cU., 40,432 e: KClTaJ.UyWJAEVov yà.Q (rteiL l"0 JlCl'Vl"LXOv 1t'Vt'ÜJ.LU)
tO :7tUQU:nav "",xat ôaCJ.LOVÉç dcn •••• ôui TL 't~ Ev 'to~ OWJUlOL ""'X~ lxeLVT)C; Tiiç ~~ l"OOOOJ.LCl, xQcicnv ÉJUtOLEL 'ta~ ""'xate; Utl'ft1) xai. a"tO:7tO'V, liç njv Uhot1}'faxaAe.
ôuvciJ.LEroç à:noOTEQo'Ü~, il 'tcL f1ÉÂ.Âcm-o. ~ai. :7t~O"(LVWO'XELV :7tEcpVxao&. xat :7t~oÔ'riÂ.oVv nov Elrceiv oacpwç, ELXo.oaL ÔÈ :7toUaXOOC; 0 À6y~ ~lôrooL.
0\ ôaL~E~; 131 STlWION, GeoQraphico, IX (0), a, 5j MËINEKE, p. 591, 6.
~7i
le corps de la pythie par les organes sexuels. C'est pourquoi elle..... que donnent de l'inspiration le peuple et les savants, alors que la
doit s'asseoir sur le trépied et écarter les jambes: alors le signification réelle, est tout à fait différente 136. Nous avons vu que
délire mystique la saisit, elle se délie les cheveux comme mie bac- les stoïciens avaient adopté la même attitude à l'égard de la théolo-
chante et ~rofère des paroles insensées 1ll2. Le Pseudo-Longin fournit gie populaire. '
la même précision, en représentant l'inspiration de la prêtresse Nous retrouvons les premières traces de ce 1tV€ÜfU1ÈVaOucnaGtlxov
comme une fécondation: «Beaucoup d'écrivains sont inspirés d'un chez Démocrite, qui s'en est servi pour expliquer l'inspiration poéti-
souffle étranger, de la même façon que, suivant la tradition, est, que. Cette possession divine est, d'après lui, une condition néces-
possédée la. pythie lorsqu'elle 8 'approche du trépied; il Y a, en' 'sair-e de la beauté du poème: tout ce que le poète écrit J,lEt' Èv{}OUGl-
effet, dans, la terre une crevasse d'où s't-xhale, dit-on, une vapeur aGJ,loü xal lf:QOü 1tVEUJ,lat'oç aura une valeur littéraire 131. Cette force
divine· qui féconde la prêtresse d'un pouvoir surnaturel et qui lui divine envahit l'âme du poète, qu'elle réchauffe de sou haleine ignée:'
fait rendre sur-le-cliamp des oracles inspirés» 138. On admettait donc le raisonnement froid et se·rein dispàraît et fait place aux transports
assez généralement dans l'antiquité que le pneuma mantique pénè- sacrés du délire créateur 138. On trouve donc déjà chez ce philosophe
tre dans le corps de la prêtresse par les organes sexuels. présocratique les points essentiels de la théorie de Plutarque sur le
Plutarque dit simplement que le souffle divin pénètre dans le pneuma mantique: cette conception a passé dans la littérature et
corps et produit une certaine transformation dans la ~ . R. Gans- on en· trouve des ééhos nombreux chez des écrivains vivant vers la
zyuiec a examiné la signüication exacte de ce terme dans les papy- même époque que Plutarque 139.
rus magiques ct il a recueilli plusieurs textes où ce mot désigne les n nous faut voir de plus p'rès maintenant en quoi consiste l'in.
organes sexuels, et aussi le sein maternel; il en a conclu que, dans fluence exercée par le pneuma mantique sur l'âme humaine. Plu-
le langage ,populaire, ..pUll] était devenu un euphémisme pour dési~ tarque nous a déj.à dit qu'il est 'très difficile d'en déterminer la
gner les organes sexuels lU. Ce détail est intéressant, non pas qu'il nature exacte, et qu'on en est réduit à des hypothèses plus ou moins
faille attacher la même signüication' au terme ..pull] dans le texte yraisemblables. C'est pourquoi il nous propose, par la bouche de
de Plutarque, où il désigne incontestablement l'âme irrationnelle 185, Lamprias, trois explications dUférentes 140.
mais paree qu'il montre sur le vif l'accord verbal de l'explication

112 ORIotNB, Ccmf,.a Cel8vm, III, 25, KOETSCHAU, l, p. 221; ibid., VII; 3,
J
136 R. GANGZYNIEC, art. cif., p. 171 :. «Wir hitten al80 au~h hier, wie 110 olt
KOBTSCHAu, II, p. 155; JEAN CHRYB., In el'. 1 CGt'. homo XXIX, l, PG, 61, in der bei Plutareh und den Kirehenvitern überlieferteD. Gesehiehte, eine dog.
242: Â.iyE'tw, TOtVUV o.'Ün] 1) nu-tHo. 'Y"'V'i TL;' oVoo. È1tLXo.&i}a&o.L T'il 'tQUtoM :7tOTE matisierte Volksvorstellung. ».
'tOÜ •A.1tollrovoc;, ÔL(l~oüoo. Tà axÉÂ.f)· da' omo) meiiJ-Ul :7t~QOv xaTor6-f:v àVo.ÔL-· 131 DIELS-KRANz, Fragm. der Yor••, Démoerite, 68[55] B 18, p. 146 (CLbr.
~6J-LtVov, Xo.L ôLà. 'trov Yt'VVl]'tLxrov o.-\mi~ ÔUlÔUOtu:VOV f.I.OQL<.OV :7tÂ.f)Qoüv 'ti]v yuva.L~(1 D'AL:a:., St,rom., VI, 168): "OLf)Tit~ ôi Mao. t.Lèv â.v YQdc:pn J.&n' MOUO'U1O"f.I.Oü
Til~ ~VLo.~, Xo.L 'to.1in}v 'tàç TQCX~ ).:UOUOo.v ÂOL:7tOv ÈX6o.XXeUEa&o.C 'tE, Xo.L àcpQov xa.l teQoü meUJ-Ul'toç, xa.l.ci XŒQTo. lOT(V. '
EX 'toi} OTÔJ-Ult~ àcpLÉva.L, xa.L oVrco; I:v :7tCI.QOLV~ YEVOJ.LÉvflv Tà Til~ J-UlvUu; <p6iy- 138 DIJ:LS-1Ü.ANZ, Yor8., D~moorite, 68[55] B 11, p. 146 (CIe., De orat.,'
YEa-6-0.L Qi) J-LaTCI.. II, 46, 194): saepe enim audivi poetam bonum neminem (id quod a Demoerito
133 PS.-LONGIN, De Suolimitate, Paris, 1939, 13, 2, trad. Lntoux, p. 22: et Platone in seriptia relictum esse, clieunt) aine in.flainm.atione animorum exis.
"OÂÂ.OL YÙQ cillo'tQUp OEOCPOQOÜV'to.L m'eUJ-UlTL, TOv o.Ù'tàv TQO:rtOV, ôv Xo.L 'ti]v rru-6-LaV tere pOIse et sine quodam. adflatu quasi furoris. - (De dWiA., l, 38, 80): negat
Myoç ËXEL 'tQutOÔL :7tÂ.f)owt;OUOo.v, lv6-a. Q'ijy.,w. EOTL yijç àvwrvÉov. Wç cpo.OLV, UTf.I.OV enhn sine furore· Demoeritus .quemquam. poetam magnum eeae polllle, quod iden..
Ëvinov, o.Vt~ iyxu .... ova. 'rii~ Ôa.Lf.I.OVWu xo.aUTta~Livr)v ôuvo.tu:co;, :7tC1QC1VtlXo. dieU Plato.
XQf)aJ.Lq)ÔE'Lv· XCI.'t' È1tmoLaV. 139 HORACE, Ode" n, 16, 38; IV, 6, 29. - QUINTILIEN, IV, 3. - CI~RON,
13" Da8 Ma,.che"4 der PythÜ1., Byzantiniseb-neugriechisehe Jahrbüeher, 1 (1920), Pro ..A.rchia, 8, 17·18; De dwi"4, l, 6, 12; 18, 34; 31, 66; 50, 114; De naf.
p. 170-171. deorum, II, 66, 166; T'lUc., l, 26, 64. Cf. A. DELA'M'E, Le. OOf&CeptioM dIJ
r 1a5 Le terme 'l"'Xi) désigne ~én~rale2Dent chez Plutarque l'ime inférieure par l'enth01l.8Ïa8me chez le, philosophe. pr€80cratiqwel, Paru, 193i.
opposition au voUç, bien qu'il s!>it employé également pour désigner l'âme 140 A. DELATTE, op. oit., p. 55. - Cf. G. SOtIRY. lA démOfl.Olog~ de Pluta,..
tout entière. Cf. R. HEINZE, Xenokrate., p. 125-126. que, Paris, 1942, pp. 107-108.
ptÜTA~Quf

a.) L'action du pneuma mantique est comparée tout d'abol'd a- qui êchauffe l'âme IH. Nous croyons cependant que l'effet de cette
celle du vin, qui réchauffe le cœur et met dans 1Ùl état d'ivresse ardeur est différent: d'une part, il y a un assoupissement de la
délirante, où l~ act~ons et les pensées les plus secrètes afflmmt à la raison et une stimulation de la faculté irrationnelle, et, d'autre
surface de 1'âme et sont révélées sans la moindre hésitation. Cette part, il y a un ébranlement de l'intelligence, qui se détache des liens
élévation de la température de l'âme, produite par le vin, aurait du corps. .
pour effet d'assoupir la froide raison et la prudence ordinaire, qui On peut se demande·r ensuite comment la faculté irrationnelle de
ch~nt et éteignent l'ardeur de l'enthousiasme l·il. li en se~t l'âme peut avoir cette intuition de l'avenirT Celle-ci. ne s'obtient
de même du pneuma mantique: se répandant dans l'organisme tout pas ·par des analyses scientifiques et des. calculs compliqués, puis-
entier (~wx6(JEL) e·t produis~nt une élévation considérable de là tem- qu'on l'acquiert àO'ulloyLO'troç ; d'autre part, elle n'est pas commu~
pérature (.9EQ~Ot1')tL), il aurait pour effet d'assoupir la raison et de niquée directement à l'intelligence p_ar la divinité, puisque le voüç·
stimuler la faculté intuitive et irrationnelle· de l'âme (xoQouÇ tlvàç n 'y prend aucune part: elle est· donc plutôt un pressentime·nt in-
àVO(YELV cpavraGtLxoùç tO\; J,lillovroç). Aussi longtemps que la froi4 e . htinetif des événements futurs, tel qu'on le trouve chez l~ animaux.
raison domine la conduite humaine, les transports de la faculté Ïrra- Ceci suppose évidemment une certaine conception du monde dont
tionne][e. fK)nt réfrénés et maintenlis dans les· limites d'une sage Plutarque ne parle pas, mais qui est sous-jacente à sa théorie: à
prudence: le pne.uma a pour effet de briser les entraves. de la raison savoir, que le cosmos forme un tout où il y a une interdépendance
et de stimuler la faculté intuitive. M. Pohlenz croit reconnaître universe.Ue. En effet, si le monde était fractionné en d'innombrables
dans cette explication un écho médiat ou immédiat de la conception entités indépendantes, en monades enfermées en ellës-mêmes, il ne
de Dicéarque sur la divination 142: comme il ne se réfère à aucun pourrait être question de pressentir l'avenir d'un autre être: cha-
texte, il est assez difficile de porter un jugement sur ce rapproche- cun pourrait en lui-même prévoir le déroulement nécessaire de son
me·nt. Il nous -semble cependant que les indications fournies par histoire, mais serait séparé des autres par une cloison étanche. La
Cicéron au premier livre de la Divi-nation n'autorisent pas cette con~ition objective de cette divination, dont Plutarque se borne à·
interprétation: en effet, si Dicéarque et Cratippe adme·ttent les donner I~ conditions subjectives, c'est ·la sympathie universelle du
deux espèces de divination par les oracles et par les songes, ils ·ne cosmos préconisée par les stoïciens.
les expliquent pas par un assoupissement de i 'intellig€·nce, mais b) La seconde explication est basée sur la conception héraclitéen-
par un détachement de celle-ci par rapport aux entraves du corps, ne de l'âme humaine, qui a été reprise par Zénon de Cittium.
ce qui est tout à fait diffé~nt 143. Ils se rejoignent cependant sur D'après ces philosophes, notre principe vital serait une aL(Jfu}tlX~
un point: ils parlent tous les deux de l'ardeur de l'enthousiasme, àvm<}uJ,llaO'l; qui se dégage c()ntinuellement du sang 145. Il en résulte
évidemment que la nature de l'âme et son activité sont déte·rminées
141 PLUT., De!. orac., 40, 432 e: w~ otv~ dva-&uJ.uaih:l.; É"tEQa :TtoU.à XLv1]JLCl'ta par la qualité de ces effluves. Qr, d'après une information de. Dio·
"ai. Myouç WtOxELJ.LivOUÇ xai. ).avftavOV't'~ WtoxaÀ.unnl.. c Tb yàQ ~axXeUOlJ10V gène Laërce, Héraclite en a distingué de deux sortes: les exhalaisons
"ai. 'tb J1a,·&.WôE~ JLClvnxi)v noUi)v ÉXEL» xa't' E'ÜQIJ'tLmtv, o'tav ËvftEQJ1~ ft """,xi) pures et br~llantes O. aJL1tQàç xaL xa{}aQaç) qui constituent la nourri-
9v-r}n.
yevoJ1ÉYr) xai. :TtlJQc.OÔ1)~ Mc.OO'r)'tUL "Citv E'ÙM:i6EIO.V, 1)V f) q>QOvrtOLÇ tnuyouoa
ture du feu, et les effluves sombres .et obscurs (O'XOtElvaç). qui ser..
noUcixLÇ WtOO"t'QÉq>EL: xai. xu'to.croÉvwoa. 'tOv MO'lIOlO.oJLÔv.
142 M. POHLENZ, P08eidOfti08' J.fle'ktefllehre u·nd Psychologie, Nachriehten vent à entretenir·l 'élément humide 146. Et puisque l'âme la meil-
l'on der Konigliehen Gesellschaft der Wissensehaften zu Gottingen,. Philolog.-
histor. Klasse, 1921, p. 187, n. 1: «Da horen wir wohl mittelbar oder unmittelbar 14", CIe., ibid.: ardore aliquo inflamtnati atque ineltati... multisque rebua
Dikaiarch, au! den auch Einzelheiten wie die ciQJWvCa weisen (437 d, v·gl 436 f.). inflammantur tales anlmi.. . . .
Für die Lehre von den. àyuihJtwWELÇ beruft sieh Plutareh 44 ausdrucklich 145 DIELS-KR.ANz, Varl., H~racli.te, 22[12] B 12, p. 154: (ARros Dm., ehez
au! die Peripatetiker. Der vol;.; scheidet hier ganz aus ». Eus., P .H., XV, 20; D. 471, 1).
143 CIe., De divin., l,50, 113-114: .ut ei plane nihil sit eum eorpore •.• apretis 148 DIOG. LA., IX, 9; DIlU.s-KRANz, YCWI., Hércwlite, 22[12] Al, p. 141, 29:
corporibu8 ... qui corporibui non inhaerent. YLVE<J'ÔaL ôi dvaihJJ1uio,~ Ù1I:O n: yii~ xai 9a.M..tTll~, â; JÙV ).aJU'CQ~ xai. xaitCI.Q4;,
~ÜTARQtrË

leure 'et la plus sage est une lueur sèche 141', il en résulte que des .... de la puretê du pneuma psychique, non par une augmentation de
exhàlaisons brillantes et pures pourront élever et améliorer la sub- la température, mais par un refroidissement et une condensation du
stance de l'âme, tandis que les effluves sombres la ramèneront à une souffle vital. Plutarque donne l'exemple du fer, qui, trempé dans
échelle plus basse. Si donc le pneuma mantique, qui est un souffle l'eau froide après, avoir été échauffé, devient plus f,olide et plus
sec et chalitd, pénètre dans le corps de la pyihie~ il exercera une résistant: il e·n serait de même du pneuma. psychique, dont la ten-
influence favorable sur son pneuma psychique : celui-~i sera rendu sion et la solidité seraient accrues par ce tefroidisseme·nt 150. TI
plus subtil, plus pur et plus éthéré 148. Pour illustrer sa théorie sur donne également l'exemple de l'étain qui, s'infiltrant dans les pores
la dessiccation du pneuma psychique, favorisant la perception sen- et dans tous les vides du fer, procure à celui-ci, avec une augmenta-
sible de la vue et de l'ouïe, Plutarque donne l 'exempled 'un miroir, tion de sa de~sité, un accroissement de son éclat et de sa pureté 151;
auquel une vapeur humide enlève tout son éclat, tandis qu'une il en serait de même du pn~uma mantique, qui, r.emplissant les vides
atmosphère chaude et sèche en relè've le brillant. de notre souffle vital, lui donnerait plus de consistance et de soli·
La question se poseévide·mment de savoir comment un affine- dité 152.
ment et une purification du pneuma psychique parviennent à aug- Il est assurément superflu d'insister sur le caractère stoïcien de
mentersonpouvoircognitif, - Nous croyons que cette· explication cette explicati.on. On peut s'en rendre compte à la première lecture
est basée sur la psychologie stoïcienne de la connaissance. Il saute du passage: c'est en somme une nouvelle application de la théorie
aux yeux que Plutarque a puisé dans le, wcabulaire de la pneuma- du Portique destinée à expliquer la transformation du JtvEÜlla <pu(JlXOV
tologie du Portique (j(vriip.a, À.E1tWVElV, al&EQwBEÇ, xa{}aQov). Mais il en j(vEÜlla 'PUXL'X,OV au moment de la naissance. Nous' avons déjà attiré
y a plus: la doctrine elle-même est stoïcienne. C'est parce que les l'attention sur le caractère contradictoire que cette théorie pré-
philosophes du Portique concevaient la connaissance comme une sente avec l'ensenible de la psychologie stoïcienne: en effet, si le
yUj((j)(Jlç EV fJ'YEP.OVlXq> qu'un changement de nature de cette partie
1
pneuma eSt essentIellement de natp.re ignée, il est incompréhensible
principale doit nécessairement amener une diminution ou une· aug- qu'un refroidissement pùisse lui apporter une amélioration. Quand
mentation du pouvoir cognitif. Que cette wj((j)(JLÇ soit conçue comme il s'agissait d'expliquer l'origiIie du pneuma psychique, les stoï·
un changement qualitatif ou quantitatif, l'extension et la clarté de ciens avaient du moins une raison étymologique pour avancer cette
18 connaissance dépendront toujours de la pureté et de la souplesse théorie, tandis que, dans' notre cas, iÏn;y en a vraiment aucune, en
du pneuma psychique. Si donc le souffle divinatoire augmente· la dehors de cette généralisation non motivée.
température, la subtilité et la pureté du pneuma psychique, il en Lamprias ne montre pas de préférence pour l'une quelconque de
résultera nécessairement un rehaussement de la connaissance 149. ces explications: il insiste plutôt sur la nécessité de ce pneu ma.
c) La tro'isième explication propose un autre moyen pour arriver divin pour exciter la faculté divinatoire de l'âme. A ce point de vue·
enso~e au même résultat, à savoir un accroissement de l'éclat et le pneuma est comparable à la lumière: bien que. notre œil possède
~ aè OXO'tEwciç. AüSEcr6cu aè 'to ~ ,wQ 01t0 'toov Â.a.~QOOVt TO aè \ryQov {ma Tû)V
150 PLUT., De deI. OfaD., 41, 433 a: ToûvavTLov 't'e nMLv a~ n€QLwu;eL "tLvl xa"
hÉQow. - Cf. DELATTE, op. cit., pp. 16-18.
141 DIELS-KRANz, VOrl., Héraclite, 22[12]B 118, p. 177, 4: aùy~ ;"lQ1} '\lIUx~
mtX"Vrooel. 't'oij nwU!W't'OC;, olav f3a<pÛ oL&}Qov 'to nQOYVCoatLXOv ttOQWY Èvtdvtoi}al.
oo<proTaT'l') xat ÙQCa-n]. ~aL CTCoJA.Oücr6uL 'ri\c; ~Xilç, ow âMva.'tov Ëon. . - Remarquons encore une fois
l'emploi du terme 1CvtÜJUl comme synonyme de la faeu1~ divinatoire: l'O
148 PLUT., De deI. orac., 41, 432 f: •A!W a' ü:V 'tLÇ oùx cUoyro~ XClL ;"lQon)1:a
<pa.(1) J.LEl'à l''ijç OEQ!-LOT'l')'tOC; iyyLyvOJLÉVrlv i..vm1vUY 'to 1tVEiiltO., xat 1tOLELV o10eQw-
nQoyvroatLXOv ttOQI.OV· Cf. DtJ deI. MaD., 50, 437 d: bœivo 'to ,dQO<; Tijç ~xiiç...
~ nÂ"lOuiteL 't'o mreiilU10
aEC; xat xaito.QOv. L'emploi du terme mwJlC1 dans ce téxte est important pour
la première signification que nous a'Vons distinguée : il est synonyme de la """,Xrl 151 PLUT., De deI. Mac., 41, 433 a.
des autres passages, 0 'est-à-dire de l'âme irrationnelle. 152 PLUT., De deI. orac., 41,433 al o~coç O'Ôaèv MÉXeL Ti]v JlC1V'tLXT)V âva6-u-
149 Nous ne voyons vraiment pas sur quoi se base A. Delatte (op. cit., p. 55, lLlaaLV oheEt6v "tL 'ta~ """,X(l~ "aL au-riev~ lxouoav, a.Vwt)."lQoVv l'à JUlvà xaL OVV·
note) pour dire que la troisième explication Beùle est stoïcienne. ÊXEL~ lvCJQttO't'to\loo.v.
LÊ SYNCRtTISME PHILoSOPHIQUï: ÉT RELIGIEUX PLU1'ARQUE 277
276
la faculté visuelle, il a besoin de la lumière pour distinguer les ob- dans cette action éminemment divine' Lamprias aurait donc ravalé
.ets. il en est de même de l'âme: elle possède la faculté divinatoire, ce phénomène surnaturel au niveau d'une action physique et d'une
"j comme
Jmais) elle doit être éveillée par le pneuma mantIque 1 "t
1 s e a- fonction physiologique US6. Il fait appel, pour se défendre, à la
blit une certaine connaturalité entre la vue et la lumière, ainsi doctrine platonicienne sur les causes: le fait d'examiner une cau·
l'âme subit une transformation telle qu'elle se hausse au niveau du sa~ité déterminée ne signifie d'aucune façon qu'on veut exclure les
souffle divin 153. Ceci ne veut pas dire cependant que le pneuma autres. Lamprias déclare qu'il a jusqu'! présent limité son étude
agisse toujours de la même manière et qu'il produise le même e·ffet au principe matériel de la divination, c'est-à-dire au. pneuma qui
chez tous. C'est là une des objections d'Ammonius contre cette théo- est l'instrument ou le plectre de l'inspiration, mais qu'il n'a pas
rie: on pourrait mettre n'importe qui à l~ pl~ce de la p~hi~ et l'~n­ voulu exclure par là les cauSes efficientes 15T. Il eu énumère trois:
spiration devrait se produire tout aussI ble~. A quoI La~prI~ la. terre, productrice des effluves divins qui sont à la source du délire
- répond qu'il doit y avoir un rapport harmomeux entre la dISPOSI- mystique 11S8; ensuite le divin soleil, qui accorde à la terre ce pou-
tion du sujet en question et le pneuma mantique, et qu'alors seule· voir de transformation et d 'éla boration du pneuma U9; enfin les
ment l'enthousiasme se produit IS•• S'il n'en est pas ainsi, ou bien démons, auxquels est dévolu le rôle d'inspecteurs ,et de modérateurs,
la possession divine ne se' réalisera pas, ou bien il se produira un car ce sont eux qui foIlt commencer l'inspiration mystique au mo-
délire effaré, maladif et troublant. A titre de .preuve, il rapporte me·nt favorable et qui l'intensifient ou la relâchent selon les circon-
l 'histoired 'une pythie, qu'on avait forcée contre son gré à monter. stances, veillant à ce que la possession divine se fasse sans douleur
sur le trépied et à rendre des oracles. Les troubles ne tardèrent pas et sans dommage pour la prêtresse 160. Par ce détour ingéni(-ux,
à se manifester: comme elle était remplie d'un souffle muet et no- Lamprias arrive à réconcilier son explication naturaliste avec les
cif 155 elle se démena comme un vaisseau ballotté par le vent, jus- croyances religieuses traditionnelles de manière à mettre sa théorie
qU'au' moment où elle se jeta par terre près de la sortie du sanctuaire; à l'abri' des susc'eptibilités des défenseurs de l'orthodoxie. n
quand on vint la relever, elle était entièrement consciente, mais elle· insiste cependant sur le fait que le caractère divin de l'inspira-
ne se remit jamais de son désarroi et mourut quelques jours plus tion n'implique pas que les oracles soient immuablement liés à
un endroit déterminé 161. Puisque ce pneuma divin est préparé
tard.·
Dans sa critique de la théorie de Lamprias, Ammonius lui repro- 156 PLUT., op. cit., 46, 435 a.
che principalement son naturalisme athée:. si la divination s'expli- . 151 PLUT., op. cit., 48, 436 e: OU yciQ «iteov 1I:0LOÛ,...ev oüô' w.oyov Ti]v J1uvn..
que intégralement par des souffles q~i s'exhalent de la ter:e ~t .qui ;cl}v, iiÀf)v f.tÈv a\rtij TÏ}v 'V'-'xi)v tOÜ c:iv6-Qc!>:ltOU, "to ~' ëv6-ouoUlanxov m'eÜJ1a xal
produisent une certaine transformatIOn dans notre fa culte dlvma- TÏ}v c:iva-thJ ....woLV, otov QQyavcp (1\] :ltÀi}xtQov Wcol)LÔ6vreç.
toire, quel rôle faut-il encore reconnaître aux dieux et aux démons us PLUT., op. cit., 48, 436 f: 1I:Q<OfOV J!Èv yàQ iJ yevvt10aaa yi'\ l'~ clva-thJ ....ui.
\
OELÇ.
153 PLUT., D,e de!. orac., 42, 433 d: 'E~L ~è ôoxEi ....c:U.L<1Ta "tOUlUn}V 1I:QoÇ "to 11S9 PLUT., op. oit., 48, 436 l:. 0 te :ltcio(1V ëv~LÔOÙÇ ICQaoecoç TÜ YÜ xal fJEta6o.

~V"tLXOV m'EÛ~ Àa ....6uvELV oUyxQaolv 'Vuxi) ~ai. ",oUf-Utf);LV: ô:w.v ;t~Oç ~o cpwç ~ Àijç ô-uva ....LV l1ÀLOç, vOJUP1I:a"tÉQoov Oe6ç èonv iJ . . iv. Cl; l'bid., 43, 433 e: 0\ ...mOL
o'VLÇ b~lO;tai}-Èç ylyvOJ.L€VOV • bqrOaÀ ....Oû "tE yaQ EX0vtOÇ Trlv oQanxf)v ~U\'a""Lv, ou- ôo;a~OvtEç &va xaL l'bv aÔtbv Oebv dvaL, dxotoo~ ,A:tOllroVL xaL rii xot.V~ «vi.
ôÈv àVEU cp0)'toç ÈQYov Èoûv' 'l'UXiiç "tE "tO ~vtLXOV W01l:EQ o. . . .
a ~Ei"taL TOÛ OUVE;~ i}Eoav tO XQ"1an1QLOV ot6~ot Ti]v ~uiiteoLv xaL XQciOLV lf'1l:o~iv TÜ 'YÜ l'ov l1ÀLOV,
ct"t"tOVtOç OLXELOU xaL (J11VEm%YOV"toç. - Cf. l'objection d' Ammonio8 contre Lam· «cp' 1jç ÈxcpÉQEcrltm "tà; JA.avnxà; c:iva-thJ ....WOELÇ.
prias (op. oit., 46, 435 b): ~~~ ~È xaL Ouo~v xaL 1I:l)OoEux6~a"tL 1I:ai}-OvtEç 160 PLUT., ,op. cit., 48, 4M f:. meLra l)aiJ.LOVaç È:tlatUTaç xal xeQL:lt6À~ xal
Ê1I:L"tOLçXQf)O"tl}QLoLÇ, El ôuvaJ.uv .... Èv Èv Éa""talç .... av"tLxi)v ai. "'''XUL cpUÀaxaç, otov ciQJ.LOViaç, tii~ xQaoecoç l'a1mJç, l'à tdv avtÉvtaç ëv xaLQcp,·l'à 3' bu·
x 0 .... L ~ 0 U 0 LV, ~ ôÈ xLvoûoa "tau"tf)v, &'ÉQQÇ "tLç Èon xQ<ÏOLÇ 1\ m'w~"to~; "tE{vovr<lÇ, xai. "to àyav ÈxatatLxbv a\rtijç xaL t(lQ<1Xl'LXOv c:icpaLQoiivtaç, l'O 3è XLVY)-
154 PLUT., De de!. orae., 51, 438 a: "O"tav oÙ\' EÙaQJ1Oo"tw~ ixn 1I:Q~ Ti]v "tOÜ nxov cUmcooç xaL o.6Àa6<i)~ l'Olç XQoo,dvOLÇ Xata .... LyvWtaç WcOM:UtOV'CE:Ç, oOOf;v
m'EU~"tOÇ, W01l:EQ cpaQ~xou, XQÙOlV 1) 'Pavtao"tLxi) xaL ....avtlxi) ~-uvaJLLç, Èv "toli ÜÀoyov 1I:Ol.f:LV oùô' c:iôVva"tov M;oJ.lEV.
1I:QO<Jl1l"tEUOUOLV &'vuj'Xll ylyvEuOaL "tov ÈVOOUOUlO ....OV· otav ~È ....i) oÛ"tcoç, ....ti yLyvEO· 161 PLUT., op. cit., 51, 438 e: "Ean ~è Oe{a f.Ù;v OvtOOç xal Ô<u ....OvLOÇ, ou ....i)v

'6a.., 1\ ylyvEuOaL 1I:nQu'PoQov xat oùx &'xÉQaLOv xaL "taQaxnxov. avÉxÀEL1I:"tOÇ, oûô' àqr6<lQ"toç, ouô' &'Yl1QooÇ xai. ~l<lQXi]Ç dç "tOv MElIlOV XQOvov, Ù<p'
lG5 PLUT., op. cit., 51, 43S b: ciJ.w.ou xai. "axoii 1I:VEUJ.lU"t0~ o~ou "'Àl}Qf)ç. ou ~uVTa )(a....vel. "tci JlE"taSV yil~ xai. OEÀ~'''1~, xal"~ fOV ~fd"tEQoV Ào'Yov~
278 LE SYNCRtTI6ME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX
PLUTARQUE 279
au sein de la terre, il n'est pas ~tonnant qu'il soit 'soumis aux vicissI. Avant de terminer cet exposé de la pneumatologie de Plutarque,
tudes des événements naturels. Ce p!leuma peut être éteint par des il est intéressant de comparer sa théorie de l'inspiration avec celle
pluies abondantes, ou dispersé par la foudre. Des tremblements de
de Philon. On pourra de la sorte déterminer avec précision les res.
terre ou d('s affaissements du sol peuvent égaleme·nt y enfoncer ces semblances et les divergences de ces deux conceptions.
effluves ou les faire disparaître totalement: telle est probablement
1. Le 1tVEÙf.1Q 3tQo<J>'lt'lXOV de Philon est, au sens propre du terme',
la cause de la cessation de l'oracle de Del:phes. On cite même un cas
un souffle divin, c'est-à-dire un don accordé directement par Dieu
où toute divination a cessé à la suite d'une épidémie, qui a fait
à des âm€S privilégiées. C'est une participation Spéciale à la con.
périr un grand' nombre d'habitants 182. Toutes ces indications prou-
naissance divine, accordée par Dieu aux dirigeants de son peuple,
:vent à l'évidt:-nce qu'il s'agit bien d'un pneumamatériel, soumis aux
en vue de la fonction morale et religieuse qu'ils ont à remplir:
lois universelles de la nature. D'après un témoignage de Cicéron,
o'est Dieu lui-même qui envoie son pneuma ou qui le retire. - Nous
Chrysippe aurait' déjà proposé une explication analogue de la dis-
avons vu, par contre, qu'Ammonius accusait Lamprias de natura-
parition de l'oracle de Delphes. D'après lui, le souffle divin serait
lisme athée pour sa théorie de l'inspiration, qui éliminait les dieux
également enfermé dans la terre, pénètrerait dans le corps de la
et les démons de manière à réduire cette opération mystique à un
pythie pour stimuler son âme; ce pneuma pouvait évidemment dé-
jeu de forces physiqùes. Il est vrai que Lamprias s'est défendu e~
périr au cours des siècles, comme il y a des fleuves qui se dessèchent
disant que la terre produisait ce pneuma avec l'aide du divin Soleil
ou qui changent leur cours 183. On retrouve dans cette indication
et que les démons avaient une fonction d'inspecteurs et de modéra-
sommaire de Cièéron les lignes principales de la doctrine de Plutar-
teurs Q-ans le délire mystique; mais il est clair que c'est là une
que sur l'inspiration, ce qui prouvequ 'en ce point également
échappatoire: elle sauve les apparences, mais elle ne change rien
'l'originalité de ce dernier est très restreinte.
au naturalisme foncier de la théorie. La manière dont Plutarque ex-
Il résulte donc de cette analyse que toute la pneumatologie de
plique par la bouche de Lampri~s le silence de l'oracle de Delphes
·Plutarque est tributaire de la philosophie du Portique. La première
montre à l'évidence que ce pneuma est inséré dans les forces natu-
signification du pneuma n'est qu'un vestige du pneuma psychique
relles du cosmos et qu'il est donc soumis aux vicissitudes des cata-
des stoïciens, tandis que le pneuma mantique n'a de sens qu'en
clysmes cosmiquE,s. - Il est impossible de ne pas reconnaître toute
rapport avec leur conception du monde et de la psychologie humaine.
la distance qui sépare sur ce point la conception de Plutarque de
C'est pourquoi toute cette doctrine ne s'harmonise pas toujours avec
celle de Philon-: surnaturalisme d'un côté .et naturalisme de l'autre,
'l'ensemble de la philosophie de Plutarque, ce dont nous verrons
ce sont là deux aspects inconciliables.
d 'aill~ul'S les conséquenceS dans ce qui suit.
2. Le pneuma prophétique de Philon, étant une participation di-
recte à la connaissance supérieure de Dieu, est évidemment de la

*.• même nature que la divinité. Or il était dans la tradition de la


religion juive d'accentuer la ~anscendance de Dieu, qui est élevé au-
dessus de la réalité sensible, changeante et mortelle CO~e l '~tre
162 PLUT., op. cit., 44, 434 b. invisible, immuable et . immortel. Le pneuma prophétique possèdera
163 CIe., De divin., l, 19,37: Potest autem vis illa terrae, quae m6ntem Py- donc les mêmes caractères divins, qui s 'oppose·nt diamétralement aux
thlae divino adflatu concitabat, evanuÏ8se vetustate ut quosdam evanuisse et
propriétés de la réalité sensible. Par contre le pneuma mantique de
exaruisse amnes et in alium cursum COLtortos et deflexos videmus. - Chrysippe
a êerit d'ailleurs tout un livre sur les oraeles; ct. op. cit., l, 3, 6. - Le terme Plutarque est indubitablement matériel: c'est un souffle subtil, pro-
men.!, employé par Cicéron, désigne évidemment le pneuma psychique des stoï- duit au sein de la terre sous l'action du soleil, et qui se dégage à
ciens, car on n'a pas à Maiter ici entre l'intelligence et l'âme irrationnelle, certains endroits où' il Y a une ouvérture profonde dans l'écorce ter-
puisque ce dualisme platonicier. était eertfilllement rêpudié paf les atoïeieu restre: c'est sur cette ouverture qu'on installe le trépied où la prê-
orthodoxes.
tresse doit s'asseoir, pour que le souffle divin puisse pénétrer en
280 J~E S\'NCRtTISllE PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX
PLUTARQUE 281
elle. L'influence de ce pneuma se limite également à la partie inTe- qu'on pourrait appeler le caractère irra·tiormel attribué à l 'inspira~
rieure, irrationnelle de l'âme, que Plutarque considère comme pneu- tion. Mais ici également il 8 'agit d'une ressemblance qui comporte
matique à l'e·xemple des stoïciens. Les différentes explications qu'il de nombreuses divergences. Philon nous dit qu'à l'entrée du pneu-
propose dE. l'action du pneuma se présentent également comme des ma prophétique le voüç se retire,' parce que le mortel ne peut pas
processus matériels, nous dirions, en langage moderne, des réactions cohabiter avec l 'immortel: c'est donc que le pneuma prend la place
physico-chimiques. Toutes ces indications ne laissent pas l'ombre du voüç, comme une intelligence d'ordre supérieur, une participa-
d'un doute sur la nature matérielle du pneuma lui-mêm~. tion directe et immédiate au savoir de Dieu. L'inspiration chez Philon
3. Le pneuma prophétique de Philon présente également un carac- est donc irrationnelle en ce sens que l'intelligence humaine ~ 'y par-
tère moral indéniable, .en un double sens. D'abord, il ést accordé ticipe pas, mais elle n'est cependant pas une connaissance instine-
seulemt:'nt à des hommes privilégiés, jugés dignes de recevoir ce don tive relevant d'une faculté inférieure, puisque le rationnel humain
divin à cause de leur conduite irréprochable et en v,ue de leur fonc- est remplacé par un rationnel supérieur. Il n'en est pas ainsi du
tion religieuse. Ensuite, ce pneuma constitue pour eux et pour tous pneuma mantique: celui-ci a pour effet de paralyser le contrôle judi-
ceux qui le reçoivent une aide précieuse dans la conduite de leur cieux et prudent de la raison humaine sur la faculté irrationnelle.
vie $elon la volonté de Dieu: le soUffle prophétique de Philon en Le pne~ma mantique ne prend pas la place de la raison humaine,
arrive ainsi à rejoindre le ~vEÜJ.ta <Jo<pLaç du livre de la Sagesse, qui, mais en l'assoupissant comme un narcotique, il stimule les instincts
en accordant aux hommes une connaissance plus parfaite de Dieu, inférieurs, qui, dans un délire bachique, donnent le pressentiment
les aide également à diriger tous leurs actes et leurs devoirs vers la des événements futurs. L'inspiration de Philon est donc irration-
fin suprême de la vie. En est-il de même du pnauma mantique de nelle parce qu'elle est supra..,-ationneUe, tandis que celle de Plutar-
Plutarque f On pourrait le croire au prèmier aspect, puisqu'il exige que est infr~rationnelLe. C'est pourquoi nous pensons que la con-
formelle·ment qu'il y ait un rapport harmonieux entre la faculté ception de Philon 'se rapproche be'aucoup plus de celle de Posido-
divinatoire et le souffle mantique, pour que l'enthousiasme puisse nius, que la divination de Plutarque. En effet, le philosophe d' Apa-
se produire. C'est pourquoi, ajoute-t-il, la prêtresse doit s'abstenir mée attribue l'inspiration à une élévation du pouvoir intellectif de
de tout commerce sexuel, pour que son corps soit pur et intact 164. la raison, par le fait qu'elle se détache des entraves du corps. On
Cependant, à y regarder de près, cette continE·nce ne présente pas pourrait dire que la doctrine de Posidonius o~cupe le milieu entre
chez Plutarque un caractère moral: il s'agit uniquement d'unE' pu- celle de Philon et celle de Plutarque et se rapproche surtout de
reté corporelle, afin que l'action du pneuma s'accomplisse normale- l'enthousiasme d'E~pédocle 1~.
mE'nt et sans troubles. Nous croyons d'ailleurs que cette condition
165 A. DUATTE, op. cit., p. 24: «Si Empédocle avait connu ou employé
de la continence n'est pas sans rapport avec la façon dont le souffle
le mot ÈvfrEoç et ses dérivés, il aurait pu les prendre au sens propre: chez lui,
mantique pénètre dans le corps de la prêtresse': si tout rapport en effet, l'enthousiasme, le délire eréateur est la maDÜestation du dieu qui
sexuel est interdit à la pythie, c'est sans doute pour que le pneuma habite en nous, qui est notre personnaliM même et qui s'est libéré des entraves
puisse entrer librement dans son corps, sans y rencontrer le moindre du corps •• - C'est pourquoi nous eroyons que R. Heinze (XeftOkrate8, p. 130-
obstacle. 131) a tort de vouloir retrouver eette coneeption posidonienne de l'inspiration
chez Plutarque: «Ân die vollige Unterordnung des MOyoV knüpfte Posidonius .
4. Jusqu'ici nous n'avons noté que des différences entre Plutar- auch die mantische Kraft der &ele, wie wir bereits oben sahen: wie Plutarch
que et Philon. TI y a cependant un point où ils se rencontrent: ce' nach Posidonius.. - Nous ne pouvons pas souserire non plus au jugement
qu'a porté I. Heinemann (op. cit., II, 313) sur l'inspiration de Posidonius
16~ PLUT., De deI. orac., 51, 438 b: Tomrov ÉvEXa, xal auvouoCaç o.yvbv TO om- s'appuyant sur Plutarque: «Es liegt nahè hieraus die Folgerung zn ziehen,
J.W. xal TOV f3Lov oÎ.roç ÙVE:1tlJ.LlXl'OV àJ...Â.oôwtnlç xal ciihxTOV OJ.Ll.Âla~ <pUÂ.o.l"tOUOL dass das mantische Vermogen aussehliesslich eine Funktion des Alogon sei und
Tijç nui)(nç, xaL :1tQo TOÙ XQl)O~l)Q(ou l'à Ol)J.LELa ÀaJ.L6aVOUOLv, oloJ.LEVm T«p OE«p xa- geradezu ein geWÏ8ses Ermatten des Logischen zur Voraussetzung habe. In der
TUÔl)).ov dVnI., ;ton ~v :1tQoocpoQov Ëxouoa xQüow xaL ôLclitEoLV, ci6Àn6m~ irnOJ.LEVE"t Tat ist diese Folgerung gezo~en worden in einer Behandlung der Mantik, ~1l
lOV ivDoUOLno,.wv. dere.q A:bh!iD~igkeit VOD PoseidoQ~Q'. wir Gru!lél habe.q ~u ilaul1ell.~
282 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX PLUTARQUE 283
Cépendant, de même que Philon n'a pas été logique avec lui-même c'est en se tenant pur du contact avilissant de la manière et ne pour-
après avoir attribué un caractère supra-rationnel &u pneuma, ainsi voyant qu'aux besoins les plus urgents du corps qu'il s'était acquis
Plutarque n'a pas de scrupule de s'écarter de sa conception d'un cette souplesse myst~que 168. Nous ne retrouvons donc rien ici de
pneuma infra-rationnel. En effet, dans le 1>18 genio Socratis, il pro- l'irrationalisme du D~ d~fectu, oraculorum. L'inspiration se ramène
pose par la bouche de Simmias une explication de l'inspiration socra- à la révélation interne d'une vérité par une intelligence supérieure.
tique, qui se rapproche beaucoup plus de l'opinion de Cléombrote Il s'agit donc bien d'une communication intelligente et saisie par
dans le De delectu oraculorom et qui donne à l'inspiration un carac- l'intelligence: c'est l'intuition brusque d'une vérité, que la raison
tère frl)Dchement rationnel. Examinant en quoi consiste exactement humaine acquiert grâce à l'assistance d 'un Ôat~6VLOV.
le célèbre l\alJ.LOVIOV de Socrate, Plutarque nous dit qu'il ne consis- Quelle est la part de l'influ.enœ platonicienne dans ces différentes
tait. pas en une vision merveilleuse qui se serait manifestée au phi- conceptions de l'inspiration f
losophe aux moments décisüs de sa vie: c'était plutôt la perception a) Nous retrouvons incontestablement chez Platon ce que nous
d'une· voix ou la saisie· intellectuelle d'une parole, qui l'atteignait avons appelé la conception irratiotnnelle de l'inspiration: celle-ci est,
en dehors des voies normales de la communication humaine 1". C'est d'après lui, une activité à laquelle la raison humaine ne prend au·
donc une révélation intérieure, qui se fait sans que des sons percep- cune part.
tibles par l'oreille, soient prononcés (où <P{}6yyov): le démon agit H importe de remarquer tout d'abord que l'enthousiasme plato·
directement sur l'intelligence sans avoir besoin de cet intermédiaire nicien est beaucoup plus large, et embrasse des domaines plus va·
qu'est l'ébranlement de l'air (avEU <provilç); c'est par la vérité même
qu'il fait entrevoir, .que l'intelligence- est· .immédiatement atteinte
(Ë<pa1['rô~EVov aùnp 1'4> l\1}Âou~Évq> TOÜ VOOÜVTOÇ). Il s'agit donc de
1 rié~ que ce-lui que nous avons observé chez Philon et chez Plutarque.
Il s'étend non seulement à la divination, mais aussi à la création
artistique et au gouvernement de l'état. - Tout ce que les prophètes
l'intuition brusque d'une vérité qui est communiquée immédiate-
ment par le ~at~6VLOV 161.
Cette conception rappelle l'explication posidonienne de la divi-
nation parles songes, qui se fait par la communication directe avec
les âmES immortelles, peuplant l'atmosphère au·dessus de la terre.
Cependant cette communication était plutôt d'ordre visuel, comme
! et les devins font connaître n'est évidemment pas le fruit de leur
réflexion et de leurs recherches personnelles, car ils ne compren·
nent rien de tout ce qu'ils disent 169. Il est, en effet, impossible
qu'un homme usant de ses facultés intellectuell€s parvienne à la di~
vination divine et véridique; mais il faut que la force de son intelli·
gence soit entravée par le sommeil ou par la maladie, ou qu'il l'ait
nous l'avons noté en son lieu: les intelligences, détachées par le som-
meil, voient les empreintes de la vérité dans les âmes.
( dépassée par quelque crise d'enthousiasme 110. C'est pourquoi il
serait mut à fait faux, d'après Platon, de considérer le délire comme
Plutarque note dans la suite que cette communication est possible un mal, puisque les plus grands bienfaits ont été accordés aux hom-
parce que l'intelligence du démon surpasse, la raison humaine et mes par i 'intermédiaire de ce délire divin. Les oracles de Delphes
parce que le voiiç de Socrate se prêtait à cette action surnaturelle.
Que le l\atJ1ÛVLOV ait une perspicaci~é plus grande et une connais-
sance supérieure, cela résulte du fait qu'il est dégagé des entraves
1 168 PLUT., D6 geAlo Sooratis, 20, 588 d: ~Cl)XQa't'et ~à 0 voü~ xaitaQaç rov xat
c:btaihiç, l'ci> Ooll'4't' l'LXQà [l'Tt] 'tcOv dvayxaCcov XciQLV xa'tafUyv\Jç UÜT6v, E'Ûaqri)ç

!
1)V xat Â.emc>ç \ma 'toU nQ~(Jjteo6v't'oç o;Éooç Jl.e-ta6o.Â.etv •••. ·0 ôa 'toü· XQeL't'tO'Voç
d'un corps. Quant à l'intelligence de Socrate, elle était très malléa- voüç «yEL rl)v. EUcpuci "IroXIlv, bnihyycivOO'V l'ci> v01)i}Évn, ~Â.t}yiiç ~Tt bEOJ'ivtlv.
ble au contact du démon, grâce à l'ascèse à laquelle il s'était soumis: 161 PLATON, ..4.pol., 22 e: "'EyvOO'V oU\' aù xa, 1tEQll'cOv ~Olt}t;cOv f:v oÂ.lyfP 'tomo,
on aU oocpCq. 1tOlOtn a ~OLOtEv, àJJ.à <pUOE' l'LV, xa, f:v6-OUOLa.~OVTEÇ romcEQ 01 OEo-
166 PLUT., De geftw Socratis, 20, 588 e: "OOEV f)~iv ~aQLaT(l'to, OX<mOU...,tvOlÇ JUiVtt:~ xal 01 XQt}0fUPôo(' xaL yàQ 0Ù't'0~ UyOUOL JA1;v ~oUà xal xcWi, foao,"" l)à
~lq. ~QoÇ àJJ.lÎMuÇ \ntovoEiv, ~lÎ~O't'E 'to ~ooxQ(houç Ôa\;~OVLOV aUxih"LÇ,ciÀÂ,à aUôÈv rov UyOUOLV.
<p<oviiç 'twoç a'La-6T)oLÇ, " Â.6you VÛT)OLÇ ELt}, cruvO:tlovtO~ àto~q> nVL 't(,)MCP ~QoS 170 PLATON, Tim., 71 e: aUÔE~ yàQ Ëvvouç ËcpWt'tETaL JUlV'tLxijç Ëvôiou xnl eUt}.
amov. 'Ôoüç, ôJ.X" xn'Ô' Wtvov rl)v riiç cpqovl}OE~ ~~Ô1li}E~ Ô1J\'(ltUV ~ ôla; vQoov, Tt ô~
161 P~vr., De genio 8oçratis, 20, 5eS e, TLva ivôouoLClO"JWy 1t«Qa.UciS~.
284 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX PLUTARQUË ~85
et de Dodone en portent le témoignage: c'est pendant leur délire" d'État, puisque c'est grâce au souffle du die·u qui ies possède, qu'ils
que les prêtresses de ces sanctuaires ont fait leurs prédictions e.t ont arrivent à dire et à faire de grandes choses sans rien savoir de ce
rendu par là les plus grands . services aux individus et A l'état; la dont ils parlent (f.11')8èv dôdtEÇ WV ÂÉYOU(JLv) » 175. Il n 'y a donc pas
même chose peut se dire de la Sibylle et de tous les autres devins de doute que pour Platon l'élimination de la raison humaine est la
qui, en dévoilant les secrets de l'avenir, ont dirigé les actions d'un condition indispensable de toute inspiration divine, dans quelque
grand nombre d'hommes 171. C'est que cet dfacement de la raison domaine que ce soit. A ce point de vue il y a donc un accord par-
est la condition nécessaire de l'inspiration divinatoire. Il en est de· fait entre la conception platonicienne de l'enthousiasme et oolle de
même de la création artistique. Platon dit à ce sujet avec un~ finesse Philon et de Plutarque.
remarquable: « c'est chose légère que le poète, ailée, sacrée; il n'est b) Mais il nous faut voir maintenant en quoi consiste l'inspiration
pas en état de créer avant d'être inspiré par un dieu, d'être hors elle-même. En d'autres termes, nous devons essayer de déterminer
de lui (ËXq>QClW) et, A moins de n'avoir plus sa raison (xal ô voü; J.L1')xÉtl si cette connaissance d'ordre supérieur est le fait d'une faculté irra-
ËvavTip bii); tant qu'il garde cette faculté, tout être humain est tionnelle et instinctive, ou bien si elle doit être attribuée à une intel-
incapable de faire œuvre poétique et de chanter des oracles» 172. ligence plus élevée qui prendrait la place de la raison humaine.
-Et un peu plus loin: «Car ce n'~t point par l'effet d'un art qu'ils Ici l'examen devient beaucoup plus délicat, parce que les indica-
parlent ainsi, mais par un privilège divin, puisque,s 'ils savaient tions ne sont pas très nombreuses et surtout parce qu'elles ne sont
en ve·rtu d'un art bien parler sur un sujet, ils le sauraient aussi pas fort précises, de telle sorte qu'on peut les interpréter dans les
pour tous les autres. Et si la Divinité leur ôte la raison (<> SEOÇ È~al­ deux sens. Ainsi Platon parle d'une motion divine 178, d'une inspira-
QOUJ.LEVOÇ 'tOlrrwv tOV voü,,) en les prenant· pour ministr~, comme les tion divine 171, d'une possession par le dieu 178. C'est là un langage
prophètes et les devins inspirés, c 'est pour nous apprendre, à nous imaO'é et il est difficile de déterminer la portée exaete de ces
o
les auditeurs, que ce n'est pas eux, qui disent des choses si précieu- métaphores. TI y a cependant un passage de l'Ion., que nous avons
ses - ils n'ont pas leur raison (0I; voüç J.Ll) 3UIQEatLv) - mais la déjà cité, où Platon donne des indications moins vagues. TI dit que
Divinité elle-même qui parle et par leur intermédiaire se fait enten- Dieu ôte la raison aux poètes inspirés et se sert d'eux comme minis-
dre à nous» 173. tres (toutOLÇ XQijtaL ûJtTlQÉtaLÇ): puisqu'ils n'ont plus leur intelli-
Platon en dit autant des hommes politiques qui excellent dans le gence, ils sont devenus des instruments dociles dans la main de la
gouvernement des états. Ce n'est pas par une habileté humaine ni Divinité i les paroles qu'ils profèrent ne leur appartiennent donc
par une science étendue et profonde qu'ils pourront s'acquitter di- pas, c'est Dieu lui-même qui parle et qui se fait entendre pal' leur
gnement de cette tâche: « à l'égard de la science, ils ne diffèrent intermédiaire (6 SEO; U,'t6ç Èanv ô Uywv, 8Là toutWV ôÈ q>3ÉYYEtaL
en rien des prophètes et des devins; car ceux-ci disent souvent la JtQo; "J.Léiç) 179. Et un peu pius loin il ajoute « que ces beaux poèmes
vérité, mais sans rien connaître aux choses dont ils parle·nt ('{aaal ôÈ n'ont pas un caractère humain et ne sont pas l'œuvre des hommes,
"ùôÈv WV ÂÉyouow) » 174. C'est pourquoi les ho~mes d'État doivent mais qu'ils sont divins et viennent des dieux, et que les poètes ne
égalEment être considérés comme des inspirés: « Nous aurons donc sont autre chose que les interprètes des dieux, chacun étant possédé
raison d'appeler divins ceux dont je parlais, les prophètes, les de- par celui dont il subit l'influence» 180. Nous croyons pouvoir con--
vins, tous ceux qu'agite le délire poétique et nous ne manquerons
pas d'appeler divins et inspirés plus que personne les hommes 115 PLA.TON, MéMft, 99 cd, trad. CBoI8ft-BODIN, p. 219.
J

178 lOftI 533 d:. OeLa. 38 3wa.....&Ç 'fi en: x,vei.


171 PLATON, Phèdre, 244 ab. 111 Méfuml 99 d: btCmoouç &vtaç.
172 PLATON, 10ft, 534 b, trad. L. MtRIDIER, Paris, 1931 (Les Belles Lettres), ln MlfUm, 99 d: Xa.T8X0fAÉvouç Ëx "Co;; Otoù. - 10ft" 53-i é.
p. 36. Nous avons retouché 1égèrement cette traduction. 179 10ft, 53~ e.
173 PL.!TON, Ion, 534 cd, trad. L. MtRIDIER, p. 36. 188 1011., 53' e, trad. L. MtRIDIlŒ, p. 36-31: oUx àvDQwn:LVU la'tLv "C4 xa.1A
114 PLATON, Mén.on, 99 c, trad. A. ÇRQISET et f,.. 13QDIN, Pllris~ 1941 (Le" TaÙ'ta 1[OLtjJ.W.Ta. oMi dvDQo)1tcov, c1llà Oda. xa.i. Oe<Ïlv, ot 38 "m'lTai. c"J3èv ùU' ~
»ellell Lettres), ~. 278, i",J.L'lvij~ elaLv TOOv Oewv, xa.nxoJ.&SVot. È; o'tov civ ëxa.moç KO'tÉX'lTUL.
tE SYNCRtTmΠPHILOSOPHIQUE ET RELtGmllX tts GN6sTIQU~S 287
286
clure de ces textes que J'inspiration, d'après Platon, ne résulte pas croyons-nous, la véritable raison, pour laquelle on në constate pas
de la stimulation d'une faculté irrationnelle et instinctive, mais d'évolution du pneuma dans le sens du spiritualisme chez Plutar"
d'une véritable possession divine: si l'intelligence humaine doit se que.
retirer, c "est pour céder la plaCe à la Divinitâ~ qui s'empa~e
du corps et des facultés inférieures de l'homme pour s'en servIr
4. LES GNOSTIQUES.
comme d'un instrument. Platon considère donc la divination, la
création artistique et le gouvernement de l'Etat comme des activités Dans son étude sur l'origine du gnosticisme, W. Anz _cherche
supra-noétiques, où la raison humaine est supplantée par une intel- d'abord à découvrir les caractères essentiels de ce mouvement phi4
ligence supérieure. Cette· conception s'accorde bien avec la théorie losophique et religieux, qui s'est répandu dans tout le monde civi4
de l'inspiration de Philon 181, mais diffère notablement de celle de lisé aux premiers siècles de l'ère chrétie-nne. En se basant sur l'hym4
Plutarque. ne des Naasséniens transmis par Hippolyte 182, il les résume de la
..• -
façon suivante: la yvw<J!.Ç est la connaissance du chemin qui conduit
de la misère terrestre au Dieu suprême, des Éons que l'âme doit
traverse·r, et des Sacrements qui la mettent en état de faire ce voya-
Au point de VUe de la spirituaUsatiofi du pneuma, il résul~ de
ge l83• Quand l'âme est enfin libérée de sa prison corporelle, il lui
l'analyse que nous avons faite que. Plutarque ne réalise aucun pro-
reste encore un long et pénible voyage à accomplir; car, pour arri-
grès. Sa pneumatologie .est presque totalement empruntée à
ver à l' 'Oy~oaç,le lieu de sa destination et de son bonheur éternel,
la philosophie du P<?rtique et elle n'a pas été vraiment intégrée
elle doit tra.verser les royaumes des sept Archontes, qui veulent
dans l'ensemble de sa pensée. C'est à dessein que nous ne parlons
chacun l'arrêter dans sa marche ascendante. La gnose a pour but
pas du système philosophique de Plutarque, paree. que ses concep-
de prépare·r l'âme à ce voyage suprême et de lui fournir les mots
tions n'ont rien de systématique. Aussi a~'t-il pu reprendre
de passe, grâce auxquels toutes les portes s'ouvriront et les bar-
la pneumatologie matérialiste du Portique, sans être frappé du con-
rières seront rompues. En effet, si l'âme fait preuve d'une connais-
traste qu'elle présentait avec ses idées platoniciennes; le spiritua-
sance supérieure concernant sa. propre origine et la nature des ar-
lisme de Platon n'a· pas élevé chez lui à un niveau supérieur la doc-
chontes, aucun obstacle ne pourra plus l'arrêter dans son ascension
trine du pneuma, parce que le stoïcisme e·t le platonisme n'ont pas
"\ters la lumière.
été réellement fondus en un seul système de pensée. C'est là,
ltalgré le caractère· mythologique et syncr~tiste de ces doctrines,
181 PmLON, Quü rer. di". 'here" 264: Ec.oç f'h oÙ\' nEQWlJ.UtE" xal nEQ~oÂd
le gnosticisme est une expression auth€·ntique et bien caractéristi..
i)l(i)v 0 VOÜC; )4EO'r}J!6QLVOV ota. rpf;yy~ Etç ntiao.v ri)v ",",xliv avo.xÉrov, Év Éo.Vt'OL; que du sentiment religieux de œtte période· et des aspirations pro..
Ovr~ où 'Xanx6f1t'Ôo.· btE~àv ô! nQo~ ôua~ yévY)'tu", xa'tà 'to dx~ lxO'tual~ fondes de l 'humanité à se dégager des entraves des passions et· des .-
~uL f) ËvftEoç t"'(~me:" ~u'tox(J)X1Î 'tl! 'KaL fW.VLo.. ·Oiav fÙV yàQ cpoo~ 'to geiov btL- soueis terrestrés en ne d'atteindre une \'Îe pluS pure, plus libre et
MiJ1'I"D OOtto." 'to àvtQw""vov. (S'tuv Ô· l"e'tvo Mt)'tUL, 'tOÛl" UvCaXE" 'KaL ava'tÉUE&..
Cf •. LUCAIN, Pha"., V, 161 ssq.:. 182 PAilH., V, 1, 10, p.
184:: Jésus décrit ie but de 1& Ïniuion· colllllle sttlta
. Tandem contenita \'irgo
GCpQayiôaç iXCOY XCl't(61)aOf'CI' .
confugit ad tripodes vastisque addueta eavernis .'alci)vaç olouç 3w3eVoco - .
haesit et invito concepit pectore numen, 1'''cm1Q14 ncivto. 3LUVOL;(O
quod non exhaustae· per tot iam saeeula rupis f1OQ~ 3i 9tmv btI.ÔEt;Q)
spiritulJ inges8it vati, tandemque potitus
'KaL 'tci KEXO"J1tdva Tii~ ciyCa.c; ·6300
peetore Cirrhaeo non unquam plenior Artus yvooaLv xal.ia~ n~Mwaro.
Phoebadoll iuupit PaefUl mentemque prioreDl
183 Zur Frage tulch dem U"prv,iag de, GftOitWmu.., teiplt&', 1891 (Text,
expulit atque hominem toto Bibi cedere iussit
u<1 Unter8uehUngen, B. XV, H.4:) •
. ~tore.
2SS
plus heureuse. Du point de vue de l 'histoire de la pensée hmna.iae, re pnèuma· s'est épris de J.1ct,~ et les deux principes êternels se sont
les aberrations les plus grossières ne manquent pomt ,d'intérêt. Nous u~is par un désir réciproque: c'est à leur union que la création tout
devons donc essayer de recueillir, dans ces spéculations hétéroclites entière doit l'existence 188. Nous s·uivons dans cet exposé le texte
et dans ces pratiques souvent obscènes, des indications précieuses d'Eusèbe, tel·qu'il a été corrigé par W. Scott. Si l'on ne tient pas
sur les conceptions théologiques et psychologiques des hommes de compte de ces corrections, les principes éternels ont d'abord produit
cette époque. une divinité· iéminine", qui s'appelle JA.Wt, et qui œt la mère de tout
En effet, si l'essence du gnosticisme est telle que nous venons de J ce qui e'xiste 187: à ce point de vue il y àurait ·un parallélisme frap-
la décrire, les adhérents de ces sectes philosophico-religieuses ont pant entre cette cosmogonie phénicienne et celle des Nicolaïtes, dont
été amenés naturellement à construire tout un système psychologi- nous parlerons· dans la suite. Cependant leS· autres termes que San-
que et eschatologique, concernant la nature de l'âme et sa destinée chuniathon rapporte pour désigner cette divinité, font plutôt voir
après la mort. De là aussi leurs spéculations théologiques par rap- en elle un principe amorphe et indéterminé.
port à l'organisation du monde supra-terrestre et des divinités qui - Cette cosmogonie phénicienne apparaît tout d'abord comme une
1'habitent. C'est dans les élucubrations de ce genre que nous décou- traduction mythologique de certaines conceptions stoïciennes: en
vrirons leur doctrine du pneuma, qui y joue un rôle important. effet, la doctrine du pneuma, principe forme·l et actif du cosmos,
Nous essaierons, pour la clarté de l'exposé, de ne point mêler les est certainement stoïcienne. D'autre· part, l 'opposition d~s deuX ·prin.
différentes tendances qu'on peut discerner dans le gnosticisme. cipes, telle ·que nous]a trouvons dans la philosophie de Zénon, est
Nous traiterons donc successivement des différe·nts systèmes qui probablement d'orIgine orientale; puisque Zénon était né dans l 'lle
nous intéressent et nous donnerons pour finir une vue synthétique de Chypre, cette influence de l'Orie~t n'est guère hypothétique: de
de la pneumatologie du gnosticisme. sorte· que nous aurions ici ·des conceptions originairement orie·nta-
1. En exposant la pneumatologie de Zénon de Cittium, nous avons les, qui ont ·subi l'influence de la philosophie du Portique. Cette
vu qu'il admet à la source de la réalité tout entière deux principes, interprétation est confirmée par les accointances que nous y trou·
qu'il distingue nettement des quatre éléments en ce qu'ils sont éter- voris avec. le récit biblique de la création du monde, où il est égale-
nels et n'ont pas de forme déterminée. Ces deux principes .ment question d'un pneuma qui plane sur les eaux (Gen., l, 2:
sont la matière,. plasticité pure, et le pneuma, principe formel et _xut ltVEÜJLU OEOÜ 61C~<PÉQEtO È1Cavro TOÜ Ü~UTOÇ).
actif qui, ordonnant cette substance amorphe, donne naissance à la
variété admirablement harmonieuse du cosmos. Une conception ana- Une cosmogonie analogue est attribuée par Épiphane aux NicoZai..
logue se retrouve dans la cosmogonie phénicienne de Sanckuniathon, ~es, avec ce·tte düféren.ce toutefois que le caractère mythologique '1
qui, d'après W•. Scott 184, date du premier siècle de l'ère chrétienne.
On y distingue également deux principes, qui sont à la source de xaL 8ui "mlÀùv utrovu fAo-ia lXEI.V m~. Dana 1'Mition de W. Seott le iigae <> est
l'univers tout entier: un pneuma sombre et un chaos ténébreux, qui ~mploy' pour· des textes· ajoutés par l'auteur, tand.i8 que les. doubl. crocheta
s'appelle J.1WT: certains désignent ce principe matériel par le terme .< <.signifient que le. pa888ge qu'ils enterment, iuâ~ dans les maiau.eerita 1 une
11l·utre plaee, est maintenant- replaetS lA où il doit être. Le [] indique que l'auteur
'IÀuç, o'est-à-dire la fange; d'autres enfin le considère·nt comme un
eonaidère le texte· eomme devant· ê·tre supprim', tanclie que le signe [ ] d6iIgne
mélange aqueux putréfié. Cp,,8 deux principes sont infinis et sont 'que le. paasàge en question doi~ êtretransl6~ A 1lD. autre endroit.· .
restés longtemps sans limitation ·aucune 185. A un certain moment .~ ·188 i.Herinetiéa; II, 1~2: ·Ota ~é cp1JOLV, -ItQCiafh) <,,00 fl'Ïrt> Tb ~fI4, '((i;v
<à>~Cœv CÏQX(i;v [xaL] Ëyive'to aUyxQacnç • «xat» .,. <auJl>~ bd-
184 HermeUca, Oxford, 1924-36 (4 vol.), II, p. 118. -:vrJ. ÉXÀljih) n6-&o~; Am; ~ÈÛQxil XTLaEroç d:ccMrov· [airrb 3~ oUx iy{vcoaxt TÏ)v
1815 Hermetica, II, p. 112 (E·unDE, Pfat:par. e1Jang., 1, 10, 1 (33 b) ssq.): amoü xdcnv·] xaL lx 'file; [aô)'foü <JUh"> O\IJUCl.oxij~ <xa.l> TOÜ XYEÛ)J4Toç iyé-
'.ri)v Trov oÀrov àQxi)v intoditE'taL (aeil. 0 ~ayxovvul-&rov) <ÏiQa tocpoo31) xaL mEU)J4- .\'rio [.,.roT· ToiitO n~ q>aaLV ll:Uv, oi 3è ûOO.'(rooo~ Jl~Eroç oij'PLV] [xaL Èx "aU.
T<OO1') f) ~«»1v OlQ~ ~oq>ro~~ ,~i. xao~ 80MQOv lQE6<Î>~E~.<Ô xaÀ&tTaL> < <l'roT" 'Ï1}c;] nciaa· cmoQà. "Tl~roc;; K~L <aÜTT» ymoLc; ,,(i;v OMov.
'(OVtO TLVi~ q>aow o.w, OL~' v~unQ~ou~ fAoC;Ero~ oij'PLV > >. To.Ù'Cu ôè dvo., Wt&'Ou 187 BOUSSET, Hauptprobleme der GtaoN, Gœttingue~ 1901, p. 105.
il

.....
~90 LÉ SYNcRtTISm1 PriILOSOPHIQUÉ ET RÉLIGIËUX tËs GNOSTIQtffiS
est encore plus accentué. On y trouve également deux princip~à que et amorphe, qu'il· anime et dont il pétrit toutes les réalités cos'-
la source de tout le réel: un élément matériel, désigné par les termes miques. TI n 'y a donc pas, comme dans la religion perse, un anta-
(J)uSto;, ~u{}oç ~t üôroQ, et un principe formel, qu'on appelle m'EÜJ.l0 gonisme irréductible entre les deux premiers principes; leur rela-
et qui exerce dans le chaos ténébreux une activité ordonnatrice. Ce- tion est plutôt celle de matière à forme: un chaos ténébreux et un
pendant les ténèbres s'insurgent contre cette influence étrangère, principe d'ordre. Cependant la manière dont on se représente ce
elles parte·nt à la rencontre du pneuma, s'unisse'nt à lui et engen- dernier correspond bien plutôt au pneuma stoïcien qu'à la forme
drent une divinité féminine, la matrice du cosmos, qu'ils appellent aristotélicienne. Il. suffit de remarquer à.ce sujet que, dans la cos-
M-.] tQ0 88. Celle-ci est fécondée à son tour par le pneuma, et met au mogonie de Sanchuniathon, il est dit expressément que les deux
monde quatre Éons, qui en produisentà.leur tour quatre' autres principes sont illimités. Zénon dit également que ni la matière ni
(ou, selon le récit d'Épiphane, quatorze). A partir de ce moment, les le pneuma n'ont une forme déterminée.
éléments essentiels de l'ordre cosmique sont réalisés: on peut distin· Puisque le pneuma s'unit d'abord aux ténèbres et ensuite à la
guer déjà le côté droit et le côté gauche, la lumière et l'obscurité 189. M~'[Q(l,il en résulte évidemment que ce souffle divin passe dans la
Jusqu'à ce point la création du cosmos se. fait suivant une évolu- réalité cosmique tout entière. A cela se rattachent certaines concep-
tion harmonieuse. A un certain moment cependant, on ne voit pas . tions mythologiques des Nicolaïtest d'où l'immanence du pneuma
très bien par quelle cause my~térieuse, un mauvais Éon est engen- divin ressort avec évidence. En effet, leur culte s'adresse principa-
dré: celui-ci a des rapports sexuels avec la M~tQo et leurs rE:lations lement à la mère divine de l'univers, qu'ils appcUent B(lQ6~ÀCJ).Cell~
étant fécondes, il en naît des dieux, des anges, des démons et sept ci, habitant la huitième sphère céleste, à un fils orgueilleux et
esprits (XVEUtlota) 190. rebelle, qui étend son pouvoir autocratique sur la septième sphère.
D'après cette cosmogonie, le pneuma est également le principe sans vouloir reconnaître l'autorité suprême de sa mère. EUt·, pour
formel de tout le réel: il ne trouve devant lui qu'une matière plasti- se défendre contre son fils, que certains appellent 'I(lÀ~(l6aw3 et d'au·
tres ~o6ow{}-, essaie de dérober aux archontes leur force vitale, con-
188 ÉPIPHANE, Panarion haer., 25, 5, K. HOLL, p. 272, 18: ...AUOL ôÉ 'tLVEÇ È; jienue dans le sperme, pour recueillir ainsi les parcelles de la puis-
o.Ù'twv xawu TLVo. bvO~lO:ta ù.vwtw:nouot, MyovTEÇ on OXOTQÇ ~v xo.l ~lJ'6oç xo.L
sance divine· éparpillées dans le monde 191. A cdte conception se
ü6ooQ, 1;0 flè m-riil'U ù.vù JLioov TOmroV flLOQtOJ!ÔV btoLiJoaTo o.Ù'twv ; TO flÈ axOTQÇ ~v

!
Xo.ÀVto.ivov TE xaL lyxOTOÙV "t<p ~VElll'UT(xat ÈyÉvvr)OE, cp1)OLV, 'TLVÙ Ml)"tQa..v ~aJ..1)U~­ rattachent également les actes obscènes, auxquels les Nicolaïtes s'a-
VT)v, ilnç YEV'YTI'Ôdao. ÈVEXlaCJl)OEV Èv 0.Ù'tq> Tq, :7tVElll'Un. - Cf. FILASTRIUS, Haer., donnent dans leurs réunions religieuses : les épanchements de sper-
33, 3 8Sq., p. 18! 8 sBq., MARX (ÉPIPHANE, Panarion, ed. HOLL, p. 272 note): Di- me qu'ils provoquent, ont pour but de rendre à Barbélo les étincel-
eunt autem et dogma poncnte~ ista: ante, inquit, erant solum tenebrae et pro- les de son pouvoir divin dispersé dans le monde 192.
fundum et aqua atque ex bis divisio facta e&t in medio et spiritus separavit
Ces pratiques s'accordent parfaitement avec le traducianisme du
baec elementa. Tune ergo tenebrae inruentes in spiritum genuerunt quattuor
aeones et isti quattuor genuerunt alios quattuor aeones. Portique, suivant lequel une parcelle du pneuma paternel est· con-
189 ÉPIPHANE, Panarion,. 25,. 5, Hor,L, p. 273, 2: 'Ex ôè Tilç· MiJTQQ.Ç ~QoE6Â:rl­ tenue dans le sperme et est transmise à l'enfallt. _EIl. effet, cettè
'Ôf)ouv 'lWEÇ TÉOOO(>EÇ o.twvEÇ, Èx flè Tdw TEOOclQrov o.LroVroV aU.oL aExaTÉooQ,QEÇ, xo.L idée que le sperme est pneumatique est universellement admise par
yÉYOVE flESW TE xaL ÙQLO"TEQcl, q>wç xo.l OXOTOÇ. - Cf. FILASTRIUS, op. cit., leS disciples de Zénon. On la retrouve également chez les Harcosiens,
33, 3 8Sq., p. 18,' MARX, dans ÉPIPH., Panarion, ed. HOLL, p. 272 note ~ Tune
selon ~esquels le pneuma prophétique peut être transmis par des
ergo tenebrae inruente8 in spiritum genuerunt quattuor aeones et isti quattuor
genuerunt alio8 quattuor aeones. Hoc autem dextra atque sinistra, lux, iDquit, rapports sexuels 193. D'après E. Bethe, des pratiques analogues
sunt et tenebrae.
190 ÉPIPHANE, Panarion, 25, 5, K. HOLL, p. 273, 5: ;;OTEQOV flè f.1ttù ~UVT~ 191 'ÉPIPHANE, Panano", 25, 2, HOLL, p. 268. - Cf. H. LUSEOANG, D~ GM-
'tomouç ~Q06E6ÂijcrOa' Twa o.taXQov olwva, ftEJ.liX'Ôo.L flè TOÙ'tOV TÜ MiJTQq. TÜ clVW N, p. 187.
1tQOflEÔl}À.WJLÉVD xaL EX 'tomOl! TOÙ o.tiOvoç TOÜ o.toXQoü xo.l Tilc;, Ml)TQQ.Ç YEYOvivo., 192 ÉPIPIlANE, PaftarWft, 26, 4:-5, HOLL, p. 280 uq. Cf. H. LUSEGANG, Dw
OEOUç TE -xai. o.yyÉÀ.ouç xal flalJ.lovQ.Ç xo.l mTd m'EUtwTCl. - Cf. BOUSSET, Hav.pt. Gft.ON, p. 190 88q.
proble~ der Gno,i&, p. 103 8Sq. 193 IBiNtE, l, 13, 3, PO, 7, 581-584.
LË AYNCRi~TJ.RMË piiItôsOPHiQuË ET :kËtl0IËUX LES GNOSTIQUES 293
étaient déjà connues da'ns l'ancienne Grèce et se retrouvaient dan~ seur de notre souffle vital comme condition nécessaire de la santé,
la pédérastie, où' le courage (&QEt~) de l'adulte àdmire était trans- alors qu'on met généralement l'accent sur sa subtilité.
mis au jeune garçon par des relations sexuelles. C'est dans ce sens Dans ces différents systèmes gnostiques le pneuma désigne donc
qu'il faudrait comprendr,e le terme ELO'3tVELV, usuel dans la. demande la divinité suprême ou le principe formel du cosmos. On lui oppose
du je-une garçon adressée à l'adulte av,ec lequel il voulait entamer un autre principe, matériel et amorphe, qui se laisse pénétrer et
des relations amoureuses. On était donc convaincu que, dans ces rap- pétrir par ce souffle divin. Bien qu'on ne le dise pas expressément,
ports charnels, l'homme communiquait vraiment son 3tVEÜ!!(X 194. le caractère matériel de ce pneuma n'est pas douteux: c'est un souf-
Ce qui est propre aux gnostiques, comme nous le verrons plus loin, fle matériel, qui anime la matière chaotique et plastique.
c'est qu'ils essaient de dégager ce pneuma divin des liens terrestres
2. Certains gnostiques, au lieu d'admettre deux principes à la
et de le rendre à sa source. L'immanence du pneuma dans le cos-
s?urce de tout le réel, en admettent trois: c'est le cas d.eS Séthü)n.s,
mos est donc, chez les gnostiques, toujours instable, précaire ct
dont Hippolyte nous a conservé les conceptions principales 196. Ils
provisoire, alors que, chez les stoïcie·ns, elle est éternelle, même si
reconnaissent, à côté de la lumière (q>w~) et des ténèbres (ax6t'oç), un
des cataclysmes périodiques viennent· détruire l'ordre cosmique.
rôle spécial à un pneuma pur, qui ne résulte pas du mélange des
C'est que les gnostiques ont subi également des influences pythago-
deux principes précédents: 1tVEÜJ1U à,dQuwv. Ce souffle subtil occupe
riciennes, suivant lesquelles le corps doit être considéré comme la
une place intermédiaire entre la lumière, qui est établie au-d€SS1lS
prison de l'âme. -
de lui, et :les ténèbres, qui sont en-dessous. Sa nature n'est guère
Plutàrque parle également de certains Égyptiens, qui identifient
comparable à un vent imp'étueux QU à une brise légère et caressante,
le pneuma avec Jupiter, le considérant comme- la divinité suprême.
mais à la diffusion lente d'une odeur agréable 197. Ce pn(mma n'est
Cependant ce dieu pneumatique n'a pas les mêmes caractères quc
donc pas' enfermé dans les limites de cette zone intermédiaire: elle
le souffle divin des stoïciens, puisqu'il s'oppose à un principe- sec
n'a pas de parois étanches, qui empêcheraient toute communication
et igné: il ne s'agit donc plus d'un souffle subtil et chaud, mais
avec la zone inférieure ou supérieure, mais, de même que la lumière
plutôt" d'un pneuma humide, qui se nourrit sans doute des exhalai~
envoie ses rayons brillants dans l'obscurité, ainsi les ondes de ce
sons de la mer 195. Cette transformation de la. nature du pneuma est

!
parfum subtil se répandent dans toutes les dir€ctions et pénètrent
due évidemment à la situation géographique de l'Égypte, où la
dans la ·zone inférieure 198•. Comme les ténèbres ne sont pas sans
fertilité du sol est conditionnée par l 'humidité et spécialement pa'r
les inondations du Nil. Il n'est pas difficile de comprendre que·, pour
198 D'après E. Amann (Dict. de TMol. Cath., XI, 1065-1067) les &Sthien.
un Égyptien, la sécheresse et"la chaleur sont ennemies de la vie, alors !
&Ont une Becte .gnostique, appartenaD,t au groupe des Ophites et remontant pro-
que l 'humidité des oasis est le symbole de la croissance et de la fer- bablement au deuxième lièele de l'ère chrétienne. E. De Faye y voit plutàt un
tilité. Nous avons trouvé déjà une déviation' analogue de la doctrine . mouvement gnostique tardif. '
commune au sujet du pneuma chez Érasistrate, qui insiste sur l'épais- 197 HIPPOLYTE, BtJftdatio Mn"","" haef'e,ecm, V, 19, WD'DL.Um, 116: al -31
"CcOv UQXciv, cp1'ICJLV, oUoCœ cp(i)ç'xal cnc6"Coç, "CoUt'oov 3é icnw I:v f'Éacp xveüJ.ICI &xi-
194 E. BETHE, Die àorische Knabenliebe, Rheinisehes Museum, 62, 3 (1907), Q<UOV • "Co 3è moWJA4 "Cà "CnuyJ'ÉVoV I:v ,uacp "Cm; cncMouç, ~ leni. xci"Cco, xal "COÜ
p. 461: ,« Dio Spartanerknaben baten also den bewunder~en Mann « ihnen ein~ cpœ"C~, &œq lady üVO), oôx lan xveüJA4 ~ UvifAOU 6un) ij 1um1 "C\Ç ~ VOYf6ii-
.zuhauchen» (EtOM'eLv). - Wast - Man kann kaum ein .anderes Objekt ergiin. 'YUI. 3~, cUl' otoyd JlVqou "CIÇ OcsJl~ ij 9uJl&4JA4"Coç èx cnrv&iouoç ~

zen aIs das, was man haueht, m'EÙf,W, animam, Seele·. Die Mannighaftigkeit, die aojdvou 1mri) 3lO3eUouaa Wval'IÇ àY81nV01)"Ccp. "Iov\ xc:d XQdn<m ij 10ycp leni."
«ÎQEnl des Helden wünschten die Knaben zu gewinnen, und dic steekt doch nur i;euœiy dKo3Ccx.
in der Seele, sie muss eben die Seelo selbst sein». 198 HIPPOLYTE, BtJftd., V, 19, WENDLAND, p. 116: "oUl1in); 31 O'Ücn)ç- 'rijç
lOG PLUT., De lside et Osiride, 36:. d(a ltSV yà.Q AtyU1t1:toL 1:0 m'E'Ùf.l.CL Ka,,"oû- 3uvuJ.leQ)Ç "Cciv 3LUQ11,dv<ov "CQLXWç, "COÜ nveûf'4"Coç ,",l "COÜ cpœ"C~ Of'OÜ fa WvatUç
OLV, <I> 1toAÉJ.LLOV 1:0 aÙXf.l.llQov xaL 1t'UQoo8ec;' 1:omo 8è ij,,"LOC; f.l.Èv oùx' ÉO'1:1:, 1tQOC; 88 ËatLy I:v "Ccp cnconL "Cip xa"Coo-6ev U'ÜTciv "Ce'taytdvcp· Tà 3è cnc6"Coç OOœQ lad cpo68-
ij,,"LOV ËXEL 'tLvd OuyyÉvElCLV. OH 88 uYQ01:t)C; o6ewUO'UOCL)tjV {m:EQ6oÂl]v 't'ijc; ~llQo't''r}­ QOv, e~ 0 xaucmacnaL xal f'e"CevtiYe1Cl~" eI$ dt v "Co~v cpOOLV f'e"Cci "C9V m'rif'«-
'toc;, a'ÙsEL xaL Q(AlVVUOL 't'à.e; clvaih'f.l.u1.0ELÇ, u<p' iliv't'o 1tVE'Üf.l.tf 'tQé<pE't'UL xat 'té{}llÂev. toç:"Co cp<Ü$.
LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX LES GNOSTIQUES 295
294
intelligence, elles n'essaient pas de se débarrasser· de ce souffle su- rappelent directement le récit de la création du début de la Genè-
périeur, comme d'un élément étranger, mais elles tâchent par tous S6 202: le pneuma divin qui plane sur les eaux est certainement à la
les moyens de garder ce rayon lumineux et ce parfum cé~este comme source de cette pensée syncrétiste, qui conçoit également les ténè-
le princip<, de leur force, de leur activité et de leur éclat 199. Par bres comme une eau profonde 203.
contre, la lumière et le pneuma font des efforts incessants pour dé- En ce qui concerne plus spécialement la position du pneuma
livrer les parceUes de leur substance, captives dans l'obscurité de entre la lumière et les ténèbres, Bousset a attiré l'attention sur le
ce bas-monde: de là une lutte sans relâche entre les ténèbres et les fait que ]'Iithra occupe dans la religion perse la même place inter-
principes supérieurs pour la libération de,s éléments lumineux et médiaire entre Ormuzd et' Ahriman; alors que le premier est com-
pneumatiques emprisonnés dans les eaux sombres et profondes de paré à la lumière (cpwç) et le second à l'obscurité (OxOfoç) et à l'igno-
la terre 200. rance (ayvow), Mithra est pour ainsi dire le médiateur entre les
Si ces éléments supérieurs sont répandus dans le monde entier, deux: c'est pourquoi, nous dit Plutarque, les Perses l'appellent
MeOLtl]ç 20••
ils le sont tout spécialement dans l'homme; car l'intelligence humai-
ne· a été constituée à partir d'un rayon lumineux et d'un parfum On peut se demander cependant pourquoi on accorde: au pneu-
céleste, iritroduits dans le corps. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ma cette position seeondaire, alors que la lumière a été choisie com-
y soit possédée de ce même désir de délivrance, qui pénètre toute la me principe suprême. On trouve à ce point de vue des parallèles
création 201. intéressants dans la pneumatologie de Marc-Aurèle et de Galien.
Alors que le premier considère ,le pneuma comme un intermédiaire
D'après le système des Séthiens, le pneuma occupe une place in-
entre l'intelligence et le corps, Galien y voit plutôt le premier instru-
termédiaire entre la lumière et les ténèbres et se présente comme
ment dont l'âme se sert dans l'exercice de la connaissance sensible
un parfum suave se diffusant dans l'univers. Qu'il y ait là des
et des mouvements libres: nous retrouvons donc dans la psychologie
réminiscences bibliques, la chose n'est guère douteuse, puisque les
de ces auteurs la même déchéance du pneuma que nous venons de
formules mêmes employées par Hippolyte pour décrire ce système
noter dans la cosmogonie des Séthiens 205. C'est dans l'éclat de la
lumière que ces gnostiques font résider le principe premier et for-
199 HIPPOLYTE, Befut., V, 19, WENDLAND, p. 117, 12: Ta ôè axOTGÇ: o.aUvE'TOV mel du cosmos. Nous avons vu que la lumière était le terme favori
oùx ËOTLV, 0JJ.à «PQOvLJ'OV 1tavTEÀwç, xai. olôev O'tI., liv WeUQ-6ii Ta «pc'i>; o1ta TOÙ de Philon d'Alexandrie pour indiquer la nature de Jahvé: mais
OX6TO~, J'-ÉVEL Ta axOToç: ËQt)"'OV, o.«pavÉç, cUaJ.11tÉç, o.ôUvaJ.'OV, WtQOXTOV, o.O'fnviç.
tub 1tuao «PQovftOEL xai. O'U'VÉOEL pwt;E'TaL xaTÉXELv dç éama rl)v AuJ.'-'TJ)ô6va xat C'(st surtout dans la philosophie néoplatonicienne qu"elle a joué un
<TOV> mnv6iiQa TOÙ «pOOTOç J.1E'Tà ri)ç TOÜ 1t'VEUJ.'UToç wooôlaç. rôle imPortant.
200 HIPPOLYTE, Be!,ut., V, 19, WENDLAND, p. 117, 20: "Cç oÙ\' o.Vtl.1tOLEiTat Une position analogue à celle du n:vEiiILa àxiQalov des Séthiens est
TO axOToç: ri)ç 1o.J.11tt)OOvOC;, Lva Ëxn TOv cr.tLv&i'i~a ôouAEUoVTa xai. P>.l."tl), oVrooç. occup~ par le ILdMQlOV m'euILa dans le système de Basiliik qui vécut
ciVTL1tOLEiTUL TO «pOO; xat TO 1tVEÜJ.'U ri)ç ôuvâJ'Eooç; ri)ç ÉaUTwv • xai. 01tEUÔOUOLV à Alexandrie durànt la première moitié du deuxième s~ècle. Basilide
ÙQaL xai. o.voxo",LoacrltaL 1tQoÇ Éamà Tà.ç J'E"'lYJ'-ÉVa; aVtwv ôuvâJ.teLÇ E~ TO lntoxeC-
J.1EVov iiôooQ axOTELVOv XÇli. «P06EQOV. 202 HIPPOLYTE, Befut., V, 19, WENDLAND, 120, 2.
201 HIPPOLYTE, Befvt., Y, 19, WENDLAND, 119, 4: 'E1tàvôÈTOÜTO 'l'O {mo TOÜ 203 HIPPOLYTE, Befut., V, 19, WENDLAND, p. 111, 11. - Cf. H. LEISIlOANO,
civiJ'Ou XÜJ.'U Èx TO'Ü iiOOTOÇ ÈyEQ'Ôèv xai. ÈyxuJ'Ova ÈQyaoâJttvov T'Î}v cpUOLV yÉvvt)J.'U p.155.
9t)Af: ~ Eil1\cpn Èv ÉaUTlp, xaTÉXEl TO XaTE01tUQJ'-ÉVOV «pwç avoo'Ôev J'Uà ri)ç TOi) 204 BOUSSET, HtJuptprobleme der Gttom, pp. 122-123. .PLUT., De J•• et O••,
1t'VEUJ.'UTO; I!'Ùo>Ô~, TOUTÉOTL voüv J.teJ10Q«POOfWOV Èv TOie; ôW«pOQOLÇ daEOLV. 0 ÈOTL 46, 369 e: OVtoç: (seU. ZOQ6aOTQ~) oVv lXc:U.eL 'l'av f'hr ·OQoJ.'U1;t)v. 'l'av 6' 'AQtL-
TÉÀ.ELoç: OtOç, Ê; o.yf:'VViJTOU «pOOTOç üv0>'6ev xal 1t'VEUJ.'UToç xaTEVt)vty~ dç o.v- J.lCÎvLOV· xaL 1tQOOQ1tE«pO.(VE'TO, TOV ",Èv lOLxÉvaL cpmTL tuilLOTa TOOv al~Trov, "l'av
i}QOO1t(Vt)v cpUOLV, w<mtQ E~ vaOv «poQq. «PUOECI)Ç xai. civÉJ.'OU XLvt1J.'UTL YEV'Y")Oel~ È; ô' ËfARaÀLV axo"t<p xai. ciyvoCq., )lioov ô' o.",«potv TOv ML'ÔQt)V dvaL. âLà xal Ml&Q1l'Y
iiOOToç:, tnryXEXQafdvoç: xut xaTaJtt",LYfAÉvoç: TOie; OroJ.'UOLV, otoVEL ciAaç TOOv yevo)li- TIÉQoaL TOv MEOlTt)v OvOJ1ut;ooow.
voov \mUQXoov XUL «pOO; TOÜ axOTOUÇ, Weo TroV OOOJ.1UTOOV O1tEUôoov Àuaiivu~ xai. f1~ 2O~ A. Dieterich (.Abrazas, Leipzig, 1891, p. 59) reeonnaît êgalement l'ÏJl-

Ô\1Va..~os TlJv ÀueJLv w~Eiv xai. TlJv ôLi~oôov Éo,UTOV. flueuee de la philo8ophie du Porti'lue dans la cosmogonie des Sé~bie118.
LE SYNCRtTtsME PH,ILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX :I.JE~ GNOSTIQUES 297
296,
eXplique l'origine' du, mondè, ,entier :'à ':pàr.tir: d '.une_ 'seDiénce, primt-.:
0 0
OLOV, épithète. qui est: appliquée par :Philon au Jogos 210. Iloest. dit
tive~ un sperme cosmique, quioontient e;n·p~Ïl.cetout Je réet~:~u', (J.ylOv, parce ,qu)l dérive' dire~tement de la première (~filiation,».,
lieu de faire appel à Dn eréateur· divin ou à un démiurg~ quelcon- : 'Cette' pneuPIatologie de BasiIid~' 's'accorde, elle' aussi, avec les
que, qui façonne les êtres inférieurs, Basilide les fait surgir et évo-: cQnceptions psychologiques de Marc-Aurèle et de Galien. En effet,
luer à partir de' ce noyau primitif•. qui est, comme une' raison f)émi- dans ce systèm~ gnostique le pneuma ,constitue vraiment le trait
nale univèrselle 208.', d'union ,entre les réalités cosmiques et les régions supérieures. TI tst
localisé aux extrémités des sphères, célestœ, comme 'l'hégémonikon
. La 'première « filiation », qui se dégage tout d'abord de ce sperme
du monde chez les stoïciens: au~dessus de: lui il n 'y a que les oréalit~
cosmique, remonte très haut: dans le 'deI et va se loger aux :eitré-
hypercosmiques (td ûrcEQxO<1JA.la), Dieu et la première «filiation )),
mitéS dé l'univers. La seconde « f!liation», étanf de nature plus
alors qu~jl y a en-desso\lS d'abord la zone de l'éther; ensuite celle
épaisse et n'ayant pas 'la subiilité de la prem:ière dont elle voudrait
d~ l'air e~ e~fin l~s réalités te'rrestres. J:.,es êtres innombrables et
Suivre 1'exemple~ 'reste d'abord, ënfeormée dans 'le 'noyau primitif et
~~,~é$ qU,i ~ont C9~pr~s, à o1'intérieur d~ cette zone pneumatique, con-
0

ne parvient pas à s'en dégager201. Aussi s'est-elle proour~o des 'ailes


stituent don~ vraiment un monde ordonné et u,nüiê; et si on laisse
pour pouvoir prendre son essor vers les hauteurs céle'stes: ces ailès
0

. , ' de cô~ les réali~ês hypercosmiqu8$,. on n'est pas bien loin de la


sont constituées' par le 'XVEÜJA.Œ ayLO'\', que la seconde «filiation» revêt'
0

conc~ptjon u~ita,ire des stoicie~. 'La couche pneumatique qui s'étend


pour exécuter son vol vers les hauteurs 208. La nature de ce souffle
autour, du cosmos est" donc un p;rincipe d 'uni~ à laf~çon du, pneu-
sacré, 'tel1e qu'elle ressort des écrits de Basilide, 'concorde très bien
aveo' l~ pneumatologie des SéthienS. En effet, ce' pneuma ne peut
pas être conçu comme un courant aérien violent ou légù, mais com-
~8 une odeur suave, qui reste °au fond d'un vast:', lorsque le parfum
en a été répandu: après que la première « filiation) s'est dégagée
! ma ,d'Â,riaxim~n~, puisqu'elle entoure d'un ,lien solide les multiples
ré~l~tés qU,'elle englobe (1CEQlÉXEL). TI ne semble pas cependant que
le gnQstiq~e alexandrin ait admis comme les stoiciens des 'courants
pn.eu~atiques qui traveI'$ent)a r~alité tout entière. 'Cette conception
du ,pneuma de Basjli4e ne, rappelle donc pas seulement l'âme ailée
de ]a semence cosmique, elle a laissé derrière eUe une odeur suave
du Phèdre, ma,is elle révèle également ~es accoi~tan~es avec la cos-
qui imprègne également la seconde' « filiation»: c'est à l'aide de ce
mobiolog~e du Portique 211.
0

"
souffle sacré, dont' elle est' pénétrée, qu '.eUe parvient à se soulever
El?- exposant la pneumatologie de Marc-Aurèle et de Galien, nous
é~ qu'elle ,va s'éüiblir à la. limite du eosmos 209. 'Basilide affi~me que
avons insIsté sur le fait que' cette déchéance du pn~mna ét~it'le si~~
ce pneuma, avec la « filiation»' qu'il pénètre, constitue la limite
d ~une <~ spiritualisation» de l'âme hJl~IU)inè: èar si l'on' cesse d 'iden~
entre °lë mondé et -les zones superieUres de l'univers (Ü3tEQXOGJ.l.ux).
iifier t'âme h~maine et' le pneuma, c"est qlfe l~ sigillicÂtion 'm8t~
C '~t e~ raison de cette position intermédiaire qu'il l'appelle- j.tclM-
"" . ,. " rielle qui, se rattache à ce dernier terme est jugée incompatible avec
la natùre de notre principe vital. Peut~n' tirer ici les mêmes 'con-
0 0

20t H. LElSEOANO, D~ GnON, P" ~21. BoUSRET, Hauptprobi~1Ue, p. 127. , ' cluSions P~~. r~pport aux conceptionS thé~lo$"Ïque8 de Basilid~ f TI
201 HIPPOL., Relut;, VII, 22, WENDLAND, p. 199, 3: 0 f) ÔÈ 3taXU/-LEQECTtÉQa Èn
~ouoa i:v 'tip crnÉQf.«1'tl, ttLtt"l'tLxTJ 't~ oùoo, o.vaÔQal-'dv Itiv oux iJôuvr]'Ôll • 3toÀV yàQ • ,211 HIPPOL., B~/f!t., VII, 23, WENDLAND, p. 200: ÔLUQ11'tUL 'YCÏQ wo BucRl.eœou
EVÔUCTtÉQ<I 'riiç WnOJ.LEQEWç, llÇ ElXE\' 1) ÔL' ainijc; UI.O't"lç o.vo.ôQafA.Oüoo, Ù3tû.d- 'tci ma dç &Ua 'tàç KQoOttetÇ xal KQCÔTaç ÔUlI.QÉCJe!.Ç xul X<Ù,ei'taL ~u't' oaVrOv 'tG
:tUO. Le terme UI.OT"lÇ est appliqué probablement à ces substa~ces cosmiques J'iv n x60f'OÇ, 'ta ôé 'tL weQxoof'Ul, 'taôê f'tt~ "'OÜ xoof'OUxai. ",<i;y WIQxoa,u-
paree qu'elles naissent successivement de la semence primitive. fI)V ~~':O" m.eQ~ 'toV'fO,. &te.o f<JT\ ,xal .o."(LOV xa\ _'fii~ ,u\QnJ'tOç lxeL . ~
0

208 HIPPOL., Belut., VII, 22, WENDLAND, p. 199; 'EmÉQoooev àÙ\' alrriJv' f) n l~cp ,",v oo,i.qv,. - PHILON., 801rJ.8" n, 188:1'ri6Q~ 'tIç''tOÜ Oe~ ~
xai. civ&Qro3tCov. "
utO'tl)ç 1) :7t(lXU/-LEQs<JTÉQa TOW'Iltcp l'Lvi. 3t'tEQip, lmoUp ÔLÔuaxaÀoç Wv llÀ,{hrov 'AQlO-
211 H. LElSlDOANO, D~ GnoN, p. 23"0: ~ D~ Pne~m. iat' dureh seine Ver-
'tO'ti~ I:v ~o.caQCP 'tÏ]v ",",xi}v 3t'tEQot. xai. xol.d 'ta 'tOWÜl'O Baav..dÔ'r)ç oU 3t'tÉQov
gle~ehurig mit der geflügelten 8eele bei Platon deutlieh gekenueielmet; es
ci.llà wrotw ÜyLOV, ô eUEQynEL ,. utO'tl)ç Ëvôuoa~ xo.i. eUEQyEnt'ta~.
0

tritt hier aIs die das ganze irdiscbe Reich von' .usseU umsehliessende und aIs
:09 HIPPOL., Belut., VII, 22~ W~DLAND, :p. 199, '
Gr~ ~eieIL d~ (}ebie~ (\<lS :fe~~ ~~ ,-b~~4o W'el+..eeele .\Ill.
1 1

1
298 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX LES GN08TIQUE(~
299
est intéressant de remarquer A ce sujet que ·le pneuma est localisé Démiurge 21lS : cet élément se présente comme une étincelle divine,
au-dessus de l'air et même au-dessus de l'éther dans Je système du qui a été déposée au centre de l'âme pour en constituer le' noyau le
monde que Basilide nous décrit: c'est un signe qu'il considère la plus précieux, car, d'après les Valentiniens, l'âme n'occupe pas le
substance pneumatique comme plus subtile et plus pure que l'éther. premier rang dans ~a hiérarchie· des parties conBtitutives de 1'hom-
D'autre part, la façon· dont il parle des trois « filiations» et du me, puisqu'elle est considérée comme l'enveloppe du pneuma, dont
XVEÜ~Œ JLE'3ÔQlOV lui-même ne laisse pas de doute sur leur nature il faut se dégager graduellement pour que le pneuma intelligent
matérielle: l'éther a donc perdu sa position privilégiée dans l'ordre puisse se déployer librement 216. Une cOJlcèption pareille se retrouve
. des réalit~ matérielles, p()$ition qui lui avait été octroyée par Aris- chez les Marcosiens, qui parlent également des entraves de l'âme,
tote. On conçoit au-dessus de lui des' substances plus subtiles, qui entraves dont il faut se libérer 211; mais le J'tV€'UJLŒ'tlXOÇ aV{}QooJ'toç
se prêtent 'mieux au.x fonctions dévolues aux êtres supérieurs 212~ désigne dans leur système 1'homme idéal de Philon, qui a été créé à
l'image de Dieu bien avant la création de l'homme terrestre 218. Mal-
3. Le pneuma occUpe également une place importante dans la
gré ces divergences d'ordre secondaire, on trouve chez les deux
psychologie de certain,s systèmes gnostiques, où il d~gne générale-
l'affirmation nette d'une parenté étroite entre le pneumatique et
ment la partie supérieure de 1'homme, dans le sens de la pneumato-
le divin.
logie de Philon. Les Valent:in.iens, secte gnostique fondée par
Quelle est la destinée assignée par les V'alentiniens à ces
Valentin qui séjourna à Rome vers le milieu du second siècle, divi-
trois parties constitutives de 1'homm~ f La partie matérielle, qu'ils
sent l'humanité entière en trois classes, qu'ils. rattachent à trois
appellent également l'élément gauche est vouée à la dissolution; la
ancêtres de l'Ancien Testament, Caïn, Abel et Seth: il y a d'abord les
partie psychique ou, selon leur terminologie, l'élément droit, qui
hommes pneumatiques, ensuite la classe des psychiques, et enfin les
occupe une position intermédiaire entre le pneumatique et le maté-
hommes terrestres 213. Cette classification découle directement de la con-
riel, s'en va après la mort, vers la région où son penchant naturel
ception tri~hotomique des Valentiniens touchant le' composé humain.
la porte; par contre, le noyau p~eumatique est aecordé à 1'homme
D'après eux, chaque homme est constitué de trois éléments, dont le
afin que, durant son séjour en cette vie, en union avec l'élément
premier a été fourni par la terre pour former le corps, le second pro-
psychique, il se forme et se perfectionne et qu'il soit donc vraiment
, vient du Démiurge, qui a façonné l'âme, tandis que le troisième,
le sel et la lumière du monde 219. Cela suppose la possibilité d'une
l'élément pneumatique et suprême, procède directement de !a mère
Achamoth 214. C'est même par une ruse de la part d'Achamoth que
cet éléme'~t pneumatique a été introduit dans 1'homme à l'insu du 215 IRtNtz, l, 5, 6, PG, 7, 501: "E"-a:&ev OW, Wç cpac7L, 't'Ov âl1J1LO\.IQyàv cl cruy_
xa't'amtCJQEl,ç 't'CP ÈfUPUmlf1<1TL aÜ'to'Ü WO Tij~ ~ocp{~ :7fVEUJU1~IXOÇ civ&QOmeaw «OQ~­
'tcp :7fQO'VoCq.. -Qç yàq Ti)v fLl1'tÉQ« Ï]YV01)xival. oVroo xai. 't'o cmÉQJU1 aÜrijç.
212 H. LEISEOANO, Die Gnom, p. 230: «80 sehen wir sich die 8ubstanzen
, 218 lRtNtB, I, 7, 1, PG., 7, 512: 't'o'Ùç ôèmwJU1't'IXO'Ùç cLtOOuCJClJ1ÎvOuç ~àç
zuniehst rein mecbaniseh nach ihrer 8cbwere ordnen. Der Geist, bei Basileides 1VUXàç xaL mteUfL4~a 'VoeQci yevotdvouç, àxQanl~Q)Ç xai. cÎoqcl't'Q)Ç mbç d.l1Qc.ôfL4~oç
stofflieh, aIs aus feinsten Atomen zusammengezetzt gedacbt, steigt auf und' dCJdt6vr~ , . . . - . .
eilt zu seinem Ursprung zurück. Das Pneuma, bereits ein wesentlicb dichterer
211 IRtN&, l~ 21, 5, PO, 7, 668: QC~a 'fOv a~CJtWv a.Vroü, 't'ovrÉatl. na'V ~v.
Stoft, legt sich .als ausserste Kugelschale um die Welt. Der Aetber steigt au!
Mareuil floriuait yerll la tin du aeeoud liècle; il a exere6 Ion activit4 principa-
und breitet si ch unter dem Pneuma aus. Dann kommt die Luft, die die naehste lement: en ·Aaie Mineure.
Region ertüllt J).
218 IR:tlŒs l, 18, 2, PG, 7, 645: ciUov OéM\HJ&. Wv ~. etxcSvu xcù 6J1OCcoaL'V
213 IRtNtE, 1, 7, 5, PO, 7, 517: 'AvftQoo:7foov ôè 'tQi« yÉvr} ücpLa-ravraL, r.YE'Uf1<1- geo'Ü 'Y2'YovOta «ooev6~"-vv civtQco:tov, xai. 't'oiiTov elvaL 't'Ov mEVfA4't'lXcSv· cillov
't1.XOV, XOLXOV, 'VUXLXOv~ xai}~ ÈyÉvovco ·Katv, ..A6EÀ, l:iti}, xal Èx 'toVtOOV 'tàç 'tQEiç 'tOv lx Tijç yijç :rd.a.otMa. '
q>UOELÇ <1ÙxÉ'n xai}' Ëv, cillà xa'tà yÉvoç. 219 IRtNtz, l, 6, l, PG, 7, 504: TQuilv ow Ovteaw, 'to tdv ÜÀLXOv, ô xaL do«Jte-
214 lRtNtE, l, 5, 6, PG, 7, 501: KaL 'ton dvaL 't'Ov h airtotç ci;LO'ÜOLV Wa-rE Qbv xaÂOOcn, xU't'à civuYXl1V MolluriaL ÀÉyO\.lCJw, cin fLl1ÔEJ1lClV bnôÉ;uoitru. 2t'YOiav
ËXELV aÙtoùç Ti)v J&h ,,",Xl)V MO 'to'Ü â'lJ1LO\.IQYo'Ü, 'to ôi oWf1<1 MO 't0'Ü xobç xaL 'tO cicp{}aQCJlaç ÔUVUfŒ'Vov· 'to ôi 'VUXIXOv, Ô xaL 3E;Wv :7fQooaYOQeUouCJw, ciTe fLÉCJov
~x~Ov WtO Til$ üÀ'l$, 't'OV ô~ :ltVE'UfW-'t1.XOv ~vftqomov WtO riiç J1f)'t~O$ Tijç ,Axa,wrD, {iv ~O'Ü ~~ nw:uF'tIXO'Ü ~aL üÀ~Oü~ Ëxeioe ~ooqeiVt 01t9V ~v xai. rlJv ~~"
300 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX

interaction entre· le pneuma et l 'âme, in~raction" naturelle puis:-r pneuma s'identifie avec l'église, probablement en c€· sens que celle-ci
que la 'l'uX11 a été décrit.e par les Valentiniens comme .J'enveloppe du n'est" pas une' communauté visible, mais qu ~elle est constituée par
pneuma. Il importe cependant de remarqùer 'que la «formation », tous ceux qui participent "à la connaissance et 1 la vie supérieure
dont il a été qu~tion, ne consiste pas dans là constitution d'un tout accordées par la mère Achamoth'224, En ~ffet, il ressort des indica-
harmonieux avec l'élément psychique, mais bien dans une libération tions recueillies plus haut, que le prieuma ri 'appartient pas 1 la con-
inc~ante par rapport aux parties inférieures: la vie doit être con- stitution naturelle de 1'homme, mais qu'il est un "don gratuit aècordé
sidérée c()mme un temps d'épreuve pour le pneuma qui a été lié à par la mère "Achamoth "et qu'il présente des traits "frappants de res-
ces éléméntsinférieurs; le but "de l'épreuve est de voir s'il parvien- semblance avec le 1CVEÜJJ,Œ (Joq>wç du livre de la :Sagesse "et de Philon
dra à résistér à leur" séduction et à se dégager de leur emprise. A ce d'Alexandrie. Ce don est avant tout d'ordre intellectuel, biep qu'il
point de vue les Valèntiniens versent dans un supernaturaliSme exa- ne eonsiste pas en un accroissement de notre pouvoir rationnel de
géré et rejettent avec" dédain les' "valeUrs purement" naturelles de connaître, Il est participation à unè coimaissanoosupérieure, infu-
l'existenée humaine. sée par la Sagesse. Cette connaissance n'est "pas purement théorique,
- C'~t "à""cette purification a;piritnelle" que" tendent également les mais concerne la direction de notre vie vers une- destinée surnatu-
noces pneumatiques (1CVEUIlQtLXdç yalloç)," par lesq~elles les parfaits "relle: 0 'est pourquoi ce don constitue également, dans la conduite
s'uni$Sent à. un être supérieur, pour se libérer davantage des en- de la vie, une aide précieuse en vue de 1'af~ranchissement intégral
traves de cette vie 220. Il ne s'agit pas ici d'un acte purement sym- des entraves de ce monde.
bolique, puisQ.ue les anges, auxquels les parfaits s'unissent, doivent " "La pneumatologie de Justin le OMStiqie est," à beaucoup de points
attendre l'arrivée de leurs fiancées pour pouvoir entrer dans le de "Vue; "analogue "1 "ceÎle des ValentiIiiens 22lr," n;aprèS lui; en èffet,
Plérôme céleste: il s'agit donc vraiment d'une" anticipation dficace le monde est dominé par trois puisS&rièes supérieures: le Père de la
des noces célest6$ 221. création,' qui est une diviilité bienfaisante~ Édem;" qui est" ûne divi-
Quelle ~t la nature de ce pneuma et quelle est l'origine de cette nité féminin~ malfaisante et Élohim. Ces deux derniers intërvien-
conception' Saint Irénée nous dit que, d'après les Valentiniens, le nent dans" la èréatio~ de l'homme": l'âme "(lPUxti) 'est
do~née à celui-ci
pD.elUpa est de la même nature que la mère Achamoth, qu'il" apPelle par Édem, tandis que le pn-euma provient d'Élohim. Après que ces
UJ.l peu plus loi~ la Sagesse (~0<i>(Q)222. Il existe égaI-ement un rap- deux divinités ont coilliboi'é à la production "de l'homme, Élohim
port étroit entre le pneuma et l'église terrestre, image de l'église l'€'IDonte vers le ciel, laissant le pneuma sur la terre, emprisonné dans
~é]este "('EXXÀ1}O"L(l) 223, Les Valentiniens pl"étendent même que ce li matière 226. Toutefois, en quittant la terre, ce n teSt pas -seulement
le pneuma qu'il abandonne, mais aussi Édem, qui s'est éprise de
no nlc:nrruL. ' '1'0 ÔÈ ~JUl'I'LXOv Èx:tEnÉJ.UP&UL, onwç Èv6o.ÔE 'l'cp ",",XlXcp aul;uyÈv ~ui: celle-ci ne pouvant "passe venger directement $ur Élohim, do.nnè
~Qq>(.I)'6-D auJ.L1'UlÔEUi}Ëv u\rrcP Èv TÜ àvuot"Qoq>'Ü. Ku~ Tom' Elvru" À.Éyoucn 'l'0"cUa.ç ,libre ~ourS à son, ~essentiment amo:ureux 'en s'en" prenanfa~ .pnelpila.,
XUl 'f~ q>roç 'l'OU" XÔOJ,LOU. "
"220 IRtNtE, l, 21, 3, PG, 7, 661: ot ftÈv YÙQ uÜtOOv VUJ1q>cOVU XU'I'UOxtUo.l;OUOL
X4L f'v<JtuyoryLo.V E"tt'l'ùoi)<JI" ~'I" btLQQ1]OEWV nvwv 'l'ot; 'tEULOuJAivOa.ç, XUL 2tVEU- 224 iRtd., i, 6, 1·2, PG, '1, 505 : ,,",v &i cnmUrulv lœaec:u. "MaY f'OO~
"u-a'I'LXOv YUJ.WV q>o.mçOUOlV EtVUL '1'0 {m' uVrwv yLVÔJ.A.eVOV, XUl"Ù Tf)V OJ.LOtO'I''l"tu 'l'00v "~l.1'eÂeI.(O'&ii yvœoEL ",üV "fo.m>aJJUlTuc6v," "fOVtÉ<J'fL ot m>aJflcrnxol cMtQCOmM., ôt
üvw aul;uy..wv. ri)v Tù..eCaV yvcOaLV lxovr€Ç "'eQl Oeoü xo.l Tij; 'AxClf1CÎ>&. "" " .. '
221 ~OV88ET, 'l1a~ptprobleme der GMN, p. 315, ,225 Les disciples CIe J~stin appartiemient êgalement àu'"group8 des" Op1ütèe:
22~ :lllfNtE, ,l, 5, 6, PG, 7, 501: To ÔÈ xvY)J-LU Tijç f1'l'l'QoÇ ~ç Tijç" 'Axu,...œ&, ,Us oilt· emprUnté qùelques id&s 1 l'Aneiea "et au Nouveau Testament et poUt
ô XUl"<l Tf)V OEWQLo.V "tOOv ~EQL "tOv l".:OytijQu àyyÉÀoYv WtEXvY)OEV OJ.LOOOOLQV ,,~o.QXov le resté ils ne pr~aenteDt guère de diftérenees daDa "leurs pi-atiques religleuaes
TÜ f1'l"t'Q(, 2tVEUJUl'I'LXOV "XUL UVl:Ov 'ÏlYV01)XÉvUL TOv â'lf'LOUQYOv À.ÉyOUOL. a veo leli thiaaes paien~ " " "
" "223 IRÉND, l, "5, 6, PG, 7, 501: 'Oç YÙQ Tf)v f'lJTÉQU;,YVOTJxÉvu, oVrw xo.1 'to 226 BouSsrr, lIauptprobleme~ p, 134. - HIPPOL,," Befvl.," V,' 26, WENDLAND,

·mt~QJUl uÜtijç' ô Ô'i1 ~~ uViel 'E?'xÂ.'l0Lo.V etvru AirOUOlV, àvth\1~ov Tij, livw 130, 25: OH ftÈv "",xl] É<JtI.V 'Eôi,.., '1'0 ôè moriJUl 'E1<od,..., ixu'tEQ<l mCl h mïaloV
"'ExxÂ.'l0"~' :. àvttQwnoLÇ XUL &tlMOL XUL CÏQOE(JI..
a02 LË SYNèRÊTisMË PUILOéÔPRIQtflj ~T 1i~tdl~ttX
croyant toucher indirectement le cœur d~ son amant 227. Élohim, de
son côté, plein de désespoir et de pitié pour son enfant tourmenté, pro-
pose à la Divinité bienfaisante de détruire le cosmos,· afin de faire
l
1
qui occupe, d'après les mandéens, la première place dans la hiérar-
chie des· parties constitutives de l 'homme, alors que le pneuma
(Geist), qui est conçu comme l'enveloppe de l'âme, ne vient qu'au
aoa

cesser le martyre du pneuma livré à la baine de son amante courrou- second rang. Cette supériorité de l'âme ressort de sa constitution
cée 228. :l\Iais comme le Père décline cette proposition, Élohim en- même, puisqu'elle est composée de la lumiÈre et du vent, alors que
voie Baruch au secours de son enfant 229 • Ce messager d'Élohim le pneuma est un mélange d'ea u, de feu et de souffle léger 233. C'est
s'adresse donc à Moïse et aUX prophètes, afin de porter secours- au pourquoi nous pensons que la ,supériorité du pneuma sur la
pneuma emprisonné: mais ils se laissent tous séduire par Naas et wuvl est due plutôt à des influences bibliques et peut-être néotesta-
l'envoyé de Dieu ne rencontre que des déceptions. A ia fin, cepen- mentaires: nous avons vu, en effet, que Philon, se basant sur les
dant, un seul prophète résiste à. toutes les tentations et accomplit te·xtes de la Bible, 8 'est servi de ce terme pour désigner la partie
fidèlement la mission qui Iniest confiée: c'est Jésus. Pour se venger ; supécieure de l'âme; nous relèverons le même emploi chez S. Paul.
de lui, Naas le fait crucifier; mais cette mort est l'achèvement de sa , Quant à la conception de Justin sur la destinée du pneuma, nous
défaite, puisque Jésus en monrant laisse à Édem l'homme terrestre croyons qUe R. Reitzenstein a raison de la rapprocher des doctrines
et psychique, tandis qu'il restitue le pneuma à Élohim 230. Tout ce mandéennes et manichéennes, dans . lesquelles nous trouvons ce mê-
récit est évidemment une explication mythologique et religieuse de me besoin de libération par l1lpport à la matière et aux entraVES
l'antagonisme perpétuel entre l'âme et le pneuma 231. de ce monde. On trouve d'ailleurs dans le manichéisme un autre
Il n'est pas facile de déterminer l'origine de ce mythe religieux: parallèle intéressant avec le mythe de Justin dans le twv m'EÜJ.La,
on y distingue déjà au premier aspect des influences multiples .Et qui remplit dans ce système une. mission certes plus large, mais ana-
variées. R. Reitzenstein a attiré spécialement l'attention sur les élé- logue à celle de Baruch. En effet, ce pneuma vivant est une puis-
ments iraniens qu'on y a retrouvés: c'est à l'influence iranienne sance supérieure, intenilédiaire entre Dieu et le premier homme,
qu'il rattacht· entre autres l'opposition entre la '\jroXtl et le 3tVEÜJ.La 23%, et qui soutient celui-ci de façon efficace. dans sa' lutte contre les
Cependant, d'après l'exposé qu'il donne plus loin de l"anthropologie ténèbres. La première puissance dont l'homme avait été investi par
mandéenne, on y retrouve exactement la relation inverse de celle Dieu pour le secourir dans cette lutte, ne l'avait pas conduit à une
que nous avons rencontrée chez Justin:· en effet, c'est -l'âme (Seele) issue. victorieuse. Alors le Pè're bienveilla~t lui envoie ce
pneuma viva~t poUr- le-soutenir 235.' Cependant, comme nous venons
221 HIPPOL., Refut., V, 26, WENDLAND, p. 130, 1 : Édem tourm~nte le pneuma :. de le dire, l'activité de cet être inte·rmédiaire est plus lar~ ~ il
'to:rvriifUl TOÜ 'EÀc.odJL TO ÔV Èv TO~ d,,-6-Qo>1toLÇ, Lva ~ui TOÜ :tVEUJ.'ClTOÇ 'Ù xOÂ.a~6- intervient également dans la création du monde et dans l'agence-
)1EVoç 0 'EÂ.roELJ' 0 xaTaÀL1[(OV 1C<lQà T~ awfhixa; T~ YEVoJdva; a'ÔTip ri]v aU~'U"(OV. ment harmonieux dt· l'univers.
228. HIPPOL., Refv.t., V, 26, WltNDLAND, 129, 1: 0 ~è 1CaT7)Q ÀÉyEL ",Qo~ TOV dya-

'6Ov· Ëaoov J'E, x-uQLE, xo.Ta.aTQbpaL TOV XOOJLOV, ôv 1CE1CoL1}xa • TO :tVEüfUl yciQ fWU
Ev~i~E'taL elç TOÙÇ àv6QOO1COUÇ xai. OiÀoo aUTO WtOÂ.a6Eiv. 233 R. RI!ITZJCNBTEIN, op. cit., p. 35. - H. Leisegang (D", GflON, p. 151)
229 HIPPOL., Refut., V, 26, WENDLAND, p. 130, 3:.. taœv TaUTa [, 1Cati)Q 'EÀ.mEi.JL croit que Justin part d'un mythe d 'Hérodote (IV, 8-10) qu'il a relevé par !Dle
lWfAJŒL Tav Bo.Qo-u~, TOV TQLTOV ayyEÂov TWv Éamoü, dç; f}Oll-6-ELUv Tip :tVEUfUlTL interprétation Iymbolique de manière A lui donner une lignifieation philolD-
TCP ovn Èv TO~ àv6QOO1COLÇ 1CCÏ<nv. p.hique: eelle-ei, de Ion côté, aurait été miie· en accord avec la· doctrine de
230 HIPPOL., Ilelut., V, 26, WENDLAND, p. 131, 31: [, ~è xaTaÀL1Coo'V TO oWfUl l 'Ancien Testament.
. 234 1 The•••, 5, 23.
'rijç 'E~ÈJ' 1CQàç TO ~uÀov, dvi61} 1CQOÇ Tav àya-6-cSv. Ebtoov ~è 't'Ü 'E~ÉJ'· yUvru,
23$ lHGfllONIUS, ~cta ~rchelai, VII, BUsoN, plO, 12:' "al t:l f.L~ ύa~
Wtéxt~ 00" TOV "tov, TOUTia'fL Tav ,,",XLXav civ6-QOO1COV xai. Tav XO'':xOv, airtàç ~è el;
XELQa; 1C<lQa-6-É,œvoç; TO :tVEÜfUl TOÙ 1CUTQOÇ;, dvijÀ-6-e 1CQOÇ; 'tOv âya'6ov. Eta-qxouanr 0 :ltari]Q xo.L wœcneLÂ.ev hÉQav 6UvaJLLV :ItQ06A1}htoav 'lm' alrroù, 1.eyo-
231 HIPPOL., Refut., V, 26, WltNDL.UlD, 130, 24: ~ui ToiltO 7J "VÜx1i xaTci 't00 pm,v ~wv mei}JUlt. xai. d J'~ xanÂ.'6Wv &É&c:oxe\' airtip &çuiv "al ciVt\veyxev ix ~oü
nYE"UfUlToç TÉTaxTUL, xo.L TO :rvriiJ'U xu~à Tilç; ",",xiiç· mcOTouç, :n:<O..(1I. liv cl :ltQWToç civ-6-Qomoç xauxo,.u:voç iXLV~CJni: . .
232 Dall iranische ErlQstlllgBmllBterium, Bonn, 1921, p. 5. 238 HÉG:t:UONIUB, ,~ctQ ~rchelai, VIII, BUSON, p. 11,. 4.
Ce qui se rapproçhe dava~tage~ de:' la conception.. 'iriand~ ~dl1 elfet, lui communique le pneuma de la Sagesse qui 1iOPpo8e directe-
pneuma, tdle.qu'elle est' esquissée par Reitzènstein, 'cJ'est l'clvttiJ.41ov ment au pneuma de l'oubli et la fera participer abondamment à une
~VEÛJ-la de la PiStis Sophia", écrit 'gri~ique datant p:i'obable~~nt d~ lumière et à une force supérieura'J : alors seulement les hommes de-
la fin du +.roisième siècle. 'Ce pneuma:se présente'd 'abord comme un viendront vraiment XVEUJ-lanxoL par l'intelligence qu'ils auront des
principe du mal, qui se trouve 'à l'intérieur de chaqùe. homme, dé~ révélations surnaturelles et mystérieuses 241.
chaînant en lui les passions les· pIns violentes et 'le 'poussant aux De toutes les indications que nous avons recueillies, il résulte
crimeg lES plus horribles' 237:. il .en résulte évidem,ment un: a~tago: que l'avtLJ-llJA.ov 1C'VEÜJ-la est une espèce. de corps pneumatique que
nisme perpétuel entre l'âme et le pnelimiL, où leS. rôles sont ren~et:4 l'âme re·vêt au cours de sa descente vers la terre et qui obscurcit
séS par rapport aux deux ~tèmes· gnostiques que" noua 'venons le regard de l'intelligence. Il se présente comJlle un brouillard qui
d'analyser~ Ce principe du mal n'est donc pas une pârtie constitu- entoure l'âme et qui limite l'étendue de son horizon intellectuel.
tive de' . l'âme .humaine, mais les archontes- l'ont fiXé solidement à Nous verrons plus loin que ce corps pneumatique jouera un rôle
l'âme.par des sceaux comme 'une enveloppe'extérieure qui prend.la dans la connaissance sensible, telle qu'elle est conçue par les néo-
forme et las conto~ de l'objet qu'elle revêt 288~ Parlant de la' réin- platoniciens. Bo.usset a raison, croyons-nous, de mettre cette doctrine
carnation·des âmes qui prennent un corps pour la seconde ou pour .de l' àVtLJ-llJ-lOV XVEÜJ-la en rapport avec la conception, très répandue
la troiSième fois, l'auteur de la Pistis Sophia,. dit .'qu'elles doivent aux premiers siècles de notre ère, sur la descente· de l'âme à travers
boire: d'abord la coupe de l'oubli, qui Se transforme: insensiblem€.'Ilt les sphères planétaires, où elle est revêtue chaque fois d'une propriété
. , 242 N ·
de'termmee . sur cette conception,
dans P âvdJ-ll,lOV X'VEÜJ.L·a,.prenant cOlPs . et se posant .autour. -de . ous reVIendrons plus IOID
l'âm8~t~ C'est "un signe que'l'influence exe·rcée par ce pneuma.con- quand nous exposerons la pneumatologie de la littérature herméti-
siste avant tout dans un obscurcissement· de l'intelligence, qui ne se que.
rend plus compte, de son origine céleSte, ni dU'èhemin~ qu'elle doit
suivre pour y retourner: l'âme humaiDe doit 'donc se' déta'cher de
~e principè du péché parla con~ais:;anee du mystère 240. Celui-ci, en •••
321 Pistil Sophia, Ill, SCHMIDT, p. 183,.9: Cl Das.aVtL,.LLJWV nve'ÜJ.14 dagegen
8Ueht Bach ànen Bo8heiten (xuxun) und Begierden (bti:D'U~Ca.I.) ud' allen àÜD~ 241 Pi~til Sophia, 81, SCHMIDT, 31, 20; op. cit., ,a, SCIlJ.tIDT, G3, 1: c AUe
den':&. - Ibid.,.p.IS3, 23.' , . "." ." Gesehleehter der Welt (xoafWÇ) werde~ euch auf Erden seIig preiaen (f'OXClQC--
- 238 PiSt.i8, Soph~J: 132, SCIDlIDT, 222~ 39; op. cit., 131, SCIDODT,~20,'18 :·:·c Und teLV) weil ieh eueh dieses offenbart habe, und ihr von meinem Geiste (m'e'Üf.&4)
sie, (seil die Archonten) legen das avtLJ1I.J.I.OV mrwp.a ausserhalb der Beele ('l'Uxrl), empfangen habt .~d ihr verstii.ndig (VOEQOL) und pneumatisch (m'EUf.&4nXoL)
indem es aie bewaeht und ihr zugetheilt is't, u~d di~ Arehonten binden es an geworden seid, indem ihr begreilt (vodv) was ich sage. Und danaeh werde lch
die Beale (",uxf) mit ihren Siegeln (o<pQayLaEÇ) und ihren Banden und siegeln euch mit dem ganzen Lichte und der ganzen Kraft de. Geiete. {m'e'ÜJ&4} erfül-
,o<pQay'~EI.V) es an- sie, damit es sie zu jeder Zeit zwinge(avayxo.t;Ew), ws len, damU ihr vo~ jetzt ab begreift ('Vôstvl alles, wu eueh gesagt. 1fird und
sie: ihie Leidene:chaften (ito.ih) und aUe ihre Ungerechtlgkeiten (avoJ1uu) b~stan" wu ihr Behen werdet ».
~lig, thue, aul.· dass· sie ihne.n zu jeder Zeit diene und zu jeder Zei~ inter. ihrer 242 BouEft, H4Uptprobletne, p. 366: c Da. civtC)1&.f'OV m'e'ÜJ&4 kt offenbar

';Sotmassigkeit (Wto.TayTJ) in den Verwandlungen (~a6oÂaO desKorp~rs (ooofUl) Dichta anderea al. die :rt~ç ~ de. Isidor, die :rtQoaaq-n)f.Ul'tu de. Builidea
bleibe, und aie siegeln (O<pQuylt;ELV) es ·(se. du an. m' ••) ~ sie, damj.t .sie in und auch nichts anderea wie die Eigenaehaften und Kleider, welche die meueh"
allen SÜDden und allen Begierden (bnihl)1LaL) der Welt (xoèJ,ioc;) aich befinde »". liche 8eele bei ihrem Durchgang dureh die Planetenaphiren .ndeht », - Cr.jK,
.. _ ~39 PiatiB. 8c?phia,. 131, SCH~IDT, ~18,. 4; .. oP! cit., .131,' 8C:à:JrtIDT~ ~1:9 .1:
D'ALU:., Strom., n, 20, 112: 01 dflAPl '1'0\- Bucn1eC&p :rtQOCJaQ-n)f.&4TU 'l'ci :rtci6tt xu-
« Und jener 'Beeher der Vergessenheit wird zum avTC....LJ1O'V iviiiJ.l4·.tür jene. &ele M'Lv etmtacnv, moeUflu'I'd TLVU 'l'aÙTa xa,,' ooaCav 'Ô:ltG.QXELV :rtQOCJ1)QTTlf'iva. 'l'Ü loyLXii
"('l'UX11) Ûnd 1?1eibt aU8!le'rh~lb der Seele (",uxf) inde~ er ~ieid (ËvÔUfUl) .tiir aie ~ xcno. nvu TâQaXOV xa1 aUnual.V UoXLX1)v. BOUS8ET, op. cit., p. 365: c Auch
'lat und mr in jeder Vfeiie ·gJ~ichtl seieDd Seheidè ·(H~e)· ;.sla . :Ki~~ (Ëv~)1Q) veratehen wir von hier aua den merkwürdigen Titel des Werke. Isidor., de.
auaserlialb VOD ihr':J. - Sobnel des Basilidea: :rtEQi. :rtQoaèpuoüç 'l'Uxiiç (über die drangewaehseDe &ele.
240 PiBti8 Sophia, 'ni·U2; - Strom., Il, 20, 113).
10
30~ LE SYNcRtTIS~[È PÏULOSOPHIQtTE Ë'1' RiiLIGIËÛ~

Il nous reste à dire un mot de la place qu'occupe la pneumatologie 5. LA LITTÉRATURE HERMÉTIQUE.


des gnostiqueS daIlS' l'liiStoire, de 1,.. spiritualisation de la notion
dë pneuma. H~ Leisegang est convaincu que le pneuma des gnosti- Nous avons noté déjà plus haut que les premiers siècles de l'ère
, ques diffère totalement de notre concept moderne, abstrait et supra- chréti{:nne se ca~actérisent par une aspiration religieuse profonde
sensible, qu'il a au contraire toujours une signification matérielle, qui se manifeste principalement dans les lJultes à mystères, mais
bien que la maiière visée soit extrêmement'subtile 243. Nous croyons dont nous trouvons également des reflets dans la littéra~e philo-
que cette explication est vraie d'une façon générale, mais qu'elle ne sophique de cette période. Les hommes vou1aient échapper à l'étrein-
s'applique cependant pas à toutes les significations que les gnosti- te du scepticisme, qui ne sapait pas seulement les fondements de la
ques ont aecordées au pneumil. Nous visons spécialement ici le pneu- pensée, mais qui les privait de toute indication et de tout soutien
ma des Valentinie~ et de Justin. Il ne s'agit évidemment pas de vou- dans la conduite de la vie. Cependant le virus des critiques scepti-
loir retrouver .dans cette notion le contenu exact de notre concept ques avait suffisamment pénétré leur esprit pour discréditer à leurs
moderne: nous avons montré plus haut que cette méthode d'investiga- yeux toute attitude dogmatique. C'est pourquoi ils s'en remettaient
tion n'a pas de sens en cette matière. Ce que nous constatons dans ces plutôt à des intuitions directes obtenues grâce à une union mystique
deux systèmes, c'est que la différence entre la réalité pneumatique avec un être supérieur. Ainsi, nous avons vu que les doctrines gnos·
et la réalité matérielle et sensible est très accentuée: le pneuma tiques ne se basent pas sur des arguments rationnels, mais sur des
appartient vraiment à un autre monde, qui est celui de la connais- révélations directes; il en est de même des écrits hermétiques, qui
sance' mystique. En effet, d'après les Valentiniens le pneuma est de sont deR notes de leçons, données sous forme de dialogue à un très
la même nature que la mère Achamoth, ,q~ est identifiée avec la petit nombre d'élèves et où le maître ne fait pas appel à des raison-
Sagesse: c'est une lumière divine et un secours d'en haut en vue nements philosophiques pour étayer sa pensée, mais se base sur une
d'amener l'âme à la perfection de l'homme pneumatique. La même source de connaissance d'ordre supérieur. Il y a cependant une
chose peut se dire du pneuma de Justin: il est vraiment une parti- différence ~seI;ltielle entre les écrits hermétiques et les écrits gIios-
cipation à la nature d'Élohim, une parcelle de vie divine emprison- . tiques : les premiers se présentent comme des révélations d'Hermès
née dans' la matière, et qui n'aspire qu'à se libérer de ces entraves et se composent principalement d'éléments empruntés à la philoso-
terrestres pour rejoindre son origine céleste. Il est vrai que cette 'phie grecque et à la religion égyptienne, tandis que les auteurs gnos"
opposition n'a pas été élaborée philosophiquement par les gnosti- tiques, dont nous avons parlé, plus h&ut, s'appuient plutôt sur les
'qu~ parce qu'ils avaient des préoccupations morales plutôt que documents de la révélation juive et chrétienne.
philosophiques: ceci n'empêche pas que cet ~ntagonisme entre la C'est probablement Îa satisfaction de ce besoin religieux que
réalité pneumatique et les réalités matérielles et sensibles soit suffi- Plotin a trouvée chez Ammonius Saccss. Porphyr~ rapporte à son
sant pour reconnaîre au pneuma de ces gnostiques un sens suivant sujet: « A vingt,-huit ans il s'adonna à la philosophle; on le mit
lequel il se trouve en quelque sorte spiritualisé. Nous entendons par en relation avec les célébrités d'alors à Alexandrie ; mais il sortait
là, que le pneuma désign~, dans leur pensée, une réal,ité d'une autre de leurs leçons plein de découragement et d~ chagrin. n racontà'
nature que l~ êtres matériels et sensibles de ce monde 244. ses impressions à ·un. ami; cet ami comprit le souhait de son âme et
l'amena chez Ammonius, qu'il ne connaissait pas encore. Dès qu'il
243 H. LUSEGANG, Die Gnos1s, p. 27 : ct Wenn der Gnostiker vom Geiste
8prieht, so versteht er darunter nicht unseren modernen, ganz abstrakten und fut entré et qu'il l'eut écouté, il dit à S~)D ami:, cc Voilà i'homme que
unsinnlichen Geistbegrüf. Für ibn ist Geist immer noeh Stoff, wenn auch ein je cherchais». De ce jour, il fréquenta assidûment Ammonius» 245.
ganz feiner und ganz leichter, ein Raueh, ein Fluidum, ein Duft und ein Lieht-
glanz:D. - H. Leisegang est donc eonvaineu que le pneuma des gnos'tiques xa.t mÉxxa.uJUI yLVETaL bli.yov OV, 1I:ldov 6;' ~6~ov a5ecntlQLOv, "Co 68 avo)'(t6Y
.diffère totalement de notre concept moderne, désigné par le terme GeiBt. 60ôÈv fJ . . iv mraru ....a. àawJUltov av où eJ'tOtXeLwv,wvwv, cillù xa.L ~uvcij.&eoov XQa.TeL
224 On retrouve la même opposition chez C16m. d 'Alex., Excerpta ex Theo· xai. ÙQXwv 1I:OV'rlQwv.
2.fG PLOTIN, Ennéades, text(' et trad. par E. BREIER, Paria, 19:: l, vol l, p. 3.
doto, STAEHLl~, III, 132: xat 1:0 ao)!1U'tLXOV 1tVEÙ!1U TOÙ atafh)1:oü ;tuQo~ TQo<pi}
sos LA LITTÉRATURE HERMÉTIQUE 309
Ce besoin mystique s'accorde d'ailleurs pleinement avec le tempéra· taires et reçut de chacun des sept Administrateurs célestes une par-
ment égyptien, dont un des traits de caractère les pIns saillants con- celle de leur propre "nature 249. 11 se fraya ensuite un chemin à tra-'
siste enla tendance vers une union intime avec la divinité 248. C'est vers les orbites planétaire& et montra le charme de sa beauté divine
au troisième siècle de notre ère que la plupart des écrits hermétiques, à la nature terrestre. Celle-ci s'éprit de l'aV'6-Qwxo;et lui exprima
dans leur teneur actuelle, ont été rédigés en Égypte, ce qui ne veut dans un sourire le désir inassouvi de son amour: l 'homme, de son
pas dire évidemment que les doctrines qui y sont e'xposées ne soient côté, ne resta pas indifférent à ces marques de tendresse, et tous
pas plus anciennes: cette date fournit plutôt un terminus ante quem, deux s'unirent pleins d'affection: ÊQWJ.lEVOl yàQ -ljO'av 250 • C'est cette
qu'on peut essayer de préciser davantage au moyen des données de union morganatique qui explique le dualisme" de la nature. humaine.
la critique interne 247. En effet, la Nature est A l'origine du corps humain, dont l'élément
En ce qui concerne la pneumatologie des écrits hermétiques, nous femelle est constitué par l'eau et l'élément mâle par la terre. Le
aurons à parer à"la düficulté que nous avons déjà rencontrée chez" .pneuma vital est une parcelle de l'éther, c'est-A-dire un souffle
les gnostiqu€s, à savoir le manque d'unité. De même qu'il y a plu- emprunté à la région des sphères planéta.ires: par contre, la partie
sieurs systèmes gnostiques, qui, tout en ayant un noyau de doctri- incorporelle est originaire de l'üv{}Qwxo~: c'est lui qui fournit l'âme
nes communes, présenknt des divergences notables, on compte éga- (1lrox:rl), principe de la vie, et l'intelligence (voüç), principe de la
lement de n~mbreux "écrits hermétiques qui ne traduisent pas exac- pensée 2:S1.
tement le même tnseignement: ils présentent toutefois une unité Nous croyons; donc que, d'après le P~ès, la fonction propre
suffisante pour être englobés sous une dénomination commune. du pneuma coÎ)slste à rendre possible l'union des éléments terres-
tres avec des/principes d'ordre supérieur. Avant de s'unir à la
I.Le pneuma occupe une pla.ce importante dans l'anthropologie
Nature, l'Anthropos reçoit d'abord des Administrateurs de la région
des écrits hermétiques. Le POVmandrès nous app.rend que la Pre-
planétaire une parcelle de leur propre substance: c'est en se rev~
mière IntEUigence, qui 8 'identüie avec la divinité suprême, a pro-
tant de ces enveloppes pneumatiques qu'il acquiert la capacité de
duit une Seconde Intelligence, une Pensée créatrice, qu'on appelle
s'unir A sa fillncée terrestre. C'est là une représentation imagée du
le Démiurge. Celui-ci a façonné à son tour sept Administrateurs, qui
rôle dévolu au pneuma dans la constitution humaine: il est vrai-
eriglobent dans leurs orbites lie monde sensible tout !Cntier: ce~
ment le trait d'union entre le corps et les deux principes supé-
AdministTateurs, qui ne sont autres que les sept plan~tes, sont con·
rieu~, l'âme et l'intelligence. La distance entre ces deux réalités
stitués par les deux éléments supérieurs, le feu et le pneuma 248. Ce
est devenue tellement grande qu'il semble impossible de les
del'nier terme désigne donc uniquement le second élément, qui est
réunir dans la constitution d'un seul être sans les ;elier par une
dénommé généralement &~Q, I.J' ü"{}Qwxoç, produit également par l'In"
"'substance intermMiaire 212.
telligence première, fut saisi du désir de participer à l 'œuvre créa-
trice du côsmos et de donner naissance à des êtres pour son propre
248 Herm., l, 13a, 8c0'l"l', p. 120, 16.
compte. TI entra donc d'abord en contact avec les orbites plané-
250 Herm. l, 14, SOO'l'T, l, p. 121-122.
251 HenneliotJ, l, 17, ScOTT, l, p. 122: 'Eyévno M, [&,ç] iCVll[v] 'tow m-rci
248 W. 8cOTT~ Hermetica, 1, Introduction, texts and translation, Oxford, "t'cMCOV la yéveo~ "t'oup3a 'tQ&tcp. <<'E;"veyxev >>
la cpUa~ 'tci CKÔf&4"t'U' Eh)Mxq
1924, p. 10-11. Yào ilv <la yij>, XCll <"t'o> ~ OXEU'nxôv' ["t'o &i ix mJQàç dm&QOY·l ix &8
247 W. ScoTT, Herm., l, p. 10. alaiqoç 'to mWf&4 &60<'\'>. [xml [l~1}veyxev la cpOO&Ç !fci CKÔJ&4'fU] < ••• >
2~8 Herm., l, 9, SCOTT, 1, 118, 10. 0 &i \00ç 0 nQw'toli: [d.QQtv6a1}Â'UÇ Wv] ,.;Qàc; "t'G etOOç "t'oü civ(tQ<i,~ov • 0 &i civ&QOm~ lx torii; xal. cp<O"t'O; lytvno dç ~
<0> trot) xaL q>~ im<1QXrov, < <<<OQtv6a1}Â"Ii: Gw> >. Ü1cEX1iY}OE<V> [).6y'P] Ë- xYlv xa" voüv, lx t.Lèv troiili: ''l'Uxtlv, Èx &i cp<O"t'O; 'VOÜY.- Cf. K. STKUK, Poimatadr"
'tEQov voW 6f}JUO\IQYOv, Ôli: &WtEQ~ ['toü] [m1Q~ xaL 1t'VE'UJ&C1T~] rov i81)J'aoUfr eA Philo, p. 61-62.
« ' , , »It ' <. ..1.,
· > mJQ01i: xaL m'EUJ&C1't~ uLOI.Xll"t' OQ >'aç "t'wa.ç t:n"t'U, EV X'll-
"f1l0E <V EX 252 K. STEUR, Poimanàre. e" Philo, p. 190: «In den Poimandrel Tormt de
x>.o~ :tEQLixOVT~ TOY atcrlh}'tOY x(,Of.WV· xai. of) ~LOLxt)O~ a\rnirv tlJ.luQJdvrl "wl"t'UI.o levensadem (TÔ modif.Ul) een deel van het Itollelijke wezen V&I: den menaeh.
- Ibid., l, 16, ScOTT, l, 122, 13. Bij PhUo heeft het pneuma ~leell b\'Weke,,~ ~ v\'rbaQ4 IQ~ 4~ vraas llIftI'
LA LITTÉRATURE HERMÉTIQUE 311
310 - LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX
l'opinion (b6~a), tandis que la raison (j.ôyoç) procure une vue pl us
Cette même anthropologie -se' retrouve auCorp: r, où 1!on trouve-
pénétrante du réel, qu'on appeUe yvW(J~ 255. Il saute aux yeux qu'on
des précisions importantes sur cette .doctrine. On y représente la
eS,t ic! aux antipodes de la conception philonienne et gnostique,
cOlistitution de 1'homme comme un emboîtement de sphères concen-
d apres laquelle le pneuma est considéré comme une lumière divine
triques, dont le centre est formé par l'intelligence et la périphérie
ac~ordée à l 'h~mme en VJle de lui révéler des vérités qu'il ne pour·
par le corps: c'est pourquoi on nous dit que-le pneuma est le véhi-
raIt pas connaItre par les seules forces de son intelligence humaine:
cule de l'âme (expression que nous avons déjà rencontrée chez Plu-
le pneuma de 1'hermétisme a des fonctions beaucoup. plus modestes.
tarque), parce qu'il entoure notre principe vital d'une enveloppe
I~.. y a donc deux intermédiaires entre l'intelligence et. le corps:
aérienne, alors que celui-cl est disposé autoùr de" 1'intelligence, qut
1 ame et le pneuma. Cette écheUe d'êtres intermédiaires se retrou-
occupe le centre de l'univers humain 253. Si nous parlons d'un em-
vera également daris la théologie des écrits hermétiques, comme nous
boîtement, c'est qu'il n'y a pas de cloison étanche entre ces diffé~
le verrons plus loin. Les auteurs ont voulu, en effet, concilier le-
rentes sphères concentriques: en effet, les courants pneumatiques
dualisme platonicien avec le monisme du Portique' ils ont voulu
circulent dans les artères avec le sang et ils sont les causes immédia- . '
construIre une sphère parniénidienne sans hiatus et sans fêlure
.tes de tout mouvement corporel. Si certains philosophes ont cru pou-
tout en gardant les deux ordres de réalité distingués par Platon:
voir identifier l'âme avec le sang, c'est qu'ils ne se sont pas rendu-
Ils en arrivent ainsi à une hiérarchie - imposante de perfections
compte que celui-ci perd toute son ardeur vitale dès qu'il est sép'aré
étagées, qui jettent un pont entre les extrémités contraires. Dans
de l'âme et du pneuma 254. En ce qui concerne ce dernier point, l'au-
leur langage mystique ils donne·nt éomme raison d'être à ces réa·
teur est certainement tributaire de la littérature médicale de son
lités intermédiaires la nécessité de préserver la divinité ou l'intel..
temps, spécialement de l'école pneumatique et de Galien.
ligence du contact avilissant avec la matière: un contact immédiat
Le rôle qui est dévolu au pneuma correspond en somme à l 'oQyavov
entre le vO'Ü'; et la matière est impossible, non seulement pa-rce que
de Galien, bie-Ji qu'il soit caractérisé avec moins' de précision. En
le corps d'argile ne peut pas _abriter l'intelligQnce immortelle, mais
effet, l'auteur parle uniquement des mouvem€·nts corporels, alors
surtout parce que celle-ci serait contaminée au contact de la matière
que, dans un autre écrit hermétique, on reproduit presque littéra- • 258 A
paSSIve . u moment de la mort, tous les éléments retournent à
lement la conception stolcienne de la sensation, basée sur les cou-
la substance d'où ils ont été tirés originaireID€·nt: si donc le com·
r~nts pneumatiques qui se dirigent vers les différents- organes: le
pneuma qui est l'instrument de la connaissance sensible·, fait . con- 255 Herm., XIX, 5, Scon, l, 448, 13: Kur't'o f'iv 1CVeiifA41'OÜ acOJA41'~ <eaTL
naître les phénomènes du monde extérieur; il est à l'origine de >,
1'0 ~tO'6-r!1'':''Ov 0 ôè My~ 'til~ OÜOLo.ç < < E(J1'~ 1'0 q>Qovoüv. l:\1VU:ItUQXEL ôi 1'ip
<fA.ev> Â.OYql f] 1'OOV r1'L....Crov1 yvOOOLÇ, 1'ip ôè :rveUJA41'~ f] 30;0.'> > < 0 fÙ.v yàQ>
hat leven en streven van den mensch; bij hem behoort het pneuma niet tot het !OÜ rxaÀoo' 8eroQTl1'Lx~ EO'tL, 1'0 ôè [ataihl'fLXOV 1CVeiiJA4] 1'00v qiClLVO....nrov xQ''t'LXOV
wezen van den menseh D. - Nous ne pouvons pas admettre la conception de EO't~ &~ilQTl1'UL ôè <1'0 :ItVE'Ü .... u> dç 1'à; bQyClVLXà~ utoihiaELÇ, xollafl, ['t'~] fLÉQoç
K. Ste ur au sujet d!, la pneumatologie de Philon, puisque nous avons vu que u~oü [1EVEUJA41'LX'iJ] OQU1'LX<Ov> xui. OxouO'tI.XOv xui. oaq>QTl1'LXOy.-xo.i. yeuGtLXOv
l'auteur se sert de ce terme pour désigner non seulement la partie inférieure XUL UmLXOv. Toiito 1'0 :ltVE'ÜJU1 rùvayov yevo~ 3urvoCaçl XQI:'YEL '1'0 Cllcrlh)1'LX6vl.
mais aussi la partie supérieure de l'âme. ' et 3è ".;, cpC1V1'a~e'tuL f'Ôvov'. POUl' cette dernière phrase ·W. Scott propose la
. 253 iIerm., X, 13, SCOTT, l, 149, 27: 'i'UxTl ôè à.vitQc01COU bxei'ra~ 1'Ov 1'QMOV correction suivante:, àVClYOI'tVOV <p.èv dç JWtOx'lv> 3uxvoLaç XQL'YEI. <XCl1" cil';·
~OÙTOV, /) voùç [Ev 1'q, Â.6y<p, 0 Myoç] EV 1'ii 'l'Uxii, f] ÔÈ "",UxTl EV 1'ip :rveU!Ul1'~ fnUlV.>
- 254 Herm., X, 13, SCOTT, l, 194, 29: 1'0 <ôÈ> 1[Veij~ Ôl'iiXOV ôui <1'oov> 2:18 Herm., X, 17, SCOTT, l, 198, 15: 'A&Uvo.1'ov yàQ 1'av voÜY iv.~'v'P aœJ'41'L
[JÂ.e6oov xal] <ÏQnjQuOv [xol] <fU:Tà 1'Oü> u'[!Ul1'~ XLVei 1'0 [~ipov) <OOO!Ul> xai. yu ....vav Cl'Ü't'av xua' ÉUUl'OY ÉÔQcia<~>UL' oün yàQ 't'o YllLVOV qoojur.
oomteQ q>OQTOV nvà f3aO'to.~eL. à..o xaL 1'LVE~ Ti}v 'i'UXTJV al!Ul lvo ....uJav dVUl" èJq>ol- ôUvu't'Ov EO'tL njÂ.I.XU1Tn)v à{}uvuoWv tveyxerv, oün Ti}v 1'oaa1Tn)v <ÏQETi}v civiXEa9UL
MfU:VOL 'tilc; «pVoero~, ~ dôon~ on :ltQOO1'OV ôer [TOÜ 1[VeU!Ul1'O~ âvaxroQl]oaV1'~ O'UYXQro1'L~OfU:'Vov «\nii :ltuih)1'Ov oooJUL "'EMr.6ev oUv WmtEQ :ltEQL60Â.TJv Tl)v ~v· -
d.~] <ls~Â.{}eiV> 't'i)v'l'UXl]v, xai.1'on < <1'00 :rvEV!UlTO~ àvaxro~l]oaV1'o~ Elç> > of), ôÈ ,'l'U~, xui., a~ 6Eia 't'LÇ OÙ<JCl, XUaCUCEQEl :lt6Q~<60Â.ii> 1'ip :ltVriua1'L XQijTUL,
<,1'0 ~eQ~Xov>, 1'0 a't!Ul1Cayi)V(U xa1'à 1'à; q>).i6~ xal1'àç àQnjQLo.ç XevOOih:L~ 1'0 ~e 1EVEU ....U,1'0 [t;q>ov} ~oooJW? ~un~r' < < <JUO'TillETaL -<"(~> TO .< f1.iv >
[1'0 ~q>ov) xa1'aÂ.[E]l.:Iteiv. Kai.1'OÙTO Éon 0 8o.va1'~ 1'OÜ OcO!Ul1'O~,
- Cf. HUKIPPOS, l, 13, 96"99, SCOTT, II, 253.
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ttV EU J14 elç 1'0 o.lf'Ur 1) ÔE ,,",~1) E'$ 1'0 1EVeiif4U>
LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX LA LITTÉRATURE HERMÉTIQUE 313
312
posé se désagrège, les parties constitutives sont immortelles 25T. Le Par suite de sa position intermédiaire entre l'âme et le corps, le
corps se dissout dans les éléments qui le constituent, tandis que le pneuma exerce une grande influence sur ces deux principes consti-
pneuma se répand dans l'air ambiant 258 • L'âme et l'intelligence se tutifs de 1'homme. Comme il circule dans les artères, avec le sang, il
séparent ~.galement et suivent le cours de leur destinée: tandis que tient pour ainsi dire l'organisme tout entier en son pouvoir. D'autre
la première est soumise à un jugement impartial qui décidera de part, comme il imprime à sa sphère aérienne une rotation perpétuelle
son avenir et d'une réincarnation éventuelle dans le corps d'un ani- autour de l'âme, celle-ci est enfermée dans' cette prison pneumati-
mal Bt, le 'Voüç, après s'être dépouillé de touks les enveloppes qui que. TI en résulte que le pneuma exerce une influence très grande
le recouvraient durant cette vie, revêt un corps igné et parcourt le sur la vie affective et passionnelle: c'était d'ailleurs une croyance
monde entier au service dè la Divinité 280. très répandue dans l'antiquité, que le cours des planètes n'est pas
La nature de ce souffle vital n'est guère douteuse, puisque l'âm'e sans influence sur les dispositions psychiques des hommes 263.
s'en est revêtue en descendant vers la terre et en passant par les Il Y a évidemment lieu de se demander quelle est l'origine de ces
orbites planétaires: il est de la même' nature que la substance aérien- con<~e'ptions du pneuma comme enveloppe psychique dont l'âme

ne qui nous entoure et dans laquelle les planètes suivent leur par- s'est revêtue en descendant dans le corps' Certains auteurs y ont
cours régulier. Le terme m'riiJ1a est d'ailleurs employé fréquem- vu aussitôt des rapports frappants' avec la philosophie de Posido-
ment dans les écrits hermétiques pour désigner la couche'd 'air située nius 26 •• Puisque nous ne possédons pas de témoignages directs
entre la terre et le cie1 261 • C'est en raison de la connaturalité exis- sur cette question, nous devons recourir à d'autres exposés tou-
tant entre l'enveloppe de l'âuie et la région des planètes, que ce ch'ant l'anthropologie, dus à des auteurs postérieurs à Posidonius,
même terme a été employé: il désigne donc bienTaDature aérienne et dont nous savons par ailleurs qu'ils dépendent de lui. Or nous
de cette enveloppe psychique. Si dans certains textes il est question n'avons trouvé - la chose est assez fr~ppante - aucune trace de
d'un mE'ÜJ.La at3ÉQLoV ou ÎEQOv, nous croyons que 'ces épithètes pro- cette doctrine dans la pneumatologie de Sénèque, dont nous avons
viennent de la présence, dans cette région, des planètes qui sont montré la dépendance directe et immédiate vis-à-vis du philosophe
regardées comme des êtres supérieurs 262. d'Apamée. C'est le spiritus qui, dans la psychologie du philosophe
romain, est une' parcelle du souffle divin emprisonnée dans notre
corps. - D'autre part, les auteurs .chez qui nous allons rencontrer
251 Herm., XII, 18, SCOTT, l, 234, 11.
258 Herm., XV, 4, SCOTT, 1, 438, 11.- Herm., XXIII, 67, SCOTT, 1,492, 23.
cette doctrine vont nous mettre sur la bonne voie dans la recherche
259 Herm., X, 1, SCOTT, 1, 190, 20. de son origine. Nous en trouvons une première ébauche chez Plu-
'60 Herm., X, 16, SCOTT, 1, 198, 4: QVMQaJWùaa yàQ Tt 'l'Ux1l elç <'t'à> Éau- tarque dans sa conception de la ""-'m, qui est comme un trait d'union
~ç < 'tOÙ 1CVEÜJ.LŒ'toç xooQ'tnal, xai. 0 voü~ Tij~ ""-'xiiç> • [O'UatÉÀ.Â.el'aL 'to meü~ entre l'intelligence et le corps. L'âme y est considérée comme une
elç 1'0 atJ.Ul, Tt aÈ ~ e~ 1'0 mwJ.LŒ] 0 aÈ voiiçxaaaQo~ yevoJœVoç 't'rov Êv~u,w­ enveloppe pneumatique que le voüç reçoit dans la région de la lune
'trov, eetoç {jyy cpUaEl, aeOJ.LŒ'toç mJQLVOU <mL>Aa66f12Voç 1IiEQ1.3t0A.et 1Iidvta 't01li0V
et qu'il revêt avant de descendre dans le corps. C'est pourquoi
xa1'aÂL1IiOrv t'Ï)'V ""'x1lv XQLaEL xaL TÏi xa't' «ÇLav aLXU' Cf. Herm., X, 19 a, SCOTT, 1;
200, 10. - SCOTT, II, p. 265; il Y a aU88.i de8 hommes chez qui l'âme est l 'homme subit une double mort: la première, qui a lieu sur terre,
ab80rWe par l'intelligence : ce 80nt les pieux, tandis que, chez les méchants, le sépare le corps des principes supérieurs, la seconde, qui a lieu dans
'Vo\;ç l'éteint par leur conduite impie. la lune, libère le voüç de Bon enveloppe psychique. lIais le fait que
261 Herm., XXVI, 12, SCOTT, 1, 522, 6. - Herm., XXV, 11, SCOTT, 1, 512,
14. - Herm., XXV, 3, SCOTT, 1 ,508, 4. - Herm., XXVI, 30i SCOTT, 1, 263 Herm., XXVI, 13, ScOTT, l, 522, 11: ~VvoMç fa'tL "al. XQciaLÇ 'tWv uaoo-

528, 21. - Herm., XXVI, 19-23, SCOTT, 1, 524-526. , Qrov <J'tOLXECcov, l; fj~ [XQdcremç xal. (JU\IO~ou] civaituf1LCÏ'tm 'tlÇ Q't'~, ôÇ xeQLewt-
262 Herm., XXIX, SCOTT, 1, 532, 2: Parlant du soleil, de la lune et des 'tUL f1èv TÏi VUX'Ot ~U1'tQéxeL &è Êv <'t'cp> aeOJ.LŒ'tl, af.UPodQoLÇ f1t"oo&OO~ ['touri-
planète." l'auteur nou8 dit: ot a' aVtOL fUQMOO'V lAaxo'V yl:vo~, latL a' Êv Ttflt'V <J'tL 'tcp aeOJ.LŒ'tL xai. TÏi ""'xii] Tij~ t~~ 1IiO..o't1l't~, xai. oÜ'tmç cd aLUCpOQ<Ù. 'trov vux~
MTa'Vll, z~, ..AQ11~. IIwpL"l. Koovo;, ·HÀLO~, "EQflil~. Toüvex' M' atittQLou rfUf1&' xrov xai. 'tro'V aooJ14't'LX<Ï>V rlvalloLcOaerov' yi'VOVl'aL.
QwJJrio.l meUJ.LŒ't~ D..xeL'V &axQU, yÉMO'tŒ, XOÀov, ymaWt Ml'Vov, WfvOV, Oqt~L'V. 264 K. RZINHARDT, Po,eidoft,o" r. 390! fit, llü~cBz, DM 8eeJe1lpft.eWmG,
- Berm., XXIII, 34, SCOTT, l, 474, 31. l'. 10 Do, 1,
314 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX LA LITTÉRATURE HERMÉTIQUE 315
nons trouvons cette doctrine chez Plutarque n'est pas une pr€uve Pour autant que le pneum~ de la littérature hermétiqut· ne consti-
de son origine posidonienne, car on rencontre chez lui de nombreux tue pas la partie supéri€:ure de l 'homme, mais ~t un élément inter-
éléments venant d'ailleurs et surtout des éléments empruntés aux médiaire entre l'âme et le corps, il se rapproche plutôt du ba, qui,
religions pgyptiennes: c'est, en effet, en Égypte, lieu d'origine Indi- d'après la conception de F. Lexa, coïncide avec la partie inférieure
qué, semble-t-il, par les autres aut~urs, que nous trouvons la doc- de l'âme humaine 267.
trine en question. Cependant nous croyons plutôt que cette pneumatologie herméti-
L' àVtL~'~oV n:vEÜ~a de la Pistis Sophia est également représenté que résulte d'un amalgame du pneuma mé.dical avec la psychologie
comme une enveloppe pneumatique, empruntée à la région des pla- platonicienne, amalgame qui B 'est produit dans les écoles philoso-
nètes et qui exerce unt influence néfaste sur notre conduite mo- phico-religieuses de l'Égypte. On sait, en effet, que, depuis le troisième
raIe: ici les accointances avec le pneuma de l 'hermétisme ne sont siècle avant l'ère chrétienne, il y avait à Alexandrie des écoles de
pas douteuses. Nous retrouvons une' concep~ion analogue chez· les médecine florissantes, où le pneuma jouait un rôle important. D'au-
néoplatoniciens et chez Origène. Tous ces indices ne laissent aucun tre part, on trouve dans le Timée de Platon cet emboîtement carac-
doute sur l'origine égyptienne de la doctrine. - téristique des parties constitutives de l 'homme, tel que nous l'avons
Une autre raison encore ne permet pas de considérer Posido- trouvé dans la littérature hermétique: voüv JLÈv Ev ""'x:n,
'l1umv ~è Èv
nius comme l'auteur de cette conception: celle-ci ne cadre pas du O"w~an ;VYlO"tàç ta r.:<Ïv ;VVEtExtaLVEtO (30 B). Cette doctrine, qui a
tout avec l'ensemble de son système, spécialement avec son pan- été reprise plus tard par les Oracles Chaldéens 268, se retrouve éga-
'pneumatisme, tel que nous l'avons décrit plus haut. En effet, si le leme-nt dans le pseudépigraphe, placé sous le· nom de Plutarque,
pneuma est considéré comme un souffle divin qui anime l'organisme De 'Vita et poësi Homeri, où il est fait allusion déjà au pneuma inter-
cosmique et dont nos âmes sont des parcelles détachées, comment calé entre le corps et l'âme: ta ~è nVEü~dÈO"tlV a'Ùrl) li 'V"ll) Ti -OXTJ~a rijç
peut-il être considéré comme une enveloppe psychique empruntée '4roxilç 269. Nous arrivons de cette façon à l'anthropologie hermétique
à la région des planètes 265 f comprenant le corps, le pne-uma, l'âme et le voüç. Il est naturel que
PeutJon trouver dans l'anthropologie égyptienne l'explication adé- le pneuma médical ait été intercalé, parmi les composants de l 'hom-
quate de ce pneuma hermétique' Nous ne croyons pas que les concep- me, entre le corps et l'âme, parce qu'il était traité par les médecins
tions religieuses de l'Égypte puissent fournir une explication suffi- comme le principe des fonctions physiologiques les plus importantes.
sante et intégrale de cette notion. En effet, bien que le ka égyptien pré- En ce sens il est vrai de dire que la pneumatologie des écrits he-rmé-
sente des ressemblances frappantes avec le n:vEÜ~a en tant que force tiques coïncide en somme avec celle des sciences médicales 270, pour-
vitale éparse dans le monde et répartie à tous les hommes 266, il ne vu qu'on ajoute que ce pneuma médical a été inséré dans la hiérar-
recouvre· cependant pas le contenu du concept grec, tel que nous
l'avons trouvé dans les écrits hermétiques: cette ressemblance est 267 J. LEXA, DM Yerhaltff,ü M' Geüte" derSeel4 uAd uwe, IIri cle. .A.egyp-
plutôt vague, et ne nous donne pas les traits caractéristiques de te,.,. du .J.lteft ll,eiche" V~stnik Ceské Akademie, Prague, 1918, p. 13.
-cette enveloppe pneumatique qui constitue le lien t·ntre l'âme et le 268 w. KRoLL, Oraoula ChalàaÏC4, p. 41:
corps. 'Voüv JÙ'V hl ""'X~, ~v 8' fy, ao,JU1'tL dqyci
&.la«; Byxa'tiih)xe :n:«n.Q av8QO)y ft Oe(i)y 'te.
2~ On 8 'est bas6 surtout sur le fait que cette doctrine anthropologique se 289 PS.-PLUT., De ",ta et poi,' Komen, e. 122.
trouve chez Servius, le scholiaste de Virgile (ln .Aen., VI, 714; XI, 51), et 270 -BÜCHSZL, Der Geüt Gotte" p. 118: «Die Geistvoratellung der Hermes-
Arnobe (Aàv. nat., II, 16 et 28), pour en déduire l'origine posidonienne: car schriften ist im Gronde die der griechisehen Natunriasensehalt:t. - A ee point
ces auteurs dépendent indirectement du philosophe d' Apamée par l'intermé- de vue nous nous rapprochons donc de l'interprétation gén6rale de J. Kroll
diaire des .Antiquités de Varron (cf. BOUSSET, Hauptprobleme, p. 361 ssq.). (D~. L.ehTeft des Hermes TriBmegiBto8), qui essaie d'expliquer les doctrines her-
Mais il n'en résulte pas que ces mêmes auteurs soient dépendants de Posidoniu8 métiques à partir de la pensée greeque, alors que R. Reitzenatein, dans so~
pour la doctrine visée dans le texte. explieation du PoimandT~s, insiste ~lutôt Sqf l~ éléments emvntntés .ux reli-
:06 A. ){OB~, Mystères éUlIptieM, Paris, 1923, vv. 199-219, gions orie~tales,; .
316 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX al1
chie des principes du composâ humain, distingués pu la psychologie Ce qui nous intéresse spécialement dans ce texte, c'est qu'il y a
platonicienne. dans les âmes un élément divin, qui œt pneumatique, puisque le
A côté de ce pneuma inrermédiaire entre le corps et l'âme il y a pneuma, qui de·vient une composante de la substance psychique, a
aussi, dans les écrits hermétiques, des allusions au pneuma man- été pris à la substance divine (&.xo TOÜ tMou Âa6c.ôv). Il existe donc
tique, tel que nons l'avons trouvé chez Plutarque 271, et au pneuma une parenté étroite entre Dieu et l'âme humaine, puisque tous deux
gnostique qui, s'opposant à la chair, constitue la partie supérieure sont pneumatiques. Ce n'est pas la première fois au cours de cet
de 1'homme 212. Cette dernière signüication, que nons retrouverons 'exposé que nous rencontrons cette idée: elle constitue le dogme
chez les auteurs chrétiens, est exceptionnelle dans la littérature her- fondamental de la psychologie du Portique. Une conception analo-
métique. TI est intéressant de relever à ce sujet la düférence qui gue pourrait se dégager également de la Genèse, où il est dit' que
existe entre ces écrits, d'une part, le livre de la Sagesse et Philon Dieu a insufflé dans le visage de l 'homme uri souffle de vie. La
d'Alexandrie, d'autre part. C'est que ces derniers se sont inspirés juxtaposition du voüç et du XVEÜJ1a comme éléments constitutifs de
de sources différentes. TI y a de part et d'autre des éléments com- l'âme se retrouve aussi dans les Oracles Chaldéens, où l'auteur Y
muns, qui résultent de l'influence de la philosophie grecque, tattdis aj~ute encore un troisième élément, l'amour 274. W. Kroll fait obser-
que les' divergences s'expliquent aisémmt .par l'infuenee de la théo- ver à ce sujet que cette 4istinction d'a l'inteUigence et du souffle
logie et de l'anthropologie bibliques d'un côté et de la religion égyp- divin provient de ce qu'on mélange des doctrines stoïciennes et pla-
tienne de l'autre. toniciennes 275. Il semble cependant que le pneuma_ ait perdu sa
Dans la KOQT) XÔC1J1OU, l'auteur expose assez longuement l'ori- signification matérielle et qu'il représente plutôt une fonction ou
gine des âmes. Ce récit qui est un décalque du Timée de Platon, con- un caractère de l'âme. Il serait toutefois téméraire de vouloir en
tient également certains traits qui intéressent notre étude. Di€'ll préciser davantage la signification, puisque nous n'avons pas affaire
aurait formé d'abord -la substance· psychique ($UxOOatç).· L"au- ici à des analyses philosophiques: tout ce que nous pouvons dire, c'est
teur indique deux ingrédients de ce composé: le pneuma divin et que le pneuma est l'élément divin dans la constitution de l'âme
le fen intelligent, qui auraient été mélangés avec plusieurs autres humaine..
matières inconnues. Dieu les. a joints en prononçant des formules Un peu plus loin, la KOQT) X0C1J10U relate la création de l'âme des
mystérieuses d, après les avoir longuement mélangés et secoués, il a bêtes, qui est faite également de la mousse provenant d'un mélange,
pris la mousse transparente de ce composé pour en faire d'ts myria- mais cette fois il s'agit des deux éléments inférieurs. Ce qui est
des d'âmes 278. . . intéressant à notre point de vue, c'est que l'auteur se sert· ici du
tèrme,nvEÜJ1a, non plus pour désigner un élément constitutif de la
271 Herm., XII, 19, SCOTT, l, 234, 22.
substance psychique, mais pour signifier le principe vital lui-mê-
212 Herm.: Zosn,[J~, 11, SCOTT, IV, 107,5: [OÜ'tmç oüv),o <f.lÈv yàQ> oc:iQ-
me 278.
XLVoç <civ&Qomoç> ' Aaà... [xaTà njv epaLvo~v nEQC:tÂcUJLV) [9mlr6] xal.eiTaL· ;,
ai É(J{J) airroù civiQm:to;, 0 nvEUJ'UTLX~, xai. xVQ<wv> [o"w] Ë~pOv < <0J'U> > >
TQ)~ EV tuUa ~LeXC<Q>Vf}œ<v [XQciJ'U), lm; bœyÉÂacJé 'tIÇ ~11J ~q; fÛY~L Mn-
xai.nQo01}yoQLXov.Herm., ASCLtpIUS, l, 10, SCOTT, l, 304, 19: «Nam ut homo TOTéQa 'te Ml ~Q)T~ J&CilloY [Ml ~LacpClVEcnéQaJ ij 1.; lfyy q,LVETO' ~&f:&&q~
ex utraque parte possit e886 plenissimus qua ternis eum utriusque partis ele-
3È ~v ctÜnJ. fiv 3fJ xcù J&6voç 0 'tf:XVCl'I)~ iWQ(L - Ct. la eompoution de l'lm.
mentis animadverte esse fonnatum: > > << unde efficitur ut > > parte << d 'aplis ~picure: Dougr., 388.
divina > > quae ex animo et sensu, spiritu atque ratione [ divinua ] est, velut ex: 27. W. KBou., .OrGOU14 Ch4ldaioa, p. 26:
elementis 8uperioribu8, inscendere posse videatur in caelum, parte vero mundana, Matov CJJuv6ijQCI 3001 ~ oJ'OYO~
quae constat ex igne etaqua < et terra> et aere, mortalis resiatat in terra, vq; xcù nveUJ'UTL OEU" lep' oTç 'tQCTOV a.yvàv ~QCO'tCl
ne curae omnia suae mandata vidua desertaque pimittat. - Herm., II, 8 b, ~ETLXbv "civTcov bn61}TOQCI (Jf:l'vOv EihJxn.
Seon, l, 138, 5i ef. II, p. 99. . Ct. op. cit., p. 64.
273 Herm., XXIII, 14, SCOTT, l, 464, 17:, 1E'VEÜJ'U Ytlo Oaov dQXETOv MO 'toU 275 W. KBou., OraculG Chalàdioa, p. 26.
16(OU 1o.6rov, xol VOEQip ToVrO mJQ1. ~a;J âyvWOTOLÇ TLOi.V héQaa.ç iiÂaLÇ ixéQa<JE· 278 Herm., XXIII, 18, ScOTT, l, 466, 28. Herm., XXIII, 21, SCOTT, l, 468, 20:
lQVta [ix«nqov ixaTÉqq>J f'UD. TLV(J)V bncpO'V1\oE(J)V xq\ntTWv tv~o~, Ta 1t(iv oll- < ... > xai. wucmt' wuoxoJ&n'~ TO'ti oQato1; ÉQYOIÇ autWv Tl. <â>6QaTCI
:Us t~ AYNORÊTtS~ l>lhLÙf;ÙPlttQt1E ~'1' R~LtGI~tfX 319
Il résulte de cette analyse que nous sommes bien .loin iJ.e pouvoir pneu ma dans l'anthropologie de l'hermétisme: de part et d'autre
accorder iCi. à ce terme une signüication technique, qui se retrouve- le pneuma est le véhicule (oXllJ,A.a, 0XOlJJA.EVOV) d'un élément supérieur.
rait dans les' düférents écrits, puisque nous avons rencontré des sens La fonction qui est assignée au pneuma dans la production du
très différrnts tout au long d'un même opuscule. Nous pouvons dire monde et qui est attribuée également au 1tVEUJA.atlXOç À.oyoç du Poi-
cependant, d'une façon générale et schématique, que dans l'anthro- mandrès 280, présente des accointances ind~scutables avec le rôle du
pologie de 1'hermétisme le pneuma désigne avant tout une enveloppe pneuma dans la Genèse, plutôt qu'avec la pneumatologie du Porti-
matérielle qui recouvre l'âme et dont elle s'est revêtue au moment que. En effE:t, la description qui nous est· donnée de la production
de sa descente à travers la région des planètes.. du monde dans le Poimandrès et dans le Oorp. III rappelle direc-
2. Après cette analyse de la pneumatologie anthropologique des tement le récit biblique. C'est ainsi que nous retrouvons cette con-
écrits hermétiques, nous en arrivons à leur cosmogonie, où le pneu- ception dans certains systèmes gnostiques, où les éléments emprun-
ma joue également un rôle important. En effet, dans le Oorp. III, tés à la Bible sont particulièrement nombreux.
l'auteur indique deux principes qui sont à la source de la réalité On retrouve également dans les écrits hermétiques la conception
tout entière: un principe matériel représenté par un océan infini stoïcienne d'un pneuma qui est répandu dans le monde et qui pénè-
plongé dans une obscurité profonde, et un principe formel qui est tre tous les êtres: ce souffle divin, s'opposant à la matière inerte,
un pneuma inteUigent et subtil, pénétrant de sa puissance divine est considéré comme la source inépuisable de la vie et du mouve-
l'élément matériel 277. Il résulte de la suite de l'exposé que ce pneu- ment, dont chaque être participe suivant son rang dans la hiérar-
ma divin ne peut pas être confondu avec le second élément, pour chie du cosinos. Il importe cependant de remarquer que ces courants
lequel on trouve dans les écrits hermétiques la ~ême dénomination. pneumatiques qui animent le monde, ne sont plus identifiés avec la
En effet, l'auteur nous dit qu'après la producti~n des quatre élé- divinité comme dans le système stoïcien. Il semble y avoir ici entre
ments, ceux-ci se sont localisés dans des régions déterminées du Dieu et le pneuma la même relation que celle qui existe entre l'âme
cosmos suivant leur pesanteur: tandis que la terre et l'eau restaient et le 1tVEÜJA.a ",UXlXOV de Galien ou d'Aristote: ce souffle pénétrant
sur place, les éléments lége·rs sont montés dans les sphères supé- est, dans les mains de Dieu, un instrument docile pour le gouverne-
rieures. Au sommet se trouve donc le feu, soutenu par la couche me·nt du monde 281. C'est que, sous l'influ~nce du platonisme et de
aérienne qui s'étend en-dessous de lui2 78 • C'est ainsi que s'explique
également le mouvement circulaire du ciel, qui est soutenu par le O~] XUL "EQU:<L>ÀLX'ÔT) 'to ["eQLxUxÀlOV) u<t-3>ÉQl<OV> xuxÀC'P ÔQOlllt..,aTl,
pneuma divin, lequel occupe la seconde place dans la série des élé- ~ll«"t'l OELcp OXOOJ.LeVOV.
ments 279. Il y a ici une analogie frappante avec le rôle. assigné au 280 Herm., l, 5 b, SCOTT, l, 118, 6: vii ôt XUL ü3<.oQ ÉJ1€V8 xu{Y Émrtù c:nJllf.U!-
llLYJ'ÉvU, ooç f'~ rOeroQELal}uLl [c:bto] [TOÙ ÜÔUToç]' XlVOOJ1E'U ôè ;'jv ôtà TOV <Ë-
motU..,a<TU> L..uttûsw., <ÈS>O\lOLuV TE ollOLoyoVLaç <ÔOÜVUL> ÉxaOT,!>. futroç <
"uvro> < TOÜ ÜÔatoç> >. btu:ptQOJ'EVOV :7tVEUfAoClTLXOv ).6yov. - Le logos dont
[uuTill [UÙTO~] ËTEQfl yEVVq. 0llOW] uman] [TE] llT)XÉTL à,vayxT)v Ëxroow ciUo TL il est question danl ce texte est appelé t1Wç OEoù(Henn., l, '6, ScOTT, l,
"ou:'Lv <"Q.Q'> â. l«pih}aav ËQyaouu6m. - Scott en note: fortasse: Â.o.6wv eù 116, 9).
xaL ~ <'iÔT) dm}QTLOllÉVU Tà ~EUll«TU TULç ",\lxutç mlQÉ'&r)xE> xUL c:btÉOTT), . 281 Henn., ASCLÛroS, III, 17 a, SCOTT, l, 316, 3: Spiritu vero «qui
{mLaX0JJ.EVoç x. '(. À. quasi organum vel machina sumDlÏ dei voluntati 8ubjeetua est > > agitantur live
271 Herm., 111,1 b, ScOTT, 1, 146, 1: ;'jv yàQ OXOTOÇ [W'tELQov] Ev ci6~oo<ll gubernantur omnes in mundo speciel, unaquaeque leeundum naturam luam a
xui. ;;~roQ < <WtEt.QOV> > 'XUL ~EÜll« À~TOv VOEQOV, ~uvallEL OEL~ < ..... > ov deo distributam. libi --VÀ1) lutem < vel mundus> omnium est < fonnarum>
'tà Ëv XclEL. - SCOTT propose de corriger comme suit: OE~ <~LilX>OV 'tà Ëv. reeeptaeulum; omniu.mque agitatio atque frequentatio < ... >. Quorum deui
278 Herm., III, 2 a, ScOTT, 1, 146, 5: [xu"t'OOWt.QOÜOL tpÛOEroÇ Ë,'o:roQO\l] gubemator dispensana omnibus [quantum ] rebus mundatis «quantum»
[à,~loQicnrov ÔÈ Ovtrov o.."taVTrov 'XUl à,'XUTUOXEuuOTroV] < <TroV <yàQ> oÀrov unieuique necessarium elt; spiritu veto implet onmia, ut cujusque naturae qua-
ôWQs.oinvtrov> > MEXroQlO'ÔT) Tà ËÀucpQà E~ inVoç, < <à,vUXQE~ÉVToç <'toO litas est inaltata. - Herm., fr. 24 (DmYJros, D, XriAitate, 156 b; CTB.u.I&
.:roQ~ "t'il» "w-UfW"t'L OXdO'ÔUL> >. . D'ALEX., c. Jvl., 556 cl, SCOTT, l, 542. - Herm., ASC!.tPlt18, l, 6 b, SCOTT}
279 Herm., III, 2 b, SCOTT, J, 146, 15: ['XUL ôL'lQ-3,u:)-fh) aùv TO~ Ëv Utrrij Oe- l, 296, 8.
32() t~s PAPYRtJ8 MAGIQU~S 321
la Bible, l'immanentisme stoïcien a été remplacé par la conception taire un tableau quelque peu logique. C'est que nous nous trouvons
d'une divinité transcendante 282. en plein syncrétisme religieux et philosophique: les auteurs de ces
En rapport avee cette dernière signification, où le pneuma repré- ?crits· ne semblent avoir aucune préoccupation systématique, mais
sente proprement un intermédiaire entre Dieu et le monde, il faut Ils veulent uniquement communiquer leur science secrète sur les
noter également que, dans certains passages des. écrits hennétiques, réalités supracosmiques, et cela dans un but pratique. TI ne s'agit
ce terme est employé pour désigner ce que les philosophes grecs donc pas pour eux de donner une explication rationnelle cohérente
appellent généralement des 8aiJ.l.ovEÇ. Ce sont des êtres invisibles, de la réalité tout entière. En outre, la ~ittérature hermétique n'est
plUs puissants que les hommes, à l'égard desquels ils peuvent être pas une Somme théologique, écrite par un seul homme qui aurait
bien ou mal disposés: c '{.St pourquoi les hommes les représentent par développé au cours d'exposés nombreux les mêmes vues fondamen-
des statues et leUr rendent un culte pour en obte.nir des bienfaits. tales: étant donné qu'il existe un grand nombre d'opuscules prove-
Il est intéressa~t de remarquer que ces statueS sont I~gardées non nant d'auteurs différents, il n'est pàs étonnant que nous n 'y trou-
seulement comme des images inertes et inanimées de l'esprit, mais vions qu'une unité très relative . Bien que la tendance générale de
comme des organismes, animés par cet être supérieur 283. Cette nou- ces textes soit partout la même, ils n'en manifestent pas moins des
v€:lle signification du pneuma, que nous trouvons également chez divergences considérables dès qu'on essaie de creuser le contenu d'une
les gnostiques, a certainement pour origine des écrits juifs ou chré- notion, comme nous l'avons fait: c'est que la doctrine de ces écrits
tiens, dans lesquels le terme 8aiJ.l.cov est très souvent employé dans a été e·mpruntée à des sources disparates.
ce sens. Il est clair que le pneuma, dans cette nouvelle signification, Il y a cependant, malgré ces divergences non négligeables une
n'a rien à faire avec le souffle matériel qui entoure l'âme, puisque le signification du pneuma que nous considérons comme centr~le et
voüç doit d'abord se dégager du pneuma et de l'âme avant qu'il caractéristique dans les écrits hermétiques: celle où le pneuma dé..
puisse se revêtir d'un corps igné et devenir un 'démon au service signe l'enveloppe aérienne de l'âme, qui rattache cel1~ci au corps.
de Dieu. Le .caractère matériel de ce pneuma ne peut pas être mis en doute,
pUIsque c~ véhicule pneumatique de l'âme n'est qu'une adaptation du
••• pneUIDa médi~l à la psychologie platonicienne. .
Il résulte donc de cet examen que la pneumatologie de la littéra-
Il résulte de l'analyse que nous a~ons entre·prise que le pneuttul ture hermétique ne marque pas un progrès dans le sens de la spiri-
n'a pas, dans les écrits hermétiques, une signification bien précise. tualisa tion. .
On y trouve plutôt un syncrétisme des différentes significations
que nous avons rencontrées antérieurement, sans qu'on puisse en
6. LES PAPYRUS MAGIQUES.
282Herm., IV, 1 b, SCOTT, l, 148, 23: parlant de Dieu: oon y<ÏQ riQ ÊO'tLV
< < Êxdvoç> >, oün -6ôroQ, oVrt dtiQ, OÜl'e nvWJA4· ciUu "MU <'tuü> 'tU {m' La pneumatologie des papyrus magiques présente une complexité
UÙTOÜ <yÉyOYEV >. et une confusion à peine moins grandes que celles des écrits herméti.
283 Berm., AUGUSTIN, De civ. Dei, 8, 23, ScoTT, IV, 180, 1: At ille (seil.
ques. Elle a cependant des caractères nettement différents. Les écrits
Hermes) visibm& et eontrectabilia aimulacra velut eorpora deorum esse adserit;
messe autem bis quosdam spiritus invitatos, qui valeant aliquid siva ad noeen- hermétiqu~ représentaient un enseignement philosophico-religieux.
dum sive ad desideria nonnulla eomplenda eorum, a quibus eis divini honores donné à un petit auditoire d'élèves par un maître auquel on attri-
et cultus obaequia deferuntur. Bos ergo spiritus invisibiles per artem quandam bue le nom d'une divinité; les papyrus magiques, au contraire, n'en-
visibilibus rebua corporalia materiae eopulare, ut sint quaai animata eorpora Ulis tendent pas communiquer une science spéculative: provenant de la
spiritibus dieat8 et subdita sÏlnulacra, hoc esse dieit deol faeere, eamque ~a­ bibliothèque privée de certains magiciens, ils contiennent des formu-
gnam et mirabilem deos laciendi aeeepisse hommes potestatem. - H~rm.,
ASCLfpIUS, III, 24 a, SCOTT, J, 889, 25. - Hnm., xxm, 43, SCOTT, 1;
les ~ratiques e'n vue de se prémunir contre les multiples dangers de
480, 21. la vIe et d'obtenir certains effets qui dépassent les l~mites de .la
Il
t~SPAPYRU3 MAGIQUES

puissance humaine. C'est dans ces formules magiques que nous d~ o 'est par ce souffle divin que le monde constitue un grand "Organis-
VODS essayer de trouver la conception du pneuma répandue dans le me, pénétré d'une âme toute-puissante 288. Cette conception moniste
peuple durant les premiers siècles de l'ère chrétienne. Nous nous du monde est évidemment à la base des multiples pratiques magi-
trouverons, dans l'exposé de ces doctrines, devant les mêmes diffi- ques, car l'influence mystérieuse exercée par le magicien sur des
cultés que pour la littérature hermétique: les papyrus magiques sont êtres souvent très éloignés est rendue possible par le fait qu'un
dus à des auteurs différe-nts et s'échelonnent sans doute sur une même souffle divin pénètre tout le réel 289. Nous nous trouvons ici
période assez étendue. La plupart des manuscrits qu'on en possède devant un cas analogue à celui de la divination que les stoïciens
datent du quatrième siècle, mais il va sans dire que les formules expliquaient par la sympathie universelle du cosmos: si toutes les
qu'ils contiennent appartiennent généralement à une époque beau.. parties du monde forment un tout cohérent, il n'est pas étoMant
coup plus ancienne, renlOntant jusqu'au premie·r siècle de notté que le vol des oiseaux et la disposition des intestins d'un animal
ère 284. Ces textes magiq~s d'origine égyptieDlle présentent un puissent nous renseigner sur la destinée des hommes. L 'horoscopie,
intérêt tout particulier, parce qu'ils nous font descendre des hau- qui était pratiquée sur une large échelle par les magiciens d'Égypte
teurs de la spéculation philosophique, po·ur nonsintroduire dans les et qui rattachait les événe·ments de la vie aux configurations des
conceptions et les préoccupations journalières du peuple. No~ astres, était basée en somme sur le même principe, de même que
essaierons donc de dégager de la complexité de cette pneumatologie l'emploi des talismans, des amulettes, les envoûtements et autres
les lignes essentielles qui sont intéressantes à notre point de vue. pratiques magiques.
Il y a cependant une différence importante entre la cosmobio-
1. Il importe de remarquer tout d'abord que ces formules magi- logie des stoïciens et celle des papyrus magiques: ces derniers accen-
ques et les pratiques qui s'y rattachent, reposent finalemt·nt sur une tuent beaucoup moins l'immanence divine. En effet, le pneuma cos.
conception de la divinité et du monde, qui est foncièrement stoÏ- mique tel que nous venons de l~ décrire est plutôt Une émanation de
cienne·: le cosmos est conçu comme un grand organisme animé par la divinité, une force divine qui circule dans le monde, sans qu'il
un souffle divin. Le papyrus XIU 285 rapporte le récit de la créa- coïncide avec le tout de Dieu. TI est vrai que la différence est assez
tion du Dlonde: lorsque Dieu a ri pour la se·ptième fois, il a produit subtile, puisque les stoïciens admettaient égalément un hégémonikon
Psychè, l 'âme de l'univers, qui a animé tous les êtres. A partir de du monde, centre d'où partent les rayons pneumatiques qui animent
ce moment toute la réalité s'est mise en mouvement, parce qu'elle l'univ€·rs. Nous croyons cependant que, suivant les papyrus magi..
était pénétrée ·d'un souffle de vie 286. Ce pneuma divin n'est donc ques, probablement sous l'influence du platonisme et des religions
}las localisé dans une région Spéciale de l'univers; on le retrouve égyptienne et juive, la trànscendance d€: la divinité est pIns "sccen.
}lartout, au ciel, sur la terre, dans la mer et dans les fleuves 287 : tuée, ce qui résulte surtout du fait qu'on a· établi entre Dieu et le
monde des êtres intermédiaires, désignés également par le terme
284 D'après A. D. Nock (Greek magical papyri, Journal of egyptian archaeo·
1CVEUJ.laTa 290. Ces démons pneumatiques, qui ne sont pas toujours
logy, 1929, pp. 219-235) la magie gréco-égyptienne serait déjà constituée au
premier sièe1e de l'ère chrétienne.
285 Nous adoptons les numéros de l'édition de Preisendanz: Papyri graec(J.6
28~ Pap.,· IV, 1110, PREIS., l, 112: oit""CGv Évu xal J1ÛXUQ<l ""C<Ïrv AtOOvoov na"tÉQa
magicM, Leipzig; 1, 1928; II, 1931. 'te xooJ1Ou, xOOJ1LXa"Lc; xÂ.ijt;co Â.lTaic;. âEÜQO ,",01., 0 n.epum\O<IÇ TGv oUfUfaVTa xOaf.&OV••
288 Pape XIII, 525, PREts., II, 112: 'toü"t' dn6vt~ 'toü Beo\; navçu È"Lvr)iht "al
- z:a!., IV, 1280, PRlUS., l, 116: 'E..'tWtouoOv J1OI., LUte ~Qii, ""COv teQbv<lcSyov>,
mEUJ.W'tWih} ÙXU""CU<O>XÉTO>Ç. [, ""Ca 0Â.a O'IJVÉXcov xai. t;cooyov<Ï>v."fÇrv oUJL"'taVTa xOOJ1OV. --,- Pap., XII, 239 uq.)
PREIS., II, 74.
281 Pap., XII, 325, PREJS., II, 80: 'HVOLYTI <1» 06EUOLÇ 'ti\c; Ba.À.aoO'r]C;, -l)VOLyt}
289 FESTUOItRZ, L'idéal religie1lZ de, grec. et l'Évangile, Paris, 1932, p. 294:
f) OOEUOLÇ ""C<Ï>v nOTuJ.Ui)v, T)xouO""Dt) J.LOU""Co m'EÜ...,a lmO m'w...,a""Co~ oVQavoü, T)xooO""Dt)
J1ou""Co m'tÙ...,a into m'~...,a'to~ bnYELou, T)xouO""Dt) J10u 1:0 m'EÜ...,a {,no m'EU...,a'toc; Ba- «La croyance esscntielle du mage est que le monde forme un seul tout divin
dont les partics sont reliées par une sorte de sympathie ».
Àa.aOLoU, i}xouoih) J10u ""Co m'EÜJUl lmO m't';JUl""Coc; n01:aJ1(ou. --' Pap., IV, 1115,
:PREJ8., 1, 110. - Pap., IV, 1131, PREIS., l, 110. - Pap., III, 549, PRIUS., 290 Pap., XII, 147, PREIS., II, 68: È:nxaÂ.oüJ.Ul.' OE ""COV 1."'tL-c<Üv [:\V]EU~1(i-co>v
I, 54. tEl"aYf.livov BEi)\' O(EO)\') ... ; PcJp., XII, 249, PREIS., H, ;5; p(.p., XII, 262,
iË BYNCRtTIBME PHILosoPlÏIQüÈ Ë'l' nËLloIËtfï LES PAPYRUS MAGIQUES 325
bienveillants à l'égard des hommes, jettent le pont entre le Dieu su- généralement le principe dE: la vie, par opposition au corps ou à
prême et l'humanité. Nous trouvons dans les papyrus magiques, des la chair 29.1. Lorsque, après la mort, le corps humain se dissout le
" '
prières adressées à Dieu pour qu'il envoie un pneuma, ou bien pour pueuma, soute"nu par un parèdre puissant, s'en va vers sa destina-
le remercier de ce qu'il a envoyé un démon au secours des hom- tion bienheureuse 29'. A ce point de vue il n'y a donc guère de' dif-
mes 291. Cet aspect de la théologie des papyrus magiques forme un férence entre la psychologie des papyrus magiques et ceUe des stoï-
contraste assez net avec les conceptions stoïciennes: suivant ces der- ciens; c'est que ces derniers s'écartent à peine de l'empirisme im-
nières, en effet, le pneuma humain n'est pas seulement une émana- médiat, qui considère le souffle chaud comme le principe de a"a ne,
tion de la divinité, mais il est vraiment une étincelle de la. substance parce qu'au moment de la mort toute respiration cesse. Certains
divine répandue intégralement dans le monde. textes témoignent ~pendant d'une "anthropologie plus compliqu~:
De même, les multiples formules par lesquelles le magicien prie dans ce qu'on appelle la liturgie de Mithra, le myste atte"int l'union
la divinité de lui envoyer son pneuma magique (nous en parlerons avec la divinité en se dépouillant de tout ce qui pourrait arrêter ~n
plus aoin) n'auraient pas de sens dans l'immanentisme stoïcien: car, as,cension. C'est pourquoi il r~jette pour un certain temps la ",UXl x1}
si Dieu s'identifie tout simplement avec l'âme du cosmos, le prin- B.lJValllç, pour la re"prendre après l'expérience mystigue: l'a seule par-
cipe vital de chaque homme coïncide avec le pneuma divin 292. tIe de 1'homme qui est capable d'atteindre ces sommets, c'est le
Il est donc plus exact de dire que le pneuma qui Est répandu dans pneuma immortalisé par la force magique découlant de la divini-
le monde et qui en assure a"a cohésion, tout en étant divin, ne 'coïn- té 295. On en arrive ainsi à une conception qui distingue dans 1'hom-
cide cependant pas avec le tout de la divinité: il apparaît plutôt me trois parties constitutives: le corps, l'âme et le pneuma. C€ei
comme une émanation hiérarchisée, qu'on retrouve à tous les étages correspond à un autre texte du papyrus IV, où l'on énumère les
de la réalité cosmique depuis les démons, qui sont purement pneu- éléments entrant dans la constitution de l'homme: le pneuma, la
matiques, jusqu'aux êtres inanimés, qui sont encore pénétrés de ce rosée et la terre 296. "
souffle divin. , Pap., XIII, 762, PRElB., II, 122: ~EÜQ6 fLOL, cl Êx tWv 6' àvÉ.U'lV
293 ~ ,.-- ... , 0 :nlvro-
XQCltOOQ, 0" Èvqrumlonç mrtiif1<1 àvfrQwxot.Ç Et; t,ooT)v... Pap., V, 460, PREIS., l,
11 Y a donc dans chaque homme une parcelle du pneuma cosmi- 196: Ê1tLXa.ÂOÜfLUL OE TOV xTLoClV"ta yiiv Xo.L oata xaL xaoav oaQXQ xat xav mr!ÜfLU
que; elle n'est pas quelque chose de surajouté, mais elle est vrai- xai. 'tov <rn\oaV"ta tÎlv Od).aooClv xaL <xao>oa.ÂEU[oaV"ta] TOv oVQavOv '" - Pa,.,
VII, 988. PRElS., II, 43. - Pap., VII, 758, PREIS., II, 34. - Pop., IV, 1948;
ment une parti~ constitutive de son être: le pneuma désigne assez PRElS., l, 132.
PREIS., Il, 76; Pap., IV, 1148, PREIS., l, 120: mrEUfla'ta X'ÔOvla; Pap., IV, 2H Pap., l, 178-180, PREIS., l, 10: 'teÂ.eun10avt~ oou 'tô OOOf1<1 ["EQL]atEÂ.Et
3037, PREIs., 1, 170: mrtiilJ.(1 ÔaLfLÛ'VLOV; Pap., IV, 3065, PREIS., l, 172: (à savoÏ1' le parèdre), ~ "QÉ:rtov OE,!>, ooü 6È 'tô mrEÜf1<1 flruna;~ El; ciioa. o.;EL
mrf:Üf1<1 OOLfLÛ'VLOVi Pap., IV, 3075, PREIS., l, 172 i Pap., IV, 3080; PREtS., l, aùv am'!>. El; YÙQ •A&r)v où XOOQtlOE~ àÉQLOV mrEÜfLU auata'ÔÈv xQa'tClUp "aqÉ~Qlp.
172; Pap., XII, 301, PREIS., II, 78; Pap., l, 96, PREtS., l, 8; Pap., III, 29:i Pop., IV, 519 asq., PREIS., l, 90:, ••• fM)1'Oç 'yEVY1]'ÔEL; bt fM)ri\; UcniQCJ;,

288, PaBls., l, 44; Pap., XIII, 795, PREIS., Il, 123; Pap., XXI, 17; PREIS., PE6~Â.noof1Év~ lmO XQu'to~ f1eYa.Âo6uvafLOU xal 6E;~ XE~ a~<iQ'toui U&avci'l'lp
~~ , 1tVt'Uf1<1'tl 'l'Ov à'ÔavaTov Atrova xaL ~Emt6TT)v 'tOOY m,Q(veav &14Ô'r},w'trov, ciyw&Ç ciywa-
291 Pap., XII, 174, PREIS., II, 69 E['Ùx]o.Ql.OtW OOL, xUQLE, o[n] f1E Ë[Â.UOE]V TÔ aeL; ciywi.aJUlOLV, ciyLOÇ \nt<e;>Eat<i>01)~ fLOU "QOç o"(yov Tii~ avfrQom""l~ fLOU ~
ayLOV m'Eüf1U, Tb f1OVOYEVÉÇ, TÔ t,wv. Cf. REITZENSTElN, Die hellen. Mysterienreli.- xl.Xi1~ &uvafLEO)Ç, 1]V Èyoo "w.w f1E'tWto.Qa.ÂT)fl'i'OfLUL • - Ct. REITZENSTEIN, H~IIera.
iJio1len, p. 309. - Pap., XV, 13, PaEJs., II, 134. Mys'., p. 109 ssq. A. DIETDICH, Eine Mithrtulit., p. 121. - Le culte de Mithra,
292 Pap., XII, 331, PREIS., II, 80: t\on oÙ\' 1EVEÜf1<1 T'!> lm' Êtwü XaTEOXEOO.CYf!É- divinité persane, était très répandu durant la période hellénistique: d'apre.
vlp flUat[llQ]Up, OE<ot>loûç rovof1<1Oa xat Ê:rtLXÉXÂ.llfLUl. - Pap., IV, 1120, PaEls., P. Cumont (Le. religioM orientale., p. 223 ssq.), les origines en sont ~ases
l, 110: XaLoE, 'l'Ô d.aEQXOf1EVOv f1E xaL àVTla:rtrof1EVOv fLOU xal xooQ~t,of1EVoV flOU XCl'tà obscures: il semble bien cependant que le mithracisme, qui fut révélé aux Ro-
OEOÜ POOÂ.1l0LVEvXQllatOTT)nmr!ÜfLU • "_. Nous croyons que P. Giitcher (Zum mains du temps de Pompée, soit originaire d 'Asie Mineure i Plutarque raconte
Pnetvmabegrifl des hl. Paulw, Zeitscbr. f. kathol. Theologie, 53 (1929), p. 367) que 1eR pirates de cette région pratiquaient les rites occultes de Mithra (l'ltG
a tort de considérer cette Fneumatologie comme «rein stoÏJtch und pantheis- Pompe .., 24).
tiaeh »: cette appréciation nous semble trop" catégorique et insuffisamment 298 Pop., IV, 1178 ssq, PREIS., l, 112: ... Êyro dflL avaQoo"QÇ, 6eoü 'l'OÜ Ëv av.
nuancée. QttV€p "Mia;.a.a ~«ill~O'tov, YEVOf1EVOV Èx 1EVEUfUI'tQÇ xai. ~qooov 1'ai. yili'
326 LESYNCRt"TISME PHILOSOPIIIQ'ûE ET RELIGIEUX LES PAPYRUS MAGIQUES 327
L'eD;lploi du terme 3tVWllU pour désigner la partie supérieure- de ment de la prière liturgique, en ce que ~ette dernière est une humble
l 'homme par opposition à la \J1uXll, ne se rencontre pas dans la psy'" suppli~ation adressée à la divinité, tandis qUe le magicien, par le
chologie stoïcienn'e ni dans lesscience~ médical(S: il est vrai que pOUVOIr secret dont il est détenteur, force le dieu qu 'il invoqu~· à lui
solis l'influence du platonisme, un certain dualisme psychologique céder son pneuma 298.
a été admis par quelques philosophes du Portique, tels que Cléanthe, L'activité magique propremen:t dite commence donc lorsque tous
Panétius et Posidonius. ~Iais, pour autant que nous sommes re'Il- les. préparatifs nécessaires étant faits, le pneuma divin est 'capté
seignéssur leur doctrine, ils n 'en continuaient pas moins à conce- par le magicien: xaL EÙ{Mwç EtaÉQXEt'ClL "Co eELOV XVEÜJLQ 299. Cette
voir le princIpe vital de l'homme comme 'Un souffle matériel péné- prise de possession peut se faire de différentes manières: dans cer-
trant :l'organisme tout entier. La première fois que nous avons tains cas le magicien se sert d'objets matériels et tâche d'y enfer-
rencontré le 'pnenma pour désigner ce qù 'il y ,a de plus noble' dans m~r .~e pn€uma magique, afin de pouvoir s'en servir à son gré.
Phomme,au-dessus du corps et du principe vital, c'était chez Philon Amsl, dans le papyrus XII, on a conservé une formule par laquelle
d'Alexandrie et dans le livre de la Sagesse. Nous avons trouvé des on supplie les ,dieux d'accorder le pneuma à un anneau magique 300.
traces de cette signification du pneuma chez les gnostiques, où elle Dans le mystèré de la lychnomancie, c'est dans la lumière d'une
est assez courante, et dans la littérature hermétique. Nous en avons lampe qu'on essaie de capturer le fluide magique qui découle des
conclu que la pneumatologie de ces syStèmes a subi l'influence de la , d·Jeux 301. D es que ce ' · est enfermé dans un objet matériel.
pneuma
religion juive et chrétienne, parce que les auteurs chrétiens s'atta- qui se trouve à la portée du magicien, celui-ci peut s'en servir soit
chent à 'cette signification et la développent dans le sens d'un spiri- pour lever le voile de l'avenir, soit pour obtenir un résultat'pratique.
tualisme de plus en plus riche. C'est pourquoi il faut admettre égale- Dans d'autres cas, cet intermédiaire ne sera pas un objet inanimé
ment dans les papyrus magiques ces influences juives et chrétiennes, mais un animal. Ainsi, dans le papyrus m, le magicien se sert d'un
pour pouvoir donner une explication~tisfaisante de l'emploi du chat dans lequel il a enfermé le pneuma divin: c'est là le sens,
terme 1CVEÜJ.tQ. C'est ]a distinction biblique de c( néphesch) et de croyons-nous, du verbe 3tVE'UJLat'ow, qui est employé dans ce texte 102.
« ruach », qui semble être à l'origine de cette pneumatologie. Dans certdns rites magiques on sacrifie d'abord un animal, p. ex.
un coq, afin que son pneuma passe à la divinité et que la puissance
2. Après cet examen préliminaire, nous en arrivons à la significa- de celle-ei en sdit accrue 303. Car la divinité est conçue de ma-
tion fondamentale et caractéristique du pneuma dans ,les papyrus
magiques : la force mystérieuse accordée par une divinité quelcon- 298 A. WIEDEl(ANN', Magie "nd Zau.berei im alfeA.. Âegypfea (Der Àlte
que au magicien en vue d'une réalisation concrète. Tout le secret Orient, VI, 4), Leipzig, 1905, p. 12.
du magicien consiste, non pas à opérer des merveilles par sa propre 299 Pap., l, 284, PBEIS., l, 16.
300 Pap., XII, 331, PXEIs., II, 80: âon OÙV 'tvE\iJ.&4 Têp ~, ÈJ10Ù XUTeaxeua<JJAÉvCP
puissance, mais à s'~mparc'r du pneuma divin et à s'en servir en
J'U<Tt~T)~]Lcp, Oe<ot> o{iç rovoJ1UOa xat È1tudxÂT)J1&;~oTe moofaV Tc) Wc' ÈJ&Oü xuua-
vue de la fin qu'il s'est proposée: c'est pourquoi on troùve si sou-
xeua.crJ1E"CP fLU<m)QUp. Ct. REITZBNSTEIN, Belletl. MYlf., p. 310. FUTuoItu,
vent dans les formules m8$iques des invocations adressées au pneu- 1cUal religieu, p. 304. ,.
ma d'une divinité de l'olympe égyptien 291. C'est là que l'on touche _3~1, Pop., IV, 959, PBEIS., I, 104: ÊnLXul.oüJ.&4' ae, TOv OeOv 'tOv t<iivru, m.JQuPey-
vraiment au secret de la puissance magique, qui diffère essentielle- YTJ UOQUTOV cp<OTOç Yevvrl'toQu· 00ç aou TO oitivoç xut &..éye'OOv aou 'tOv OOCf'OVU
xut etaelite lv 'têp mJQt 'tOÛTcp xa;' ÏWtveu,wTCOO'OV mhOv OeCoU X"YeUJUnoç xcù. &et.
291 Pap:, IV, 1116, PREIS., l, 110: xalQe, 'to ltVriiJUl 'to~ ÔLilxov o..."to oÙQavou ~Ov J&OL CJOV Tiav cUxtiv ••• Ct. REITZENSTZIN, Belletl. Mylf., p. 309. .
, 30~ ~ap., m, 48, PUIS., l, ~4: oQ]x(tco ae TOv lv TCi) TO:r<p ['t]OÛTtp bn)-
È.."tL yi\v xal o.."tb yilçrllç Èv ~a<p xmeL 'toü xOaJ'ou clXQl 'twv llt:Q(hwv 'tile; à.6Uaaou.
- Pap., IV, 713, PB.ËIs., l, 96: xUQLt:, xalQe, bÉcJlto'ta übatoe;, XaiQE, xa'to'Qxa yile;, [YTJQ]J.1nOV OOCJ.LOVC1, xUL ai, TOV b[aOJ1OVU TOÜ [alloU]Qou m'EUJUlTCO'tOÜ • Uti
xa'tQe. buvcima :7tveUJUl'toç, Â.o.J11CQoq>em. XQT1J1<Înoov, xVQLt:, :rteQL 't(}U bel,'a :rt(>uy- f'Ot. lv TÜ m1J'[eQov] i]J'iQq. xa;' MO Tijç «On <OQat; xru xoCT)ao[v J&Ot. T]O &eL~
1CQciyJUl.
JUl'toç. -- Pap., IV, 400, Pil.tIs.,. l, 194: ·EQJ'il:xoaf'OxQO,'twQ •. ltVE..jJUl't~ Y)v(oxe•
- Pop., IV, 2289, PREIS., l, 168: '«) :7tvriiJUl 'tou •AJ'J1Wvoç. - Pa p., x, 10, • 303 ;ap ., XIII, 376, PREJS., II, 106: i] &È MOyeooeç ~<Ttt. UÜTT\· O'tClV J'iUnç
PB~S., II, 52: r<>Qx~w ai: x]ai. 'to :rtEQL aE ÉX[o)v ltVriifW.' MO)'f:Uea6w, cUÉx'toqa 9ü(Jov, lvo, <> <Oeo$ ci>cpitovOO) Mi6U m-wfU1, xu, td~.
LES PAPYRUS·l\!AGIQUES 329
328 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX
surnaturelles qu'il s'est proposées 3 08 • Ce pneuma se présente donc
Dlere anthropomorphique ~ si on lui demandait sans cesse de nous
comme une force supmeure, qui entre dans le magicien et qui lui
faire participer à son fluide magique, celui-ci viendrait un jour à
est entièrement soumise. Le magicien alors peut à son gré utiliser
manquer; il faut donc veiller à ce que cette source mystérieuse ne ce fluide mystérieux dans la direction qu'il s'est choisie librement 309.
s'épuise j&mais. C'est la même préoccupation qu'on retrouve dans
Dans une prière adressée à Hermès dans le papyrus ·XIII, le ma-
le culte liturgique des Égyptiens, qui traitent leurs dieux comme gicien demande à ce dieu d'envoyer son pneuma dans son intelli-
des amis auxquels ils· rendent des services pour les bienfaits qu'ils
gence pour toute la durée de sa vie, et de· lui accorder l'accomplisse-
en reçoivent, ou bien auxquels ils refusent toute marque de sympathie ment de tous les désirs de son âme 310: il ne s'agit donc pas d'un
quand ils ne les soutiennent pas dans le besoin 804 •. pneuma qui prend la place de l'intelligence, comme chez Philon,
Il arrive aussi que le magicien se serve d'un medium dans son mais d'une force divine qui est soumise à la volonté du magicien,
activité surnaturelle. Ainsi, dans le papyrus VII, on nous a conservé bien qu'i! obéisse également à la volonté de la divinité qui- peut la
une formule, prononcée à l'occasion du mystère de la lychnomancie: 1ui retirer selon son bon plaisir 311. On ne voit cependant pas très
le magicien commande au pneuma d'entrer dans l'âme d'un jeune clairement dans quelle mesure la divinité peut s'opposer au pouvoir
garçon et de l'immortaliser par sa lumière impérissable 305. Dans du magicien: c'est là pourtant une question importante, puisqu'il
d'autres cas, au contraire, le magicien- demande à la divinité d'e·n- s'agit de l'efficacité même de la science magique.
voyer son pneuma directe.·ment dans la personne dans Jaquelle il Ce fluide divin ne confère pas seuleme·nt au magicien un pou-
Teut réaliser un but concret 806. Le papyrus XllI nous a conservé la voir surnaturel, il peut aussi être le principe d 'une connaiss~nce
formule dont on se servait pour ressusciter un mort: on demande mystique. Le papyrus IV nous a· conservé une invocation à Eros
à la divinité d'envoyer son fluide magique dans le corps inanimé, où ce dieu est appelé: 3taO'llç 1CVE'Uf.A.anxTjç atO'ihlO'Ewç XQU<PLWV 1CaVl"WV
afin de le rappeler à la vie 307. On pourrait se demander s'il ne avu~ 312. Il ne s'agit évidemment pas ici de la sensation entendue
s'agit pas là d'un simple rappel du souffle "ital du défunt; nous ne à la façon des stoïciens, qui l'expliquent par un courant pneumati-
le croyons pas, car la formule est stéréotypée pour l'invocation du que allant de l 'hégémonikon vers la périphérie, mais d'une intuition
fluide magique. divine des mystères, dans laquelle le raisonnement discursif ne tient
Le plus souvent c'est dans le magicien lui-même que le pneuma aucune place: c'est Éros qui insuffle à toutes les âmes ce ·savoir
est reçu: les papyrus nous ont conservé beaucoup de formules dans vivifiant 813. De même \que le pneuma mantique de P:lutarque et le
lesqueUes le magicien demande à la divinité d'être rempli abondam-
308 Pap., XXXV, 24, PREJS., II, 162: •.• xal ôt.à 'tMO oU\' 1CG.Qruca.Mi) xa.1.
ment du pneuma dIvin, afin d'être en état de réaliser les actions
È;oQx(too ÜJ1CÜ;, '{va Ô9TE Xa.QLV xal vix"lV xai MvafLlv xai mrEÜJ.LO. •••• - Pop.,
III, 511, PREJs., l, 54: evmoE[ul ....a.noov i)J1CÜ;. - Pap., VII, 961, PRElS. 1 n,
Moy Moym:ria" ~ ..xa.Àoij 'tav Tij~ roQ~ xai 'tav Tij~ Ï)JliQ~ 9EOY, Lva É; ail-
42. - Pap., XIII, 841, PREIS., II, 125. .
'tllnr au(7'(a-6ii~. 30t Pap., 1, 312, PREJs., 1, 16: oQx~oo 'tà ayw. xal 9EL« bvOJ.LO.TCl 'taÜTa, 0-
804 A. MORET, La magie OOf1.8 l'Égypte .Ancienne, dans: Conférences laites
au Musée Guimet, Paris, 1906, p. 269.
a
1C<OÇ civ 1CÉ...."'OOO( f'O" 'to 9Eiov mreiif.LO., xai· 'tE)Jou rxoo "aTà «PQOO xo.i. xal'à
9UJ1OV.
305 Pap., VII, 559, PREIS., II, 25: fixÉ •.I.()1., 'f0 moEÙI.LO. 'to cŒQO'"'E'tÉÇ, xaÀou-
31. Pap., XIII, 791 8sq., PREIS., II, 123: "OvoJUi oou xai. 1CVeÜJUi aou bI' dya-
J.1eYov auJ16OÂ.OLÇ ·xai bvOJ.lO.O'LY dqyDÉ<y>x'tOLÇ btt 't~Y Â.uxvoJUlV'tday 'talin)v, 1jv
ao~. EtaÉÂ.'Ôo&Ç l'Ov iJlov voÙ\' xal 'tclç iJ1Ù; «PQÉvaç elç TOv WtUYTCl XQovov Tij~
1COu'O, xai. ë....6t}ih a-utoù (à s&l!oir le garçon) dç -ri)v 'l'UXTtv, Lva 'tU1CcOC7I)'taL -ri)v
1;ori'j~ J10U xai. 1COLTtaa.&Ç J1Q1. na.V'ta l'à. geÂ.TtJ.lal'a 'riiç 'iJUXii~ J'Ou. - Ct. Furu-
d'Ôuva'tov J'OQqrf)V Èv ",oo'ti xQa'taup xai. dqyDUQ'tC{l.
miRE, Idéal religiew:, p. 325. E. GAETCHER, art. cit., p. 36S.
306 Pop., IV, 815, PREJS., l, 102: ÉÂ.'ÔÉ J'OI., 0 YEVOJ1EVOÇ "Eoi"l~ xal 1COta....o-
311 Pap., IV, 1120, PREJS., l, 110: xa'tQe, 'to EtaEQXOJ.1eYOv JA.t "ai dV'tumwJA.t-
"'OQ1lToç, ÉJ.I""'EUOOV 'tli> ôe'tva dv6Qc01C'P 1j 1CaLÔL, 1CEQi. 00 oou m1v6avOJ.LO.L. voy J'OU xa'tà. 9EOii f30UÂ.t}OLV Èv XQt}Ol'Ol'1ll'l. "",EÙf.UX-
301 Pap., XIII, 218, PREJS., II, 101:. c oQx(too ot, ""'EiiJ.LO. iv cliQ" "'OL'tcOJ.lEVOV 312 Pap., IV, 1119, PREJS., 1, 128.
dOEÂ.'ÔE, l .....""tVEU •.ulTOOOOV, ôuvuwooov, Ô1.O.ÉYEI.QOV TÜ ÔUVa.JA.tL 'toii atroviou geoii 't0- 313 Pap., IV, 1749, PREIS., l, 128: btLxaÂ.oüJ.WL Of:, 'tOv ÙQX"lyÉn)v 1Ca.OY'\Ç yevi-
ÔE TO oWJW., xal:teQ1.1Ca'tEL'too bd TOvÔE l'av 'tMOV, o-n lycO El....L0 1COu'Ov T'fi &uva.- pEW? 'tav ÔI.9oT~"·aV'ta 'tCÎ$ Éavtoü miquy~ E~ l'Ov aUt""UVta x00t'ov, ai TOY ci·
JA.t~ wv <8>aûit o:'(Cou geoù." AiYE 'to OV0J.LO..
LES PAPYRUS MAGIQUES 331
330 LE SYNCRtTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX
C'est cette partie supérieure du magicien qui seule atteint l'union
pneuma prophétique de Philon, le fluide magique est principe d'une mystique proprement dite: le pneuma· seul est assez pur et assez
science surnaturelle. subtil pour atteindre les hauteurs sublimes où se produit cette
Dans la liturgie de :Mithra, dont nous avons déjà parlé plus union mystérieuse avec Mithra. En effet, on nous dit explicitement
haut 3U , CP souffle divin a même pour effet d'élever le pneuma du que le pneuma immortel doit laisser derrière lui, pour un certain
magicien à une union mystique avec la divinité.' Puisque ce texte temps, la $JXlXl) ôuvuJ!LÇ, qui l'entraverait dans son ascension: âQtLuç
prése·nte un intérêt spécial pour notre sujet, nous nous y arrêterons U1tEGt'WOl)Ç J!OU 1tQoÇ oÀ(yov tijç âV{}QWXLV1)Ç J'ou "'UXlXllÇ ôuvaJ!Ewç, ~v
un peu plus longuement. Cette liturgie commence par une invoca- Èyw xaÀlv J!EtU1tuQuÀllJ!",OJ!Ul318.
tion de la divinité, où celle-ci est considérée comme le 'principe de
D'après A. Dieterich, cette union 'mystique se produirait plutôt
tout ce que le myste possède en lui-même: pour désigner toute sa
:\ l'aide des éléments qui sont en nous, et dont les 1tQWl'UL âQXu( se
propre réalité ainsi que le tout de l '~tre divin, il énumère ,les quatre'
trouvent dans la divinité, ceci d'après le principe épistémoloO'ique
éléments dont il a conservé les désignations traditionnelles, mais
d'Empédocle concernant la connaissance du semblable par le 0 sem-
dont}l a changé .]'ord!e, XVEÜJ.lU, m;Q, ü8wQ, yil8115. On p~ut se deman- blable 319. Il est vrai que cette idée se retrouve dans le texte que nous
der toutefois si le pneuma, qui occupe le premier rang parmi les
conSI·d'erons 320 ; nous croyons cependant que ce n'est pas là la cause
éléments, coïncide en ~éalité avec le pneuma synonyme de âllQ, qu'on
immédiate de l'union mystique, mais le fondeme·nt de sa possibilité:
mettait généralement à la seconde place. Ceci nous paraît assez peu
si cette unIon est possible, c'est que mon être tout entier découle de
probable, car il est peu, conforme à la mentalité des Grecs et des
la divinité: elle n'est donc qu'un retour au principe et à la source
Orientaux en général de mettre l'air au-dessus du feu, qu'ils consi-
de mon être. Or, si nous appliquons le principe épistémoloO'ique
déraient généralement comme divin, comme étant la substance des cl 'Empédocle, comme le propose A. Dieterich, il faudra plutÔt en
. astres. Nous voyons d'ailleurs dans notre texte que le magicien, pour
conclure que cette union se fait par le pneuma humain, qui seul
réaliser son union mystique avec Mithra, doit aspirer ce pneuma en
est capable d'atteindre ces sommets: en effet, nous avons insisté au
l'empruntant aux rayons du soleil316. C'est que ce terme, au lieu
début de cette étude sur le fait que la divinité est conçue dans les
de désigner l'élément aérien, signifie plutôt une substance lumineu-
papyrus magiques comme un être pneumatique, c€' qui n'exclut pas
se. Ceci est confirmé par l'épithète solaire xVEUJ,tut6<pwç que nous
que celui-ci soit le principe de tous les autres éléments, de même que
trouvons à plusieurs reprises dans les papyrus magiques et qui sem-
le pneuma stoïcien. A ce point de vue la ressemblance est frappante
ble signifier: éclatant comme la lumière 817. 1

entre la liturgie de Mithra et les conceptions du Portique: de part


On comprend ainsi que le pneuma soit placé en tête des éléme·nts:
et d'autre la divinité est considérée comme un être pneumatique qui
il dépasse le feu par sa subtilité et il correspond à ce qu'il y a
de plus noble dans l'homme. ,818 ~ap., IV, 517,PREIB., l, 90: ... btd fdUco Xal'omeVE~v miJLEQO\' ~otç üaa-
7tÀ.a~0\' XUl àJlÉtQl'}~oV E~ ~à.ç vuxàç miau; t;oooyovO\' Èf-UtVÉovra ).oy~a.wv ~ov (J'UV- VU'to~ OflflUaL, 9vr)1'~ "(f:VVTJaEi.ç È'K 9vr)'rii~ "enÉQ~, ~E6EÀl'I.OOf1Évoc; me> xQu'toue;
aQJ'OooJ.LEVov ~à 7td~a TÜ Éamoü Ô\1VclJLE~' ~a1oô\1VdflOU 'Kai. ÔESul; XELQOç dcpaciQl'OU, üaavcil'cp n:vEUflUTL l'Ov üitavarov
314 Cf. p. 163. A~ ... Pop., IV, 621, PREIS., r, 94: menE MG 'riiç 1'00 OEaflU~OC; i)~ovijç xai.
316 Pop., IV, 487, PRElB., l, 88: TrJC; X~ Te> n:vE'Ü,w (JOU ~QÉXELV xal àva6aLveLV•
. [r]ÉvEa~ 7tQc.OTrJ 'rii~ Ëflii~ yEVÉaEoo~ 319 A. DIETEBJCH, .d.brOX08, p. 58: «WU' sehauen die Gottheit mit den Ele-
«ÏQxlI ~ii~ Èflii~ «ÏQxiic; 7tQc.OTrJ menten in uns, deren :7tQOrtUL àQXaL in' der Gottheit ain~ - eine wahre unio
n:vfÜJUl n:veVflUt'OC;, ~OO Èv ÈJ'Oi. n:veVflU~oC; 7tQro~ov mystiea. l!nd diese ewigen Urbilder'will der Theurg in seiner Ekstase erblieken ».
m,Q, ~O E~ ÈflltV 'KQà.a~v TroV Êv ÈJ'Oi. 'KQuaEoov 9EOÔc.OQTJTOV, 3~ Pop., IV, 503, PREIB., l, 90: ... tva f1El'ci TÏ}v m~roaav xal GcpOOQa xa-
~oü Èv Éfloi. 7t'UQe>C; 7tQro~ov, ~~ELyouaav JLE XQELaV bto~eVaoo TÏ}v àitavaTov «ÏQxlIv t''P àauva~fP moEUJUll'l.·
ü~ooQ ü~a~oc;, ~oü Ëv ÈJ'Oi. ooa~oç 7tQro~ov. ~fP àitavu"t'(p üôa~~ 'tfil enEQEoot'cll'<p Lva VarlflUtL f1t~uyEV<V>TJaro 'Kaï. n:vEUan
oùaLa yEc.OÔ'r)c: ~iic; Êv Èfloi. oùa~ yEc.OÔOUC; 7tQc.OTrJ· Êv ÈJiOl TO tEQOv n:vriif1U, Lva 'Ôauf1(iaoo l'G tEQov :7tÜQ, Lva ~O ci6uaGOV 'rijc; civa-
316 Pap., IV, 630, PREIB., 1, 94: ËÀ'KE MO ~wv üx~h·rov mEiiJ.la. lO).i]~ cpqL'K~Ov üôroq 'Kat cixov<1ll J'ou 0 ~ooo"(6vO$ 'Kui. 7tEqL'KEP'f'É'->$ aHtil~'
iU1 l'op" IV, 588-603, PREIS., J, 92, ~ JV, 593, PRElS'I l, 92,
332 LE 8YNCRtTI8ME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX LËS PAPYRtlS MAG[QU~S

est à la source de la réalité tout ;entière: c 'est pourquoi~. dans le réelle·ment par la pénétration du pneuma magique dans le pneuma
système de Zénon, le pneuma n'est pas inséré parmi les quatre élé- du magicien et par la transformation qu'il subit de ce chef: c'est
ments, mais s'oppose à ceux-ci comme une àQX~ aux <JtOlXELO. d.ans cette partie supérieure de l 'homme que se produit l'union du
Cette u!"jon mystique est conçue assfZ matériellement comme une pn€:uma divin avec celui du myste.
ascension du pneuma humain, immortalisé par le pneuma magique.
C'est ce dernier qui est vraiment la cause efficiente de l'union mys- Il nous reste à déterminer maintenant l'origine de la pneumatolo-
tique: ce fluide divin, le magicien doit l'aspirer trois fois des rayons gie que nous trouvons dans les papyrus magiques. Comme on a pu
du soleil et il se sentira aussitôt allégé et soulevé à tel point qu'il s'en rendre compte au cours de l'analyse, on trouve dans ces textes
aura l'impression d'être au milieu de l'espace 321 .. C'est que l'intel- un mélange assez hétéroclite d'éléments divers, empruntés aux cou-
ligence du myste doit être régénérée par le pneuma divin, pour pou- rants d'idées les plus disparates.
voir contempler les. merveilles de Dieu 322. Le pneuma qui est accor-
1. Il Y a\ tout d'abord, dans toute cette pneumatologie, un fond
dé au magicien, ~t donc une participation directe et immédiate à
de stQicisme. C'est surtout la conception générale de la divinité et
l'essence même de Dieu: c'est sur cette participation privilégiée
du monde qui est foncièrement stoïcienne. Ceci ne vent pas dire
que le pouvoir des magiciens est fondé et c'est également par elle
qu'on y retrouve l'immanentisme matérialiste du Portique; les
qu'il peut s'éle·ver aux sommets de la contemplation divine. L'écou-
dieux _qui peuplent l'olympe égyptien jouissent d'une réelle trans-
lement du souffle divin dans le pneuma du myste constitue donc
cendance et se S€·rvent bien souvent de divinités inférieures ou de
une union immédiate et mystérieuse de l')lomme avec Dieu, repré-
démoD..'\ dans leurs relations avec les hommes. Ce qui est essentielle-
sentée dans notre texte comme une ascension vers le ciel et une
ment stoïcien, c'est la conception de la divinité comme un pneuma
libération détachant l'esprit du corps et de la puissance psychi-
matériel, dont les émanations circulent à travers le cosmos tout en-
que 323. On trouve donc dans cette union mystique en même temps
tier 326. Le caractère matériel du pneuma dans les papyrus magiques
les caractères de l 'e~thousiasme et de l'extase: Ëv{}OUO'lOO'!lOÇ, parce
n'est pas douteux: on le rencontre généralement dans la série des
que :Mithra se communique réellement au myste en lui donnant son
éléments, à la première ou à la seconde place. Il semble donc avoir
pneuma; ËXO'TOO'lÇ, parce que le pneum~ du magicien doit se débar-
subi dans certains textes une épuration et une sublimation par rap-
rasser des parties inférieures de l 'homme pour pouvoir réaliser cette
port à sa signification stoïcienne: au lieu de signifier un souffle
communion mystérieuse avec la divinité 324.
chaud, il désignerait plutôt une lumière éclatante.
Nous croyons donc qu'à la base de l'union mystique se trouve la
compositior. d€s quatre éléments, dont l'apothéose joue un grand 2. On relève également dans la pneumatologie des papyrus magi-
rôle dans le culte de Mithra 32:i, mais q~e cette union s'accomplit ques des influences juives et chrétiennes, qui s'y sont infiltrées' pro-
bablement par l'intermédiaire des gnostiques. Nous visons princi-
321 Pop., IV, 629, PRElS., l, 94: ÉÀxt: o.."to 'twv o'xdvrov m'Eü!W 'tQi,ç àvomtwv
ô ~UvaoaL xa1 O"'t:L oEaU'tov o'vQ)l.ouq)Ll;6~ov [x]aL \mt:Q6aLvOV'ta EL; ih"oç wo-
palement ici l'emploi du terme mruJ10 pour désigner la partie
n OE ~oxEiv Jtioov 'tOÜ àiQGÇ dvaL •. · ~'tà; oùv drOÉroç ÉÀ.xt: MO 'tOÜ 9dou 0,'tE. supérieure de l'âme humaine en l'opposant à la 'Irom.
C'est surtout
v(l;rov EL; OEaU'tOV 't0 m'EÜJ.W' dans l 'œuvre de Philon d' Alexa~drie et chez les gnostiques que nous
322 Pop., IV, 509 ssq., PREIS., 1, 90: Lva vmlJ.W'tL f.lf:tayt:<v>'r1'6w xaL m'EVan trouvons cette signification. TI faut noter cependant que dans les
ho ÈJ.LOL 'tG U:QGV m'EÜfW-
323 DIETERICH, Eine Mithrasliturgie, p. 59.
324 DIETERICH, op. cU., p. 96: «Mithras ist in ibm dureh den heiligen Geist,
328 P. GAI!TCUmt., art. cit., p. 367 =t «Wie in den Hermetiea wurzeln auch

so dürft~n wir wortlieh den Tatbestand am 8ehlusse unserer Liturgie aus- in den Z. P. die Grosszahl der Pneumastelleu in den pantbeiatiseben kosmiseh-
spreeben. Wir erk6llnen im Hintergrund deutlieh die massivste ursprüngliebste anthropologisehen Begriffen der 8toa. Einen gewissen Vorrang nimmt bierin
Vorstellung von der Vereinigung des Mensehen und des Gottes:, der Gott kommt der grosse Pamer Zauberpapyrus ein. Die Bezeiehnungen a18 tEQOv moWf.LCI,
korperlieh in den Menschen hinein ». - Ct. op. cit., JI. 97, àiM.vaTO'Y :rvEÜf.la, 9Eiov m'wJ.W entapreehen "ollkotnmen der stoisehen Denk·
a~5 PHtl.S, Elemelltum, li. 45,
weise ».
334
papyrus magiques ce dualisme psychologique 'n'est pas élaboré 'et l'influx divin qui pénètre dans le magicien et qui le rend capable
ne semble pas entrainer des conceptions pIns spiritualistes: - d 't:'xercer une a.ctivité surnaturelle. Ce sens, tout en étant d'origine
On peut se demander si la conception du pnelima magique ne égyptienne, s'accorde cependant avec le sens fondamental' du terme
s'origine pas à la même source. Sans doute,' ce fluide divin présente dans la philosophie du Portique, où il désigne également le souf-
certains traits de ressemblance avec le nVEiiJ.la O'o<ptaç du livre de la fle divin qui anime le cosmos. Le passage de cette signification stoï-
Sagesse et avec le 'lvEiiJ,lu 'lQOQ>l')tl?<.OV de Philon, en ce sens que, chez cienne à celle de force magique, telle qu'elle se rencontre dans les
ces autt·urs juifs, le pneuma désigne une lumière et une force accor- papyrus, est assez immédia~, de sorte que les Égyptiens de la période
dées par Dieu en vue d'une mission religieuse à remplir. TI y a cepen- hellénistique se sont servis tout naturellement du terme pour expri-
dant des différences esse'ntielles entre"les deux cas à tel point qu'il mer une notion existant de .Jongue date dans leur milieu.
ne peut pas être question d'emprunt direct et immédiat. En effet, Est-il possible de préciser davantage ,l'influence égyptienne sur
le pneuma prophétique de Philon prend la place de l'intelligence la conet:·ption du pneuma magique et de lui trouver un équivalent
humaine, ce qui n'est pas le cas du fluide magique: nous avons vu, dans la pensée égyptienne YF. Preisigke a essayé de le faire et il a
dans la liturgie de Mithra, que cette force divine entre dans le pneu- avancé la thèse que le pneuma magique serait .} 'équivalent grte du
ma du myste et l'élève de telle manière qu'une communion immé- ka égyptien, lequel est un fluide de vie découlant de la divinité et
diate avec la divinité puisse se réaliser. Ce qui est plus important se répandant dans le monde 321. C'est ce fluide pneumatique qui,
encore, c'est que le pneuma magique ne produit d~ns le magicien coîncidant avec l'essence intime de la divinité, fait participer les
aucune transformation morale: ce fluide divin ne semble présenter hommes à cette source surabondante de vie, de manière que l'acti-
aucun rapport avec des conditions morales à remplir et ne produit vité des êtres individuels doit être mise au compte de cette divinité
lui-même aucun relèvement d'ordre moral, alors que le pneuma de immanente 328. C'est ce même pneuma divin qui est introduit dans
la sagesse et le pneuma prophétique de Philon sont une lumière et la personne du roi pour la diviniser; il prend possession également
une aide précieuse pour vaincre les dangers et les tentations de la des statues destinées au culte et en découle sur tous ceux qui vien-
vie : on est vraiment ici sur un autre plan. Le même caractère amo- nent implorer ,le secours de la divinité 329. Il se présente donc vrai-
ral se retrouve dans le nVEUJ,la J,lavtL?<.ov de Plutarque: celui-ci, en ment comme un fluide matériel qui, s 'originant à la divinité, se
effet, est une exhalaison qui se dégage à certains endroits, de la
terre et qui produit l'enthousiasme dans l'âme (lPux.tV de la pythie. 321 PXEISIGKE, Yom gottlichen. FluidtMl& n.ach iJgyptÏ8cher Â1&8chaWn.g, Leip-

La conception d'une divinité plus transcendante que celle du sys- zig-Berlin, 1920, p. 5: «Wii.hrend Maspero sein Fluidum dem Sa gleiehsetzt,
daa die Gatter aus dem Teiehe sehapfen, um sieh immer von neuem mit tri8eher
tème stoïcien, avec des intermédiaires pneumatiques entre les dieux
Lebenskraft zu versorgen, setze ieh das meiner Abhandlung zugrunde liegende
et les hommes, dénote également l'influence de la religion juive: car Fluidum dem Ka gieieh, d.h. der geistigen ~nnenmaterie, die du persOnliehe
nous n'avons trouvé, dans la philosophie grecque, aucun exemple Ieh des Urgottes darstellt, und die der Urgott weitergibt an die andem GOtter,
d'une pareille sighification du terme 3tVEUJ,lU, alors qu'il est employé damit die Kraftmaterie aueh dort jedesmal das- lebendige und beWUJat wh.
fréquemment dans ce sens par les Septante. Ce pneuma de la Bible kende Ieh dei einzelnen Go~tel bilde; und ebendieselbe Krattmaterie des Ur-
gottleibes lat es, die in den Leib dei Konigs iiberstromt, sowie in den Leib
correspond au ôalJ,lWV des philosophes grecs.
jedel oderen Lebewesens, nur jedesmal versehiedenartig abgetOnt ». Ct. ibid.,
3. Nous n'~vons pas, jusqu'à présent, pu donner une explication p.19.
adéquate du pneuma magique, qui se rencontre si souvent dans les a28 F. PXEI810RB, op. cit., p. 3.
, aH F. ~B.EISIGKB, op. cit., p. 54: c Erklirt man den Ka ala du Fluidum, 10
papyrus m~giques. C'est que nous nous trouvons devant une signi-
werden die Zusammenhinge klar: dal Fluidum tüllt den ganzen Menschen aus,
fication vraime·nt nouvelle, qui ne peut-être expliquée par la pneu- und Z'War bis in die kleinaten Falten und Teilehen des Korpers hinein, sogar
matologie stoïcienne, juive ou gnostique. Cette signification est néè en bis in die Haarspitzen, denn alles, wa. am und im Karper lebt, lebt nur deahalb,
Égypte, où la magie était déjà en vogue aux époques les plus reculées weil es vom gottliehen Fluidum ertüllt ist •.. Naeh demselben Grundsatze füllt
de l'histoire: on s'est servi du terme grec 3tVEÜJ,la pour désigner der Ka (das Fluidum) eines Gottea sein KuJtbild aus ».
:l31
répand dans le monde pour faire participe·r les' hommes à la puis- signIfication se retrouve égal€ment attribuée au pneuma dans les
sance et à la vie de l'être divin_ pa pyrus magiques.
Nous n'ignorons pas que le ka est une des notions les plus obscu- Nous PQuvons en dire autant de la conception de Breasted et de
res de la pensée égyptienne et que les hypothè&es les plus variées ont' Stein~orff, qui considèrent le ka comme le génie protecteur de
été énoncées à son sujet. Nous n'avons d'ailleurs pas la prétention l 'homme, et de celle de van Leeu'Y, qui fusionne l'interprétation de
de trancher ces controverses. Tout ce que nous pouvons dire, c.'€.st A. Er~an avec çelle des deux; égyptologues précités. Pour ce qui
que le pneuma magique présente des accointances frappantes avec est de la conception. de 1.~aspéro, lequel considère le ka comme le
le ka, quelle que soit l'hypothèse qu'on ,adopte au sujet de celui-ci. double de la personne humaine, il 'est plus' difficile de lui trouver
.En effet, d'après A. Erman, le ka désignerait tout d'abord la un équivalent dans la pneumatologie magique 882 •
force vitale que chaque homme reçoit au moment de sa naissance Cet aperçu sur les vues des principaux égyptologues modernes
et qui le quitte au moment de la mort sans que toutefois elle se montre suffisamment qu'il y a. une parenté étroîte entre la notion
désintéresse totalement du corps qu'elle a habité durant son séjour égyptienne du ka et le pneuma magique: et si tous ces savants ont
sur terre 330. ~tte signification du ka n'est pas étrangè~e à la notion mis en lumière quelque aspect déterminé de la riche signification du
du pneuma telle qu'eUe est exposée dans l~ papyrus magiques, bien terme· égyptien, nous pouvons en conclure que le ka présente un
qu'elle n'en soit pas le contenu caractéristique: c'est d'ailleurs le contenu aussi varié que le pneuma.
sens principal de ce terme dans la philosophie du Portique et, avec
des nuances différentes, dans les sciences médicales.
D'après F. Lexa, le ka se rapporterait plutôt à Ja' partie supé- •
.*
rieure de notre principe vital et s 'oppose·rait par là à un autre élé-
ment constitutif du composé humain, le ba. Le 'ka serait donc le Ltanalyse des textes qui précèdent nous permet d'affÎriDer aveQ
principe des activités intellectuelles €t volitives de l 'homme et le ·· hse1 333 que 1a pneumatologie des papyrus magiques avee ses
B uc
sujet de la responsabilité morale; il exercerait une certaine domina- caractères fondamentaux peut date·r d'avant l'ère chrétienne, bien
tion sur les facultés inférieures de la personne humain€,331. Cette que certains textes trahissent de façon indéniable des influences
juives et chrétiennes. Notre examen nous a permis également de
330 A. ERMAN, Die agyptische Religion, Berlin, 1909, p. 209: «Die Toten mesurer ~oute la distance qui sépare le spiritualisme du livre de la
hausen in ihrem Grabe oder aueh in einem Totenreiehe; dass sie gestorben sind, Sagesse et de Philon d 'Alexandrie, du matérialisme grossier que
erklii.rt man sieh s~, dass eine besondere Kraft, die sie im Leben hatten, sie nous trouvons dans ces papyrus magiques.
verlassen hat. Diese Kraft nennt man den «Ka ». Einen 80lchen Ka erhiilt
jeder Menseh bei seiner Geburt, wenn Re es befiehlt, und solange er ihn hat,
solange er der Herr eines Ka ist und mit seinem Ka geht, 80 lange ist er auch
am Leben Il. Cf. ibid., p. 210.
331 F. LEXA, Das Ji" erhiiltnis deI Geistel, der Seele und deI Leibe. be' den
..4.egyptem deI alten Reiche., Vèstnik Ceské Akédemie, Prague, 1918, p. 7:
«AIs Resultat geht schon jetzt hervor, dass Ka jener Teil des mcnsehlichen
Wesens ist, welcher der Urheber seiner ganzen Geistestiitigkeit ist und na eh
r.einem Tode weiterlebt, wie der leider nur unvollstiindig erhaltene Text Pyr.
332 F_ htIsrGxt, op. dt., pp. 52-56.
a33 BÜ~HSEL, Der Geiat Gotte., p. 110: «Also die Grundzüge der iD dell
1055 lehrt. Liegt also die altiigyptisehe Vorstellung des Ka unserer heutigen
Vorstellung de~ Seele sehr nahe, 80 dass man gegen die Übersetzung diescs Zaubertexten begegnenden Geistvorstellung sind aIt und vorchriatlieh. Wie weit
W orte8 dureh « Seele» niehts einwenden konnte, wenn neben dem Ka nicht nun aber das Einzelne, das UDS an Vorstellungen in den Zaubertexten begegnet,
noch Ba auftauchte. Daa notigt mich die Analogie zu den altiigyptischen An- aIt und vorchristlieh ist, ist eine ganz andere Frage. lm einzelnen gilt hier
sehauungen anderswo zu sueiaen, und für da. Wort Ka die tloersetzung « Geist» durehaus nieht in jedem Falle dasselbe, wie von den Grundzügen. Einzelheiten
mogen jüdiseh, sogar ehristlieh beeinfJusst sein l).
BU wahlen Il. - Cf. ibid., p. 13.
t~s ÊCRITS ALCitIMIQÙE~ 339
ne sont plus guère considérés comme ph.iJ.osophiques; l'Académie de
7. Lm; ÉCRITS ALCHIMIQUES.
Platon et le Lycée d'Aristote étaient des centres d'activité scienti-
fique en même temps que des écoles de philosophie. Sans parler de
Ce n'est pas sans hésitation que nous nous sommes décidé à con- l'école pythagoricienne, où l'étude des mathématiques s'est trans-
sacrer un paragraphe à la pneumatologie des écrits alchimiques. formée en une véritable métaphysique. Cette confusion est e·ncore
On se trouve· ici devant un domaine extrêmement vaste, dont l'ac- beaucoup plus grande dans les écrits alchimiques, où ne se sont pas
cès requiert au moins certaines connaissances techniques, car il n'est seulement infilttéœ des doctrines ph;ilo~ophiques, mais où dans
pas facile de se familiariser avec l~ terminologie et les notations de l'élaboration même de la science le mysticisme de l'époque a laissé
cette littérature, qui attend encore, comme un champ non défriché, des traces profondes: ce n'est pas que les alchimistes soient préoc-
l'arrivée des philologues et des historiens de la science, capabl~s cupés de questions philosophiques ou religieuses, mais ils ont donné
d'en extraire les richesses cach~s. Il y a quelques anp.ées déjà .que à leurs opérations scientifiques un caractère philosophique et reli-
l'Union académique internationale a entrepris la publication du gieux pour en rehausser la valeur 331. Comme le pays natal de la
catalogue des manuscrits alchimiques grecs, en vue de préparer une science alchimique est l'Égypte, il n'est pas étonnant que nous y
édition critique de ces textes 334. Les quelques textes qui ont été trouvions le même amalgame de philosophie stoïcienne tt d'idées
publiés dans ce Catalogue ne nous ont guère servi parce qu'ils sont religieuses, empruntées à la religion juive ou qux cultes autochtones,
d'une date postérieure à la période que nous examinons. Nous avons dont nous avons déjà constaté l'existence à plusieurs reprises: c'est
donc dû recourir à l'édition déjà ancienne de Berthelot pour recueil- eu Égypte que la culture grecque s'est rencontrée a~ec la civilisa-
lir les principaux passages qui intéressent l;objet de notre étude 335. tion orientale, pour constituer ce qu'on pourrait appeler la civilisa-
Ces textes sont empruntés presque exclusivtCme'nt aux écrits de tion mo~diale de la période hellénistique. Cette science mystéri€'use
Zosime, célèbre alchimiste égyptien, qui, d'après Lippmann, a vécu qu'est l'alchimie éta.it devenue tellf.-ment florissante au troisième
w·rs la fin du troisième siècle et au début du quatrii-me, vers l'an- siècle de notre ère, que l'empereur Dioclétien a cru' devoir inter..
née 300 de l'ère chrétienne 336. venir énergiquement pour en enrayE.'r l'expansion 338.
On peut se demander s'il convient d'étudier la pneumatologie des L'alchimie se présente aux yeux de ses adeptes comm€' une véri...
~crits alchimiques dans le chapitre qui traite du syncrétisme philoso- table activité créatrice, )('O<1JL01COlta. dans le sens que ce te·rme revêt
phique et religieux. Cette littérature ne présente-t-elle pas un carac- dans le vocabulaire de la philosophie grecque; il ne s'agit pas d'une
tèr.e purement scientifique, de sorte qu'il eût été plus logique d'en création et d'unt:· conservation dans l'être, mais d'une action or don·
parler au chapitre précédent, où nous avons examiné la pneumato- natrice exercée sur la masse chaotique de la réalité matérielle. Le
logie des sciences médicales? Il ne semble guère; car dans notre ana- but que se propose constamment l'alchimiste est de sauver et de
lyse du pneum'a médical, nous avons attiré l'attention sur le fait purifier l'âme divine engagée dans la matière et enchaînée aux élé-
que la médecine grecque embrasse un nombre ·considérable de' pro- ments matériels, et surtout de délivrer le pneuma divin des entraves
blèmes philosophiques, que la scie·nce moderne, soucieuse de garder
Son allure pos~tive, exclut de ses préoccupations. Il y a, durant toute 331 Catalogue de, fnantucrit, alchimique, greCl, t. 1; Paririni, par H. LaJ:-
l'antiquité, une compénétration réciproque de la philosophie et des oUE, Bruxelles, 1924. - Introduction 'par J. BIDEZ, p. IV: «Il serait prêmaturê
sciences positives: la philosophie ancienne traite de problèmes qui de vouloir refaire 1 présent, ftit-ee 1 grands traits, l 'histoire des re1ationa qui
s'établirent entre l'alchimie et les diverses doctrines des mystêrel, mais il sem-
ble bien que la transmutation deI métaux fut eonsidérêe comme une manifesta-
3U Catalogue Ma manuscrit8 alollimique8 grecs, publié sous la direction de
tion eenaible de la grande véri~ rédemptriee: l'idée de.l 'uni~ de la substance,
J. BIDEZ, F. èuMONT, A. DELATTE, Sir Frederie KENYoN, O. LAoERCRANTZ, ou plutôt le dogme du Dieu un et tout ».
J. RUBKA et V. DE FALCO. 8 Tomes. - Bruxelles, 1924 et années suivantes. 338 M. BImTHELOT, Introduction cl l"tude de la chimie dea aftCÏeu et du
335 Lt:s alchimistes grec8, P::.ris, 1887-1888, 3 voL
moye.. âge, Paris, 1938, p. 4.
336 Entstehung und Auabrt:itung der Alchemw, Berlin, 1919, p. 75.
LES ÉCRITS ALCHIMIQUES 341
de la chair a.". TI Y a donc, à 1.8. base de la conception du monde des une véritable opposition entre cet élément fugace, volatile et subtil,
alchimistes~ cette idée stoïcienne que le monde matériel est traversé et la matière corporelle dans laquelle il est enchaîné et qu'il pénètre
par un souffle divin qui 1'~nime comme. une âme pUissante; ce ne de soli souffle puissant. Il est clair cependant· qu'il ne s'agit pas
sont pas seulement les êtml vivants qui sont pénétrés de cette force ici d'une âme immatérielle de la matière, au sens strict du mot: Je
divine: puisque les objets· ma~ériels sont constitués à partir d€.S terme àawJ.lutov, que les alchim:istes appliq'..lent au pneuma, a une
mêmes éléments que l 'homme, on trouve dans le bronze aussi bien. signification beaucoup plus modeste qui ne nous est pas inconnue,
que dans l 'homme UA .élément .pneumatique E:t divin, enchaîné à ·la puisque nous l'avons vue attribuée par les stoïciens aux principes
matière 140. suprêmes du cosmos: la matière et le pneuma. Il s'agit simpleme~t
Les philosophes du Portique dist~guaie·nt dans la riche variété d'un élément moins grossier, plus souple et plus léger que les objets
de la nature différents degrés de perfe:ction, d'après la nature du matériels et solides qui nous entourent 343• C'est ce qu'on lit dans un
pneuma animapt ·une réalité déterminée. Il y a d'abord toutes les texte du De Mt~neraUbus, un ouvrage d'Albert le Grand où Il est
choses inanimées, dont la cohésion est assurée par un XVEÜJ1Œ ÉxnKov; dit qua, d'a.près les alchimistes, ce qui s'évapore au feu est œprit,
au-dessus· de ce·tte première classe du réel il yale règne de la vie âme, accident; ce qui ne s'évapore pas, est corps et substance 3H : le
végétative, pénétré d'un ",vwJ.lU qlUalxov; les animaux sont an"imés pneuma .des alchimistes se rapproche ainsi de l 'àva{}uJ1(aa~ de la
d'un XVEÜJ1Œ ",",XLXOV, qui se déploie chez l'homme en activité intel- psychologie physiologiqUle des stoïcié·ns.
lectuelle. On ne trouve pas ces distinctions chez les alchimistes: . Si, d'après les alchimistes le pneuma est délivré de s€s entraves
puisque l'objet de leurs études et de leurs expériences se limite aux par l'action du feu, n "est-ce pas parce qu'i! est lui-même de nature
choses inanimées ~t spécialement aux métaux, ce n'est que la con- ignée et que son pouvoir est donc renforcé par la chaleur extérieure,
stitution de ces obj-e·ts-1à qui les intéresse et l'intérêt qu'ils leur à tel point qu'il est à même dé' briser J.:es liens qui le rattachent au
portent est d'ailleurs purement pratique, puisqu ~il s'agit toujours corps T Nous avons vu plus haut que telle était la conception stoï-
de dégager de certaines choses une force mystérieuse en vue de la cienne: elle considérait le principe vital comme un souffle igné,
fabrication ~e l'or. Le pneuma désigne alors dans le langage des dont la chaleur ne dévore pas les objets qui s'en appl'ochent,· ainsi
alchimistes une réalité cachée sous les apparences corporellES d'un que le feu terrestre, mais qui présente plutôt une ressemblance
métal, de même que l'âme humaine est voilée aux regards de l 'hom- frappante avec l'action bienfaisante et vivifiante de la chareur des
tne par l'organisme corporel. Il y a cependant moyen de faire sortir astres. Cette même ressemblance est admise par les alchimistes, qui
cette âme .pneumatique de sa retraite mystérit:use et de la séparer
de son organisme corporel lU: c'est principalement sous l'action de résidu déposé par l'évaporation de tous les autres 61ément&; BEBTHl!:LOT, II,
la chaltur que ce souffle se sépare· de ses entraves 342. Il Y a donc 149: xaConaL Ev "ta~ ~oe:O\ xat "tà Ev Émrroiç ÊXqroOOOvtUL rcma, xa"told"'avta
"to XQ1}OLJLOV xat ~ueOv meiiJUL
83.BERTHELOT, II, 213: X'r)JUCa.; cru. . 6oÂ.ov cpÉQEt'aL <Èx> XOOlL01tOLtaç, "to~ 848 BERTHl!:LOT, II, 150: m'E\;J.'Cl ~è rcclaLV xa"tOOr}lov ~ ciooof'Cl"tov ~ •
"te a<ilt;OUCJLV xai. xait-aCQouoLv Tl)V Èv "toiç atOLXELoLÇ auvÔt)intaav 8dav ",",X1}V, al atit-âMu. cMaL 1tV€Uf'Cl"tL eoLxacnv· atit-w.1) l.eux1}, .,. 'ril~ XLvva6<ÎQeœç wcpiÂ.1)
J1â.llov ~È 8Eiov mrEiiJ.'Cl cpuQait-Èv "tÜ OUQXL. ••• xal.1C\'t'Üf'Cl JUMlvtEQOV, VyQ6v. üXQanov. .
340 BERTHELOT, II, 171: Kait-WtEQ, cp1)o'v, 1> üvfrQro:roç iX"tOOv~' O'toLxdrov llciaa yciQ atit-w.'r) 1C\'t'Üf'Cl, xal. aÜtai. at 1toL6n)t~ at (Ja:rnxaC.
ovno xai. 1> xal.x6ç • xai. roo~(.Q oVroç È; VyQrov xai. atEQEOOv xai. 1tV€UJ.'ClToç airy- M4 ÂLBJ:RT LB GRAND, OPera omft.i4, ed. Â. BOBG!BT. V~L V (paris, 1890),
'XEL"tW, OÜTOO xai. 1> xal.xOç • mrEiiJ.'Cl ~È Titv VEcpÉÂ.'r)V 1> •An6Uoov Ev "toiç XQ1loJlOl~ p. 2:. Propter quodnon euramus inquirere differentiam Iapidia et spiritus
Â.ÉyEI- ct. BERTHELOT, II, 173. aive animae, et eorporia live aubatantiae, e~ aeeidentia, de quibus inquirunt
341 BERTHELOT, II, 194: Tà "t'r)vLxama oW xQa"t'r)it-Évta xai. J1'r)xÉ"tL cptUyOV"ta, alehimiei, 'Iapidem ,voeantes omne illud quod no~ evaporat in igue, et idem
OOOf14 "cQooayoQE'liovtaL. - BERTHELOT, II, 195: ~à ciOWJlUTa, "tOVtiatLV"tà cpro. voeant corpus et substantiam. Id autem. quod evaporat in igue, aieut sulphur
yOV"ta. et argentum~ vivum· et ex quibus diver80rum eolonim· fiunt ea quae voeantur
842 BERTHELOT, II, 126: ... LV'"' cpuÂ.axftij "to 1tVEÜ,..,a; xat ...." l~an TÛ fUq. 'ril~
lapides, voeant· spiritus et an~~m et ~eid~Q8 - , Cf. BJ!;lLT~l!:LOT, 1",'r04'""imt,
Èx..""t\IQOOOE~. - Il Y a cependant des cas où le pneuma est d~erit Comme uli 1"'. 241,
842 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX LES ÉŒITS ALCHIMIQUES . 343
affirment le caractère pneumatique de la lune 345. Ceci s'accorde le regard n'est pas arrêté par l'enveloppe corporelle, mais qui pé-
pleinement avec les conceptions de Plutarque, deeertains gnostiques nètre jusqu'au véritable noyau de sa propre substance.
et des écrits hermétiques sur la descente des âmes ici-bas: avant d'en- Cet homme pneumatique ne peut pas, d'après les recommanda-
trer dans J~ corps terrestre, elles travers1mt les orbites planétaires, où tions d 'Hermès, se servir de la magie, même s'il le fait avec les
elles se revêtent d'un corps pneumatIque. D'après Plutarqu€·, le voiiç meilleures intentkns, parce qu'il ferait violtnce à l'évolution natu-
descend d'abord dans la région lunaire, où il se joint à la "'uX~, qui relle et nécessaire des événements: il se présente plutôt comme un
est également de nature pneumatique. Il faut remarquer cependant sage stoïcien, qui se raidit contre lIes coups inexorables du destin 348.
que le pneuma des alchimistes présente plutôt un caractère lumin-eux, Ce~ caractères de l'homme pneumatique se retrouvent d'ailleurs en
ce qui correspond à l'évolution à pe·u près générale de la pneumato- tout homme, car on y retrouve toujours une dualité profonde: l 'hom-
logie durant les premiers siècles de notre ère, principalement chez me charnel ou les apparences corpore.Jles, qu'on appelle Thouth, et
les néoplatoniciens. l 'homme intérieur et pneumatique, qui porte un nom propre et
Berthelot rapporte que, d'après Vincent de Beauvais, il y a quatre spirituel 349.
esprits: le soufre, l'arsenic, le sel ammoniac et le mercure 346. Geber, Entre l 'homme aveugle et 1'homme pneumatique et lumineux
le principal alchimiste arabe, qui a vécu au neuvième siècle, en (j[vE'UJ.lunxoç xut <PWtELVOÇ aV{}QCJ)j[oç) ii y a une lutte inexorable: ce
ajoute trois autres: la marcassite, la magnésie ét la tutie 341•. Ces <PWtELVOV llJ.lCl>V j[VEÛJ.lU constituè donc vraiment le noyau le plus
précisions ne se rencontrent pas dans les textes anciens, bien que noble de la personnalité humaine, où il se présente· encore une fois,
la doctrine générale du pneuma soit dans la ligne de ces indications ainsi que chez les néoplatoniciens, comme une étincelle lumineuse 31m.
postérieures: le pneuma se présente déjà dans les écrits de Zosime Nous nous trouvons ici en plein dans le mysticisme des gnostiques
comme un gaz, qui s'obtient par la sublimation des corps. L'alchi- et de la littérature hermétique': là aussi on nous dit que le pneuma
miste conçoit donc l'univers comme un grand tout, où des forces est un élément hétérogène, introduit dans la prison matérielle à l'in-
secrètes et mystérieuses circulent derrière' les apparences corporelles; su du démiurge. Il en résulte que la vie humaine se présente comme
derrière la façade des phénomènes, qui attirent et éblouiSSEnt le une aspiration incessante vers la délivrance de ce souffle divin.
regard des hommes, il y a un monde intérieur <iu 'il est beaucoup Le PoinumdJrès nous explique cette dualité inconciliable de la nature'
plus important de comprendre, afin de pouvoir s'en servir. Tout humaine par l'origine de 1'homme, qui serait né à la suite de l'union
l'intérêt de l'alchimiste, comme celui du mystique, se· porte vers c€s morganatique de l'Anthropos avec la Physis: de là résulte qu'il
puissances S€erètes, enchaînées dans la matière: il veut connaître existe, distinct de l'organisme corporel composé des quatre éléments,
et libérer les forces pneumatiques qui circulent dans le monde. L'al- un homme intérieur, pneumatique et lumineux, qui ne cesse de lutter
chimiste se présente donc comme le myste du monde matériel et son contre la matière aveugle qui l'entoure3~1. C'est pourquoi il essaie
laboratoire est un véritable sanctuaire où s'opère sans interruption
348 BERTHELOT, II, 230: ·0 f.'ÉvtOL ~Qf1'iiç bi 'tip :n:tQL civuu).Caç &~L "al -
la libération du pneuma.
on
tilv fUlyttav, 'A.iyrov oü 3d TOv m'EUfUltLXOv civ6-QO>:n:O'Y 'tOv btLj'V(i)vfa. ÉC1VfOv
Dans l'écrit de Zosime à Théosébie, écrit désigné par la lettre Q, oÜTe &LÙ fUlytCaç xa'tOQitoüv 'ta., idv xaL "dOV VOf1~ll'tUL, f1ll&è ~ui1;ta&à.L Ti)v
il est question d'un j[vE'UJ.lunxoç a Vl'tQWj[OÇ, qui, d'après l'adage· de a.VUi"'ll V , cill'éüv ~ l'XeL qroOt~ "al XQLOtroÇ.
la sagesse hellénique, se connaît lui-même: c'est donc un homme dont 849 BERTHELOT, II, 231: Oüt~ oVv 0 O<iQXLvoç 'A3df1 xutà rl)v q>C1LvoJ&ivrtv
:n:tQ&tMlOLV 90>û9 xol.etTa.. • 6 &è l'oro uVroü civaQomoç 0 m'EUf&4'tucOç, <av..> xa.l
,ruQOJUl éXtl.OV xuL nQoO'rlyoQucOv. - REITZENSTEIN, Poimandre., p. 104: con.
345 BERTHELOT, II, 124: KaL É:n:t&ttQ TG q>wç dvtL Ti'tç Ot).-riYt1ç :n:vrofUltLXWç xaL XVQLOV <l'XtL Ov0fUl> -xuL :n:QOat)YOQLXOV.
oQà.TaL (xaTù yÛQ TG OWfUl y(VtTaL xaL cl.."toyCvnal), oVtO> xat UVrrt xUTà TG OWfUl 350 BERTHELOT, II, 232. .
Ti'tç J1a i"VY1 oCaç y(VtTUL xaL cl:n:oYLvnaL • xat :n:vro.w, Éonv xa"tà qn;ow._ 3~1 REITZENSTEIN, Poimandre., p. 104: ÛÜTro; oVv XaÂeiTUL 0 :n:QOOToç civaQ<O-
346 Speculum maÏ1u, VIII, 60. BERTHELOT, I11trod., p. 24B. 1tOç 0 :n:UQ' T)f1iv 9roû9 xa~ :n:UQ' ÈXFLVOLÇ 'A3uf1 - Tfi <YÙQ> TOOV dyyiÀrov q>O)Vfi
341 Itezicon alchemiae Jlulandi, p. 442. BERTHELOT, lntrod., V., 248, aUtGv "aUouvnç' où f1""v ôÈ à.).À,ù xaL oufL6o).LX<Ï>Ç ôui nooUq(J)'Y cnOLXtWw Èx
344 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX IJES ÉCRITS ALCHIMIQUES 345
d'anéantir son corps adamique, afin que son pnèuma lumineux toute sa pure·té, garantit la conservation de la nature psychique par
puisse remonter vers le paradis, qu'il habitait avant la cqnstitution l'influence calorifique qu'il exerce sur elle 8155. On voit très nette-
du monde aIS'. D'après Reitzenstein, des conceptions analogues se ment ici qu'il ne s'agit en somme que d'une transpQSition de la
retrouvent dans le Mandéisme et dans le Manichéisme 353. On peut terminologie et de la' psychologie gnostiques dans le monde pure-
donc dire que les ~lchimistes ont donné à leurs opérations chimi- ment matériel: la seule différence qu'on urrive à introduire entre
ques un vernis de mysticisme religieux, propre à leur époque. Ceci le pneuma et l'âme, c'est une différence dans le degré ue pureté,
ne veut pas dire cep.endant que leurs préoccupations étaient de différence qui n'est étayée par aucune· observation ou expérience
nature philosophique ou religieuse: bien au contraire, il ne 8 'agis- sur le réel.
sait pour eux que de traduire leur activité scientifique dans un lan- Tpute l'a.ctivité de l'alchimiste est résumée dans cette petite
gage approprié aux tendancès générales de leur époque et qui fût phrase de Zosime: cbtoG1[aGIlOç ~ruJUlt'oç &1[0 Gc.Ollat'OÇ xaL aUvBEGJ.lO;
donc capable de leur assurer la considération de leurs concitoyens. ~vruJ.l(lt'oç IlEt'à Gc.Ollat'oç 356. TI s'agit donc tout d'abord de séparer
Ils ont donc étendu le mysticisme des gnostiqUES et de la littérature les substances volatiles, telles que le soufre, l'àrsenic, le mercure, le
hermétique au monde purement matériel, qui constituait le domaine sel ammoniac, des corps auxquels ell~ sont associées, et ensuite de
propre de leur activité. les fixer, de les lier à d'autres objets qu 'on ~ut transformer: car,
Nous avons vu plus haut que les gnostiques admettent générale- comme nous le verrons plus loin, le pneuma joue un rôle de premier
ment dans l'âme humaine deux parties nettement distinctes: l'âme ordre dans cette transmutation des corps. C'est surtout la première
supérieure, d'origine divine, dépassant donc infiniment toutes les d~ ces opérations qui se prête à une interprétation mystique. Dans

autres parties constitutives de 1'homme, et désignée par le terme son écrit sur la Vertu, Zosime la décrit dans des visions impres-
~VE'Üllo., l'âme inférieure, qui constitue le lien entre le pneuma et sionnantes. Il montre d'abord un autel en formle de coupe, auquel
l'organisme corporel, et qu'on appelle ""-'X-rl. Cette' même dichotomie on peut accéder par un escalier d!e quinze marches: pendant que
se retrouve dans les écrits alchimiques S54. Mais il n'est pas facile Zosime regarde le prêtre qui s'y tient, il entend une voix 'd'en haut,
de tracer les limites exactes de ces deux notions. Zosime dit que la disant que ce prêtre le renouv~llera en le dépouillant de son enve-
nature de l'âme est originairement sulfureuse ét caustique et que loppe corporelle et que, par là, il sera de toute nécessité sanctifié et
le 'pneuma est pour ainsi dire le noyau le plus. pur à l'intérieur de transformé en pneuma 357. Quand il demande au prêtre qui il est,
l'âme: c'est ce noyàu pneumatique qui, s'il est bien gardé dans celui-ci répond qu'il est Ion, 0 ΀QEÙÇ t'wv &But'rov, €t qu'il est l'ob-
jet d 'nne violence intolérable, Ëroç av Ëlla-3ov llet'aGrollutotjJLEV~ mtE'Ülla
YEVÉa{}UL 3151,
1tQOTIe; Tite; a<pa1Qa; mnbv Ebtovne; X(lT(i 't0 aroJUl - 0 ÔÈ ÈaOl amoU av6QOl1tOC;
o 1tVEUJUlTIXOe; xal XUQLOV <ËXEI. OvOJUl> xal. 1tQO<JT)YOQlXOV. Ta JÙV oùv x"ÛQI.OV Dans une 8€oonde vision, il voit ie même autel en forme d:e
àyvoro ôui Ta T~' ~OC; yàQ NlxaDEoC; 0 àvroQE"toc; TaÜ"ta olôEV' Ta ÔÈ 1tQO<JT). coupe, qui est remplie d'eau bouillante dans laquelle on aperçoit
YOQLXOv amoü OvOJ1U (J'roc; XaÀELTaL, dcp' o~ xal (J'ro'ta; 1taQllxoÀo"Û'Ot)a2 ÀÉyEaaa~ un grand nombre d 'hommes. Quand il demande l'explication de ce
'fo\,ç dv6QMtouC;. tableau, on lui répond qu:e ce sont là des hommes qui veulent acqué-
352 REITZENSTElN, PoimaMTeB, p. 105: TaÜ"ta ôÈ yLVE"taL, ËOlc; oU ÈÀi}o 0 «vd-
'rir.la vertu: c'est pourquoi ils se plongent dans cette eau bouillante,
J1LJ.We; ôa'JUOV ÔI.O.~llÀo"ÛJLEVOC; a,rmie; xal. OiÀrov [wC; TO 1tQOOllv ] 1tÀaYi'\aaL Àiyrov
ÉamOv "Lbv OEoUaJ.WQqJoc; mv xat """,xii xai. aooJ1UTL. OL.ÔÈ (J'QOVL~"tEQO~ yEVOJLEVOL
h 'ri\e; xaTaÀi)'I'EOle; TOU mOlc; \1tou TOÜ OEOU ÔtÔoaaLV amiP TOV t~LOv 'A~àJ1 E~ au -BDTUBLOT, II, 151: A~voX" oùv ~ m'E"ÛJUl'toç. Vvxrav xa1et Tl}V
(J'OvOV, Tà ÉamOOv'(J'Ol"tELvà 1tVE"ÛJ1U'ta a<p~OV'tfC; <E~> t~LOV XWQov, 01t0\1 xai. 1tQa M' ÙQxiiç OeuO&r) xal XU\I(J'fI.Xi!V ql'Umv, 'fmin}v &ui mJQbç nQOCJOJ1V"ow 't8 xcù.
xoaJ1OU lIoav. xa&.l.Q6lJeVov 'tO 1tVriiJUl <Jq,t;EL, Ëàv cql'I.XOOç "t1lQllitii '. WtoÀia(tc:u. yàQ où OOvo:cUt..
863 REITZENSTEIN, Hellen .. myBt., p. 354. 85t BEIlTHELOT, II, 10
854. BERTHELOT, II, 295: xaC Ton Àa6rov Ê; uVroU (il 8 'agit d'une prépara- 357 BERTHELOT, II, 108: •.• xaC l(J'f~v XUL 0 teQouQYrov XUlVOUQ'YOOv J1E, ci:t06ol.~
tion qui vient d'être déerite) xat Ol' à,v i"vOl-D-ij """",XYj xa,i. 'Ça 1tVrii~ XaL yÉvOlv· M>lJeVoç na:v (OÙ aOOJ1UTOC; 1taxUntTa, xal. i~ àvaYX'le; te~Teu6~~ m'rii~ TeÀoUf'U~
lO.~ iv .. ,. ~58 B~TB~9T, II, ll. 108,
346 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELfGIEUX LES ÉCRITS ALCH IMIQUES 347
qui les détache de leur corps et les transforme en pneumas. Il d€.- puissant et la transforme totalement 362. Ici encore les alchimistes
mande alors au prêtre s'il est pneuma lui-même et lE;· prêtre répond: se sont emparés d'une expression courante de la philosophie de leur
xal 3tl'EÜJ1Œ xal cpula; 1tVE'UJ.L<ltOOV 3119. époque, mais ils en ont notablem6nt changé la signification. Au
La signification de ces visions n'Est pas douteuse: nous nous trou- lieu de désigner un intermédiaire entre l'âme et le corps, une espèce
vons encore une fois devant la description mystique de: plusieurs d'enveloppe de l'âme dont celle-ci s'est revêtue au moment de sa
opérations chimiques, qui visent à dégag€.T le pneuma de certains descente à travers les orbit6s planétaires, le aWJlu 1tVEtlJlanxOv indique
corps: ce dépouillement de l'enveloppe matérielle(JlEtŒaooJlatouJLEVoç) maintenant le composé du pneuma avec l'âme d'un métal qu'on
S6 fait de façon nécessaire (È; àvaYXT)ç) par l'action de la ch~leur. veut transformer en or ou en argent. C'est donc vraiment le pneuma
C'est par là qu'on acquiert la vertu (àQrn]), puisque la captation qui est à la source de cette transmutation des métaux, bien qu'il y
de ce souffle divin a pour· but de le fixer sur une autre substance ait encore d'autres ag.ents, tels que le ;~QlOV, qui est le substrat de
et de transformer celle-ci en or. certaines qualités indispensables à cette transformation 363. On com-
On voit très nettement, dans la question qui nous occupe, com- prend maintenant l'épithète qui lui est attribuée bien souvent dans
ment une opposition aussi prononcée e·ntre l'âme et le corps ne les écrits alchimiques: ta 1tVEÜJlQ ta ~U1tnxov et son identification
conduit pas nécessairement à la spiritualisation du pneuma: ce der- avec l'ios, c'est-à-dire l'élément tinctorial 364. C'est que le pneuma,
nier est toujours conçu comme quelque chose de mat.ériel, bien qu'il en se fixant sur un métal déterminé, en change la couleur, comme
soit infiniment plus subtil ét plus souple que le corps. Ije fait que si ce métal avait été plongé dans un bain colorant. Le pouvoir magi-
les alchimistes se sont emparés de cette notion pour l'introduire que de la pierre philosophale doit également être rattaché au pneu-
dans une activité purement matérielle montre combien peu cette ma qu'elle renferme 365. Il résulte de ceci que le pneuma des écrits
notion s'était détachée de sa signification originelle: même si des alchimiques s'apparente également à' celui des papyr~s magiques,
courants philosophiques et religieux l'ont purifiée de ses att~ches en tant qu'il se présente comme une force magique qui circule dans
avec la matière, elle garde encore toujours, dans le langage coqrant les choses et dont on peut s'emparer et se s6·rvir en vue de certaines
et dans la langue scientüique et philosophique, une significatio~ en réalisations pratiques. Cette parenté ne nous étonnera guère, puis-
premier lieu matérielle. que l'alchimie et la magie sont originaires du même pays et qu'elles
y étaient très répandues durant les premiers siècles de 1'ère chré-
Le dégagement du pneuma ne constitue pas le but final de l'acti-
tienne. '
vit.é des alchimistes: il s'agit mainte'nant de s'en servir en vue de
la transmutation des métaux 360. Le pneuma doit de nouveau s'en-
gager dans la matière, revêtir un corps; c'est donc mie espèce de •••
métempsycose qui s'opère dans le mOJ;lde matérie1 361 • Elle se pro-
duit au moment où le pneuma s'unit à l'âme d'un métal, constitue
avec elle un (J(OJlll 1tVEVJlUnXOv, pénètre la matière de son souffle
362 VON LIPPKANN, op. cie., p. 82. - BERTHELOT, II, 295: xa.' TOte: Âa6cÙY È;
. uÙ'tOü xut o't' 6..., É\·ro'6ii f) "PUXTJ "ut TO nvEiiJUl xu, yÉvrovrUL Ev, 'tcne: b.:toOL~
b.:t OWJUl CÏQyUoou xut E;E~ XouoOv av oùx ËXOUOLV ut TOOv pa..owrov .mo&ijxcu.
BERTHELOT, II, 146: 1a6rov Ti)v ~v 'tOÜ xa.boü Ti)v oVoav bravro TOÜ 'Ü&noç
358 BERTHELOT, II, 109: Ot yàO '9ÉMrvtE~ Üv60ro~OL UQErijç TUXElV W~E d.oiQ-
'rii~ ~oa.oyUoou, ~OL1l0OV OWJUl1C'V8VJUl'tLXOv.
Xovta.t., "ut yLVovta.L moEUJUl'tU, q",y6vrE~ 'to oWJUl. "'EÂ.tyov oÙ\' UÛ'tcp. c Kui CJÙ
363 .BERTHELOT, II, 114: na.V'tB ~è m'8Üf.lB aM' T'fi 6vvUfUL TOÙ ~QCou. -
moriiJUl d ; lt "al .mEXOLVU'tO Àiyrov· c Kut motüJUl "ut cpUM1; moEUf.ui'trov lt. Ct. VON LIPPllANN, op. cU., p. 19.
360 BERTHELOT, II, 151: TOÜ'to'to XOtlOLfWV 'to PWt'tLXOV (seil. morliflU)· TOL- 364 BERTHELOT, II, 119: Kut yàQ (, lbç ~ui TOÜ cicrolJUi'tou "uTà TOv (MpLV
ovni> ~È XQTJ dva.L civ6Qoo~<p Mn't€p 't€p vot, '[vu Ë~Lyv€p moE'ÜJUl Weo OOOJUl'toç È;EQ- (à savoir: Uroboros) ÉOf'llVEU€tUL moEÜJUlo
XOf1€VOV, "cixdv<p XQtlO11'tUL .... 36:5 BERTHELOT, II, 121: • A1tEMtt noOç 'tà QEUJUl'tU 'toü NEi).ou xui e:UQ1}0'E~
381 BERTHELOT, II, 252: 'tà f1ÈV moEUf'U'tU oroflU'tc)VvT(J.~ , .... 'to yOq CPE'ÜyOV ÈV'tuü&u ).LitOV ËXovtU nvEiif'u. - BERTHELOT, II, 114: 'to yàQ ~f'U TOÙ ~S
lIV~üJW loir Ô~~ovtO<i OOOJW'tO$ Ë'tUItEV, tVQÜ'tUL 't~ U6~ xut "(LVt'tU' nvEÜF f.LOvoy~ ...,
è6N6tust6N
348 LE SYNCRÉTISME PHILOSOPHIQUE ET RELIGIEUX

Il résulte de ces analyses que la pneumatologie des ~crits alchiini- repr~sente pour ces penseurs une réalité d'un autre ordre que les
ques est avant tout une transposition de la psychologie des gnosti- objets matériels. Nous avons .essayé de préciser plus haut le contenu
ques dans le monde matériel: la conception trichotomique de tout de cette notion du spirituel, qui ne coïncide évidemment 'pas avec
objet matériel; aVEC la distinction entre lJroX~ et 3tVE!!J.lQ,' s'origine les définitions qu'on en trouve chez les philosophes modernes: le
directement à des théori~ gnost.iques. D'ailleurs la manière dont pneuma spiritualisé du livre de la Sagesse et de Philon désigne une
les alchimistes décrivent les diverses opérations de laboratoire, est réalité qui n'a rien de commun avec les choses matérielles qui nous
une traduction mystique de leur activité scientifique et pratique: entourent, il possède des propriétés qui" 8 'opposent à celles du mon-
il s'ensuit que nous n'avons trouvé durant tout cet exposé que des de matériel dans lequel nous vivons.
applications' nouvelles de doctrines bien connues. La pneumatologie Il résulte également qe nos analyses que cette évolution séman-
des alchimistes nous 'paraît être influencée également par la pensée tique du" pneuma dans le sens du spiritualisme est due à l'in-
stoïcienne, E·n ce sens du moins qu'on y trouve l'idée d'li pneuma tra- fluence de la Bible sur les deux auteurs en question. Puisqu'il
versant la réalité tout" entière. Le panpneuinatisme de Posidonius 8 'agit ici de deux auteurs juils, qui vivaient à Alexandrie vers'

n'est pas étranger sans doute à cette conception du monde matérieL le début de l'ère chrétienne et qui ont donc subi l'influence de la
. :D'autre part, dans certains pa~ges des éèrits alchimiques le" pneu- philosophie grecque, principalement de celle du Portique et de Pla-
mà se rapproche également du pneuma magique, dont nous avons ton, on pourrait se demander si ce n'est pas cette influence philoso-
parlé antérieurement, force mystérieuse, que le magicien essaie de phique qui a déterminé la spiritualisation du pneuma. 11 ne paraît
capter et dont il se sert en vue de certaines réalisations pratiques. pas en être ainsi: en effet, l'influence stoïcienne n'entre pas en
Ce bref aperçu donne une idée du syncrétisme de' cette époque, ligne de compte, car nous avons vu au chapitre premier que la pneu-
où l'intelligence humaine, fatiguée des recherches séculaires' qui matologie stoïcienne est restée foncièrement matérialiste, bien que
n'avaient abouti qu'à un résultat bien modeste, dégoûtée également ce matérialisme fût moins grossier chez certains de ses représentants
d'un scepticisme orgueilleux qui simule une indifférence hautaine que chez d'autres. L'influence de la "philosophie p1atonicienne est
à l'égard des proJ>lèmes philosophiques, se contente de composer des évidemment pIns importante à notre point de vue. Elle n'est cepen·
amalgames souvent hétéroclites de doctrines empruntées aux systèmes dant pas le facteur déterminant de cette spiritualisation: en effe·t,
de pensée les plus divers. Cette confusion dans les esprits est le cette influence se fait sentir également chez Plutarque et dans la"
signe indiscutable du déclin d'une grande civilisation. littérature hermétique, sans que la pneumatologie en soit transfor·"
mée. Au contraire, le pneuma a plutôt subi une certaine déchéance
dans la conception de ces auteurs, puisqu'il ne désigne plus notre
CONCLUSION principe vital dans toutes ses. manifestations, mais un lien entre
l'âme et le corps, une enveloppe dont l'âme se revêt au moment de
Il ne nous reste plus qu'à dégager les principales conclusions de sa descente sur terre. Le platonisme de c~s auteurs n'a donc pas' in·'
ce chapitre. " fluenc~ la doetrine du, pnenma. "
1. Ce qui est d'une importance capitale pour le sujet de notre En ce qui concerne la pneumatologie des gnostiques et des alchi..
étude, c'est que nous avons rencontré pour la première fois, au cours mistes, elle nous paraît être intermédiaire entre les deux conceptions
de ce chapitre, un pneuma spiritualisé: le 1tVEÜJ.la ao<pLaç du livre que nous vepons d'esquisser: le pneuma y désigne ce- qu'il y a de
de la Sagesse et certaines significations du pneuma chez Philon dési- plus noble dans 1'homme et dans le monde matériel, plus noble même
gnent certai~ement autre chose que l'exhalaison chaude des philo- que la lJroXtÎ, qui est considérée comme une espèce d'âme inférieure;
sophes du Portique et de certains médecins. Les caractères qui se et cependant cette· réalité suprême reste généralement matérielle.
trouvent attribués ici au pneuma s'opposent diamétralement' à ceux On reconnaît la subtilité extraordinaire de ce principe, çui se pr~
de l~ matière, de sorte qU'0I1 ~t en droit Qe çonclure que le pneum~ sente comme une lumière briIlante, mais on ne parvient pas le plus
350: tË SYNCR~TISMË PHILOSOPHIQUE Ë'f RÊLl<lIËUX

souvent à le détacher complèteme·nt de la matiè_re.1l est entendu que


nous ne vouloDS,p~ donner ici une récapitulation exliaustive des dif-
férents systèmes gnostiques: nous ne ,traçons que les lignes généra-
les de la p~nsée gnostique.
2. Nous avons rencontré au cours de ce chapitre deux significa-
CHAPITRE IV
tions nouvelles et importantes du pneuma, qui constituent un enri-
chissement notable de cette notion:
a) Le pneuma, a' été mis en rapport par Philon et Plutarque avec LE NÉOPLATONISME
tine connaissançe d'ordre supérieur, qui ttanscende les possibilités
naturelles de nos facultés cognitives. Nous avons examiné plus haut Après avoir examiné la pneumatologie dans le syncrétisme philoso-
la différence profonde qu'il y a entre les théories de l'inspiration chez phique et religieux, nous allons ·analyser un certain nombre de textes
ces deux auteu~: alol"$ que, p~ur Plutarque~ le imeuma mantique dans lesquels les néoplatoniciens expriment leur doctrine du pneu-
est une exhalaiSon, qui à certains endroits se dégage de la terre et ma. Si nous traitons séparément du néoplatonisnie, ce n'est pas que
pénètre dans le corps' de la pythie, le souffle prophétique c)e Philon nous _méconnaissions le syncré~isme dans la pensée de Plotin et de
est une participation directe à la connaissance divine, se communi- ses disciples; c'est plutôt parce que ce ~yncrétisme est nettement
quant à 1'homme sans la collaboration de sOn intelligence. Le pneu- différent de celui auquel nous avions affaire au chapitre précédent.
ma désigne donc, d 'une part, des effluves matériels, surtout de la En effet, alors que les systèmes antérieurs se présentaient surtout
terre, tandis que, d 'autre part, il indique une lumière divine qui comme des idéologies religieuses malgré les éléments philosophiques
entre dans l'âme et y occupe la place d~ l'intel1ig~nce. qu'ils comprennent, la pensée de Plotin donne nettement la prédo-
b) Le pneuma a été employé également pour désigner une force minance aux doctrines philosophiques 1. Sans doute, l'essor dialecti-
mystérieuse, dont les magiciens et les alchimistes s'emparent en vue que de ce,tte pensée métaphysique est dû aux spéculations des reli-
d'obtenir un but pratique: pour les alchimistes, il s'agit de la fa1>ri- gions orientales, mais cela n'empêche pas que l'élaboration du
cation de l'or ou de l'argent; pour les magiciens, il s'agit des réalisa- système se fasse selon des méthodes strictement philosophiques, ce
tions les. plus diverses. Il importe de distinguer très nettement cette qui n'est pas le cas pour les doctrines hermétiques et gnostiques:
nouvelle signjfication d'avec celle que nous avons rencontrée dans "quand on délaisse les voies naturelles de la connaissance pour faire
le livre de la Sagesse et dans l'œuvre de Ph,ilon, où le pneuma dési· appèl à des révélatioIlB sec"rètes et mystiques, on quitte' évidemment
gne une illumination spéciale et un secours que Dieu accorde aux le te~ain de la philosophie p\lre.
justes, en vue de la conduite morale de leur vie. En effet, nous avons L'examen de la pneumatologie du néoplatonisme présente un inté-
vu· que le pneuma magique n'a aucun rapport avec. la conduite mo· rêt particulier, parce que c'est la première fois au cours de cette
ràle: il ne la suppose pas chez celui auquel il est conféré et il ne con- étude que nous nous trou'\'"ons en présence d'un système vraiment
tri bue pas à régler la vie suivant leS principes de la moralité. philosophique et nettement spiritualiste. 'Il est vrai que nous avons
rencontré au cours de nos analyses le spiritualisme de Philon et
celui de Plutarque, mais l'influence de certaines doctrines religieu-
ses dans leur système èst tellement p~on~ncée qu'on peut difficile.:
ment les- mettre sur le même plan que Plotin. Nous devoIlB donc noua
demander quelle sera la place occupée par le pneuma dans le système
spiritualiste de ce dernier: le pneuma parviendra-t-il à se détacher de

1 P. H&INEJlANN, Plotin, Leipzig, 1921, p. 11.


ptÔ'l' IN

ses origines matérialistes pour être assumé dans l 'atmosph~re noU- essentiellement divisible: c'est là une condition à laquelle ni l'air
velle de cette pensée! Cette fusion était d'autant plus facile, qu'en ni le souffle n'échappent; bien au contraire, ils se dispersent plus
somme une transformation analogue s'était déjà produite chez Phi- facilement que n'importe quelle autre substance '. On a nettement
lon d' Ale'tandrie et dans le livre de la Sagesse grâce à des influen- l'impression ici de se trouver à,des étages différent.9 de la réflexion
ces paraphilosophiques. Ce q}li nous intéresse spécialement dans l'é- humaine, car, l'unité étant une notion analogique" elle peut être
tude du néoplatonisme, c'est le contenu exact de la notion du pneum~ entendue à des niveaux très différ~nts. Il est évident que
pour des philosophes qui n'ont pas subi l'influence spiritualiste de le contenu de la notion d'unité dans le système stoïcien
la religion juive. Cet examen nous sera particulièrement utile, parce n'a rien à faire avec l'indivisibilité: il s'agit plutôt d'une synthèse
qu'il contribuera à tirer au clair le problème 'principal qui fait biologique, telle qu'on la trouve dans les plantes, les animaux et
l'objet de cette étude: quel est le facteur déterminant de la « spiri- les hommes, et qui a été étendue à la réalité purement matérielle
tualisation» du pneuma' Par quelles influences le contenu ,de cette et au cosmos .tout entier. Ce qui veut dire en somme que les stoïciens
notion a-t-il été totalement transform'é! en sont restés au plan de la physique et que leur pensée ne rencontre
pas les spéculations 'métaphysiques de Plotin. Chez ce dernier, le
. contenu de ·la notion d'unité est beaucoup plus rigoureux: il ne
1. PLOTIN.
comporte pas seulement une certaine coh~ion d'ordre physique ou
Il semble que, dès le début de sa carrière phüosophique, Plotin biologique, compatible avec la d;ispersion spatio-temporelle, mais
se soit attaqué violemment au matérialisme grossier du Portique; il exclut toute divisibilité. Plotin en arrive ainsi à concevoir que le
car, dans son traité sur l'immortalité de l'âme (Enn., IV, 7), qui, principe d'unité doit être inétendu et immatériel. C'est donc en der·
:l'après les renseignements de Porphyre, appalrtient au premier nière analyse !l. cause de son caractère matériel que Plotin rejette
groupe des écrits plotiniens 2 et qui, d'après Fr. Heinemann, occupe le pneuma comme principe d'unité métaphysique.
même la première place dans la série chronologique de ses œuvres B, Ce qui est plus important encore, c"est que Plotin, à cause du
il rejette déjà la psychologie matérialiste des stoïciens et la même caractère- matériel, refuse de voir dans le pneuma un principe
théorie de l'âme-pneuma, en laquelle elle s'incorpore. Durant cette ù 'ordre et d'intelligence. Cette attitude vise évidemment la doctrine
première période de son évolution psychologique, l'attention de stoïcienne, qui fait coïncider'le souffle divin avec le ÀOyo;, loi de
Plotin ne serait pas encore tournée vers la dialectique de l'Un; l'univers, qui commande la succession nécessaire des événements
ce seraient plutôt les problèmes psychologiques qui le préoccupaient' cosmiques dans un ordre imperturbable. Il en est de même du pneu·
et 0 'est ainsi que, tout naturellement, il en serait venu aux prises ma individuel, qui est la source non seulement des fonctions biolo·
avec le matéria.lisme du Portique~ giqueS, mais également de l'activité intellectuelle et volitive.
Dans la philosopnie des stoïciens, le pneuma est avant tout D'après Plotin, au contraire, 'l'ordre du monde, qui requiert un
principe de cohésion. L'univers est conçu comme un grand orga- principe intelligent, ne peut pas être produit par un souffle mare.
nisme animé par un souffle divin, qui en garantit l'unité, de sorte riel circulant ,1 travers les artères de l'organisme cosmique G. C'est
que le pneum~ est vraiment le fondement dernier du monisme du que" pour lui, le caractère matériel du pneuma est incompatible avec
Portique. Les êtres particuliers eux aussi sont tous pénétrés d'une sa nature intellectuelle: la matière et ;l'int.elligence présentent des
parooJ.1e plus ou moip.s grande de ce feu divin, d'après le railg qui
leur., reviep.t dans la hiérarchie du réel. Plotin n'admet pas cette .. RtlA., IV, 1, 3, 25: A"a,;<Jt'tUL &è Xa.L 't632 'to ;UfUCuv, Et 'tLÇ o.Vto ,,\.O'trunt.e
O<ÔJUl't~ àvvÉQ;f:t, ÔLÔo'Ùç alÏt<il 'i'Uxilt; 'to.;LV JlÉXQL 'tmv ovo.,w.'tcov, c:iiQL xut :m:U-
conception fondamentale du stoïcisme, à cause du caractère maté-
l'Un oxeôaaro't(h<p xut 'to ~ dvaL Ëxo'V'tL mi "UQ' Cl'Ôt'oü.
riel de ce principe d'unité. En effet, tout ce quLest matériel est 15 Rtl"'., IV, 7, 3, 29: llroC; yciQ 'tf:JlvoJlÉVcov 'tmv itmcov O'w.,w.(WV q,nvl.Ow'tLÇ
2 V ita Plotini, 4. à.van~lç 'toof: 'tG itâ.v oùx à.vOtt'tov 'tE xai. q>EQOJ1nOV dxil itOL1}O'EL i TCc; yèIQ 't~LÇ
3 Op. cit., p. 122 8sq.
Ëv m'€UJUlTL &EoJlÉV<P itaQù 'V\'XilC; 'tQ;EWC;, 'il À.6y~1 'il VOÜC; i
~t61'IN

sance de 'la matière. Il faudrait donc quc "cette manière d'être (1[(ùç
caractères tellement opposés, que toute identification est eXChlé.
f:t.~v) chang~ le caractère matériel du pneuma, de telle façon qu'elle
L 'IntelUgence de Plotin est « une transpositi<m idéale du monde pmsse fourDIr une explication satisfaisante des fonctions vitales· et
sensible. C'est le monde sensible moins sa matérialité, c'est-à-dire comme cette détermination ne remplit pas cette condition, elle' est
moins le changement (l'éternel a remplacé le temps), et moins l'ex- parfaitement inutile 9. Tout le poids de l'argumentation plotinienne
tériorité l"éciproque des parties» 6. C'est ainsi que Plotin trouve repose sur le fait qu'il y a d'innombrables souff.les inanimés: com-
dans l'Intelligence une explication nouvelle de l 'harmonie et de la ment pourra-t-on les distinguer du pneuma vital, si ce dernier est
sympathie universelle du cosmos: « Nous saisissons ici le moment aussi matériel que les autres T Dans son traité sur l'immortalité de
où la théorie stoïcienne de la sympathie universelle se transforme l'âme, Plotin démontre par une argumentation serrée que la ma-
en une théorie que l'on pourrait appeler, d'après le nom qu'elle a ni~re d'être de l'âme est nettement différente des caractères de la
pris chez Leibniz, le monadisme. La liaison sympathique affirmée matière étendue et divisible.
entre .les êtres n'est possible que si chaque être est une pensée, et Plotin s'oppose également à la psychologie stoïcienne de la con-
8 'il est lui-même 'Q.n univers. Alors chaque" être contient tous les
naissance sen~ible, qui était une conséquence naturelle et logique
autres. Plotin a parfaitement approfondi 1es exigences de cette théo- , de la conceptIOn pneumatique de l'âme. En effet, la sensation se
y
rie; il a vu qu'il pouvait avoir des différences entre les parties du produit, d'après les stoïciens, d'une manière analogue à l'empreinte
monde intelligible, bien que chacune contînt l'univers; elle le con- d'un sceau dans la cire: c'est ainsi que l'objet extérieur fixe son
tient à sa façon, parce que, dans chacune, « ressort» un aspect dif- image da~s ·la substance pneumatique de l 'hégémonikon, d'après la
férent. De l'Intelligence· émanent des intel~igences qui sont chacune formule bIen connue nJ1[(ÙO"lç Èv ~YEfloVlX<P. A cela Plotin objecte que
toutes choses et qui sont pourtant multiples, parce qu'elles sont des cette explication ne peut pM rendre compte de la mémoire: com-
pensées plus ou moins obscures (III, 8, 8») 7. Il en résulte que ment ces empreintes passagères pourraient-elles être conservées dans
l'unité stoïcienne s'oppose à celle de Plotin, comme le biologique au une substance aussi volatile que "le pneuma T A peine les lianes de
métaphysique: ce sont là deux niveaux différents de la réflexion l '~age psychiqu~ peuvent-,elles s'y fixer durant un insta~t, que
humaine. deJa elles se brOUIllent par les dessins suivants: l'âme serait comme
Le pneuma est également considéré par les stoïciens comme le un palimpseste, dont l'emploi toujours renouvelé effaoo successive-
principe de la vie. L'âme elle-même est conçue par eux comme un ~ent les écritures antérieures. Si ·les stoïciens prétendent que les
souffle chaud qui pénètre l'organisme et dont les courants pneuma- Images se conse:rvent dans l 'hégémonikon, alors la substance ne
tiques sont à l'origine de toutes les fonctions vitales: en effet, ·le pourra recevoir qu'une seule impression sensible: en effet, il faut
principe de la vie est appelé par eux un xVEÜfla XCtlç Ëxov, c'est-à-dire d'abord effacer l'écriture antérieure, si l'on veut se servir d'une
une manière d'être du pneuma 8. Plotin se demande pourquoi les tablette de cire pour y écrire un nouveau texte 10.
philosophes du Portique ont ajouté cette détermination au terme
1tVë:Üt,w: d'après lui, les stoïciens ont entrevu qu'un souffle pure-
ment matériel ne pouvait pas remplir les fonctions qu'ils lui attri-
buaient: ils sont forcés malgré eux de rompre le cer0le du matéria-
lisme dans lequel ils se sont enfermés, et d'avoir recours à des prin-
cipes d'activité qui, d'une certaine manière, transcendent la puis-

8 E. BatH 1ER, La ph.ilosophie de Plotin., Paris, s.d., p. 91.


7 E. BUHl1!&, La philosophie" de Plotin, p. 93.
8 L'expression nroç Ëxov désigne une qualit6 accidentelle et 8 'oppose donc
aux caractères essentiels; cf. t'J. BAEUllKER, Dcu Problem der Materie in der
griechischen Philosophie, Munater, 1890, p. 3.j7.
PLOTIN 357
De plus, piotin n'admet pas les courants pneumatiques comme principe vital avec le pneuma ou avec le sang:· il y a beaucoup d'élé-
messagers de l'impression sensible reçue à la. périphérie de ·l'orga- ments qui sont indispensables à la conservation de la vie, sans qu~
nisme. Comment pou:r:rait-on jamais éprouver une douleur au doigt, pour cela on puisse les regarder comme en étant la Source. D'autre
si le centre de .la vie cognitive est localisé dans le cœur' La réponse part, aucun des deux éléments mentionnés ne pénètre l'organisme
stoïcienne est bien connue: c'est que cette impression sensible est tout eritier, ce qui est évidemment requis pour que le corps soit
transmise au cœur. par un courant pneumatique 11. Cette solution est intégralement anim~: autrement il y aurait des parties inanimées
rejetée par Plotin, parce. que, dans ce :CBS, chaque sell88tio~ serait dans un organi8me vivant 12. Nous touchons ici au grand problème
composée d'un nombre infini de sensatioIlB successives, cette' trans- philosophique du rapport entre l'âme et le corps, qui a été· résolu
mission. ne pouvant se faire, d'après lui, que si chaque particule dans l'école du Portique par la lt.QiiO'LÇ a. ' oÀrov, dont Plotin accuse le
du pneuma communique cette. impression à la particule voisine. Il caractère insuffisant. Nous verrons plus loin la solution qu'il propose
en résultera également que l'organe central, qui est établi dans le lui-même.
cœur, llè :ressentira pas la douleur au doigt, mais dans la partie Nous avons dit plus haut que les anciens stoïciens, croyant à un
adjacente aU cœur. Nous avons l'impression qu'ici Plotin a déformé rapport d'étymologie entre tPUltl et 3tEQ('l'u~LÇ, plaçaient l'origine de
la pensée stoïcienne: il n'y aurait pas de courant pn~umatique, au l'âme humaine au moment de .la na~ance: il se produirait alors,
senS propre du mot, entre l'organe sensoriel et -1 'hégémonikon, ce par le contact avec l'atmosphère ambiante, un refroidissement du
qui semble être contraire à la doctrine traditionnelle du Portique: rrvEüJ.lU Q>UO'lXOV de l'embryon. Nous aVOIlB fait observer que cette
nous avons vu, en effet, que la notion du t'ovoç comporte précisé- explication ne s'accorde point avec les principes généraux de la
ment la tension produite dans un être par les mouvements centri- philosophie du Portique: les stoïcieIlB ont sacrifié la logique de leur
fug~ et centripètes du courant pneumatique. Nous ne ·voulons pas système à leur préférence pour les explications étymologiques. Plo-
dire que cette dernière conception soit plus défendable, mais elle est tin s'oppose également à cette conception, parce qu'une perfection
à l'abri de l'objection plotinienne que nous venons d'évoquer. d'ordre supérieur ne peut pas être produite par une réalité infé-
L'argumentation stoïcienne tendant à prouver le caractère pneu- rieure. Le pneuma vital est d'abord Q>UO'LXOV et ensuite 'I1UlLxov. Or,
matique de l'âme est également rejetée par Plotin. Comme nous d'après Plotin, l'évolution créatrice suit une ligne descendante,
l'avons noté déjà plus haut, cette preuve était basée sur l'expérience parce que le passage de puissance à acte n'est possible que par l'in-
immédiate: l'arrêt de la respiration constitue un indice indiscu- fluence causale d'un être actuellemènt existant 13. Cette manière
table que toute vie est éteinte; il en est de même quand l 'homme a de raisonner reflète encore une fois l'opposition de deux orientations
perdu beaucoup de sang. Les phHosophes du Portique en ont con- d 'esprit et de deux systèmes de pensée, d'une part, le vitalisme
clu que le principe de la vie est un souffle cha.ud, qui s'exhale con- stoïcien, qui, partant d'un empirisme très poussé, ~n arrive à conce-
tinuellement du sang: ils parvenaient ainsi à rendre compte de la voir la divini~ comme une puissance créatrice iplmanente au cosmos,
nécessité de la respiration et de la nécessité du sang pour la con- lequel réalise suivant ~ne évolution progressive les richesses inépui-
sérvation de la vie. sàbles de ses r~isons séminales; d'autre part, la dialectique abstraite
Plotin. taxe .ce raisonnement de paralogisme, les faits d'expérience de Plotin, qui, partant de la simplicité absolue de l'Un, descend
dont oil part ne permettant pas de conclure à une identification du d'étage en étag~ vers la multiplicité du monde matériel; la marche
descendante précède donc l'ascension de l'âme, qui par une purifi-
ËOOV'tUL - il "{LVO,.œvroV üUrov ÈULVOL ot 1tQ6n:QOL futoÂoÜVt'u .. • wO'tt où3èv ÉO'tUL cation ininterrompue remonte à la source de 'son être. C'est pour-
<"to> ...vt)~eUtw. El 3i Éon "to ",,,,,,,,OVrotlV xut àllrov utaDavta6u.. bt' üUo~
0,", ËJ11t0~L~6V"t(J)V "tWV 7EQ60'Ôtv, oom'U"tov 'tTtV "",UxTtV OWf.W dVUL. 12 Enn., IV, 7, 81, 32: )l'l3' on :7tVEuJ.Ul"toç 'il uiJ.Ul"t<>Ç WtoO'taV"toov d:co&v1\CJ-
11 E",,~, IV, 7, 7; 7: n(i)ç oÙ'\' "toiito au ....6ULVt .. ; âw36oEL, CP{)OOUOL, 7EUit6vtO; XEl. "l'à. ~<l>« Aty6V"toov. Où "{à.Q ÉO'tLV aVEU "toVtoov dvuL, 003' civtu ltOUOOV cillœv,
fÙ:v 1tQoml)Ç l'OÙ ntQl "tov 3a:m,l..ov ""'x"xoù m'tuf.W"to~ JAEtoo6vToç "t«p icpt;Tiç xut (UV o'Ù3èv Ô.v " ""'xit ·d'l' Kul ....1\,. ovn motiiJLu 3ui. no.V"toov OVtE ut~ 'f"Wl ôi.
'toUTou üUq; Ëro~ oU 1!:QOç TO f)YE..,ovOÜV àcplXOLTO. 1.3 Eftft., IV, 1, 83 ,
358 LE NÉOPLOTINISME
PLOTIN 359
quoi Plotin rejette également la conception matérialiste des vertus, cation correspond en somme à ce que les auteurs scolastiques ont
préconisée par les stoïciens: d'après lui il n'y a aucun lien entre appelé: tonna emergens e nutte~ia, s'opposant à la forma immersa
le pneumamatériel et la justice ou le ·courage u. C'est qu·e, dans son in materia·: cette transcendance par rapport au corps coïncide alors
système, l'ascension de ,l'âme se fait précisément par un détache- avec leur notion du spirituel ou de l'immatériel. Nous en trouvons
ment progressif de la matière: la purification de l'âme consiste une expression très claire et voisine de la conception plotinienne
essentiellement dans sa libération par rapport aux entraves corpo- dans les lnstitu,tio-nes logicae et metaphysicae de Liberatore 17.
relles. L'attitude négative de Plotin à l'égard de la pneumatologie stoï-
Plotin en arrive ainsi à ruiner toute la pneumatologie matérialiste cienne ne signifie pas qu'il ait exclu totalement ce souffle matériel
des stoïciens. L'âme ne peut pas être conçue comme un sOuffle ma- de ·la psychologie humaine. Dans son traité IIEQl t'ijç xuXÀoq>oQlaç
tériel, qui pénètre l'organisme corporel. Il va même plus loin encore (Enn., II, 2), essayant de déceler l'origine du mouvement circulaire
dans son spiritualisme, puisqu'il s'oppose également à la solution du ciel, il distingue une double conception: d'une part, cene d' A ris-
aristotélicienne du problème psychologique, d'après laquelle. l'âme tot.e, pour qui ce mouvement se produit sous l'influence d'un moteur
serait l'entéléchie de la matière, et à la doctrine pythagoricienne, immobile et transcendant, et, d'autre part, celle de Platon, qui attri-
qui conçoit l'âme comme 1'harmonie du corps, ces deux dernières bue' ce mouve'ment à l'âme du monde. Cette seconde théorie est
conceptions ne sauvegardant pas encore suffisamment l'indépen- reprise par Plotin, sans que celui-ci retombe toutefois dans la con-
dance de notre principe vital vis-à-vis de la matière 15. ception mécaniste de l'âme du monde des stoïciens. Il se demande
Quel rapport faut-il donc établir entre l'âme et le corps T La c~n­ ensuite comment i.l se fait que tous les êtres vivants n'exécutent pas
ception de Plotin à ce sujet s'oppose diamétralement à cel·le des ce même mouvement circulaire sous l'influence de l'âme T C'est
stoïciens, qui admettent une connaturalité parfaite· entre le pneuma dans ]a réponse à cette question, que nous trouvons un texte très
et le corps, puisque le premier est nourri sans cesSe par les eff.luves important à notre point de vue: "IO'coç ~è xat xaQ' ~J.1LV t'à XVEÜJ.1<l t'à
du sang. Plotin n'admet pas que l'âme soit localisée dans le corps, XEQL rlJv 'lroX,ljv t'oüt'o XOLEL u. ,
comme un être matériel qui occupe une place déterminée dans l'es- Il y a donc, d'après ce texte, un pneuma autour de l'âme humaine,
pace. Elle n'y est pas non plus comme une propriété dans un sub- qui, sous l'inf1üence de celle-ci, exécute probablement un mouve-
strat, comme une partie dans un tout, ou comme une forme dans ment circulaire. Quelle est l'origine de ce pneuma et comment faut-
une matière. C'est bien plutôt le contraire qui se produit: le corps il le concevoir exactement? Ce n'est pas la première fois qu'au cours
est assumé dans le champ du rayonnement psychique, il est pénét.ré de cet exposé nous rencontrons l'idée d'un pneuma qui tourne
tout entier par ,]a chaleur psychique, l'âme se sert de lui comme une
force act.ive se sert de son instrument naturel: de sorte qu'il est 't'U ~XU, q>1loi. 't'O f.lÉv n ElvaL 't'i]ç ~xi]ç Èv <I> Ta oWJU1, -:a ÔÈ Èv <I> oroflU fl'lÔÉv,
Wv Ô'l).,OVO't'l ôuvaf1Ecov 0'; Ôei't'aL tiiç~xriç 'ta oroflU· - IV, 3, 21. - VI, 4, 16.
plus exact de dire que le corps est dans l'âme que d'affirmer, comme . 11 Turin, 1845, p. 312: Spirltualem appeUo substantiam illam quae Don modo
on le fait habituellement, que l'âme est dans le corps 16. Cette e:tpli- sit simple%, verum etiam ad materiam. Don definita Bed supra eorporeum. ambi-
tum sic evehatur,. ut in operationibus suis materiae determinationes omnino
transcendat. Haec perfedio, quae magna est, ita animi humani est propria, ut
U Enn., IV, 7, 8.
bestiarum animabus nulla ratione eompetat. Hae enun, quamquam sint Bim-
U ZELLER, Philos. d. Griechen, III, t. 2, pp. 630-631.
pliees, tamen ita eorpori quod informant adstringuntur, ut eiu eonfiniia o~o
16 ZELLD, op cit., III, t. 2, pp. 635-636; W. R. INGE, op. cit., l, p. 218; Enn.,
teneantur. Quare ad ea tantum percipienda et appetenda se porrigunt, quae
IV, 3, 22: ..Â:fl oVv OÜt'ro q>atÉov, O'taV ~XTl oooJUlTL 1t«QU, "taQEÏval a,;TÏ}v roç TO
aspeetu ipsas movent et ad meram sensibilitatem referuntur.
miQ 1t«QEon Til> diQl; Kat 'YàQ aù xat TOinO 1taQOv 0'; 1t«QEon xal Ôl' oÂou 1taQOv
18 Enn., II, 2, 2. La traduction de Bréhier: «Pourtant il y a peut-être aussi
o,;ÔEVL fllyvuTQl xat ÉOTl)XE tdv aÙTO, ;, ÔÈ 1t«Q«QQEÏ· xat O.'tUV l;ro 'YÉvll't'Ul Toi; Èv
en nous un souffle qui tourne autour de l'âme» n'est pas tout à fait exacte,
<p 't0 'l'roç, Wri')Â-DEV o,;aÈv ÈXoov, Ëroç ôi Èonv \m0 't0 q>(Ï)Ç, 1tEq>oonataL, won QQ-oroç
car la probabilité ne porte pas sur l'existence du pneuma, mais sur son mouve-
ËXElV xai. ÈVTaüi}a Âi'YELV, O>ç ;, Ù~Q Èv T«il 'l'ro't'i, "i1tEQ 't'O q>wç .."v T«il ÙÉQL. 1lt.Ô xat
ment circulaire. Il serait plus ('xact d(' dire: (c Peut-être aussi en no"s le souffle,
nMi't'<OV xai.ro~ TÏlv 'l"'l,;lV où 9t:ts Èv 't'«p OWJWT~ bt~ 't'ov 1taVlO~, cUÂit 'l0 oWp.a Èv
qui entoure notre âme, tourne-t-il de cette manière ".
360 LE NÉOPLOTINISME
PLO'.rIN 361
autour de l'âme. Nous l'avons trouvée dans les eCrlwt hcrme't'lques 19,
, '4-n
qui sont plongées totalement dans la matière, s'en détachent avec
où il est dit que ce souffle matériel s'exhale de l'organisme et con- beaucoup plus de peine 21. C'est pourquoi nous pensons que le
stitue l'intermédiaire entre le principe vital et le corps: c'est ce pneuma dont parle Plotin coïncide avec ce corps céleste que l'âme
qui nous a permis de dire que cette doctrine provenait d'un mélange emprunte aux orbitR.s planétaires quand elle descend sur la terre;
de la psychologie platonicienne du Timée avec certaines doctrines pour s'en détacher après la mort.
médicales. Pouvons-nous en dire autant du pneuma de Plotin YNous Il y a cependant une difficulté à attribuer cette conception à Plo-
ne le croyons pas, parce que la psychologie plotinienne est trop tin. Dans son étude surl'évolution philosophique de ce penseur, Fr.
différente de celle des écrits hermétiques. D'après ceux-ci, il y a un Heinemann dit que le llEQL rijç xUxÀoq>oQ(a~ n'est probablement
emboîtement des parties constitutives de l 'homme, tel que le voü~ pas de Plotin lui-même, mais d'un de ses disciples: les deux pre-
occupe le centre et que le corps constitue la périphérie de l'univers miers chapitres seraient le résumé d'une discussion scolaire en rap-
humain. Tandis que, pour Plotin, le corps est assumé dans le champ port avec le ~l'imée de Platon, tandis que le troisième aurait été
du rayonnement de l'âme, qui frôle à peine par une partie d'elle- rédigé par l'éditeur de ce rapport en vue de le compléter et de l'ex-
même cet organisme matériel: l'âme n'est donc pas engagée totale- pliquer 22. Or il se fait que Fr. Heinemann s'appuie principale-
ment dans le monde matériel. D'ailleurs, avant de descendre dans ment sur notre texte pour s'opposer à l'authenticité de cet écrit.
le corps terrestre, elle se revêt ,d'abord d'une enveloppe céleste, qui Ce passage sur .Je pneuma qui tourne autour de l'âme, est d'après
constitue le trait d'union entre les deux parties extrêmes qui entrent lui « durchaus unplotinisch»: et il rejet.te d'avance l,'explication
dans la constitution de l'homme 20. Nous avons vu que le Pseudo- que nous en avons donnée, disant que, dans Enn., IV, 3,9 et 15,
Plutarque parle aussi d'un intermédiaire pneumatique entre l'âme il n'est pas question d'un JtVEÛJ,lQ mais de (J'cO l,ta; d'ailleurs ces der-
et le corps, qu'il appelle oXTIJ,la ri]ç "",uXllç. Cette terminologie sera niers textes se rapportent à un stade ultérieur de l'évolution philo-
reprise pa~ les néoplatoniciens postérieurs, qui' admettront égale- sophique de Plotin 23.
ment qu'un corps pneumatique, emprunté aux sphères célestes, fait Il est vrai que l'expression TO 1CvEi'iJ,la Ta 1CEQL t1]V 'l1Ul~V se ren-
fonction de véhicule pour l'âme humaine, quand elle descend vers contre très rarement dans l 'œuvre de Plotin: nous n'avons relevé
la terre ou quand elle remonte vers le ciel. Plotin affirme, lui aussi, qu'un seul passage où il s"exprime de cette façon 24. Ceci ne prouve
qu'au moment de la mort l'âme se dépouille de cette tunique éthé- pas cependant que cette' terminologie soit « unplotinisch», car nous
rée pour remonter pure et simple vers son origine divine. Ce dépouil- retrouvons cette doctrine chez Porphyre, Jamblique et Proclus, qui
lement n'est pas difficile pour les âmes pures, tandis que les autres, se servent souvent du terme n:VEÜJ,lQ, comme nous le verrons dans la
suite. Cet accord unanime démontre en tout cas qu'il s'agit ici d'une
19 W. SCOTT, Hermetioo, l, 522, 17. doctrine traditionnelle des néoplatoniciens. Si P·lotin lui-même ,n'en
20 Enn., IV, 3, 15: t(l(n (scil. al 'i'UXo.i) ôÈ ExX""'o.OaL l'OÙ 'V01}TOÜ E~ OÙQo.vOv parle pas souvent, c'est qu'il n 'y attache pas une très grande impor-
J1Èv 1tQw'tov xo.lowJ.«l EXEL1tQooÀo.6oiioaL ÔL' o.ÙTOÜ TjÔ'l'l xooQoijOt xo.l E1tl l'à YEOOÔÉOn:- tance 25. Nous ne nous trouvons pas ici devant une pièce maîtresse
Qa oWJ.«lTo..Cf. IV, 3, 4. - IV, 3, 9. - D'après P. Wendland (Die heZZenistÏ8ch.-
romische Ktdtur, p. 166)", cette doctrine Bur la descente de l'âme et son ascen-
21 Enn., IV, 1, 14: Kat "'JLE~ qnlooJU'V 'tciç Jdv xa{}«Qciç ci:taJJ..anoJAba; '(0
sion après la mort serait d'origine orientale et aurait été reprise par Posido-
1tQOO1tÀaa&Èv EV TÜ yrnOEL üqn)OELV, 'tciç ôè 'tOUt~ auvéoecrltaL bel 2tÀeiatO'V.
nius. L'auteur attire surtout l'attention u auf den Einfluss babylonischer Astral-
Ct. W. R. INGE, The philo80phy ot PlotinU8, Londres, 1918, l, p. 219 : l'auteur
religion, die dem Westen liingst auf mancherlei Wegen vermitteIt war, auf grie-
retrouve également daDS la Divine Comiài6 de Dante (Purgatorio, XXV, 88-89)
chischen Spraehgebiet mit den verwandten Vorstellungen anderer Volker und
cette même doctrine touchant l'envelo:ppe pneumatique de l'âme.
philosophisehen Ideen vielfaeh verschmolzen, in der Verbindung mit dem Par-
22 FR. HEINEHANN, op. cit., p. 62.
sismus und durch die Mithrasreligion verbreitet war ». Cf. FR. CuMONT, Les
23 FR. HEINDUNN, op. cit., p. 59.
rèZigionJI orientales, pp. 164·165. - L'Anthropos du Poimandrès se revêt égale-
:!f Cf. l'édition de Plotin par E. Bréhier, VI, 2 : Indez. n faut noter cepeQ-
ment d'une enveloppe emprunté<- aux substances planétaires, ce qui. est repré-
dant que cet index est incomplet, entre autres pour le terme 1t"EÜf'«'
"enté COJ]lme \lne d~chéance de son rang (K;. STI;UB, PoifTlan4re8 e", Philo, 1>. 43), ::i Vi. R! INOE, O? cit., V. 220,
362 LE NÉOPLOTINISME
PORPHYRE 363
de son système philosophique. En ce qui concerne le terme lui-même
tue vraiment le trait d'union entre l'âme et le corps. Nous ne trou-
(xvEÜl-la), Plotin avait des raisons sérieuses de l'éviter, principale-
vons cependant pas chez le fondateur du néoplatonisme une élabo-
ment à cause de la signification technique qu'il avait acquise chez
rat.ion philosophique de cette doctrine: eUe se présente plutôt com-
les philosophes du Pvrtique et dans la science médicale. Que cette
me une ébauche, qui a été complétée et approfondie par les disciples.
doctrine sur le corps pneumatique ne soit survenue qu'à un stade
ultérieur de l'évolution philosophique de Plotin, cela serait inadmIs- Ce qui nous intéresse spécialement, c'est que, après une évolution
sible même si le traité en question était inauthentique: car nous trou- de cinq siècles, le pneuma a gardé dans la pensée purement phHoso-
vons une allusiQn indiscutable à cette conception dans E'ntn., IV, 7, phique sa signification matérielle: assumé dans un système spiri-
traité qui est placé par Heinemann au début de l'évolution doctri- tualiste comme celui de Plotin, il ne désigne pas l'âme immatérielle,
nale de Plotin 26. . mais un intermédiaire matériel, bien que subtil, entre l'âme et le
corps. C'est là un fait très important dans .} 'évolution de la pneu·
Cette conception relative au corps pneumatique qui décrit un
matologie au cours des siècles.
mouvement circulaire autour de l'âme, s'ac~orde d'ailleurs très bien
avec l'ensemble de la psychoiogie de Plotin. Ce philosophe a
accentué plus que n'importe quel autre le dualisllle des parties con-
2. PORPHYRE.
stitutives de l'homme: il est par conséquent tout naturel qu'il ait
introduit un intermédiaire entre l'âme et le corps pour assurer
Comme nous l'avons déjà laissé entrevoir plus haut, la pneuma-
l'unité de la personnalité humaine. Nous nous trouvons donc ici
tologie de Porphyre est en même temps une confirmation et une
devant un cas qui diffère nettement de ce-Iui de - Posidonius: c'est
élaboration plus évoluée de la doctrine de Plotin. il y a toute une
pourquoi nqus avons refusé plus haut d'attribuer à celui-ci la pater-
série de questions auxquelles nous n 'avons pas trouvé de réponse
nité d'une doctrine analogue qui se retrouve dans la littérature
dans les Ennéades de Plotin. Tout d'abord, cet intermédiaire pneu-
hermétique :27. Nous ne voyons pas, en effet, comment il aurait
matique entre l'âme et le corps se retrouve-t-il uniquement dans les
pu introduire ce lien pneumatique entre l'âme et .le corps, puisqu'il
êtres particuliers ou bien y a-t-il également un corps céleste qui
ne renonce pas à la conception pneumatique de l'âme elle-même.
entoure l'âme du monde Y Cette question est d'autant plus natu-
relle que, 'selon Plotin, les âm~ particulières sont contenues dans

•••
l'âme cosmique. Ensuite, quel est le sort de cette enveloppe pneu-
matique après la mort f Plus spécialement, la conduite morale du-
rant cette vie exerce-t-elle quelque influence sur le sort de. ce pneu·
Une conclusion générale se dégage de cette analyse: le pneuma ma dans une autre vie' Enfin ce pneuma exerce-t-il une fonction
désigne chez Plotin un corps céleste, emprunté à la substance des déterminée durant cette vie, ou bien constitue-t-il simplement un
planètes, que l'âme revêt quand elle descend sur la te'rre et dont lien inerte entre le corps et l'âme' En d'autres mots, le souffle ma-
elle se détache après la mort. Cette enveloppe pneumatique, qui a tériel n'a-t-il rien gardé des fonctions vitales et cognitives qu'il
hérité probablement des planètes son mouvement circulaire, consti- exerce dans l 'homme, selon les conceptions des philosophes du Por-
tique et d'un grand nombre de médecins f Telles sont les principaleS
26 P. Henry (LeI états du texte de Plotin, Paris, 1938, p. 213) a apporté un
questions auxquelles nous devons chercher une réponse dans la phi-
grand nombre de témoignages, qui remontent jusqu'à Proclus et qui montrent ~osophie de P o r p h y r e . ' •
qu'on n'a jamais douté de l'authenticité plotinienne de l'Enn., II, 2. Comme nous pouvions le prévoir d'après la logique du système,
21 J. KaOLL, Die Lehren. deI Hermel Triamegistoa, pp. 287-288. Nous nous
Porphyre a~met que l'âme du monde possède également un véhicule,
écartons donc sur ce point de la thèse générale de W. Jaeger (Nemesioa t/01I.
(olTJl-la), rattaché au cosmos sans iJ!termédiaire d'aucune sorte: c'est
Emesa, p. m), qui regarde Posi<loniU8 commo le vè~e (lu néoplatonisme.
l~ lumière, qui jaillit de l'âme cosmique ~val~t tout autre être, même
364 LE NÉOPLOTINISME

avant le ciel 28 • Ce halo lumineux, qui entoure l'âme du monde, par- cendant vers la terre et en passant par les orbites planétaires que
ticipe de la vie immatérielle de celle-ci et il est de la· même nature ] 'âme s'en revêt. En effet, d'après le témoignage de Proclus, la sub-
que l'auréole brillante qui enveloppe notre principe vital 29. Zeller stance de ces enveloppes psychiques est empruntée aux corps céles-
fait remarquer à ce sujet qu'il ne peut s'agir ici que de la seconde tes 82, qu'on appelle également corps éthérés 33 • On peut se deman-
des deux âmes cosmiques distinguées par Plotin, car celle-ci seule der si la nature de ce corps pneumatique coïncide exactement avec
se trouve dans le même rapport avec le monde, que l'âme humaine celle de l'enveloppe qui entoure l'âme cosmique. Il semble que non,
avec le corps, tandis que la· première est un être suprasensible, qui puisque Porphyre dit expressément, en parlant de l'auréole lmni-
n'a aucune relation immédiate avec le monde corporel so• nense qui entoure l'âme du monde, qu'elle jaillit ]a première de ce
Ce r~cours à un grand nombre d'intermédiaires qui rattachent centre vital, même avant les corps célestes. L'enveloppe pneumati-
le monde matériel et sensible aux réalités supérieures, est caracté- que qui entoure l'âme individuelle est donc d'une substance pIns
ristique d'un système émanatiste, où l'on essaie d'expliquer le réel grossière, moins subtile, que le halG lumineux qui jaillit de l'âme du
tout entier à partir d'un principe unique, sans faire intervenir la monde. Ceci est d'ailleurs conforme aux principes généraux de la
liberté d'une volonté créatrice: on est bien forcé, dans ce cas, de métaphysique néoplatonicienne: l'"âme individuelle, en s'engageant
réduire la distance entre les différents plans de la. hiérarchie cosmi- dans la matière, a subi une certaine déchéance, qui ne manque pas
que, pour en faire une dégradation pr~que continue et insensible d'avoir sa répercussion Rur cet intermédiaire entre l'âme et le corps.
jusqu'aux perfections matérielles, qui se trouvent en bas de l'échelle. Quand il s'agit de la descente des âmes, Porphyre ne fait pas de
C'est là croyons-nous, la fonction métaphysique de cette auréole lu- distinction entre le véhicule pneumatique des différentes âmes;
mineuse qui entoure l'âme du monde et qui la rattache aux réalités il ne nous fournit pas plus de précisions exactes sur la contribution
d'ordre inférieur: on évite soigneusement, dans le néoplatonisme, de chaque sphère céleste à la constitution de cet intermédiaire pneu-
tout hiatus dans l 'harmonie cosmique, pour ne pas retomber dans matique. C'est seulement après leur passage sur la terre qu'une
le dualisme platonicien, qui ruinerait l'émanatisme unitaire. C'est certaine discrimination est faite entre les différentes âmes: car le
pourquoi on reprend l'idée stoïcienne de la s~pathie universelle, sort de celles-ci dans l'autre vie n'est pas le même pour toutes, il
en l'adaptant aux principes du spiritualisme. est déterminé par la conduite morale au cours de la vie terrestre.
Cette même doctrine a été reprise par Porphyre dans sa psycho- Cette conduite se résume essentiellement dans le détachement plus
logie, où est admis également un intermédiaire entre l'âme et le ou moins grand pratiqué vis-A-vis de la matière. L'enveloppe dont
corps, qu'on appelle 1tVEÜJ.tU ou 1tV€'UJ.tunxov Ox'TJJ..lU 31. C'est en des- l'âme se revêt après la mort diffère donc d'après l'attitude qu'elle
. 28 PROCLUS, ln rem publicam, II, 197, 12; KROLL: &1).,' oùv, 01ttQ Ë<pY)v, ËOLXeV a adoptée à l'égard du monde corporel durant son existence terres-
TOUlùTa àna xat lXELVOÇ lvOu~T)i)Elç ciq>oQ(faa-6m Tilç oÀT)ç vuxijç dvaL TOÜTO
oxruUl 'to q>~. 1tQomoç Ul!tijÇ l;"IQ'tT)J-&ivov· llEIV yàQ n'Qo TOÙ O\r\..f)ÉTou TO a.."tÀoüv
32 PRoCLUS, 1" Plat. Tim., 311 A (III, 234, DIEBL): exposant la doetrine
dvaL Tilç lv aVrii JAEtÉxov à.aroJ'ulTOU t;roiiç·
des disciples de Porphyre: ûvaOToLXELOùa-6aL ~' amà (aeiL :7tVEUJ'o.'t'LXOv 0XT)J.Ul
2. PROCLUS. ln rem pubUcam, II, 196, 24; KROLL: Oilla JlÈV oUv on xat 0 q>L-
et ÜÀoyoç ",",xl}) xat civw..uEaOaL 'tLva. 't'QO:cOV Et<; 'tci; ocpaCQw;, â.q>' <Uv t'Ï}v <niv-
Àoooq>w'ta'toç IIoQqnJQLoÇ \mWXTEUOEV ooa VUVL YQnq>o~ 1]JULÇ, xat Tilç XOOJ'LXijÇ
i)EOLV iÀ.aXE, q>UQclJ.Ul't'a~· dvaL 't'uma Èx 't<lW oÙQavWv acpaLQwv xal Xa.'tLOÜOa.V aù-
",",xijç 0XT)JUl :7tQw'tov dVUL OÉJ't'\·oç amo xaL ùvOJ.oj'ov 't'V aûyoELllEi: Tilç 1]JAEtÉQo.ç
tà aullÉyELV t'Ï}v ",",xtlv.
l:7tt 'tOUlimlÇ ivvoLaç Lmo'to 'tLVOç wC; OWJ'o.TOÇ moç 'tOù q>ro'toç 'tOUTOU :7tQo 'toù
a3 PB.ocLUS, ln Plat. Tim., 451> (l, 147, 1>IlBt): Porphyre dlt au sujet
OOQavLoU OWJUl'toç l;T)J'JAivou 'tijç 't0t; :7taVl'oç ",",xijç, WtÀoumÉQou ~n'Ou-6EV ~
xo.'tà 't0 OWJUlû) OÙQUVLOV. des lme8: oWJ.Ulta6' ÉXOV'tClÇ WtoQQOI.a.ç oV'fa't<Ov alitEQLwV aroJ'clTrov. - (,~.
30 ZELLER, Philos. d. Gri.echen, III, t. 2, p. 706. l'opinion de Proelus lui-même sur la eonstitution de l'homme: 1", Plat. Tim.,
.31 PORPHYRE, Sententiae, c. 29, p. 13, MOMMERT. Le telme 0XT)JlU se ren- 1, 2 CD (l, 5, DIEHL) : VOÜC; 'tE yciQ ÈOTLV ~J'i:v 0 xa.'t' ÈvÉQ"(EUlV, xai. VUx1l l.oyLX1t
eontre déjà chez Platon, où il est appliqué au eorps dans son rapport avec la ;tQoEÀ60üoa lx 't'où amoù :ta'tQo~ xat 'til~ o.ù'tilç trooy6vou OE<Ïç TÛ oÀ.n, xaL 0 X "1"
tête ou avec l 'âme. Nous·l 'avons trouvé égale~ent chez le fseqdo-Plutar'lue, J1 a at-{H Q ~ ov ci VclÀO yov Tq, où Q a v (p, xa.i. oWJ1« Y'l~vov lx T<Ov 'tETtUQrov aro~"
où U e,~ idenPfié aveç le pneum~ xtCrov q>uQaitiv, ote; "aL aUO'tOLXOV lOTLV.
tie 34. Celle qui, durant son· séjour sur la terre, s'est gardée pure du Asecourir ieurs sujets 37. Mais il y a aussi les âmes qui ne dominent
contact avilissant de la matière, reçoit après la mort· une enveloppe pas leur. corps pneumatique. Celles-ci se laissent ballotter par les
presque incorporelle ou éthérée. Celle qui n'a pas toujours suivi la passions de cette enveloppe matérielle, qui les bouscule selon ses
voix de la raison, mais qui a cédé souvent: aux attraits des images caprices: ce sont là probablement les m~uvais démons, qui tour-
sensibles, s'enveloppe d'un corps solaire, tandis que l'âme efféminée mentent les hommes et les contrarient dans leurs desseins 38. Bien
et passionnée se revêt d'un corps lunaire. Il y a enfin les âmes qui que ces démons soient tous revêtus d'un corps matériel, ils ne sont
n'ont pas pu se détacher du monde sensible et qui durant leur exis- cependant pas visibles au regard des hommes. C'est que cette enve-
tence ont alourdi et souillé leur pneuma par des exhalaisons humides ; loppe n'est pas solide: elle n'est d'ailleurs pas la même chez tous
ces âmes ne parviendront pas à se relever après la mort aIS; ell~ sont les démons, qui tantôt se montrent, tantôt sont invisibles: il arrive
comparables à des huîtres qui se sont revêtues d'un coquillage pesant même que les mauvais démons changent leur aspect extérieur .pour
qui "les retient à la surface de la terra;' elles &Bnt done ,condam- tromper les hommes. Puisqu'il s'agit ici d'une envoloppe· maté-
nées à une existence sombre et triste, dans une ignorance complète rielle, quoiqu'elle soit très subtile, elle est évidemment passive. et
de leur destinée Sublime 38. Cette influence de la conduite morale périssable. Il faut en conclure que ce souffle matériel, qui est rat-
sur la nature du pneuma se retrouve également chez certains stoï- taché aux âmes pendant une période fort longue, n'est cependant
ciens. N ons avons vu, en effet, qu'il y avait un désaccord entre Cl~ pas éternel 39• Ceci rappelle évidemment le :coÀUX,govLOv XVEÛJA.Œ de
anthe et Chrysippe au sujet de la survie de l'âmë après la mort: le Zénon, qui lui acoordait également une survie limitée. On peut se
premier enseignait que toutes les âmes demeurent jusqu'au prochain demander pourquoi ces âmes séparées restent encore liées à cette
cataclysme cosmique, tandis que Chrysippe considérait cetre survie enveloppe matérielle. Nous croyons que cette idée est en rapport
comme le privilège des sages: il mettait donc un rapport entre la avec la doctrine néoplatonicienne de la purüication de l'âme. Celle-
durée du pneuma et la conduite de 1'homme durant la vie, de même ci doit se dégager graduellement de tout contact avec la matière:
que Porphy:re en voit un entre la nature du. corps pneumatique et or il est tout naturel qu'elle se détache d'abord du corps terrestre,
le comportement moral. tout en gardant encore autour d'elle le corps pneumatique, qui con·
. Porphyre en arrive ainsi à distinguer deux grandes classes de stituait le trait d'union entre elle et la inatière. Ce n'est que plus
démons: il y a d'abord les âmes qui, tout en étant enveloppées dans tard qu'elle pourra arriver à se libérer également de cette dernière
un . corps pneumatique, le dominent entièrement et le conduisent
selon la droite raison. Ces âmes particulières, qui s'originent à l'âme 37 PORPltYR2, De abatinentia, II, 38, p. 161, 8, ·NAUCX: oaw J.Lèv 'VUXat 'rii~
cosmique, ont reçu en. partage une partie des régions sublunaires oÀ'lç Ë'X1tEqMWLo.L J1€YdMi ,uQ'l ÔLOLXOÙOL 'frov :ma od.lt"'lv 'tcmmv, btfQELOO~
pour les gouverner: ce sont les ·bons démons, qui sont toujours prêts J1Èv mWJ1CX'tL, 'XQa-roÙOClL ôè aVroù 'Xo.'tà M>yOV, 'faVr~ OOLJ1OVG.ç te ciyaofro'Ùç 'YOfUAJ'"
'fÉov xal l.~' Wcpû.eC~ 'frov ÜQxoJAÉVeav :rcivta 1tQaYJW'teVEaitaL •••. °
88 PORPHYRE, D4 ab8tinefttia, II, 38, p. 161, 26; NAUCX: 00œ ôè: 1I'UXa.t 'fOÜ
84 PORPHYU, Sententiae, c. 29, 2, p. 14; MOKKERT: 00; YÙQ âv ôLO:rE'Dii (sen. auvq,oV'; mWJW-r~ où 'XQa't01joLV, dU' 00ç 'fà :roÀ.ù xal 'XQa"ioÙV'tm, 3&.' ~à 'fMO
~ 'VUXlt), EUQL.axEL oroJUl. 'tUSEL 'KaL 'toi~ otxdo~ ÔLroQLOJ1ÉVOV. . 'Xa" ayovtal 't8 xo." q>ÉQO'V\'W. À.Ca.v, o-rav a.t 'fOÜ meUJ14-r~ ôQya1 'te 'Kat bnOuJ1la.L
35 PORPHYRE; Seit.t., c. 29, 2, p. 14; MOKKERT: L\..b 'XaL 'Xo.ofrUQw'tEQov f.Lh Ti}v oQJ1'Ï]v l.ci6co(YLv. AVtw 6' al 'VUxa" ôaCf'OVEÇ J.Lèv xa.1. a.Vro.C, xo.xouQYo" 3" ûv El-
ÔLo.Xt:LJLÉVD aUJ.UPVt'ov 'to Ëyyùç 'toù à:ûÂ.ou oroJUl, 01tEQ Ëm&. 'to at-DiQLOv, 1tQOEÀ.&Uan 'XO'f~ À.iyo&.vto. - Cf. oR. HEINU, ZefIOkrate8, p. 120. .
~è: Ë'K M>you E~ fPClvtOOLaç 1tQ060ÀTav aUJUPUTov 'to ~ÀoELÔÉÇ, 9T)À.uvftdOl) ôè: 'Xal 1ta- 18 PORPHYU, De ab8tw..e.tia, II, 38, p. 168, 1, NAUOK:, 00 ldQ O'tfQsOv cro,.;
6aLVofdvn. :rQ~ 'tà d30~ 1tUQUxEL'taL 'to OEÀ.'lVOELÔÉ;, 1tEOoUO'[J ~È E~ oWJW'ta., J1G. KeQ&.6i6À.'lvta.L (seil. ot OOlf1OVeÇ) oMi J1OQ«p'Ï]v xtivtIÇ J1Ca:v,. ciU' lv CJXt1J1C1O'
Olav xcllà 'f0 a-lm]; ~i.aoQq>OV OTÔ Elôoç, l; {,yQrov àvaituJ1WoErov auvEO'n)'KO'ta., ayvow. 1tXtLoOLV ËxnnroUJ-La'W at XUQo.xt1}Q~ouoa... 'tà m'E'ÜJ1CX ~rov J1OQcpo.l 'tod f.Lh bu··
É3Œ'rw 'tOÙ Ovroç 'tEÀ.ECa. xaL O'XO"troo~ 'Xa" VI11tt.Ot1}~. - Cf. TH. HOPI'NER, Crie- cpaLvovra.t, ·'tod ôÈ cicpo.ve~ dOLV· lvLo'ft: 6i J.&Ua6cillouoL -r~ J1OQq>~ OL -ye XELQoUC;.
ohuoh-iigyptiBcMr Oflenb arung8Bau ber, l, Leipzig, 1921 (Studien zur Palaeo- To ôè: mtiJW fi J1ÉV Ëm&. OroJW'tLXOv, m:dt1)'t~ov ËmL 'Xo." q>i}UQ-rOv.· 'te; ôèo \mà 'trov
graphie und Papyruekunde hrsg. \Fon C. WeS8ely, XX!), p. 75. ,,",xrov oÜ"rmç ÔEÔÉahL, rome 'to EU)~ aVrwV 6Lo.J1ÉVeLV xÀ.E~ XQOvov, oU J'ltV ÈmLv
841 PORPHYRE, Sent., c. 29, 3, p. 14-15; MOMKERT. atwvLO'Y•.
aGa pônplivRÊ
attache au inondé corporel, pour retourner pure et sans tache ~ son matérielle de.. 1'âme se trouve chez l 'homme à l'intérieur du co~ps
origine. De plus, l'action des démons ~ le monde corporel ne terrestre:: elle n'est ci 'ailleurs pas un lien inerte, mais elle est le
pourrait pas s'expliquer s'ils n'étaient pas revêtus de cette enveloppe principe de notre vie organique et du développement harmonieux
pneumati'lue. On se trouve ici devant le même problème que celui de notre corps 42. On peut donc la considérer comme une espèce
de l'union de l'âme et du corps: l'union directe et immédiat~d 'un d 'âme inférie~e, qui est à l'origine du fonctionnement normal de
principe immatériel avec la matière paraît inconcevable aux pen- notre vie physiologique et sensitive .3. C'est en somme le pneuma
seÙr& néoplatoniciens. C'e3t· pourquoi ils ont recours à cet intermé- des sciences médicales, mais repris da~s une anthropologie spiri-
diaire subtil, comme transition entre ces extrêmes, qui sans cela tualiste.
seraient inconciliables et ne pourraient pas s'influencer mutuelle- Dans son commentaire des Vers d'or, Hiéroclès s'applique de tou-
ment. tes ses forces à convaincre le "lecteur de la nécessité de la purifica-
Cette conception du oorps pneumatique, constituant le lien entre tion (xa-3aQcnç), non seulement pour l'âme rationnelle, mais aussi pour
l'âme et le corps, était très répandue aux premiers siècles de l'ère le corps pneumatique, afin qu'il n'entrave pas l'ascension de l'âme".
chrétienne. On: la retrouve chez Jamblique et Proclus: ce dernier va Alors que le perfectionnement de l'âme requiert avant tout de· la
même jusqu'à admettre plusieurs intermédiaires entre l'âme et le vérité et de la vertu, la purification de notre corps lqmineux exige
corps pour rendre possible 1. 'union harmonieuse de ces deux extrê- que. nous nous détachions des souillures matérielles, que nous nous
mes: ces enveloppes matérielles restent attachées. à l'âme, même après soumettions aux purifications religieuses et que nous recevions des
la mort, aussi longtemps qu'elle séjourne dans la région du devenir-iO. mains de Dieu une force qui nous rende capables de prendre notre
Nous retrouvons également cette doctrine chez Hiéroclès, un repré- essor vers les hauteurs 45. Ce perfectionnement de l'âme par la con"
sentant de l'école nooplatonicienne d'Athènes, qui a enseigné durant naissance et.1a vertu et cette purification du pneuma sont les condi-
la première moitié du cinquième siècle. Dans son commentaire sur tions indispensables pour entrer d~lD8 la communauté. des êtres im-
l'Aureum carmen, il attribue ce corps 'pneumatique non seulement mortels et divinisés; c'est seulement quand nous ·aurons rendu notre
aux hommes, mais aussi aux héros: ces derniers sont constitués d'une pneuma pur et immatériel, que nous pourrons supporter.la société
âme rationnelle et d'un corps lumineux, de même que 1'homme est de ces êtres éthérés 4G. Alors nous pourrons fixer notre demeure,
composé d'une âme rationnelle et d'un corps immortel qui lui est
connaturel 41. 42 H~tRoCLi:S, 1. o,wev,m carme"" Co 26, p. 418, MULLACU: &&O.'tELWL 6~ a"Ün)
Cet intermédiaire.entre l'âme et le corps est désigné généralement ft x(iit«Qo~ Ëcoç OL'tLooV xo.i. 1tot:<ov, xai. Tijc; o).'lC; lhaLt:TIC; t:oü 9vY)t:oü "aJUÏ1V oolt'4t:oc;,
par les expressions aùyoElôÈç O'wJ.la ou n:vEuJ.uitlXOV ox'T)J.la, ce qui -nous ho cP 'Cà aVyoE&3Èç ÉyxELt:aL 1tQOcmvéov 't<il U1VVx'l' OOOfW"tL tCOÎJv, xal riav .4QJ&OVûrv
crln:oü auvÉxo\-.
pex,net de préciser la signification exacte du pneuma dans les écrits
43 Ce pneuma n'est pu sans rapport avec notre connaissanee aeaaible, oia
d 'Hiéroclès. On y constate le glissement de sens que nous avons le voit A l'influence purificatrice des m;ystèree, qui est d6crite de la DWLiàre
rencontré déjà dans les papyrus magiques et spécialement dans la luivante: 1,. Clt&I'ftIm ~ Co 26, p. 482; lr{ULLACH: 'to 6~ 6&à. "'<ÎiY leQ<iiY
liturgie de Mithra, où le terme était employé pour ~ésigner l'élé- ~ 'Cciç vlLxciç qJav'ta.oLaç u1to'Ci .... vov. 'C'est en d6taehant notre
ment le plus élevé, celui qui est même au-dessus du feu,- à savoir eorpl lumineux des ùn.aies sensibles, que noua le purifiODlo . .
4i HI~ROCLts, 1. aweum carme",., Co 26, p. 479 i Ml1LLlcu: At yàQ Jiiç lovuriiç
la lumière~ Le. véhicule .pneumatique est donc une auréole lumi-
~ç xo.itciqënIÇ xa.l "COÜ ClVyoeL60üc; btrlfWt:oç 1tQo....'lhünai, ~ &v cN"Ca.iç ~
neuse, qui entoure l'âme humaine, ainsi que l'âme des héros, puis- . ~OY xa.l 'tMO yevOp.ev;ov ....1) lJUt~ Lcmt'tCIL ~ 't1\v a'YO) m»QeCuv.
que ceux-ci possèdent également un aWJ.la cprotELV6v. Cette envelop~e ·41 HIftocLb, 1. CI"r~m C4rtnea, Co 26, p. 418, lttn.I..lCB: &11 oW KQÔÇ ule("
COO\v 'ri}c; ~C; ül'litdaç "a).Liv xa.l CÏQeri\ç. 1tQOc; 3~ xci-&a.oaLY 'tOü a6y0e~ "al'iv
40 TH. HOPI'ND, Griechuch-ag1lptucher O/lenbo,ru",gB.av,ber, p. 211.· oolfW'Coç, Tijç 'tci'w v).ucci'w JW)."oJUÏ1V ·ci.1toitioEroç. xo.i. t:(Î)y lEQ<irt xa.it«QJUÏ1V mlQCf.l."-
41 . HID.ocI&s, 1. o,v,reumoo,rme"" c. 26, p. 418; MULLACB:, xai. Éc"w ËXUCJToç 'i'Eroç xat Tijc; bteye'OoUo1)C; "aJ.LC% 1tQOç riav MeV&ev chWrn}OLV 8EO~0\I àl.xiiç.
flQroç 'i'UxTa Â.oyI.X~ J'Uù cpcoTELVOÜ OOOfW't<>Ç • xai. 0 civftQco1to~ oJW(coç 'i'UX1) ).oyl.X1) 4. HIiRocIJ:s, 1. a.ur~m canneft, Co 26, p. 481, Yl1LLlCH: ~ oW rlav
~ù au).Lq>uoü~ ataw'tov O"'fW't<>Ç. ~v È1tLCn1}).Ll) xo.i. CÏQuÜ 1tQOcniXE' xoo).Lijacr.L, axooc; ûv 'to~ ciei. t:o~oV'Co&Ç cnmi-
aprèS la mort, dans la région sublunaire, que I~ pythagoriciens Quel rôle faut-il attribuer à ce corps pneumatique durant- la vie
appellent "al{Wao &U&Qoç~" parce qu'eUe est très .loin au-dessus des terrestref D'après certains passages d'Hiéroclès, ce pnenma devrait
passions matérielles, et où règne la quiétude éternelle des êt~es imma- être considéré comme le principe de la vie et" du fonctionnement
tériels .n. Ainsi donc le perfectionnement total de l 'homme, qui met normal de l'organisme, et il aurait également un certain rapport
ee1ui-ci en état d'atteindre Ba destinée divine, comprend une triple avec la connaissance sensible. Certains témoignages 'concernant Por-
activité: tout" d'abord l'équipement de l'intelligence par la connais- phyre montrent qu'il partageait cette conception. D'après un texte
sance, qui relève de la philosophie contemplative; ensuite la pratique de S. Augustin, Porphyre distinguait da~ l'âme humaine deux par-
de la vertu, qui est le domaine de la philosophie p9litique. ou éthi- ties: l'intelligence, qui saisit la vérité de tout ce qui est intelligible,
que; et ënfin la p~ication du corps :lumineux, qui dépend - des et une partie inférieure, que S. Augustin appelle pars m·undana .ou
mystères religieux. C'est· évidemment la philosophie contemplative pars spi.,.ifatis, par laquelle l 'homme saisit les images des choses
qui occupe le premier rang danS la hiérarchie des activités humaines: corporelles (qua corporalium rerum capiuntur imagines) GO. Il n'est
èUe est aux autres pratiques ce que le regard est aux mains et aux pas douteux, d'après ce texte,que dans la conception de Porphyre
pieds. Cependant les trois activités sont indispensables pour le per- cette enveloppe pneumatique était vraiment considérée comme la
fectionnement total de la personnalité humaine 48 partie inférieure de l'âme et le principe de la vie sensitive. Dans
Nous retrouvons donc chez Hiéroclès les lignes fondamentales de un texte que nous avons déjà cité, il est question également des accès
la pneumatologie de Porphyre: le corps lumin~ux, qui constitue du- de colère et des désirs du pneuma Gl. C'est donc vraiment par l'in-
rant la vie terrestre l 'interm~diaire entre l'âme et le corps, reste termédiaire de ce lien pneumatique que l'âme intellectuelle est insé-
uni à l'âme rationnelle même après la mort et partage sa destinée rée dans le monde matériel: par la connaissance sensible et par la
bienheureuse,· pourvu qu'il soit purifié. Cette 'Xc.HtQQO'LÇ, qui consiste vie passionnelle se constituent les innombrables liens qui l'unissent
principalement dans le détachement à l'égard des réalités corpo- à la matière et dont elle doit se détacher pour ·atteindre sa destinée
relles et des imageS se~ibles, est la tâche propre des mystères reli- éternelle. "
gieux. Nous retrouverons de même que le O'WJ1« 3tvE'U~atlx6v occupe "
80US l'influence d' Avicebron, ont ~t6 amenés l admettre une matiàre spirituelle
une place importante dans l'anthropologie d'Origène et de S. Augus-
même chez les êtres incorporels. n est vrai qu'il ne s'agit pas là. d'une enve-
tin; c'est de là probablement que cette doctrine a passé dans la philo-
sophie médiévale 4. loppe lumineuse que l'âme revêt, mais d'un principe de multiplicit6 ellez les
êtres spirituela: cette coneeption Il 'aeeorde en somme assez bien avec celle deI
n6oplatoniciens, pour lesquels l'âme immatérielle est individualisée parce qu'elle
'YUL Mv7)'tw • otrw xal 'ta a'ÔyoEth~ xa&UQOv xal a'ÜA.ov ~Et 1ta.Q<laxeOO.oa.a, ",va ri)v est plongée dans 1& matiàre et elle le reste aussi longtemps qu'elle· a des
'tœv alinQCœv CJWJUl'twv. ava.OX:r)'tdL XOLVWVWv. Ibid., e. 21, p. 483, MULLA.Cl't. attaches corporelles. .D'ailleurs 1& maniàre dont on parle de ce eorp! pneuma~­
41 HIiB.ocI&s, 111 (J,.,.~m cormefl., e. 27, p.. .183, MULLAClt: oooJ'U ôÈ 0'Uf.LCPU'" que et les épithàtes qu'on lui attribue (aooJ'U aüA.ov,ciitciva'tov) eonfirment cette
Èç iXœv, 'tCmouôit'tw etç XCl'ta.l'a.ÇLV ciO'tQOELMj, olov 6ÉOLV tT)'tWv. nQÉ1toL ô' àv 'til> hypothàse. 1

iOLovnp oroJ'U'tL 'tOn<>ç Il \ma od:I)V1}V 1tQOOEX~, wç \m€QÉXœv JAÈY 't00v ~'toov GO J. Bidez (Y~ (Ù Porphyre, Gdd, 1913, p. 89) dit d'une fa~n gên'rale:
CJWJ.Ul'tœv, \m06E&r)xO)ç Ô8 '(00v OOQa.VLwv ôv alitiQa lMV&EQOV 01 nvftayoQ€WL xa- c Ce eorpl astral, suivant la doctrine de Porphyre, parait "le rattacher en noui l
ÂoüOLV· aHtiQa piv, ~ &üÀov xa.l citôwv aooJ'U' lÀE~Qov ôi, ~ ÜÂ.LXOOv na.~tui­ l'imagination, ou ai l'on veut à. l'Ame imaginative, appe16e expreas6ment c pneu-
"Cœv~ •. matique ou spirituelle» dans nOI fragments du De regreuu ». lbi:d., p. 28- (Auo.,
48 JlItROCI&s, 1ft. 4ureum C4rtnd, e. 26, p. 482 J MULLAdH t TEÀEO't~V ~è DtJ CivU. Dei, X, 9): Nunc autem hanc artem (sclL theurgiam) tamquam falla-
lvÉQYEUIV 1iyw ri)v 'tOÜ a'ÔyoEthoiiç xa.ito.QnxTtv Wv<l)lLV, tva Tijç oÂ.T)ç cpLÂ.O<Jocp~, cem et in ipsa actione periculosam et legibul" prohibitam eavendam monet (seiL
'ta ph OEWQ1lnxov 1tQOTlyi'i'ta.L, Wç voiiç, 'to ôi 1tQa.xnx6v, wç ôVv~fU~, Ém)'tm. Porphyrius); nunc tutem velut eius laudatoribus eedens utilem dieit eue mun-
. ... DaM les QuestioM disputées de S. Thomas d 'Aquin De spiritt.uJlibu.t cre4- danae parti ~ae, Don quldem intellectuali, qua rerum intelligibilium perei-
fUN, on trouve l l'article VII la question suivante: Utrum B1Wata.ti4 qiri- pitur veritas, nullas habentium similitudines eorporuJni aed spiritali, qua eor-
ftuilil oorpori o.er~o Uft.wtur. L'auteur '1 donne une r~ponse D~gat1ve. Cette poralium rentJ:d eapiuntur imagines. na,ç 8 f' "" U X 0 Ü 't ( u 't à i f' 6 Qua, VI,
queation était donc encore diaeutée du temps de S. Tho!Jl8.l. - On peut même 1 (ibid., p. 31-, Dote).
Be demander si ce n'eSt pas par ce biais que certain.J philolOphe. du moyen âge, Gl PORPHYRE, ODe abstinentÏ4, II, 38, p. 167, NAUCIC.
PORPHYRE 373
Il est assez probable que Porphyre a conçu cette eonnaissanoo sen-
l'acte de connaître qu'un intermédiaire qui permet à l'âme intellec.
sible à la manière des stoïciens, comme une empreinte dans le pneu-
tuelle, séparée du monde matériel, d'entrer indirectement en con-
ma (roxcoalç' Èv tlYEJ'OVLXci». Cette transformation de l'enveloppe tact avec lui.
pneumatique de l'âme peut se produire sous l'influence d'un· exci-
Porphyre ne partage pas· non plus la conception d 'Hiéroclès au
tant extérieur: c'est le cas de la connaissance sensible. Mais eUe
sujet de l'influence favorable que les mystères· religieux exercent
peut se produire également sous l'influence de la volonté. C'est ainsi
sur le pneuma. Dans un texte du De regressu, il déclare que les
que Porphyrè explique les métamorphoses des démons. Le corps
mystères théurgiques, au lieu de purifier notre corps pneumatique,
pneumatique qui les entoure est tellement malléable et plastique,
le souillent plutôt par une tromperie des démons: puisque ceux·ci
qu'il prend automatiquement la forme des représentations de l'ima-
·peuvent transformer leur enveloppe matérie.lle selon leurs caprices,
gination qui s'y reflètent 52; le pneuma de ces démons se laisse pétrir
nous sommes vraiment les dupes de leurs fantaisies 53. Toutefois
à peu près comme le fœtus, qui se développe sous l'influence du
saint Augustin affirme que Porphyre n'a pas toujours adopté la
Bouffle vital contenu dallB le sperme. Le pneuma fait donc fonction
même attitude sur ce point 54. Ceci n'exclut évidemment pas qu'il
d'un écran sur lequel on· peut projeter des images de deux côtés
ait admis la nécessité de la x<Î'3ClQalÇ : au contraire, il veut une puri-
opposés: les objets matériels du monde environnant y projettent les
fication plus totale, qui détache 1;âme de tout ce qui la relie au
contours de leur forme; d'autre part,chez les démons, lesreprésen-
monde sensible. .
tations de l'imagination transforment la substance pneumatique
d'après les lignes de leur propre .figure. Il en rêsulte que l'âme
intellectuelle n'entre pas directement en contact avec le monde ma- •••
tériel, même dans la conna~nce qu'elle en a. Porphyre aboutit
ainsi à une espèce de réalisme indirect, qui enferme l'âme dans le .
monde de ses propres représentations: le pneuma fait fonction, à De l'examen que nous venons de faire de la pneumatologie de
l'égard de l 'intellige~ce, d'un kaléidoscope, qui déploie devant elle Porphyre, il résulte que, d'après lui, l'âme du monde aussi bien que
la richesse inépuisable de ses représentations. Tout ceci sera pré- l'âme individuelle est entourée d'un corps pneumatique, conçu com-
cisé par ce que nous dirons au sujet du rôle du spiritus dans la con- me une auréole lumineuse: cette substance pneumatique est donc
naissance sensible d'après saint Augustin. Il y a une différence essen- considérée cOIp.me très subtile, elle se trouve vraiment à ia limite
tielle avec la psychologie de la connaissance des stoïciens. Pour ~es de ~la matière et de l'immatériel. Cette enveloppe lumineuse n'est
derniers, l'acte de connaître consiste dans l'empreinte produîte dans pas seulement rattachée à i 'âme durant son séjour sur la terre, mais
l 'hégémonikon, grâce à l'impression reçue dans l'organe sensitif. et elle l'accompagne même dans l'autre vie, bien que cette union ne
transmise par le courant pneumatique: la connaissance sensible se soit pas éternelle. Les lignes essentieilœ de la pneumatologie de
réduit donc à une passivité pure. Le souffle psychique est une sub- Porphyre s'accordent donc avec ce que noUB avons trouvé chez Plo-
stance suffisamment plastique pour se prêter à toutes les formes. tin sur le même sujet. TI semble cependant. que Porphyre a dépassé
Pour Porphyre, par contre, cette 'tU1[wO'\-Ç du pneuma n'est dans son maître dallB l'élaboration de cette pneumatologie, en insérant
l'enveloppe pneumatique dans la constitution de l 'homme comme
une âme inférieure qui est à l'origine de la connaissance sensible et
52 J. BIDD, op. cit., p. 31·, note: nwe; i","'Uxoii"t'UL "t'à ËJ.,6Quu, VI, 1:
Et J.&hr ci cpavtutoJŒ6u de; "t'ù aimirv awJ1U"t'u 010' 'tE 1lJ.L€V Wto ...OQyvû<J'Ôu... xo:6' Ô de la vie passionnelle. Ce pneuma se rapproche ainsi de celui des
iiÔ1) Wyoc; xQuni "t'o~ 8u'J.WVot; "t'ù EtÔ1) "t'Wv «puvtooJW."t'oov Er~ "t'o O\1VOv 11 :tUQU·
Xt:LJ.'EVov o,VrOLe; cUQw8t:c; :tVt:ÜJlU 8w8ELXvUvUL, XQ~tOvt~ JAh 0'Ü8u...w~, CÏQQTanll 53 J. Broc, op. cU., p. 31·: Theurgi vero illi l'el potiua daemonea deorum
8è "t'Qo",'P "t'~ ë...q>ciaELC; riiç «pa.vtua~ WO:tEQ Èv X«"t'om'Q'P "t'cp :tEQL uirtoùe; àÉQ' apeeiem tiguraaque fin gentes inquinant potins quam purgant humanum spiri·
8w8Et.XV11vtot;, lvE8iXE"t0 dXo.tELV Tiav «pa.vtOOLaV riiç ÈvO-u01}~ "i"'xiiç ev "t'cp cméQJ1U"t', tum f~lsitate phantasmatum et deeeptoria V&narum ludifieatione :orm~rUID.
xu'Ô~ ÉUU1'f}V lho.nmoüv "t'o awJ.UL
0'.
Gi Âl1fU$T. ]Je. CWit. Pe" X, 8 (J, lJIDBZ, cit., p. 28·),
374 LE NÉOPLOTINISME JAMBLIQUE 375
sciences -médicales ou de celui des stoïciens, auquel on a retranché une cuirasse et lui servent de véhicule 55. C'est exactement la doc-
l'activité intellectuelle. Ce qui nous intéresse en ordre' principal, trine que nous avons trouvée dans la littérature hermétique et chez
c'est qu'il est toujours matériel et qu'il occupe senl;ement le second les néoplatiniciens antérieurs. Comme nous l'avons déjà suggéré
rang dans la hiérarchie des parties constitutives de l'homme. auparavant, cette conception présente des rapports étroits avec toute
la psychologie néoplatonicienne: e~ effet, à mesure qu'on a accen-
tué la différence entre l'âme et le corps, on a éprouvé le besoin d'un
3. JülBLIQUE. lien qui les rattache dans l'unité de la personne humaine. Le spiri-
tualisme très prononcé de l'école de Plotin a élevé l 'âme ~llement
Nous aurions pu traiter de la 'pneumatologie de Jamblique au au-dessus de l'organisme matériel qu'elle doit animer par son irra-
chapitre précédent, car la pureté de la réflexion philosophique aimi- diation, qu'il a fallu faire appel à ce corps pneumatique pour jeter
.aue à mesure qu'on s'écarte du fond~teur de l'école néoplatonicienne. le pont entre la matière et l'esprit ·(aUvBEO'J10ç). D'autre part, la posi-
Oii trouve plutôt chez Jamblique un mélange d'éléments philosophi· tion privilégiée de ce principe spirituel a a·mené tout naturellement
ques et de doctrines religieuses, empruntées aux cù1tes orientaux. l'idée qu'il faut le garder' pur des souillures dues au contact avec
La pensée philosophique prend d'ailleurs de plus en plus, un carac- le monde matériel (<pQouQ(l): il en résulte que cet~ 'enveloppe pneu-
tère 'pratique, orienté vers la purification de l'âme et le détache- matique n'est pas sans rapport avec la doctrine de la purification.
ment du monde corporel. Ce besoin profond d'union avec Dieu, qui Et puisque les âmes descendent du ciel pour animer le corps et
n'est possible que par l'abnégation et le détachement, domine vrai- qu'elles y remontent après la mort, il est tout naturel de concevoir
ment les préoccupations intellectuelles et morales de ce temps. On ce corps pneumatique COmme un véhicule (OX11J1«), qui porte notre
attache. beaucoup moins d'impOrtance à l'application rigoureuse principe vital vers ce monde ou qui le soutient dans son ascension
d'une méthode purement rationnelle; ce qui 'impor~, c'est le but vers son lieu d'origine.
qu'on s'est proposé, quelle que soit la voie par laquelle on iJ. 'atteint.
En ce qui concerne ce dernier point, Jamblique rapporte que cer-
Ainsi Jamblique adopte une attitude beaucoup plus accueillante à
tains platoniciens estiment que l'âme est toujours accompagnée d'un
l'égard des doctrines religieuses d'origine diverse et à l'égard des
corps ~ même avant de descendre dans le corps terrestre, elle était
mystères théurgiques, auxquels Porphyre n'a pas ménagé ses criti-
déjà entourée d'une enveloppe matérielle, bien que plus subtile Gt.
ques. On trouve, en effet, dans le De mysteriis toute une pneumato-
C'est que l'âme humaine, avant de descendre sur la terre, 'viv~t
logie, qui a été élaborée en vue d'expliquer la divination religieuse
dans d ~autres régions, où elle était également revêtue d'un co~s.
et tous les phénomènes mystérieux qui l'accompagnent. Il en résulte
que la pneumatologie d~ Jamblique est beaucoup plus large et com-
55 STOBt.:, l, '9, '3, voL 1, p. 385, WAcBSJroTH (ScOTT, Httrm., II, 253):
prend des éléments plus disparates que celle de ses prédécesseurs
OL f'h ydQ ~ ~v 'riJv ~v umi; 'tep aooJUl'tL ÔQyuvuuil OVVOudtO\HJLV, mamQ
néoplatoniciens. 01 :n:'-eio'tOL 'tôW' nMttcovI.Xc1w· 0131 f'UU;Ù ~~ 'te daco,.u:Uov ~ç xal 'toü rd.y_
1. Dans un extrait dunEQL "'''xij~qui a été conservé par Stobée, yd.eoo3ouç1. (lege yeoo30Ùç) <aoof'4'tGÇ ditwt'(u> utitéQUI <'tLvd 1> xcù. oUQcMa..
xUL m'euf'4'tI.Xa :n:eQL61ltf'4'ta., <ci cpucn> :n:eQl4f.UtéxOVfu Tilv voeQàv t;œi)v.
Jamblique rapporte que la plupart des platoniciens établissent un :n:Qoa6e61;jahL' ~ aüTij~ «PQovQQç ivexev, innlQE"CeLV 66 crùqi xuitdmQ 0X'lJUl'tU
rapport direct et immédiat entre l'âme et le corps. Notre principe (OUf.Ltd-cQ<OÇ 6' uli] xut :n:QOç 'tG G"t'eQtbv acLf'4 OUJ&6L6cit;tLV < <almav> > ,u90&Ç
vital serait rattaché à l'organisme matériel sans avoir. besoin d'un 'tLOL (xoi.voiç] ovv6éaf'O~ [uVriav] ovvWttOVTU. .
intermédiaire d'aucune espèce, tandis que d'autres, n'admettant pas lit 8roB., l, '9, 39, voL l, p. 318, WACBSJIt1TH (8coTT, Herm., II, 263):

ce contact immédiat. établissent entre l'âme immatérielle et le corps (<Ïllt) u'lQea~ 'trov nMx"tOOVlxrov) TlinJ.Livtl ntv. "I"'X'iv d.d dvo.L ~ mUJUl'tI., mamQ
terrestre des enveloppes éthérées, célest~ et pneumatiques. Celles-ci ft "EQu"toa6ivov~ xaL n "to'-eJ.LUlou "tOÜ nMx"tWVUCOÜ xui. ciUcav, â:n:o awJ.L4"tcov 0;(,..
ntV Àe:n:"tO"tÉQwv et; "tù oG"t'Qeoo6T\ :n:cV..w daolxLt;EL aoof'4"tu • 6U1"tQL6eLv ~ ydQ uu-
ne forment pas seulement le trait d'union entre ces de~x parties -ritv rel; f'OiQav "tlVU1 (lege cid Èv ILOLQfl. Tlvi.) "to;; alaih)"toù, xaihl~L" ye ,,~v e'l
constitutiv~ de l 'homme, ~aia ~Ues protègent notre âme c'oJllm~ "to atEqEOv awfW- <ÏUO"tE M' (j)...'}-..wv l'OV :n:aVl"~. "tO:n:wv,
376 LE NÉOPLOTINISME JAMBLIQUE 377
adapté évidemment au lieu de son séjour.: On n'était cependant pas pneuma est considéré également comme un intermédiaire entre le
d'accord, quand il s'agissait de déterminer la patrie de l'âme avant corps et l'âme, par lequel celle~ci est insérée dans le monde _maté-
son séjour sur 'la terre: d'après Héraclide du Pont, elle serait origi- riel et rabaissée à son niveau: il est donc probable qu.'il a considéré
naire de la Voie Lactée, alors que d'autres optaient pour l'ensemble ce souffle lumineux comme le principe de la connaissance sensible
des sphères célestes ou la région de la lune 151. Quant à cette dernière et le siège de la vie passionnelle, ainsi que le faisait Porphyre..
opinion, elle se trouve également dans le mythe final du De fade Quant à la nature de cette eI}veloppe pneumatique, nous trouvons
de Plutarque, où la région lunaire est considérée comme le séjour chez Jamblique les mêmes épithètes que .chez Hiéroclès: at'ÔEQ&ôEÇ
de l'âme: c'est là que le voliç se joint à' la vum
avant de descendre xal aùyoELôÈÇ XVEÜJLa. Proclus rapporte que les disciples de Jam-
vers la terre ~t c'est dans cette même région que les deux se sépa- blique faisaient dériver ce pneuma de la région de l'éther tout en-
rent par une purification lente après la première mort. La seconde tière 60. Il en résulte que ce souffle psychique n'a rien de commun
opinion paraît avoir été la plus répandue, en ce sens du moins que avec les quatre éléments qui entrent dans la constitution des corps
toutt'.8 les sphères planétaires contribuent pour une part à la consti- terrestres: il est d'une essence supérieure à ce monde instable à rai-
tution de l'homme: nous l'avons déjà ren~ontrée dans le Poimandrès, son de sa situation aux confins de la matière et de l'immatériel. TI
où l'Anthropos, avant de s'unir à la Nature, reçoit de chaque pla- importe également de remarquer que le pneuma s'écarte de plus en
nète une parcellê de sa substance: c'est par là sans doute qu'on plus de sa signification originelle: en effet, cette auréole lumineuse
expliquait l'influence des planètes sur le cours de la vie humaine. qui entoure l'âme humaine, présente assez peu de rapports, quant
On sait par le témoignage de Proclus et du De mysteriiS', que les à sa nature, ·avec le souffle chaud des médecins siciliens.
disciples de Jamblique admettaient également cet intermédiaire La destinée de l'âme après la mort dépend de 'la pureté et de la
pneumatique entre l'âme et le corps: nous pouvons en conclure que subtilité de son enveloppe pneumatique; si ce souffle psychique est
cette doctrine faisait déjà partie du système psychologique du maî- transparent et léger, il soutiendra l'âme dans son ascension vers sa
tre. Dans le De mysteriis, l'auteur parle à deux reprises de la puri- patrie céleste; si au contraire il est appesanti et obscurci par les va-
fication du pneuma éthéré et lumineux qui entoure l'âme humaine: peurs humides de la terre, il' empêchera l'âme de prendre son
cette purification est tout d'abord le résultat de la persévérance essor, de sorte qu'elle devra mener pendant longtemps une vie erran-
dans la prière, qui écarte du pneuma tout ce qui le rabaisse vers te et malheureuse sur la terre 61. Il faut noter que les néoplatoniciens
les créatures G8. Une influence analogue est exercée en nous par le insistent assez généralement sur la subtilité et la transparence de
pneuma mantique, qui purifie notre souffle lumineux afin de nous notre pneuma, en vue du rôle qu'il a à jouer dans notre vie psychi-
préparer à la possession divine GD. C'est que, d'après Jamblique, le
Gf STOD., 1, 49, 39, voL, 1, p. 318, WACBSMUTB (SCOTT, Herm., II; p. 263): 811 PRoCLUS, In. Plat. Tim., 321 A (III, 266, DImL):, &et tJlv omo voeiv, roc;
Kal 'toUTOU; (ICil. 't00ç 'tMouç) "HQOXMLôf)V tJlv 'tov llovtLXOv o.cPOQLt;ELV nEQi. 'tOv elcOaaal. ÂiyeLV xai. ol ntQi. "COY fdyav 'Io.,w)..,xov, roc; xa~ Ml. mlV(~ 'fOÜ alitiQOÇ
yalo.;LaV, alloue; aè xaa" oÀ.aç 'tOü oÔQavoü 'tàç oq>aLQQÇ, cicp' m,,' aTt 3EÜQO xa"tai- yovCfL'IV Éx<M'oc; MvaJ."v -rl)v 'tOrY oX"),...a."tOw 'tCOv ''l'UXl.Xe1w OxoyevycoJLÉv'lv ~aa\.v
vaL 't~ vux~· 'toùe; aÈ nEQi. OÛT)'VT)V Ti f:v "tep 1m0 Ot>..T)'VT)V alQL M:yELV aÙ't~ xa- oV'tE ll.anou,.bcov 'f00v OdCl)v ocl)JA4"tcov OÜ1'e auf.UUcpoQTl~ 'foVtCOV Ucp'LCn'aJ'i-
1'O~'fy, xol Mt a\rrwv xo.n\) XOOQtLV de; Tl)v nEQLYELOV yÉvEOLV • 'toùe; 3è MO 0001.1.0.- VQ)V, cUl.à xa"CŒ 'tŒç t;~ 'tàç OeCaç nQo~CI)V xa~ fWQcpouJ&évœv 't00v J&eQI.XCÏlv
'toov cid oUQtrov nLn'tELV de; É'tEQa (a-rEQEà.7) oooJ.Ul'ta ÔLLOXUQLt;Eai}ru. m'EU,...a.'fCO'V •

G8 De mylteriû, V, 26, PARTBEY, 239, 1: parlant de la persévérance dana Il De myneriU, IV, 13, PARTBEY, 198, 11 :. l'auteur défend lei dieux contre
la prière: 'to OElov 'rije; vuxiie; civWt'tEL, MOXaaaLQEL 'tE nciv "Co ëvavdov 'rijc; 'l1U- l'accusation de Porphyre leur reprochant de coopérer l des actel coupablès,
xiic;, xai. cinOQQL1t'tE\. "toü atitEQooOOuC; xai. a'ÙyoELÔoüC; nvWJ.Ul"toc; nEQi. aVtlt\ ooov en permettant aux théurgel de 10 8e~ de la puiasanee divine en vue de cei
lcni. yevecn.ouQ'Yav. aete!: El ~è xai. 'tiic; 'l'Uxi'iç 'rijç fLEQLX'i\C; bt~·'foVtCOV CJ'\1Vf:talaf454'VOV'taL 'tLV'EÇ Il;
59 De mylteriü, III, 11, PAR'l'lBY, 124, 16: oô ,...mOL 'toü "lE OEa;; ncioo. Ia-rLV WœQyaaiav, 1'ijç 'tel:v OooJ.Ul"C".xanxoJLÉv'lC;, xai. (01) "Cà tJlv OatQEW8tc; xai. Y11I.VOV
f} btLnvOLa.. ~vnva :taQtxE\. 'to OOroQ ciU' aVtTt JA.h l,'"U't1)aE..o'n)'ta .wvov xai. MO- oooJ.Ul o.cpijXE'V, bti. 3è nvtUf.I4'toc;~OouQoü xa~ 3\.UyQou nEQLnMmi'ta\. xCi:too nEQl 'toùc;
xâa«QDLV "COÜ lv f}J1LV a\ryoE~o~ m'E1JfW"t~ Ë~o~i, 8\.' ~v ÔVVo."to~ y. yvof1dtu 1rOh 'rijc; yevÉOEroc; 'tonouc;, xal aVril w:'liH)s ~ a.v etll f} Mça, noqqoota'tw ~è Til) xqen..
~tiv lOv O~av, 19vCI)'Y atd~ 3t.iO'TT\x~,
378 LE NtOPLOTINlSME
379
que: si le pneunia n'est pas assez léger, il emi>~che l'âme de monter;
s'il ,n'est pas 8S6eZ transparent, le regard de l'âme en est obscurci, et enveloppe lumineuse est beaucoup plus grand que celui des hommes:
il entoure l'âme oomme d'un nùage sombre et
opaque qui l'empêché ils peuvent séduire l'imagination humaine .par ~es apparitions fall~­
d'atteindre les réa'lit& véritables. TI ne s'agit donc pas d'une cloi- cieuses, "en se déguisant sous des apparences trompeuses; ce tra-
son impénétrable qui se poserait entre l'âme et le monde matériel, vœtissement' est particulièrement dangereux, car les esprits mal-
car notre intelligence n'entre pas di.rectement en contact avec les faisants peuvent de la sorte cacher leur vé~itable nature au regard
objets qui nous environnent; mais il s;agit pintât d'un obscurcisse~ des hommes 85. Ainsi, 1'existence humai~e, tout en étant pro-
ment général du' regard de l'intelligence. tégée par une armée d'esprits secourables, se trouve menacée par
Ce ne sont pas seulement les âmes qui sontrëcouv~rte3 par ëé 1'hypocrisie des démons malfaisants: le pneuma n'est pas toujours
corps pneumatique. Nous le retrouvons également chez les démons; l'expression fidèle de la nature de ces êtres surhumains.
comme l'enseignait déjà Porphyre 82; ceux-ci' disposent aussi d'un 2. A côté de ce pneuma qui entre dans la constitution de chaque
OxrlJ1Œ (JOOJ.UltOELak, ce q~i ne veut évidemment pas dÏ!e que ce véhi- homme et même des êtres supérieurs, Jamblique parle également
cule serait matériel au sens ordinaire' ou composé' des ,quatre' élé- d'un pneuma mantique qui est à l'origine de l'inspiration divine.
ments de ce bas monde ou de quelque autre corps ~onnu dë nous 88. En" expliquant la déchéance de l'oracle d,e Delphes, Plutarque affir-
Nous savons, en effet, par ce qui précède; que la substance de cette me que l'inspiration de la pythie est prov,Gquée par un souffle man-
enveloppe pneumatique est 'infiniment plus subtHe, puisqu'elle a été tique qui, à certains endroits, se dégage de la terre, pénètre dans le
empruntée aux sphères célestes, lesquelles, d'après l'enseignement corps de la prêtresse et assoupissant l'intelligence, stimule :les puis-
d 'Aristote sont d'une essence totalement différente des quatre sances irrationnelles de l'âme. Une explication analogue est pré-
éléments entrant dans ia composition de ce monde instable. C'est sentée dans le DB mysten"is : la prophétesse de Delphes ne tient pas
probablement pour cette raison que Jamblique 'se sert du terme d'elle-même sa connaissance supérieure; eUe ne l'a que dans la me-
(JOOJ1ŒtOEtaéç au lieu de parler d'un OXllJ1Œ aoollŒtLx6v : ce n'est d'ail- sure où elle s'abandonne à l'action du souffle divin et qu'elle se
leurs pas la première fois, au cours' de cette étude, que nous consta- laisse illuminer par les rayons du feu divin 86. C'est cette dernière
tons que" le pneuma n'est pas inséré dans la hiérarchie des quatre image que nous retrouverons le plus souvent chez notre auteur pour
é'léments, mais qu'on lui assigne une place privilégiée au-dessus du expliquer l'inspiration divine: le devin est inondé d'une lumière
monde matériel qui nous entoure. divine qui pénètre dans les ténèbres les plus épaises et les dissipe.
Puisque les démons, ainSi que les héros, disposent d'un corps C'est pourquoi aucune puissance mauvaise ne peut s'opposer effica-
, lumineux qui les entoure, Jamblique les appelle des pneumas visi- cement à cette illUmination divine, sans être anéantie sur le champ 11.
bles (aùtoXTlXà m'EUllata), dont les tr~its extérieurs manifesteht la
65 De my6ferii8, 'II, 10, P ARTBEY, 93, 9: Td uinci TOCVVV xol "eQL ~Wv cpClV_
perfeCtion substantielle qui leur est propre. Dans le corps pneumati-
~«O',...aTCOV lQoüJŒ'Y· Et yciQ ~«ÜT(l aùTci J.LÈv oux ÉenL Tdl"lfii, ~OUlÜ'f« Bi É'tEQU ot-
que des héros on PC?urra donc lire l'expression" de leur courage h~ror­ , WœQ im:ciQxeL =Cci Ona, oVx ÉCJ'tL &ii1COu lv TO'Lç aùT<KpCrVicrL m-eUf'CICJL, cpavtutncu.
que M. Seulement, comme nous l'avons :vV. déjà en, exposant iapneu- 3è et'YUL ,"ol4Ü'fa olcimQ uinti dl'lfii. ' ,
matologie de ,Porphyre, l~ pouvoir de ces êtres su~humains sur leur .88 D~ myderiü, nr, 11, PARTBEY, 126, 4: ~~' lv AeMpo~ nQCXP'iinç, du
MO mriJ.&Cn"oç Âtmoü mL mlQ<O~puç civucpeQofdvou nofh d:c:o CJ"C'oJdov Oèf"CJ'TeUeL
82 Tu. Hopl'ND, iioer àü Ge'Mimlehr,. tù• .TMnbl~hU8, Leipzig" 1921, p. 236. TO~ d,vDQcimo~, efTI fv ~cp c7.6Vtcp mih)tdvtt bel ~'qlQov"xo.lxoü ~Qe~ xMaç lxov-
8S De myderiu, V, 12, PARTBEY, 215, 8:', ~ yÙQ M)'W~ EÜtEiv, Me MO 'rii~ Toç XQ"lf&4T~L, dTe ml bel ~OÜ UtQcixo&ç ~UpQOU ~ 'CJ"C'L leqàç TOÜ Oeoü, m&'Vtu';
\i)'''1~ Me c:ixo ~Wv enoLXELrov Me, M' ciUou' ~L~ ~wv YLYVWOXOJA.ivCOV " ....tv 0'0>- ~ MO) ~C&ocn'Y iavrlav ~cp OeCcp 'meUf'4'C" cLt6 ~a nt~ ~oü OeCou mlQbç mtvoÇ
....chc.ov leni. ~O \nn]QE'toVv ~otç ~u(J.&OCJLV OXrtf1Cl CJ(J)JU1~OELÔÉ~. . m~ClVYutE'tm. . '
M De mydem.,II, 3, P ARTBEY, 73, 13: ~ci ~Lf&ÔvUl bi xui. ~ciFlQoLXci aVtM- st De myBteriu, m, 6, P ARTBEr, 130 ~ ... MW xUL 'rii~ "Uvt« ciycr6Wy iclll-
nxà mriJU1~u lv E~EO'L J.LÈv ro~LOtdvo~ ËXEL ~O ~ d,JLCP6'teQo., où ....i}'Y ciUà ~O QoUcnt~ TWv OeWv ~uvcifUcoç 1COllax6aev beLÂ.aJ.UtoUm)~ oVx lXEL XWQŒV" ~mv XCI-
JÙv I:v Myo~ ~otç ntV oVO'w.v dcpOQLtOVO'L ~UI)(oof1'1ftv tCJ'n OOLp.Ovwv., ~O ô'~,­ xciiv TC1Q Ux'l meu ....uTCOV, oV3è Mvo.TUL 1COV b&4cpu{veCJ'it«L, "dU' roç TO ...."I~f.v " l'Y ~cp
ÔEloXvUf1EVO'Y 'riJv àvôywv ~qwLXQv, J1i} Ovn XEXWQIm'UL oU3o.fA.OÜ cpU<YL'Y ÉxOUO'U Xl.vetattUL TWv xQELn6vwv n~6vtO)'Y ~
~~evo~~tv uino't$ ôvvufdvtI ~VLxu civ beWit""(j)(J~ 1
380 LE NtOPLOTINI8ME ~81

Cette lumière éclatante, qui est émise par Dieu, par un ange ou pal" Il arrive que ce pneuma subtil vienne se poser autour de nous pen-
un démon ", projette sa clarté sur notre "Véhicule pneumatique et dant notre sommeil: sans nous toucher il nous entoure d'une auréole
fait surgir dan.CJ notre imagination différentes repréSentations au invisible dont nous ne pouvons percevoir la présence que par un
gré de la djvinité inspiratrice 69. Nous voyons ainsi se dessiner net- sifflement très léger se produisant au moment où il entre Tl. Quant
tement les caractères de la pensée néo platonicienne s'opposant à à celui qui évoque ~es dieux, il perçoit généralement la grandeur et
l'explication de Plutarque, qui est fortement sous· l'influence des la nature du pneuma au moment où celui-ci descend et s'introduit
stoïciens. En effet, l'illumination de Jamblique diffère nettement en lui: une fois que ce souffle divin s'est livré entre les mains du
des trois explications avancées par le prêtre de Delphes pour rendre myste, il exécute d'une façon mystérieuse tous les· ordres qu'on lui
compte de l'açtion du pneuma sur l'âme de la pythie:.il ne s'agit communique 72. C'est que ce souffle divin ne prend. pas la place
pas ici d'un échauffement de l'âme, ni d'une dessiccation Did 'un· de notre intelligence, comme chez Philon, d'après lequel le voüç
refroidissement, mais d'une lumière abondante qui est déve~ée sur s'éloigne dès que le XVEÜJ.lŒXQO<pT)tLXOV a pris possession de l'âme.
Dotrecorps pneumatique. Ce pneuma se présente plutôt d,o.mme une puissance et une lumière
Cette même image revient, quand il sagit d'expliquer le pouvoir surhumaines, mises à la disposition de 1'homme pour lui permettre
divinatoire qui est rattaché à certaines sources. L'auteur du De de connaître ou d'accomplir certaines choses qu'il ne pourrait at-
mysteriis n'accepte pas l'interprétation stoïcienne de ce phénomène, teindre par ses facultés naturelles.
d'après laquelle le pneuma mantique pénètrerait l'eau de cette sour- On ne trouve pas dans le De mysteriis, beaucoup de détails sur la
ce, tout comme le souffle divin anime le cosmos (SL~)(ElV'. En effet, façon exacte dont le pneuma divin nous rend capables de cette con-
puisque la divinité est immatérielle, elle est inétendue et indivisible, naissance et de cette activité d'ordre supérieur. On nous dit seule-
et, dès lors, elle ne peut communiquer une parcell~ de sa substance ment, en parlant de l'oracle de Colophon, que l'inspiration produite
absolument simple. C'est donc par une illumination extérieure que par la source sacrée n'est qu'une préparation à l'illumination divine
la divinité accorde à cette source sa puissance divinatoire 70. Ainsi proprement dite: le pneuma de la source ne fait que purifier le
le pneuma mantique possède une activité nettement différente dans corps lumineux de notre âme, et il nous dispose de la sorte à rece-
le système stoïcien et dans celui de Jamblique. Ceci tient à l'orienta- voir en nous les rayons de la 1umière divine 73. C 'est comme si l 'on
tion générale des deux systèmes: d'un côté, un immanentisme poussé devait d'abord nettoyer les fenêtres de notre âme, afin de donner
jusqu'à ses dernières conséquences; de l'autre, une préoccupation libre accès à la clarté céleste. Il est clair qu'il s'agit ici d'une puri-
constante d'éviter le contact avilissant de l'immatériel avec la ma- fication d'ordre spirituel, qui consiste à nous libérer des passions
tière.C'est pourquoi l'être inférieur n'est pas envahi par le supé- de l'âme et du corps 74, en un mot, de tout ce qui est de nature à
rieur, mais il est assumé dans la sphère d'influence de ce dernier,
il se trouve dans son champ d'irradiation. '71 De fR.lIaterii8, III, 2, PARTlœY, 103, 13: xalncn8 f'È'YcLpaviç xal à.G<ôJI4TOY
mrruJUl 1ŒQLÉXEL xUxùp TOllç xcrtwœ,~, œç oQCicnv JÙ:Y cWcoü "'" maqeivm, V nt
l)È tÏU1]V auvaCaO-rtO'LV xa.l :7tUQUXOMn16ttO'LV iJmiQXELV, QoLt;oJ&ivou"te tv Te; dativuL
68 De my8terii8, III, 18. xa.t :7tEQLXEXU,.tévOU K(1"VTClXOftev aVEU TLvOç bta.cpij~ •••
69 De myateTÏi8, III, 14, PARTBEY, 132, 11: a.Ü'n) (scU. <proTOç o.yroyrl) Ma :7tOU 12 De my.teriiB, III, 6, P ARTBEr, 112, 10: Tb ~i fdyLG'tOV 6Q«"t'm"t'e; 9EClycr
TO :7tEQt.Xe:L~O'V Tii 'l'UXii a.t-D-EQro~t; xat a-uyoELÔiç 0X1]JUl E:7t~MJ.UtE1. OEUp <proT~ E; yoiNn TO x(l'{t,àv mrruJUl xa.L ElaxQLvOJLEVOV, 000v ri Éan xa.1. &totov· Iwanxcilç 't'I
oU ôT) q><1VTa.<JU11. OEia.1. xa.Ta.Â.a.~avouO'1. Tilv Ev T)tLiv <paVTaO'T~x""v M'Va.tL1.v XLVoUJLE- :7tEC-6um xa.l a1.UXu6EQVcl't'a....
'\'0.1. MO 'riiç POUÀ";O'E<OÇ TOOv OfroV. Ct. ibid., V, 12, PART BEY, 215, 8. 73 De tnyBterii" nI, 11, PARTHET, 124:: 00 ,dYtOL ,"oô Y2 geoii nciad laTlv It
70 De myBteriil, III, 11, P ARTBEY, 124, 16: ~o)U!i tth yàQ ~L";XEtVTL ~1.' ClÙ- E:7tUtvoUl, T)VT1.VC1 :7tUQÉXE1. TO OOroQ, ru' ClÜTi) fÙ:V m1.T1]~eWT1]TCl f'ÔVOV '«11 MOXo.
't'où ~JUl JUlVTt.Xov· oU .,mo1. TO yE M1]-D-iç oVrwç ËXE1.. To YÙQ OEÏO'V ou ~W:7tE-. ~O'LV TOÙ f:v T)tLLV aUyOEI.ÔOÜç 1CV€UJUlTC>Ç Éj.Ut01.EL, aL' TaV OOvutOL YLyv6f'Eh X(l)QEtV
q>OLT1]XEV oVrw ~WO'Ta.TroÇ Xa.L JLEQl.OTo>Ç Ev 't'o~ a.ÜTO'Ü J.1ETÉXOUO'LV, ru' wç :7tClQÉ- TOv OEOv.
XOV ~ro~Ev xa.L imMfU'O'V v tTt mt-ri v, :7tÀ"lqoi Ô'UVap-tO>$ a.Ùt'ilv CÏCf' ta.UTOÜ fW'Vl L- u. De tn1lnerU.t, III, 2, PARTlUY, 103: ..• OClUJ.'4O'TQ TE IQYCl cbteQya.to,.tévou
xils· (aell. TOÙ :7tVt:UJ.W.TO~) :7tQ~ Ma.Ua.y1}V :7tClihi)v 'l'UXii~ "tE xCll a<df'4T~.
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obnubiler le regard de l'intelligence et à entraver la déterinÎnatiOI1 les conceptions de Jamblique diffèrent nettement de celles de Plu-
autonome de la volonté. tarque. Celui~ci posait, lui aussi, des conditions à l'enthoU8iasme,
. TI peut donc y avoir, d'après Jamblique, inspiration divine sans 'mais elles étaient plutôt d'ordre physique ou physiologique, tandis
que pour cela l'intelligence individuelle du prophète soit éliminée. que, dans le De mylferiis, il s'agit de dispositions psychologiques
Au lieu de prendre la place de l'intelligence, le pneuma se soumet ou morales.' C'est que, d'une part, l'inspiration est traitée com~e
entièrement au bon plaiSir de celui qui a évoqué les dieux. Cette un phénomène d'ordre physique, obéissant aux lois de la nature,·
inspiration divine est conçùe comme une élévation de la connais- tandis que, de l'autre, on considère cet enthousiasme comme une
sance et de l'activité humaines; c'est une lumière et un secours .sur- irradiation surnaturelle, dépendant directement ou indirectement
naturels, qui. ne détruisent en aucune manière le libre déploiement du bon vouloir de Dieu.
de nos facultés intenèctuelles et volitives. Mais il Y a aussi, à côté La divination a été l'objet, dans l'aniiquité, d'attaques nombreu-
de cette inspiration sereine, ce que l'auteur' du De mysteriis appelle ses et violent.es. On en trouve un exemple dans les critiques acerbes
le délire divin: dans ce dernier cas, l'irradiation de la lumière de Lucien contre . les oracles: ceux-ci n'avaient pas encore perdu
divine est tellement abondante que l'âme humaine en perd immé- leur influence sur la masse populaire. Cependant c'étaient surtout
diatement toute conscience et le contrôle de ses mouvements. L'hom- des oracles d'ordre médical ou théologique qui étaient en vogue aux
me est alors totalement sous l'emprise du pneuma divin, au point premiers siècles de l'ère chrétienne 78 •. Les critiques de Carnéade
qu'il n'a aucune intelligence des pB;roles qu'il prononce: tout son n'étaient pas non plus restées sa~ influence sur les croyances de
organisme .est un instrnment passif entre les mains de la divinité 7'. SOn temps: Cicéron nous en a conservé des extraits. C.es vues ont
Il ne serait donc pas exact de considérer l'enthousiasme comme rencontré une opposition assez vive de la part des défenseUrs de la
une simple affection de l'âme, s'insérant dans l'évolution normale divination, tels que Maxime de Tyr, mais elles n'ont jamais été
de la vie psychique, puisqu'il est produit par' l'irradiation d'un réfutées de façon décisive 79. Porphyre aussi, dans sa Lettre à .4116--
pneuma divin 76. Ceci ne signifie évidemment pas que .les disposi- bon, a exposé un certain nombre de difficultés et d'objections con-
tions naturelles de l 'homme ne sont pour rien dans cette possession tre la divination; elles montrent que, au moins dans la dernière
divine, car tous les hommes ne se prêtent pas à cette illumination période de sa vie, il était plutôt sceptique à l'égard de ces mani-
céleste: ce sont surtout les simples et les jeunes qui sont bien dis- festatiQDS de la divinité 80.
posés pour accueillir ce souffle divin, sans. doute parce que leur C'est à ces critiques que l'auteur du De mystems veut répondre
caractère est plus souple et que leur intelligence n'est pas encore en pr~ntant la divination comme un don inappréciable des dieux
encombrée de préjugés de toutes sortes '17. A ce point de vue encore, et l'unique voie 'qui conduise au bonheur. Cette attitude de Jam-
blique et de ses disciples ne nous étonnera guère, si nous tenons
T5 De my'terU8, III, 8, PARTBEY, 117, 1: ,'Allà 3d t;T)ULV 'tà 'rijç 9da.ç compte de la réviviscence, artificielle il est vrai, des anœennes
..,avCa.c; aLTLa.· 'to.mo. 3É Èo'tL 'ta Xo.ih1xOVto. MO 'trov gerov qxO'to. xaL 'tà lv3..oo~a croyances mythologiques et des mystères religieux, qui s'est pro-
~JUl'to. Mt o.Ù'twv xaL 4] &n' aÜtrov :7tUQoUoa :7to.vt"EÂ.i)ç È:7tLX()(l'teLCl, :7tEQ Li x ouoa
duite à son époque:' ce. sont les dernières convuls'ions de la 4civilisa_
J.&h mlvto. 'tà Èv ~J1iv, isoQ~ouoa aÈ :7tavtT) 'ti)v olxda.v f)J1ôlv :7tUQUXOAOt1fh)OLV xo.L
).Oyo~ JAÈV 1CQOlEJ.lÉVrl où JUTà 3LavOWç 3i TroV "AEy1Nt0yv, àiJ.à JUlLVOt.LÉvcp cpo.oL
tion païenne devant les conquêtes" victorieuses du 'Christia.n.isme.
cnOJUl'tL .qr6eyyoJ.LÉVOYV o.Ütm,ç 1'0.1 inn)Qt'toVvtOYV oAoyv xaL :7tUQo.xooQoVvtoyv J16vn C'est surtout l'empereur Julien qui, après son apostasie, s'est fait,
TÜ TOÙ XQa'to'Üvtoç lvEQYE(q..
7. De mysteriu, III, 24, P ART BEY, 151, 17: Èx 3i) ToVrOYV où xaÂ.G><; cnoxa~n
xaaoç dVo.L 'tov ÈVÔOUOWOJAoOv, OUJ.l6a1VEL yàQ MO 'tE ToVrOYV 'trov O1)J1ELcov i;roi)ev
T8 M. cASTJ:IÏ, Luciet& d 14 pett.B& religieuH ik'Otl temps, Paria, 1937, pp.
225-261. j
aVtOv œç È:7tL."tVOLUV È:7tLQQELv. Ct. ibid., III, 21, PARTBEY, 150, 11.
T8 G. SoUB.Y,Âpergu.y dB philo,opAÜI religietuB cM. llG.rime de Tyr, Paris,
TT De myateriiB,' III, 2-4:, PAlLTBEY, 157, 14: 'to 3' dVo.L J'i) :7tavtaç cillà TO'Ùç 194Z, pp. 39-66. '
Q.,·tÀO'UO'tÉQQUÇ 1'0.1 vÉQUÇ È:7tLTllaELO'tÉQO~1 31)Aot 'tMO w~ dç ~TOOOXi)V 'tip l;maev 80 A. BOUCB:t-iLEcLI:RCQ, Hi8toire d8 la dit1ift4.tioA d41U l'aAtiquitl, 1,
È.œLCJWvtL xal xaTixOVtL 1tveUJUl'tL ot TOLOmoL dOLV É'tOLJ1O'tEQOLo Paris, 1879, p. 88.
~84
é6NctUSION 385
le protagoniste de ia mythologie antiqu~, à laquelle il essayait de
Cette fonction du pneuma ressort clairement de l'explication de la
donner une signification plus .spirituelle: une de .es, grandes préoc-
oonnaissance. L'âme n'entre pas directement en contact avec les
cupations était précisément d'organiser les oracles et le' culte' et de
objets matériels. Il n'est plus question ici de courants pneumatiques,
les confier aux soins d'un sacerdoce bien formé 81. Il faut noter
émis par l'hégémonikon afin de réaliser le contact avec ces objets:
cependant que du temps de Jamblique et de Julien, la divination
l'âme voit les images du monde projetées sur le p'neuma, qui fait
ne présente pas les mêmes caractères qu'à l'époque de Posidonius:
fonction d'écran cinématographique. Nous retrouvons en somme la
il ne s'agit plus guère de l'interprétation du vol des oiseaux ou des
même conception dans l'explication de l'inspiration proposée par
intestins des animaux, mais plutôt d'une illumination intérieure,
Jamblique. Un contact direct entre l 'homme et la divinité est exclu:
qui ~eut être permanente comme chez Al><>llonius de Tyane. La divi-
la divination et l'enthousiasme se produisent par l'intermédiaire
nation, telle qu'elle est représentée par Jamblique, répond .donc bien
d'un pneuma divin, qui illumine l'âme du devin et qui la purifie,
plutôt à un besoin mystique d'union immédiate avec la divinité,
afin de lui communiquer des connaissances qu'elle ne pourrait acqué-
qu'à la préoccupation pratique de connaître l'avenir· en vue d'une
rir par ses propres forces ou de la rendre capable de certaines actions
action concrète à accomplir. Nous avons d'ailleurs constaté .que ce
qui dépassent sa puissance. Ceci ne veut pas dire cependant que le
besoin religieux tourmentait les âmes depuis les débuts de l'ère
pneuma ne fait qu'écarter certains obstacles pour permettre à l 'hom-
chrétienne. Des hommes comme Apollonius de Tyane et Pérégrin,os,
me le déploiement total de ses forces: car, d~ns certains cas, ce souf-
qui est représenté par Lucien comme un charlatan 82, en sont des
fle divin prend vraiment possession de l'inspiré, à tel point que"
exemples frappants. Le' pneuma, tel qu'il est con~u par Jamblique,
celui-ci perd complètement le contrôle de ses facultés. De part et
constitue l'intermédiaire indispensable pour réaliser ce contaet mys-
d'autre la même fonction est donc attribuée au pneuma, celle d'éta-
tique, auquel tant d'âmes aspirent.
blir une liaison, soit entre l'âme et le corps, soit entre l 'homme et
Le caractère matériel de ce pneuma ne saurait· être mis en doute
la divinité.
bien qu'il soit de plus en plus subtil. Ce pneuma ne peut pas êt~
mis sur le même' pied que les quatre éléments entrant dans la com- 2. Quant à la nature de ce ,souffle divin, elle est évidemment en
position de ce mond~ instable, et, d'autre part, il n'est pas à com- corrélation étroite avec la fonction qu'il remplit. Ce pneuma n'est
parer avec la nature immatérielle de la divinité: il est intermédiaire pas inséré dans la série des éléments, comme synonyme de l'air ou
entre les deux, tout en étant vraiment ma..tériel, mais d'une maté- comme composé d'air et de feu: il transcende les éléments parce
rialité infiniment s:upérieure à celle des êtres corporels qui nous qu'il dépasse l'instabilité de ce monde matériel. Ceci n'est pas une
entourent. innovation des néoplatoniciens, puisque Zénon de Cittium accordait
déjà au pneuma la même transcendance, avec cette différence toute-
fois que, pour lui, il était un principe (àQX1Î), tandis que, pour les
CONCLUSION néoplatoniciens, il reste un élément, tout en étant, d'un autre ordre
que les quatre éléments qui entrent dans la constitution du monde
Il nous reste à faire la synthèse des résultats de notre enquête matériel. C'est pourquoi il se rapproche plutôt de la quintessence
sur la pneumatologie néoplatonicienne. aristotélicienne que de la divinité immane~te des philosophes du
1. D'une façon générale, le pneuma constitue le lien entre les Portique.
êtres· immatériels et le monde matériel. En psychologie, le corps
lumineux se présente comme une auréole entourant l'âme et la pré-
servant du contact dégradant de l'organisme matériel qu'elle anime.

81 J. BIDEZ, La Vie de "empereVl' .1vlien., Paria, 1930, pp. 248·260.


8J M. CASTER, op. cil., pp. 231·255.
CiIAPITRÈ V

LA LITTÉRA~TURE CHRÉTiENN!:

En délimitant l'objet de nos recherches au début de cette étudè;


nous avons. dit que notre intention principale était de suivre pas à
pas l'évolution de la doctrine du pneuma, laquelle, à en juger par
le point de départ et le point d'arrivée, doit avoir subi une trans-
formation radicale. En effet, la pneumatologie matérialiste de Zénon
de Cittium' ne laisse poi.nt prévoir le spiritualisme platonicien de
saint Augustin. Nous cherchions donc à déterminer le moment pré-
cis où l'épuration de cette notion philosophique et scientifique 8 'est
produite et les facteurs qui sont à l'origine de cette transformation.
Si maintenant nous nous arrêtons un instant pour mesurer le chemin
parcouru, nous constatons que l'étude de cette notion nous a intro-
duits au cœur de plusieurs systèmes philosophiques, scientifiques
et religieux. où elle a pris des significations très variées, sans qu'elle
se soit cependant dégagée du matérialisme de ses origines médicales
et stoïciennes: le pneuma reste toujours un souffle matériel dont
on affirme avec insistance la subtilité, la mobilité et la parenté avec
le monde céleste, mais qui n'en est pas moins soumis aux lois de la
matière. Au terme de notre examen, nous ne relevons que peu d'ex-
ceptions à cette règle: c·'est le livre de la Sagesse, c'est Philon
d'Alexandrie, dont la pncumatologie tranche nettement sur les
autres. systèmes; ce' sont enfin certaines oonceptions gnostiques.
C'est donc à Alexandrie, dans le milieu de la Diaspora juive, qu'on
trouve pour la première fois une interprétation spiritualiste de cette
notion philosophique et médicale j c'est le contact de la pensée juive
qui, peu avant l'avènement du christianisme, a' donné au pneuma
une couleur différente, tout en (Cardant les lignes essentielles de son
contenu idéologique; car l'auteur du livre de la Sagesse et Philon
n'ont pas seulement enrichi le contenu de cette notion, mais en l'as-
sumant dans leur système ils ont porté sa signification tradition"
àsé LE NOUVEAU TESTAMENT 389
nelle à un autre niveau de la pensée humaine. Si l 'hégémonikon de
leur message aux besoins et aux conceptions des différents peuples,
l'âme est pneumatique chez les stoïciens et chez Philon, il n'en reste
et, comme certaines doctri~es rencontraient souvent une résistance
pas moins vrai que, chez les premiers, il est constitué d'un souffle
opiniâtre, ils ont été astreints à revêtir leur nouvelle conception du
chaud, taniJis que, chez le second, il s'est déjà dégagé de -cet empi-
monde d'une forme systématique et à l'étayer au moyen d'argu-
risme matérialiste. La nouvelle enquête que nous entreprenons' main-
ments philosophiques, pour ·la défendre contre les erreurs de la
tenant, ·va nous révéler le développement et l'élaboration ultérieurs
pensée païenne. Ainsi nous trouvons chez. un certain nombre d'au-
des idèes que nous avons rencontrées chez ces auteurs juifs. Qu'on
teurs chrétiens des considérations qui, tout en s'inspirant des sour-
ne s'y trompe pas toutefois, il ne s'agit en aucune façon d'une pro-
ces de la révélation, prennent une allure nettement philosophique,
gression rectiligne quI, par une dialectique interne, développerait
pour autant qu'elles font abstraction de cette origine surnaturelle
logIquement toutes les virtualités contenues dans cette nouvelle con-
et s'appuient plutôt sur des arguments rationnels. C'est pourquoi
ception. Nous aurOM à suivre au contraire les sinuosités d'une
nous n'avons pas à parcourir la pneumatologie de t.ous les auteurs .
pensée qui sort progressivement de sop. isolement ~~ns le monde civi-
.- chrétiens, mais uniquement celle des penseurs qui ont élaboré cette
lisé pour ·prendre forme dans le langage de son époque et s'affirmer
doctrine au plan philosophique 1.
de pius en plus nettemen't contre les multiples courants d'idées qUl
se disputaient les esprits durant la période hellénistique.
1. LE NOUVEAU TESTAMENT.
Il est vrai que les recherches antérieures nous ontmenés déjà bien
au-delà de l'avènement du christianisme: nous avons même étudié On aura peut-être l'impression que, dès le début, nous nous écar-
des auteurs du me et IVe siècle de l'ère chrétienne. Il était néces- tons de la ligne de conduite que nous nous sommes tracée. En effet,
saire de ne pas nous astreindre à un ordre chronolog~que rigoureux, les livres du Nouveau Testament ne se présentent certes pas comme
d'une part, pour faire ressortir la parenté et l'évolution des auteurs des essais philosophiques, mais comme les documents authentiques
appartenant à une même école, telle que le Portique, et, d'autre de la révélation chrétienne. Cependant l'influence de ces textes
part, pour mettre en relief les influences qui ont déterminé la spiri- sacrés a été si profonde sur les ouvrages d'allure plutôt philoso-
tualisation de la notion de pneuma, en isolant les différents syst~ phique dont il sera question par la suite, que nous ne pouvons pas
mes de pensée. Car, s'il nous est permis d'anticiper sur les résultats les passer totalement sous silence. Pour comprendre l'évolution de
de notre étude, il résultera clairement de notre exposé que le pneuma la doctrine. du pneuma durant les premiers siècles de l'ère chré-
immatériel se situe uniquement dans le courant de la pensée judéo- tienne, il est indispensable d'en examiner la source, même si celle-ci
chrétienne. Il nous sera d'autant plus facile ·de dépister les facteurs n'est pas philosophique, car ce développement a é~ principalement
déterminants de cette évolution. déterminé par des facteurs d'ordre religieux, comme nous avons
Nous n'avons pas l'intention de faire un examen exhaustif de la déjà pu le constater en partie dans les chapitres précédents. TI n&
pneumatologie de la littérature chrétienne: puisque nous avons s'agit évidemment pas ici d'entreprendre un examen minutieux de
entrepris cette étude d'un point de vue purement philosophique, tous les textes du Nouveau Testament où il est question du pneuma:
nous pouvo~ éliminer plusieurs significations du pneuma chrétien, une étude de ce genre ne relèverait pas de l 'histoire de la philoso-
parce qu'elles ne s 'originent pas aux recherches de la pensée ratIon- phie ancienne, mais de l'exégèse et de la théologie bibliques. D'autre
nelle. On pourrait se demander s'il n'en e.st pas ainsi de tout le part, des recherches aussi fouillées dans les textes sacrés ne sont
contenu de la doctrine chrétienne et ~i la révélation n'en est pas 1 On pourrait objeeter sans doute que nous ne nous lommes pu impo~ la
le fondement dernier et la garantie inébranlable. On ne peut pas même limitation en exposant la pneumatologie deI gnostiques, de 1& llttérature
oublier cependant que tous les auteurs chrétiens, même inspirés, henn6tique, des papyrus magiques, des écrits alehimiques, de Philon d'Alexan-
sont dans une certaine mesure tributaires du langage et de l'idéo- drie et du livre de la Sagesse. TI est cependant bien elair que, dans presque
tous ces systèmes, les éléments philosophiques sont très nombreu et, d'autre
logie de leur époque. De plus, l'expansion rapide de la nouvelle doc-
part, comme le terrain à défiieher était beaucoup moins 6tendu, cett~ Im.ü~tiou
trine à travers le monde a amené les écrivains chrétiens à adapter pe 8 'imposait.,&8 «1. '~e m~nièro a~i imptSrieuae, .
390 LA LITTtRATURE' CHRÉTIENNE LE NOUVEAU TESTAMENT 391
pas nécessaires pour le but que nous ~oursuivons ~ il no~ suffit de lui le créateur de l'univers et la source de tout bien, le père éternel
tracer les lignes générales de la pneumatologie néotestamentaÏre, qui go~verne le monde avec une bonM infinie 3. Ce oulte intérieur
pour pouvoir suivre l'influence qu'elle a exercée chez Jes auteurs est mis en rapport avec la véritable nature de Dieu: XVEÜJA.a 0 OEO;.
postérieurs et juger de l'importance qui lui revient dans l'évolution Quelle est la signification exacte du terme 1CVWJ.1a dans cette
générale de la doctrine du pneuma. proposition' Ce vocable se rapporte-t-ilen tout premier lieu à l 'uni-
1. TI Y a dans l'évangile de S. Jean, et plus spécialement dans versaliM du culte divin, qui ne serait la prérogative exclusive d'au-
le récit de la rencontre entre le· Christ et 1& Samaritaine, un texte cun peuple ni d'aucun pays' Si c'est là "le sens de cette parole, la
qui a exercé une influence déterminante sur la pneumatologie dès signification du pneuma johannique se rapproche trt.s fort du pan-
auteurs chrétiens. Jésus dit à la femme (qui vient de l'interroger pneumatisme de Posidonius et de la théodicée des 8utred stoïciens.
sur l'endroit où il faut adorer Jahvé) : « Dieu est mrEÜf1a, et il faut En effet, d'après les philosophes du Portique le pneuma divin n'est
l'adorer È'V xvEUJ.tan xal cU'r}OEUJ» 2. Ce n'est pas la première fois pas seulement présent dans le cœur de chaque homme, mals il anime
que JlOUS rencontrons cette expression: la. théodicée de Cléanthe, de le ~osmos tout entier: même la matière la plus vile est traversée par
Chrysippe et de Posidonins pourrait ~e traduire ~xactement par la ce s01ûfle divin. Cléanthe décrit ZeUB comme la divinité toute-puïs.
même formule; leur divinité immanenie est ,un pneuma subtil, qui sante, tenant dans ses mains invincibleJJ l'éclair, comme un glaive
pénètre, la réalité tout entière jusqu'aux confins de l'univers. TI à deux tranchantJJ:
faut se demander toutefois si les deux expressions, tout en étant cP <TÙ ?«lTEU{h}vELÇ XOLVOV ÀOYov, ôç lhà :rcavr<oy
matériellement les mêmes, recouvrent les mêmes conceptions. q>OlT~, JA.lyvUJA.E"OÇ JAetaÀolç JA.LXQOLç TE q>aeaaL'
Dans le récit évangélique, l'affirmation du caractère pneumati- ~ cru Toaoç yeyaw; "J'taTo; ~aalÂEÙç ~Là :rcavrOç 4.
que de Dieu est insérée dans un exposé qui traite du cuIte dû à L'universalité du culte divin pourrait donc parfaitement se justi-
Jahvé. Dès que la Samaritaine a reconnu dans son interlocuteur fier par le panpneumatismc de l'école stoïcienne: si la divinité pén~
mystérieux lin prophète, elle l'interroge sur la grande question qui tre le cosmos tout .entier, il n'y a pas de raison pour qu'on l'adore
,était controversée entre les Samaritains et les Juifs: en quel endroit à un endroit da préférence à un autre. Il faut cependant remarquer
faut-il adorer le Seigneur' Nos pères l'ont adoré sur le IIlont Gari- que, dans la pratique, les stoïciens se sont plutôt accommodé4!l des
zim, et les Juifs prétendent que c'est att temple de Jérusalem qu'il formes traditionnelles du culte, tout en leur donnant une nouvelle
faut lui rendre un culte. Le Christ lui répond que cette question signification en fonction de leurs idées philosophiques.
n'a plus aucune importanee: le moment est venu où l'on n'adorera Nous croyons toutefois que la signification primordiale du texte
le Père céleste ni à JénlSalem ni sur le mont Garizim. C'est l'igno- johannique ne se rapporte pas à l'universalité du culte divin, car,
~ance de la véritable nature de Dieu qui est à l'origine de ces cul- ce que'le Christ répond à la Samaritaine, c'est que cette localisation
tes locaux, comme si la divinité était une idole matérielle, établie à du culte n'a plus d'importance: c'est la partie négative de la répon-
un endroit déterminé et à laquelle on rend hommage par quelques . se. La partie positive est beaucoup plus riche: au culte local et for-
formalités extérieures. Cette conception païenne de Dieu et de son maliste, le Christ oppose l'adoration de l'âme tout entière; e 'est pré-
culte liturgiqp.e, que les prophètes n'ont pas cessé de combattre, est cisément en rapport avec l'intériorité de la vraie dévotion qu'il parle
donc sévèrement condamnée et définitivement abrogée comme un du caractère pneumatique de Dieu. Le passage en question pour-
vain formalisme. A cette religion extéri~ure, rituelle et locale, le rait donc se traduire de la façon suivante: Dieu étant pneuma, il
Christ oppose l'adoration faite par ce qu'il y a de plus intime dans 8 FR. BÜCH8EL, Der GeÏ8t Gotte8 itr. Neve,.. Te6famett.f, Giiteraloh, 1926, p.
l'homme: l'âme, intelligence et volonté. Ce que Dieu demande aux 504: «Jedenfalls meint der Batz: Gott ist nieht an einen on gebunden; da-
hommes, ce .sont des adorateurs véritables, qui adhèrent à lui de dureh dass man einen bestimmten Ort autsueht, kommt man ibm nieht üher;
toute leur âme et de toute. leur in.telli~~ce, qui :reconnaissent en mit aU den Ausserliehkeiten, die den Tempeltu1tua aut dem Ziol1 1lIl4 dem
Garizim bestimmen, hat du WeSeD Gottes nichts zu tun .,
2 Jo., IV, 24. i STOB~ Ed., l, ~, 12, po ~5, a
(SVJ', ~, 537),
392. LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE LE NOUVEAU TESTAMENT 393
faut lui rendre un culte pneumatique, c'est-à-dire un cu~te qui a sa custos; hic prout a nobis tractatus est, ita nos ipse tractat. Bonus
source dans ·Ie pneuma humain, qui est done une adhéSion ~e l'âme vir sine Deo nemo est ». On trouve donc, dans ce passage, une exhor-
tout entière et principalement de l'intelligence. Le Christ s'appuie tation à chercher Dieu à l'intérieur de l'âme· humaine, au lieu de
donc sur ~a ressemblance qui existe entre l'âme humaine et Dieu fréquenter les temples avec leurs cérémonies grotesqu~. Il y a ce-
pour déterminer la nature du .culte qui est dû à la divinité. . pendant une différence ,'essentielle avec le texte johannique: le
Ceci nous met sur la voie pour préciser le contenu du terme philosophe romain encourage son correspondant à une intériorité
3tVEÜJUl' appliqué à Dieu: l'emploi du même terme marque que la autonome, qui résulte directement de sa· théodicée immanentiste. Il
perfection divine se trouve en quelque façon sur le même plan que suffit pour s'en apercevoir de rapprocher le passage cité, d'une
la . perfection de l'âme humaine. Ainsi que l'affirme la Genèse, autre lettre, adressée au même Lucilius, où Sénèque dit: « Ratio
l 'homme a été créé à l'image de Dieu : après en avoir ·formé le corps autem nihil aliud est quam in corpus humanum pars divini spiritus
du limon de la terre, Jahvé insuffla dans ses narines un. souffle de mersa )) T: il n 'y a pas seulement une ressemblance entre l'infinie
vie. Il y a donc une parenté étroite entre l'âme humaine et Dieu. perfection de Dieu et l'âme humaine, mais le principe vital de
Si le principe vital de l'homme est 1CV~lla, Dieu l'est également; l 'homme est une partie du pneuma divin. Il en résulte que l'inté-
la divinité ne peut donc pas être conçue comme une idole matérielle riorité dont parle Sénèque est une autarcie présomptueuse, tandis
et sans vie, mais comme le principe premier de la vic et de la vérité, que le Christ nous exhorte à une adhésion à Dieu avec toute notre
. Dieu n'est pas perceptible aux yeux du corps fi; il est au contraire âme et notre intelligence.
la source suprasensible de toute vie et de toute vérité G. Le pneuma du texte johannique que nous venons d'analyser, est
On pourrait se demander une fois de plus si des exhortations donc attribué à Dieu en tant qu'il est l:t source transcendante de
analogues ne se rencontrent pas dans les ouvrages des-stoïciens. On la Vie supérieure et de la Vérité. Par là il s'oppose nettement au
trouve, en effet, chez les philosophes du Portique, 8urtout durant pneuma cosmique des stoïciens, souffle matériel qui pénètre la réa-
la période impériale, des accents qui témoignent incontestablement lité tout entière jusqu'aux confins du monde.
d'un sentiment religieu~ intérieur, moins officiel et moins formaliste 2. Un grand nombre de textes du Nouveau Testament parlent
que le culte populaire. Il y a surt.out un passage de Sénèque, .tlr~ d'un xvEülla personnel, qui a joué un rôle très important dans la
de la 41 e . épître à Lucilius, qu'on pourrait rapprocher de notre vie dp. Christ et dans le développement de la communauté primi-
texte johannique. Après avoir encouragé son ami à la persévérance tive. Toutes les interventions de ce pneuma puissant portent d'ail-
dans la recherche de la vertu, le philosophe romain ajoute: « Non leurs le mê~e caractère: elles sont orientées vers la fondation et
su nt ad caelum elevandae manus, nec exorandus aedituus, ut nos l'expansion du royaume de Dieu et se trouvent donc toujours dans
ad aurem simula cri, quasi magis exaudiri possimus, admittat;' prope la ligne de l'économie du salut. Ainsi, on lit dans l'évangile de
est a te Deus, tecum. est, intus est. Ha dico, Lucili; sacer intra nos S. Luc (I, 15) que Jean-Baptiste, appelé à préparer la voie du Sei-'
spiritus sedet, malorum bonorumque nostrorum observator [et] gneul", sera rempli de 1CvEiilla aytovdès le sein de sa mère (xal XVEUJ1a-
't'üÇ «y(oo 1CÀT)o{h]O'€l'aL Ën Ex xotl~ IlT)TQOç aÙToü), ce qui le rendra
1 :Jo., l, 18.
e :Jo., VI, 63.. - Cf. BUCHSEL, op cit., p. 505 : «Gott ist Geist heisst also : capable de remplir dignement sa mission de .précurseur. Dans l'an-
Gott iBt der iehhaft Lebendige, der WiBsende, der mit der Wahrheit so eng nonce faite à la Vierge Marie, l'ange dit également que le xvEVlla
geeinte, dass die Wahrheit der Gehalt seines Wesens ist und andererseits dureh aylov' viendra en elle' et que la puissance du Très-Haut la couvrira
ibn lebendig iBt, der in der M'aeht der Wahrheit dem Menaehen überaU gleieh de son ombre (Luc., l, 35: xvEÜlla aylov E1CEÀEÛO'E't'at È1Cl oÉ, xal 8Uvalll;
nahe ist, dem man damm nur in der eehten GeiBtigkeit, die die Wahrheit dem
Menaehen aufprigt, nahe iBt und dienen :kann. Kurz gesagt: Gott iBt GeiBt,
J,1PCatoo btLO'XulO'El O'OL) : la naissance miraculeuse du Christ s'ex-
das bedeutet: der Gehalt seines Wesens iBt die Wahrheit, wie die Form. seines plique donc par une intervention spéciale de ce xvEÜlla ayLOv. Et lors-
Wesens das Person-sein ». - L'auteur montre (pp. 485-490) qua, dans les épi- que, peu de temps après, Marie v~ troqver ~ cousine Elisa'beth,
tres de 8. :Jl"an, il y a un rapport très étroit entre le. :7tVEÜfU1 et la vérité, eommo
1l0US le VOlons d'ailleurs aussi dans le passage que nous examinons,
394 LA LITTtRATURE CHRtTIENNE

celle-ci lui adresse sa salutation prophétique dans une sorte d'exal-


tation mystique, encore une fois sous Pinfluence de ce même pneu-·
l LE NOUVEAU TESTAMENT

tion de l'Esprit dans l~ dilemme qu'il oppose aux accusations deP.


pharisi~ns d'après lesquelles il ferait appel aux puissances infer-
395

ma (Luc., I, 41: xal ~xÂ1}mh) m'eUJ.lŒt'oÇ dyLOO fJ "EÀwa6Et'). L'hymne nales pour chasser les démons ~T., XII, 28). Et lorsque, vers la
prophétique de Zacharie est prononcé également sous l'action du fin de sa carriè~e terrestre, il donne à ses disciples les recommanda-
:t\·EVJ.lŒ (Luc., l, 67). C'est encore ce même Esprit qui conduit Siméon tions suprêmes, il leur promet à son tour cne assistance spéciale du
au temple, où il verra le Messie, comme Dien le lui av~it promia nVWJ.lŒ ayLOv, qui les aidera surtout aux moments difficiles# de leur
(Luc., l, 25-27) 8. mission apo$to1ique (Mc., XIII; Il ; Jo.; XIV, 17; XVI, 7 et 13).
L'évangile de l'enfance, dans S. Luc, est donc rempli d'interven- Dans les Actes des Apôtres, S. Luc attire constamment l'atten-
tions pneumatiques. Tous les événements saillants de cette histoire t~on dU lecteur sur .le ~ôle capital qui doit être attribué au m'E1;J.lŒ
messianique sont mis par l'auteur sacré au compte du nvEÜJ.lŒ ayLOv. aylov dans la constItutIon de la communauté primitive. Déjà quann
Toutes les personnes Qui ·interviennent .dans ces récits pleins de le Christ prépare les apôtres à leur tâche missionnaire à travers le.
merveilles sont sous l'influence de son action puissante. A ce point monde, c'est sons l'inspiration du Saint-Esprit qu'il leur dOMe ses
de vue, il y a une différence assez frappante entre l'évangile de dernières instructions (Act. ap., l, 2); cependant, comme il connaît
S. Matthieu et ~elui de S. Lué: le pl"emier -rapporte les angoisses ~a disproportion en~re les forces humaines de ses disciples et la mis-
de Joseph .a~ sujet de Marie, angoisses qui ont été dissipées, non par sion ql1'il leur a coiûiée, il leur promet la desçente du Saint-Esprit
une intervention du nVEÜJ.lŒ ayLOv, mais par un ange du Seigneur sur chacun d'eux, pour les enhardir à porter leur message au monde
(MT., l, 20); c'est encore le même messager qui lUI enjoint de fuir entier (Act. ap., I. 8: àllà Â~J.l~Ea3E 8UvŒJ.lLV bcEÂ{}6Vt'o~ t'oü ayLou
en Egypte (MT., II, 13) et de retourner à son pays natal (MT., II, nVEUJ.lŒt'o;
,
.
ÈQ)' ü....' àç). Toute
.
l 'histoire de l'Eglise primitive, telle
19). Il est vrai que ces interventions, d'ordre pratique présentent un qu ell~ nous est racontée par S. Luc, est nne illustration éclatante
autre caractère que la grande œuvre de l'économie du salut, réalisée de cette promesse du Seigneur : en effet, le Saint-&prit est descen-
par l'Esprit. du sur chacun d'eux, ils ont été remplis'de ce nvEÜI1Œ aylov qui s'est
Au début de la vie puhlique de Jésus, à l'occasion de son bap- manifesté par la glossolalie (Act. ap., II, 4). A partir de ce moment
tême dans le Jourdain, nouvelle intervention de l'Esprit, qui des- se réalise pleinement la prédiction du .Christ, encourageant ses dis-
cend sur le Christ sous les apparences d'une colombe. Cet événe- ciples à la confiance en Dieu: c'est vraiment l'Esprit qui, aux mo-
ment est rapporté par les trois synoptiques (MT., III, 16; Mc., l, m~nts critiques, leur· dicte la conduite à suivre et les discours qu'ils
10; Luc., III, 22) : cette apparition du pneuma, accompagnée de la dOivent prononcer. Lorsque S. Pierre doit comparaître devant le
voix du Père céleste et placée au début de la carrière du Christ, G~and Conseil des J nifs, qui l'interrogent sur l'origine de son po~­
semble être la consécration divine de son rôle messianique. Ce pneu- vOIr surhumain, c'est l'Esprit saint qui lui suggère les réponsts
ma n'a pas quitté le Christ durant tout l'exercice de sa vie publique: n
(Act. ap., IV, 8). en est de même de S. Etienne qUi, sous l'aetio·n
o'est lui qui le conduit au désert pour subir vi~torieU8ement les du .1CVWJ.lŒ ·aYlov, dissipe toutacl les objections que des savants juüs
AttaQUes du diable (MT .• IV, 1; Mc., l, 12; Luc., IV, 1) .et d'après venus de tous les coins du monde viennent lui présenter (Act. ap.,
S. Luc, c'est. encore lui .qui le reconduit en Galilée après la tenta- VI, 10). C'est encore le même' Esprit qui l'assiste durant son inter-
tion (Luc., IV, 14). Le Christ lui-même fait mention de l'interven- 'rogatoire et qu~ l'aide à persévérer jusqu'au bout dans sa foi ehr~
tienne (Act. ap., VII, 55). L'apostolat de BarnaW à Antioche est
8 Parmi lei textel que noui eitons ici et d'autres que noua eiteronl dans la inspiré par le même Esprit (Act. ap., XI, 24): c'est lui aussi qui
mite, il en est dont l'interprêtation personnaliste ne l'impOse paa, du moins donne à S. Paul la force de résister aux intrigues d'Elymas à la
si on les eonsidère séparément. D'autrea pa88agea au contraire, qui présentent
cour du proconsul de Chypre (Act. ap., XIII, 9). C'est toujours le
par ailleurs des traits de ressemblance frappants avea leI premiers,. visent incon-
teltablement un pneuma agis8:lnt comme une personne. Nous eroyons qu'il est même m'EÜf.LŒ qui le met en garde contre les dangers qui le mena-
de bonne méthode de nous appuyer 8ur ces derniers, don~ la sirifi~tio~ u 'el1t cent de la part des Juifs (Act. ap., XX, 23). TI est ~ntéressant de
pu d9uteuse, pour expliquer les ~\ltrell, noter à ce sujet la prédicpQq q'Apb'US, prophè~ d4J Judée; il sai-
,396 LA LITTtRATURE CHRÉTIENNE t~ NOUVEAU TESTAMËNT
sit la ceinture de S. Paul et se liant leS mains et les pieds, il lu.i Il n'est pas nécessaire de faire un examen très approfondi ni très
~édit, sous l'influence de l'Esprit, qu'il sera 'emprisonné par les détaillé pour montrer le caractère arbitraire de cette interprétation,
Juifs et livré aux mains des 'Romains (Act. ap., XXI, Il). Il faut surtout en ce qui concerne le rapprochement de S. Luc et de Plu-
noter, également que la possession du pneuma n'est pas la préroga- tarque. En effet, le n:VEÜJLŒ J.lŒVtLXOV du prêtre de Delphes ne pré-
tive exclusive des apôtres, mais que ce même esprit est communiqué sente qu'une ressemblance purement extérieüre avec le :7tVEÙJ.lŒ a.YlJJv
par eux aux autres fidèles: cette c<?mmunication se manifeste géné- des évangiles synoptiques et des Actes des apôtres. Comme noUs
ralement par la glossolalie, le don de prophétie e~ une sorte d'exal- l'avons montré plus haut, le pneuma de Plutarque est un souffle
tation. mystique (Act. ap., X, 45; XIII, 52; XIX, 6). TI n'est donc matériel qui, à certains endroits, se dégage de la terre, pénètre dans
pas étonnant que Simon le magicien se soit laissé éblouir par les le corps de la pythie et y produit une transformation de la "'''l~,
effets sensibles de la collation du pneuma et qu'il ait désiré' ardem- dont l'explication n'est d'ailleurs pas uniforme. Ce souffle manti-
ment acheter, aux apôtres ce pouvoir' mystérieux (Act. ap., VIII, que est donc inséré dans le monde matériel, obéissant aux lois de la
17 ssq). matière: il n'est pas à l'abri des cataclysmes cosmiques et un tre~­
Ces quelques textes suffiront· pour nous révéler l'importance de , blement de terre peut entraîner sa disparition à un endroit et son
ce pneuma dans l'histoire de l'église primitive. Tous ces tèms a pparition à un autre; la fissure de l'écorce terrestre par laquelle
posent évipemment une série de problèmes concernant la nature il pénètre dans le corps de la pythie, peut sans doute se déplacer.
exacte de l'Esprit en question. Comme nouS l'avons noté au début Il s'agit donc ici d'une force matérielle et impersonnelle, telle que
de ce chapitre, nous n'avons pas l'intention de faire dévier notre le climat, qui exerce une certaine influence sur le pneuma psychiq.ue.
étude vers le domaine de l'exégèse et de la théologie bibliques. C'est pourquoi il était, très important de bien choisir la personne
Il y a cependant une question que nous voulons traiter briève- qui devait rendre les oracles: celle-ci devait répondre à un enseinble
ment et qui est dè nature à p'I'ojeter une certaine lumière sur les de conditions qui assuraient l'action du pneuma mantique sur son
textes que nous venons de rapporter. Dans son étude sur le Pneuma psychisme. Nous' sommes bien loin, ici, des caractères du pneuma
hagion, H. Leisegang prétend que les passages des évangiles synop- évangélique: celui-ci se présente généralement comme un être per-
tiques où il est question du ~aint-Esprit comme d'un facteur déter- sonnel, qui transcende et domine le monde matériel et, dont l'acti-
minant de la vie et de la doctrine du Christ, n'appartiennent pas vité est ordonnée à l'établissement du royaume de Dieu sur la terre.
au noyau primitif de l'évangile palestinien: ce seraient là, des addi- Que le n:vEÛJ.la ayLOv soit une personne, les multiples activités q\l'on
tions postérieures faites en vue du monde hellénistique où ]e chris- lui attribue, nous engagent à l'admettre: il est vraiment le grand
tianisme commençait à s'infiltrer, et pénétrées des idées de cette épo- inspirateur de tous ceux qui collaborent au développement de la
que. L'auteur essaie donc de trouver pour tous les passages p~euma­ communauté 'primitive. C'est pourquoi Büchsel nous semble avoir,
tologiques de S.Luc des modèles dans le monde hellénistique: c'est raison de combattre la conception du XVEÛJ.la, qui considère celui-ci
surtout dans le :7tVEÛJUl J.Ulvn"ôv de Plutarque et dans le 1CV~J.la comttle une force impersonnelle 10; cette doctrine évangélique est
xQoq,,}tLXÔV de Philon d 'Alexandrie qu'il croit tenir les sources de d'ailleurs en continuité parfaite avec la pneumatologie de. la reli-
la pneumatol~gie de S. Luc 9. gion juive 11.
A côté du caractère personnel, la transcendance du xvEiiI.LŒ ayLOv
t H. LEISEOANG, PUtmla hagio-n, Leipzig, 1~22, p. 5: «Die fo1gende Unter-
luchung solI den BeweiB erbringen, dass alle Stellen, an denen in den synopti- 10'BÜCHSEL, 0,. cit., p. 225: .: Mit dem Kraft- und Kausalititsbegriff kann
lehen Evangelien vom heiligen Geiste a1s eines das Leben und die Lebre Jesu man die Geistvoratellung Jeau augenscbeinlich nicht ausreiehend wiedergeben.
tragenden Faktors die Bede ist, gar nicht zum ursprüngliehen, auf palisti- Der Geist wirkt ais Kraft, aber er iBt mehr Wesen &la Kraft ». L'auteur arrive
neuÎ8chem Boden erwachsenenEvangelium von Jesus geb9rten, 80ndem Ipiter à la même conclusion en examinant la pneumatologie de S. Paul (op. cit., pp.
in Rüeksicht auf du HeidentuDa und aus leinem Geist beraui entstanden sind U2-413) et de B. Jean (op. cit., p. 503). '
und lich a11 Zusitze oder Abinderungen der iltesten BestandteUe evan,eliseber 11 BÜCHSEL, op. cit., p. 200. Cf. H. VON BAER, Der Milille Geiri '" d'"
~rUet~rung erkelUle~ ~8~elJ» ~id., l" 32 8~. Luka88Chriften, Stuttiart, 1926, p. 131.
exclut aussi tout rapprochement avec le souffle mantique de plu;. M qUi les différencie, c'est la manière dont ces réalités sont conçues:
tarque. Le XVWJ1a. se -présente comme une personne d'une puissance le dieu des stoïciens est une réalité matérielle et immanente, tandis
surhumaine, dominant le monde matériel et réglant le cours deS que le Dieu du christianisme est un être personnel, immatériel et
événements: les formules trinitaires des évangiles et des épîtres de transcendant. n en résulte que le contenu formel du terme xvriiJlŒ
S. Paul le mettent au même rang que le Père et le Fils 12. Le moEÜJlŒ en est totalement transformé par rapport à la pneumatologie stoï-'
ayLOv devient de la sorte une hypostase divine, réellement distincte cienne. '
des autres Personnes de la' Trinité, et constituant cependant avec 3. A côté de ce xvEiiJlŒ ayLOv, qui est la source d'inspiration du
elles une Divinité unique. Nous .admettons pleinem~t qu.e cette christianisme naissant, il est question dans les documents du Nou-
signification du pneuma n'est pas totalement nouvelle dans le monde veau Testament d'un pneuma qui, à l'intérieur de chaque chrétien,
hellénistique: cependant l'ensemble dès caractères du pneuma néo- est le principe d'une vie supérieure. Qu'il B 'agisse ici d'une trans-
testamentaire ne se rencontre pas dans la philosophie antérieure ou formation de l'esprit humain ou d'un don céleste considéré en lui.
contemporaine. Ce n'est certainement, pas le pneuma' mantique de même, peu importe; toujours est-il que Ci pneuma présente, .par
Plutarque qui peut être considéreS comme la source de cette doctrine rapport à celui que n01l8 venons d'étudier, un caractère plus indivi-
scripturaire. duel, puisqu'il est ordonné à la justification de chaque membre de
Pour ce qui est ~e la pneumatologie de Philon d 'Alexandrie, le la communauté. C'est surtout dans les épîtres de S. Paul que se
rapprochement est évidemment beaucoup' plus facile à faire, bien rencontre cette nouvelle signification : un des thèm8.i fondamentaux
que le caractère personnel .et transcendant du nVEvJla nQO<pT}l'LXOV de ces lettres, adressées aux petites communautés chrétiennes que
n'y soit guère accentué. On s 'y trouve' cependant danS le même cou· 1'Apôtre des Gentils avait fondées dans quelques centres importants
rant d'idées religieuses : Jahvé présidant aux destinées de son peu- du monde hellénistique, était l'e:xkortation à vivre selon le pneuma
ple par l'intermédiaire de son mEÜJlŒ, car c'est' auX dirigeants du et à fuir les actes de la chair. Le dualisme· :7tVEÜJlŒ-O'clQ; est une des
peuple élu que ce don divin est accordeS en vue de Ifl haute mission _grandes antithèses de la littérature paulinienne.
qu'ils ont à remplir. Ceci nous montre d'ailleurs que la véritable Tout comme dans la pneumatologie johannique, le XVêÜJlŒ présente
source de la pneumatologie néotestamentaire n'est pas la philosophie dans les épîtres de S. Paul un rapport étroit avec la vie : il est le
hellénistique, mais bien l'enseignement de la Bible: nous n'enten- principe d'une vie supérieure accordée au chrétien en' vue de ,la
dons pas par là que la doctrine néotestamentaire n'est qu'une copie justice: 1'0 ôÈ XVEiiJlŒ tco~ ÔL<1 ôl.xaLOmJVl)v. « Et si l'Esprit de celui
de la théologie de l'Ancien Testament, mais qu'elle 'est en continuité qui a, ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a
1
avec elle. ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts vivifiera aussi vos corps
Il n'est évidemment pas difficile de trouver des analogies à des mortels (tcoO:7tOI.~O'EL xŒl l'à 9vt)Tà O'WJlŒl'Œ UJlwv) par SOn Esprit qui
dootrines déterminées rattachées à un terme. Mais ce qui importe, habite en vous. Ainsi donc, mes frères, nous ne sommes point rede-
ce n'est pas une ressemblance matérielle, maïs une coïncidence for- \rables à la chair de vivre selon la chair., Car si vous vivez selon la
melle. ~ philosophes stoiciens appliquaient le terme nVEÜJ.lŒ à peu chair, il vous faut mourir; mais si vous faites mourir par l'esprit
près aux mê,mes réalités que les auteurs du Nouveau Testament: les œuvres du corps, vous vivrez» (Hom., VIII, 10-13; trad. LA..
GlUNaIt). Ce pn~uma est donc tellement source de vie qu'il ne l'èst
12 P. GAlI:TCBER, Zum Pneumabegrilf (Ù' hl. Paul"",, Zeitaehr. f. kath. Theol., pas seulement pour l'âme, mais aussi pour le corps : car la surabon-
53 (1929), pp. 345-408. L'auteur examine un grand nombre de passages, dans dance de la vitalité de l'esprit se commuiliquera également au corps,
~ea épUres de S. Paul, où le pneuma eat mis en rapport avec 9EOç et XQunOç : qui sera ressuscité un jour pour une vie sans déclin DS.
du simple fait que S. Paul emploie ai fréquemment cea trois termes ensemble,
l'auteur, 8e plaçant done à un point de vue purement formel, tire la conclu- 13 1 Cor., XV, «: (J1CElQE'tctL (JwJU1 'l'UXLXOv, lYElQE'tctL (JWJU11CVt\lJU1TLXOv. Et
~on que le pneum,a doit être considér' comme une penonne divine, distincte lanvawf.&a 1IroX1X0v, Èanv xcti. 1CVt\lJU1T~6v. OÜT(Oç xai. yéyQwtTaL· .!yÉvEtO 6 1CQô).
deI deux autres personnes de la Sainte Trinité. to~ üvitQ(J)1Coç •AÔùL&. 6~ ",uxilv t<Üo'av • 6 laxaToç •AÔcl" E~ 1CVEÙf.Il.L tClKmOI.OVv.
4l>O tA tITTÊRA TtlR~ CitRÊT~N~ LE NOtrVEA U TESTAMENT 461
Les hommes qui portent en eux ce germe de vie sont vraiment d.es Le pneuma ne 8 'oppose pas seulement à la chair qui est pour
temples de Dieu (I.Ccw., III, 16: oùx oL~att O'Cl vaoç OEOÜ lan ~al "to ainsi dire le symbole des tendances les plus basses de l'homme ; il
moEÛJ'U TOÛ 9EOÛ Ëv uJ'iv otXEl; cf. 1 Cor., VI, 19). Le don qUI leur 8 'oppose également à la 'Pui~, qui est le principe naturel de sa vie:
est communiqué est une participation à la vie divine, dont les effets d'où la distinction· paulinienne entre 1'homme pneumatique et
débordent également sur l'organisme corporel: tous les chrétiens 1'homme psychique. Le premier est celui qui comprend les mystères
sont animés de cette vie divine; ~ussi S. Paul peut-il dire qu'ils de la religion chrétienn~. Le pneuma apparaît donc ici comme· une
constituent, avec le Christ à leur tête, un seul corps et un seul lumière spéciale qui permet de jeter· ·un regard dans l'abîme de la
esprit u. . perfection divine. Cette connaissance pneumatique contraste d'ail-
S. Paul en arrive ainsi à distinguer deux grandes classes parnu leurs singulièrement avec les doctes discours de la sagesse humaine;
les hommes: les· hommes charnels, qui vivent xaTù aelQxa, et les horo'; il s'agit ici d'une intuition immédiate qui ne suit pas les longs dé-
mes pneumatiques, qui vivent xaTà :rvEÛlla: « Ceux, en e~et, q~ tours des raisonnements scientifiques et qui ~t donc accessible aux
viv~t- selon la chair, s lffectionnent aux choses de la chaIr; m~lS plus simples et aux plus humbles parmi les hommes (1 Cor., II, 10
ceux qui vivent selon l'Frsprit s'affectionnent aux choses de l'Espnt. BSq.). Quant à 1'homme psychique, il. ne possède pas cette connais-
Et les affections de la chair, c'est la mort, tandis que les affections sance pneumatique. Comme il se place uniquement au point de vue
de l'Esprit, c'est la vie et la paix n(RfJm., VIII, 5-6; :~ad. OR~O~). de l'intelligence humaine et de ce qu'elle peut atteindre par ses
Ce pneuma est donc pour ceux qui le· possèdent un verItable prmCl~e forces naturelles, les mystères de la religion chrétienne lui parais-
de sanctification: il les écarte des convoitises inassouvies· de la chaIr, sent inacceptables: les objets de la connaissance pneumatique ne se
qui mènent à la mort, et il leur dicte la conduite à suivre pour répon- dévoilent pas au regard de l'~omme qui cherche à y pénétrer par
dre à la dignité de leur vocation (1 Cor., VI, Il). C'est là un des &es propres moyens (1 Cor., II, 14-15). Nous avons déjà eu l'oecasion
enseignements fondamentaux des épîtres de S. Paul, que le chrétien de parler de cette classification des hommes, quand notlS avons
doit vivre selon l'esprit pour se sanctifier tout entier, corps et exposé la pneumatologie des gnostiques; comme nous ne trouvons
pneuma (1 Cw., VII, 34; 1 Cor., VII, 1). Il ne s'agit pas; d'ail- pas de traces de cette .doctrine avant l'ère chrétienne, il est assez
leurs, d'un joug intolérable posé sur des épaules trop faibles; cette probable que la pneumatologie paulinienne est à l'origine de cette
vie pneumatique assure vraiinent la liberté et le bonheur de l'homme distinction et des doctrine.s qui s 'y rattachent. Il faut noter cepen-
(II Cor., III, 37). Dans l'épître aux Galates, S. Paul développe lon~ dant que, ~ous l'influence de l'imagination fantaisiste des gnosti-
guement l'antagonisme irréductible entre la chair et l'esprit: « Je ques, cette conception du pneuma a subi des transfo~ations consi-
dis donc: Marchez selon l'esprit et vous n'accomplirez pas les con- dérables: la plupart du temps on considère le pneuma .comme un
voitises de la chair. Car la chair a des désirs contraires à ceux de élément totalement hétérogène à la nature humaine, qui a été accor-
l'esprit et l'esprit en a de contraires à ceux de la chair; ils sont dé à cell~ci par une divinité bienveillante et qui asPire à se déli-
opposés l'un à l'autre, de telle sorte que vous ne faites pas ce que vrer de sa prison. terrestre. On reconnaît immédia~ment ici l'in·
vous voulez)) (Gal., V, 16-17; trad. CRAMPON. - Cf. Gal., III, 2). fluence du .dtialisme platonicien et pythagoricien. Le pneuma de
Et un peu plus loin: « Ce qu'on aura semé, on le moissonnera. Cel~i S. Paul ne se replie pas sur lui-même: il tend au con~aire à pén~
qui sème da~s sa chair moissonnera, de la chair, la corruption;· celui trer tout~ les manifestations de la vie humaine. n est vraiment,
qui sème dans l'esprit, moissonnera de l'esprit la· vie éternelle» commè nous l'avons noté, une source de vie, une participation 1 la
(Gal., VI, 8; trad. CRAMPON). Il en résulte évidemment un antago- vie divine. . .
nisme non moins violent entre les hommes qui vivent selon la chair H. Lietzm.ann note à ce sujet. que cette classification paulinienne
et les pneumatiques (Gal., IV, 29). est basée Sur une conception trichotomiste de la na~e humaine,
d'après laquelle 1'homme serait constitué d'une partie inférieure
Ëv aooJ.Ul 'Xo.i. ~v mot'ÜfU1, 'XClitOOç
14 Eph., IV, 4:
ri')ç Mi)Ot:OOÇ u.w>v.
xa.l Ëx),:,iit1}'t't lv 1·U.q. U1ICôL
Cf. 1 Cor., VI, .16-17; 1 Cor., XII, 13; Philipp., l, 27.
le
comprenant corps et l'âme (awJ.La, "",Xli) et d'une partie supérieure,
K
402 tË NOUVEAU TÊSTAMËNT 403
le mrEÛJ1Œ lIi. Il· fait remarquer en outre que cette séparation nett~
entre la lPVlt1, désignant la partie animale de l'homme, et le ltVf"",a, pas ,quelque chose d'isolé et de surajouté, mais pénètre vraiment
i:ndiquant le germe divin, ne se rencontre pas avant l'ère chrétien- toute l'activité humaine, y compris l'activité intellectuelle; mais il
ne 11. En effet, nous en avons trouvé déjà des indications chez Phi- est des cas où l'action divine dans 1'homme ~t tellement intense
lon d 'Alexandrie, mais cette distinction n'était pas encore bien qu'il abandonne le contrôle de ses facultés à une puissance supé:
nette chez lui, parce que, SOm; l'influence de la psychologie du Por- rieure: il arrive a~ que, dans cet état de dépossession de soi, des
tique, il se sert également du terme XVE\lJ.la pour désigner la partie hommes profèrent des ,paroles dont ils ne comprennent pas eux~
inférieure de l'âme humaine. mêmes la signification.
~ Il Y a un passage paulinien où le mrwfLa est opposé au voù;. .La p'neumatologie de S. Paul a été l'objet de multiples rechetc.hes)
I.,'Apôtre des Gentils y parle d'une prière qui serait faite ·par l'es- ~Isant surtout à en déterminer l'origine. Les exégètes se sont tour.

prit (1tVEÜfLa) , sans que l'intelligence (voùç) y prenne part, et· il nés d'abord vers la philosophie stoïcienne, mais ils ont bientôt aperçu
a.ttire l'attention $ur le fait que cette exaltation mystique ne pro- que la ~octrine stoïcienne· du pneuma est totalement étrangère aux
fite guère aux autres membres de la communauté chrétienne qui y conceptions. paulini~nnes 18. Aux yeux d'un grand nombre d 'histo-
sont présents: c'est pourquoi S. Paul a plutôt cherché à modérer ceS riens de la pensée' ancienne, Reitzenstein aurait trouvé' la solution
extases pneumatiques, avec l,ln réalisme plein de bon sens (1 Cor., de ce problème épineux en attirant l'attention du monde savant sur
XIV, 14) ~ Le pneuma désigne-t-il donc une faculté différente de la pneumatologie des papyrus magiques. Il y a, d ~après lui, dans
l'intelligence humaine f Le P. Festugière estime qu'il s'agit plutôt ces ~ocumentB précieux de la civilisation hellénistique des exemples
de deux états' différents de la même fa.culté: un état d'extase et de classIques pour toutes les significations que le terme xVEÙfLa revêt
dép'ossessiQn de soi, qui serait indiqué par le terme pneuma, et un dans les écrits de S. PauPD. Ces vues ont été reprises par H. Lietz-
état de conscience, d'intelligence, désigné par vo;;ç. L'auteur cite à mann dans son commentaire sur les épîtres pauliniennes ainsi que
l 'appui de son explication deux textes de Platon et un passage par d ,autres exégètes du Nouveau Testament 20. '

d'Aristote qui se rapportent à l'inspiration 17. Nous croyons cepen- Comme nous avons déjà exposé au chapitre In la pneumatologie
dant que le texte paulinien et l'explica.tion que le P. Festugière en des papyrus magiques, il nous sera facile d'indiquer brièvement les
donne. se rapprochent surtout de la conception philonienne de, la diffé.re.nces profondes' qui séparent cette doctrine de la conception
paulInIenne de J'esprit. .
l>ossession divine. D'après le philosophe alexandrin l'intelligence
hUn;J.aine se retire dès que le pneuma prophétique prend possession Il se présente tout d'abord une question chronologique. La plll~
de l'âme, pour. éviter que l'immortel ne, soit' contraint de cohabiter part des papyrus magiques que nous possédons actuellement et qui
avec le mortel. Il semble toutefois que d'après S. Paul, la cohabita,· ont été rassemblés et édités par Preisendanz, datent du' xv- siècle
tion p'a~ifique du pneuma et du voûç n'est pas exclue, puisque de l'ère chrétienne. TI n'est ,pas douteux cependant que les concep-
l.'homPle pneumatique, tout en poSsédant en lui d'une manière con- tions qui s'1; rencontrent sont beaucoup plus anciennes: les textes
tinue ce germe de vie divine ne se trouve pas toujours dans un
1.8 H. LIBTZKAHN', HIJtuJb~ l'Um NeveA Te.tameAf, III, p. 18: «Mit der
état d 'exa]ta~ion mystique. C'est que ce principe pneumatique n'est
8t~~en Lehre «Go" ut nvtVfA4. hat Paulus gar keine Berilhnmgspunkte."
BUCHSBL, op. cit., p. 420. . .
15 Handbuch zum Nev.en Testament, III, Die Briefe des AposteZs Paulus an
die Korinther, l, Tubingue, 1921, p. 91. 1~ ~TUNannrt Die .MUeAi8tischeA Jl,.terleAreligioMA, p. 11 :' « E.· sehefnt
16 Op~ cit., p. 91 ~ « Die Vorbedingung aber sowohl für die hier hervortre- no~ JUeh~ beobaehtet, daA alle die venehiedenen AbtonUligen, die du Wort
tcnd~ paulinische wie für die gnostische Ter~inologie ist die scharfe Trennung rtVEUJ&(l bel Paul1l8 am1immt, aieh in den ZauberpaP1l'i in geraden klas.isehen

der Bezeichnungen: 'lpUXtl für das aninlalische, vot;ç oder m'riiJUl für das Oott- Beiapielen wiederfinden.. Ibid., p. 312. '
liche.. Und, diese Differen,zierung ist bish~r in vorchristli~her Zeit n~eh nicht .20 H. LIETZlUlor, HIJAdbuch nfm NetleATe,tament, III, pp. 78-79: c In
il.achweisbar. •. ' . . dlesen. KreueD hellenistiseher Mystik .ind die Elemente zu finden· au. deDe~
d' ' verstehen
. le una BOnst unerklirllèbe pauliniaehe nvtVf14-Lehre historiseh zn
1'7 L'id6aZ religie1fZ dt!R grecs et l'ét'angilt', p. 209.
lat •• - Ct. J. WEIss, Der er.te Korifltherbrief, Gœttingue, 1910, p. 311 aaq.
LE NOUVEAU TESTAMENT 405
que nous possédons ont la forme de petits recueils, .qui servaient
sont là deux conceptions qui ne se rencontrcnt guère, parce qu'elles
de manuels aux magiciens dans l'exercice de leur fonction. D'aprèa
se meuvent sur des plans différents: Bergson dirait que ces prati-
A. D. Nock, la magie gréco-égyptienne se serait constituée au pre-
qUf>-S magiques appartiennent à la religion statique, tandis que la
mier siècle de notre ère, principalement sous l'influence du néo~
pneumatologie paulinienne relève de la religion dynamique 23.
pythagorisme, qui a connu à cette époque un .,moment de renais-
Pour ce qui est de la conception de Preisigke, d'après qui le pneu-
sance 21. L'auteur s'appuie principalement ~ur la comparaison des
ma magique, qu'il identilieavec le ka égyptien, serait à l'origine
papyrus magiques avec Lucain, VI, 507 ssq., où on raconte la con-
de la doctrine chrétienne sur la force divine agissant dans le monde,
sultation .de .la sorcière Erictho. par Sextus Pompée, et où 1'~uteur
elle nous intéresse moins directement, parce qu'elle ne s'appuie pas
relève de nombreux traits 'de ressemblance entre la manière d'agir
tant sur des textes scripturaires que sur des pratiques religieuses de
de 'la sorcière thessalienne et celle des magiciens égyptiens 22. S'il
la communauté primitive 2"'. Quand l'auteur se met A commenter
en est ainsi, .On peut difficilement soutenir que S., Paul, qui a ~rit
des récits évangéliques, tels que la guérison de l 'hémoroïsse (MT., IX,
ses épîtres vers le milieu du . premier siècle et qui ~'~vait pas de
20; Mc., V, 25; Luc., VIII, 43), il le fait d'un point de vue matéria-
rapports spéciaux avec l'Égypte, ait déjà subi l'influence de cette
liste tellement grossier, qu'il ne tient visiblement ~mcun compte .de
~agie au point que toutes les nuances. de. Sil pneumato1~gi~ en pro-
la doctrine générale du Nouveau Testament: il n'est pas dilficile'
viendràient; d'autant plus que la conclusion de Nock ne s'appuie
en effet, d'isoler un récit quelconque de l'ensemble dans lequel il
en aucune façon sur les conceptions pneumatologiques des papp1ls,
est inséré et d'en donner une interpr.étation d'autant. plus fantai-
mais· sur les grandes lignes des pratiques magiques ·elles-mêmes. .
siste qu'on en ignore davantage le contexte. Nous n'entrerons pas
Mais qui plus est, les de~' doctrines sont tellement éloignées l'une
dans le détail de cette explication, tout d'abord parce qu 'elle ~
de l'autre qu'il faut vraiment beaucoup de bonne volonté pour y
réfutée déjà par le spiritualisme indéniable de la doctrine évangéli-
découvrir quelques traits de ressemblance: dans les papyrus, il s'agit
que et .ensuite parce que l'évangéliste ne se sert pas du terme 1[VEÜJ.1Œ
toujours de 'la .descenie passagère d'un pneuma magique dans un
pour désigner la force divine qui guérit miraculeusement la femme
objet ou un être déterminé, en vue d'une réalisation concrète:. ven-
malade, mais du terme 8"VaJ.1l~.
geance qu'on veut exercer sur quelqu'un par qui on a été outragé,
Les analyses qui précèdent ne laissent pas l'ombre d'un doute sur
am.our inassouvi d'un cœur qui cherche à gagner la bienveillanc'e
la véritable origine de la pneumatologie paulinienne: il ne faut pas
d ~un autre, et ainsi de. suite. Tandis que le .pneuma de S. Paul est
chercher des rœsemblances lointaines et purement matérielles avec
Un principe de vie supérieure, qui habite dans l'homme. de façon
cette ·doctrine dans les papyrus magiques de l'Égypte, alors qu'on
permanente, en vue de la. sanctilication de son être tout· entier.
trouve dans l'éducation de S. Paul aux pieds de Gamaliel une indi-
C'est une véritable participation à la vie divine, qui ne nous rend
cation très claire des sources de sa pensée: le nvEÏiJ.1Q ao<plaç du livre
pas capables de jouer au thaumaturge (bien qu'il y ait eu souvent,
de la Sagesse, avec les échos que nous en trouvons dans la pensée'
au début du christianisme, des signes merveilleux de la communica-
philonienne, est beaucoup plus près de la véritable pensée de S. Paul
tion de l'esprit), mais qui nous enhardit" à soutenir vic-
que toutes les sources païennes qu'on a suggérées.. On se trouve ici,
t~rieusement la lutte contrc les convoitises déréglées ~e la chair.· Ce
non pas devant une similitude purement matérielle et e:rt~ue,
21 Grtle7& magical papyri, Journal of egyptian archa.eology, 1929, p. 221. mais devant une ressemblance formelle, c'est la même inspiration
22 .&rt. cit., p. 226: Voici le. principaux trai:ta de renemblanee qU'il relève: religieuse qui' a alimenté les deux auteurs; on y trouve la même
«The threata to deities, the eOnstraint of one deity bl another' of greater préoccupation morale et une conception analogue de la divinité. Ces
power, the method adopted in the fust 8peU does not work at once, the techni-
idées ont évidemment été élaborées par la personnalité puissante de
que oi getting a spirit or deitl as a 2tdQEÔQO~ or consort, the teebnique of
aUataot; 2tQOç "HÂwv, per80nal aclf.introduction to the frlendahip of· the Bun-
23 Le. dew: .ource. de la morale et dB la religioA, Paris. 1932, pp. 105 Ilq.
God, the aeeumulation of Egyptian, Jewiah and Babylonian divine name8, the
2' FR. PBElSIGKE, Die Gotte.kralt der lrii.hehri&tlicheft ~eit, Parrruainatitut
Use of J ewiah angelology ».
llei4elber~,Se4nn 6J ~rIm e~ Leifzii, 1922,
406 , LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE LE NOUVEAU· TESTAMENT 407
S. Paul, qui leur a imprimé lIa marque de son génie religieux, 'mais. Ce qui est important pour notre sujet, c'est que, dans certains
cette élaboration ne' brise pas la continuité de la ligne qui relie les textes de S. Paul, le pneuma ne désignerait plus l'âme tout entière,
deux conceptio~8. mais la partie supérieure de l'âme ou l'intelligence (1tVEÜJ.l.a = voüç):
4. Il 'y a enfin, parmi les textes du Nouveau Testament qui se l'apôtre en arriverait ainsi à une conception trichotomiste de l'hom-
rapportent au 3tVEÜJ.1a, un certain nombre de passages' où ce terme me, comprenant:To aW!la, ft 'Puxr1, TO nVE'I;J.1a. Voici le texte principal
désigne d'une façon générale l'âme humaine, le principe de la vie sur lequel on se base: AÙTOÇ ~È 0 SEOÇ ~ç ElQ~VllÇ aylaGQL llJ-tiiç
et de la connaissance dans 1'homme 215. N ons pourrions répéter à ce OJ"oTEÂELç KaL OÀO?tÂllQOV ÛJ.1WV TO TCvEÜJ-ta Kal '" ""'Xl}· Kal TO aWJ.l.Œ
sujet la remarque que nous avons faite en expliquant le texte johan- àJ-tEJ-tTCTWÇ Èv Til TCaQouaL~ TOÜ KUQLOU ftJ.1WV 'IT)aoü XQlatOü 'tT)QT){}El'l
nique relatif au caractère pneumatiqu~ de Dieu: il y a, dans ,les pas- (1 Thess., V, 23).
sages visés, entre la psychologie stoïcienne et- la terminologie scrip- Différentes interprétations ont été proposées de ce texte pauli-
turaire, une coïncidence matérielle qui n'implique pas du tout que nien: certains exégètes ne considèrent pas le pneuma comme une
les conceptions soient les mêmes de part et d'autre, car le. pneu ma partie constitutive de l 'homme en tant que tel. Il désig.nerait ici,
des .philosophes du Portique est un souffle matériel, établi dans le comme dans tous les autre~ textes, le principe de la vie divine à la-
cœur de chaque homme et qui, à partir de ce centre, anime le corps quelle nous participons, un don spécial de Dieu qui est accordé au
tout enti~r et est la source de toute l'activité humaine.· Toute la va- chrétien en vue de sa sanctification 21. Le P. Prat fait remarquer à
leur de ce principe vital vient de ce qu'il esf une parcelle de la divi- ce sujet: « L'énumération (TO rcvEÜJ.1a KaL f) 'PuXl} Kal TO aWJ-ta) semble
nité animant le cosmos. Ce matérialisme immanentiste est totale- prouver qU,'il s'agit de grandeurs de même ordre et l'adverbe àJ.1ÉJ.1n-
ment étranger à la doctrine néotestamentaire : le théisme spiritua- tWç s'appliquerait difficilement à l'opération du Saint-Esprit en
liste qui domine toute la pepsée des écrivains sacrés dans le N ouvea u nous. D'ailleurs il est certain que saint Paul emploie quelquefois
Testament n'est pas sans influence sur la psychologie qu'on y trouve. nvEÜJ.1Œ comme synonyme de VOÜÇ}) 28.
L'âme humaine est créée par Dieu, elle ,dépend entièrement de lui; D'après Büchsel, la signification de 3tVEÜJ-tŒ dans ce texte ne se-
et comme elle a été faite à l'image de Dieu, elle est la plus noble de rait guère différ~nte de celle de 'Pux.~: la juxtaposition de ces trois
toutes les créatures de ce monde, sans que cela ·implique qu'on puisse termes TCVEÜJ.1a, 'Pux.~, aWlla ne serait qu'une explication un peu trop
1'identifier ave~' la Divinité. Au contraire, .la chute des premiers o
riche et trop abondante des mots: ûJ.1iiç ÀOtEULç. On ne pourrait
parents a ·entraîné tous leurs descendants dans une même, déchéance donc pas conclure de ce texte que S. Paul ait été partisan de la tri':
et la réconciliation de 1'humanité déchue avec Dieu est précisément chotomie anthropologique 29. Il est vrai qu'il y a dans les épîtres
le but de l'incarnation du' Christ 26. pauliniennes un certain nombre de textes (Jù le pneuma désigne l'âme
t{)ut entière et où ce terme a donc exactement la même signüication
.25 Citons l titre d'exemples: M.T., V, 3; XXVI, 41; XXVII, 50; Mc., XIV,
38; Luc., l, 41; l, 80; VII!, 55; XXIII, 46; Jo., XIX, 30; ..4.èt. op:, VII, aussi le pneuma d6signe le principe vital de l'homme d'une manière générale,
59; XVII, 16; XX, 22; 1 PETRI, III, 4; JAC., l, 26; IV, 5; 1 Cor., V, 5; sans indiquer 8péeiale~ent la fonction intellectuelle, .sauf ~&J1I quelques e&1
VII, 34; 11 Cor., VII, 1; Hebr., IV, 12; Rom., VIII, 10 et 16. exceptionnels, plutôt rares. .
26 A. Bonhoffer(Epiktet und CÙJ8 NeUl1 Te8tament, Giessen, 1911, p. 163) a ri E. VON DoBSCHth'Z, Meyer;. Kommefttar'l~· Gœttingue, 1909, Hz". J'Ur'
attir6 l'attention sur une autre diff6renee encore:. «Vbrigens. besteht auch Triohotomie, pp. 230·232: Cf. A. BoNÈol'I'D, Epiktef und du Neu T.,.tGmeft.f,
aalin ein· Untersehied zwischen der ehristliehen und der stoisehen Anwendung p. 163: «In der Tat gehort das xveÜ).&4 bei Paulus Jl1èht zur Naturauastattung
des Wortel nVWpo., dass es hier nieht. wie dort das eigentlich Geistige oder das des Menschen, sondem ist ein übematürliehes Gnadengesehenk, eine tr&J1lzen~
geistige Prinzip, sondem sozusagcn dIe stoffliehe Basis des Ge~titten bezeieh- dent, gottliche .MaeM:t.
net; das Geistige in unserem Siun drüeken sie lieber durch """Xli oder TJY€f.'OVLXOv, 28 PRAT, La théologie de 8. Paul, 2 vol., Paris, 1929-1930, II, p. 62, note 4.
A6yoç oder 1[QO<lLQE(J~ aus ». Il est vrai que le pneuma des stoïciens ne désigne - Cf. BÜCHSEL~ op. cit., p. 416: c Es ist irrig zu behaupten, dass Paulus mit
pas l'Ame en tant que princi,e de pena6e, mais qu'il a une signification beau- mEü~a nur den gottlichen, nieht den menschlichen Geist bezeichne, oder daSl
eoup plus large, portant en premier lieu sur la nature de ce principe vital. ~ mEü~a, wo ea den menachlichen Geist bezeiehne, immer den ~ottliehen Geis~
:n aembl~ e~ ê~re. de ~~me pour la plupart dell textes ~ue ~o~~· "vo~ ei~8: Il. im Menaehen bezeiehne ».
:a BUcusa., op. cU.. p. 416, note 2,
408 LA LITTtRATURE ClIRtTIENNE LE NOUVEAU TESTAMENT 409
que ""'X1Î.- Par contre, il y a quelques textes -aussi où ce ferme d'une force divine accordée à l'homme et d'autres significations
s'applique plutôt à l'intelligence humaine et. où il s'identifie donc qui s'y rattachent. Ce qui a changé, c'est le contenu formel du ter-
,vec le vou; 30. TI n'y a donc aucun obstacle, de ce cÔté-là, .à lui me: la révélation judéO-chrétienne a introduit d~lns le· monde, non
attribuer la même signüication dans le passage qui nous occupe. pas une nouvelle terminologie, mais des idées nouvelles, des concep-
D'autre part, des indiceCJ positifs rendent cette dernière explication tions nouvelles sur ces·· réalités fondamentaleCJ, désignées par le terme
préférable: la structure de la phrase avec. la juxtaposition des trois pneuma. C'est ainsi que le pneuma s'est dégagé de sa si~ificati<?n
termes, reliés par la même conjonction, nous engagé plutôt à y voir matérielle et qu'il a été employé pour désigner des réalités qui trans-
les trois parties constitutives de la personne humaine. cendent le monde matériel et qui présentent deCJ caractères opposés
Ce- n'est pas. la . première· fois, d'ailleurs, que nous rencontrons à ceux deCJ êtres êhangeanœ et périssables qui nous entourent. Et tel
cette identification du XVtUJ.LŒ et du vo\i~. Nous avons trouvé la même est, croyons-nous, le contenu positif de cette notion dans le Nouveau
conception chez Philon d 'Alexandrie: il admettait franchement le Testament; le pneumatique, c'est tout ce qui se rattache de quelque
dualisme platonicien, tout en appliquant le terme pneuma à la partie manière à la Divinité, laquelle est, suivant la conception théiste,
inférieure aussi bien qu'à la partie supérieure d·e l'âme. C'est ici, nettement séparée des cr:éatures. C'eCJt Dieu lui-même, c'est le Saint-
croyons-nous, que se produit le grand revirement dans l'év~lution Esprit, troisième personne de la Trinité, c'eCJt la grâce, don spécial
de la pneumatologie ancienne. En effet, Philon et S. Paul se sont de Dieu en vue de la sanctification deCJ âmes, c'est l'âme humaine
servi du terme pneuma pour désigner ce qu'il y a de plus noble dans ou ce sont les anges, créés à l'image de Dieu. TI ne s'agit évidem-
l'homme: l'i,ntelligence. De plus, cette intelligence n'est pas conçue ment pas ici d'une indépendance intrinsèque vis-à-vis de la matière,
à la manière des stoïciens comme une réalit6 matérielle et mortelle, pouvant aller de ·pair avec une dé.pendance extrinsèque: ces déve-
mais comme· un principe vital immortel, transcendant les êtres ma- loppemenœ philosophiques ne viendront que beaucoup plus tard. Le
tériels et périssables, qui n'ont pas été, comme lui, eréés à l'image pneumatique désigne plutôt tout ce qui est transcendant au monde
de Dieu. - Pour se rendre compte du glissement qui s'est produit, matériel, ce qui est d'un autre ordre et est donc nettement distingué
il suffit de comparer la pneumatologie judéo-chrétienne à celle de des réalités matérielles qui nous entourent. C'eSt ce que nous appe-
Marc-Aurèle ou à celle de Plotin. On constate chez ce.s derniers une lons un « pnEmma spiritualisé». On peut se demander pourquoi les
certaine dégradation du terme: alors que leS anciens repré- auteurs chrétiens n'ont pas renoncé à ce terme qui, par une tradi-
sentanœ du Portique désignaient l'âme entière par le terme ·1tVEi'iJ1a, tion séculair~, était lourd d'une signification purem~nt matérielle.
il ne d&;igne plus chez l'empereur-philosophe que la seconde partie La réponSe ne nous paraît pas douteuse: c'est l'influence de la Bible
dans la hiérarchie des élémenœ constitutifs de l'homme; chez Plotin qui a été déterminante 'sur ce point. On voit une fois de plus que
comme dans la littérature hermétique, il est employé pour indiquer le christianisme a continué la tradition de l 'Ancien Testament, au
une certaine enveloppe de l'âme, que celle-ci revêt au cours de sa lieu de s'alimenter aux sources philosophiques ·et religieuses de la
descente sur la terre. pensée hellénistique. n l'a même fait avec une fidélité :tellement
Ceci permet de pous rendre compte avec précision du rôle que la scrupuleuSe que la pureté de sa dOctrine aurait pu en souffrir, puis-
pneumatologi~ de. la religion judéo-chrétienne a joué dans la spiri- que les apologistes de la religion chréiienne ont dû lutter longtem:ps
tualisation du terme 1tvE'ÜJ1a : c~ qui a changé, ce n'est pas tellement pour faire cOpiprendre aux païens convertis, mais "imbus d'idées
le contenu de la notion pris matériellement. - En· effet, on peut stoiciennes ou de conceptions empruntéeS ·aux religions à mystàres,
dire que le pneuma s'applique aux mêmes réalités dans le christia- que la terminologie de la nouvelle religion ne recouvrait pas les
nisme et dans la pensée antérieure ou contemporaine : il s'agit tou- doctrines auxquelles ils avaient adhéré autrefois. TI devait être, en
jours de la divinité, de.l 'âme humaine, du principe de l'inspiration, effet, bien difficile pour un stoïcien converti de se hausser à la
hauteur du spiritualisme paulinien, alors qu'il y trouvait continuel-
80 1 Cor., II, 11; V, 3 e~ 4; CoJ.~ I1~ li ~ çatf VI~ 18 ~ Phil. ~ IV, 23; U :ri17l~. lement la même .terminolo~ie que 4~ ~~ 4octrin~ auxquell~ il
~VJ 22; fhilem" 2~,
~V~l~ re~opc~,
1 410 LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE
LES APOLOGISTES GRECS 411
2. LEs APOLOGISTES GRECS.
un expOBé synthétique de la doctrine du pneuma chez ces auteurs,
Les premiers disciples du Christ étaient· des hommes simples, tout en marquant avec soin les divergences qui les caractérisent per-
recrutés en général dans les couches les plus basse') de la popula- sonnellèment. Nous espérons éviter par là les répétitions inutiles et
tion. 1\Iaiij il n'en a pas été toujours ainsi: déjà au deuxième siècle, un fractionn·ement trop poussé en une matière où il importe avant
la nouveUe doctrine ayait apporté la lumière et la délivrance à d~ tout. de suivre la marche progressive de la peDBée. Rappelons enfin
âmes ardentes qui cherchaient à se dégager du scepticisme paraly- qu'il s'agit ici d'une étude philosophique et non pas de théologie
sant la culture païenne. C'est à ce moment-là que le christianisme positive.
a dû prendre position vis-à.,vis des cultes à mystères et des systèmes 1. Nous savons que le caractère pneumatique de la divinité est
philosophiques qui se partageaient le monde civilisé: les membres affirmé non seulement par les phÜosophes du Portique, mais aussi
les plus cultivés de la nouvelle Église ont été amenés de la sorte à par· l'évangile de S. Jean. Tatien a repris cette formule johannique,
définir et à développer certaines doctrines, afin de les défendre contre tout en distinguant nettement la théologie stoïcienne de celle de
les .attaques de leurs· adversaires juifs eJ païens. Le personnage le l'Écriture Sainte: le pneuma divin dont parle l'auteur. sacré ne pé-
plus remarquable parmi les apologistes grecs du deuxième siècle est nètre pas la matière comme celui des stoïciens; c'est au contraire
incontestablement saint Justin. Homme d'une haute eulture intel- un être suprasensible, invisible et intangible, qui présente donc des
lectuelle, animé d'un désir ardent de la vérité, il s'est converti à la caractères totalement différents de ceux du souffle matériel du Por.
religion chrétienne et il a cOliSacré sa vie, jusqu'au martyre, à la tique. Il existe cependant des pneumas matériels qui circulent à tra-
défense de la nouvelle religion qu'il venait d'embrasser, Dans son vers le monde corporel, mais ils ne s'identifient pas avec la divinité
Dialogue avec Tryphon, il réfute les principales objections posées par et n'en sont pas des parcelles détachées: c'est Dieu qui est leur père
les juifs, tandis que, dans les apologies, il tâche de gagner les païens et qui les a lancés dans la matière chaotique pour en faire sortir
A la vérité qu'il vient de découvrir. Son disciple Tatien, qui était la variété J:tarmonieuse du cosmos 31. C'est pourquoi les païens ont
plein d'admiration pour son maître, a commencé par suivr~ ses tra- tort de se 'prosterner devant des idoles de bois ou de pierre, qui, tout
ces; cependant il n'est pas resté fidèle durant toute sa vie au dogme en étant pénétrées d'un pneuma, ne peuvent pas s'identifier avec la
chrétien: après la mort de Justin, il s'est écarté de l'orthodoxie divi~ité, puisque le souffle qui les anime est certainement inférieur
évangélique et s'est mis à la tête d'une secte séparée. Son D·isoours au pneuma divin et plus semblable que lui à la matière qu'il pénè·
aux Grecs, qui date probablement de sa première période, contient tre 32. Le monde est donc animé tout entier d'un souffle puissant:
déjà les germes de ses erreurs subséquentes. L'Apologie d'Athéna- les étoiles, les anges, les plantes, les eaux, les hommes et les ani·
gore, dont la personnalité ne nous est guère connue que par ses écrits,
présente des caractères nettement différents des polémiques violen- 31 TATIEN, Oratio ad graec08, ed. SCHWARTZ, Texte und Untersuehungen IV

tes de Tatien. Nous trouvons ici 'une pensée beaucoup· plus calme et 1, Leipzig, 188.8; eap. 2, p. f, 2 : m'€Ü~ 0 Oeàç, oU ô"1\XO)V ôui rli~ ül'1~ ~;"'ci­
plus sereine, qui, par un exposé bien conduit de la foi chrétienne, tow ôè "1t.X<ÜV xai. ~ci)y êv.alrtii OX"ltui"ow xcrca.oxeucxari)~, ~t'ôç "8 xai. ~~,
a.la61],,<ilv xai. O(N1"OOV C1Ü'fàç YeYovWç mm1Q. - Ct. op. cit., Co 12, p. 13, 8: nClQ«-
cherche à gagner la sympathie des hommes cultivés de son temps .. ,w, ""'(1
nl'1(JCcoç xat 0 XOOfAOÇ XCl"ci n.v ,,00 nmo"l1xO"C>Ç C1Ü'fOv WvufA.t.V "ci cpoWQO-
Nous aurons· à parler égalemen~, au cours de cette analyse, de la 'tEQa, "ci 3è [""va] "MO~ avof1014 xexnu&.évoç Où1\ JUIn "oû 3'1fUOUm<RivtC>Ç KVtÛ-
pneumatologie de Théophile d 'Antioche, qui était plutôt homme JUI"C>Ç J.LeUa.'lfPE'V "lucoù. - n est intéressant de remarquer qu'une des 6pithà-
d'action, mais qui nous a oonservé cependant, dans ses trois livres à tes appUquêes 1 Dieu par· l 'au~ur, cs 'est d 'ét.le civacpij~ nous avons vu en effet
que Cl6anthe prouvait le earactère corporel du pneuma humain par le contact
Au~lycos, un exposé simple èt· clair de la doctrine chrétienne, bien
qu'U y • entre l'Ame et le corps durant. toute la vie~ contact qui est rompu au
qu'il manque parfois d'exactitude et de rigueur dans la pensée. moment de la mort.
Nous aurions pu analyser successivement la pneumatologie de ces 33 Oraiio ad graeC08, e. 2, p. 5, 9: nêüç 3è ~1a xa.L lUtou~ Oe~ WtO<pUVOûJ.UUj
différents auteurs. Cependant, com~e on trouve che~ to~ des con- moeÜj.Ul yciQ' Ta '3ui 'ri\~ 'Ü11')~ ÔL~XOV, Ëlanov imaoXOV TOÛ OE&.O't€QOU moeUJ'aToç,
ceptions ~p.aloguesl nQus avo~ -cru qu'il était préférable de donner W(J~e~ ~è 'tÜ Ü1'P. n~JW'Cl)fdvov? où ""f'"doy in" ~ç ,,~ uuUp Oe~.
412 LA LITTÉRATURE cuntTIENNE tËs APOLOOISTÊS GRECS 4i3
maux, tous ces êtres sont pénétrés du même pneuma, malgré les dif- teur se sert pour désigner cette ~ctivité du pneuma (O"uvÉlEtal) nous
férences qu'ils présentent entre eux S3 • est bien connu par la philosophie stoïcienne, 9Ù il revient constam-
Tatien reprend donc aux stoïciens leur conception cosmobiologi- ment pour exprimer le rôle primordial du souffle cosmique (1CveÜJ.la
que, tout en rejetant l'identification du pneuma cosmique' avec la ÉXTlKOV) : il assure la cohésion des êtres individuels de même que la
divinité. Cette différence est essentielle : nous pouvons dire que le sympathie universelle du cosmos, base objective de la divination.
disciple de saint Justin a rompu définitivement avec ~e monisme m"a- Dans un autre texte, Athénagore dit que le pneuma joue également
térialiste des stoïciens, en introduisant cette distinction entre le pneu- un rôle dans le gouvernement du monde":" Dieu se sert du pneuma
ma divin et suprasensible et le pneuma cosmique et sensible. Le pour conduire, selon son bon plaisir (TtVLOXELtaL), les œuvres qu'il
panenthéisine stoï~ien est éliminé, Dieu n'est plus engagé directe- a produites. u . Bien que ce terme ne soit pas emprunté à la philo-
Ipent dans le monde maté;iel. L'élan vital qui anime le cos~os sophie du Portique, la pensée qu'il exprime répond parfaitement à
prend sa source dans la divinité suprasensible et semble occuper la pneumatologie stoïcienne: en effet, le souffle cosmique qui pénè-
une position inte:pnédi~ire entre la matière et ·Dieu: à ce point de tre la réalité tou.t entière n'est pas une poussée aveugle, mais une
vue ce pneuma cosmique de Tatien se rapproche de la ~uvaJ1~ inter- providence, qui préside au déroulement nécessaire des événements.
médiaire entre le monde et Dieu dans l'écrit pseudo-aristotélicien Si l'on compare maintenant l'activité qu pneuma d' Athénagore à
De Mundo, et du XVEÜJla J1€30QlOV de Basilide. celle du logos, on en arrive à la distinction faite par la théologie mé-
Nous touchons ici sur le vif les difficultés que .les apologistes de ciiévale entre la création et la conservation du monde : la première
la religion chrétienne avaient' à surmonter, du moment qu'ils s'adres- doit être mise au compte du logos et la seconde doit être attribuée au
saient à des païens cultivés, instruits de ]a philosophie et des scien- pneuma. Il n'eSt pas nécessaire, croyons-nous, 'd'attirer l'attention
ces de leur temps. Ils étaient amenés par les textes scripturaires à sur le caractère subordinatianiste de cette théologie: le logos et le
se servir du terme XVEÜJ1U pour indiquer la nature de Dieu, alors pneuma étant au service de Dieu, on ne peut pas les concevoir comme
que ce terme avait acquis au cours des siècles une signification étant placés au même rang que la divinité suprême.
matérielle dont il était bien difficile de le dégager. C'est pourquoi La distinction faite par Tatien entre ·le pneuma sensible et le
Tatien ne rejette pas purement et simplement la pneumatologie de pneuma suprasensible n'a pas été reprise par Théophile d'Antioche,
son temps, mais il admet, à côté du: soUffle cosmique des stoïciens, qui s'intéresse beaucopp moins à ces finesses de la pensée. Comme
un pneuma suprasensible, qui est le principe premier de la vie dans il s'ouligne très fort le caractère transcendant de la' divinité, il a
le cosmos. C'est donc le théisme chrétien qui a vaincu le monisme donné une interprétation nouvelle du texte johannique d'après le-
matérialiste du Portique et qui a introduit le pneuma dans le monde "quel Dieu est pneuma: ce 'prédicat n'exprime pas, d'après lui, l'es-
des réalités suprasensibles. senqe intime. de la divinité, mais un caractère extérieur, qui se rap"
Une conception analogue se retrouve dans les écrits d' Athénagore. porte à l'a~tivité divine dans le monde&8. Ce ~rme, en effet, "gardait
Pour celui-ci également, Dieu est l'origine première de. ~ut ce qui toujours, dans ie langage des lecteurs parens auxquels il 8 'adresse,
existe. ?iais il a été aidé dans l'exécution de son œuvre créatrice une signification matérielle. Voilà pôurquoi~~éoplille d'Antioche
par le logos, qui est proprement le démiurge du cosmos et l'artisan refuse d'appliquer cet attribut à Dieu de peur' de compromettre la
de Son harmonieuse splendeur; il a été aidé aussi par le' pneuma,
TroV, Ëvœ 'tOv &7Jf"OUQyOv 'tû'nr OMov VO<iW d.yivq'tov Oe6v' oMi faf.ieiç ~o.., (,cp' 00
qui est le principe de la cohésion univers~lle 34. Le terme dont l'au- 16ytp" "ôtôn~'tcu tcal 't~ XCIO' moO KVrif&4n CJVYixncu" 'tci XcMa. 'toiltO'V et.
, ~.xa' ~ ge6V.
33 Oratio ad graecoI, c. 12, p. 13, 28: ËOTLV oÙ'\' nvroJ.U1 F:v qxoOTijQow, mE'ÜJ.U1 ., IAgatÛJ flf'O é"riltiafl.u, eap. 5, p. l~J, 2: 00' oôv 'tâ. XOL~~'tU xat (,cp' 00
F:v ciyyÉÀolÇ, mrii~ I:v qnrco~ xal 00a.01, mE'Ü~ Èv civDQOmoiÇ, mE'ÜJ.U1 Èv ~cix>iÇ. tip ~J.U1n TtV1.Oxei'tw., 'tMOV xa.'tÛCl,...Mvno dvcn Oe6v.
"no 6è m-rliJ.U1 intŒQXO'V xai. 'tumov ôwtpOQâ.ç I:v uirtip xÉx't1}'tUl. ~8 .TJdoPmLK D'ANTIOCIlB, ~d ~ utolvoum, ed. J. Orrb, I~D4, 1861, l, e. 4,
.34 ATBtNAGOBl!, Legatio pro chridio1lil (Zwei grieehiJJehe Apologeten, 00. p. 10: Dieu est ineffable: 'to J.&.Èv d~~ 'tOÜ Oeoü clQQTI'tO'V' Kai. civÉx(J'QuO'tOv ianv
OIl'P"C}aN, Le11'zig, 11;0.1), ~l', 6, p. 124, 28: Et l'QCVVV oùx JO'tw ÜaEOç DMi.- ••. mE'ÜflU làv eÜtœ, clvWtVOi)v u'Ô'toO 1éyœ.
414 tA LITTiRATUnE citR:êTIÊNN~ t~s APOLOOrST~S 'GREC~
415
transcendance divin"e et d'être mal compris par ses contemporainS, tnobiologique du Portique: l'univers est conçu, non pas comme une
qui concevaient le pneuma comme une divinité matériel~e et imma- poussière d'atomes séparés et indépendants les uns des autres, mais
nente 37. L'auteur, étant au courant de la pneumatologie du Porti- comme un grand organisme, pénétré d'un souffle puissant. Cepen-
que, a év~té, délibérément, eroyons-nous, les expressions les plus dant ce pneuma ne peut s'identifier avec la divinité, il n'est què "le
caractéristiques par lesquelles cette doctrine se traduisait: c'est pour- souffle émis par Dieu pour animer la création tout entière. Nous
quoi il ne parle pas d'un souffle qui traverse le monde" tout ~ntier, retrouvons ici également la distinction que nous avons déjà relevée
mais d 'unpneuma qui entoure la création, et qui est lui-mê...me sou- chez les autres apologistes, entre le pneuma cosmique et la divinité.
tenu et entouré par la main de Dieu: le cosmos est comparé à" une Cette conception soulève évidemment toute une série de problèmes
grenade, dont l'enveloppe est constituée p~r le pneuma. C'est pré- conoornant la nature exacte de ce pneuma et de ses rapports avec
cisément à cause de cette enveloppe pneumatique que l'homme n'a Dieu~ problèmes auxquels nous pouvons difficilement répondre. Tout
pas la vision immédiate de Dieu, d~ même que la cochenille. qui se ce que nous pouvons dire, c'est que le caractère personnel de cette
trouve à l'intérieur de la grenade ne peut pas savojr. ee qui se. passe âme cosmique' ~e ressort guère des textes que nous venons de passer
eri dehors de la COSie 38. Ce pneuma, qui, d'après"le récit de la Genèse, en revue. D'ailleurs ce mélange de conceptions chrétiennes et stoï.
occupait une place- intermédiaire entre les eaux de l'abîme et· le ciel ciennes présente incontestablement des antînomies insolubles:' ce
avant. la séparation des éléments, afin d'empêcher les. ténèbres d'en- souffle divin, émanation directe de Dieu, est-il matériel ou im~a­
vahir le royaume céleste de la lumière, enveloppe maintenant le cos- t.ériel Y On a l'impression, en pa.rcourant les différents textes, qu'il
mos tout entier 39. Cependant on ne peut pas le concevoir comme s'agit bien d'un pneuma matériel, ce qui ne s'accorde guère avec
une couche extérieure, séparée soigneusement de l'univers créé. Bien le rapport étroit qui le relie à la divinité transcendante. .
au contraire, il est vraiment l'âme du cosmos et la source de sa vie: On se rend compte, à l'examen de ces textes, de l'influence pro-
avec l'eau il pénètré le monde tout entier jusqu'aux recoins les plus fonde que la "pensée stoïcienne a exercée dans le monde civilisé. Au
éloignés 40, à tel point que, si Dieu retirait, ne fût-ce qu 'un ins~ant, moment où ces apologistes grecs ont composé leurs traités, il y avait
ce pneuma, l'univers disparaîtrait 41. Malgré une .certaine diver- déjà plus de quatre siècles que Zénon de Cittium avait fondé son
gence de terminologie, nous retrouvons donc ici lil conception 'COs- école et l'ascendant de sa pensée se faisait encore s~ntir, non seule-
ment à Rome, mais même jusqu'à Antioche. Il serait peut-être plus
87 Ad Autolycu.m, II, 4, p. 54, OTTo: "'AllOL ô' aù 'to ÔL' O;"ov XEXOOQ'P(O~
exact d'avancer ici un autre nom que celui du fondateur de l'école.
:tvEÜlU1 OEOv OOylU1't('Çoucnv.
38 Ad Autolycum, l, 5, p. 16, OTTO: "Ov "q~6:Ttov yàQ Qoa, Éxouaa q>i..oLbv 'tov
Pour autant que nous pouvons en juger d'après certains traits de
nf.QLixoV'ta aÙn]v, lvôov lXÈL J.LOvàC; xal 8-rlx<1Ç :Ttolld<; ÔLaXOOQLt;O.reva.c; ôLà u~'oov ressemblance _que présente la pneumatologie des apologistes avec
~aL :Tto).loùe; ,,6xxoue; ÉXtL 'tolle; Èv aùTÜ xa"toLXoüvta.c;, OVtoo; 1) :Ttnaa "doLe,; :TtEQLi- celle de Sénèque, il est assez probable qu'ils ont plutôt' subi l'in-
XE'tClL \mo 't"EUJW'toc; "aL 'to :nvriiJ'9 'to :TtEQLixov CJÙv TÜ xdOEL :TttQLiXE'taL fnco XEL· fluence "de Posidonius d'Apamée, dont le panpneuinatisme constitue
Qà<; OtoU' WO:TtEQ oùv 0 X9xXO~ "riiç Qoà.; ivôov XCl't01XOOv où ôUVQ'taL oQiiv 'tà ~oo la base de son 'système philosophique. En effet, cette conception cos-
"toU Âi..'"tooe;," aVt~ wv ivoov, O"Ü'tooe; O"Ôôi clv&QOO:TtOc; iJ-l:TtEQLEx6~0e; ~'tà :TtUOl)<;
'riie; X'tLOEOOe; \mo. XELQO<; ~EOÜ où ôVva'taL OfOOQELV 'tov OE6v.
. mobiologique apparaît beaucoup moins danS "les systèmes d'Épictète
39 Ad Autolycum, II, 13, p. 94, OTTO.
et de Marc-Aurèle, contemporains des apologistes, mais' qui ,ne "s'in-
40 Ad A"tolycum, II, 13, p. 94, OTTo:,... :TtVEÜlU1 ôÈ 'to Èmq>EQ6JA.tVov i:Ttavoo téressa~ent plus guère à ces questions d'ordre physique.,,". "." ...
'tOÜ üôa'toc; ô iÔOOXEV b OEO<; de; tOOOy6vYtOLV TÜ x'tLatL, xa'Ôa..'"t8Q àv&Qoo:7t(p "",UX1IV, "Cette anàIyse.nous a permis également d'apprécier l'élément nou.
'tip ÀvtTip 'to i..vnov auyxEQŒaa.c; ('to yàQ :TtVEÜ1U1 ÂE:Tt'tov xai. 'to {JôcoQ.Âv["T<w) O:TtOOi vea"u que)e êJu:is~ianisme ,,~ ap.porté à l:a. pneumatologie du fortique.
tQ llÈY :ltVwl'4 "tQÉcpt) 'tÔ OO<oQ, 'to ôè \iôO)Q CJÙv 'til> :TtVEUJW'tL 'tQÉcpn Tilv xdoLv ô . . .:x-
La distinétion' de Tatien entre le pneuma sensible et le pneuma
\'oV~vov :TtaV'tax6oE •
suprasensible en est l'èxpression la plus claire: le· monisme matéria-
• 41 ..4.d ~tlfollfcum, 1, 7, p. 22, OTTO, parlant de Dien: o' OEJœ;"..roOa.c; Tilv yijv
bi. 't00v ilôa'toov xaL &oùç :nvEÜlU1 'to 'tQÉ(pov almlv, où " :TtVO~ toooyovd 'to :Ttiiv, ~ liste des stoïciens est abandonné et le pneuma est introduit dans le
aàv c:ruOXÛ TO :nvwJlQ :TtClQ' iauTq, ÈX;"d"'EL 'to :Ttàv. monde transcendant de la divinité. Théophile d'Antioche a suivi unè
autre voie en refusant d'identifier le pneuma avec l'essence intime
4ii; t~s ApOLÔOrSTES GRÊCS 411
de la divinité: il craignait que la pureté de la divinité transcendante regai"d vers le monde matériel qui l'entoure, sa substance est appe-
ne fût .contaminée par le conta~t de cette notion matérielle. santie par le prieuma hylique qui s'introduit dans l'âme et qui la
2.- A côté de la distinction entre le pneuma sensible et le pneuma pénètre tout enti~re : elle ne se sent plus éapable alors de contempler
suprasensible, Tatien a introduit une discrimination ultérieure dans les réalités célestes, non plus que l'auteur de cette œuvre harmonieuse,
sa pneumatologie, qu'il présente comme la doctrine universelle de la ni de devenir un pneuma pur 43.
communauté chrétienne. TI distingue le pneuma psychique, qui s'i- D'après la philosophie du Portique, le prooossus de l'ac~e de con-
denillie avec l'âme humame, et un pneuma surnaturel (tO ôÈ JA,E'ü;ov naissance était conçu comme une "CÛTCO><JtÇ ou ltEQO(O>C1~)V til ",uXÜ,
JJ.èv 'tii~ 'IroXiis), qui est une image et un reflet de la divinité. Ces qui, par la réitér:ation des mêmes empreintes ou des mêmes tr~­
deu; pneUlIlaS se trouvaient chez nos premiers parenb, afm qu'ils formations, ne pouvait pas manquer de l-aisser des traces dans la
fussent matériels par une partie de leur être, alors que par l'autre substance psychique. La doctrine qui semble être sous-entendue chez
"ils trans~nd&ent la matière '42. De l'ensemble des textes que nous Athénagore paraît être différente : ce sont plutôt les objets du monde
avons recueillis, il ressort que la signifIcation de ces deUx parties sensible qui envoient à· l'âme des courants pneumatiques, lesquels
n'est pas douteuse: il y a d'un côté le corps et l'âme, qui consti- sont assimilés par elle· comme une nourriture psychique.· L'acte de
tuent ensemble ·la partie matérielle de l 'homme, et de·l 'autre, le . connaissance eSt~ donc considéré comme une intussusception maté-
pneuma surnaturel, qui dépasse les YÏ;rtualités de la matière. rieHe à la manière de la nutrition. Ce qui nous intéresse particuliè-
On trouve donc dans la psychologie de Tatien une distinction ana- rement dans cette doctrine, c'est la distinction du J'tVEVf.LŒ "ÔÂlXOV et du
logue à ce~e qu'il a faite dans sa théologie. Il admet avee les philo- nvEVJ.tŒ XŒ{}-ŒQOV. Ce dernier cependant n'est pas, comme chez Tatien,
sophes du Portique le caraetère pneumatique et matériel de l'âme, une réalité surajoutée au pneuma psychique, mais plutôt une cer-:
sans la considérer cependant comme une portion de la divinité; et il taine manière d'être de celui-ci, qui, par le détachement des choses-
essaie de concilier cette doctrine avec la pneumàtologie chrétienne, de ce monde et la contemplation des choses célestes, ne cesse de se
qui présente des caractères nettement différents. De même qu'il purifie~ et de se libérer des entraves de la matière.
admet le caractère pneumatique de la divinité, sans l'identifier avec D'après Tatien, le pneuma surnaturel était présent dans i'âme.
une poussée· vitale, engagée dans le monde matériel, il reconnaît éga· de nos premiers. pàrents, mais il n'en est plus ainsi maintenant. Ce
lement la présence dans l'âme humaine d'un pneuma puissant, qui don divin est açcordé uniquement aux hommes justes qui, d~ns la
ne coïncide ni avec le principe vital de l'homme ni avec Dieu. TI y éonduite de leur vie, obéissent à la, sagesse; tous les autres, c'est-à..
aurait donc lieu de compléter la classüieation générale des pneumas dire ceux qui il 'écoutent pas la voix de leur conséience, eri sont
que nous avonS donnée· au début de ce paragraphe. TI y a, dans la privés et devieDJlent donc les ennemis de Dieu. TI· faut remarquer
hiérarchie du réel, d'abord Dieu, qui ~cupe le premier rang et dont cependant que toU15· les hommes profitent au moins indirectement
~e caractère pneumatique est attesté par l'Écriture Sainte; il y a de l '-effusio!l .du pneuma sur les privilégiés, car, ce don divin étant
ensuite le pneuma surnaturel, présent dans l'âme de nos premiers la source d'une connaissance surhumaine, les hommes pneumatiques·
parents, et enfin le pneuma psychique, qui coïnCIde avec l'âme :peuven~ révél~r. aux autres les mystères de l'avenir". Ce pne~a'
humaine.
Une conception analogue se reflète dans la d~ctrine d'Athén8.2ore 43 ÂTBtNAOOU, .üg. IWO chritf., e. 27, p. U6~ nÛOXE' ~è 'toÙ'to ~ f'dALCJooI
sur la nécessité du détachement vis-à-vis des réalités matérielles et 'tu 'tOO t.Mxoi, nooo~ XCIi. h"cwyxQa-6eiaeJ nveUfA4l'GÇ, où nQ~ 'tci OÔQUVI4
"ui. 'tOv. 'toU'tro'V nO"'I-nlv, àllci x(Î'tm nQOç 'tci aLye&a ~AhtO'UCKl, ·xa&oll.XQ)ç d:reLv,
de la pUl"ification de l'âme humaine par l'ascèse: si elle tourne son
00; JlOvov utJUl XCIi. ®Q;, oôxil'L mWfA4 xduQàv y,yvoJAiv'l. .
042 TATIEN, Oratu, ad graecoI, c. 12, p. 13 : lloo ~tW'tro'V 3wcpoQ~ LaJ.lEV f)- •• Ora~io ad gtTUOO8, e. 13,p. 14: m'EÜfA4 ~è 'to 1'00 geoo n<J,Qci :ràaw tAh 00x
"'''l/.,
f1I~, Jyy 'to fÙ'V xaML't(u' 'to 3i tuitov )lÈY "ri)ç ~ç Seoù ~i n<J,Qà 'totç o.v-
lan, n«Qà ~8 't1.(J' 'toi; 31J((J.~ nolLnuoJlÎVO..; XUl'uywoJ.lEVOV xui. <JUf.UteQUtlexc).
6Qrono~ 'to~ nooo'toL; \nriioxev, tva 'to tdv or, &o,v vlucoL, 'to 3i o.vronOOL Tii~
J.LEVOV 1:ij 'lNxii lSui :tQooyootûoeCIfY 'tu~ l.olJt(J.~ 'iNXat; 'to xexQ"Jl~ civiJyyew·
~~f)~.
"w al JAh ,",aOf'e"VU,.<1:ij> oocpu,. acpCcJLV aV1'a~ tq>ev.xov 'to nveüfA4 auyyeviç,
11
4ià L~s APOLOGISTÈS GRECS
se présente donc comme un don de Dieu, qui est aecordé ariX seules twijÇ). Tatien n'a pas Identifié ce souffle divin avec l'âme hUmaine,
âmes qui, par une conduite morale irréprochable, en sont jugées mais il l'a considéré comme un don gratuit accordé à Adam en vue
dignes. La nature de ce don paraît être tout d'abord d'ordre intel- de le rendre immortel. Le souffle de vie de la Getlèse a dônc été
lectuel: c'est un élargissement de l 'horizon limité de la connaissance identifié par Tatien avec le pneuma paulinien qui est une partici-
hnmàine. Le voile de l'avenir se dissipe a~ regards de l'homme pation directe à la vie divine.· Il en résul~ par ailleurs que l'âme
pneumatique, et il peut participer à l'omniscience divine. Nous avons humaine, également pneumatique, est co.nçue comme un souffle ma-
trouvé les mêmes caractères attribués à la présence du m'EÜ~a aocptuç tériel et mortel, exactement comme chez les stoïciens.
dans le livre de la Sagesse; on les rencontre aussi dans certains tex- Tatien ne cesse de mettre l'accent sur l'impuissance de l'âme
tes pneumatologiques de Philon• humaine, laiSsée à ses propres forces: plongée dans les ténèbres d'une
. Cependant ce pneuma n'est pas une illumination passagère- de ignorance profonde, elle est incapable de sc relever par ses seuls
l'intelligence humaine; il paraît plutôt être comme une parlicipation moyens. Attirée par les.réalités matérielles, qui séduisent son regard
directe à la vie divine: en effet, c'est Dieu lui-même qui fixe sa obnubilé, elle mène une vie terrestre et mortelle et ne parvient pas
demeure dans l'âme 'huinaine, en lui accordant son pneuma. Celui-ci il. s'éleyer au-dessus des préoccupations charnelles. Mais, du moment
se préBente donc comme l'envoyé de Dieu et le serviteur du Christ 45. qu'elle possède ce que Tatien appelle la syzygie du pneuma divin,
C'est pourquoi ée don divin est avant tout une source inépuisable elle est en état de monter vers les régions célestes, où ce don d'en
de vie: c'est le Verbe de Dieu, qui, étant pneuma lui-même comme haut la conduit 47. C'est pourquoi Tatien dit, dans son style imagé,
.son Père, accorde à l 'homme la vie immortelle pour le rendre sem- que le pneuma divin donne des ailes à ] 'âme humaine, tandis que
blable à la divinité créatrice 48. Il convient d'observer que la signi.. l 'homme qui ne possède pas ce don céleste ou qui en a été privé à là
fication fondamentale de ce pne-gma s'accorde avec celle que noue suite de ses péchés, demeure fixé à la terre comme un oiseau inipuis"
avons rencontrée à tous les stades de l'évolution: de cette doctrine: sant à s'élever jusqu'aux régions éthérées de la vie divine; il y a
il est un principe de vie et de connaissance. Cette signification est dans cet homme terrestre une àtOVlU, terme stoïcien et médical, qui
re~tée foncièrement la même dans la philosophie du Portique et dans SIgnifie un certain relâchement de la for~~ vitale 48. De même qu'un
la do.ctrine des écoles médicales à travers tout le cours de leur his- homme désarmé, il est exposé plus qu'un autre aux dangers de la
toire. Cependant ce n'est pas à la philosophie hellénistique qu'il guerre, pUIsqu'il n'est pas protégé par la cuirasse de ce pneuma
faut recourir pour expliquer cette pneumatologie de Tatien: eUe céleste 49. Ce don divin est donc associé à l'âme humaine dès le début
s.'inspire principalement du récit de la Genèse et des -épîtres de S. et vit avec elle comme son bon g~nie: il la conduit à travers lesdü-
Paul. Nous lisons, en effet, au début de la Bible, que Dieu a créé ficultés souvent inextricabies de la vie, aussi longtemps que l'âme
Phomme à sa ressemblance en le gratifiant d'un souffle de vie (:rcvoi)v obéit à 'ses instigations; par contre, s'il ne trouve en elle qu'obstina-
tion et mauvaise volonté, il l'abandonne à s~ propres moyens~ tan-
~t ~i J.1i) neLbôJ-LrnlL xa\ 'tOv ÔUIXOVOV 'tOÜ 1Wt0v6ol"~ Oeoü nCJ.QaLl"O-U~UL OeoJA.<1-
XOL f1ClJJ.OY ~neQ Oeooe6d; âveq>aLvOVto. 41 Oratio ad gra6COI, Co 13, p. 14:. Aui 'tovro J.&OVTa JA.èv ôWI.'tmJA.iv"1 (ecil 1) ~
~5 Oratio ad gra6COI, c. 15, p. 16: ..AOŒQxo; J.1h ow 1> l"ÉMLO; Oeo;, üvf}QO>- X~) nQOç nl V \iÂ."1V meL xclTro <M'wto-6vilaxouoa TÛ aaqXL, crot;UYLaV ôè XEXT1'It&év'I
n~ ôi ociQ~· ~Éo~ ôè 'ri\; OŒQXO; ","-,xtlt oxenxi) ôi rij~ "IJUXi)~ 1) OŒQ;. To ôè
~v 'toü OeJou nvrof-LCl'to; 0"" ÉatLV â6oitihtl"~, dviQXno.L ~È xQO; CÏ1teQ airrTJv OÔ".
'tOLOVrov 'ri\; <JUatooero; dô~ et JÙV 00; ·vo.ô; d'rh xa'tOI.Xt:LV tv airrip Oeo; f3o\IÀf:- yet xooQI.O. 'to mriif-LCl· 'toü J.1h yciQ latLV avm 'to ôlx1)n;Qt.OV, '""~ ôi xcl't0r6iv latLV
1) yivEC1~.·
'taL· ôLà 'tOÜ nQEa6roO'\'T~ nvrof-LClTO~. - Cf. Oratio ad graecoI, c. 13 ,p. 14.
4e Oratio ad groeco" c. 1, p. 7, 5: Â.oy~ YÙQ 1> btOUQcivLO~ mriif-LCl yeyov~ 48Oratco ad graecoI, c. 20, p. 22: Kôa~ yàQ -l}fA.ÜÇ ln xa-fnÂ.xeL, xaL ô,," QTa-
Wto TOÜ nvrof-LCl't~ xaL À6yo; EX Â.oyl.xij; Ô\1VclJUo>;, xaTà ~v 'tOÙ yevvtlO(1Vl"O; aù· ",{av ~v \iÀ."1V Ïlnt;"1Tw. n-riQO>o!.Ç yàQ 1) 'rii~ ","-,xii; mriif-LCl 1'0 -riÀ.eLov, 01tEQ o..'"toQ-
'tOv xaTQO; f'Lf'''10''V dXOva 'ri\; d-6avao~ 'tOv üvf}Qo>nov MOL"10ev, LV', WOï.EQ il QL'I'aoa ôLà ~v UJ.1ŒQTLaV mtT);ev W01tEQ ve()(Joo; xo.L Xaf-LClIJten1; ÈyÉVtTo. ~a6à.aa
dcpôŒQOLa nŒQà Tip Oeip, TOV airrOv 'tQ01tOV Oeoù J.1OLQQÇ civf}Qrox~ J.181"aÂ.a.6W-V Ëxn ÔÈ ri'Jç oÙQavLou auvOUOLo.c;, 'tcOv H.an6vmV lœ-rOUOLav bct1toihpœv.
xa\ 1'0 Q-fMvaTov. - Op. cit., Co 7, p. 7, 29: xaL 1> JA.èv xa'C' dxOva. TOÙ Oeoü YE- 49 Oratio ad graecoI, c. 16, p. 18: •.. OOOQŒXL yciQ nvroJwTo; bcO"QŒVLOU XQaO)-
yovoo.; X(OQL<Ji}M~ o.."t' o.irr~p Toi; nvrof-LClTO~ TOÙ Ô\1VQTro"tÉQOU 8vt]T~ yLVeTm. :CÂ.Lol'ÉvOi nciv 'to \nt' aù~oü neQL€XOfUVOV Oro<JaL Ô\1VUl"O~ iataL.
LES APOLOGISTES GRECS 421
dis qu'elle cherche à assouvir son désir d'absolu dans les. aberratioIiS trouver difficilement une preuve plus décisive du rôle que le chris-
du polythéisme GO. Wmisme a joué dans la spiritualisation de cette notion.
On peut donc dire d'une façon génér~le que le pneuma surnaturel Si le pneuma surnaturel de Tatien est pour l'homme un gage
de Tatien constitue dans l 'homme une lumière et un secours en vue d 'im~ortalité, le ~{J)nxov xvE11J1a de Justin semble être le principe
de sa sanctification personnelle. La vie humaine est élevée par ce premIer de la vie. Le composé humain d'âme et de corps réalise une
don divin à un niveau supérieur, infiniment plus noble que les union très passagère de deux élements qui ne possèdent pas la vie
préoccupations charnelles de ce monde. Cependant cette juxtaposi- par eux-mêmes. En effet, ce n'est pas seulement le corps qui se dis-
tion de la psychologie stoïcienne et de la pneumatologie chrétienne sout s'il n'est pas vivüié par l'âme; celle-ci également cesse de me-
ne laisse pas de soulever des problèmes très épineux, qui ne semblent ner son existence individuelle, du moment qu'elle n'est· plus anÏInée
pas avoir été entrevus par Tatien lui-même. Comment cepneuma pa~ le pneuma vital ~l. TI· est donc bien clair que le troTlXOV :7tVEÜJ.lU
divin, qui se présente comme un bon génie, protégeant et guidant de J:ustin ne coïncide pas avec le pneuma surnaturel de Tatien, qui
l'âme humaine, peut-il accorder à 1'homme l'immortalité, . alors que est un don gratuit de Dieu, accordé uniquement aux justes en vue
son principe vital est un souffle matériel' On comprend aisément de leur sanctification personnelle et les faisant participer "à la vie
que le pneuma surnaturel lui-même soit· immortel, mais on n'aper- immortelle de Dieu. Le pneu ma vital de Justin, par contre, est une
.çoit pas comment il peut communiquer à l'homme son immortalité, partie constitutive de l 'homme, puisque sans lui l'âme ne peut plus
tout en restant quelque chose de surajouté, qui peut se retirer de e.xjster, ~ais retourne à la substance d'où elle a été tirée. Nous ne
l'âme .dans certaines conditions. Sénèque parle également d'un spi- croyons pas que Justin ait repris sans plus la trichotomie psycholo-
ritus sacer, présent dans l 'homme comme le gardien et le juge de sa gique, qui a eu des défenseurs illustres au cours de l'histoire de la
conduite morale. Mais ce souffle divin s'identüie chez lui avec l'âme philosophie grecque. En effet, la partie constitutive du composé
humaine, tandis que, chez Tatien, il est une participation directe à humain qui est généralement mise à part, c'est l'intelligence (voùç),
la vie immortelle de Dieu. La doctrine chrétienne pouvait düficile- qui exerce un certain contrôle sur les pou~ées aveugles de la vie
ment se servir du système stoïcien "pour trouver son expression adé- passionnelle. Dans ses vues sur le pneuma vital Justin s'inspire de
quate : mais l'atmosphère intellectuelle de l'époque et l'expansio.n considérations d'un autre ordre : pour lui l'âme humaine n'est pas
universelle de cette philosophie matérialiste ont amené Tatien à seulement mortelle, mais elle ne possède pas la vie p~r elle-même :
tenter cette fusion, que nous ne pouvons pas considérer comme une celle-ci lui est communiquée sans cesse par le pneuma vital.
réussite. Tout ce passage du DiaÙJgue aveo Tryphon présente des accoin-
Cependant cette rencontre de la pensée chrétienne avec la philo- tances frappantes avec la doctrine de Plutarque sur la double mort,
sophie du Portique est très intéressante à notre point de vue, parce doctrine très répandue à cette époque. Justin distingue d'abord la
qu'elle nous montre clairement les éléments originaux introduits par mort de l 'homme, consécutive à la séparatio~ de l'âme et du corps,
le christianisme dans le" développement de la pensée humaine. Tout et ensuite la mort de l'âme, causée par le fait que le pnenma vital
en acceptant la pneumatologie matérialiste du Portiqn:e, du moins se retire d'elle. Bien que cette doctrine soit beaucoup plus déve-
dans ses lignes essentielles, Tatien admet deux pneumas qui transcen- loppée che~ Plutarque dans le mythe final de son De lame ifl. Orbe
dent la matière et qui n'ont do:q.c rien à faire avec le stoicisme: le
pneuma divin et le pneuma surnaturel dans l 'homme. On saurait
~1 JUSTIN, Dialogue al1tlO TryphOt&, ed. G. ABCBAlI:BAULT, 2 v~1., Pa·ris, 1909.
Dial., 6, 2; l, p. 34 : OU yciQ tôwv aVrijç (sell. Tijç 'l'uxiiç) Êat&."to ~'i\v Wç "tOÜ
Ge Oratio ad graeco8, e. 13, p. 14: réyovev ~ ow cnrv&W.L"tOV uQXii-&ev TÜ OEOÜ' Oll.d wmtEQ civf}Qro:fC>Ç où bLd na-n-Oç Êonv oùbÈ mMonv cid ~ 'l'vxii ""to
"to m'flj~'"tO bÈ mrEi;~ "ta:ut1}v ÉnEoi}a.L JA.'" ~oulotdvrlv avnl> xa"taÀiÀoI3tEV.
""'xii oWJ1(X, Oll.', o"tav bén Â.u6i}vnL niv UQJ'OVLa.V "ta,;,;'tlv, xa~aÀ.ECtt:EL Yi ",",x1l "to OW~
~ ~È wmtEQ Ëva."o~ Ti)ç ôuvuJA.Ewç aVtoû ~xnud\rrt xu\ bLà ~Ov XWQLOJA.Ov "tà ~a~ 6 avf}Qomoç oùx Ëanv, OÜTWÇ xaL, o"tav bin -niv ",",XT)V JA.'tl'XÉn dvaL, â:tÉatl)
"CÉùw ~-{}oQa.v JA.'" ~a~, ~'tl"toi)oa"tOv 8EOv xa"tà nMmav nollo~ 8EOÙÇ Q'VI- ~ _au't'i\ç "t~ t;'?"[l'Xo\, m'Eij~ )(a~ oÙ?Ç Éanv ~ ~uXT) Ën, Oll.ù 'Xa~ ami] o{t~"'V ~Â.~~
mwoE "to~ UV'tLOO4I'UJUVOUOL &a.lJ.100L xa"tuxo).ou{toiion. ~~LOE ~wqEL n<V,.v,
LA LITTtRATURE 'CHRtTIENNE LES APOLOGISTES GRECS 423
422
ZIl1W6, on ne peut méconnaître que la double désagrégation de .phom:- ce qu'il y a de plus noble dans l'homme, soit qu'il s'agiBse d'une
me ~tde l'âme humaine, distinguée par Justin, soit iD.$pirée par les partie constitutive du composé humain, soit qu'il s'agiS$e d'un don
mêmes c~nceptions eschatologiques. céleste, accord~ gratuitement par Dieu aux hommes justes. A ce
. On a SJuvent rapproché le texte que nous venons d'analyser, d'u~ ,point de vue ]a pneumatologie des apologistes se rapproche de celle
passage emprunté aux fragments du De f"l,.!urrectione, ouvrage d'au- des gnostiques et des alchimistes, qui sont manifestement sous l'in·
thenticité douteuse mis sous le nom de Justin 52. L'auteur y insiste sur fluence de la religion juive et chrétienne. TI convient de remarquer
l~ fait que l'âme est présente dans le corps~ dont elle est le' principe cependant que chez ces derniers le maté'rialisme du Portique n'est
de vie, et qu'A son tour elle est la demeure du pneuma 53. On peut généralement pas dépassé, malgré le, changement du vocabulaire.
se demander encore une fois s'il ne s'agit pas ici du pneuma surna- 3. On trouve encore chez les apologistes grecs leur doctrine sur
turel dont parle Tatien: un don gratuit de Dieu introduit dans l'inspiration, à laquelle nous devons nous arrêter un instant: nous
1Jhomme sans devenir pour cela une de ses parties constitut~ves. pourrons y recueillir quelques renseignements supplémentaires sur
Nous ne le croyons pas cependant, parce que les trois parties, sont leur pneumatologie. En parlant de l'inspiration prophétique des
placées sur la même 1igne, et surtout pa.rce qu'il est dit que ces grands m~gers du Seigneur chez le peuple juif, Athénagore
t~ois éléments seront sauvés chez les hommes qUi espèrent en Dieu. insiste sur le fait que le raisonnement personnel ne joue aucun rôle
Par contre, le pneuma surnaturel de Tatien est un principe de dans leurs révélations sur l'avenir (xat' ËxataaLv nov Èv auto~
salut, et n'a donc pas besoin d'être sauvé. Il semble· bien, '.oYlaJ.lwv) : c'est la conception du caractère irrationnel de l'inspira.
dès lors, que le pneuma dont .il est question dans notre tion, que nous avons rencontrée chez Platon et chez Philon d'Alexan·
texte est un élément constitutif du composé humain, exaetement drie. Ce dernier surtout met l'accent sur la prise de possession totale
comme dans le passage du Dialogue avec Tryphon. puech a donc du prophète par la divinité et il a même cherché à l'intégrer dans
tort, croyons-nous, de s'appuyer sur la psychologie trichotomiste de l'ensemble de ses idées philosophiques. Athénagore ne joint aucun
ce passage du De resurrectio-ne, pour rejeter l'authenticité de cet motif à l'explication qu'il propose; il se contente de dire que le
pneuma divin se sert du prophète comme d'un instrument, exacte.
ouvrage ".
Si l'on compare maintenant la pneumatologie de ces apologistes ment comme le joueur de flûte se sert de son instrument pour modu·
grecs A celle de Marc-Aurèle, leur contemporain, ou à celle de Ga- 1er les sons 55. C'est pourquoi, nous dit-il, il serait insensé de -ne pas
lien , la différence saute aux yeux. Dans la hiérarchie des parties vouloir écouter les prophètes, car, ce qu'ils nous révèlent au sujet
constitutives de l'homme, le 3tvE'U~.uitloV de Marc-Aurèle n'occupe que de Dieu et des choses divines, ce n'est pas dans leur propre Savoir
la seconde place"alors que le pneuma psychique de Galien n~ s'iden- qu'ils le puisent: c'est Dieu lui-même qui parle par leur bouche,
tifie pas avec l'âme humaine, mais n'en est que le premier instru- c'est le pneuma divin qui' fait vibrer leurs cordes vocales en vue de
ment, comme dans la psychologie aristotélicienne. Au contraire, chez dévoiler aux hommes de bonne volonté le mystère dè la vie dJvine H.
les apologistes du deuxième siècle, le pneuma désigne tout d'abord 55 ATHtNAGORE, Leg. pro chn..f., ,e. 9, p. 126, ,31, GD'I'CEJ:N: YOfU~(O <a.>
xo.~ ,,~ qltlo.,uxih~<Tt(h-(.~ xal btI.O'n}JLOVf<Ttcl'tOU<; mQÇ oüx CÏf''"Î't~ yeycnivcu.
, 52 K. HOLL, Fragmente oornicanÏJIcher Kirohenvater, Leipzig, 1899. De re.rur- ME 'trov MoooÉroç Me 'toov 'HoaWu xai. ~eQe:JLCou XCIi. '((Î)y 1o~<Ov :ltQOcp'r)'tcrrv, ot
recticme, pp. 36-49. L'authenticité de cet ouvrage est admise par Bardenhewe1' XC1'tt ÉX<Tt<lO'lV 't(Î)y iv amoiç loyLO'JUOv, XlvwlOClVt'oç ClÜT~ '(00 OeCou KYEVfA4'toç,
(Ge8chichte der alt7circhlichen Literatur, l, p. 228) et rejetée par Put"Ch pour li lvr}Q"(~o ise~aav, CI\rV1.QT)oa,dvov '(oU mWJ&4'foç, Ô)Ç et xal ClfI).1)TÏ)~
des raisons relevant de la critique interne (Le8 apologi8te8 greœ, pp. 261-275, aflÂ.àv i~o(U. '
339-342). 58 ATHtNAOORE, Leg. pro chrÏJIt., c. 7, p. 12:S, 21, GDTCJaN: ~"E~ &. rov
53 K. HOLL, Fragmente, no 109, 1. 2, p. 48: "VUXTt Ëv OOO.,ux"t'L Ëanv. Où tii ~È VOOÙJ.L€V xo.i. :7tt:1tLO"teVxo.J.L€V Ëxo~ :ltQOqnl"t'QÇ "UQ'tUQClÇt oi m'EÛJ'4't1. Mift) ËX:7te-
ü"Vuxov oiO~ ",",xill; WtOÂElJtoUO'J)I; oüx Ëanv· olxol; YÙfl 'tG oro.,ux ~I;t m'EU.,ux- q><.ovwlX<lO'1. xo.i. :lteQi. 'toù Oeoù xo.i 1tEQi. 'twv 'toù OeoU. E"IJtOLTe a·/iv xaL UfU~ auviaea.
'tG<; ~i 'l'UxTl olxOI;. Tà 'tQLa M 'to.Ü'to. 'to~ ÈÂnL~o. ElÂ.l.xql.vii xa~ :ltL<TnV OO~~L'tOY Xo.L tii 1teQi. TO Ovt<.Oç Odov rooE6eL~ TO'Ùç cillou<; :ltQoUxOV'tEÇ ~ Éa"CLv àJ.oyov
Ëv 'tq, OEq, ËXOUOL o<.OihioE'to.L. 1t<lQa.ÂlJtoV'tQÇ :ltLO'Tt:UELV T<il 1t<lQà 'toù Oeoù m'EU.,uxn Wç ~CIVCI )(E)(",'pWn l'à ",(Î)y
Gi Le. apolo(li8te8 (lrecs, pp. 272-273, n~0'P'lTrov' Ol'oJUl't<l, :lt~OOÉXE'" ôO$al.$ dv6~ClmLva.&$'
424 LA LITTtRA TURE CHRETIENNE LES APOLOGISTES GRECS 425
Il n 'y a donc pas lieu de parler d'une collaboration entre le prophète plus souvent il représente le xQo<prrClxov xvruJ.la comme' un être per-
et la divinité, puisque toute participation consciente· de la part de sonnel . qpj parle. par l'intermédiaire des prophètes 118: .le pneuma
l 'homme est exclue; l'inspiration n'implique pas une élévation. de parle et 8.git vraiment comme une personne qui, au' lieu d'entrer
la perspic2l!ité intellectuelle, mais une élimination complète de toute directement en contact avec les hommes, se s~rt des prophètes comme
activité de l'intelligence. On peut vraiment parler d'une possession intermédiaires pour transmettre son messa~e. Ce pneuma prophéti-
intégrale, qui ne présuppose de la part de 1'homme qu'une passivité que choisit même les rois d'Israël et leur confère l'onction royale 110.
pure et simple. C'était évidemment pour Athénagore un moyen C'est pourquoi nons ne pouvons adm~tt~ l'explication de Puech
facile de relever le crédit des révéla.tions prophétiques, que de les met- qui considère le pneuma prophétique de Ju~tin comme une force
tre entièrell)ent au compte de la divinité. impersonnelle qui est à la disposition du Verbe, le véritable inspira-
Quant à la "nature exacte de ce pneuma et à son rapport avec la teur des prophètes 80. Tous les textes que nous venons de citer et
divinité, Athénagore ne nous donne que fort peu d'indications. Nous dont nous ponrrions encore allonger la liste, s'opp~ent diamétrale-
avons vu plus haut qu'il concevait ce souille divin à la manière· des ment à ootte interprétation. Il suffit de comparer' 16 manière de
stoïciens, comme 'le principe de la cohésion des êtres et de la sym- parler de Justin avec celle de Plutarque et de Philon pour se rendre
pathie universelle, sans l'identifier avec la divinité: nous retrou- compte de la distance qui sépare les deux conc.eptions. Le pneuma
vons la même idée dans sa doctrine de l'inspiration. Le pneuma qui prophétique de Justin s'apparente plutôt au pneuma que nous avons
agit dans les prophètes, est un rayon de la lumière divine, une éma- distingué' dans notre analyse des textes néotestamentaires· comme
nation de Dieu, qui ne se sépare pas totalement de sa source, puis- étant le grand inspirateur de la communauté chrétienne primitive.
qu'eHe y retourne infailliblement, tout comme un rayon du soleil Cl7. Il n'est guère facile de préciser davantage la conception de Justin
Nous avons trouvé une conception analogue chez Théophile d'An- flur l'inspiration,. de dire surtout en quelle mesure il partage les
tioche, qui considère le pneuma, non pas comme l'essence intime de viles de Platon sur le caractère irrationnel qu'elle revêt. Comme il
la divinité, mais comme le souffle de l'activité divine dans le monde. insiste· beaucoup sur le fait que c'est le pneuma prophétique qui
La conception théiste du christianisme a ruiné le monisme matéria- parle, qui encourage, qui menace, qui choisit et qui oint, on pourrait
liste du Portique .. Le terme cl x ô Q Q 0 l a, dont se sert Athénagore croire que le prophète n'est qu'un instrument inerte, offrant à l 'in-
pour désigner le rapport du pneuma à la divinité, est d'origine phi-
Ionienne et néoplatonicienne; il est employé dans ces systèmes pour 118 1 .Âpol~, «,1, PAUTIGNY, p. 88: ÈôCôa.;e ôÈ f)~ To.Ü'to. TO ayLOV :7tQOCp1)'tLXOv

indiquer l'émanation progressive" des êtres intermédiaires à partir mEiif'CI ôLà MroOOÉ~ cpilaav Tep :7tQcOTCP :7tÂ.aa6'Évn <iv6Qôm<p dQi}crltw WEO TOÜ Oro\;
du Dieu suprême. On peut donc conclure que, dans la pensée d' Athé- OÜt~ ••• - 1 .Âpol., 38, 1, PAUT., p. 16. 1 .Âpol., 39, l, PAUT., p. 16.
1 .Âpol., 41, l, PAUT., p. 84. l.Âpal., 42, l, PAUT., 84. 1 .Â'po~.,' 47, 1, PAUT.,
nagore, le pneuma est rangé dans la hiérarchie des êtres supérieurs 98. 1 .Âpol., 48, 4, PAUT., 98. 1 .Â1'oJ., 51, l, PAUT., 104. 1 .ÂpoJ., 53, 4, PAUT.,
à proximité de la divinité suprême: il est avec le logos l'agent prin- 110. Dial., 32, 3, ARCH., 1, 140. DiaZ., 34, 1, ARCH., l, 148. Dial" 36, 2;
cipal de Dieu dans son
œuvre créatrice. ARCH... l, 162. Dial., 31, 2, ARCH., 1; 166. Dial., 55~ 2; AllCH., 1, 242: Dial.,
Il n'y a pas, dans les écrits de S. Justin, une doctrine achevée de 56, 3 i ARcH., 1; 248. DiaZ., 13, 2, ARCH., 1, 352. DiaZ., 43, 3, ARCH., 1; 190.
1'inspiration ~ivine. Cependant il cite très souvent l'Écriture Sainte; Dial., 56, 5, ARCH., 1; 248. Dial., 84, 1, ABCH., II, 50. DiaZ., 124, " ABeH.,
II, 240•. DiaZ., 11, 3, ARCH., II, 14.
ces citations sont introduites par quelques formules stéréotypées, G' Dial., 52, 3, A..aCH., l, 234-
qui donnent une idée de sa manière de concevoir l'inspiration. Le eo PuJ:cH. Le. GpoZogilfe8 greu, p. 325: c O'est le Verbe qui a parl6 ,par
lea prophètel et c'est lui qui inspire maintenant eeu des chretiens, qui .~i­
CS1 Leg. pro ohrist., c. 10, p. 127, GEFFCKEN: O'Üv~E' ~È Tep À6y<p 'Xo.i. TO vent un charisme. !l1Lia en la possession du Verbe, il ~te bien une eertaine
:7tQO<JlTITL'XOv :7tVEÜJW. c KVQ\.OÇ YUQ ~ qn}oCv c Ë'XTLoÉv J1E Ü{>XT)V oôrov U'Ù'fOÜ e~ ËQYo. force divine, qui a ~om 'esprit, qui se manifeste BOUI dei aspects ditf6renu,
U\ITOÜ ~ xo.LTO' 'XCÙ. o.\rto TO iVEQYO~ TO~ È'Xcprovoiioi. :7tQO<JlTITI'XWç ayLOv mEüJW s&gelJ8e, foree, conseil, pi6U... Cette force n'a pu nettement le earaetère d'une
MOQQOWV elVo.( CPo.f1EV TOÜ OtOÜ, WtoQQÉov ')((li. È;Co.va.cptQoJ1EVOV o)Ç OxTLVU f)).Cou, personne, et c'est pourquoi JU.8t~~ désipe Je VerJ?e ~ODl~e le v~ri~ble ÎDsfirl-
~ Lep. pro ohri8t.~ c! 2~: Wto~~OW ~ <p~ MO mt~~ 'to :7tVtüFL. t~u~ des frorhète,. _, .
426 LA LITTtRATURE CHR~TIENNE LES APOLOGiSTES GRECS 427
spiration divine une passivit~ absolue, comme nous ve~ons de le voir en a concl u qu'il identifie le logos et le pneuma, s'opposant par là
dans la doétrine d'Âthénagore., Mais cette interprétation, conforme à la 4,istinction des trois personnes de la Sainte Trinité. Cette iden-
à la conception platonicienne, ne repose que sur les indications con- t.ification ressortirait s-urtout de l'interprétation qu'il donne du récit
tenues dans les brèves formules dont Justin se sert pour introduire évangélique d~ l'Annonciation, où il attribue la conceptipn miracu-
ses citations de la Bible. Il y a, d'autre part, un pasage du Dia:ùJgue leuse à l'intervention spéciale du logos 8 •• Bien que cette question
avec Trypho.n où l '.auteur semble repousser cette manière d'enten- ait surtout une portée théologique, il est nécessaire de la traiter
dre l'inspiration, car il y pl!.rle d'un psaume que le mEÜJ1a ayLOv brièvement pour préciser la pneumatologie de Justin. ' .
a révélé à David, comme s'il 8'agissait d 'une comm~nication faite En ce qui concerne sa doctrine sur les trois personnes de la Sainte
de personne A personne 61. Cette conception un peu naive diffère Trinité, le P. Lebreton a montré que ~'apologiste ne s'écarte pas des
alors de celle d' Athénagore en ce que le prophète est l'instrument conceptions trinitaires du Nouveau Testament et de la communauté
'intelligent du message divin. chrétienne primitive. Pour pouvoir attribuer cette identification du
Nous pouvons peut-être rapprocher de ce texte cet autre passage logos et du pneu ma à S. ~ustin, il faudrait rayer de ses écrits plu-
du Dialogue avec TrypMn, oft l'auteur traite cette question: l 'in- sieurs passages où il fait à ce sujet les déclarations les plus formel-
telligencehumaine est-elle capable par ses propres forces d'atteindre les 85. Nous n'admettons pas, par ailleurs, l'interprétation de Puech,
à la vision divine' Tout en s'opposant nettement sur ce pointA, la d'après qui le pneuma serait une force impersonnelle dont le logos
présomption platonicienne, il admet cependant que l'intelligence disposerait: nous avons montré plus haut que le caractère person-
humaine munie d'un mEÜJ1a aylov est capable de voir Dieu 82. Ce nel de ce pneuma ne peut être mis en doute. Nous croyons que l'ori-
qui nous intéresse dans cette réponse, c'est qu'en repoussant le gine de cette aporie se trouve dans l'imprécision de la terminologie
mysticisme rationaliste de Platon, l'auteur préconise ce qu'on pour- de S. Justin et dall$ le fait que l'activité extérieure de chaque per-
rait appeler un rationalisme surnaturel: la raison n 'e.~t pas éliminée sonne n'est pas nettement circonscrite par lui; car, là où le texte
dans la contemplation mystique, bien qu'elle ne soit pas à même d'y évangélique parle clairement du pneuma qui descendra sur la Vierge
arriver par ses propres forces. N'en serait-il pas de même dans et la couvrira de son ombre, Justin dit que ·le pneuma en question
l'inspiration prophétique f Nous inclinons à le croire, bien que les est manifestement le logos; ~'est que ces deux termes n'ont pas en-
arguments sur lesquels nous pouvons nous appuyer soient loin d'être core la signification exclusive qu'ils ont acquise dans la tradition
décisüs. après des siècles de vie chrétienne. Puisque le pneuma est identifié
Une autre question, très débattue, concernant S. Justin, est celle par S. Jean avec la divinité, pourquoi ne pourrait-il pas désigner la
du rapport entre le pneuma et le logos. Ce qui prête à confusion seconde personne de la Sainte Trinité' '
dans ses ,écrits, c'est que, dans de nombreux textes, il attribue l'in- D'autre part, si, dans certains textes, l'inspiration est attribuée
spiration prophétique au logos, alors que, dans les autres, comme au logos et dansd'aut~es au pne~ma, c'est que l'activité de chaque
nous venons de le voir, elle est mise au compte du pneuma 63. On personne n'est :pas rigoureusement délimitée: il est même probable
que saint Justin envisage une certaine collaboration du logos. et du
81 Di4l., 34, l, ARCH., l, U8: "'En ~è xaL nQoç 'to nEioaL uJ!iiç on 'tWv ''l'Qo.q>wv
O'Û~Èv <n1V1]xan, xai. üU,QU 'l\'aÂJWÜ 't{!l Aautô U1fO 'tOÜ o.ywu nvruJ!aToç Et{>1')JA.ivou pneuma dans l'inspiration des prophètes, de telle maQière ql1e le logos
àvaJ!vr.oofUlL ... en serait la cause' médiate, tandis que le pneuma serait plutôt l'agent
8~ Dial., 4. l, ARCH., l, 20: "H 'tOv '9EOv ày{}Qomou vo\;ç O'\'"a' non: lli} immédiat. Nous ne voulons par urger cette explication, qui est peut-
o.y(ql nvEUfUln xtXooJ!1')JA.ivoç;
83 1 ..4pol., 33, 9, PAUT., 68. Dial., 55, 2, ARCH., l, 242.Pial., 38, 2, ARCH., 84 1 ..4pol., 33, 6, PAUT., 68: Tb nveiif.&4 oÙ\' xaL 'tÏ)v OOvaJ!LV 'tÏ)v nO,Qà 'toü geoü
1,170. Dial., 77, 2, ARCH., Il, 14. Di4l., 56, 6~ ARCH., l, 251. Dial.# 110, 3, oMÈv ruo VOll<JClL 9é~LÇ;j 'tàv l.6yov, Oç xal nQ(&)'toToxoç 't<l> 9E<l> ion, 00ç Mcoücrliç,
ARCH., II: 166. Diol., 128, 4; ARCH., Il, 258. Dial;, 129, l, ARCH., II, 260. o 1CQO~E~l.roJ!évoç nQocpt}'t1)ç Ë,,,jwae' xcù 'tomo U6àv bti. 'tÏ)v "O,Q9ivov xa\
Dial., 71,4, ARCH., II, 15. DiaZ., 19, 6, ARCH.; l, 88. POll" les lLutres passages, Ë1CI.(J)ewoov O'Û ~ui OUVOUOLaç, ciJJ.à 314 &uvuf't(I)Ç Ëyxuf'OVU xa'tÉ<1t110e .. ,
~f, l~~e~ 4~~ J'~d, d.' Arçhp,.m~p,.~n, 11, V. 356, (1.5 llj8to.re. clu elof/me cl~ la fri,,"é, II, Pl" 41~-480,·
428 LA LITTtRA TURE CHRÉTIENNE

être trop systématique. ){ais par ailleurs le monothéisme de Justin, On. trouve donc 0 chez eux un curieux mélanO'e de p. neumatoloO'ie
0
qui ~et l'accent sur la transcendance divine, exige une certaine fu- matérIaliste et spiritualiste, s'inspirant de doctrines très différen-
sion de J'activité extérieure des trois personnes de la Sainte Trinité. tes, qui pouvaient difficilement être fondues en .un système harm<r
nieux; il n'est pas étonnant, dès lors, que cet amalgame du stoïcisme
••• et du christianisme ne présente pas les cara~tères d'une pensée par-
faitement cohérente. . .
.
Résumons brièvement les résultats de cette analyse:
1. Ce qui ressp'r1; premièrement de l'examen que nous venons de
faire, c'est l'influence profonde que la philosophie du Portique a 3. CLÉlŒNT D'ALExANDRIE.
exercée sur la pensée des apologistes 66. La raison en est que les
.idées stoïciennes trouvaient encore au deuxième siècle de l'ère chré- Plus· encore que l'école chrétienne de Rome, où Justin et Tatien
tienne de nombreux adhérents: plus encore que la phi1œophie pla- ont pour la première fois confronté la doctrine évangélique avec la
tonicienne, ]e stoïcisme a gagné des couches étendues de la popula- philos~phie hellénistique, i'école catéchétique d'Alexandrie, dont le
tion de l'empire romain. En ce qui concerne plus spécialement la premier chef fut Panthène, un philosophe ·stoïcien converti, a· joué
pneumatologie du Portique, nous avons constaté que les lignes essen- un rôle de premier ordre dans l'histoire de la pensée chrétienne 68.
tielles en ont été reprises par les apologisteS: le pneuma cOsmique, En effet, nous avons pu constater au cours de cette étude que le
qui est répandu à travers la réalité tout entière et qui constitue milieu alexandrin était depuis des si~cles un centre important de
l'âme de l'organisme cosmique, de même que le pneuma psychique vi~ religieuse, philosophique et scientifique. Depuis _la conquête de
qui est conçu comme un souffle matériel, animant tous les organes l'Egypte· par les Romains, cette ville était devenue un centre cosmo-
corporels, se retrouvent dans ces apologies chrétiennes. On reconnaît polite, . où s'accomplissait la fusion de la civilisatiOn romaine avec
-donc chez ces auteurs du deuxième siècle les idées fondamentales la cult~re orientale, dont l'élément juif n'était pas le moins impor-
de ·la pneumatologie matérialis:te du Portique: le pneuma est, à leurs tant. ~ussitôt établi dans ce· centre intellectuel, le christianisme
yeux, un mélange d'air et de feu, com~e dans le système de Chry~ avait dû faire face à tous ies courants de la pensée hellénistique, qui
sippe 67. s'oPPos!lient à l'absolutisme intransigeant et à l'esprit de conquête
de la nouvelle ·doctrine. C'est là que se posait, plus qu'ailleurs, le
2. A côté de ces ressemblances indéniables, il y a cependant des
problème de l'attitude que le christianisme devait, adopter devant
divergences non moins importantes entre la pneumatologie des apo-
la pensée païenne; nous avons vU que les apologistes du deuXième
logistes et celle du Portique. En effet, à côté de ce souffle matériël
siècle avaient tenté de concilier le christianisme avee la philosophie
des stoïciens, ils admettent un autre pneuma, infiniment supérieur
stoïcienne, mais cette tentative n'était-elle pas compromettante pour
au premier, et qui s'identifie avec l'essence même de la divinité
la pureté 4e la doctrine évangélique f . "\
transcendante ou qui est unp. participation à la vie di·vine, reçue
Clément d 'Alexandrie, le successeur de· Panthène A la tête de
dans. l'âme humaine. Le pneuma prophétique de Justin, dont le
l'écol'8 ...e~téchétique, a adopté. vis-A-vis de ce problè.me une attitude
caractère pe~onnel s'impose avec évidence, présente également des
très large et très conciliante: au li~u d'opposer le ebristi~m~ à la
caractères opposés à ceux du pneuma mantique de Plutarque et de
philosophie grecque, il le co~goit plutôt comme l'achèvement de
Chrysippe. Les apologistes chrétiens ont abandonné le monisme ma-
celle-ci·, de sorte que la doctrine chrétienpe 'est représentée eomme
térialiste du Portique et l'ont remplacé par leur théisme spiritua-
la philosophie véritable. Toutes les recherches rationnelles qui ont
liste.
été faites par les philosophes grecs avant l'avènement du Christ, ne
66 BARTR-GoEDECKEXEYER, Die Stoo, p. 246.
81 T ATIJtN, Oratio ad graecolJ, 16, 21, 8cHWARTZ, p. 18: àULJA.OYeÇ 3è n:uvnç aUQ- 88 Eva. DE FA.YE, CUmet&.td'.Âlemta.drie, Paris, 1906, pp. 34-41.
?,WV J1iv QÙ ~)tTflvto.~ mE'UfW~LX~ 6i tat~V «Vr0i? ~ cru~~'$ ~ n:uqOç, ~ cii~, ,t E. BURID, Hiltoire de I.G phao80phie, l, p. 506.
tA tITT:ÊRATtm:E CHRÉTIENNE cttMENT, b'Àt.~~ANDRIE 431
sont pas considérées comme une vaine logomachie, mais comme un la substance primitive, qui est à l'origine d'une vIe iioûveÜe, est un
xaLl)ayro....bç· d;:XQLaTOV 70. C'est ce que nous verrons 'e1aire~ent, en liquide laiteux, auquel le sang de la mère se mélange; cette Bub·
exammant la pn'eumatologie des principaux représentants de Pécole. stance amorphe et plastique est pénétr~e d'un pneuma igné, qui
Clément. d'Alexandrie distingue dans l 'homme un double pneuma, pétrit et anime le fœtus et qui en fait un corps organique et vi·
qu'il désigne par une terminologie spéciale: le xvEÜ~a. oaQxlxov et le vant 71. li est superflu de dire que le rôle qui est attribué ici à ce
xv~üJla f1YEJlOVlXOV. Rien qu'à considérer cette terminolQgie, on Y souffle vital, correspond parfaitement à 111 pneumatologie du Porti·
reconnaît immédiatement un mélange de ]a pneumatologie stoïcienne ,que. Nous avons vu, en effet, que Zénon admettait à l'origine du
avec l'anthropologie paulinienne: 1'hégémon.ikon no~ est bien ~on­ m6nde deux principes: une matière amorphe et un pneuma igné,
nu pas les analyses antérieures, tandis que l'opposition aaQ~-xvEl;~a qui, à partir de' cette substance plastique, organisait toute la variété
est mi 'des thèmes fondamentaux des épîtres .de saint Paul.No~ harmonieuse du cosmos.
avons déjà renc'ontré une distinction analogue dans ~ psychologie Durant son séjour dans le sein maternel, le fœtw se nourrit du
de Tatien, qui admet à côté du souffle psyéhique des" stoïciens, iln sang de sa mère; cette nourriture reste la même bien longtemps après
pneuma sup~rieur dépassant toutes les réalités matérielles et appar- la naissance, car après l'accouc~ement le sang de la mère se trans·
tenant àu monde transcendant d~ la divinité. Le ~ualisme psycho- forme en lait.. Cette transformation se fait d'aiJleurs aussi sous l'in-
logique était d'ailleurs très répandu durant cette période; nous le fluence du pneuma, circulant dans les artères, tandis que le sang se
trouvons même chez des philosophes du Portique de l'époque impé· trouve dans les veines: le lait est constitué de l~ mousse blanche que
riale, tels que Sénèque et Marc-Aurèle, et chez les, 'médecins, tel le pneuma fait monter du sang, de même .que les vagues de la mer
Gali~n, qui -distingue également entre le X'VE'oJ1a too·t1XOV et le XVEÜJlCl sont surmontées d'une crête écumeuse sous l'action du vent 72. Cette
'VUXlXOV. Si ~ous relevons ce parallélisme, ce n'est pas que ~a distinc· . explication rappelle aussitôt la distinction faite par Praxagore . entre
tion d 'un d~uble pneuIQ.a présente partout les mêmes caractères et la les artères et les veines, les artères contenant le pneuma, tandis que
même signification, mais on peut constater ainsi que la dichotomie les veines sont remplies de sang. Cette conception a été très combat-
platonicienne s'était introduite au cœur même de la pneumatologie, tue par ies médecins postérieurs, principalement par Galien. Si nous
no'n seulement chez les auteurs chrétiens, mais même chez les. phi· la retrouvons sous la plume de Clément, c'eSt qu'elle avait encore
losophes et les hommes. 4e scie~ce. En ce qui concerne' les sources de des défenseurs à Alexandrie, qui a été très longtemps un centre célè-
la pneumatologie de Clément d' Al~xandrie, nous croyons qu'il faut bre de recherches médicales.
les chercher plutôt chez' Phi1o~ (qùi a été le premier à distinguer un De même que ies médecins de l'école pneumatique, Clément Îi18istè
double pneuina dans l'homme) et dans, les épîtres de S. Paul. sur le fait que la circulation du pneuma doit demeurer libre, sanS
N'ons avonS vu plus haut que les stoiciens concevaient la semence entraves dues à une cause quelconque. Ainsi, une nutrition excessiv~
C!otntne un liquide pneumatique, comprenant donc un élément actif
et un élément. passif. Clément semble partager cette manière de voir: Tl Paedagogu, l, 6 (GCS, CIblENT J)' ALUo, 1, 119 (STAmLIN): l:uflq>aVÈç ~o(·

\'UV lx ~oUTc.ov cLt<Îvtc.ov utfUl dvœ ~OÜ Uv&QCOJtLVOU o<i'fUll'QÇ nav 06aCav xal
'10 Evo. nl& FAYs, op. cit., p. 127 uq. L'attitude conciliante que Cl6ment ôTa xui. ~O XCll'à "(Cl(J'l'QOç l'O flèv nQ<Ïl'l'eW VyQoü 'latL oUc.TC'aDl.Ç ya.l.uxToe~~, Ë·
Iulopte vis·.·via de la pensée grecque, ne B 'étend cependant pu l toua les m:Ll'U liru.fUll'ouJ&ivrl CJOQxoÜ'tu.. -1) c:JVênaD&Ç ClÜn), m)"(VlIJ.&ivtl 6è: iv "Cfi vcm!oq.
.ysu,mel phllo~ophiques; il B 'oppose eatêgoriquement l la philosophie d'Épi. WtO ~o;, cpucnxoü xui. OEQf1OÜ nvEÛJVl1'Oç, \,cp' 00 6UU1:Minnèu l'O Éfl6Q'UO'Y, t;fPOYO"
cure et au maUrialisDie du Portique. n ne B 'intéresie pas non plua l toutes . V!Ll'UI.. 'Allà XClL ;&mi -n)v CÏ1wxVt)OLV uùihç MQÉcpn-m l'O :Jtu&.8Lo"Y Utj.1CRL ~c;
lei branches de la philosophie. C'est Il1rtout en théodiOOe et ~n morale qu'il Cl'Ù'tc;' utflCl't'O; YÙQ cpOOl.Ç l'OÜ y<iÂC1xl'QÇ -1} ~. - Cfr Strom., IV, 23 (GCS,
recueille avec soin les bribes de vérit6 qu'il ,. dêeou"vre et qu'il considère comme Cr.:fKENT. J)'ALU., II, 315, BTAEHLIN).
des emprunta • }!Ancien Testament. Ce qu'il reprend surtout l 'la philosophie 72. Piudo.gogw, l, 6, ST.uHLIN, l, p. 113. - Cf. PLUTARQUE, De Âmore pro--
grecque, c'est la ~anière d'exprimer sa pe~ avec pr6eisioD. et elarM, afin de lu, Co 3, oi95d .. 496 L P. WendIand a ~nelu de l'accOrd entre Clément d'Alexan..
faue accepter la sagesse chrétienne par les repr~aentants de la culture bellé- drie et Plutarque, que lei deux auteurs d6pendent de Musonius, le maître d'Épie..
biatique. tète (QlllU.tione, MtUo,.ia"Q~, Berlin, 1886, pp. 58.59). .
4àà
est nuisible à la croissance et au développement normal de l 'oi'gâ:. ciens est, en effet, à la source non seulement de toutes les manifesta-
nisme humain, qui sont arrêtés dès qu'une nourriture superfine em- tions de la vie sensitive et intellectuelle, mais aussi des fonctions
pêche la circulation du souffle vital 'l3. Nous avons vu, en effet, que physiologiques, comme chez les médecins. Le propre de Clément e-:t
lesphilosrphes' du Portique reconnaissaient au pneuma un mouve- d'avoir intégré cette pneumatologie matérialiste dans la doctrine
ment centripète et un :p1ouvement centrif~ge, dont le premier était paulinienne sur l'opposition entre la chair et l'esprit: ft aàQ; È:rcd}u~i
à la source de la cohésion des êtres individuels et dont le second était· xatà tOÜ :1tVEUJ.lŒtOÇ 'l5. TI en arrive ainsi à admettre le dualisme
la cause de l'expansion de chaque être; si cela est .vrai pour le mon- psychologique de Platon, qui distingue da~s l'homme une partie irra-
de inorganique, le déploiement normal de ce double mouvement est tionnelle et une partie rationnelle: la première est le :rcvtÜJ.lŒ aŒQxlxoV,
encore plus important dans les êtres Vivants, où toutes les manifes..· principe de toutes les fonctions vitales inférieures, telles que la'
tations de la vie- sont commandées par ce souffle vitaL TI n'est donc . nutrition, la croissance, le mouvement, la connaissance et l'appétit
pas ~tonnant que ~es médecins pneumatiques aient attribué plusieurs sensibles (le 9UJ.lOELÔÉç et l'E:rcdroJ.l'ltlxOV de Platon), de sorte que ce
maladies à l'obstruction des voies circulatoires du pl1euma. . souffle matériel embrasse toutes les activités vitales, en dehors de la
L'explication ,de la voix que no~ lisons chez Clément d'Alexan- connaissance intellectuelle et de la volonté 76.
drie, correspond ~galement à celle de Zénon, qui la concevait comme Il importe de remarquer cependant que ce souffle matériel ne
un courant pne~atique partant de l'hégémonikon et allant jusqu'au cons~itue pas une âme indépendante, juxtaposée au :rcVtÜJ.lŒ YtytJ.lOVl-
pharynx, analogue à celui qui est à l'origine' de la perception sen- xov. Le principe premier de l'animation de l'être vivant, y compris
sible.. Clément attire l'attention sur le fait que le pneuma de la voix, l'âme irrationnelle, est, cette fois, le pneu ma supérieur '11. De la sorte
Il 'il est trop comprimé dans les ~rtères du cou, produit un bourdon- il n'y a pas dans l 'homme plusieurs foyers vitaux, indépendants l'un
neme~t dans les oreilles. Il dit également que les anges n'ont pas de de l'autre, mais un seul centre, d'où partent les courants pneumati·
voix, parce. 'qu 'ils n'ont pas' de pneuma et ne' disposent pas des ques pour animer tout l'organisme vivant. Comparant la dichotomie
organes appropriés 'l4. psychologique de Clément à celle de Platon, on pourrait donc dire
Tous les textes que nous venons de passer en revue rappellent que l'autonomie des' différtntes zones vitales est moins grande" che:t
la pneumatologie médicale plutôt que celle du Portique, bien qu'il le philosophe .alexandrin; la pneumatologie de Clément'· se . ra.p·
soit difficile de faire le départ entre les deux: le pneuma des stoï..
'III Strom., VI, 6, SUEHLIN, II, 458: "0 ô' civ naX'UJ.llQÈ~ EX 'ril~ uJ1UQ'f~'
, '13 l',aedagogus, II, 2, SUEHLIN, l, 1>. 166: 'Avf}QwnoLÇ ôÈ 'tà JLÈV :n:oÀÀà ~Àci6T)v xEnaXUt1tdvov 'tUxn, 'tomo MOQUt'tE'taL crùv 'tep OClQXLX<p 1CVtUfUln . 'f<P xa.'tù rij~
~ ÀUm)v ÈvEyÉvvTJoE ftôovr., ôuon6-fr[Lav ôÈ XClI. À1\fu)v xal. à.q>QomJvTjv ft noÀ\I'tQoCP{Q ""'xii~ bn&uf.lOwn. Strom., VIl, 12, STAEHLIN, III, 51: ... cillà xai. 'ril~ ooofUl'tl.·
ÈvdXU'L TÛ ""'xii. Eùo.\I;il ôÈ ·xal. 'twv naCôoov 'tà oWf.Wl'a yCVECTÔaL q><10LV Et; t1ilxo~ tcii~ 'i"'xii~ xu'tE;avLcna.'taL· O'tOt1LOV Et16aÀwv cl<pTJVw.tovn 't<p àloy<t» nvWf.W'fL, on
Ltl.Ôl.Ômoov MO 'ril~ n~LnoUOTJ~ 'tQoq:rij~ • où yàQ xooÀ'ÛE'taL 'to clva'tQÉXov El; aV;T)v c.~ oÙQ; bn&uJ.U!L xa'tù 'tOù 1CViVJ1IX'to!i lO,
nvEÜf.W Til; noUil~ TQOq:rij~ clV'tlcpQa'tl'oUOTJ~ 'to rlntvO\IV 'tOÙ ôQOJ.lO". D'aprèll P. T6 St rom., VI, 18, STAJWLIN, II, 500: aùdxa 'C"i)v J1h tOO'tLX~V 3ûva.J.U.v,~V iJUU.
Wendland (QuaeBtÏQ1l.e, Musonianae), les livres 2 et 3 du PMagogue sont em· QLi X8'faL'to OQemuc6v 'te Xa.L aÙ;T)"CUCov xui. xo:&' oÀov tcl.vrJ'tI.XOV, 'to mriifUl dl.'q"·
pruntés presque littéralement à un ouvrage de Musonius don~ nous ne possé· Xev 'to CJOQxl.X6v, o;ux'VI)'fOV Ov xa.i. 2tavro ô..a 't6 'twv a.loih]oec.ov xai. 'tOù l.oLnOÜ
dons que des fragme!tts, les AOYOL ÔW.cpOQOL : il a établi cette thèse en com· O<OfU1'tClÇ MQeuOJ.llV6v 'ft xat x~ononaitoüv 3ui CJ<Ot1a'foç. BtrOfrJ., VI, 18,
parant, d'une part, le Pédagogue avec les fragmenta eonserv6s de Musonius ~t, STA~LIN, II, 500: 3ui 'tOÜ CJWfUl'tLXOÜ ~a m ~f.I.U't~ atcrlMVE'fa&. 0 üvf}Qwxoç,
d'autre part, en rapprochant le même ouvrage de Clément de certains textes Èltl.ituJ.U!t, ij6e-ca&., oQy(teTaL, 'tQicp8'f"'" aÜ;8'fa&. '. xa.1 &ia xa, 2tQ~ 'tdt; xQa;e&Ç &ui 'tm;.
du Pseudo·Mu8onius, de Tertullien et de Plutarque, qui dépendent également 'tou nOQWe-ca&. 'tùç XUT' ÏV'vo..av 'tt XaL 3ui:~oLQV, xa.1 btet.Mv xoaTÛ 'tœY bn6ut1LWv,
~6 Muso~us. pacnlrieL 'to i)yef'OVLX6v : de m&me que le eorpe ellt au service de la raison
'l. Paedagogus, II, 10, STAEHLIN, l, 209: ft cpoovi) ôÈ xal.. aVri) 'tov OJ'OLOV et de la volonté, ainsi le pneu ma charllel est loumia l la direction de l'intelli-
'tQonov 't'Ï> xQVEL nEnOVTJJ1Évll f.WQa{vuaL· ml?(vO'UJ1ÉVTJ~ yàQ "C'ij~ btupavda.~ lx·'toU gence. _
~.EQL:É,~ovtO<; at ,"Ql 'fOv aùxiva 1[~to~~C 'tE xal m1XVoUJL!V,?-L clQ"tTIQLa.L nQooava-, T1 Strom., VI, 16, ST.uHLIN, II.. 500: Ta l.oyUJ''t'LXOv '(OLWV xal. i)vt:t1OVlXOV
~.À(60'Uo~ 't.0 mrEÜJ1Q., O'ttVoxooQoUJ1tVO'\' ôè o.yav 'tOù'to nvLyO)UVOV WtOÔ(ô<OOL 'tOv aLTLOV dvai cpa.~v 'tft; O\ICJT(iCJtoo~ Till tci><t», ciUà Kal. 'foU TOOloyov J4ÉQoç l"",-
"lxOv. Cf. StrOm., YI, 7, STAEHl.IN, II, p. 460-461. X<ÏxrituL 'te Ka, f'ÔQLOV a.Ûtii~ eh-aL.
III
éttMENT D'ALEXANDRIE 495
proche ainsi de l'entéléchisme d'Aristote, tel qu'il a été interpré~ La différence entre ces deux pneu~as apparaît surtout dans l 'ori-
par Thémistius et par les auteurs scolastiques: l'intellect n'étant D'ine que Clément leur attribue: alors que, pour le pneuma charnel,
plus considéré comme une entité séparée et supra-individuelle, est
il admet le traducianisme stoïcien, d'après lequel ce souffle vital est
transmis par la semence, il enseigne que le pneuma supérieur ne se
ramené à l'intérieur de Pâme humaine et constitue avec elle le prin-
communique pas par la reproduction humcine 79•. Ceci rappelle la
cipe animateur de toutes les activités vitales. .
psychologie de Cléanthe, qui, tout en admettant le caractère pneu-
Il résulte de cet examen que la doctrine de Clément sur le
matique de l'âme humaine, assignait à·l'intelligence une origine
pneuma charnel est un mélange d'éléments stoïciens, platoniciens,
différente: celle-ci est introduite du dehors. On peut se demander
aristotéliciens et chrétiens: c'est ce qui différencie la pneumatologie
pour quelle raison une origine différente a été attribuée ainsi à ces
du philosophe alexandrin de celle des apologistes grecs du deuxième
deux pneumas. Si une partie du souffle vital du père passe aux
siècle, où nous n'avons discerné ·que des influences stoïciennes.
enfant~, c'est que ce pneuma est matériel et divisible. S'il n'en est
pas ainsi du pneuma ~upérieur, c'est probablement qu'il est iné-

•• tendu et indivisible; il Y aurait donc lieu de parler ici d'un principe
spirituel, dont les caractères s'opposent à ceux de la matière éten"
Au-dessus du pneuma charnel, dont le caractère matériel ne peut
due et divisible. Le caractère pneumatique peut donc appartenir.
être mis en doute Clément admet l'existence dans l'homme d'un
d'après Clément d 'Alexandrie, à des êtres qui, daœ la hiérarchie
XVEÜJ1a fJYF.J10VLXÔ:' dont le rapport avec' le premier est assez düfi-
du réel, sont au-dessus de la matière et qui s'en distinguent surtout
cile à détenniner.· En effet, bien que ce terme soit emprunté. à la
par leur simplicité absolue.
philosophie du Portique on ne peut dire que cette notion soit pure-
Là où Clément mentionne le nVE'I;Jl,Q sans spécification ultérieure.
ment stoïcienne. Ce qui la rapproche singulièrement de la psycho·
il désigne généralement la partie supérieure de l'âme humaine. Le
logie de Zénon et de ses disciples, c'est que ce pneuma, tout en é~nt
texte évangélique concernant la prière en commun, où le Christ dit
d'abord le principe de la vie intellectuelle et volitive, est cependant
qu'il sera présent- au milieu de ceux qui sont réunis en son nom, est
la source première de toutes les manifestations de la vie, quelles
appliqué par Clément aux différentes parties constitutives du com-
qu'elles soient 78. En effet, dans l'én~mération des différentes par..
posé humain: de sorte que cette communauté de prière se réalise tou·
ties de l'âme, Zénon juxtaposait 1'hégémonikon aux facultés sensi-
jours, même dans la méditation solitaire. L'énumération de ces él~
tives,·à la voix et à la faculté de reproduction, comme une des huit
ments constitutifs comprend !<JelQt ",uX1], :rc'\'EÜJ1a 80: ceci correspond à
parties de notre principe vital; cependant dans la description de
l'anthropologie que nous avons trouvée dans ia }?remière épître de
l'acte de la connaissance sensible, il fait toujours partir le courant
saint Paul aux Thessaloniciens. Il y a aussi un certain nombre de
pneumatique de l 'hégémonikon; c'est là aussi que ce même courant
rapporte son message, de sorte que cette partie principale ne se
textes où le pnewna est opposé, non pas
à l'âme et au corps, mais
au corps seulement ft: il ne désigne pas,. dans ces passages, la partie
trouve pas proprement au même niveau que les autres, mais elle est
supérieure de" i 'âme;- mais notre principe vital sans détermination
vraiment le centre de toutes les manifestations vitales. A ce point
de vue l 'hégémonikon de Clément s'accorde parfaitement avec la .- TI 8t~om., .VI, 16, 8TAmLIN, TT
~
500: WlOXQCvno.c.
" ;
ai';' ~XTt xo.1. nCl.QEI.CJXQC.
6 À'
doctrine stoïcienne sur ia partie principale de l'âme; mais ce qui \'tto.c. '1'0 ';'YEfIOV'.X6v, q,. aLo.Âoyl.to~ en, "xo.'to. ~v 'toù cmEQJ.&CI'I'oç XCl't~ 0 J)'\*
la düférencie, c'est l'opposition qu'il met entre l 'hégémonikon et
le pneuma charnel, opposition qui nous semble être avant tout d'ori-
~=:, m,' 10 8TAEBLIN, II; p.
, 2~9: ~. ~" .
Etev &v XClL cVJ.coç 'ot J.Lh' 'tQEiç, Ou-
~.
ttOç 'tE Xo.L Ë:n&u,ua xo.ll.oyl.Of'Oç, OÙQ; ai xo.l ' l'UxTt xa1 nvrliJ.&CI XCl'l' wv..OV OYOV.
gine paulinienne etphilonienne. 8trom., Il, 2, STAmLIN, II, 119. Paedag., 1, 5; BTAEHLIN, 1, 103. Protrept.,
XI, 111, BTAEllLIN, 1, 82. 8trom., VII, 12, BTABBLIN, Ill, 51.
T8 Strom., VI, 16, STAEBLIN, II, 500: Ti)v ~QOo.LQEtI.XTtV ôÈ 'to ';'YEJ.1OVLXÔV ËXEI. 81 Strom., 1, 1, BTAEBLIN, II, 9: cnn'EM)vn yà{) cpaVo.L f} auyy\1J-lvo.aCo. ~LV if'-
MYo.J.LlV, 1tEQl ftv .;. t"''tT)O~ Xo.L ~l J-laihlo~ xo.t .;. yvroo~. •AUà YÙQ .;. navrcav ùvo.- nOI.EL UyI.EI.vl)v ,..aL n-vEUJ.&CIOL xa.i. oooJ.&CIow.
tn.
CPOQÙ El; Êv O\1\'tÉTo.XTo.L 'to f}YEJ.LO"LXOV Y.UL ÔL' ÈXELVO t'Ù 'tE /) civ6Q(I)no~ Xo.C :t(I)Ç
tA tI'l'TtnATtml1! cimtTIËNi:I
\
CLtMENT D 'ALEXANDRIE 437
de parties.- Cette terminologie correspond également à celle du Nod;. Dans plusieurs de ces textes, Clément remplace le terme y,,(Oonxô~
veau Testament; mais, dans l'élaboration du pneuma entendu de par TC\'EtlJ.lunxôç: le tableau qu'il pe~nt du véritable gnostique est
cette façon, Clément d 'Alexandrie ft utilisé d'autres éléments, d'ori- donc directement applicàble à l 'homme pneumatique, qui tend de
gine philosophique~ toutes ses forces à se hausser au-dessus de la mer houleuse des pas-
••• sions humaines pour devenir de plus en plus semblable à Dieu, un
homme parfait (TÉÀELOÇ aV{}Qw:rcoç) 8'. Ce qui le caractérise, c ~est un
Ce ri 'est pas seulement 4.ans l'anthropologie de Clément d'Alexan- jugement serein et une appréciation judicieuse de la vie et d~s évé-
drie que le pneuma' joue un rôle important:i1 intervient également nements, précisément parce que son esprit n'est pas obscurci par le
dans la doctrine de ~a perfection chrétienne. En effet, on retrouve brouillard des passions 8:5. Il est le grand indépendant, qui, par ses
chez le philosophe alexandrin une. classification des chrétiens, efforts personnels et surtout par l'action divine dans son âme,
analogue à celle que nous avons rencontrée dans les épîtres de S., E 'élève 'au-dessus des autres hommes, qui se lais~nt emporter par
Paul et chez les gnostiques: il y a d'abord le groupe dES fidèles ordi- les flots de leurs passions perverses 88. Ce n'est pas cependant qu'il
naires, qui, sans ambitions spéciales, pratiquent la vertu chrétienne possède un privilège de naissance, car tous les hommes portent dans
d'après les possibilités de leur faiblesse humaine; il Y a ensuite les leur âme ce germe de la vie divine et sont capables d'atteindre ce
OVTroÇ yvroUrlXOL, qui tendent à la réalisation intégra~e de l'idéal niveau supérieur de la vie chrétienne, mais ils n'y parviendront
chrétien. Clément nous a décrit l'image du véritable yvroCTTlXOÇ, en un qu'en se détachant des passions charnelles 87.
mélange d'éléments chrétiens, platoniciens et stoïciens, qu'il est bien
naisaaneé qui n'appartient qu'à lui. Il lui est donné de contempler Dieu direete-
difficile de discerner avec précision 82. li s'oppose cependant aux; ment. Lui seul sait interpréter les Écritures. La crainte salutaire de Dieu,
gnostiques, car la gnose (yvwoLÇ) n'est p~, d'après lui, un prÎvilège nécessaire à la plupart des chrétiens, loi est ineonnue. Il a des vertus plos
naturel et inné, mais elle s'acquiert par la pratique de la vertu et rares. Pour tout dire, il dépa8se tous les autres au point de vue moral et intel-
lectuel _.
la domination de soi.
84 Strom., III, 10, 69, STAEHLIN, II, 227: o't'«v ~È x«L 't'oVtrov)mEQ«vo.6dç,
Les principaux caractères du yvroutlx6ç, tels que nous les trou-
't'où OuJ1OÙ x«L TijÇ bn6uJ.1La.ç, ËQYcp dywnian Tl)v XTlO'LV ôui TOV ~aV'trov Oeov Te
vons dans les düférentB ouvrages de Clé!nent d 'Alexandrie, sont la x«l ~OL'ln1V. yvCOO"tLX<Ïlç PL<.OOETUL, l;LV ËYXQ«TELaç Wtovov ~EQIJtE1tOL'lJ&ivoç xcnà
YVWOLÇ, l' tlm;t{}tta et l'àyâTCTI. Plus que les chrétiens ordinaires, le rl)v ~QOç TGv o<o"rijQ« é;oJwlc.oow, ivoooa.ç Tilv yvroOLV, ~LO"tLV, dyWntv, Elç (jyy I:v-
gnostique pénètre l'essence intime de la divinité et le sens caché des aév~E Tl)v XQLaLV x«L m'EuJc.a.nxOç oV't(.)ç. a.."tUQaôexToc; TroV X«Tà TGv OuJ.1bv 2(<<l TfJV
Saintes Ecritures; de même que le sage platonicien, il entre directe-. i~t:6uJJ.la.v ~c.a.loyU1JJ.éiw ~aV't'D ~aV'tc.oç, 0 C X«T' dXOv«lI ËXTEloUJLEVoç TOÙ XUQLou
ment en contact avec le monde idéal, où il peu~ contempler les exem- nQbç «Ù"cOÙ TOÙ 'tq;vLTOU, uv6Qomoç 'tÉMWC; a;w; ;jÔT) 'tOÙ dôelq>àç ~QOç 'tofi xv-
QLoU OvoJ.'CitEaitaL <po..oç UJ.1C1 oi1Toç xaL "t6c; [ÈO"tLV]. Strom., IV, 26, 168, 8TAmLIN,
plaires éternellement invariables des réalités matérielles; il tient du II, 323: 0 YÙQ I:v ciyvOlq. &w UJ.lUQ't1}'tLx6c; 'té ÈO"tL xai. yij xai. cmo~6ç, 0 ~è èv yvc.o..
ooq>6ç des stoïciens ce regard profond, plongeant dans la sympathie CJEL xa.hO"truç. i;OJ1OLOUJUVO<; OEc() Etç oCJov ôVvat«L, ;j~'l m'E'UJ.1U'tLXbç xa~ ~Là 'toù-
universelle et 1'harmonie indestructible du cosmos. C'est pourquoi 'to ixlEx't6c;. Strom., V, 6, 40, 8TAEHLIN, II, 353.
les événements de la vie ne le touchent guère; quelque troublants : 81 Strom., 1, 11, 53, 8TAJ:HLIN, II, 34: c ~civT« ~è ~oxLJ.1CÎte'te li 0 d:c6cn'0~
cp1lCJL, c xa.i. ",b xalOv xa.TÉXETe » 1'olç m'E'UJ.1U'tt.Xotç 1éyow 'toTç dvoxQLvouCJL ~ŒvtCl
qu'ils soient, lui se retranche dans une apathie stoïque, qui. est la
xa.'tci cU"hLUV <'tci> 1eyoJ.1eVU ...
sauvegarde de sa paix intérieure. La crainte de Dieu lui est égale- 81 Strom., V, 4, 25, 8TAEHLIN, II, 341: m'E'UJ.1C1TucOv YÙQ x«L yvc.ocn'LXGv ot3ev
ment étrangère. Une charité sincère anime tous ses actes 83. (seil Paulus) 'tbv TOÙ uYLo" mreVJ&«Toc; J.1C16T)rl)v xa.i lx Oeoù XOQTIYO"J&iyou, 0 jO'tL
voùç XQl.CJ'toC. Paeilag., 1, 6, 36, 8TAEHLIN, 1, 111: m'E'UJ.1C1'tLXOÙC; JIÈY yàQ TOVç
82 Euo. DE FAYE, op. cit., p. 312; ibid., p. 292: «La gnose, dont le premier ~ml.CJ'twx6'taç ;j3T) Tc() uyClp moeUJ.1C1n ~QOO'ei:rtEV (acil. Paulus), (J(lQKLXOÙ~ ~è 't0'Ùç
ancêtre est Platon, est en dernière, analyse de provenance stoïcienne _. L'auteur ~oxaTI)xlhou; xai. J.1'l6É:tc.o xEXu-6UQJ.1ÉvOUC;, oOç ln C CJUQXLXOÙÇ» dXOTOlÇ 1iytL
attire également l'attention Bur les éléments chrétiens qui y iDtemennent. L"t" ÙJT)C; TO'ü; eitvLxo'ü; 'tci oUQxOç in <PQovoÜV'ta.ç.
83 DE FAYE, op. cit., p. 279: Cl Grande e8t la Bupériorité du gnostique Bur
le8 autres fidèle8. Il possède, comme le qualificatif qui le désigne, une con-
81 Paeilag., l, 6, 31, SUEHLIN, l, 108: oùx UQu 0' JJ.h Y"c.oO"tLXOL, .l, ~È ,,",XLXoL
I:v aUtci» 'tci» 16ycp, cW: 0\ naV'tEÇ â:toitÉflEVOL 'tels CJa~xLxels Ë;t,itufllaç m'E'UfI4TLXol
438 LA LITTÉRATURE CHRtTIENNE CLÉMENT D'ALEXANDRIE 439
Si l'on considère les deux termes dont Clément se se_rt pour carac- (Joq>Laçest une lumière spéciale, un secours accordé aux. just€'s pour
tériser ce TÉAtIOÇ àv6Qron-oç, on constate que, tout en ayant le même régler la conduite de leur vie selon ,la volonté de Dieu; la même
contenu matériel, ils le désignent cependant sous des aspects diffé· conception se retrouve chez Philon et nous avons vu que saint Paul
rents: en effet, le terme yvroanxô;, dérivé de yvo)alÇ, indique le pri· développe cette doctrine dans les recommandations qu'il fait aux
. vilège principal de cet homme parfait, la connaissance intuitive du communautés chrétiennes primitives. C'est là· d'ai1leurs que Tatien,
mystère divin, tandis que le terme m'EUJA.anXÔç révèle plutôt la source lui aussi, a puisé certaines thèses de sa pneumatologie, surtout sa
de cette connaissance mystique et de cette conduite morale irrépro- conception concernant le germe de la vie diVine, accordé aux chrétiens
chable, car le pneuma désigne ici le principe d'une vie supérieure, en vue de leur sanctification personnelle.
consistant en une participation directe à la vie divine•.
Nous avons déjà trouvé une classification analogue chez les gnost.i·
ques, surtout chez les Valentiniens, qui, à. côté" des ÙÂlXOL et des
•••
""",XlXOL, admetten(également le groupe des n-vruJ,lanxOL : re sont touS Voici les principales conclusions qui se dégagent de cette analyse:
ceux qui, dans la conduite de leur vie, se laissent guider par le 1. Ce qui est fondamental dans la pneumatologie de Clément
pneuma, l'élément le plus noble du composé humain. Cette parcelle d'Alexandrie, c'est la distinction entre le pneuma charnel et le
de vie divine, qui a été accordée aux hommes par une divinité bien· pneuma supérieur. D'une part, un souffle matériel qui est à la source
veillante, à l'insu du démiurge, aspire à se libérer des entraves. de de toutes les manifestations inférieures de la vie et, d'autre part,
la chair et de ]a prison du corps. c'eSt pourquoi i 'homme pneumati· . un principe spirituel, qui explique la vie intellectuelle de l'homme.
que fuit les séductions de ce monde et se détache continuellement Ce dualisme pneumatologique, qui s'explique par des influences
des liens de la terre. Ce pneuma appartient donc à l'homme depuis stoïciennes, philoniennes et pauliniennes, a une importance capitale
sa naissance et aspire sans cesse au jour de la délivrance. TI n'en parce qu'il détruit I.e monisme matériaHste du Portique, en op po.
est pas ainsi du pneuma surnaturel de Clément d 'Alexandrie: ce .sant le principe des activités humaines supérieures au souffle maté·
n'est pas un souffle' divin qui aurait été enfermé dans la prison du riel des stoïciens, auquel ne sont plus dévolues que les fonctions
corps humain, mais c'est une participation directe et immédiate à "inférieures de la vie.
la. vie divine; cette participation n'est accordée aux hommes que
2. Bien que la dichotomie psychologique ne soit pas aussi poussée
moyennant certaines conditions d'ordre morf.&l: l'homme n'est pas
-chez Clément que dans le système de Platon, en ce sens que la force
pneumatique dès ,le jour de sa naissance, mais il le devient toujours
vitale du pneuma charnel relève en dernière analyse du pneuma
davantage, à mesure qu'il se détache de la convoitise cha.rnelle.
supérieur, l'opposition entre ces deux parties de l'âme humaine est
Cette expérience mystique n'est octroyée qu'aux hommes qui ont
suffisamment accentuée pour que ~ 'origine et les propriétés de ce
d'abord purifié leur âme pour être dignes, dans la mesure du pos-
double pneuma soient nettement différentes: il résulte, en effet, de
sible, de ce don divin.
notre analyse que le _3tVEÜf.lŒ -qYEJA.OVLXÔV est spirituel, e'est·à-dire
Ceci s'explique par l'origine de cette doctrine pneumatologique
qu'il dépasse infiniment le souffle matériel qui l'accompagne, et
chez Clément: eUe se trouve dans le livre de la S~gesse, chez Philon
qu'il se présente comme une réalité indivisible.
d 'Alexandrie 88. et dans les. épîtres de S. Paul: en effet, le 3tVEÜJA.Œ
3. Le ':rtVEÜI1Œ désigne encore, dans les écrits de Clément d'Alexan-
drie, une lumière et une aide surnaturelles, accordées aux chrétiens
itUQcl"t'il> xUQL'P. En ce qui concerne le rapport rêcipl'oque de :fLan; et yvWOI,Ç,
cf. DE FAYE, op. cit., pp. 200-216~ la yvWOI,Ç est le couronnement, l'scMvement qui s'efforcent' de réaliser pleinement l'idéal de la perfection reli·
ultime de la :fLO"tI,Ç. gieuse. Ce n'est donc pas un élément qui entre dans la constitution
88 Reitzenstein (Die helleftÏ8ti801aeft Myateneftreligiofteft, pp. 317-320) prétend
que la distinction entre y\'CJlO"tLXOL ou itVEUfW"tlXOL et 'l'UXLXOL. se troUVe dêjà mais il dit du moinlJ que la signification allégorique profonde ù~"1 'tcritur~
çhe1i Philon d'A)exandrie, bien que celui-ci ne se serve pas de cette terminolo~ie, Saint~ Il 'eet ~seible «Ju 'aux m·Eul«.(nxoC.
440 LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE TERTULLIEN 441
naturelle de l'homme, bien qu'il appartienn~ à l'équipement du Le second adversaire auquel il s'en prend, c'est l'idéalisme gnosti-
TÉÀELOÇ aV{}QCI>xoÇ, appelé également yvCl>Utl.XÔç ou XVEUJ.1atl.xo~. Si que. Au lieu de la divinité immanente des stoïciens, celui-ci propose
l'on met ces vues en rapport avec la notion d'un Dieu transcen~ant, un Dieu infiniment lointain, qui est séparé d~ hommes par une
pleinemem. développée dans le milieu chrétien d'Alexandrie, il n'est série interminable d'êtres intermédiaires; il y est question d'un
pas douteux que ce pneuma, participation directe à la vie divine, pneuma divin, accordé de fa~on furtive à l'homme, à l'insu du
n'est pas con~u comme un souffle matériel, mais présente. des carac- démiurge, et qui est pour l 'homme la source de sa dignité, mais aussi
tères qui y sont diamétralement opposés. C'est ce que nous appelons la cause de ses souffranc~ et de sa ~ostalgie. Le 'réalisme de Ter-
un pneuma « spiritualisé ». . tullien se refuse à ces rêveries et H leur oppose une co~ception de
Dieu et de l'âme humaine, dont le sensualisme grossier est peut-être
encore plus déconcertant que les fantasmagories gnostiql1es. Il cher-
4. TERTULLIEN;
che cependant· toujours à s'appuyer sur les textes scripturaires, bien
L'attitude adoptée par Tertullien vis-à-vis de la philosophie est qu'il leur donne souvent une signification dans laquelle on recon-
beaucoup moins conciliante que celle de Clément d 'Alexandrie, du naît le reflet d~ son éducation antérieure.
moins théoriquement. Cela tient surtout à son caractère personnel D'après la psychologie stoïcienne, l'âme humaine était con~ue
et à la nature de ses écrits. La suite de l'analyse montrera, en effet, comme une parcelle(à:n:oaxaaJ.1a) de la divinité, imm~nente aux: cho-
que ia perspicacité philosophique n'est pas le caractère dominant du ses. Rappelons-nous l'expression de Sénèque: « in corpus humanum
génie de Tertullien. Plutôt que philosophe et métaphysicien, il eSt pars divini spiritus mersa ». Tertullien rejette ce panenthéisme ma-
un ardent polémiste: l'atmosphère de ses œuvres n'est pas celle de . térialiste du Portique 89. Il va même plus loin que Tatièn: celui-ci
la réflexion philosophique sereine, où l'on essaie d'envisager la réa- admettait, à côté du pneuma divin suprasensible, ·un pneuma cosmi-
lité complexe sous toutes ses faces, mais c'est plutôt i 'atmosphère que, qui pénètre la réalité tout entière; il n'y a pas trace de cette
d'un débat où il s'agit de paralyser l'argumentation de l'adversaire cosmobiologie stoïcienne chez l'apologiste africain. Il s'efforce tou-
et de ~ui communiquer ~es convictions de son contradicteur. Dans tefois d'établir une séparation nette entre l'âme humaine .et la divi-
ces discussions passionnées on n'a ni le temps ni le souci d'exami- nité: son point de départ est un texte de la Genèse (II, 7), qu'il
ner .toutes les nuances d'une question; il s'agit surtout de bien traduit de la façon suivante: « Et finxit Deus hominem de limo
délimiter la position à prendre et de la défendre par une argumenta-. terrae, et efflavit in faciem eius flatum vitae et factus est homo in
tion serrée. C'est pourquoi nous avons dit que, théoriquement, l'àt- animam vivam» 80. Ii en conclut que la distinction entre Dieu et
titude de Tertul1ien· à l'égard de la philosophie païenne n'était l'âme humaine peut·s 'exprimer de la fa~on suivante: l'âme est un
guère conciliante, bien qu'en réalité son éducation stoïcienne ait flatus, Dieu est un ~"tu.s 91. On trouve ici une fois de plus, comme
laissé des traces profondes dans sa pensée: nous verrons qu'il n'a chez les apologistes grecs du deuxième siècle, l'influencç du théisme
jamais pu se dégager totalement du matérialisme du Portique. chrétien, qui écarte le monisme du Portique; il Y a donc une cer-
Avant de commencer l'examen de la pneumatologie de cet apolo- taine opposition entre la divinité transcendante et les êtres cosmi-
giste chrétien, il est intéressant de noter que, dans l'édification de ques. Ceci n'empêche pas que l'âme humaine soit créée à l'image· de
sa doctrine psychologique, il semble avoir en vue deux adversaires 88 F •. SEYB, D~ Beele",· ""d Er"e""'"irlehre Tm-tuRia"" "nd dU, 8tH, Com-
qu'il combat avec acharnement. C'est d'abord le panenthéisme du mentationes V'mdobonenaes, III (1931), p. 152: contre G. BoNl'IOLIOLI, lA. teo-
Portique, avec son pneuma divin qui pénètre la réalité tout entière: 109ia di Q. F. TertulliaffO, Biv. store .erit. delle eclenze teologi.ehe, 1 (1905),
p.455 s & q . · · .
déjà les apologistes grecs du deuxième siècle, qui avaient, eux aussi,
.. De a,,""a, 11, ed. REDTEBSCH.BID et WISSOWA, p. 315, 22.
subi l'emprise de la pensée stoïcienne, ont rejeté le monisme maté- . Il De re8. CG..,.., 1, ed. E. KXOYJUNN, p. 35, 25: Ipiritus lui auram, Oril lui
rialiste du Portique sous Finfluence du théisme chrétien; c'est une oper!lm... altIatus lui vaporem. Surtou~ .4dv. Marc., II,. 9 (tout le ehapitre),
çonception anaIo~ue qu'on rencontre dans ies écrits de Tertullien. ed, E. ltRQY1UNN, 1>. 345 1ICl.
442 LA LITTtdtATURE œn:fTIENNE TERTULLIEN 443

Dieu; cette ressemblance est particulièrement frappante dans l'âme Tertullien compare aussi le rapport entre l'âme humaine et Dieu
chrétienne, qui est le véhicule du spiritus (tradllz lpiritu),parce A celui de la copie avec l'original: la reproduction peut être aùssi
qu'elle a reçu une pàrticipation directe à la vie divine 82. fidèle et aussi minutieuse que l'on veut, il y aura toujours une cer-
En traitant de la possibilité du péché originel, Tertullien cherche taine distance entre la copie et l'exemplaire. Il en résulte que de
à déterminer avec plus de précision le rapport entre- l'âme humaine la sainteté impeccable de Dieu on ne peut pas conclure au même
et Dieu, et il s 'attaque av~c énergie' à l'immanentisme du Portique: caractère chez l'homme: si l'âme humaine est immortelle comme
si notre principe ~it81 était une parcelle de la divinité, comment pour- Dieu, libre, prévoyante, intelligente, capable d'une connaissance
rait-il jamais pécher f Dès lors, tous ceux qui admettent que l'âme scientifique, cependant toutes ces qualités ne lui appartiennent pas
humaine est un spiritUl sont dans l'impossibilité d'expliquer le au même degré qu'à Dieu: les créatures ne réalisent qu'une partici-
péché originël: il ne leur reste qu'une seule issue, qui démontre pation limitée de la perfection divine. Il en est de même de l'impec-
d'ailleurs l'absurdité de leur thèse, ce ·serait d'adD)ettre que Dieu cabilité divine: l 'homme ne la possède pas dans la même mesure que
lui-même peut pécher. Il n'y a donc pas entre Dieu et 1'homme un Dieu 94. Le flatus nous apparaît donc, d'après cette comparaison,
rapporf d'identiié, mais une relation de ressemblance, que 'Tertul- comme un reflet limité de la perfection divine: toutes les perfections
lien essaie de préciser'par une triple comparaison. Le rapport entre qui se trouvent en Dieu de façon inimitée, sont réalisées de ma-
l'âme humaine et Dieu est analogue à celui qui existe entre l'aura nière déficiente dans le flatus.
et le tJentus: il y a entre les deux une ressemblance indéniable et une La troisième comparaison par laquelle Tertullien essaie d'éluci-
dépendance comme celle de la brise par rapport au vent. Ceci n'in- der le rapport entre flatus et spiritul, est celle du potier et de son
clut cependant pas que la, brise soit une parcelle du vent et s'identi- œuvre. Le va.l3e ne présente pas le même degré de perfection que le
fie avec lui: en effet, elle ne présente pas la même densité que le potier, du fait qu'il a été façonné par lui: il est vrai cependant
vent et occupe par conséquent un niveau inférieur dans la hiérar- qu'une œuvre d·'art port.e inévitablement la marque de l'artiste et
chie des êtres 93. La suite de ~'exposé montrera qu'il ne s'agit pas qu'on y reconnaît toujours un reflet de son génie 95. On trouve ici
ici d'une transposition grossière d'une doctrine métaphysique~ mais l'expression la plus claire du créationisme de Tertullien, s'oppo-
que c'èst là une traduction fidèle de la psychologie et de la théD- sant au monisme du Portique. Au lieu d'être un cl1rôO'xaO'J,la
10gie de Tertullien, car le flatus ne présente pas le même caractère de la divinité, l'âme humaine a été créée par Dieu à son
igné que le pneuma· des stoïciens; il est avant tout un souffle, sans image: elle porte donc l'empreinte de l'artiste divin, sans s'identi-
que Tertullien précise davantage s'il s'agit d'un souffle ardent ou fier avec lui. La différence principale entre l'âme et Dieu consiste,
non. D'autre part, nous verrons dans la sui~ que le caractère cor- 9~ .Âdt1. Marc. II. 9, ed. E. KROYKANN, p. 346 : Nam et ideo homo ima;;'
porel de l'âme humaine est affirmé tout au long de l 'œuvre de Ter- Dei, id est spiritus : Deus eDim apiritus, imago ergo spiritus flatus. Porro, imago
tulli'en. De sorte que cette comparaison de l'âme avec une brise légère veritati Don uaquequaque adaequabitur. Aliud est enim secUDdum veritatem
semble traduire assez exactement la pensée de l'apologiste. Ceci nous eSBe, aliud ipsam veritatem esae~ Sic et adflatal, cum imago sit spiritus, Don
poteat ita imaginem.' Dei eomparare, ut, quia veritas, id eat spiritus, id est
rappelle les conceptions pneumatologiques des médecins grecs, plus
Deua, sine delieto est, ideo et adflatua, < id est homo >, Don debuerit admisisae
que celles du Portique: nous savons d'ailleurs que Tertullien était delidam.. In hoc eril imago miDor veritate et adfJatusspiritu inferior, habens
au courant de ces doctrines, probablement par l'intermédiaire de mas utique liDeas Dei qua immortalis [animal. qua libera et lUi arbUrii, qua
Soranus. praellCia pleramque, qua ratiou1is, eapax intelloetus et aeieDtiae, tamen et in
his imago et non ulClae ad ipaam vim. divinitatis;' sic Dec asque ad iDtegritatem
9:! De ~nim4, 9, ed. REIrrEIlSCRl!ID et WISBaWA, p. 311, 11 : hoc erit aDUna a deUcto, quia hoc soU Deo cedit, Id est· veritatl et hoc soJum imagini Don
qua flatus est et spiritus tradux. licet... •• ' :J
93 •.Â(lt1. Marc., II, 9, ed. E. KROYllANN, p. 346: IDtellige itaque adfla- 95 .Âdv. Marc., II, 9, cd. E. KltoYKANN, p. 346 : Nec ureeus eDim factus à
tum minorem spiritu ea8e ut. aumlam eius, et si de spiritu aeeidit, DOD tameD fifCUlo, ipa6 erit figulus; ita nee adflatus faetus a ~piritu, ideo erit apiritulS,
apiritum. Nam et aura venlo rarior, et si d~ venlo aura, n~D *~eD ven tue. çt, F. ,BZYR, art. cit., p. 54,
[Aura) eapit eUam imasinem spiri~U8 die~re tl~tqlll.
444 LA LIT'l'tRATUBE CHBtTIENNE
445
d'après Tertullien, en ce que Dieu est éternel, tandis' que l'âme Pincorporel est une abstraction, c'est ce qui il;est pas 98. G. Esser
humaine, tout en étant immortelle, a commene6 d'exister: c'est fait remarquer à bon droit que le matérialisme de Tertullien ne
pourquoi elle n'est pas impassible comme 1'~tre suprême et ne jouit présente pas les mêmes caractères que celui du Portique, en ce sens
pas de la même félicité imperturbable ge. Tertullien n'admet donc qu'il ne résulte pas tant d'un empirisme grossier, que du désir de
pas le pr~ncipe aristotélicien d'après lequel tout ce qui est produit, garantir la réalité substantielle de l'âme et de Dieu contre les fan-
est périssable. 11 n'a d'ailleurs pas scruté le côté philosophique de tasmagories des gnostiques. L'âme humaine et Dieu ne sont pas
ce problème. Il est intéressant de remarquer que l'impassibilité de des abstractions de l'intelligence, des êtres de raison, mais des sub-
Dieu est conçue comme une conséquence de son éternité: c'est parce stances aussi réelles que le monde au milieu duquel nous vivons:
que l'âme humaine n'est pas éternelle qu'elle' n'est pas impassible. c'est dans ce sens également que saint Augustin a compris le maté-
Ceci nous introduit au cœur même du matérialisme de Tertullien rialisme de Tertullien 99.
qui ne regarde pas la matière comme un principe de déterminabi- Ceci nous permet de préciser encore la signification respective de
lité, puisque tout est matériel, mêm~ la réalité suprêine: c'est pour- flat14.S et de spiritus. Ces deux termes désignent proprement la sub-
quoi la passivité n'est pas rattachée au caractère matériel d'un être, stance de Dieu et de l'âme humaine, l'étoffe matérielle qui consti-
mais au fait qu'il a commencé à. 'exister, parce que ce devenir ne tue l'essence de ces deux réalités; un souffle puissant, qui est la
peut s'expliquer que par l'action d'un autre. Il en. résultera que divinité, et une brise légère, qui constitue la substance de l'âme.
l'existence entière de cet être engendré sera empreinte de passivité .. Tertullien nous dit que tout ce qui existe est un corpus sui generis.
Cette distinction nette que Tertullien a tracée entre Dieu et l'âme, Les termes flatus et spiritus déterminent donc le genre de l'âme et
nous permet d'interpréter d'autres textes, où il est dit que la Divi- le genre de Dieu dans la matérialité universelle: ils désignent la
nité est la source de la réalité de notre principe vital 97. Nous n'en nature de l'étoffe qui constitue ces deux réalités suprêmes du cos-
pouvons donc pas conclure à une identification entre l'âme et Dieu, mos. En parlant de la nature de Dieu, Tertullien dit qu'il est cor-
mais uniquement à la dépendance et à la ressemblance de' l'âme par porel, bien que (etn) il soii spiritus 100. Cett~ conjonction· n'est pas
rapport à Dieu. L'âme est un pâle reflet de la perfection divine. sans importance, car elle révèle l'évolution que la pneumatologie a
'Si l'on compare la pneumatologie de Tertullien à celle de Tatien, subie depuis Zénon de Cittium. Celui-ci enseignait que·l 'âme eSt
on ne trouve pas chez le premier le dualisme métaphrsique que nous matérielle, parce qu'elle est pneuma. C'est que, du temps de l'ancien
avons constaté chez le second, car Tatien regarde l'âme humaine stoïcisme, le pneuma avait une significati~ri purement matérielle,
comme un 3tVEÙJ.la ÙÂlXOV, mais il admet également, au-dessus de
ce souffle matériel, un pneuma suprasensible, dont nous avons mon- 98 De carRe Chri8ti, 11, PL, 2, 774 : Omne, quod est, corpui est lui generis,
nihil est ineorporale, niai quod non est. - ..4dv. Hermog., 35, ed. E. KaOY-
tré plus haut le caractère. immatériel. Il n'en est pas ainsi chez Ter-
KANN, p. 165, 3: eum ipsa 8ubstantia COrpUI sit rei cuiusque. - De .,dra.,
tullien: l'âme humaine et Dieu sont englobés dans son matérialisme, 1, ed. R&IPnœ.9cBEID et WISSOWA, p. 308, 14: Nihil enim niai corpus.
il n 'y a donc pas à ce point de vue opposition entre l'Être suprême 19 D~ 8eelertkhre Tertullians, Paderborn, 1893, p. 691 c Wenn allO Tertul.
et notre principe vital. On' tro~ve, répété à plusieurs reprises, le lian die Seele einen Korper Jlennt, 10 ist aein Hauptzweek die Bealitit und Sub-
principe stoïcien suivant lequel tout ce qui est réel, est matériel; 8tantialitit der 8eele zu wahren. Er will vonvomberein verhindem, dau aie
la einem blo88eJl Ged8Jlkending, einer AbstraktioJl der Verruntt herabaÎDke.
III dieaem Binne ist die' bekannte. Erklirung, welche Augustinus über. aeine
DG De anima, 24, ed. REIFP'ERSCBEID et WISSOWA, p. 331: Nihil Deo ad- Lehre gab, voU und gans zutrettend (De Gm. Gd litt., X, 41) ».
pendimus, hoe ipso animam longe infra Deum expendimua, quod natam eam 100 Âdv. Praz., 1, ed. E KROYKANH, p. 231, 11: . Quia negabit
agnoseimus ae per hoe dilutioris divinitatis et exilioris' felicitatis, ut tlatum, Deum corpus eue, etai deus spiritus 'est' Spiritus enim corpus sul
nOn ut spiritum, et si immortalem, ut hoc ait divinitatis, tamen passibilem, ut generis in sua effigie. Bed si et inviaibilia IDa, quaeeamque sunt, habent apud
hoc sit nativitatis. Deum et luum corpus et auam formam, per quae soli Deo visibilia sunt, quanto
eT ..4d·u. Marc., II, 5, ed. E. KBOYJlANN, }». 240, 11; In ~~ "u~8tantiar qwun ma gis quod ex ipsius substantia emislum est (à savoir': le Fils ne Dieu) line
ab ipso DeQ traxit (seil. a$a). .ubstantia non erit.
44«1 447
résultant de son origine empirique et m~dicale, tandis qu'au troi- tiré de l'eschatologie chrétienne est basé, lui-aussi, sur la physique
sième siècle, il s'était déjà dégagé de cette signification matérielle, du Portique. Il suffit de se rappeler la preuve par laquelle Cléan-
du moins dans les milieux chrétiens ou influencés par le christia- the détermine le caractère corporel du pneuma psychique, et qui est
nisme. fondée sur l'interaction du corps et de l'âme. Il importe cependant
Pour ce qui est de l'âme humaine, son caractère corporel est tel- de remarquer que, si la passivité de l'âme humaine permet de con-
lement accentué qu'elle est représentée comme un organisme maté- clure à son caractère corporel, l'impassibilité n'inclut pas l'imma-
riel dans le genre du corps. Tertullien parle des ~embres et des térialité, comme nous l'avons vu plus haut, mais seulement ~ 'éternité.
organes de l'âme 101, celle-ci possède toutes les propriétés des êtres Cette âme matérielle et corporelle, si elle a commencé d'exister,
corporels . même la couleur 102, et si elle n'est pas visible au regard jouit cependant d'une vie sans fin: Tertullien en conclut qu'elle
, . "t 103 C tte
de 1'homme , elle l'est cependant pour un « spIn· us » • e. con- ne peut pas être composée, qu'elle doit être absolument simple, car,
ception rappelle beaucoup moins la pneumatologie du Portlque que si elle était composée, elle pourrait se dissoudre, ce qui est par défi-
la doctrine du ka égyptien, représenté souvent comme un double du nition même mourir 105. Nous en arrivons ainsi à cette conclusion
corps, une ombre qui est projetée par le corps et qu~ nous t~ouvonB contradictoire que l'âme humaine, bien qu'elle soit étendue, est ce-
dans plusieurs peintures égyptiennes. La substance pneumatIque de pendant indivisible: c'est évidemment sous l'influence de la reli-
l'âme en pénétrant dans tout l'organisme, prend naturellement la gion chrétienne que Tertullien professe ces vues sur l'immortalité de
form~ du corps qu'elle anime. Le tlatus est donc comme un fluide l'âme qu'il juxtapose à sa conception de la nature corporelle du
vital, qui se répand à travers l'organisme et qui s'adapte à la con- flatus. Il ne semble pas avoir aperçu l'incohérence de ces deux thè·
figuration de chaque organe. Cette connaturalité étroite entre l'âm'e srs, sans doute parce qu'il ne s'élève guère jusqu'au plan métaphy-
et le corps est donc à l'extrême opposé de la pneumatologie des sique, lorsqu'il envisage cas problèmes. En effet, si l'âme humaine
gnostiques, bien que ceux-ci ne parviennent généralement pas à se lui paraît indivisible, c'est que la cohésion de ce souffle matériel est
dégager totalement du matérialisme. Ce qui oppose surtout l'une tellement grande qu'il est impossible de le diviser en fragments:
à l'autre les deux conceptions, c'est que, d'une part, le pneuma est o 'est ainsi Une question de pure physique.
une étincelle divine, introduite dans l 'homme à l'insu du démiurge, D'après les stoïciens, le pneuma 'psychique était considéré comme
et qui aspire pendant toute la vie terrestre à sa libérati.on, tandis le principe d'unité de l'être vivant, et le centre de ce principe était
que, d'autre part, le t'tatus est un Qouble du corps, qui s'en distin- constitué par 1'hégémon,ikon, localisé dans le cœur. C'est de ce cen·
gue à peine par une subtilité plus grande. tre que partent les courants pneumatiques vers les différents orga-
Ce caractère corporel de l'âme humaine est donc vraiment fon- nes du corps humain et c'est là qu'ils rapportent leur message, de
damental dans la psychologie de Tertullien. Pour le. prouver, celui-ci sorte que l 'hégémonikon constitue vraiment le. centre de la vie con-
reprend simplement les preuves stoïciennes, auxquelles il ajoute sciente. Tertullien a repris cette doctrine aux stoïciens, bien' qu'elle
un argument tiré de la révélation chrétienne: s'il est vrai que beau- cadre beaucoup moins bien avec sa pneumatologie: en effet, puisque
coup d'âmes, après la séparation du corps, sont condamnées à l'en- le tlatus est conçu comme un double de l'organisme corporel, il ne
fer ou au purgatoire pour expier leurs péchés par leurs souffrances, semble pas y avoir un centre pneumatique. qui commande toute la
comment ne seraient-elles pas corporelles Y Si elles ne l'étaient pas, vie consciente en recueillant les multiples impressions reçues par les
comment pourraient-elles souffrir Y104. Cet argument, tout en étant différents sens. C'est pourquoi Tertullien a négligé ce rôle centrali-
sateur de l 'hégémonikon; il considère plutôt celui-ci comme le prin-
101 De re",,". carn., 17, ed. K&oY),[ANN, p. 47.
102 De anima, 9, ed. RElFFERSCBElD et WISSOWA, p. 309 ssq.
103 De anima, 8, ed. RElFFERSCBElD et WISSOWA, p. 309, 22 : Animae eor- 105 De anima, U, ed. RElFFERSCa&ID et WISSOWA, p. 318, 22: Quia iam

pus invisibile earni, si forte, spiritui Tero Tisibile est. non mortalis, neque dissolubilis, neque divi.ibilis; nam et dividi dissolvi est et
10-1 De anima, 5, cd. REU'FERSCHEID et WJSSOWA, p. 304.
d issoh'j mori est.
44S
'cipè de la 'Vie et de la pensée lot. L'expression par laquelle il désigne chez notre auteur ce manque de systématisation phÜosophique: ·son
cette partie principale. de l'âme, dite: IUmmu.s in cmim4gradtru trita,.- grand mérite n'est pas d'avoir construit un s.ystème cohérent de
lis et sapientialis, montre clairement qu'il s'agit ici avant tout -du pensée, mais d'avoir été le défenseur infatigablé de 8a con-
foyer de la' pensée et de la vie. L'âme tout e~tière est principe vital, viction religieuse. Pour ce qui est de l'aporie en question, Tertul.;.
mais c'est surtout le pneuma, localisé dans le cœur, qui remplit cette lien aura vu· dans le traducianisme du Portique une explication
fonction. Tertullien reconnaît donc une certaine supériorité de ce obvit, du péché originel, tandis qu'il avait besoin de l'indivisibilité
souffle central vis-à-vis des autres par.ties de l'âme. de l'âme pour en expliquer 1'immortalité~
Ce qui précède nous apprend donc que, d'après Tertullien, il y a Tertullien dit encore que certains héré.tiques, n'admettant pas
une connaturaHté très étroite entre l'âme et le corps. Sa conception la simplicité de l'âme humaine, y distinguent une double substance ~
sur l'origine de notre principe vital vient confirmer ellcore la Blême le p~incipe de la vie, qu'ils appellent anima, et le principe de la
conclusion. En effet, il n'adlDet pas que l'âme humaine vienne· du respÏlation, désigné par le terme spiritus. On reconnaît immédiate-
dehors, animam e~tri'llsecus imprimi 107, mais il reprend simplement ment dans cette doctrine l'influence de la pneumatologie médicale.
le traducianÏ8lne du Portique. L'âme des~llfants tire son origine de Nous avons vu, en effet, que certains médecins distinguent dans
celle des parents, de même que le corps est produit par eux 108; c'est l'âme un double élément, la chaleur naturelle (ro ËJ.l<pUl'OV 9EQJ.lov)
pourquoi Tertullien distingue une double semence, le semen corpo- et l'air aspiré (rcvEùJ.la) : celui-ci a pour fonction, soit de modérer la
raIe, qui est une partie du corps des parents, et leseme-n an i'11UÙ6, chaleur vitale, soit d'alimenter le souffle psychique, par leq~~1 il
qui est une parcelle de leur âme. Bien que la terminologie soit nou- est assimilé après avoir subi une certaine transform~tion. Tertullien
velle, la doctrine elle-même ne l'est pas, puisque les stoiciens distin- n 'admet~ pas ce dualisme psychique: d'après lui, le terme f1,atus doit
guaient également dans la semence un double principe, le liquide, qui être réservé à l'âme, comme le terme spiritus à· Dieu, bien qu'à la
est pour ainsi dire la J'Patière plastique, et le pneuma, qui en con, .. rigueur on puisse se servir de ce dernier terme pour désigne~,non
stitue l'élément formel et actif. Il faut noter cependant que ce tra- pas la substance de l'âme, mais son activité, parce que notre prin-
ducianisme de Tertullien ne s'accorde guère avec sa doctrine sur cipe. vital est en même temps principe de la respiration 109•. La. rai-
la simplicité de l'âme humaine:, comment le seme.n ani~ peut-il son pour laquelle Tertullien ne consent pas à attribuer le terme
être une parcelle de l'âme des parents, si c~lle-ci est absolulDent indi- spiritus à la substance de l'âme humaine est manifestement son
visible' Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous constato:ns opposition aux Valentiniens et à leur pneumatologie: toute cette
doctrine sur l'introduction furtive du spiritus divin est rejetée V.ar

106 De anima, 15, ed. REIFFERSC~EID et WISSQW.A, p. 319, 28: ll!primia an


Bit aliqui summus in anima gradus vitalis et s,pientialis, quod ~Yff.lOVlX6v 1~9 De a...ima, 11, ed. REIITDSCREID et WISSOWA, p. 314, 21: Bed ut &ni.
Bppellal!t, id ·est prineipale quia si negatur, totus Bnimae status penelitrltur. mam .piritum dieam,' praesentis quae8tionia ratio eompellit, quia spirare alli
Denique qui negant principale, ipsam prius animam nihil eenlJuerunt. Ct. F. iubstantiae aaeribitur: hoc dum animae vindieamul, quam UDiformem et aim·
SnR, art. çit., p. 59. . plicem agnolCÎmua, Ipiritum Deeesse est ceria eonditione dieamUl;' Don .tatus
~01 De an., 25, M. llEIFF~SÇHElD et W1SSOWA, p. 3~O, 18. Domine, sed actus; Dec 8ubstantiae titulo aeci operae; quia .pir8t, Don quiii
108 De an., 21, ed. REIFFERSCHEI;D ~t WISSOWA, p. ~46, S: 'Cum igitur ÏIl spiritua proprle est: nam et tIare Ipirare est. lta· et animam, q~ flatum eX
primordio duo diversa atClue divisa, limus et flatus, unum homine~ eo~gi88ent, proprietate defendimua, Ipiritum nunc ex Deeesaitate pronuntiaDiua. Caeterum
~onfu88e BubstantiBe ambae iam in uno semina quoque sua miseuerunt atque advenus Hermogenem, qui eam ex materia Doa ex Dei flatu éontendit, flat1lDi
exinde generi propagando formam tradiderunt, ut nunc duo, lieet diversa etiam proprie tuemur. ·DIe enim, adver8UI ipsiua aeripturae fidem, flatum in apiritum
unita pariter effluant pariterqu6 insinuata suleo et arvo suo pariter hominem vertU : ut, dum ineredibile e.t, apiritum' Dei in delicttlm et mox' in iudiciuDi
ex utr~que Bubstantia effruetieent in quo rursus semen suum insit seeundWll devenire, ex materia potiua anima ere4atur, quam ex Dei apiritu. Ideireo Doa
genus, .aieut omni eonditioni génit~U praestitutum est. Igitur ex 'uno homine et: illic flatum eam defendimus, Don spiritum, secundum aeripturam et secun-
10ta haea animarum redundenti... agitur, observante seUieet Datura Dei edietum dum .piritus distinetionem:, et hie .piritum ingratis pronuntiamns, seeundum.
• c:resc:ite et in multitudinem profieite ». spirandi . et flandi eommunionem •
~j Il
450
lui comme contraire à l'enseignement le plus formel de l'Écri- terme spi,-it us désigne vraiment la substance diVIne, qui est corpo-
t.ure 110. relle comme la réalité tout entière. On peut donc dire que le terme
Le terme spiritw est donc réservé par Tertullien pour désigner la .~pin'tl'-S désigne la nature intime de Dieu en tant que substance cor-
substance corporelle du Dieu transcendant: tout ce qui existe, est porelle et transcendante: un souffle puissant qui, tout en étant in-
corporel; !2 spirit·us aussi est un corpus sui generis 111. Q~elle est la séré dans l'ensemble matériel de l'UDiver~alité des choses, dépasse
caractéristique de ce genre spécial auquel appartient l'être spirituel' cependant infiniment le· flatus humain qui procède de lui. La trans-
Si nous partons de· l'âme humaine, créée à l'image de Dieu, nous pou- cendance de Dieu par rapport au monde créé ne se marque donc pas
vons dire que la substance divine est constituée par un souffle puis- par son dégagement de la matière, mais par son éternité. Dieu est
sant, sans commencement ni fin, qui est la source de la création tout nn être corporel, comme tout le reste, mais son existence n'a pas de
entière. commencement: c'est là, d'après Tertullien, la grande prérogative
divine .

•• La pneumatologie de Tertullien est donc un mélange de stoïcisme
et de christianisme. Son matérialisme universel est emprunté à la
philosophie du Portique, tandis que l'affirmation nette de la trans-
Ces analyses nous amènent aux conclusions suivantes:
cendance divine est due au théisme chrétien. Puisque le spiritus de
1. On trouve chez Tertullien deux termes équivalents du XVEÜJ.lCL l'apologiste africain occupe le sommet de l'échelle dans la hiérarchie
grec: spin'tm et {latus. Ce dédoublement de la terminologie des stoÏ- du réel, on pErut dire que sa pneumatologie, tout en restant maté-
ciens n'est d'ailleurs chez lui que la traduction d'une divergence plus rialiste, constitue un effort dans la direction du spiritualisme.
profonde avec eux concernant la ·conception de Dieu et de l'âme hu-
maine. L'immanentisme du Portique est abandonné et l'âme n'est
plus considérée comme une parcelle de la divinité, mais comme un 5. ORIGÈNE.

souffle vital, créé à l'image de Dieu. Si Tertullien tient absolument à


Origène nous ramène à l'école catéchétique dfAlexandrie où stest
réserver le terme spiritus à Dieu et fla.tus à l'âme humaine, c'est .là
réalisée la première g,rande synthèse du christianisme avec la philo-
une manière d'affirmer sa foi chrétienne contre le panenthéisme stoÏ-
sophie grecque. A ce point de vue l'œuvre d'Origène constitue un
cien :il y a donc entre l'âme humaine et Dieu un rapport de 'ressem-
progrès notable par rapport à celle de Clément d'Alexandrie, parce
blance, qui n'entame en rien la transcendance divine.
que, beaucoup plus vaste, elle embrasse tous les domaines de la
2. Tertullien dit qu'on peut à la rigueur attribuer le terme spiri- pensée chrétienne.· En cc qui concerne l'objet de notre étude, Ori-
tus à l'âme humaine, non pas en tant que substance, mais en tant gène nous offre l'élaboration philosophique la plus complète de la
que principe de la respiration. Il en est tout autrement de Dieu: le pneumatologie chrétienne avant saint Augustin. Non pas qu'Origène
soit un philosophe de premier rang, mais c'est un esprit très cultivé,
110 De an., 11, ed. REIFFERSCHEID et WI8BOWA, p. 315, 13: Illic de sub- 2iu courant de la philosophie de son époque, et il cherche à préciser
stantia quaestio est; spirare enim substantiae adus est. Nec diutius de isto, le contenu de certains concepts employés couramment dans l'exposé
niai propter haeretieos (sell. Valentinianos) qui neseio quod spiritale aemen
de la doctrine chrétienne. Il est obligé de le faire avec d'autant plUs
infuleiunt animae, de Sophiae matris occulta liberalitate eonlatum, ignorante
faetore, eum seriptura faetoris magis Dei sui eonseia, nihil amplius promulga· de soin que certaines notions chrétiennes semblent coincider de ·façon
verit, quam Deum flantem in faeiem hominia flatum vitae et hominem faetum frappante avec la philosophie païenne: ainsi, le pneuma est employé
in animam vivam, per quam exinde et vivat et spiret, sam declarata differen- par les philosophes du Portique pour désigner la di~ité et l'âme
tia spiritus et animae in sequentibus instrumentis, ipso Deo pronuntiante: spi- humaine; il est mis en rapport avec l'acte de connaissance et avec
ritus ex me prodivit et flatum omnem ego feei. Et anima enim flatus factus
la divination. La doctrine chrétienne n'a pour ainsi dire pas changé
l'X spiritu.
. 111 A. D'ALÈS, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 62.
la signification objective de ce terme et le dang.~r de confusion
tA LITTÈRATUnE CHRÊTIE~ ORIGÈNE 453
dans l'esprit des lecteurs en était d'autant plus grand. Comment La conception à laquelle Origène s'attaque ici est manife~tement
les textes sacrés oùl'on parle d'une foree pneumatique qui descend celle de Celse, qui considère les différentes religions comme des for-
dans l'âme du chrétien en vue de sa sanctüication et qui y produit mes d'une même croyance us. Nous y voyons en même temps une
des effets mystérieux, n'évoqueraient-ils pas dans l'esprit d'es lec- traduction populaire de la pneumatologie du Portique: ce pneuma
teurs égYi'tiens le fluide pneumatique des papyrus magiques T Il' suf;' terrestre, identüié ici avec Déméter, parce qu'il est la source de la
fit de se reporter un moment aux analyses antérieures de la pneuma- fertilité du sol et de la croissance des" plantes, rappelle surtout le
tologie des gnostiques ou· de la littérature hermétique et alchimique, spiritus de Sénèque, lequel est également localisé au centrede la terre.
pour se rendre compte de la düficulté devant laquelle se trou:vait Diodore de Sicile rapporte que certains Égyptiens considéraient le
Origène et de' l'importance de la tâche qu'il avait assumée. Si du pneuma comme la divinité suprême et l'identifiaient avec Zeus,
moins il' avait pu tabler sur le travail fait par les auteurs' chrétiens comme la source première de la vie 114. Cette identification du pneu-
antérieurs 1 lIais il ne le pouvait pas toujours, car certains d!entre· ma avec Amon-Ré, le dieu du soleil, répond mieux encore à la pneu-
eux, comme Tertullien, avaient (sombré dans le matérialisme, qui matologie des stoïciens, qui considéraient généralement le soleil com-
est manifestement· incompatible avec la, doctrine chrétienne, tand'is\ me 1'hégémonikon du monde. C'est de là probablement que dérive
que d'autres, tels: que Tatien et. Athénagore,. avaient juxtaposé. au la conception pneumatique du fluide magique, qui est représenté
matéria1isme du Portique une pnèumatologie étrangère et étaient. comme un effluve, un écoulement de la divinité. Aux premiers siè-
arrivés à un mélange assez hétéroclite de ,stoïcisme et de christia- cles de l'ère chrétienne la pneumatologie du Portique avait done
nisme. Même la pneumatologie de Clément d'Alexandrie ne fait paa pris corps dans les divinités de la religion populaire, tout en gar-
exception à cette règle~ dant les lignes essentielles de sa signüication originelle.
Au moment où Origène prenait la direction de la grande école Origène ne partage pas cette manière de voir de Celse. Se basant
catéchétique, l'idéal de synthèse du christianisme avec la philosophie sur le texte johannique (IV, 24), analysé plus haut, il dit que Dieu
grecque était loin d'êfre réalisé. Cette œuvre était d'ailleurs d'au- est nVEÜlJ.u : il considère même ce terme comme l'expression de la
tant plus difficile que la philosop'hie ~n vogue au début de l'ère' substance divine (otovEl OÙO'La) 115. Bien que ce terme nous intro-
chrétienne était le stoïcisme, dont le monisme matérialiste était duise dans l'essence intime de la divinité, il n'est pas certain qu'il
diamétralement opposé au. théisme spiritualiste de la doctrine chré- exprime une ~anière d'être qui lui soit propre: Origène nous dit
tienne. Nous essayerons donc de déterminer dans quelle mesure Ori- seulement que le pneuma désigne toujours une substance incorpo-
gène a contribué à réaliser cette synthèse harmonieuse. r.elle UI. Cette conception est basée sur" l 'Écriture Sain~e, où le
terme est généralement employé 'pour distinguer du monde sensible
1. Le pneuma est employé tout d'abord dans les écrits d'Origène
lès réalités suprasensibles 117. Dieu appartient done au monde
pour désigner la nature immatérielle de Dieu.. Il y a dès hommes"
dit-il, qui pensent que les mots n'ont pas d;e signüication naturelle. 'tGv ~Mov fi '(Ov 'AxôUcavu X<Ù. Ti)v <J61itVllv fi Ti)v ..AQTel"v, "al 't0 Ëv q ri
Puisque le contenu idéologique de chaque terme résulte d.'une pure nvsVlMl fa ,",v Aitl'llTQuv xa, Ooa cVJ.a cpaoi.v ot "Elli)VCI)V CJGq)Oc.
convention, selon eux, le nom qu'on attribue à Dieu n'a pas la moin- . 113 n. FA:", Orighe, II, p. 190.
dre importance: qu'on adore la Divinité suprême.. ou Zeus, qu'on, 11. Bib.liofMOG hidoric4, l, 12: To ttèv oov 1tV8ÛJA.U ALa. qooo.YOQ~ JAde{)-
1'1lVEUO...mtç 'fiiç 1É;f:mç, ôv aLTI.OV ma TOÜ 'l"'Xt.Xoü '(o'tç t;ci>0'Ç iV61'&CJClV (mCÎQ-
vénère le soleil ou Apollon, la lune' ou Artémis; le pneuma qui se
Xf:LV, :tciY'CCI)V otove( '(LVU :mTÉQUe
trouve dans la terre au Déméter, tout cela est sans importance 112• 11~ 1.. J'oM""em, XIII, 21, PB.ZUSCBEN, IV, 244: Moof: f'h' oUv 1Éyf:TaL
oUmL 0ÙCJLa. dVUL a'Ù'foü TO 'lVf:ÜJA4, c n,·EÜJA.U YÙQ 0 9f:ôç:. cp1)OLV.
112 E tç J' U Q'tuQ l 0 'V n Q o. 't Q En't I:X Ô ç, 46, KOETSCB:A.U, l,. p. 42:. RUllV UI COfItrtJ Cellum, VI, 70, KOETSCBA'O', II, p. 139: o\Ï6è YÙQ oooJ.U1 '(0 "ait' 1)-
'tE uù imoMJ'6avovtiç TI.'VEÇ OÉOEL dvuL 'tù OVÔJ.U1TU xuL OVÔEJA.WV aùTù, IXE'" cpUOI.'V
1tQoÇ cà imo)(;d~·u J>v Èonv I,vÔJA.UTU, VOJA.~OUOL JA.TJôÈv ÔW.q>ÉQELV, El ÂiyOL TLÇ· 111 COfItrtJ Ce'l8um, VI, 70, KOETSCBA'O', II, p. 140: Mv ÀÉyTJ".aL cmoEÜfUl'" 0
oiBm TOV 7EQWTOV Oeov il '1'0,' ~La il Z1'lva ')(Ql EL q>â.axOL Ta.; • 'tLJ'OO 'Kui. o.."TOÔÉXOJ.U1L 6eôc;, où o(Î)f'C1 a'Ù'fàv 1iy0J&n dvaL- nQbç yàQ civn6w.CJToÀ~v TOOV utO'ÔllTOOv ia~
454 LA LITTtRATUBE CHR:~TIENNE OnIGtNE 455
idéal des v01)t'a, qui, d'après la métaphysique platonicienne, 8 'oppo- sée est un corps, mais d'une puissance divine dont l'influence
sent aux réalités matérielles et sensibles. Origène n'adopte pas comme 8 'étend jusqu'aux confins de l 'uni~ers 119. S'il parle ici d'une ÔuvaJ.1LÇ
Tertullien la pneumatologie matérialiste du Portique; il continue GeLa, qui domine toute la réalité créée, c'est qu'il veut sauvegarder
plutôt la tradition de Philon qui, sous l'influence de la Bible, a intro. la transcendance divine, dont la pureté serait compromise si la divi-
duit le pneuma dans le monde des intelligibles, sans avoir toutefois nité était engagée dans la matière, et la dépendance du monde par
appliqué déjà ce terme à Dieu. ;Par une interprétation assez arbi- rapport à Dieu. Il ne semble pas cependant qu'il faille concevoir
traire d'un certain nombre de textes des psaumes, Origène applique cette 1tQôvOla ou cette ôuvafA.LÇ comme des êtres intermédiaires entre
même cette conception pneumatique aux trois personnes de ·la , Tri- la divinité suprême et le monde, comme dans le De MtUldo du Pseudo-
nité: le Père est appelé ""YEJ,l.OVlXÔV mrEÜJ.1a, expression d'origine Aristote; elles ne sont pas non plus' à mettre sur le même pied que
stoicienne et matérialiste, qui n'a cependant presque rien gardé de le pneuma cosmique de Tatien, pneuma matériel et sensible et donc
sa signification originelle; le Fils est nommé "tÙ-3Èç 1CVEÜJ.1a, et le inférieur au pneuma divin. Ces termes désignent plutôt un rayonne-
Saint-Esprit ayLov 1CvEÜJ.l.a 118. Bien que cette pneumatologie ne soit ment de la puissance divine à travers le monde, analogue à l'influen-
pas nouvelle, nous pouvons dire qu'Origène a été le premier à expri- ce exercée par l'âme sur le corps dans la psychologie de Plotin: ce
mer aussi nettement et aussi clairement la signification spirit~elle n'est pas l'âme qui est dans le corps, mais plutôt le corps dans l'âme,
du terme. Ce pneuma divin transcende le monde matériel, il appar- parce qu'il se trouve à l'intérieur de la sphère de rayonnement de
tient à la sphère des- réalités intelligibles, dont les caractères s'oppo- celle-ci 120. TI en est de même du cosmos, qui se trouve tout entier
sent diamétralement à ceux des êtrés sensibles qui nous entourent. dans le rayonnement de la puissance divine.
C'est ici surtout qu'on voit la différence entre les auteurs chrétiens Dans une de ses objections contre la théologie chrétienne, Celse
et païens: alors que, chez Marc-Aurèle, chez Plotin et dans les écrits disait que la conception pneumatique de Dieu est incompatible avec
hermétiques, le pneuma est dégradé et mis en-dessous du voùç, Ori- l'immortalité divine, car un pneuma dont l'existence ne prendrait
gène le place au sommet de la hiérarchie cosmique. ~ dualisme pas fin, est inconcevable. Cet adversaire du christianisme semble
métaphysique a certainement contribué, en même temps que la Bible, donc se placer au point de vue de la psychologie stoïcienne 121, puis-
à dégager de la matière cette notion: nous croyons cependant que que les philosophes du Portique considéraient l'âme humaine com-
son influence n'a pas été déterminante, car, chez les. auteurs païens me un 1toÀVXQÔVLOV 1CVEÜJ.la, dont la survie après la séparation du
qui ont subi la même influence platonicienne, on ne trouve pas cette corps était très limitée. Cependant ils n'auraient pas souscrit à la
spiritualis·ation. formule générale de Celse, d'après laquelle tout ce qui est pneuma-
Si Origène rejette aussi catégoriquement le matérialisme du Por· tique serait mortel. Car les stoïciens admettaient l'éternité des deux
tique, il n'en fait pas de même de l'immanentisme qui se rattache à
leur pneumatologie. TI reconnaît, en effet, que la Providence divine 111 Coidra Celftm, VI, 71, KOJ:TSCRA'O', II, 141 :.l:'tolxci'w:cp«axmrov on;' OEbç
atteint toute la réalité et embrasse le monde entier, mais eUe ne le mt:üJ.Ui ian aui KU'V'tOw 3LEÀ1')Àu&bç xal Km' Iv Éaln''P 1ŒQloixov. t\'t;XEL tdv yàQ
fait pas de la façon matérielle que les stoïciens ont imaginée: car .,. bt~ xal .,. KQÔVOUl coU BEOÜ aui Km(J)'V, cUl' oüx ~ ~O ~Wv l:'tmixOOv
mt:üfA4 • xal Kmu p.èv 1ŒQt.iXe, ~ci :tQOVOO'Ûf'6'YU " KQÔVOIU xal KEQl.eo.1')q>ev c:wni,
il ne s'agit pas d'ÜDe étreinte corporelle, même si la réalité embras-
cru:
oùx cdç CJêi)fA4 3i KEQt.iXOV 1ŒQa.éXEL oU xol (J(Ïltui la", ~O KEQl.eXOJ1EVO'V, cdç &U-
VOf&'Ç OEta xal 1ŒQI.e"'-1')cpu.ta. ·~ci KEQl.eXOf&eVOo .
Til YQaq>'Ïi "tà vOT)"tà OvOtui~ELV m'EUfUl"ta xal m'EUfUl"tLxu' olav iàv 1iyo ;, naùÀoç' 128 W. A. boB, TM philo,op'" 01 Plotift'", p. 218.
c OJJ..'" LXaVO"tT)ç "JW>v Èx "toù OEOÙ, ôç xal LXUVroOEV "J.UÏI; Ôt4XcSv~ xaLvil~ at4- 121 Cntra Celfttm, VI, 72, KOJ:TSCRA'O', II, p. 141-142: t\umeQ tui'tTIV MMx'ta,
{hiXT)ç, où YQ<Î ....~"toç cillà m'EUfUl'toÇ • 'tO yàQ YQU....fUl MOX'tÉVVEL, 'to ai mrt:üfUl on
'tep KéÀcJcp, ~ ...." dao'tL ~ci ~où :rvt:'ÛfA4~~ 'tOÙ Oeoù, btEUtEQ mtOtui Èonv MO
t;romtOLEL» YQUJlfUl JAh nlV atafhtriJv mvoJ1OOE'V ÈXÔOx'lV 'tWv Od(J)'V YQaJl,w'trov. 'toU BEO\; ;, vWç iv civ6-Q<mdvcp yeyovroç OWfUl'tL, 003' à,v ambç dT) ciitava'toç ;, 'tOÙ
mtüJ10 ai riJv VOT)'titv. Nous parlerons plus loin de l'interprétation pneumatique OEOÙ v~. Et~u ~cU.,v Éaln''P «pUQt:L "Ov Myov, œç ~LVroV ciq>' "f.UÏl'V OÙX o. . oÀoy')-
de l'Écriture. oO'V't(J)'V m'tÜfUl dvo, 'tov OEOV ciUà 'tOv ULOV aù'toil, xai OLnaL Mm fclV Myrov on
118 llornilia Vlll in Jerem., 10, l2-14, KL08T&lllUNN. III, :p. 56, oùae ....'" 'to~ qn1cJLÇ iCJ'tlm'EUfU1't~ ~. cid 6t4~'ELV,
456 LA LITTtRATURE CHRÉTIENNE ORIGÈNE 457
principes qui sont à l'origine du cosmos ~ la matière et le pneuma, de de plus noble dans l 'homme est le fruit de son pneuma humain 12~.
sone qu'on peut dire que le pnenma divin des stoiciens est immor-:- Ceci montre que la trichotomie d'Origène est basée sur des argu-
tel, bien que les parcelles individualisées de ce souffle cosmique ne ments scripturaires et qu'elle a tout d'abord une siO'nification mo-
puissent· pas être éternellement séparées de leur source. Certains raIe: le pneuma n'est pas tellement le principe de la vie intellec-
chrétiens ont été influencés par les objections de Celse et se sont tuelle et volitive ni le centre de toute la vie consciente, qui gravite
refusés à admettre le caractère pneumatique de Dieu le Père, tout autour d'un moi transparent à lui-même; il est avant tout la source
en le reconnaissant au Fils: ce n'est pas le cas d'Origène, puisque des désirs supérieurs de l'homme et le principe de son activité. Ce
nous avons vu plus haut qu'il étend ce caractère aux trois Person- qui s'oppose à lui c'est, d'après la terminologie paulinienne, la chair
nes av'ec des nuances particulières, tout en admettant que le Christ (aaQ;), terme qui ne désigne pas simplement le corps, puisque l'âme
est subordonné au Père 122. Ayant affaire à un· adversaire tel que peut également s'adonner au mal et devenir un principe de per-
Celse, on comprend qu'Origène ait été amené à préciser la significa.. versité 126.
tion .du pneuma dans son application à Dieu, parce que sans èela L'antithèse 3tVEÜJ,la-aqQ;, reprise à S. Paul, ne se rapporte donc
s& théologie risquait d'être assimilée au matérialisme stoicien. pas aux éléments constitutifs du composé humain, mais désigne plu-
tôt les deux foyers de tendances qu'on trouve en chaque homme.
2. Ce niest plIS seulement dans la théologie d'Origène que la doc..
D'une part, il yale principe des tendances mauvais~, qui coïncide
tri.ne du pneuma occupe une place importante, elle intervient égale-
avec l'âme: celle-ci, en effet, a subi depuis le péché originel u.Jle
ment dans son anthropologie. Le philosophe 'alexandrin propose certaine déchéance, qui l'a privée de sa subtilité primitive et/lbi
généralement une division tripartite de l 'homme," pour laquelle il l'a ra.pprochée de la matière· Le séjour dans le corps est donc,~on­
ne se sert pa~ toujours. de la même terminologie: la partie supé-
sidéré comme la punition d'une faute qui date des origines d~ la
rieure est appelée voüç ou :1tVEÜJ,la, les deux autres éléments consti-
race humaine. Cette conception d'Origène semble être influencée
tutifs sont désignés par les termes 'lNx~ et (J(OJ,la 123. D'après cette
par l'explication étymologique que donnaient de l'origine de l'âme
conception, le :1tvEiiJ,la désigne donc la partie raisonnable de l'âme
humaine les philosophes du Portique. D'après eux, la 'lNvl résulte-
humaine et est synonyme d'intelligence 124: c'est la signification
rait d 'un refroidisseme~t du :1t"EÜJ,la <pualxôv se produisant au mo-
que nous avons rencontrée déjà chez P·hilon d'Alexandrie, dans l'épî-
ment de la naissance: Origène parle également d'un refroidissement
tre de S. Paul aux Thessaloniciens, chez S Justin et Clément d' Alex-
qui se serait produit dans le pneuma à la suite de la chute origi-
andrie. L'énumération de ces noms est suffisammentéloqueiIte en nelle 121. D'autre part, il yale pneuma qui est considéré comme
ce qui concerne le fact~ur déterminant de l'évolution de la pneuma-
tologie.
125 1A JOMn.n.., XXXII, 18, PaEUscB.EN, IV, p. 455: Origène cherche la
Dans l'exêgèse qu'il donne du texte évangélique, Jo., XIII, 21, diff6rence entre le pneuma et l'Ame: xa1. 'tuVta t;'lULV ho1.f1'lGa flUQCœç. 't1)Q1j-
où il est dit que le Christ fut profondément ému en son esprit aaç h :rtaau TÜ YQacpfi 6LaCpoQà.v ",",xii~ xa1. :rtVclJ'Clt~ xa1. ,doov tdv 't, OeO>Q<ÜV
(ÈtaQaxfu] t<i> :1tVEUJ,lan), Origène attire tout particulièrement l'at- dvœ ri)v ",",X1tV xa1. bu6exoJAÉV'lv ÜQeri)v xa1. xaxCav, o.ve:rtU)ex'tov 6è 't00v XEI.QO-
tention sur la différence entre :1tVEÜJ,la et "'tilt} : alors que l'âme occupe \'O)v 'to :rtVEÜj.UI 'too âv&Q<Ono" 'to.b «""'éll • 'tà YÙQ xalltma XG.Q:rto1. l.iyovtœ dvœ
'tOÜ :rtVt:Uj.UI'toç, cr6X 00ç civ ot'l&t:L'l 'taÇ, 'tOÜ aylo" cillà 'tOÜ o.vO-QomCvou.
une position intermédiaire entre l'élément supérieur et l'élément
121 HomaÜJ '" Jerem., 12, 11-13, Il, KLosTmluNN, III, p 79-80: 'A1.'l~
inférieur, étant susceptible d'une vie vertueuse ou vicieuse, le pneu- yàQ :rtQlv tdv .ÉÀ"n (seil. Christus) f'ClxulQa cr6x ~v bt1. 'til~ yii~ oOOè· c " odQ; bteiN-
ma par contre n'admet aucune perversité, puisque tout ce qu'il y a f1t:' xatà tOÙ m'clJ'Clto~ oMè tO mrt:üJlO. xatà 'rii~ CJUQxOç., ott: 6i: "1.&EV xai.·3E3~­
MyJ1t:&a tCva JAiv lanv die; oUQxoe;, tCva 6è tOÜ :rtVt:UJ'Cltoç, " 3\OOoxaÀCa. roœEQ
122 DE FAYE, op. cit~, III, p. 33. J&4xal.Qa yeyt:V1'JJ&évTt l'V YO 6te'tuv ri)v o<iQxa xa1. tltv yiiv CÙtO tOÜ :rtVEUJ'Cl'toç. -
123 Ccmtra CeZlNm, II, 51, KOJ:TSCBAU, l, p. 174. Cf. De priAcipii8, III, 4, KOETSCBAP', V, p. 264-265.
12-1 De principii8, II, 9, 7, KOETBCBAU, V, p. 171. 1n. oontie. cafttic., III,
121 De prinoipii8, 11, 10, 7, KOETSCBAU, V, p. 181: Si vero hoc non de dei

BURRENB, VIII, p. 215. ]-" cantie. contie., II, B~ENS, VIII, p. 147, Itpiritu, ee4 4e nat~r_ ipslu!,. ~~~ae in~~liiend~ est, pars ~i", ~~liOf 4içe~~fl
I..,A LIT;tÉRA TURE CHR:ÉTIENNE ORIGtNE 459
458
]e principe des désirs supérieurs, et qui dépasse infiniment les mis par les parents, èxactement comme le corps, tandis que le
autres éléments entrant dans le composé humain, car il n'est pas second doit l'existence à une intervention directe de Dieu.
transmis par les parents, mais immédiatement créé par Dieu 128. C'est Si l'on prend à la lettre l'explication donnée par Origène de son
à ce principe supérieur que s'applique ce que De Faye écrit au dualisme psychologique, on en arrive à la conclusion suivante: le
sujet de la psychologie d'Origène: « Origène con<;oit l'âme comme double principe qu'il distingue dans chaque homme, résulte du
tout à fait à part du corps. Elle" préexiste à celui-ci; elle y entre: refroidissement d'une partie du pneuma psychique qui, à la suite
il lui arrive momentanément de le quitter; elle en est aussi distincte du péché originel, serait déchu de sa pureté primitive et aurait été
que possible» 129. enfermé dans la prison du corps. C'est à la suite de cette déchéance,
Toute cette pneumatologie spiritualiste n'a cependant pas empê- comme nous le montrerons plus loin, que le pneuma psychique, même
ché Origène d'appliquér le même terme à la partie inférieure de supérieur~. ne peut plus exister sans être entouré d'une enveloppe
l'âme, qu'il considère~ alors comme 'un souffle matériel, non soumis matérielle. Inutile d'ajouter que cette explication nous laisse de-
à la loi divine parce qu'il a des tendances et des désirs corporels: vant une série de questions insolubles. Pourquoi cette dégradation
c'est pourquoi l'antithèse paulinienne entre la chair et l'esprit peut li 'est-elle limitée à ~ne partie du pneuma psychique et quelle est la

se traduire d'après lui comme une opposition entre un souffle ma- partie de l'âme qui a été frappée de cette déchéance f Ensuite, si la
tériel et refroidi et un pneuma s,upérieur 130, le premier étant trans- différence entre le pneuma supérieur et le souffle matériel se ramè-
ne à une différence de température, c'est que même l'élément le plus
quae ad imaginem Dei et similitudinem facta est, alia autem pars' ea quae noble dans 1'homme est de nature matérielle, ce qui ne s'accorde
postmodum per liberi arbitrü lapsum contra naturam primae conditionis et guère avec ce que nous en savons par ailleurs.
puritatis adsumpta est, quae utique pars utpote amica et eara materiae corpo-
ra1is cum infide1ium sorte multatur. - Cette conception d'Origène sur l' Èvaro- Ces incohérences s'expliquent par les influences multiples et va-
,.uiTroa~ de l'âme se retrouve également dans la littérature hermétique (efr riées qui se sont fait sentir dans la pensée d'Origène: influence st.oÏ-
J. KROLL, Die Lehre3 de, Hermes Triamegiato8, p. 269 ssq.). Elle est d'ail- cienne, qui se reconnaît. dans l'explication étymologique du terme
leurs très ancienne: «So war es schon orphisch-pythagoreisehe Lehre dass der "'UX1l, ainsi que dans l'idée elle-même d'un refroidissement produit
Èvaro~J.(iTroat.Ç der Seele eine vorzeitliehe sehuldhafte Tat zugrunde liege und
der Korper für sie ein Grab, ein Gefiingnis sei, aus dem sie sich befreien muss.
par le péché; influence platonicienne dans le dualisme psychologi-
Empedokles vertritt dieselbe Lehre vom Sündenfalle. Auch Platon kennt sie, que, qui est con<;u avant tout comme une opposition de tendances
Aristoteles ebenfalls; sie liisst sieh für Poseidonios und die 8ehar seiner N:ch- bonnes et mauvaises; influence néopythagoricienne dans le rapport
beter belegen J) (Ibid., p. 212). Cf. DE FAYE, op. cit., III, p •. 2l0 ssq. mutuel du . corps et de l'âme, qui sont considérés comme des élé-'
128 De principiis, 1, 1, 4, KOETSCBAU, V, 81: Iamvero ea, quae animantia
ments hétérogènes, dont l'union est la conséquence du péché. Cepen·
esse et rationabilia consequentia disputationis invenit, utrum eum corporibus
pariter animata videantur eo in tempore, cum dicit seriptura quia «teeit Deus
dant l'influence· fondamentale qui se reconnaît dans toute la pneu-
duo luminaria magna, luminare maius in prineipatum diei et luminare minus matologie du philosophe alexandrin, est celle de la Bible avec le
in principatum nocti8 et stellas », annon curn ipsis corporibu8, aed extrinseeus récit de la chute des anges et du péché originel. En effet, ces diffé-
faeti8 iam eorporibus inseruerit spiritum pervidenduni est. Ego quidem suspi- rentes doctrines philosophiques sont seulement reprises, dans l'exé-
eor extrinseeus insertum esse spiritum. - R. Reitzenstein fait remarquer que gèse d'Origène, dans la mesure où il y trouve le moyen d'éclaircir
l'antithèse entre le m'EÜJUl d'une part et le awJUl ax'ijvoç, aciQ~ d'autre part le
certains textes de l'Écriture: mais c'est le texte sacré qui constitue
retrouve également dans les papyrus magiques (Die hellenistiaohen My,temn-
religion en, p. 308). vraiment l'armature de sa pensée.
129 DE FA.YE, op. cit., III, p. 171.
130 De principii8, III, 4, 2, KOETSCBAU, V, p. 265: Ex eo erum quod per
idem voeari dieunt sapientiam carnia, quod est spiritus quidam materialis, qui
totam carnem sanguia diftusus vitam praestat eami, in sanguine mesle aiunt
legi Dei subjectu6 non est sed nec potest esse &ubjectus, quis voluntatel habet
hanc animam, quae' dicitur totius camia esse anima. Hoe autem ipsum, quod
terrenas et desideria corporalia. De prino€pii8, III, 4, l, KOETSCBAU, V, p.
dietum est, eamem rl'pugnare adversua spiritum, spiritum autem advenus car-
~~3~ De '"Ilcï?ii8, II~ 11, 5~ KOET~HA.U, V, f. 188,
ueJI\ et quod dietlUJl est; aJl.mu~ omnis ea,r:p~s sanguis ii»siu" est, aUo llomm~
LA LITTtRA TURE CHRtTIENNE ORIGÈN~ 431
460
De cette anthropologie trichotomiste Origène a fait une applica- L'incrMuütê opiniâtre des Juifs, lœ erreurs des hérétiques et
tion à l'exégèse de· l'Écriture Sainte: car les éléments qui consti- l'ignorance de certains chrétiens ne s'expliquent que par l'attache-
tuent le composé humain, à savoir, le corps, l'âme et le pneuma, ment à la signification littérale de l'Écriture. C'est parooqu'iLs refu-
se retrouyent dans l'interprétation des Livres Saints 131. Origène sent de comprendre le texte sacré xŒt'à t'à 1tVEUjA.Œnxa que les juifs
distingue dans la Bible une triple signification: d'abord le sens attendent encore avec impatience la réalisation des prophéties mes-
littéral, qui est pour ainsi dire le èorps de l'Écriture. Il faut enten- sianiques 134: s'ils pénétraient jusqu'à la signification pneumatique,
dre par là l'explication littérale des ~rmes, des images et des com- ils verraient avec évidence que toutes ces· prédictions ont été réalisées
paraisons; 0 'est ce qu'on pourrait appeler le sens verbal stricto seM'U, dans le Christ. Origène va même encore plus loin dans l'application
où il ne s'agit pas de découvrir quelle idée l'auteur sacré a voulu de ce principe, puisqu'il prétend que, dan~ certains cas, la significa-
inculquer sous le couvert d'un langage imagé, mais de connaître la tion littérale et historique manque totalement: il ne reste alors que
signification litté~ale des phrases. Il y a ensuite le sens psychique, le sens pneumatique, auquel la signification psychique est incor-·
qui est l'âme de l'Écrit:ure, et qui est généralemënt· d'ordre moral 1s2, porée 135.
o'est-A-dire qu'il a pour but d'édifier les fidèles et de les amener En quoi con.siste exactement ce savoir pneumatique, cette connais-
à un idéal plus élevé de perfection morale. Il y a enfin le sens sance pénétrante atteignant, au delà de l'enveloppe des mots et des
pneumatique ou mystique, qui est ce qu'il y a de plus élevé à décou- phrases, la signification cachée et mystique f Origène fournit très
vrir dans l'Écriture, de même que le pneuma constitue l'élément peu de renseignements· là-dessus. Quand il parle de cette exégèse
le plus noble du composé humain. Le sens pneumatique n'est pas pneumatique, ce sont toujours les mêmes expressions qui reviennent:
accessible à tout le monde: il est caché sous les apparences extérieu- elles ne nous révèlent guère le sens précis de cette herméneutique.
res de la lettre et exige une pénétration plus profonde pour être D'après Redepenning, ce savoir pneumatique consiste dans l'intui-
découvert 133. tion directe du monde céleste, dans la perception de sa nature, de
ses conditions et des changements qui s 'y produisent 186. Puisque
131 De pri1lcipiis, IV, 2, 4, KOETSCBAU, V, p. 313: WmtEQ Yà.Q 0 avt}Qoo1Coç les réalités et les événements de la terre ne sont que l'ombre de ces
avvÉO't1}XEV lx OOOJ.Ul'toç xut ""uxi}~ xut mreUflU'tO;, 'tov umov 'fQOnov xut 1) otxovo- exemplaires célestes, il s'agit de détacher le regard des images fuga-
fl'l'ÔEiou \mo 8EOÙ EIç ÙVÔQOO1COOV OOO'tf}QlUV lIoiH}"UL YQuqni.
ces que la vie nous présente, pour s'élever vers les réalités véritables
132 P. PRAT, OrigêM, le thlologÜ!'" et l'ezlgête, Paris, 1907, p. 128. TI paraît
ressortir de8 divers exemple8 donnés que le sens psychique aurait surtout pour de ce monde idéal. C'est avant tout dans les récits bibliques que
objet l 'Mification et répondrait a88ez exactement au sens moral de la ter- nous devons essayer de percer l'écorce pour atteindre l'âme de vérité
minologie plus récente. Du reste, son rôle pratique est bien effacê et il rentre qui y est cachée. Cette connaissance pneumatique est donc basée sur
le plus souvent dans le sens spiritueL Cf. E. A. REDEPENNING, OrigeM', l, une conceptiop. platonicienne de la réalité, comportant la distinction
(Bonn, 1841), p. 309.
133 De principiù, IV, 2, KOETSCBAU, V, p. 309: xui. on f1ÈV OLXOVOJA.CUL 'f~vÉç
du monde idéal et du monde du devenir. Celui qui jouit de ce sa-
dOL flUO'TLXUi, lIf}À.oUf1eVUL ôui 'fWV Oe:L<av YQucpwv, 1C«VUe; xut ol UxEQU..o'tUTOL 'fWV voir mystique ressemble au philosophe platonicien qui ne se laisse
Til> My'P 1CQOOLOvrroV:7tE1CLO'TtUxa.<JL. Hom. i~ Levit., l,l, W. A. BAEBRENS, p. pas prendre au mirage des réalités sensibles, mais sait que nous
280: Sicut in novissimis diebus verbum Dei ex Maria came .vestitum pro- sommes des êtres enchaînés ne percevant que le faible r~let de la
cessit in hune mundum et aliud quidem erat, quod videbatur in eo, aliud, quod réalité véritable.
intelligebatur, camis enim aspectus in eo· patebat omnibus, paueis vero et eleetis
dabatur divinitatis agnitio, ita et eum. per prophetas et legislatorem. verbum 134 De pri1&Cipiil, IV, 2, KOETSCBAU, p. 208.
Dei profertur ad homines, non absque eompetentibus profertur indumentis. Nam 111$ De principiù, IV, 5, KOIC'l'SCBAU, p. 314: 'All' i1Cd da' TLWÇ YQu~t TO
sicutibi cami s, ita bie littcrae velamine tegitur ut littera quidem aspieiatur CKOJ&œUCOY oü3uJ.Ui); ËXOUOUL, 00ç. Èv TOiç É;ij; 3e:~0J.&eV, Ëo'ttv 01COU otovd -ri)v "i'V-
ta~quam caro, latens vero intrinsecus spiritalis sensus tanquam divinitas sen- xJaY xa.i. 'fO 1CWÜf1U 'ti}c; YQa.cpi}e; ,wva XQ1) t'l'tttv. Comm•. in J oh., 1, 8, PREUBCBEN,
tiatur. - 1", LevU., V, 1, BAEBRENB, p. 332-334; ibid., V, 5, BAmBENB, p. p. 13 ~ xa.l y&o 'VÜV 1CQOxt:L'tUL 'fO Ulc7fhtTOv eüayyél.LOV flE'ta.Â.a6e:iv de; m'eUJLa.'ttx6v.
343, Comm. ift Joh., X, 5, FaEU~BJ;N~ p. p5! De f'rin.ci,nÏl, prael., 8, ltOfi- Cf. RDEPENNING, op. ci'., p. 299.
5CJ!AU~ p. H, 181 REDUENNING, op. cU., p. 313.
tA LiTT~RATtiRE CHR-tTIÊNN~ 463
Origène se joint cependant A Justin pour rejeter le naturalisme 1~exégèse pneumatique et mystique ùe l'Écriture, nous la trouvons
du mysticisme platonicien, car l'homme n'est pas capabl~ d'attein- déjà amorcée chez Clément d' Alexanùrie 13D.
dre cette intuition pneumatique par ses propres forces: il lui faut Origène parle également du pneuma mantique, qui, à certains en-
une illumination spéciale de Dieu pour y arriver 187. C'est pourquoi droits, s'exhale de la terre et pénètre dans le corps de la pythie
les hommes ordinaires, s'arrêtant A la signification littérale de pour la rendre capable de prédire l'avenir 140. Il ne s'agit pas ici
l'Écriture, tombent dans des difficultés inextricables. Seuls ceux de ses idées. personnelles, mais de la pneumatologie de Celse, qui
qui ont atteint un degré plus élevé de perfection . chrétie~ne, peu- défendait les oracles avec acharnement UI. Pour autant que nous
vent arriver à cette intuition mystique 1~8. Ce savoir supérieur sera pouvons le savoir par les brèves allusions d'Origène, il semble bien
donc l'apanage exclusif du tÉÂElO~, appelé également XYE'UJ-lanxo; que Celse a partagé la doctrine de Plutarque sur la divination.
ou yvroatI.XO;; il est représenté comme une· récompense ~~vine ac~or­ D'après lui, deux causes interviennent dans la production des ora-
dée à ceux qui tâchent d'accomplir en tout le bon plaISir de DIeu. cles: une cause immédiate, le pneuma mantique, et une cause mé-
L'origine paulinienne de cette conception ne nous semble pas dou- diate, les démons.
teuse. En effet, saint Paul dit à plusieurs reprises qu'il doit adapter
la prédication de la doctrine chrétienne au degré de perfection de 3. Il faut donc, d'après Origène, distinguer deux parties dans
ses auditeurs: les """,XlXOL ne sont pas encore capa.bles de com- l'âme humaine: le pneuma matériel, qui est contenu dans le sang
prendre le sens profond des mystères chrétiens; il n'y a que le et qui est le principe de toutes les activités vitales d'ordre inférieur,
1n'E'UJ-lŒnxô; qui, par la rectitude de sa vie, peut se hisser au niveau
et le pneuma supérieur, qui, étant immatériel et invisible, tran-
de ce savoir supérieur (1 Oor., 2, 4-15; 1-oid., 3, 1; GaZ., 6, 1; Coloss., scende tout ce qui est corporel 142. A ce point de vue on peut dire
l, 9). Il ne s'agit pas ici d~une connaissance philosophiquel q~i qu'Origène est le continuateur de la pneumatologie de Philon et
li 'obtient par un enchaînement systématique de raisonnements, malS
de Clément d'Alexandrie. C'est .d'ailleurs la même influence qui a
d'une intuition directe, que ceux-là .seuls peuvent acquérir qui produit chez ces différents auteurs la spiritualisation du pneuma.
ont atteint un certain niveau de perfection chrétienne. Cette pneu- En effet., le dualisme psychologique, qui a été repris par certains
matologie mystique se rattache également à certaines conceptions stoïciens, n'a pas conduit ceux-ci à la conception d'une réalité vrai-
de Philon, de S. Justin, de Clément d'Alexandrie et des gnostiques: ment spirituelle: il a fallu que le spiritualisme de la Bible s 'y joigne
nous retrouvons chez ces différents auteurs un pneuma qui est une pour dégager la pneumatologie du matérialisme du Portique. No-
tons toutefois que l'immatérialité de l'âme ne se trouve pas, d'après
lumière et une aide divine accordées à des âmes d'élite en vue de
leur sanctification personnelle ou de la mission qu'elles ont à rem- Origène, au même niveau que celle de Dieu, car seules les trois per-
plir. Il y est donc déjà question d'un savoir 'pneumatique qui ne sonnes de la Sainte Trinité sont complètement immatérielles, en ce
s'obtient pas par les voies ordinaires de l'expérience et du raison- sens qu'elles peuvent exister sans le moindre contact avec la ma-
nement, mais par une illumination spéciale de Dieu, .impliquant tière: dans ~ 'ordre actuel des chos.es, tous les êtres, en dehors de'
toujours un rapport étroit avec un haut degré de perfection morale.
1311 Qvü di"e, ,al"elVf, 5, STAEHLIN, III, p. '163, 16: 8e't 8i œqKÔÇ et8oT~.
Pour ce dernier trait cependant, il faut excepter les gnostiques, où
<1>; aWnlQ, cillà. :rcaVTu Oe~ aO«pCq. XUl "VatLXij 3LMaxeL TO~
O'Ü8Èv a:vitQ(J)1CLVwç {,
ce rapport n'apparaît guère. En ce qui concerne plus spécialement ÉU'U'toü, " ... CJO.QXLVW~ clxQoücrltaL Trov 1eyoJAivwv cilld 'tGV èv a-tn-oiç .xtXQVfA-J&ivov
V01jy J&nù Tii~ ùi~ t1)nlaEwç xui. cnrviaewç lQwvciv xui. XU'tUfU1\-tciveLV.
131 BEDEPL'iNINO, op. cit., p. 315. . 140 Contra Cel81l'tn, VII, 3, KOETScBAl1, II, 115. COft.tra Cel8vm, VII, 4,
US8 Hom. in Levit., 1, 1, BUBRENS, p. 280. De prinolpiû, IV, 4, KOJI:TSCBAU, KOBTSCHAU, li, 156. COfl.tra CelBum, III, 25, KOETSCHArl, l, 221-222.
p. 312: oùxoiiv 'tQLXOOç d:t~Qa«pEuOuL 8e't eU; -ritv Éu'U'tO'Ü """xTlv 'tà 'trov «yCmv 141 DB FAYE, op. cie., II, p. 190. .
YQuJltui·t(J)v VOTUW.T~· tw. {, JIh ci:tÂ.O'ÛateQo; otxo80f-L'ijauL d:to Tiiç otove, CJO.QxOç 142 COfttra CelBUm, VI, 71, KOETSCHAU, II, p. 141: xUTà 8i {Uulç, XUL tl)v 10-
rlï~ YQwpfjç, Wt~ OvofUltOV't(JiY ~fUÎ>v -ritv :rcQoxeLQ~v Ëx8oXtÎv, cl 8i TWwç ••• \,LX"'V ",",x"'v :rceLQwJA-ivouç d.~o8eLXvUvu~ xQdnow. :Tt<im)ç aWfUl"TLXil~ cpVaEw~ xul
â..~à TOÜ 1CV€UfUlTO; VOf1OU, axuiv :rceQLixoVTO; TOOv )lE).).ÔVTWV aya-6-rov. oüa(uv àOQutov xal àaOOfUl"TOV ...
ÔïUGtNE
Dieu, requièrent l'appui d'une substance corporelle qui 1e.9 sou- ëét~è vie et au corps pneumatique après )a mort, paraît assez lâche:
tienne dans l'existence 1~3~ C'était là évidemment le môyen le pIns Origène parle de l'organisme corporel. ou de l'enveloppe pneumati-
facile d'affirmer la transcendance divine: le cosmos est donc con- que comme de quelque chose qui ebi; à la disposition de l'âme. -Nous
sidéré com~e une hiérarchie ascendante dont le degré inférieur est pourrions dire que cette enveloppe matérielle est· un instrument
constitué par la mati,ère et dont le sommet est occupé par la divi- n,~ess~ire d~.1 ~~D:le humaine. L~ d,üf~re'1ce.entre. Je. corps charp.el
nité immatérielle. De cette manière la perfection d'un être se me- et le corps pneumatique consiste dans le d~gré plus grand. dè. subti:.,
sure à son degré d'indép~ndance vis-à-vis de la matière. C'est pour- lité et de pureté de ce dernier; De même que le péché de nos pre:-
quoi Origène' dit que le pneuma psychique s'est refroidi après le __ miersparents a produit un refroidissement ét une déchéan~ d'uné
péché de nos premiers parents et a été emprisonné dans le corps. partie' de leur pneuma psychique, ainsi la vie \tenuèUSe relève la
:Même Je pneuma supérieur de 1'hon1Dle n'est pas entièrement im- ~ubtiIité de l'âme et la rend digne d'une. enveloppe plus pure.
matériel, en ce sens du moins qu'il ne peut exister sans contact avec Toute cette doctrine SUr le corps pneumatique de l"âme est ma~i~
la matière: les anges et les bienheureux au ciel ont également un fastement basée sur l'eschatologie de S. Paul (1 Cor., 15, 44) et ne
cQrps, qui, n'étant pas aussi grossièrement matériel que le ~ôtre, présente que des accointanceB très lointaines avec la conception ana-
est plutôt iJ.e nature pneumatique l44 • Il n'en résulte .cependant pas logue. que nous avons troùvée chez. Plotin et dans la littérature her-
que cette partie supérieure de l'âme ne soit pas en elle-même imma- métique: en effet, il s'agit dans ces derniers cas d'une' enveloppe
térielle, puisque le lien qui la rattache au corps charnel durant pneuptatique que l'âme revêt au moment de sa descente sur la terre
et qu'elle ne quitte pas durant tout son séjour en ce monde: elle ne
143 De prift.CipiÜl, l, 6, 4, KOETSCBAU, V, 85 : In hoc fine ai quis materi· l'abandonne qu'au moment où elle remonte vers son lieu d'origine.
alem naturam, id est corpoream, penitus interituram putet, nullo oDUlino genere Nous ne trouvons rien de tout cela dB:Il8 la pneumatologie d '.O~igène.
intelleetui meo occurrere potest, quomodo tot et tantae substantiae vitam agere
et subsistere sine corporibus possunt, curn aolius Dei, id est Patria et Filü et
Durant le séjour de l'âme sur la terrel il n'est pas question de .corps
Spiritus Sancti naturae id proprium sit ut sine materiali aubatantia et ull. pneumatique: c'est lA quelque chose qu'elle doit mériter par une
corporeae adjectionia aocietate intelligatur sub1listere. De principii8, II, 2, l, vie vertueuse et dont elle ne se revêt qu'après la mort. Il ~e con"
KOETSCBAU, V, 112 : Quaeréndum primo videtur, si p088ibile est penitua incor· naît pas noii plus un stade ultérieur, où l'âme serait libérée de toute
poreaa remanere rationabiles naturas, curn ad summum sanctitatis et beatitu- attache matérielle, puisqu'il n'admet, pas qu'ii y ait un seul être,
dinis venerint, quod mihi quidem difficillimum est et pene impossibile videtur.
e~ dehors de ~ieu, qui jouisse de ce privilège.
De principiÜl, II, 2, 2, KOETSCBAU, V, 112-112: Si vero impossibile est hoc
ullo modo affirmari, id est quod vivere praeter corpus ulla alia natura praeter De Faye a voulu mettre ·cette doctrine du corps pneumatique au
Patrem et Filium et Spiritum Sanctum .•• Soliua namque Trinitatis incorporea compte de Rufin, qui, dans sa traduction du IlE Q t d QXWv d'Ori-
vita existere recta putabitur. gène, n'aurait pas toujours respecté la pensée de l'original grec,
lU De principiÜl, II, 2, 2, KOETSCBAU, V, p. 112-113 : Ut ergo auperiua
diximus, materialis ista substantia huius mundi habens naturam, quae ex omnibu8
~ais y aurait introduit ses propres conceptions. Le principal argu-
ad omnia transformatur cum ad inferiores quosque trahitur in crassiorem cor- ment sur lequel s'appuie De Faye pour défendre sa thèse, c'est.que
poris statum solidioremque formatur, ita ut visibilis istius mundi species varias· la doctrine en qu~tion ne s'accorde guère avec la' conception d 'Ori-
que distinguat; cum vero perfectioribus ministrat et beatioribus, in fulgore gè~e sur la matière qui, d'après lui, n 'e~iSte que par interDÛttence:
caelestium c9rporum micat et apiritalis corporis indumentis Vtl angelol Dei vel «A. 'de certains moments elle disparaît. Mais auparavant, dit-il, il-
filios resurrectionis exornat. De principiis, II, 3, 2, KOETSCBAl1, V, p. 116 :
faut savoir si l'exiStence sans corps est possible. Suit une réfutation
Mira ergo ratione sanctua apostolus ad generalem primam cauaam reapiciena
materiae corporalis, cujus materiae anima usum semper habet in qualibet quali- en règle de la doctrine même d'Origène 1 Fort heureusement nouS
tate positaej nunc quidem camali, postmodum vero subtiliori et puriorl, .quae possédons l'attestation expresse de Jérôme d'après laquelle «les corps
spiritalia appellatur, ait «neeesse est corruptibile hoc mduere incorruptionem ». qui ressuscitent après plusieurs siècles seront dissous et anéantis».
Il faut noter cependant que l~s anges ont existé aana corpa, et qu'ill en ont Il est donc manifeste qu'une fois de plus Rufin Il tenté de faire dire
6té revêtus à la suite de leur pêch6.
80
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OIUOÈNÊ

~ son a~teurjuste le.cont~irede ce qu'il ava.itécrit._u~. De Faye Nous pouvons àoiic' dire' que, d'après Origène, le pneuma supé-
fait remarquer e~ outre. que, d'après Origène, les essences ration.. rieur de l'âme est. vraiment immatériel, tout en étant ordonné à la
nellespe~vent exister sans corps: toute sa doctrine sur la chute et matière. A ce point de vue il occupe une position intermédiaire entré
la rédemption se rattache à cette possibilité. le pneuma divin et le pn~uma matériel de la partie inférieure dé
Nous ne pouvons partager cette opinion de De Faye pour les rai- l 'âme. Da~ la hiérarchie des êtres du CMmos, ce pncuma supérieur
eSt plutôt au degré le pIllS bas des êtres ÏDÛnaténels qu'au soinmet
sons suivantes:
du. mondé matériel: il n 'est rattach~ aut. êtrès matériels que par uné
. a) Cette .d~ctrine d'Origène ne se rencontre pas seulement d~
enveloppe' pneumatique et subtiie à laquelle il est indisSolublement
la traduction latine du llE:O t àO"o)v, mais aussi dans ses autres lié, de .sorte que la partie supérieure de l'âtrte humaine avèc le corps
ouvrages, où la question des interpolations ne se ISose même pas 1.'. pneumatique qui l'entoure doit être considérée comme l~ point' dé
. b) D'autre part, Origène ne dit pas q~ 'il y a entre l'âme et ia rencontre du monde matériel et du monde spirituel.
matière .un rapport métaphYsiquement nécessaire. Puisqu'il adme~
l'existence d'êtres purement spirituels, tels que Dien et les esprits
•••
avant la chute- , il faut reconnaître que
.
le lien nécessaire qui rattache
l'âme à la matière résulte d'une décision positive de Dieu, qui a
Arrivés au têrl11e de eette analyse, repreno~ brièvement les lignes
voulu punir les esprits à cause de. leur désobéissance lU. Nous sup-
essentielles de la. pneumatologie d'Origène afin de préciser la place
primons par là la contradiction interne qu'il y aurait dans le sys-
qu'il. occupe dans 1té\'olution généralê de .la doctrine..
tème d'Origène. d'après De Faye: car il n'est pas contradictoire
d'admettre que les- esprits aient existé autrefois sans aucune attache . 1. Le terme ptieuma 'est" empI~yé tout d'abord par Orig~ne pout'
matérielle, bien que cette manière d'être soit maintenant le privi- . désigner la 'nature immatérielle et iranScendante' 'de Dieu.. Par là
lège exclusif des trois personnes de la Sainte T.rinité. il se s~pare nettement de 1'Îmmaneiltismë ~at~rialiste du Portiq\i~
dont il c9mbat la pneumatologie. Origèn~ a. exprimé· avec plus ,de
U5 D. FAn, op. cit., Ill, pp. 76·77. Le nerf de l'argumentation de De Fa)',
précision qJle ses pr.édécesseurs, tels que Philon, Ta~ien, .Athénagorèf .
lM ramène donc l eeci :. la pneumatologie du nEQi. CÏQxwv' est en contradiction le caractère immatériel du pnellma, dont il dit qu'il n'a rien de
aveo 'la doctrine générale d'Origène sur l~ matière: puisque eelle-ci n'existe corp9re~~ . D~autre part, il a. indiqu~ la soUrce de eettedoctri~e~à
que par intermittence, il faut admettre que les substances rati.oDDeUcs peuvent sav:oi~ l'Écriture Samte. Ce dernie~ .renseipement. surtout est 'pr~
exister &ans enveloppe matérielle. cieux: ce n'est donc pas' le platonisme qui est le principe ;de cett~ .
. . He C~trtJ CellnMn, VII, 32, KOKTSCBAU, V, 182-183: àU' doo"fEÇ, on ft TÜ sp4-itu.alisation, bien qu'il y ait' contribué, en tant qu'il dMénd une.
laUTilç cpUOEL àaWJ.Ul"f~ xai. ooQu"tO<; ""um, I:v 1tUVtL OroJ.Ul"fLX«p "f01tcp "fVYXuvouoa,
~onception .ïn.:tmatérielle. de la divinité et fournit donc par. là .l'idée
~Ei"fUL oWJW"fO<; otxdou TÜ qn;OEL "fil> "f01t'P lxdvcp • 01tEQ &tou J1ÎV &tEx8uoof.LÉvrl
"fG 1tQO"fEQov avuyxo.iov p.I:v, 1tEQl,(Joàv 8i wç 1tQbç "fà ~MtQU·. &tou 8i È:toov-
même d'une·'réalité spiritUelle~ Mais èe n'est pas dans les écrits de
GOJ.l~ ~ 1tQO"ftQov ElXE, ~EOJ1iv'll 'XQdnovo<; l:vooJ'G"fOç etç "fOÙç xa.ftD.Qro"fÉQouÇ Platon.. qu'Origène: .a ..trouv6 le terme pneuma iü la signification
xai. a.t-tnQWuç xai. OÙ{H1VLollÇ "f01touç. ~iritue~le q~'il lui attribue.
Orid. tragm. (Ù' reBUrt., (MnjNK, t. XI, coL 96): 'Allà miL {, XOMt;OJ.L!VO<; 1tÀov.
tlLOÇ xai. /) Év x6Â.1t0&Ç •A6QC1ÙJ.L 1tM}ç avwtuuof.LEVOC;, 1tQG -riiç 1tUQOUG&aç "fOU ~(J)­ .' 2~ Le dualisme psychologique d'Origène est également une élab'ora..
'riiQO<; xa.i. 1tQo -riiç auvtEÀE&aç "foU ulWvo<;, xui. &Là "fomo 1tQG -riiç avucnooE(J)Ç 18- tion philosophique de~ 1'ailthropologie~paliIinieimeJ .avec son 'antithèSe
yOJ.LtVOL /)' J1h I:v qoou 'XOMit;EaDUl, /) ôi I:v 'XoÂ.1tOLÇ •A6Qa.àJ.L avwta.ûsaDuL, &LMa- xVEülJ.a- adQ~. En' effet, d'après le phUosophe alexandrin, ceS ~
'Xoumv on 'XO.i. VÜ'Y TÜ Wta.U.ayü OWfUi"'CL XQi}"fUL .,. "IroXiJ. parties de l'âme sont~plutôt des foyers de tendances' bonnes ou. .mau-
147 De priftcipiil, l, 7, 4, KorrscBAu, V, 91:, Immo quomodo DOS hommes
vaisës que des élémentS constitutifs du composé humain. Le pneuma
ob quaedam peccata bis
SU1DUS cireumdati corporibua, quae crassa lunt et pin.
supérieur, qui' est considéré comme la source de' tous les' désirs nobles
guia, sin et caeli luminarla taUa vel talla' aceepiase eorpora, ut vel plus vel
minu!i lueeant; et da~mone8 ob maiora delicta aërio corpore cale veatitol. et élevés"de l'homme, est un principe immatériel, mbis qui se situe
468 469
en dessous de la divinité dans la série décroissante da.· perfections Portique, cette influence est plutôt négative, en ce sens qu'elle a
çosmiques, parce qu'il est nécessa~ement rattaehé à 1& matière: en forcé Origène à préciser ses propres conceptions A l 'encontre d~
effet, depuis la dégradation qu~il a subie A)a ,sui~ du péché originel, 1'immanentismematérialiBte des· stoïciens.
il· ne parvient pas A se dégager totalement de la matière où il est
enfermé.
,Quant à l'âme inférieure, elle est considérée comme un souffle
matériel, contenu dans le sang. Après avoir subi un certain refroi- 6. LACTANcE.

dissement au moment de la chute· originelle, elle est devenue le prin-


cipe- 'des activités inférieures -et des ,mauvais déms, 'bien qu'elle Avec Lactance nous arrivons à la fin du troisième et au début
p~é'éga1eine~t s'élever A un niveau supérieur. . du quatrième siècle de l'ère chrétienne. On peut se demander, après
Cette anthropologie trichotomiste a été appliquée également par l'analyse que nous· avons faite de la pneumatologie d'Origène, s'il
Origène A l'exégèse biblique. n distingue en effet dans,la Bibie, A est encore nécessaire de poursuivre cette étude, puisque l'évolution
côté de la sigDÜication hiStorique- et psychique, vn sens pIns Caché que nous avons étudiée depuis les débuts de l'école stoïcienne semble
et plus profond, qu'il appelle pneumatique ou ·mystique, accessible arrivée à son terme. En effet, on trouve chez le maître alexandrin
seulement aux parfaits. Il 'ne s'agit pas d'mi. savoir syllogistique, toute une nouvelle pneumatologie, basée sur l'Écriture Sainte et
obfenu par une série systématique de -raisonnements, mais d'une nettement spiritualiste, qui s ~oppose diamétralement aux ligites
inttiition 'directe que' les pneumatiques ou' gnostiques obtiennent ëssentielles de la doctrine du ,pneuma chez les stoïciens. Cependant,
par uneillumitiation ·spéciale de Dieu 148. Cette nouvelle signific'a- comme nous avons pu le constater au cours de cette enquête, cette
tion du' prieuma s'inspire encore ~ne 'fois des épître&' de S. Paul: évolution n'est pas -rectiligne, même à l'intérieur d 'un~ même école
nous l'avons d'ailleurs déjà rencontrée plusieurs fois au cours de ou d'un même .courant de pensée. Les apologistes du deuxième siàcle
cette . analyse. ne sont pas tous au niveau du spiritualisme de S. Paul et, après la
3. Origène parle enfin d'une enveloppe pneumatique qui entoure pneumatologie fort avancé~ de Clément d'Alexandrie, nous sommes
l ;âme à partir du moment où elle quitte le corps; comme il 8 'agit ici retombés en· plein matérialisme chez Tertullien~ C'est pourquoi il
ci 'une enveloppe beaucoup' plus subtile que l'organisme charnel, est nécessaire de pousser plus loin encore cette analyse, pour sliivre
ene sera un instrument plus souple' et plus docile pour 'le déploie- les fluctuations de la' pensée chrétienne avant ·d'arriver à la grande
ment de ,l'activité psychique. Cette doctrine est basée, _elle aussi, sur synthèse augustinienne qui, dominera· toute la philosophie médié-
l,'eschatol~gie paulinienn~ et a été niise en rapport par Origène avec . yale. Cette étude nous mont~era d'ailleurs sur le vU toutes les dif-
sa conception de l'im.matérialité, qu'il considèr~ comme le privilège a
ficultés que la pen~ée antique dû surmonter, avant de se dégager
exclusif' des trois Personnes de la Sainte Trinité. Cette doctrine se, ,pleinement du matérialisme.
distingue d"ailleurs nettement de la conception d'une enveloppe Si nous n9us arrêtons à Lactance, ce n'est pas à raison 'de l'ori-
pnleumatfque de l'âme, que nous avons trouvée. chez les néoplatoni- ginalité. de sa pensée ou de la profondeur de ~ vues:, car, A en
ciens et dans la littérature hermétique. ju~er par l'étude de. sa pp~umatologie, il ne· donne pas une ,tx:ès
Ainsi donc, la source prinéipale de la· pneumatologie d'Origène haute idée' de sa valeur, philosOphique. On ne trouve guère, chez lui,
est' incontestablement l'Écriture Sainte, spécialement les épîtres de d'analyses pénetrantes où des problèmes import~ts s~nt finement
saint Paul. L'influence de ,la philosophie stoïcienne et platoni- ~xami~és et serrés de près e~ vue d'arriver' à une solution satiSfai-
cienne y est tout à fait· secondaire. Quant A la pneumatologie du sante. Au contraire~quand il touche des problèmes métaphysiques
de quelque importance, il a soin de passer à côté de la question.
. 148· Origène. dit même· à eertainaendroita que durant 'cette' ne DOUI De pou.. Son mérite se limite à un exposé rationnel et systémetique de la
l'ons atteindre que le 8ena littéral et p8ychique. ct. BKDEPENNINO, op. cit., p., 316. religion chrétienne, dont il accentu<, beaucoup moiua le caractèro
470 LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE" LACTANCE 471
religieux que le caractère philosophique 140. Pour ce qui est de sa. çue par la provid~nce de Dieu, exécutée par sa puissance créatrice,
connaissance. des philosophes antérieurs, il n'a guère fréquenté les achevée par son intelligence, qu'elle est conservée par son spiritus
œuvres origin'ales d~s grands penseurs de l'ant.iquité: c'est par l'in- et gouvernée par sa main toute-puissante 152. Ce rôle est dévolu
termédiaire de Sénèque et de Cicéron qu'il a pris connaissance des également au pneuma dans les écrÜs d'Athénagore, qui considère
grandes lignes d~ leur pensée 150. Sa pneumatologie n'est cependant le logos comme le démiurge et le pneuma comme le principe de la
pas dénu~e d'intérêt pour nous, d'autant plus qu'il est un des rares cohésion universelle. Alors que l'apcIogiste grec se sert du terme
témoins de l' évolution d~. cette do~trine entre· Origène et S. Augus- stoïcien auVÉX.EtŒL 153, Lactance emploie un mot moins caractéristi-
tin. que et plus vague: sustentat. Il y a cependant entre eux une dif·
ParIant de la nature de l'âme humaine, qui est repr.ésentée comme férence beaucoup plus importante encora: le pneuma d' Athénagore
un souffle subtil et insaisissable, Lactance affirme qu'elle est à ne 8 'identifie pas avec la divinité suprême, tandis que le spiritus
l'abri de toute violence de la part des choses solides et corporelles de Lactance n 'est q~ 'un des multiples aspects de l'activité divine.
qui nous entourent:' ce qui ne veut pas dire· qu'étant immortelle, Ce spiritus ne peut pas être considéré comme une substance indivi·
elle soit absolument impassibie, car elle ne peut pas se dérober à dueIle~ pas plus que la providence ou la puissance de Dieu.
l'influence de Dieu, dont la substance et la puissance sont également Ce souffle divin étend son action au cosmos tout entier, aucun
« spi.,...italis » 151. Lactance s'accorde donc avec Tertullien pour regar- coin de l'univers ne peut se dérober à son influence. C'est· pourquoi
der la divinité comme un spiritus, et il donne· ~ ce terme la même les' poètes, s'ils célèbrent· dans leurs· chants tous les dieux: du pan-
signification matérialiste que le célèbre apologiste africai~: le spiri- théon et leurs exploi~ mémorables, reconnaissent cependant qu'un
tus est un souffle chaud et subtil, dont la nature maiérielle n'est même spiritus et qu'une seule intelligence étreint et gouverne le
guère douteuse. Toute la suite de 1'expoSé montr~ra qu'on ne trouve cosmos 154. Lactance ne se sert pas du terme stoïcien l)lllxELV (trans-
rien chez Lactance du spiritualisme d'Origène, qui a aperçu beau- meare) pour décrire l'activité du ~tus divin, mais du terme con-
coup plus nettement la signification scripturaire' du terme XVE\tJ'Œ tineri, dont nous avons déjà trouvé l'équivalent grec chez Théophile
et qui le considère comme l'expression la plus formelle de la nature . d 'Antioche 15:S et qui a été consacré par la pneumatologie d' Anaxi·
immatérielle de Dieu. Ce matérialisme ne nous étonnera guère si mène. n dit cependant dans un autre passage que le souffle divin
nous réfléchissons aux sources de la penSée de Lactance: ce n'est est répandu (diffU3US) à travers le monde et il en conclut qu'il est
certes pas chez Sénèq.ue ou Cicéron qu'il aurait pu apprendre une absolument inutile de faire des statues et des images de Dieu, puis-
pneumatologie spiritualiste. que celui-ci 'est présent partout 156. Si la terre semble p~oduire des
Ce n'est pas' s~ulement la substance de Dieu qui est pneumatique, animaux, ce n'est là qu'une illusion facile de ceux qui ne considè-
sa puissance l'est également: c'est par son souffle puissant que
Dieu agit dans le monde et qu'il domine la création tout entière. . 152 DW. IMtif., p.' 29, 5: Dubitet vero aliquis an quiequam .ditficlle aut
Lactance nous dit que l 'harmonie merveilleuse du cosmos a été con- impossibiJe dt Deo, qui tanta tamque miritiea opera providentia exeogitavit,
virtute constituit, ratione perfeeit, nunc autem spiritu I118tentet,poteatate mode-
149 R. PICHON, Lactance, Paris, 1901, p. 34: «·Celui-ci (Lactance) a un but
retur, inexcogitabilis, ineffabilis et nulli alü satis notus quam sibi.· . .
très net: prêsenter le christianisme comme une philosophie autant et plus que 153 Leg. pro chriltitJ"iI, e. 6, GElTCKEN, p. 124, 28. .
comme une religion, mettre au service des dogmes religieux une mêthode philo- 154 1Xv. lutif., p. 13, 10 : Poetae igitur, quamvia deoe earminibua ornave-
sophigue D. . rint et eorum res gestas amplifieaverint summie laudibus, saepissime tamen con-
150 R. PICHON, op. cit., p. 218 ssq. fitentur spiritu l'el mente una contineri regique omnia.
151 DWift.Q6 lutitution.el, ed. 8. BRANDT, p. 650, 23 : Quod ergo mirum, si 151 ..dd, ..dutol., l, 5, ÛTTO p. 16.

CllD'l sint immortales animae, tamen paiibiJes sint deo' Nam cum in se nibil 158 Div. lutit., p. 100, 10 : Et tamen hominis imago neeessaria tum videtur,

habeant solidum et· coutreetabile, a solidis et corporalibus nullam vim pati cum proeul aOOst, supervacua futura, cum praesto est, dei autem, cujus numen'
p~ssunt : sed quia in solÏJ!l spiritibus vivunt, a solo d~o traetabile~ ,unt, cqi ~.. 1
et spiritqS llbi,!uc diffu8Qs a~e~ num'luam l>0test~ semver uti'lue 8uvervaeuA
virt\lS aç su~sÛ\Qt~ sJ>irj~lia est, Olt,
472 LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE LACTANCE 473

rent que l'apparence des choses: en réalité,' c'est le s1'Î.r#us, di$, de Dieu est donc une image fidèle, de la splendeur du Père, ne. se,
répandu dans le monde, qui fait, jaillir .partout]a Vie et là, con- confondant pas avec lui,. niais ay~nt sa personnalité propre, qui
naissance 157. Ceci nous rappelle la' pneumatologie de, Sénèque et s fépano~it dans toute,9 les manifestations de la vie consciente et
sa conce;>tion de la croissance des plantes. Celles-ci sont constam- intellectuelle. Les 8,piritUS di.vins ne sont pas comparabl~ aux nôtres,
ment poussées en haut par le souffle contenu dans-les flancs de la qui s'évanouissent très vite parce que nous sommes mortels: les
terre et qui pénètre en elles par les racines enfoncées daM le sol. souffles divins sont doués de vie, d'immortalité et de conseience,
Comme il reSsortira encore plus clairement de' la suite de l'ana..' parce que Dieu lui-même est immortel et la source intarissable de la
lyse, les réminiscences stoïciennes sont' faibles dans la pneumatol<>:-- vie et de la, connaissance 160.
gie de' Lactance, bien que celle~i soit aussi matérialiste que celle On ne petIt cependant pas confondre le spiritus, du Fils de
de' Zénon et de ses disciples. La dUférence essentielle entre les deux Dieu avec celuidea anges: le premier est un spiritm tJocaUs ou
systèmes' se trouve' dans le fait que l'apologiste chrétien 4 renoncé sermo, prononcé par la bouche de Dieu, tandis que les souffles angé-
à'l'immanentiSme panenthéiste du Portique 158. En effet, "il admet liques sont des taciti spiritus, procédant de ses narines. Cette' diffé-
que le spiritm ' divin est répandu à travers le monde et qu'il étreint rence; que Lactance considère comme essentielle, est en rapport
l'univers, Il n'en· conclut pas qu'il existe à l'intérieur de chaque étroit avec la fonction qui leur sera confiée. Alors que les anges' ne
être, pour l'animer,' une parcelle de ce souffle divin: l'âme humaine sont que les serviteurs de Dieu et qu'ils n'ont qu'à exécuter S('S
et le principe vital des autres vivants ne sont plus considérés comme ordre'!;; le Verbe divin aura une mission beaucoup plus importante à
des àxoO"xaO"flata de la divinité matérielle et cosmique. Malgr~ son remplir: il' sera le maître de la doctrine divine et le révélateur du
matérialisme, Lactance a donc renoncé comme les autres auteurs mystère céleste devant les hommes 161.
chrétiens que nous 'venons d'étudier, au monisme panenthéiste qu'il 'La ,manièré dont ce Fils divin procède du Père diffère ~ale~ent 1
trouvait dans les écrits de Sénèque. du mode de production des anges: alors que le Verbe a été conçu
. Dieù 'éSt représenté par Lactance' comme la source première ,de pa:r l'intelligence de 'Dieu 182 et en~ndré par lui (ge~uit" Proge-
tout ce qui existe. Loin de garder pour lui l'abondimce de ses riches- nuit) 1&3, les anges sont considérés comme des ~réatures de la divi-
ses, 'il a produit une multitude d'autres êtres, qui participent à sa
perfection infinie. Avant de commencer la création ,du monde, Dieu
mundi, quonlam plenl et eonsummati boni fons in ipso erat aieut est semper,
le Père a engendré un autre spiritus, saint et incorrup'tible comme
ut ab eo bonum tanquam rivus oriretur longeque proflueret, produxit aimilem
lui, et doué de la puissance et de la majesté. paternelles IG9 ~ Cé Fils
, ~ul, ~iritum, 'lui e-net virtuÏibul patrie dei praeditus.
180 Di11;"IfUltit.; 291, '5: Merito igltur sermo,' ae verbum Deidieïtur; quia
157 Di11. Ift-8tit., p. 136, 10 : Nee ta men eommoveat aliquem quod animalia deus proeedentem de ore auo voealem spiiitUID, quem non utero aed mente
quaedam de terra nasci videntur. Haee enim non ,terra per se gignit, sed· spi- coneeperat, inexeo~tabill quadam. maieatatis suae vir~ute ae potentia, in .,ffi-
ritus Dei sine quo' nihil gignitur. giem:, quae -proprio aensu et _aapientia vigeat" comprehendit; .et aliOl, item: api-
158 R. PICHON, op. cit., p. 99. rita ,81;101 ln' angelol ligur~vit. No.tri' spiritus d1aeolubUes aunt,' quia, mortales
159 IMit. epit., 712, 16 : Deus in prineipio" antequam ~undum institueret, .umus, dei aut~m' spiritus et vivunt, et. Manent et aentiunt, quia ipte ÏDimorialis
de aetemitatis suae fonte dcque divino ae perennispiritu suo filium' sibi ipse est et aensUl ac vitae dator. '
progenuit incorruptum fidelem, virtuti ae majestati patriae respondentem. ,,181 PifJ. Ift8tit.;. ~96: nu, enim (aeil' angeU) ex D~ tatiti spiritus exie-
Divi",. Iutit., 286, 5 : Deus igitur maehinator eonstitutorque rerum, aieut in mut quia non 'a~ doetrinam Dei tra~endam, lied ad ministerium creabi.ntur.
secundo, libro diximus, antequam praeclarum, hoe opus mundi adoriretur, sane- et
Ille, verQ eU,Dl, iit ipse Ipirit~s, tam~n cum voee ac lono ex dei ore proeessit"
tum et ineorruptibilem spiritum genuit, quem filium nuneuparet~ Et, quam.vis aieut verbum, ea aeilieet ratione, 'quia l'oee eius ad populum fuerat usurus, id
,lios postea innumerabiles ereavisset, quos angelos dieimus, huna tamen solum est quod ,ille magister futurus ,esset doetrinae dei et eaelestis areani ad hQ~e.
primogenitum divininominis appellatione dignatus est patria seilieet virtute perlerendi. "
ac maiestate pollentem. Divin. Instit., 129, 7 : Cum eS8et Deus ad exeogitan- 182 Di11. In3til., 297, 5.
dwn providentissimus,' ad laeiendulll &ollertissUx.us, ante'luam. OfcUretuf hoc op'Qa t~ -Pi11, If'ftU., V. 286, V. 712,
LA LITTtRATURE CHRtTIENNE LACTANCE 475
474
nité suprême (creaVÏ8set) lM. Et quand Lactance essaie de déterminer spirit1i~ pour désigner la nature de la divinité suprême ainsi que son
avec plus de 'précision le rapport entre le Père et le Filspremier--né, activité dans le monde. Le même terme est employé également pour
il recourt à l'image de la rivière qui découle de,la source, ietAcelle indiquer la nature du Verbe, qui est représenté comme un souffle
du rayon qui est· projeté par le soleil: il va même jusqu'à dire "que articulé procédant directement du Père. La signification matéria-
les deux n'ont qu'une seule et même intelligence,un même spiritus liste de ces termes n'est guère douteuse: le spiritus est un souffle
et une même substance 185. On pourrait comprendre cette formule subtil qui transcende les corps solides, par sa souplesse et son élasti-
dans le sens d'une identité absolue entre le Père et le Fils: ·ce qui cité, un souffle insaisissable, mais qui est in..~éré cependant dans
n'est certainement pas l'intention de Lactance. Ce qll 'il a voulu 'tra· l'ensemble matériel du cosmos. A ce point de vue, la pneumatologie
duire par là,c 'est le rapport étroit qui les unit: le Fils pl'9cèdedu de Lactance s'accorde assez bien avec celle de Sénèque, chez qui
Pèr,e et possède :Ia même nature que la divinitésuprême~ - nous avons trouvé le même matérialisme malgré l'élévation de son
Il est cl~ir qu'on ne peut pas trop presser les formules. employées. idéal moral 189• Quant aux conceptions théologiques et christologi- ,
par Lhctance nt chercher chez lui la logique rigoureuse d'un ,qs. ques ne notre auteur, il est clair qu'elles résultent généralement
tème cohérent. Pour ne parler que de l'origine des anges, par exem· d'une interprétation grossièrement matérialiste et fautive de cer:-
pIe, ·comment faut-il concevoir cette création, alors que, par ail· tains. textes scripturaires. C'est de là que provient aussi l'incohé-
leurs, Lactance dit qu'ils procèdent de Dieu le Père comme dessouf· rence de ces doctrines, le spiritualisme de la doctrine chrétienne ne
fIes silencieux f D 'aprèscett'e .formule, il ~ccepteraitdoncpour 1Jori· pouvant pas se concilier avec les vues matérialistes que Lactance y
gine des anges un émanatisme matérialiste analogue à celui du introduit.
Verbe. . La pneumatologie de Lactance est aussi en rapport avec sa doc-
Lactance distingue dans la personne du Christ deux parties con- trine sur les anges. Comme nous 1~avons déjà noté plus haut,
stitut!~es: la partie charnelle et mortelle, et' la partie divine, qui est ceux-ci sont considérés comme des souffles silencieux, créés par
]e splntu$ 188 1)e même que le souffle divin a été engendré par un Dieu, alors que le' Verbe est un spiritus vocaUs procédant directe-
père sans intervention d'une mère, ainsi le corps du Christa été ment du Père céleste. Il y a cependant un texte où
le Christ ,est
enfanté par une vierge-mère 161. En raison de cette dualité dans la représenté comme un ange que Dieu le Père a adopté pour par-
personne du Christ,.il faut lui attribuer une double naissance: la tager avec lui la puissance suprême 170, comme s'il n'y .avait
naissance spirituelle avant la création du monde, et la naissance aucune différence de nat~re entre le Verbe et les démons. Ces
charnelle sous le règne de César-Auguste 188. derniers sont répartis en deux classes : les démons célestes, 'qui
Il résulte de l'analyse de ces textes que Lactance se sert du terme sont les' bienfaiteurs et les angœ protecteurs de l 'humanité, et les
dêmons terrestres, esprits impurs qui, sous le commandement du
diable, s'ach'arnent à sédui~e lœ hommes et à les écarter de la
164 Div. 1ft8tit., p. 286.
185 Div. Imtit., p. 392, 8: Cum igitur. et pater filium faeiat et filius voie de leur salut 1Tl. TI serait évidemment impie de ~olisidérer
. patrem, una utrique mens, un us spiritus, una ~ubstantia est: sed ille quasi au-
berans, fons est, hie tanquam def1uens ex eo rivus, ille tanquam 801 hie quasi 169 : ~nèque insiste êgalement IUr 'le earaetàz:e insalaissab1e du ~ulfie' psychi-

radius ex sole porreetus. ' que: Ep~, 51, 8 : ••• animU8; qui ex tenUÏ8simo eonstat, deprehendi non potes1j
166 Div. lndit., 320, 4: Bed eum fatetur (seil. Milesius .Apollo) aeeundum
nec intra corpus atf1iJi, 8ed benefieio lubtilitatis l11&e, per ipsa, quibus premi-
earnem fuisse morta1em (scil. Christum), quod etiam nospraedieamu8, eonae- tur erumpit. '
quens est ut secundum spiritum deus fuerit, quod n08 adfirmamu8. Div. Iut'f., 170 Iutit. epit., 712, 23 :, Denique ex omnibus angelil, qu08 idem deus de
311, 1. 8uis spirit~bu8 figuravit, 501u8 (aeit Christus) in eonsortium summae potestatis
187 Div., Imtit., 376, 6: Habebat enim (scil. Christus)' spiritalem patrem
adaeitus est, 8,olu8 deus nuneupatus. .
. 171· DW•. Ift8tit., 163,' 9 : Ita duo génera daemonum laeta sunt, unum eaeleste, ,
deum et sieut pater spiritu8 eius deu8 8~e matre, ita qla~er eorv0ris ei"l YlTgO
sino patre. . alterum terrenum. Hi sunt immundi spir~~1:l~ m.!Llorum quae gerunter auçto res,
Jo. pi.V, lutit., 295, 5, ~uor~ ~de~ d~~o!~ est ~rineefs~ , -
476 LA LITTJ!;BATURE cHntTIENNE LAC'fANCE 477
Dieu comme l'auteur indirect de tout ce mal et de ces souffran:. porter ie moindre secours à leurs adorateûrs He. Toutes les aber-
ces : en'.réalité, ces. mauvais esprits se trouvaient onginairement rations du polythéisme païen sont le fruit de ces indigations men-
au même rang: que les déIQ.ons célestes, et s'ils sont déchus' de songères: c'est ce que reconnaissent touS ceux qui cnt été arrachés
leur. condition première, c ~est par ,leur propre faute, puisque ap· à la domination de ces mauvais esprits et qui se sont convertis
partenant à la racedivineetêtant doués d'une volonté libre, c'est à la religion c.hrétioone 177.. Quant à c~ux qui s'obstinent dans
par leur propre choix qu'ils se sont écartés du bie~ Leur déché·' le culte de ces démons terrestres et, qui se dérobent à l'adoration
ance' est la 'punition' de leur jalousie orgùeilleuse 172. A partir du vrai Dieu, ils paieront dureme~t '1 ~impiété et le crime dont
de ce moment le diable et Ses partisans sont devenus les ennemis ils se rendent coupables par leur conduite déraisonnable 178.
acharnéS de' la '<livinité~ cherchant sans relâche à' contrarier les Toute cette démonologie est, encore une fois, la traduction ma-
plans de la providence divine et à tendre des pièges aux justes 113. térialiste .d'un certain nombre de textes scripturaires. Dans l'ex-
Ils vagabOndent' ~ur ,la terre et cherchent à se consoler de leur posé que nous avons donné plus haut de'la p,neumatologie du Nou...
déchéance 'én dressant· des embûches aux· hommes, pour les faire ,veau Testament, nous il 'avons point parlé spécialement de l'an-
tomberdani le gouffre, où eux-mêmes ont été projetés 174. gélologie qui s'y rattache, parce que cette doctrine n'intéresse, pas.
. ,
directement l'objet de notre ,étude. Si nous en parlons ici, c'est
Dans certaines.. circonstances l'action de ces ,démons terreStres
que 'ces conceptions de Lactance peuvent nous aider à comprendre'
devient enéore plus. néfaste : profitant de le~r s1ibtilité~ ils s'in·
troduisent dans le corps des hom~es et ruinent leur santé, pro· sa pneumatologie. En effet, les démons sont considérés par lui:
duisent toutes sortes de maladies, ,provoquent des songes effray· comme des souffles matériels, qui, grâce à leur, subtilité, s'intro.'
antsët font, délirer ,la rais~n humaine : autant de moyens pour duisent dans le corps des hommes ét exercent sur eux leur influ'"
éloigner les hoIIlmes de la vérité et pour les contraindre à recourir ence néfaste. Il est souvent question, dans les Évangiles, d'hommes
à leurs services 115. Les aberrations, des cultes païens témoignent qui sont tourmentés par, des esprits impurs. Le terme 3tVEÜ~<t
d'aiJleurs de, 'l'efficacité ,de ces intngues démoniaques : beaucoup dont se servent les auteurs sacrés pour' désigner ces êtres malfai-
d'hommes' Se laissent' prendre dans les' filets de ces 'esprits malins, sants, a .été compris par Lactance dans sa signifiéation la plus
ils mettent leur âme entre 'leurs mains et ils les adorent comme des matérielle, et toute sa doctrine sur l'origine des démons n'est qu'
dieux, bien qu'ils soient incapables, eux et leur roi Jupiter, de
178 Di..,. lnatit., 168, 3: Hi porro iceesti ac vagi spiritus ut' turbent omnia
et err~res hum anis peetoribus offundant, serunt ac nli.eent falsa eum verie.
, 172 Di". IM,tit., 129, 13 : Deinde fE-cit (scll. Deus) alterum (sciL spiritum) Ipsi enÏIn eaelestes multos esse finxerunt unumque omnium regem Jovem eo
in quo indoles' di~inae stirpis non permansit. Itaque suapte invidia tamquam quod m~ti, sint· in caelo spiritus- angelorum et UDUS domÏ:Dul 'ac parens omniun:
veneno infeetus est ~t ex bono ad malum transcen!lit suoque arbitrio, quod illi deus., Dw. In,tit., 387, 18:, llli enim nequissimi spiritus 'ubi adiurantur, ibi
à Deo liberum fuerat datum, contrarium sibi ,nomen adscivit. . le daemones eonfitentur, ubi coluntur, ibi se deol mentiuntur ut errOles homi.
1-M Di". IMtit., 270, i : Qui sicut scimus niÏtil esse fortunam, ita scimua esse nibus immittant et avoeent a veri Dei Botione per quam solam. potest, more
pravum ac subdolum spiritum, qui sit ,inimicus bonis hostisque iustitiae, qui aeterna vitari. - Dt". lutit., 174,2. IMfit'. epit., 699, 8. ' .
eontraria' facit quam Deu~, cuius invidiae cau sam in secundo libto explicavi- ': 17." ~itJ<If&8tit., 477, 9 :' Ne haee quidem lem eausa ~t· quocf hDmundi dae"
~u~ , mo~ ~lfitu8)' accepta lieentia, multorum se eorporibus, immergunt, quibus
114 Di11. ·ln,tit., '164, 13: Hi ut dico' spiritus contaminati ae pei"diti per postea, electis, omnes qui resanati ,luerint'adhaerent religioni euiua potentiam
omnem terram vagantur et in solacium perditionÏ8 s~ae perdendia hominibus sensenmt..
operantur. ' ' 17è Di..,." ln'tit., 114, 11: Q~od8i àpparét 'religionel1stas tot' ~odÏa' eUe
. 175 Di..,. IMtit., 165, 4 : Qui quoniJun spiritna 'SUDt tenues et incomprehen'si- van81 quibus doeui, manitestum elt ~os qui vel mortuis lupplieant vei terram
biles, insinuant se eorporibus hominum et occulte in risceribus operati valetudi- venerantur, vel' .piritib'us inipuris' anim&IJ inail maneiparit" -rationem lioinInum
nem vitiant, morbos citant, somniis animos terrent, mentes 'furoribus quatiunt, nOQ tenere eosque impietatis Re lëeleris sui supplicia penluros, qui rebelles ad.
ut hornines his malis cogant ad ~oru~ ~u~il~ ~eeu.rrçre, - Cf. 1..'". epit., versna parentem generia huniani' deum. suseeptÏS' inexpiabilibus saeris las oume:
violaverint.. ' .
096 , 2~! Piv, 1?l8fi~.f ~7!, 4!
demment basée sur le récit biblique de la création· de i'homme, avec
une explication étymologique du même terme à la· man~ère deà
. une vague réminiscence de philosophie grecque. Cependant ce qui
stoïciens. Une interprétation du même genre est à la source de la
nous intéresse particulièrement dans ce dualisme anthropologique,
différence qu'il indique entre l~ logos divin et les pneumas angé-
. c'est l'identification du spiritus avec l'élément igné : Lactance re-
liques. Nous trouvons ainsi dans la démonologie de Lactance une
joint par là les débuts de la philosophie du Portique, où Zénon de
confirmation de l'interprétation matérialiste que nous avons don-
Cittium attribuait la même signification à ce terme,. emprunté aux
née de sa théologie: le spiritus de notre auteur se rapproche de
écoles médicales de son temps. Il s'agit évidemment, dans la pensée
celui de Tertullien, avec ceite différence toutefois que ce ·dernier
de. Lactance, comme d'ailleurs aussi dans celle du fondateur de
à réservé ce terme à Dieu seul, pour marquer nettement la transcen-
l'école stoïcienne, d'un souffle chaud, souple et subtil, à tel point
dance divine en face de l'immanentisme du Portique. Nous croyons
qu'iI nonsest insaisissable, bien qu'il n'échappe pas à la toute-puis-
qu'il n '~t guè~e possible de pénétrer plus avant dans la pneu:'
sance divine 180. La participation à ce même spiritus est la base de
matologiede Lactance. TI reste sans doute une série de qu~tions
la fraternité qui d~it unir tous les hommes, quelle que soit la diffé-
dont la solution n·ous aiderait beaucoup à préciser sa doctrine,.
rence ehtre les corps 181. Elle est également le premier fondement
mais malheureusement notre auteur n'a rien fait pour nous four-
de notre parenté avec Dieu 182. .
nir les· préèisions voulues. En quoi consiste exactement la nature
La raison de ce dualisme anthropologique doit être cherchée,
de la déchéance subie par les mauvais anges après leur révolte ,
d'après Lactance, dans· le rôle que 1'homme doit remplir durant cette
Origène parle du refroidissement d'une partie du pneuma psychi-
vie : c'est la ·constitution d'éléments. contraires qui lui permet de
que à la suite du péché de nos premiers parents, mais Lactance ne
comprendre le bien et le ma1 183 • La vie humaine doit donc être
donne aUCUll re:nseignement là-dessus. En quoi consiste l'action
considérée comme un temps d'épreuve, durant lequel l'homme aura à
néfaste des mauvais esprits sur les hommes f Comment peuvent-
faire la grande option qui décidera de son avenir : il peut se lais-
ils produire certaines maladies et même agir sur la raison humai-
ser dominer par les convoitises de la chair et mourir comme elle;
ne , Nous tomberions. dans ·des conjectures, peut-être peu fondées, si
nous voulions doilDer une réponse à ces diverses questio·ns. similitudinem gereret. (Cf. m'IJ. Instit., 735, ll). n n'est pas douteux, eroyons-
nous, que la première phrase du texte eité se rapporte à. la eréation de l 'hQDlD1e
tout entier (hominis) et pas seulement à. celle de son corps, q,ui serait un mélang~
••• harmonieux d'éléments eontraires. En effet, l'auteur précise cette composition
dans ee qui suit immédiatement (lido. eAÏIm ... ) en montrant que ces éléments
centraires sont à. l'origine des cieux par.tiel constitutives de l'homme: le corps
et- le ,piritV8• .D'ailleurs, l'il n'en était pas ainsi, Laetanee aurait dG. parler
Ce né sont pas seulement les anges, que Lactance représente d '~e double oppOSit~OD dans 1'homme: d'une part entre les ~léments constitu-
comme des spiritus: l'âme humaine offre lé même caractère pneu- tif. du corps et, d'autre part, entre l'âme et 1'organiame corporeL
matique. L'homme est considéré· comme résultant de l'union harmoni- , . . ..
. 180 Di'IJ. Irutit. 650 13: Anima enim cum clivortium feeit a corpore, est,
,
ut ait idem 'poët&, c par levibus ventia vo1ucrique Iimillima iOmno» qUIa apm-
euse de deux éléments opposés, l'eau et le feu : car Dieu, après
tua est et ipsa tenuitate incomprehensibilis, aed .nobis qui 8UDlUl corporales, deo
avoir façonné le corps, lui a communiqué un souffle de la source
vitale de son spiritw éternel, afin que·l 'homme soi~ constitué à
autem, cui lubiaeet posse omnia, comprehensi.bilis... Di". Iutit., 650, 23. •

l'image du monde au milieu duquel il doit vivre et qui es~ égale-


.. 181 DR. .,'
Iutit. 441 24:: Nam cum omnia humana non .
corpore l8d apl-
ritu metiamur,. tametsi corporum lit cliversa conclieio, Jlobis tamen IerVl non
ment un mélange d'élé~ents contrah:es 178• C~tte .conception est évi- lunt, aed eos et babemus et dicimus spirltu fratrea, religione COJllervOB.
182 Difl. Irutit., 650, 23. . .
, 183 DR. IMm., 598, 22: Tum perfeetis omnibus, quae ad eondieionem
178 DW. Iftnit., 155, 10: In ipsius autem bominia fietione illarum duarum
mundi pertinebant, hominem finxit ex ipsa terra, quam illi a prineipio in habi-
materiarum, quas inter se diximus esse eontrarias, igni~et aquae, cone1usit
t&eulum praeparavit, id est Ipiritum 'suum terreno corpore induit et involvit, ut
pcrlecitque rationem. Ficto enim eorpore, inspiravit ei anima~ de vitali fontl)
eompaetus ex rebus diversis ae repugnantibus bonum ae malum caperet.
spiritus sui qui est perennis, ut ipsius mundi ex contrariis constantis· e1cmentis
496 tACTANcrj 481
il peut aÜSsi mériter la vie éternelle, en accomplissant les œuvres dé liste. C'est pourquoi l'anthropologie de 1iapoiogiste chrétien se rap-
la justice 184. Si La.ctance déclare que le $piriius humain n'est pas· proche plutôt de celle de Tertullien et de sa doctrine du [latus,
mortel, cela ne veut' donc pas dire qu'il atteigne. nécessairement qüi présente à peu près les mêmes caractères que le spiritus hu-
la vie immortelle, car celle-ci est la récompense exclUBive des jUstes, main de Lactance. Cependant il ne semble pas qu'il faille recon-
qui n'y Pbrviennent que par des efforts assidus ·en triomphant de naître des influences philosophiques déterminées dans la psycholo-
tous les obstacles; mais l'âme humaine puisqu'elle connaît Dieu gie de Lactance, à part quelques réminiscences de Sénèque. Les ana-
et aspire à s'unir à lui, qui est immortel, est capalile de partager lyses philosophiques ·ne le préoccupent d'ailleurs pas : et si l'on
avec lui cette vie bienheureuse et éternelle 185. On trouve donc peut relever dans son anthropologie certains traits de ressemblance
chez Lactance la· connexion entre la conduiie morfile· et la survie avec la philosophie du Portique, c'est plutôt, croyons-nous, parce
après la mort, que nous avons rencontrée chez Platon 18'. et chez qu'on trouve de part et d'autre le même empirisme grossier, et non
Chrysippe, bien que la doctrine du philosophe chrétien soit sans pas parce que certains éléments de doctrine auraient été emprun-
rapport avec les eonceptionseschatologiques de ces penseurs grecs :
1 tés par l'apologiste chrétien à la pensée grecque. On peut appli-
o 'est la doctrine chrétienne sur la vie éternelle, qu'il faut m.ériter quer à Lactance la remarque faite au sujet de la pneumatologie
par des œuvres de justice, qui. est à l'origine de c~ vues. d'O~igène : la source principale de sa pensée est l'Écriture Sainte
:Malgré là matérialisme de Lactance, on trouve chez lui le même et l'influence de la philosophie païenne est secondaire, sauf en ce
dualisme dans les expressions que chez Sénèque : le corps est la qui concerne 1'esprit gén~ral de son système.
demeure passagère de ce spirit"ü céleste, qui aspire à s'en dégager
et à rejoindre sa destinée éternelle 187. Il.y a cependant une dif- *
férence essentielle entre notre auteur et le philosophe romain: c'est **
que, d'après ce dernier, le souffle psychique de l'homme est con- L'inspiration des prophètes est un sujet dont Lactance parle à
sidéré comme une' parcelle du pneuma divin répandu à travers ·le plusieurs reprises. Mais comme il ne fait que répéter les formules
monde, alors que Lactance n'admet plus cet immanentisme matéria- scripturaires, sans chercher des précisions ultérieures, il nous est
impossible d 'y déceler sa conception personelle. TI dit que les pro-
184 DW. lutit., 597, 24:, Cum posset" (seil Deus) semper ·spiritibull suia phètes sont remplis du spiritus divin 188, ou bien qu'ils p_arlent
immortalibus . innumerabilea anima a proereare, aieut angeloa benuit, quibus im- sous SOn instigation 189, et même que le souffle divin parle à tra·
mortalitas sine ullo malorum perieulo ac metu constat, exeogitavit tamen inenar- vers leur bouche 190. Cette inspiration n'est d'ailleurs pas limitée
rabile opua, quemadmodum infinitam. multitudinem crearet animarum, quas àux prophètes : même les philosophes de l'antiquité, tels que Cicéron,
primo fragilibus et imbeeillis eorporibus inligatas eonstitueret inter bonum
malumque mediaa, ut constantibu8 ex utrisque natura virtutem proponeret, ne
qui avant l'avènement du christianisme ont déjà fait connaître auX
immortalitatem delicate adsequerentur ac molliter, sed ad illud aeternae vitae hommes les vérités fondamentales de la révélation chrétienne, ont
ineloquibile praemium cum summa difficultate et magnis laboribus perveni- été inspirés par un spiritU8 divin 191. Les expériences mystiques,
rent.
185 Di". lutit., 211, ·4: Ideirco enim soli animantium ad adspeetum caeli 188 Div. lutit., 11, 21: Prophetae, qui fue:unt admodum. multi, unum.
ereeti sumus, ut summum bonum nostrum in summo esse credamùs, ideo reU- deum· praedieant, unum IoquuDtur, quippe qui uniu8 dei Bpiritu pleni quae
gionem soli capimus, ut ex hoc sciamus humanum spiritum non eSS8 mortalem, futura eBsent pari et consona voee praedixerint. - De ira Dei, 123, 14.
quod deum qui est immortalis et de~iderat et agnoseit. Div. IMtit., 376, 14 : 189. Div. l~tit., 328, 4: Quomodo autem et cum quibus mandatis a deo
Etenim cum eonstet homo ex ea!De ae spiritu et oporteat spiritum iustitiae mitteretur in terram, .declaravit spiritus dei per prophetam docens futurum,'
operibus emereri ut fiat aeternus, caro quoniam terreDa est ideoque mortalia, ut cum voluntatem Bummi patria fideliter et eonstanter implesBet, aeeiperet
copulatum aibi spiritum trahit 'aeeum et ab immortalitate inducit· ad mortem. iudieium atque imperiuQl sempitemum. - Div. lutit., 359.
188 Tim., 90 b. ' 190 Div. lftstit.,. 284, 22; 509, 8.
181 Di". lutit., 157, 9: Er.t enim (scil:. corpus) quasi V8sculum, quo tam- 191 DW. lfJ8tït.,. 509, 8: Quis saeramentum Dei Beiens tam Bignilieanter
quam domicilio temporali spiritus hie eaelestia utatur. enarrare legem Dei posset quam illam homo longe a veritatis no titi:.. remotus
al

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:1
482 tACTANCË
où lœ prophètes voient se dérouler comme présents des événements dire que notre souffle psychique embrasse l'Grganisme corporel tout
futurs, sont également attribuées à l'action de ce même l'pint,,, entier, les yeux, les oreilles, la langue, les mains et les pi cds, afin
divin 192 TI n'est cependant pas possible de tirer de ces quelques de s'en servir dans l'exercice des fonctions vitales 185. Dans une
textes une conception déterminée sur la nature de ce souffle divin de ses homélies, Macaire pose la question de savoir si l'âme a une
ou sur ]a manière dont il agit sur l'âme humaine. forme (d ËXEt J,l.O()(pl}V Yi "'UXYl;), et il répond que l'aspect de notre
souffle psychique ressemble à celui des anges et à la forme exté-
rieure du oorps 196 : c'est pourquoi 'il est possible, par une illu-

•• mination Spéciale de Dieu, de voir cette forme psychique 191. Toute
cette conception ressemble singuliè~ement à la psychologie de Ter-
tullien, qui décrit également l'âme humaine comme un double du
Ainsi donc, malgré l'influence du christianisme, Lactanee n'est
corps.
pas arrivé à se dégager du matérialisme. Tou~ 83 pneumatologie
est empreinte d'un' empirisme matérialiste aussi grossier que celui Il y a cependant une différence entre le matérialisme de :Ma-
des stoïciens. D'ailleurs ses conceptions philosophiques manquent ,Caire et celui de Tertullien et de Lactance : chez le premier la tran-
totalement d'intérêt. Cas analogue à ~elui de Tertullien! qui n'a scendance divine est tellement accentuée que Dieu échappe au mat~
jamais pu se libérer de l'emprise de son éducation, stoïcienne; la riaHsme universel, raison pour laquelle, nous dit-il, la divinité s'est
pneumatologie de Lactance est toute pénétrée du matérialisme de revêtue d'un corps pour pouvoir entrer en cont8.ct avec ses. créa~
Sénèque et de Cicéron; par suite, il a abordé la lecture de l'Écriture tures visibles, telles que les âmes des saints et des anges, afin'
Sainte avec certaines idées préconçues, qui l'ont guidé peut-être qu'elles puissent participer à la vie divine 198. Cette union mys-
inconsciemment dans l'interprétation des textes sacrés : 'c'est ainsi tique avec les âmes ~aintes et fidèles est d'ailleurs tellement intimé
qu'il en est arrivé à étayer par des passages bibliques une pneu- que Dieu constitue avec elles, selon l'expression de saint Paul, un'
maJologie diamétralement opposée à l'esprit de ces textes. ,seul pneuma 199. C'est que, conformément au principe de Cléanthet
A ce point de vue, il est intéressant de rapprocher la pneuma- Macaire ne conçoit de contact possible entre deux êtres que s'iI!
tologie de Lactance de celle de Macaire d'Égypte, auteur mystique sont corporels tous les deux.
du quatrième siècle, dont 'les conceptions ne sont pas moins maté-
rialistes 193. Lui aussi cC?nçoit l'âme humaine, les anges et les mau- 195 Homél~, IV, 9, PG, 31, 480: <Ntro xat" ~uX"i >.vma o~oa "EQI.ÎÀ.o.6E'tOV
vais esprits comme des êtres -corporels qui, tout en étant des souf- 6qrDcV.I'u>V aL' 00 OQij., ,t'o o~ 3L' ou UxOOEL. ·OfWLcnç Ti)v yMüO(JU.V aL'1i~ À.olEi, 'ri}v
fles subtils, ont leur sub~istence propre et leur forme déterminée xEiQa xat Wt~wtÀ.iüç' "üv oWf.Ul xat t'à.,I.ÎÀ.1} a'Ù't'oü "EQlla6oüoa" ~, d'U"f'tixQd-
'tal., 3L' 00 WtEQyUt;Et'aL na.Vt'a t'à. t'OÜ ~'ou btL't1}3EUf.Ult'a.. '
exactement comme les corps solides 194. C'est en ce sens qu'on peut
'19. HomIl~, VII, 7,' PG, 31, 628: Et lXEL f'OQq>1}v 1) ~; "EXEL dx6va "at
f'OQqn\v ofWwt;ouCJQV t'~ ciyyWp. -OmœQ 'YÙfl ol un,Ml&. IxovCJLv d"Ovu xoJ. fW~
(seil Cicero) expresaitf Ego vero eOB, qui vera imprudentes loquuntur, sic cv'lv xat &mœQ 0' ~co av&Q<lmoç lx~ elx6vu, o~co mL 4\ 1_ IlxcSva IXEL OppUrI'
habendos puto tamquam divinent spiritu aliquo instineti. 't'P ciyyÉÀ.cp xal ~cp ~ro civ&QcO;tcp f'OQqnlv.
192 Div. In8tit., 660, 16: Visiones enim divino spiritu 'otferebantur oou11. 191 Hotnél~, VII, 6, PG, 31, 528: 'Et Pi..btEL 't1.Ç aL' Wtoxol~8~ "ut cp<i,'Coç
eorum et videbant illa ineonspeetu suo quasi fieri ae terminari. OEtxOÜ ,""V'lroX"iVi -OcmEQ ol bqrDalfWl oot'OL ~i..btOUcn. ~Ov filLOV, MCO xat ol q>co-
193 STOFFELS, Ma'kari1Ul der .Aegypter ouI den Plaàe", der Btoa, Theologlache 'tLaDivteç ~ü.'"touaL Tl)V elx6va 'riiç 'IroXii~, cillà t'aUn)v, 6À.(YOL OQWoL XQLCJ'tuivOL
Quartalschrift, XXII (1910), pp. 88-105, 243-265. , 1911 Homél~, IV, 9,' PG, 31, 480: 'Earof'Ut<moC1}o8V laU'Coy 4\ cixe&QoÇ' xal ci-
19. Homllie, IV, 9, PG, 31, 480: "ExaO'tov YÙfl xa:tà. Tl)v UHav «pUcnv awtui lo- 2tQOOLt'oç xat WtOL1}Toç OEOç, aui WtEt.QOV xat civevv01}TOV XQ1lCnOt'1}'to, xat ~ ft-
'(LV, 0 uyyEÂ,oç, " 'Iroxrl, 0 ôaLJ.W>v· on xllv Mnt'à WOLV, oJ.W>~ ëv \moO'tuoeL "al "e'tv œ~ lOf1CxQ\1V8'V aVtàv lx 'riiç WtQOO'(TOU ô6~'1ç~ tva ouvevroitijYCIL aUV1}itii t'otç
X<1Qa.x'ri\QL xut El"OVL "a'tà Tl)v À.vno't1}'ta 'tijç qroOEroÇ a'Ù't'Wv, oWJ.I4'ta wyxuveL 6QaTOtç a'Ù't'oü Xt"LCJf.U1CJLV, olav ,,",xatç o.yCœv "at ciyyélcov À.iyro, tYCI ooV1}6œa,
u,'"tt'o., W01U'Q lv V'lOO'tOOEL t'omo 'tb oWJ.tQ naxu lO'tLV. - Homélie, IV; 10, PO, troij~ OE0"'!lt'oç f18t'ClCJXEiv.
41, 480. 199 ,ll~lélie, IV, 10, PG, 31, 480.
APOLLINAIRE DE LAODICÉE 485

Le i>~h6 lui-même est considéré par lui C$Dlme un être corporel lui fait oublier son origine céleste. La pneumatologie de Macaire
et pneumatique qui, étant d'une souplesse extraordinaire, peut présente donc une confirmation de ce que nous avons dit plus haut
prendre des aspects düférents 200 : il est décrit par Macaire comme sur l'origine égyptienne de' cette doctrine.
un voile épais qui vient envelopper l'âme et qui obscurcit son re- La pneumatologie maté~ialiste de Lac~nce n'était donc pas une
gard; alors que chez les hommes de foi ee nuage se dissipe et s'éva- exception. La comparaison avec Tertullien et avec Macaire montre
nouit 201. Lorsque le péché a pris possession de l'âme humaine, il que même les auteurs chrétiens n'ont pas tous saisi le spiritualisme
est bien dilficile de le chasser. Il en est alors comme du vent qui impliqué dans les doctrines évangéliques. L'influence de certaines
est pénétré par les rayons du soleil: ce n'est qu'en faisant cesser réminiscences stoïciennes semble avoir contribué pour une grande
le vent qu'on peut le séparer du soleil 202• Aussi la plupart des part à cette déformation de la pensée chrétienne daM le sens du
hommes ne connaissent pas la véritable origine des tendances mau- matérialisme 204
vaises qui les inclinent au mal: ils se croient poussés par des forces
intérieures, alors qu'ils s.ont sous la domination de la puissance
7. ApOLLINAIRE DE LAODICÉE.
intelligente de Satan qui s'introduit ,jusqu'au plus intime de la
conscience humaine pour Y répandre les germes du péché 201. Seuls Nous avons déjà parlé à plusieurs reprises du grand problème qui
les hommes qui ont la paix et la lumière du Christ dans leur intel- se posait durant les' premiers siècles de l'ère chrétienne touchant
ligence connaissent la véritable origine, de ,cette puissance malfai- l'attitude de la nouvelle doctrine vis-à-vis de la philosophie païenne.
sante. Il y a donc, d'après Macaire, 'une force pneumatique qui Nous avons expGSé également la solution adoptée par l'école- ca té-
cherche à s'emparer de notre souffle psychique pour l'entraîner chétique d'Alexandrie: Clément d'Alexandrie aussi bien qu'Ori-
vers le mal. Il n'est pas nécessaire, croyons-nous, d'attirer l'atten.. gène n'ont pas prononcé l'anathème CGntre la philosophie grecque,
tion sur les accointances que présente cette conception avec <lvtt.... t ....ov bien que la source principale de leur pensée soit incontestablement
xvEÜ .... a de la Pistis Sophiia, lequel est décrit également eomme une l'Ecriture Sainte ; l'analyse de la pneumatologie d'Origène à mon-
enveloppe pneumatique qui obscurcit le regard de l'intelligence et tré eIairement que l'influence du platonisme et du stoïcisme y est
d'ordre secondaire.
200 'Htnnélie, XVI, 7, PO, 31, 6171 ot 'YàQ 9ÉÂ.ovn~ oxElit] xa:rdodxwuaaL xal Cette alliance entre la philosophie et la religion ne pouvait man-
buq>eivw twÔLO.t :tQorrov XT)QO:tÂ.aOTOÜOI.j xal ~ro~ ÈxxÉouaL xatr OJ1Q wnrra ÈXEC· quer de susciter certaines questions dont on ne s'était guère pré-
vou, won "Co ËQ'Yov xa"C' ÈxEivo WtOnÀ.EO'Ôi)vaL "Co axi)J1Cl' oVrro~ xal iJ àJ.1UQda
occupé dans la communauté primitive; on s'y contentait simple-
nvEÙf.LCI oVoa dXO\la lXEL, xal IJ.E"Cu6uUUaL E~ J.1oQCPàç :toll~. ·O.LOCro~ xai. 0 Ëoro
ciy{)Q<lmC>Ç twÔLOv iOT'''C~ lxov dxova xal tWQcpooaw. ·OJ1QCwf.LCI 'YuQ ion "Coi ~,(J) ment de la teneur du texte Sacré. Ces quœtions portaient principa-
dv6-Qw:tou 0 taro. lement sur la Sainte Trinité, sur le rapport mutuel des trois Per-
201 Hotnilie, VIII, 5, PO, 31, 529:, ·O~ yvocpwÔT)C; "C1oÇ ôwaJ.11oÇ l:tLXEL'taL xal sonnes et sur l'union hypostatique. Certains auteurs 'chrétiens ont
mwta~EL ÈÂ.a1>QWç ~ d'Î}Q :taxû~, xahoL :tuV"CO"CE TÏ)~ Â.aJ.11tUÔO~ xaLOJ.&ivrl~ xaL cpaL- appliqué à la personne du Christ leur anthropologie philosophique
ou
'VoVaT)C; • oVrro.ç i:tLxu"CaL ixdv<p 'tip cprotl xu;.uJ.1J1Cl. "Oite;v OJ.1OÀo'YEi ou'to~, 0,",
et il n'est pas étonnant qu'on soit arrivé à des controverses, qui
iOTl 'tÉlELOÇ, oùôi iMû~EQC>Ç "Co oÀ.ov Èx TÏ)~ uJ.1<lQ'tCa.;. Hom41~, XVI, 4, PO, 31,
616 t ·Ol'av oVv "C1oÇ n 9À''I'eaLv U xal :tai)wv "CQI.XUJ.1Ca~, oUx bcpEWlL WtEÂnLaaL' n 'ét.ai~nt pas toujours très sereines.
bd. :tÀdov 'Yà.Q oVroo :taxUvE"CaL iJ u...,a.Qda xai. daÉQXE"C<lL. "Ol'av ôè EXU "C1oÇ :tUvfO- n semble bien que c'est au concile d'Alexandrie, en 362, qu'on
TE ,",v ÈA:t(ôa "COÜ 9EOÜ, W01tEQ ÀE1mivEl'aL xaC È;uôQoÜl'aL "Co xax6v. a commencé pour la première fois l'analyse philosophique de la
Homélie, VIII, 3, PO, 31, 529. Htnn4lù, XXVIII, 4, PG, 31; 712.
202 Htnnllie, II, 2, PG, 31, 46t.
203 Htnnélie, XV, 49, PO" 31, 609: rH 'YàQ UJ.1<lQ'tLa:." :tUQû..{}oüaa., ÔUvu~~ "C~
20. C'est la tMse que Stofiels dêfend contre Stig]mayr: celui-ei estime que
oooa À.oyLX'Î} "COÙ ~al'avd, xaL oüoCa ÈvÉa:tELQe "Cà xaxà :tUV"CU' btEl6'Î} Â.d:T)i)o"Croç ce prêtendu matêrialisme de Yaaire n'est que la traduction imag6e de sa doc,.
E~ tÔV Éaro CÏ'V6Qro:tov xai. E~ "CÔV voüv lVEQ'Yd xal J.1o.XeTal 'toiç ÀOYI.CJJ1Qiç. trine mystique, basoo sur .1~ U~rc de I~ Sa~esse (Tbeo]o,i~b~ ~cvue, VIII,
- Homélie, XXIV, 3, PG, 31, 604. 1909, "p. 233·240)
486 LA LITTÉRATURE CllRtTIENNE APOLLINAIRE DE LAODIœE 487
personne du Christ 205. Les membrœ de .ce concUe ont rêdig6 et et constituent avec lui une personne unique. Une objection grave
signé un formulaire dans lequel ils reconnaissaient que le Verbe &8 prése?te aussitôt à l'esprit contre cette conception de l'union
ne s'est pas revêtu d ~un corps humain sans âme, saM connaissance hypostatIque : peut-on dire vraiment que le Verbe divin 8 'est fait
sensible et intellectuelle 206. D'après G. Voisin, ce formulaire serait homme, c'est-à~dire qu'il a assumé la nature humaine s'il laisse de
dirigé contre une thèse· d'Apollinaire de Laodicêe, directement visé oôttS l '~lément distinctif de la personne humaine qui e~ le pneuina f
sans que son nom y figure. Né durant le pl'emier décennium du La signification du pneuma dans la psychologie d'Apollinaire
quatrième \siècle, Apollinaire semble· avoir été un homme d'~e est donc très nette : le pneuma désigne la partie supérieure du
large culture philosophique: on, c~inpte parmi ses ouvrages une composé humain et B 'identifie avec le voü; 209. C'est par CE;t élé-
réfutation de Porphyre, en trente livres, qui au jugement de Philos- ment seulement que 1'homme se distingue des autres êtres vivants.
torge était l~ meilleure qui ait paru 201. ' . C'est pourquoi Apollinaire lui assigne une origine céleste, tandis
Dans sa christologie ApoHinaire accentue fortement l'unité de la que les âmes sont transmises d'une manière conforme au traducia.
personne du Christ : c'est là. sa caractéristique principale; il 8 'op- nisme du Portique 210. Cette conception rappelle la noétique de Clé-
pose par là aux théologiens d 'Antioche, qui étaient préoccup&Ï avant anthe, pour qui également l'élément supérieur du composé humain
tout d'éviter la confusion entre la partie humaine et la partie a éM introduit du dehors, tandis que l'âme inférieure est une
divine dans la personnalité de Jésus. parcelle du principe vital des parents. Elle se rapproche aussi de
. Quelle qu'ait été' la doctrine d'Apollinaire avant d'entrer en la pneumatologie des gnostiques, qui irsistent encore davantage
conflit avec l'Eglise, il est certain qu'au moment des grandés dis- sur l'origine céleste du pneuma. 1

putes théologiques il a défendu une anthropologie trichotomiste : Le tr~ducianisme d'~pollinaire est basé cependant sur des argu-
les trois éléments constitutifs du comp.osé humain sont désignés ments différe~ts de ceux du Portique. Il s'inspire, d'une part, de
parles termes 1CVEÜJ.LŒ, "''''Xtl et aclQ;. C'est cette même anthropologie la préoccupatIon d'écarter de Dieu tout SOupçon de complicité aux
qu'il a appliquée à la personne du Christ, lequel, d'après lui, adultères qui peuvent donner la vie à des enfants. TI est fondé,
n'aurait assumé que les deux éléments Inférieurs, sans. le pneuma d'autre part, sur une interprétation étroite du texte de la Genèse
humain 208. TI entendait garantir par là l'unité de la personnalité où il est dit que Dieu a terminé son œuvre créatrice. Chez les phi~
en Jésus, car, si l'on admettait que la personne divine du Verbe avait losophes du Portique, le traducianisme était plutôt une conséquence
assumé tous les éléments constitutifs de la personnalité humaine, de l'immanentisme matérialiste.
il devait en résulter, croyait-il, une aporie insoluble: on ne pourrait OU,bien l'argumentation d'Apollinaire est sans valeur, ou bien le
échapper à une dualité de personnes. T{mdis que, suivant la solution ~r~ducianisme. devrait s'appliquer également à l'âme supérieure; mais
préconisée par lui, le Verbe divin remplit la fonction du pneuma il est très peu probable qu'il ait adopté cette conséquence, à en ju~r
humain qui n'est pas assumé : les deux éléments inférieurs de la par la différence. nette qu'il met entre 'Iroxrl et :JtVEÜJA4 211. n eût
personnalité du Christ sont donc dominés et régis par le Logos divin lOt G. VOISIN op. cit., p. 275. "
205 G. VOISIN, L'..4.pollinarisme, Louvain, 1901, p. 40. 110 :1. DRue:n:, .4.poUin4';' tlOtI Laotllcu.. 8 • .übft ..114 1ft" ScAriffera
20e Ibid., p. 42. Leipzig, 1892 (Texte und Unten. mr Gesell. der altehristl Lit. VII, 34)
201 Ibid., p. 36. p. 195: l'auteur cité un texte de Némésilll~ 'Anol1.:vUQûp &i &xe~ 'l'àç 'i'VX~
208 'H. LIETZlLANN, ..4.pollinariB' von Loodicea und ,eiM 8chur~, Tubingue, 1904, na
~ 'l'crw ;ruxcrw dxna6œ, ~mmœQ Ml. 'l'crw CJQ)J&4TCO'V 'l'Ù OWf&4'1'œ. nQO'iivaL yciQ v
p. 210, 25: 'to ~ nwùJ.14 'tOtrtÉcrn 'tOv voüv 9EOv EXrov 1> XQWtOç J4nù ;ruxiiç xu, ~ XCI'I'ci &&a.&oxQv 'l'OÜ 2\QWTOU üv&Q~oU elç 'l'oùç lç lxeCvou 2tavtaç ('l',xftiy-
oooJUl'tGÇ dxo't<OÇ C üvaQro,.;oç È~ ooQaYoü.. MyE'tUL. P. 211, 27: 1> &MEQOÇ o.v-' na
'taç). xcrDWœQ v CJC.Of&4TLXTav &&OOoX1i~. Mtl'fl yciQ Moxdat)(U ~ciç, l''Î-te 'VÙV
'ÔQro";GÇ È~ ooQ«Voü m'EUJ.I4't,xbç ).iyttœ xu, 'tWtO OTJ,Adov ";OU!'hUL 'toü o.vouv Et- xdl;ecrtal cp1)CJL. Toù~ yàQ TCXÜ'tu1iyoveOç auveQyOv 2toU!tv 'l'Ov 9EOv 'l'o'iç f'O,xoiç.
vru 'tOv Tq, OEq, CJUyXQU'ÔMU o.vaQomov. P. 227, 89: El oVv lx 'tQui)y 1> o.vaQro,.;oç, xal yciQ lx 'toVtCO'V mu&Ca dxnoita&, ~eii&oç &i d'Vell. xul 'to C xo.'I'É2to;uoEV {, 9EOç
üvDQo)";<>Ç bÈ xui. 1, xUQI.OÇ, Èx TQu'i)v ,.;civt<OÇ Èm, ~l 1> xUq~, moeUf"lTO~ xo.i. ~ve MO 2tcivnov Tmv ËQYrov u,noü, iIrv iiQ~UTO 2tO~tv. ef,.;eQ Ë'n. xo.l 'VÙV 'l"'Xàç &Ttf'40-
oUQYEt. . . .
~iiç xai. oWtLUT~. Cf. V. 220~ 68,
an Q. VOIS!N, 0'. cie., ~. ~15,
488 LA LITTf:RATURE CIIRÉTIENNE SAINT AUGUSTIN 489
pu admettre cependant que le pneuma existe avant le corps et s'accorderait difficilement avec une pneumatologie matérialiste.
l'âme, depuis le début de la création, ce qui 8 'accorde parfaitement Nous avançons cependant cette interprétation avec une certaine
avec son interprétation" littérale du récit biblique de la création~ hésitation, qui nous est inspirée par l'anthropologie des gnostiques :
Toutefois l'lOUS n'avons pas de preuves décisives du fait qu'Apol- clle est assez semblable, en effet, à celle d'Apollinaire, mais leur
linaire aurait partagé les vues platoniciennes sur la préexistence conception du pneuma s'est dégagée moins nettement du maté-
des âmes: mais comme il a subi par ailleurs, dans l'élaboration de rialisme.
son système anthropologique, l'influence de Platon, il n'est pas im-
probable qu'il lui a repris sa conception de la préexistence de l'âme
supérieure. 8. SAINT AUGUSTIN.
Comme nous l'avoDs déjà noté, ce n'est généralement pas à des
arguments philosophiques que les auteurs" chJ;éiieM font appel 'pour Avec saint Augustin, nous arrivons au terme de nos analyses.
étayer leur doctrine. La source principale de leur pensée est l'Ecri- Non pas qu'au Moyen Age la notion du spirituel soit dénuée d'in-
ture Sainte. C'est à cette même source qu'Apollinaire recourt pour térêt ou qu'elle soit figée dans un imm:gbilisme rigide. Mais la
fonder son anthropologie trichotomiste : il en appelle principalement pneumatologie de saint Augustin marque un jalon de première 1

au fameux texte de saint Paul, l Thess. 5, 23, dont nous avons importance dans l'évolution de cette doctrine. Elle peut être' con- i,
parlé plus haut, et subsidiairement à certains autres passages du sidérée comme le point d'aboutissement d'une première étape dans
Nouveau et de l'Ancien Testament : "Jo. 4, 24 ; Rom. 1, 9 "; Gal. 5, le développement de la pneumatologie, étape qui se caractérise par
17; Dal1l. III, 86. une évolution progressive dans le sens du spiritualisme: le plleuma
Il est bien inutile d'ajouter qu'Apollinaire n'est pas l'inventeur ne perd pas toute attache avec les réalités corporelles, mais désor-
de cette anthropologie. Nous avons déjà tencontré à plusieurs re':' mais ce terme désigne avant tout la manière d'être propre aux
prises, au cours de cet exposé, des conceptions analogues chez Clé- réalités immatérielles. Tel est le résumé de la pneumatologie de
ment d'Alexandrie, Origène, les gnostiques, dans la littérature saint Augustin: situé aux confins de la civilisation antique et
alchimique et nous pouvons dire que l'ancêtre lointain de cette pneu- de la civili.qation médiévale, il marque vraiment le point d'aboutis-
matologie est Philon d'Alexandrie, qui s'est inspiré principalement sement de cette phase importante dans l'évolution de la doctrine
de la Bible. du pneuma.
Un autre point doit être souligné: la pneumatologie de saint
Augustin est la plus complète de toutœ celles que nous ~vons
••• exposées jusqu'ici. Presque toutes les significations que nous avons
vues attribuées au terme pneuma ou spiritus sont reprises par saint
Il résulte de l'analyse que nous avons faite que le pneuma Augustin dans les' aperçus synoptiques qu'il donne de cette doc-
d'Apollinaire se rapporte à la partie supérieure de l'âme humaine trine, à deux endroits de son œuvre. TI faut remarquer" cependant
et s'oppose à la q,Uxr1. qui est le p.rincipe des fonctions vitales in- que ces deux tableaux ne coïncident pas entièrement, ni dans les
férieures. Bien que notre auteur ne le dise pas explicitement daDs significations qui sont attribuées au spiritus, ni dans l'ordre dans
les quelques fragments. qui nous ont été conservés ~e son œuvre lequel elles sont présentées. C'est par la combinaison des ces deux
gigantesque, nous croyons être en droit de considérer cet élément synthèses que nous obtiendrons une image complète de la pneuma-·
supérieur comme immatériel, en ce sens du moins qu'il est d'un tologie àugustinienne. Il nous a paru utile d'ajouter à ces tableaux
autre ordre que les réalités matérielles qui nous entourent. En synoptiques tirés d'ouvrages authentiques, deux autres synthèses,
effet, l'opposition qu'il met entre ce pneu ma céleste et probable- empruntées à des pseudépigraphes augustiniens: le De cognitione
ment préexistant et les autres parties constitutives de l'homme, verae ~tae, qui" d 'après l~s Maur~t~ e~ d'après Porw.lié, $erait
490 LA LITT}O~RATURE CHRÉTIENNE SAINT AUGUSTIN 491

Ou.vrages authem.tiques. Ouvrages tMuthantV[ues.

De Trinitate, XIy, 16, PL, 42, De Genesi ad littef"am, XII, 7, De cognitione verae vitae, IV, De Spirit" et anima, X, PL, 40,
1053. ZYCHA, 289. PL, 40, 1009. 785.
Spiritale autem pluribus modis Sex modis in Scripturis saeris
dicitur' : substantialiter dici, non nescio
1) Est enim spiritus et Deus. 5) dicitur spiritus etiam Deus, a vobis sciri :
sicut ait Dominus in evangelio : 1) Primo summus omnium Deus 1) dicitur narnque spiritus Deus.
spiritus est Deus. spiritus appellatur. 4) spiritus etiam est quaedam
2) dicitur etiam spiritus in ho- vis animae, mente inferior,
mine, qui mens non sit, ad ubi corporalium rerum simi-
quem pertinent imagines simi- litudines exprimuntur.
les corporum. 3} dicitur spiritus mens ratio-
3) dicitur et hominis anima spi- 4) dicitur spiritus et ipsa mens 3) tertio animae spiritus nuneu- nalis.
ritus. rationalise pantur.

4) dicitur spiritus etiam pecoris. 3) dicitur etiam spiritus anima 4) quarto vita brntorum anima- 2) dieitur spiritus anima sive
sive pecoris sive hominis. Hum spiritus voeatur. hominis sive pecoris.
5) dicitur spiritus etiam ventu9. 2) item spiritus dicitur vel aer 6) sexto aër spiritus seribitur.
iste vel flatus ejus, id est motus 5) quinto venti dicuntur spiri-
ejus. tus.

1) nam et corpus quod futurum


est in resurreetione sanctorum,
spiritale appellat apostolus.
2) secundo angeli spiritus dic\Ul-
turf
492 LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE t:iAtNT AÙÔUSTiN

d 'Hono~Ui ~ 'Autun ct 1152) 212, et le De


spiritu el anama, attribué Hsto :!io. C ;cst n ;est pas cependant, qu'il cesse d'identifier la divi-
à AIcher de Clervaux, ( vir discendi studiosus et in, physiea emi- nité avec le SpiritU3. Sous l'iifiuence du t~xte joh~nique (4,
nena »213. La pneumatologie de ces deux écrits est d'ailleurs une 24), il continue d'affirmer le caractère « spirituel» ,de Dieu, mais
image fidèle de celle que nous trouvons daM, les ouvrages authen- le contenu qu'il prête à ce terme est devenu totalement diffé-
tiques du grand Africain. rent 211. Il ne s'agit plus d'un souffle matériel et cosmique, comme
dans les (Jonfe3$lOm, mais d'une substance incorporelle, qui1 à ce
1. La première signüication du terme spiritus se rapporte donc point de vue, se rapproche plutôt de la nature de l'intelligence
à l'essence de la divinté. humaine 218.
P(lUr bien comprendre la pneumatologie de l'évêque d'Hippone, Voyons maintenant quel est le contenu exact de cette notion de
il est nécessaire de se rappeler les doctrines psychologiques et' théo- spirituel, appliquée à la Divinité. Le caractère fondamental par
logiques auxquelles il a adhéré avant sa conversion au christianisme. lequel Dieu ' s'oppose au monde matériel, d'après saint Augustin,
On en' trouve un exposé assez détaillé dans les (Jon/usions, où' il ~t o 'est qu'il est une substance abs()lument simple et immuable : la
entre autres, à propos de -sa conception de Dieu durant cette, péri- dispersion spatio-temporelle" qui caractérise les objets changeants
ode, qu'il était incapable de cOncevoir une 8ubst~ce sup'rasen- du monde matériel, est exclue de l'être parfait. De plus, cette sim-
sible 214. Non qu'il se représentât Dieu sous les apparences hu- plicite est conçue d'une façon si str:icte que les attributs de ,Dieu,
maines : cet anthropomorphisme grossier lui avait toujours déplt;. l'immortalité, l'éternité, l'immutabilité, la vie et la sagesse ne sont
et il en était arrivé spontanément à considérer la divinité comme pas des propriétés surajoutées 219, mais se conf~nden~, avec son es-
un être incorruptible, inviolable et immuable. Mais il ne pouvait se senee 'et résultent ainsi de façon immédiate de sa spiritualité 220.
dégager du matérialisme et concevait Dieu comme un souffle' sub-
til traversant le cosmos, à la manière du pneuma stoïcien 215. D'après 218 Sur la théologie de S. Augustin,' el. M. GRABYANN, "Die Grufldgedaft.ke1l.
son pIopre récit, Augustin a abandonné bientôt cette conception de, hl. Âugustift.UI über See16 und Gott, Cologne, 1929, p. 67 ssq. J. MAUSBACH,
à cause de son matérialisme grossier : si Dieu était un so~ffle D~ EthUt; de, hl. Â ugu8tift.us, I, p. 128 88q.
matériel répandu dans le monde, il faudrait en conclure que le 211 DtJ GtI". ad litteram, XII, 7, ZYCRA, 389, 27: Dieitur spiritus etiam

corps d'un éléphant en est pénétré plus que celui d'un passereau; Deus, sieut ait Dominus in evangelio: Spiritus est Deus et eos, qui adorant
eum, in spiritu et veritate oportet adorare.
la Divinité se répartirait donc à travers le cosmos proportionnel- 218 1" Joh. EfJaft.g. cap. 4, Tract.· XY, 24, PL, 35, 1519 : Spiritus est Deus.
lement au lolume de chaque corps. Si COrpU8 eSBet Deus, oportebat eum adorari in monte, quia oorporeus est mons,
Après sa conversion Augustin rejette cette théologie matéria- oportebat eum adorari in templo, quia eorporeum est templum. - De Tri",...
tate, XV, 5, 7, PL, 42, 1061: At illa vita, quae Deus est, Bentit atque intel-
21:1 Dictionnaire de Théologie eatholique, art. Âugusti", eol. 2309. ligit omnia; et sentit mente non eorpore, quia spiritus est DeU8. - De Tri.i-
2m CI. THOMAS D'AQUIN, Qu. de anim4, art. IX, ad 1. tattl, XV, 6, '1, PL, 42, 1062 : Ineorporalis vel ineorporeus ideo dieitur Deus,
2B Confeasionea, VII, 1, KNOLL, p. 140: Qui eogitare ahquid substantiae ut spiritus credatur vel intelligatur esse, non corpua.
nisi tale non poteram, quale per hoa oeuloa videri solet. 211 De Xritaitate, XV, 5, 1, PL, '2, 1062 : Una ergo eademque res dicitur,
215 COfIlea8Îonea, VII, 1, KNOLL, p. Hl: lta etiam te, vita vitae meae, sive dieatur aetemus Deus, sive immortalis, sive ineorrupübilis, iive immuta-
grandem per infinita spatia undique eogitabam penetrare totam mundi molem bUis: itemque cum dieitU!' vivens et intelligens, quod est utique sapiens, hoc
et extra eam quaquaversum per immensa aine termino, ut haberet te terra, ide~ dieitur. Non enim pereepit sapientiam, qua esset .piens, eed ipae .pien-
haberet eaelum, haberent omnia et 111a finirentur in te, tu autem nusquam. Ua est. - Op. o\t., XV, 5, 8, PL, ~, 1062. ,
Sieut autem luei solis non obsisteret aeris eorpus, aeris huius, qui supra terram 220 De Xrifl.Uate VI, 4, 6, PL, 42, 921 : .Humano quippe animo' non hoc
est, quominus per eum traiieeretur penetrans eum non dirrumpendo aut eonei· est eue, ,quod est fortem esse, aut prudentem, aut iustum, aut temperantem:
dendo, sed implendo eum totum sie tibi putabam non solum caeli et aeris et potest enim else animus et nullam istarum· habere virtutem. Deo autem hoc est
maris sed etiam terrae eorpus penium et ex omnibus maximis minimlsque par- esse, quod est fortem eSBe, aut iU8tum esse, aut sapientem el'se et si quid de '
tibus penetrahile ad eapiendRm praeaentiam tuam, oeeulta Inallira~io~~ intri1\- illa simpliei multiplieitate vel multiplici simplicitate dixeri.s, quo substantia
"ÇÇUIf e~ ~x~rill"eç\l1f adJqipi~tr~nt~ Qp1nia,. quae çre~sti, eiulJ signifieetur. - Op cit., VI, 10, 11, PL, 42, 931.
494 tA tlrrT~RATÜRÈ CiiRÊTI~NN~ AAutT AUGUSTiN 495
C'est pourquoi le terme « substance)) ne s'applique pas propre- Pr~cîsoÏlS 1;înfluence du néoplatonisme sur la pneumatologie
ment à Diiu, car il n 'y a pas en lui, oomme da~ les êtres finis et augustinienne. Nous avons vu que, chez Plotin et ses disciples, le
"changeants, composition d'un sujet et de formes accidentelles : tout pneuma ne s'était pas encore dégagé de la matière. Ils avaient la
accroissement et tout enrichissement sont- incompatibles avec son notion de l'immatériel, mais ils se servaient d'un autre terme pour
infinie perfection. Dieu est une sorte de supersubstance, ou une le désigner. Ce qui importe à notre JX)int de vue, c'est qu'ils con-
essence immuable, comme dit saint Augustin; car. tout changement cevaient ces réalités immatérielles comme simples et indivisibles :
impliquant "une certaine composition "221, l'être absolument simple la divinité suprême est considérée comme "l'un, dont toute dualité
devra être conçu comme immuable 222. et puisque, d'autre part; est exclue. L'immortalité de l'âme humàine est également basée sur
changer, c'est passer d'une manière d'être à une autre, la possibilité sa simplicité. Cette conception de l'immatériel a été reprise fré-
même du devenir est inoompatible "vee l'être véritable 223. " quemment au cours des âges, principalement par Descartes, qui,
Quand l'évèque d'Hippone dit que Dieu est spirit'Us il entend par oppositio"n à l'étendue du monde corporel, insiste fortement
donc par là qu'il est un être absolument simple et immuable, qui sur la simplicité des réalités immatérielles.
n'est assujetti à a.ucune dispersion dans le temps et dans l'espace, En face de cette oonception du spirituel, que nous pourrions
et dont l'activité n'est pas accidentelle, mais identique à sa sub- appeler positive, il y en a une autre, plutôt négative, qui a pour
stance même. origine la psychologie aristotélicienne. D'après celle-ci, l'immaté-
La conversion d'Augustin au ~hristianisme s'est done accom- riel est ce qui est intrinsèquement indépendant de la, matière, tout
pagnée d'une transformation foncière de S8 pneumatologie,· puis- en n'excluant pas une dépendance extrinsèque. C'est la doctrine
que la doctrine que nous venons d'exposer se trouve aux antipodes d 'Aristote sur le voüç XO>QuJtoç, et surtout la manière dont il"
de l'immanentisme matérialiste des stoïciens. La notion de l'incor- résout ce problème capital, qui ~mt donné lieu à cette définition
porel ou de l'à~Ô>J.1a·tOV, telle que la concevait Origène! se trouve de l'immatériel ou· du spirituel, que l'on retrouve dans beaucoup
même précisée et enrichie par l'évêque d 'Hippone, Le caractère de manuels modernes de philosophie. Il importe de remar-
principal de la notion du spirituel devient, d'après lui, la simpli- quer cependant que le Stagirite ne se sert pas du terme m"EUJ.LaTIY.Oç
cité ou l'indivisibilité. Ses vues s'insèrent par là dans la tradition pour désigner cette notion : il parle généralement de XO>Ql<JTOV,
néoplatonicienne, qu'il connaissait par certains livres. qui .ont joué ce qui rend bien sa conception sur la séparabilité de l'immatériel
un rôle important dans son évolution religieuse. vis-à-vis de la matière.
La juxtaposition de ces deux oonceptions de l'immatériel montre
221 Ce principe se rencontre déjà. chez Platon (Phldcm, 78 c). cla~rement que la pneumatologie augustinienne dépend du courant
22:1 De Trinitate, VII, 5, 10, PL, 42, 942 : Nefas est autem dicere ut Bub·
sistat et subsit Deus bonitati suae, atque ma bonitas non substantia sit vel
néoplatt9nicien, . du moins en ce qui concerne le contenu positif.
potius essentia, neque ipse Deus sit bonitas, sed in illo sit tamquam in sub· de la notion de spirituel : e 'est la· lecture des livres néoplatoni..
jecto: unde manifestum est Deum abusive substantiam voeari, ut nomine usi· ciens qui, comme. Augustin le· déclare lui-même, l'a délivré des
tatiore intelligatur essentia, quod vere ae proprie dieitur; ita ut fortasse entraves du matérialisme et a ouvert devant son regard. les vastes
solum Deum diei oporteat essentiam. horizons du monde spirituel.
223 De Trinitate, V, 2, 3, PL, 42, 912 : Sed aliae quae dicuntur sive essen·
tiae sive substantiae capiunt aecidentia, quibua in eil fiat vel magna vel quan· n nous reste à" apporter certaines précisions s:ur les rapportS
taeumque mutatio:., Deo autem aliquid eiuamodi aeeidere non potest; et ideo qui existent," d'après l'évêque d 'Hippone, entre la Divinité spiri-
BOla est incommutabilis lSubstantia vel essentia, qui Deus est, cui profeeto ip· tuelle et le monde. Parlant du texte de· la Genèse : «spirituS Dei
SUIn esse, undd essentia nominata est, maxime ac verÏ8sime eompetit. Quod ferebatur super aquas», Augustin se demande si ce spiritus divin
enim mutatur, non servat ipsum esse; et quod mutari potest, etiaÜl ai non mute·
doit être identifié avec Dieu ou s'il 8 'agit d'un être spirituel ~éel..
tur, pOte8t quod fuerat non esse: ae per hoe illud aolum quod non tantum ~on
mutatur, verum etiam mutari omnino non potest, aine Icropulo oeeurrit, quod lement distinc.t de lui. TI est plus que probable qu 'Augustin a
veri8sime dicatur esse. partagé la première conception : c'est là du moins la doctrine
496 SAINT AUGUSTIN 497
constante qu'on retrouve dans les ouvrages dont l'authenticité vée chez Lactance; nous l'avons expliquée par i'influence de Sé-
ü 'est pas douteuse 22f. Nous avons vu plus haut que Tatien· pré- nèque sur cet l\uteur chrétien. Mais comme cette doctrine est re"
conisait une doctrine apparentée à. la seconde conception,· puisqu'il jetée explicitement dans les autres OUVl\ages de saint Augustin,
distingue à côté du pneuma divin et suprasensible un souffle l'authenticité de ce sermon a été depuis longtemps jugée inaccep-
cosmique. et sensible: c'était le moyen de se dégager de l'immanen- table.
tisme du Portique et de csncilier la pneumatologie stoïcienne avec 2. Le terme spiritus est employé également par saint Augustin
celle du christianisme. Le néoplatonisme de la théologie augus- pour désigner le principe vital qui est commun aux hommes et
tinienne pouvait .encore moins se concilier avec l'immanentisme ma- aux animaux. Dans son ouvrage De Mtura et origine amimae, qui est
térialiste des stoïciens: c'est pourquoi saint Augustin s'oppose adressé ad Rle'1latum m01lackum, Augustin passe en revue les dif..
. catégoriquement à toute interprétation stoïcienne de. ce texte de férentes critiqUieS et objections présentées contre sa psychologie
la G8'11'èse ou d'autres passages ·pneumatologiques de l~ Bible. Nous par Vincentius Victor, qui les avait consignées en deux livres dont
trouvons cependant une interprétation immanentiste dans un ser- le moine en question avait fait parvenir un exemplaire à. saint
mon attribué à saint Augustin. Le spiritus n'y est pas identifié Augustin. Une des critiques se rapporte à la distinction entre
avec Dieu lui-même, mais il est considéré comme une « res Dei )), anima et 8piritUS, D'après Vincentius Victor le terme spin:tus ne
laquelle est le principe vital de la terre et l'eau : en effet, la terre pourrait pas s'appliquer à l'âme humaine tout entière, mais uni-
serait incapable de produire des fruits ou l'eau d'engendrer des quement à la partie suprême, c'est-à-dire aux puissances ration-
poissons, si ces deux éléments n'étaient pas animés d'un spiritus nelles 226. C'est la conception que nous venons de rencontrer chez
vital. Le spiritus divin qui,. d'après le récit biblique de la création, Apollinaire de Laodicée et que nous avons trouvée antérieurement
plane sur les eaux, n'est pas Dieu lui-même, mais le spiritus kujus chez les gnostiques et da.ns la littérature alchimique: elle con-
mU.1ldi dont nous parle saint Paul, et ·le principe vital qui anime stitue le témoignage le plus clair de l'évolution que la doctrine du
l 'univers 22~. C'est une conception analogue que nous avons trou- pneuma a subie au cours des siècles, à partir de st!S origines phy-
224 De diverm quaeslionibu. ad SimplicUJ1WM1I, II, PL, 40, 133: Nam et
siologiques et médicales.
ibi spiritum aanctum accipere quid impediat, non invenio... Non ergo cOgit Augustin s'oppose à cette limitation du sens du terme spiritus,
quod dictum est: «Et spiritus Dei superferebatur super aquam» ilium intel- en se basant encore une fois sur quelques textes de la Bible (Eccli.
ligere spiritum, aicut nonnulli volunt, quo mundi moles universa vita eorporea 3, 21 ; Gen. 7, 21) où ce terme est employé pour désigner l'âme
velut animatur, ad ministerium quorumdam gignentium et in sua specie eonti- des animaux 221. Cette terminologie n'est donc pas fondée sur
nendarum .corporalium c:reaturaru·m. Creatura enim quidquid est tale. mud
etiam quod scriptum est c quoniam spiritus Domini replevit orbem terrarum»
un -examen de la nature de ce principe vital chez les animaJU,
non desunt qui eundem spiritum velint aeeipi, invisibilem seilicet ereaturam elle ne s'origine pas non plus à des influences stoïciennes, bien
euncta visibilia universali quadam eonspiratione vegetantem atque eontinentem. que saint Augus~in rejoigne la terminologie ·du ~ortique par une
Sed ~eque hic video quid impediat intelligcre Bpiritum Sanctum eum ipse Deus
dieit apud Prophetam "eaelum et. terram ego impleo:D. Cf. Confe88ioM8, XI~I,
2241 De ft4turd et origiM tlftimae, IV, 23, C. F. UUA. et J. ZYClU, p. 4:16, 6.1
6, 7, 8 et 9 (PL, 32, 847-848), ed. P. KNOLL (CSEL, voL 33, 1, l, Vienne,
Aliud erit, inquis, anima et aliud spiritl18, sapientia et leUUS animae_· His
1896), p. 349-352.
verbis satis indieas, quid eue spiritum homi.nis selltias, id elt rationale noBtrum,
2~ Sermo CLYll iR 1JigUia PaBchae, 1, 3, PL, 39, 2035 : Hic ergo spiritua,
quo sentit atque intelligit anima; non aieut lelltitur corpon. seuibus, sed aieut
qui superferebatur aquaa, aemÏJiarius est animandae eonditionis: unde et &qua"
elt ille intimus lensus, ex quo est appellata lelltentia.
et terrae mox iussu Dei emerserunt, quia nec aqua nec terra ",iveret auto aliquid
generaret, nisi hoc Dei spiritus animaret; unde ot terra fruges et aqua produxit
et
221 De,ft(ltufa et origine tlRimoe, IV, 23, UaBA. ZYCBA., p. 411,9: Ergo nomen
animae spiritus ~st ab eo, quod spiritalis est i an~e corpus est ab eo quod
pisees. Duos autem spiritus esse, unum Dei, alterum buius mundi, apostolus
corpus animet, hoa est yivifieet. Aestimo quod, admonitul bis, .quae eommemo-
dicU: non iam habem~s spiritum huius mundi, sed spiritum qui ex· Deo est;
ravi, divinarum testimoniÏ8 paginarum, ubi et anima peeoris, cui nOIl est intel-
ut ostenderet alterum esse spiritum Dei, qui Deus est, alteru~ spiritum buius
leelul, appellata legitur spiritu'l, non negabis ulteriull.
mundi, quo animantur uni versa.
498
autre voie. Le terme 8pl·ntus a donc reçu une signification très
large, désignant il la fois le principe vital des hommes et des
animaux 228. A ce point de vue, la pneumatologie de saint Augus-
tin se rapproche de celle de plusieurs autres auteurs qui se sont
1 \ .
sAtNr AUGUSTIN

msme eorporel, tandis que, dans le De Tri-nitate, il s'oppose caté-


-goriquement A ce matérialisme grossier. A ceux· qui veulent déter-
miner la nature de l'intelligence, Augustin ·donne un double con-
~il, qui contient en germe les preuves de la spiritualité de notre
4:99

inspirés de la Bible, tels que Philon, Clément d'Alexandrie !et principe noétique : i~ faut tout d'abord se détourner de toute
Origène, chez qui le terme nvEÜJ1Q peut désigner également la partie oonnâissance du monde extérieur· par l'intermédiaire des sens, et
irrationnelle de l'âme humaine. il faut ensuite considérer ~vec attention tout ce que l'intelligence
S'inspirant encore de certains textes de l'Écriture Sainte, saint possède en fait de connaissance certa~e sur elle-même 232. En effet,
AuguStin se .sert égaIement du terme spirit'UI pour désigner la . les philosophes matérialistes ont émis au sujet de la nature. de·
partie supérieure de l'âme humaine ou les puissances rationnel- l'intelligence les avis les plus variés, la considérant comme de
les2D : en ce sens, on ne peut donc pas dire que les animaux ont l'air, du feu, du sang, de l'éther, des atomes, ou l'identifiant avec
un spirit1U 230. Saint Augustin en arrive ainsi à l'anthropologie le cerveau ou avec la chair, sans qu'ils soient jamais arrivés à
trichotomiste d'Apollinaire, distinguant dans l 'homme spiritus, s'accorder sur ce point, alors que personne n'a jama.is mis en
anima et C()rpw : elle est cependant moins rigoureuse que. chez doute le fait de penser, de vouloir, de savoir, de juger, de se sou-
le théologi~ de Laodicée, vu que saint Augustiat admet ég)ale- venir et les autres activités de la vie psychique 233. C'est que les
ment le caractère spj.rituel de l'anima 231. .
vues énoncées en premier .lieu sont fort douteuses et contestables,
tandis que les faits rappelés en dernier lieu sont absolument cer-
Quelle est la signification exacte du terme spiritus appliqué à
tains. Augustin considère le caractère douteux de ces vues maté..
l'anthropologie humaine f On relève tout d'abord dans la psycho-
rialistes comme la preuve manifeste de leur fausseté : si l'âme
logie d'Augustin l'évolution que nous avons déjà constatée dans
doute de sa nature aérienne ou ignée, c'est que cétte conception est·
sa théologie naturelle. Avant sa conversion, il avait conçu l'âme
fausse 234, apparemment parce que l'objet dont il s'agit est saisi par
humaine comme un souffle matériel, répandu à trav~ l.'orga-

221 Bermo CXXVll1 (de verM, ev. Jo. JT), 7, PL, 38, 717: Spiritu8 enim 232 D~ Trita.itat~, X, 10, 14~ PL, 42, 981: 8ed quolÛalll de Datura mentta
eum dieitur et hominis est aliquando et peeoris spiritus dieitur, aieut aeriptum agitur, removeamns a con~deratione DOlua omnea DOtitias, quae eapiuntur
e8t, per diluvium mortuam esse omnem earnem, quae habebat in se apiritum· extrinaeeua per aenans eorporis; et ca. quae .posuimns omnea mentes de "
\"itae. Ac per hoc et peeoris spiritus dieitur et hominis spiritus dieitur. spsls DOsae ee~ueeaae diligentins attendamus. -
229 De ft4tura et origÎM animae, IV, 22, URBA et ZYCBA, p. 414, 25: Multis . 233 De Triftltate, X, lOi 14, PL, 42, 981: Utrum el1;im aeria ait· Tis vivendi,

enim modis atque in diversis signitieationibus seripturae divinae spiritum no· rerniDiseendi, intelligendi,. volendi, cagitandi, aeiendi, ludicancU; .&IL igil\s, &IL
minant: aed de quo DunC agimus, quo ratioeinamur, intelligimU8, sapimus COD- cerebri, ~. aanguinis, &Il ·atomorum, &IL praeter Uaitata qùatuor elementa quinÙ
,tat inter DOS sic eum etiam proprie spiritum nuneupari ut DOD sit universa Deseio cuins eorporis, &IL ipsiui eamia Domae cOolpagovel temperamentum haH
anima aed aliquid eius. - Enarr. in PB. CILI, 5, PL, 37, 1836; E'Mrr. ift ettieere valeat, dubitaverunt. homines·: et alins hoc, alios allud affirmarecona-
P,. CXLll, 12, PL, 37, 1852; Eft4rr. in PB. LXXYll, 8, PL, 36, 988, Betrac- tus est. Vivere se tamen et meninisae et intelligere etye11e et eogitare et eeire
tatioM" l, 18, ed. P. KNOLL, p. 88, 13. et ludieare quia dubitet' .
230 De natura et origme animae, IV, 23, URBA et ZYCBA, p. 416, 12 : NOD 23.· De Trinitate, X, 10, 16, PL, .2, 981: Nullo modo· auteni reete dicitur

habent itaque spiritum pecora, id est intelleetus et rationie et sapientiae Hn- ICiri aliqua res, dum eiu8 ign9ratur substantia. Quaproptet, cum 10 mellS DO'f\t,
sum, sed animam tantum. lubstantiam 8uam Dovit; et cum de 10 eerla est, de IUbstaDtia. lUa certa est.
231 De tide et aymbolo, X, 23, PL, 40, 193-194 : Et qoonlam tria 81lDt qui. Certa est autem de se, aieut eonvincunt ea quae supra dicta lunt. Nec omnino
bua homo conatat: spiritus, anima et eorpus, qoae rDrlJUl duo dicuntur, quia eerta est,' utrum aer, &Il ipia ait, p. aliquod eorpu, m aliqal4 eo"rporia.': NOD
aaepe anima simul eum spiritu nominatur; pars enim quaedam eiusdem ratio- .est ergo aliquid eorum.: totwnque mud f\ood 18 iubeturaz. Dovent, ad hoc
nalis, qua earent be~tiae, spiritus dieitur; principale Dostrum 8Jriritui est; deinde .pertinet ut carla lit DOD. se eue aliquid eoram de qulbns lilcerta ut, ldque
Tita qua coniungimur corpori, anima dicitur; postremo ipsum eorpui quoniam IOlum esse se cana lit, quod lolum el88 se eerta .elt. D, Ge... ad ""M'''m, VU,
\"isibile est, ultimum nostrum ellt. 21, ZycJU, p. 218. D, Tri..Uate, X, 10, 13, PL, .2, 980. .
SAINT AUGUSTIN 501
une intuition directe, qui ne permet pas l'ombre d'un doute. Par une qu'elle n'est pas dispersée dans l'espace: étant simple et indivisible,
saisie immédiate l'intelligence ne· se connaît pas seulement comme elle n'est pas répanduc à travers l'organisme corporel à la
existante, mais elle connaît également sa propre nature : or elle manière d'un souffle matériel. Dans chaque p8l'celledu corps
ne se saisit pas comme un souffle matériel, mais Comme une sub- elle est tout entière présente, comme elle l'est dans l'organisme
stance qui pense et qui veut. . tout entier: en effet, toute impression recueillie à un endroit dé-
D'ailleurs la manière dont l 'homme connaît l'air, le feu ou les terminé du corps· est saisie par l'âme tout entière sans que l'im-
autres objets matériels qu~ les philosophes matérialistes regardent pression elle-même se répande dans l'organisme corporel 23T• Cette
comme la substance de l'âme, démontre également l'absurdité de conception· de saint Augustin nous r~ppelle son argumentation
. leur doctrine. En effet, nous atteignons tous ces objets du dehors . contre le pneuma cosmique des stoïciens: il ne pouvait pas ad-
par la percept~on ou l'imagination : or, si l'intelligence s'identiG. mettre, en· effet, la répartition spatiale de ce souffle matériel à
fiait avec eux, nous les saisirions par une expérience interne, ana- travers le monde. Augustin ne veut pas dire cependant que J'âme
logue à celle par laquelle nous savons que nous pensons et voulons. soit uniformément présente dans chaque partie de l'organisme
Il ne s'agit pas, dans ce dernier cas, d'une perception externe, corporel, car l'intensité de· son activité vitale 8'ex~rce à un endroit
mais d'une saisie immédiate de l'écoulement de notre vie psychi- plus qu'à un autre. C'est pourquoi il parle d'une tension vitale,
que 2S~. L'âme est donc une substance pensante qui se distingue a u lieu d'une düfusion locale 238.
nettement des réalités corporelles: c'est pourquoi Augustin nous. TI résulte de cette analyse que le terme spiritus, appliqué par
demandait au début de son argumentation de nous débarrasser saint Augustin à la psychologie humaine présente une signüica-
des images du monde extérieur et des opinions incertaines de la tion analogue à celle qui caractérise la spiritualité divine. TI s'agit,
philosophie. ici encore, de la simplicité et de l'indivisibilité de l'âme, bien qu'elles
Ce qui caractérise le monde corporel d'après Augustin, c'est la ne soient pas aussi absolues dans le principe vital de l'homme qu'en
dispersion spatiale et le mouvement local: tous les corps s'éten- Dieu. Sans s'identifier avec le spin:tll.s divin aH, l'âme humaine
dent dans les trois dimensions et ils occupent un espace propor- se présente ainsi comme une substance pensante et inétendue.
tionné à leur étendue 236. Si l'âme n'est pas un corps, c'est 3. Le lpiritus désigne également, dans la langue de saint
Augustin, une faculté au moyen de laquelle l'homme peut se re-
135 De Trinitate, X, 10, 16, PL, 42, 982 : Neque ullo modo fieri posaet ut
présenter le monde ext;:érieur. Cette faculté est subordonnée à l'in-
ita eogitaret id quod ips& est, quemadmodum cogitat id quod ipsa non est. Per
pbantasiam quippe imaginariam eogitat baec omnia, sive ignem, sive aerem,
telligence parce qu'elle nous montre des images sans que, par le
live illud yel illud corpus, partemve illam, seu compaginem temperationemque
eorporis j nec utique isla omnia, sed aliquid borum esse dieitur. Si quid autem . 231 EpinokJ, 166, li, 4, GOLDBACIID, p. ~51: Nam per omnes eiu parti-

horwn esse t, aliter id quam caetera eogitaret, non seilieet l,er imaginale fig- culas tota (~ anima) limul adest, necs mlnor iD. mlnoribul et in maioribul
mentum, sieut cogitantur absentia, quae sensu eorporis taeta lunt, sive omnino maior aed alicubi intentiua, alieubi remùliul et· iD. omnibu tota et iD. lingulis
ips&, sive eiusdem generis aliqua j sed quadam 'interiore, non aimulata, sed vera tota aIt. Neque enim aliter, qu~ in eorpore etiam 110n toto tentit, tamen tota
praeaentia (non enim quidquam liU est se ipsa praesentius): sieut cogitat vivere sentit : Dam cam exiguo puncto iD. came viva aliquld tangitur quamm locu me
Je, et meminisse et" intelligere et velle ie. Novit enim haee in le, nee imagi. nOIl ·101um totiua eorporia· nou .it, aed vix iD. eorpore videatur, &JÜmam
natur quasi extra se illa sensu tetigerit, sicut ~orporalia quaeque tanguntur. tameu totam ·non. latet, neque" id quod llelltitur, par eorporia euneta, ~t,
Ex quorum. eogitationibus ,si nihil sibi affingat, ut tale aliquid esse se putet, aed lbl tantum aentitur ubi fit.
quidquid ei de se remanet, hoc solum ipsa est. 288 El'iito'l4, i66, II, 4, GoLDBACBD, p •. ~1l: Per totum quippe eorpua,

23t Eputola, 166, Il, 4, GoLDBACH.ER, p. 551 : Porro si corpus non ellt, nisi quod ammat, non loeali diflusione, eed quadam vitaU lntenticne porrigitv.
quod per loci spatium aliqua longitudine, latitudine, altitudine ita sistitur vel 23. Ef1ÜtolG, 166, II, 3, GoLDBACIlIZ, p. ~50 : Non elt itaque natura lneom·
movetur, ut maiore sui parte maiorem locum oeeupet et breviore breviorem, mutabi1is, quae aliquo modo, aliqua· cau.., aliqua parte mutabilia elt. Deum
lninusque sit in parte quam i~ toto, non est corpus ani.ma. - De Gnima et autem nelas est, nisi ver~ ![Iummeque ineom~~tabi1em C?rc4ere. ~~~ e8t igit~r
~i"" origine, IV, 21, 35, PL, 44, 544.
RQim~ parll Dei, . •
SAINT AUGUSTIN 503
1

502 LA LITTF;RATURE CHRBTIENNE .1

çoit• d'ailleurs clairement lorsque un orO'ane sensoriel est amputé ,


fait même, nous en saisissions la signification- 24o• C'est ainsi que 1:1

pUIsque les images sensibles antérieurement perçues n'en sont pas


Dieu peut nous aecorder deux espèces de visions, dont l'une est
oblitérées, mais se conservent in spintu. : c'est donc qu'une percep-
manifestement supérieure à l'autre. Il y a d'aoord les visions « in
tion spirituelle double la vision corporelle 2-&2. Cette conception est
spir:'t1'», c:ui ne sont qu 'une succ~ion d'images, produites par
basée sur une épistémologie dualiste, qui, plus tard, sera reprise
l'action divine sur notre imagination, sans que nous en compre-
principalement par Descartes. D'après cette théorie de la connais-
nions le sens; il Y a ensuite les visions t( m.
mente», qui nous ré-
sance le sujet ne perçoit pas directement les réalités matérielles
vèlent en outre la signification de ces représentations sensibles.
qui l'entourent, parce qu'il est enfermé dans les frontières de son
L'existence d'une pareille faculté de représentation est prou- organisme corporel: ce qu'il perçoit n'est qu'une représentation
vée par le fait que, dans l'obscurité la plus épaisse, alors que interne du monde environnant, une photographie qu'il est impos-
les yeux ne peuvent rien discerner, l'homme peut se représenter
sible de dépasser et de contrôler par un conta_ct immédiat avec lM
le ciel, la terre et tout ce qu'il a vu précédemment; il peut même choses. On dirait en langage scolastique que la species impressa
se former certaines images auxquelles ne correspond- aucune réa- n'est pas qUA, mais qu.()d cogMsc1tur. Il faut noter cependant que, l'
1

lité antérieurement perçue 241. TI faut donc admettre à côté de


1

. ' pour saint Augustin, cette représentation est produite en nous par
la perception extérieure, qui se fait par les yeux, une -certaine
l'influence que les choses extérieures exercent sur nos organes sen-
vision intérieure, -qu~ se fait par une faculté de l'âme autre que
soriels 243. Nous sommes ici à la SGurce de l'idéalisme moderne, qui
l'intelligence. Le rôle de ce spirit~ dans notre vie psychique est
repose tout entier sur une certaine conception de l'objet immédiat
d'ailleurs beaucoup plus étendu que celui de l'imagination, car la
de notre connaissance. En effet, si ce que nous atteignons dans
~o sp1·n·taUs accompagne nécessairement la visio corporalis, à tel
l'acte cognitif n'est qu'une représentatiQn spirituelle des réalités
pomt que, sans cette visia spiritalis, il n 'y a pas de perception qui nous entourent, nous sommes comme enfermés dans une prison;
possible. L'organisme corporel, en effet, ne reçoit que des impres-
les murs sont couverts de reproductions, mais nous ne pouvons en
sions externes, qui stimulent l'âme à se former une représenta-
estimer la valeur, vu qu'il nous est impossible de sortir de notre
tion du monde matériel au milieu duquel nous vivons: les im-
pressions reçues du dehors ne sont donc pas la cause adéquate de
242 De Geft.. ad. litt., XII, 24, ZYCHA, p. 416, 21: Corporalis (seil. viaio)
ces images spirituelles, qui sont produites par l'âme elle- enim sine apiritali esse non potest; quandoquidem momento eodem quo corpus
même, sous I~ stimulation des impressions sensibles. On s'en aper- sensucorporis tangitur, fit etiam in animo tale aliquid, non quod hoc ait, lied
quod simile ait; quod si non fieret, nec senaus ille esset, quo ea quae extrlnaeeus
adjacent, sentiuntur. Neque enim corpus sentit, &ed anima per corpus, quo
240 De Ge". ad litt., XII, 9, ZYCHA, p. 391, 10: Augustin nous donne la
velut nuntio utitur ad formandum in se ipsa quod extrinseeus nuntiatur. Non
dMinition suivante du 8piritW: a Vis animae quaedam mente inferior, ubi i: :
potest itaque fien viaio eorporalis, niai -etiam spiritalia simul fiat; lad non
corporalium rerum similitudines exprimuntur ». Ibid., XII, 23, ZYCHA, p. 414,
22 : Quod Rutem nunc insinuare satis arbitror, certum est esse spiritalem quan-
dam naturam in nobis, ubi eorporalium rerum formantur similitudines_
diseernitur niai tuent llensus ablatua a corpore, ut id quod per COrpUl ndebatur
inveniatur in spiritu.
t
243 Ct. E. GILSON, 1,droducfioft cl r'~tv4e M 8 • .A.ugU8ti", Paris, '1943, 2- M.,
Ibid., XII, 24, ZYCHA, p. 416, 1 :, Haee igitur natura spiritalis, in qua non
pp. 13-81. Le problème qui préoeeupe 8. Augustin dans la connaiaaance est
corpora 8ed eorporum similitudines exprimuntur inferioris generis visiones
celui de la pauivi~ de l "me imma~rielle via·l-via des impressioDl maWriell. .
habet, quam illud mentis atque intelligentiae lumen, quo et. ista inferiora düudi-
Cette passivité est exclue, d'une part, paree que 1'lme est le principe rital qui
cantur.
anime tout l'organisme corporel, et, d'autre part, paree qu'elle produit en elle-
. ~u D~ •G~. ad. litt., XII, 6, ZYCHA, p. 387, 7: Nee illud alterum (seil. même l'image sensible, p. ex., dans le us d'une sensation auditive, «1 'lme Ta
V1810 ~PU'1tah8) .quo absentia eorpora corporalia eogitantur, insinuare difficile
se tourner vers cette modification corporelle et produire en soi la sensation
~st : Ips~m quippe eaelum et terram et ea. quae in ela videre pos8umus, etiam
sonore, le son entendu» (op. cit., p. 83): l 'lme n'est donc passive que vi.~l-vi.
lU tenebr18 eonstituti eogitamu8; ubi nibi) videntea oeulia eorporis animo tamen
d'elle-même. Il en résulte que l'objet immédiat de la eonnaiasançf' est l'iroaJe
eorporales imaginps intuemur, seu veras sieut ipsa eorpora vidim~s et memoria
~ue l'âme produit en elle·mêllJe!
~et~nemusf seu fietas, sicut eO~llitio ~ormare :potuerit, -- - . - . - .
504 LA LITTÉRA TUBE CHR~TIENNE SAINT AUGUSTIN 505

isolement. Descartes a essayé de fonder la valeur de notre connais- Nous reJOIgnons par là l'explication donnée du terme 9piritus par
sance sur la véracité divine 244. Mais depuis que Kant a sapé les le Pseudo-Augustin dans le De spiritu et anima; cette puissance,
preuves cartésiennes, de l'existence de Dieu, il ne reste plus, dans dit l'auteur, s'appelle spiritus, parce qu'elle n'est pas corporelle 245.
la perspective de Descartes qu'une succession de phénomènes ou On trouve également dans les écrits de saint Augustin l'équivalent
de visions spiritu~lles: la chose en soi ne nous livre jamais le de l'enveloppe pneumatique des néoplatoniciens, avec cette düfé-
mystère de son intimité cachée. rence toutefois qu'elle n'est pas appelée spiritus, mais lux et ae.r :
Quant à l'origine de cette doctrine augustinienne, n9U8 croyons o 'est une réalité intermédiaire entre l'âme immatérielle et le corps
qu'elle est un mélange de mysticisme biblique et d'épistémologie charnel, intermédiaire dont la nécessité a été ressentie vivement
nooplatonicienne. En effet~ la distinction entre les visions in. spi- à call~e de la distance de plus en plus accentuée entre les deux
,;t1' et in mente est fondée avant tout sur la pneumatologie. de éléments constitutifs de la personnalité humaine. Il est ~ez signi-
de saint Paul, lequel conçoit· un enthousiasme mystique que nous ficatif d'ailleurs qu'Augustin ait éprouvé le besoin de moOdüier
pourrions appeler irrationnel, parce que les facultés proprement la terminologie reçue: il évite autant que possible de' se servir du
humaines n'y participent point: c'est ainsi qu'il parle d'une terme spiritus pour désigner des réalités matérielles. La doctrine
oraic;on pneumatique, où l'intelligence humaine ne joue aucun ·rôle de cet intermédiaire pneumatique, qui semble avoir été introduite
(1 Cor., 14, 15) .. Il Y a d'ailleurs une doctrine sur l'inspira.. d'abord par Aristote, prend son origine dans la préoccupation de ne
ti<m que nous avons rencontrée chez Platon, Philon d'Alexandrie pas souiller l'âme humaine par le contact immédiat de la matière gros-
et Plutarque, et qui implique le même irrationalisme. Saint Augus- sière : l'âme n'agit donc pas directement sur les organes corporels,
tin a appliqué à ce mysticisme paulinien la conception néoplatoni- mais elle se sert de cet intermédiaire pneumatique pour gouver-
cienne de l'enveloppe pneumatique, y compris le rôle qu'elle ner le corps humain 246. Comme nous l'avons déjà noté plus haut,
joue dans notre connaissance. Nous avons vu plus haut, en effet, toute la doctrine néoplatonicienne de la purification résulte de la
qu'une doctrine analogue touchant les images sensibles reprodui- même préoccupation. On pourrait en dire autant de la manière
tes par 'le pneuma se rencontre déjà chez Porphyre. dont Plotin et ses disciples conçoivent l'animation du corps par
Il y a cepen~ant une différence importante entre la pneuma· une espèce d'irradiation de l'âme: l'âme n'est pas dans le corps,
t910gie de Porphyre et la doctrine augustinienne du spiritus, c'est o'est plutôt le corps qui est dans l'âme.
que ce spiritus est considéré comme une puissance de l'âme, alors De même que l 'oQyavov 3tQortov d'Aristote, cet intermédiaire pneu-
que le pneuma de Porphyre est décrit comme une enveloppe psy- matique intervient dans l'exécution de tous les mouvements du
chique: il en résulte que le spiritus d'Augustin, tout en étant corps: c'est à lui que l'âme communique d'abord sa volonté et
subordonné à l'intelligence, fait cependant partie de l'âme imma- o 'est par lui que les mouvements s'exécutent 247; la souplesse et
térielle, tandis que le caractère matériel de l'enveloppe pneuma-
tique des néoplatoniciens est incontestable. Toute l'épistémologie 141 De 'Pint. et (lft.Wna 24, PL, 40, 797: 8piritu autem corporum simili-
, _1: ·d
d'Augustin vient confirmer cette conclusion : en effet, dans la tudines intuetur (scil.· anima); quidquid enim corpus non est et tamen auqUl
est, recta iam spiritus dicitur. IdclrcO quadam vi oeeulta et Ipiritali rapitur
connaissance sensible l'impression extérieure ne produit pas par
anima, ut vice eorporum expressa. corporalium rerum slmllitudines in· Ipiritu
elle-même cette vision spirituelle, elle n'est qu'un stimulant ser- Yideat.
vant à déclencher l'activité de l'âme, grâce à laquelle celle-ci se 2" De Gm. 00. litt., VII, 15, ZYCBA, 213, 14: : Quapropter non est quidem
forme une reproduction du monde extérieur. Cette supériorité du humanae a~ae natura nee de terra nee de aqua ~ee de aere nee de Igne quo-
spiritus vis-à-vis du monde matériel est encore plus évidente dans libet: aed tamen erassioris corporis sui materiam hoe est humidam quamdam
terram, quae' in. eamis versa est qualitatem, per lubtilioris naturam corporia
là cas où cette 'vision spirituelle se produit s~nse~citant extérieur.
administrat, id est per lucem et aerem.
24T De Gm. (Id mt., VII, 20, ZYCBA, p. 217, 3 : Quapropter istal corporei
:H DESCARTES, ~éditations fl&étaf'hysiqueB, VI, ,,~eU co~oreaa ~uasdam varti~ulaB, id est lue~ e~ ~eris, ~uae prima~ exei~iuQt
506 LA LITTiRATURE CHRÉTIENNE
SAINT AUGUSTIN 507
la subtilité de cet instrument psychique garantissent la prompti-
témologie de saint Augustin se distingue nettement de celle du
tude de l'exécution. Saint Augustin rejoint par là la conception
Portique, qui conçoit la connaissance sensible comme une empreinte
des stoïciens et des médecins pneumatiques sur les mouvements du
dans 1'hégémonikon ou une transformation de celui-ci : d'une part
corps qui se produisent sous l'influence de certains courants pneu-
il y a pure pa.ssivité d'un souffle psychique connaturel au corps,
matiques pro,-ensnt de l'hégémonikon de l'âme. D'après le philo-
d'autre part, il y a spontanéité créatrice d'un principe spirituel.
sophe chrétien, ces souffles psychiques sont répandus dans les
Il résulte également de la constitution de cet intermédiaire pneu-
nerfs 248. ~tte doctrine restera d'ailleurs classique jusqu'à l'épo-
matique 'que saint Augustin reprend la distinction ancienne entre
que moderne: les « esprits animaux» de Descartes ne sont rien
les éléments supérieurs et actifs, l'air et le feu, et les éléments
d'autre que des courants pneumatiques 2.0.
inférieurs et passifs, l'eau et la terre. Il faut noter cependant que
Saint Augustin admet encore l'intervention de cet intermédiaire le feu est remplacé par Iii lumière, ce qui dénote une influence
pneumatique dans la connaiSsance sensible: il transmet l'impres- néoplatonicienne : rappelons-nous la conceptio~ néoplatonicienne du
sion e:ttérieure à l'âme, qui, alors, se forme une image de la réalité pneuma comme un halo lumineux qui entoure l'âme humaine.
perçue DO. On 'peut dire que cet intermédiaire pneUlytique est Quant aux autres significations du terme terme spiritus, elles
soumis au spintus et que, dans l'exercice de l'activité propre de ne présentent aucun intérêt philosophique: il n'est donc pas
celui-ci, il est un instrumen,t indispensable. A ce point de vue l'épis- nécessaire de nous y arrêter, il suffira de les avoir indiquées au
début de cette analyse.
Dutus animae vivitieantis, eo quod incorporeae naturae propinquiores sunt quam
humor et terra, ut ad eamm proximum ministerium tota moles administretur,
retrum Deua de hoc eircumfuso et superfuso caelo corpori viventia miscuerit, aut

••
adiunxerit, an et ipsaa de limo sicut' carnem fecerit, non est ad rem pertinens
, quacstio. De Gefte8Î ad litt. VII, 15, ZYCHA, p. 213, 22 : Anima ergo quoniam res Voici les principales conclusions intéressant la pneumatologie de
est incorporea, corpus, quod incorpor~o vicinum est, sicuti est ignis, vel potiua
lux et aer, primitus agit et per haec cetera, quae crassiora sunt corporis, sicut
saint Augustin_
humor et terra, un do carnia corpulentia solidatuf, quae magls sunt ad patien- 1. La source principale de la pneumatologie de saint Augustin
dum aubdita, quam praedita ad faciendum.
248 De Ge". ad litt., VII, 19, ZYC!'IA, p. 216, 7 : Et aer, qui nervis infusua
est incontestablement l'Ecriture Sainte. C'est là qu'il a trouvé les
est, paret voluntati ut membra moveat, non autem ipse voluntas est. différentes significations qu'il attribue au terme spiritus, c'est là
2'" J. CHJ:VALIJtR, Ducarte8, Paris, 1921, p. 231. Cf. DESCARTES, J)igc~r8 d6 surt~>ut qu'il a découvert le caractère immatériel des réalités que
la méthode, texte et commentaire par E. GILSON, Paris, 1930, p. 54, 13:, «Et ce terme désigne. Cette pneumatologie est d'autant plus, intéres-
enfin, ce qu'il y a de plus remarquable en tout ceci, c'est la génération des sante que nous trouvons chez saint Augustin les lignes essen-
esprits animaux, qui sont comme un vent très subtil, ou plutôt comme une flam-
me tr~s pure et tr~a vive, qui montant continuellement en grande abondanee
tielles de l'évolution que la doctrine a subie au cours des siècles,
du cœur dana le cerveau, 8C va rendre de là. par les nerfs dans les muscles et puisqu'il a passé du matérialisme manichéen au spiritualisme chr~
donne le mouvement à. tous Ica membres ». - Cette doctrine, restée en vigueur tien. n est vrai que les écrits néoplatoniciens ont joué u~ rôle im-
jusqu'au XVII- ai~ele, a é~ minée graduellement par les expériences de Swam- portant dans le' cheminement de sa pensée; cependant le néoplato-
merdam, Galvani et Volta. nisme ne constitue pas la sour.ce principale dans l'élabOration de sa
250 De Ge". ad litt., YII, 19 ZYCHA, p. 215, 23 : Bicut enim Deus omnem
doctrine. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute en ce qui concerne
creaturam, aic anima omnem, corpoream creaturam naturae dignitate praecellit.
Per 11lcem tamen et aerem, quae, in ipso quoque mundo praecel1e~tia sunt cor- la pneumatologie prise au sens strict, puisque les néoplatoniciens
pora, magiaque habent faciendi praestantiam, quam faeiendi corpulentiam Bieut ne concevaient ni la divinité ni l'âme humaine comme des êtres
humor et terra, tamquftm per ea quae spiritui similiora Bunt, corpus adminiatrat, pneumatiques; cependant l'influence de cette philosophie se fait
nuntiat enim aliquid lux corpo~ea : ~ui autem nuntiat, ~9~ ~o~ est quod 'i11a; sentir dans la troisième signification, qui semble avoir été em-
e\ b~e" çs\ .Pim" çu~ n~nti~t, no~ il1a <Juae nunt~t,
prunt~e il Porphrre, p '~utre part, l~s ~cr~~ ~éoplaton~çieQ§ <mt ÇQU.

j
508 LA LITT~RA TURE cnRtTIENNE

tribué lar~ment à l'évolution religieuse de saint Augustin, en ce


sens du moins qu'ils ont préparé le terrain aux doctrines spiritua-
listes du christianisme.
i éONCLüSION
chrétienne, p'résentent des vues diamétralement opposées en ce qui
concerne le contenu positif du terme -pneuma ou spiritu.s.
1. Il Y a d'abord les représentants de la pneumatologie matéria-
2. En cc qui concerne la spiritualisation du pneuma, la doctrine liste, parmi lesquels on compte Tertullien, Lactance, 1Ylacaire
d'Augustin est l'aboutissement de la première et principale étape d'Egypte et, à certains points de vue,Tatien, Athénagore et Théo-
de ce processus. Alo~ que le pneuma de Zénon de Cittium avait phile d'Antioche. Tous ces auteurs ont subi l'influence de la philo-
une signification essentiellement matérielle, on peut dire que, dans sophi~ du Portique, bien que leur adhésion au christianisme leur
la pensée de saint Augustin, ce terme s'est complètement dégagé ait fait rejeter le monisme matérialiste des stoïciens: on trouve chez
de toutes ses attâches avee la matière; il a même acquis un contenu tous l'affirmation nette et précise de la transcendance divine et
positif qui s'oppose diamétralement à celui qu'il avait dans la phi- généralement aussi la doctrine de l'immortalité de l'âme humaine.
losophie du Portique. C'est surtout sur ce dernier point que la Ils s'accordent donc sur ce point avec les partisans de la pneum~­
pneumatologie de saint Augustin l'emporte sur celle des autres tologie spiritualiste. Il est clair, d'autre. part, que c'est sous l'in-
penseurs chrétiens. Ce qui caractérise ici le spiritus vis-à-vis des fluence du stoïcisme qu'ils ne sont pas arrivés à se dégager du ma-
réalités corporell~s, e 'est la simplicité et l'indiviSibilité·: simpli- térialisme, malgré leurs convictions chrétiennes.
cité absolue quand il s'agit de Dieu, <>ù toute activité s'identifie C'est pourquoi il importe de préciser l'influence que le christia-
avec la substance. même de l 'ttre suprême, de sorte 'que les perfec- nisme a exercée sur les auteurs des premiers' siècles. La doctrine
tions divines coïncident a.vee l'essence de la divinité; sim- chrétienne, n'étant pas un système philosophique, mais u~e doc-
plicité relative quand il s'agit de l'âme humaine, qui se caracté- trine religieuse, ne se présente pas sous la forme d'ùne construc-
rise avant tout comme un être inétendu, par opposition à la dis- tion rationnelle avec une systématisation logique: elle offre aux
persion spatiale propre aux réalités mntérielles. Ce contenu âmes qui cherchent la solution du problème de la vie, quelques
positif du terme spiritus, qui est 'd'inspiration néoplatonicienne. vérités fondamentales capables de les guider vers leur destinée éter-
constitue. dans l'évolution de la doctrine du pneuma un acquis nelle. Bien que ces idées soient fondées sur une révélation divine,
définitif, qu'on retrouve encore dans la philosophie moderne. Le il ne s'ensuit pas qu'elles ne puissent faire l'objet d'une ,recherche
privilège des êtres supérieurs réside dans la simplicité de l~ur d'ordre rati<;>nnel. Aussi les auteurs des premiers siècles se sont-ils
essence, qui les prémunit contre toute désagrégation : c'est pour- e~forcés d'asseoir leur conviction chrétienne sur une argumenta-
quoi la spiritualité est considérée comme le fondement de l'éter- tion rationnelle : e'était d'ailleurs le seul plan sur . lequel ils pou-
nité divine -et de l'immortalité de l'âme humaine. vaient se rencontrer avec les païens qu'ils voulaient gagner à la
La pneumatologie de saint Augustin peut donc être considérée nouvelle doctrine. Il f~ut remarquer ëependant que cette systéma-
comme l'achèvement d'une é,'olution qui a commencé avec les tisation de la pensée chrétienne ne devait pas nécessairement se
i

débuts de l'école stoicienne. faire en fonction ci 'un système philosophique déterminé : si l'Église
impose à ses fidèles la croyance à la tra'nscendance divine ~t à l'im-
mortalité de l'âme, elle leur laisse pleine liberté quant au choix des
arguments rationnels destinés à fonder ces deux. vérités. C'est ainsi
CONCLUSION
qu'un certain nombre de penseurs chrétiens ont essayé de combiner
la nouvelle religion avec la philosophie stoïcienne, ne voyant pas
La pneumatologie des auteurs chrétiens ne présente pas l'aspect de contradiction entre les dogmes chrétiens et le matérialisme du
uniforme qu'on aurait pu s'attendre à y trouver. Parmi eux on Portique. Car il n'est pas d'évidence immédiate que la transcen-
distingue nettement deux ~roupes de penseurs qui, ~ut en s'ac- dance et l 'éternité divine~ sont incompatibles avec la dispersion
cQrd~n~ sur çertains points r~l~v8nt dir~çteJIl~n~ d~ la révél~tion spatio-temporelle ou que l'immortalité de l'âme exige !a simplicité
LÀ LITT ~RATÜnË CiIRtTIË~N~

de sa nature. L'évolution de la pensée chrétienne a montré cepen-


dant que tous les systèmes ne ·sont pas aptes à servir d'armature à
un exposé de la doctrine chrétienne: il s'est constitué insensible-
ment une doctrine philosophique, qu'on pourrait appeler chrétienne
en ce sens que les divers points qu'elle comporte ne sont pas en
contradiction avec les dogmes fondamentaux du christianisme.
ClIAPI TItE vt
2. Il Y a ensuite les partisans d'une pneumatologie spiritualiste,
tels que saint Justin, Clément d'Alexandrie, Origène, saint Augu.s-
tin et, dans une certaine mesure, les apologistes du deuxième siècle. SYNTHÈSE ET OONCLUSION
Ces penseurs se sont dégagés de l'emprise du matérialisme et, nous
croyons l'avoir démontré, le christianisme doit être regardé comme L'étude de la pneumatologie ancienne nous a mis en rapport
le facteur déterminant de cette spiritualisation du pneuma. Il est avec les systèmes de pensée les plus variés de la période hellénisti-
vrai qu'ils ont abordé la doctrine chrétienne avec un bagage intel- que. Il ne nous a pas été possible de limiter notre examen à la
lectuel provenant de leur formation antérieure, qui les préparait philosophie proprement dite, .nous avons été amené tout naturel-
d'avance au spiritualisme de la nouvelle religion : en effet, tous lement à aborder· plusieurs doctrines religieuses et scientifiques,
ces au~urs, tout en connaissant la philosophie du Portique, ont parce qu'elles renferment de nombreux éléments philosophiques et
reçu une formation platonicienne ou néoplatoniciÈmne. Il n'en est parce qu'elles ont influencé l'évolution de la pensée rationnelle.
pas moins vrai qu'ils s'inspirent continuellement de l'Écriture Quand donc nous parlons de la pneumatologie ancienne, cette ex-
Sainte, et que les arguments philosophiques ne jouent ~bez eux pression ne désigne pas une doctrine nettement définie, mais elle
qu'un rôle tout à fait seeondaire : ils servent à étayer les dogmes recouvre une multiplicité de conceptions relevant de nombreux
do la religion chrétienne. liais ayant été travaillés par une forma- systèmes de p~sée et ressortissant a.ux différents domaines de
tion philosophique spiritualiste, les auteurs en question ont donné la recherche humaine: le pneuma nous a introduits au cœur même
BU pneuma,. qui' occupe une place importante dans la doctrine de la théodicée, de la psychologie, de l'épistémologie, de la doctrine
chrétienne, un sens qui ne s'accorde guère avec la signification de l'inspiration, de la médecin~, de la magie et de la mystique.
que cc terme possédait dans le néoplatonisme, mais qui s'accordait C'est pourquoi il sera utile, sans doute, de dresser un tableau sys-
pleinement avec la pensée chrétienne et avec l'irlspiration profonde tématique des différentes doctrines qui se rattachent au terme
de leur philosophie personn~lle. Deux facteurs interviennent donc étudié. Les analyses minutieuses, que nous avons dû faire, ne nous
dans la spiritualisation du pneuma : le christianisme et la philo- ont pas donné une vue d'ensemble de la pneumatologie ancienne.
sophie platonicienne ou néoplatonicienne. Nous croyons cependant Une telle vue est pourtal~t nécessaire pour apprécier à sa juste
que le christianisme doit être regardé comme le facteur déterminant, valeur' cette' pièce importante d'une culture dont nous sommes les
puisque la pneumatologie du stoïcisme platonisant et du néoplato- héritiers lointains.
nisme ne 8 'est jamais dégagée du matérialisme. Si nous comparons le point de départ de notre étude et son point
d'arrivée, nous constatons qu'il s'est produit durant ces sept siècles
une évolution tellement importante qu'on pourrait presque l'appeler
une révolution : en effet, li. contenu principal du terme «pneuma»
dans la philosophie d'Augustin 'est totalement différent de celui
qu'il a chez Zénon de Cittium.· Nous avons attiré l'attention à
plusieurs reprises SUr cette évolution et sur les facteurs qu~ l'ont
déterminée; mais comme i! s'agissait toujours de ch:mge.nents limi-
SYNTHtSE ËT èONcLUSION APERÇU DE "LA PNEUMATOI,OG 1E ANCIËNNË 513
tés. il est nécessaire de tracer une vue d'ensemble de ce développe-" de ce centre pneumatique que sortent les courants ignés, pour ani-
ment, pour en dégager les caractères gén~raux et surtout pour dé- mer l'univers tout entier: on ne peut donc pas lES assimiler au
couvrir les facteurs qui ont déterminé cette transformation totale. feu dévorant de la terre, mais bien à la nature ignée des astres.
Cette double tâche fera l'objet des deux paragraphe3 de ce dernier Cet aperçu de la théodicée de Cléanthe montre déjà qu'on ne peut
chapitre: daDS le premier nous donnérons un aperçu général de la parler de l'immanence totale de la divinit.é stoïcienne qu'avec cer-
pneumatologie ancienne, dans ]e second nous tracerons le3 lignes taines. réserves : au-dessus des réalités terrestres, qui possèdent cha-
essentielles de l'évolution que la doctrine a subie, pour en dégager cun{t "une étincelle de ce feu divin, il admet l'existence d'un foyer J

les facteurs déterminants. central, d'où partent It'.8 rayons, faisant jaillir la vie et produisant
la croissance dans tous les êtres; il y a donc dans cette doctrine un
mélange d'immanence et de transcendance, en ce sens que la meil-
1. APERÇU SYSTÉMATIQUE DE LA PNEUMATOLOGIE" ANCIENNE.
leure partie du pneuma divin n'est pas engagée dans les réalités
terrestres. Il n'est donc pas absurde d'adresser des prières à cette
Les düférentes doctrines qui se rattachent au pneuma, peuvent se
source de vie, comme le fait Cléanthe dans son hymne célèbre. Si
~amener à quatre points capitaux : ce terme peut se rapporter à la
le fondateur de l'école ne s'est pas encore serv"i du même terme
divinité, su principe trital des être3 vivants e~ plus spécialement
·pour désigner la divinité, ce n'est pas parce qu'il ne partageait pas
à l'âme humaine, à l'inspiration des prophètes et "des devins et enfin
cette conception cosmobiologique; mais le logos de Zénon ne désigne
il peut désigner une force divine," accordée aux hommes en vue de
pas le même aspect de la divinité suprême: alors que Cléanthe la
la conduite de leur vie ou pour l 'accompli~ement de certaines
considère comme la" S9u~ce première de la vie cosmique, Zénon la
actions qui dépassent leur pouvoir naturel. Nous croyons qu'il est
conçoit plutôt comme la loi de l'univers et comme le principe du
p~ible de grouper autour de ces significations fondamentales la
déroulement nécessaire de l'histoire du monde; Dieu est un ÀÔyoç
riche variété de3 doctrines que nous avons exposées au cours des ana-
oJtEQJ.lQnxôç, dont le déploiement nécessaire est scandé suivant le
lyses précédentes. C'est ce que noUS essaierons de montrer da~ ce
rythme de3 ~nflagrations "périodiques.
qui suit.
Chrysippe a repris et élaboré davantage la conception pneuma-
1. Le pneuma Wivin. tique de la divinité : deux principes sont à l'origine de tout ce
qui existe, la matière amorphe "et le feu créateur ou le pneuma;
Dans la terminologie du Portique, le pn~mma désigne tout d'abord c'est ce dernier, qui étant le principe formel et actif, pétrit la matière
la divinité matérielle et immanente, qui s'identifie avec l'âme du et en fait surgir la riche variété du cosmos. Il est présent comme
monde. Cléanthe a été le premier à se servir" de ce "terme dans la XVEÛJ.la EXtlXÔV dans les êtres inanimés, assurant leur cohésion
signification indiquée : le pneuma est un souffle igné, qui pénètre individuelle par son mouv~ment perpétuel du centre à la péripérie
le cosmos tout entier pour en assurer la cohésion et la vie. L'âme et inversement; il est présent" dans les plantes comme xve\tJ.l(l
humaine elle-même est une parcelle (à1tôoJ.laoJ.lQ) de ce feu créateur; cpualxôv, qui, au printemps, fait monter la sève et ja~r la vie ;
et ainsi les diverses réalités cosmiques, tout en possédant leur indi- il 'agit dans les animaux "comme JtvEÜJ.la 'l'UXLXôv et l'intelligence
vidualité distincte du milieu environnant, ne constituent qu'un seul humaine elle-même est une parcelle de ,ce feu divin. Il est donc
-être, qu'on pourrait appeler le grand vivant, animé par le pneuma vrai de. dire que le cosmos est un 'animal gigantesque, animé "par un
cosmique. "Cette cosmobiologie est calquée minutieusement sur la souffle divin, dont la nature est constituée par un feu très subtil.
psychologie humaine, dont toutes" les activités sont expliquées par Le fond le plus intime de" chaque être ~8t constitué par la divinité
des courants pneumatiques traversant l'organisme corporel. Cette immanente, dont l'action bienfaisante n'est entravw que par" le
analoJ!ie est tellement poussée, que Cléanthe admet également principe matériel. C'est là, d'après Chrysippe, la principale expli-
l'existence d'un hégémonikon cosmique, localisé dans le soleil; c'est cation de l'existence du mal dans le monde. En effet, ~ien que les
5i4 SYNTH1~~SE ET cONciuSI6N At>ËRÇU DE LA PNËu~iATOLOGIE ANCIENNE 515
stoïciens insistent sur la plasticité du principe matériel, il n'est paa monde. Le philosophe d' Apamée a donc étendu à sa théologie na-
aussi indéterminé que la matière d'Aristote_ Au lieu de parler du turelle le dualisme platonicien qu'il admet en psychologie. La
panthéisme stoïcien, il est donc plus exact de parler d'un panenthé- divinité est conçue comme le À6yoç ou le ÔaLJ.lWV du monde, un être
isme : la divinité imIQ.anente est le principe formel E.t actif de cha- suprasensible, engagé dans la matière amorphe et plastique pour la
que être, E~ms s'identifier simplement avec le tout de chaque réalité. pétrir selon sa volonté: à ce point de V'.le la conception théologi-
Panétius a remplacé le pneuma divin de Cléanthe et de Chrysippe que de Posidonius diffère nettement de celle d'Aristote, dont la
par la CPÛOlÇ, qui est comJjle une poussée vitale et créatrice, tra. . grande préoooupation a été de retirer l'être suprême dn flux in-
versant la réalité : la même terminologie a été reprise plus tard cessant des réalités matérielles: eQ effet, la divinité de Posidonius,
par l\Iarc-Aurèle. Plus question d'un hégémonikon. Dana le sys- tout en étant une nature très subtile et très souple, ne s'élève pas
tème 'de Panétius, le stoïcisme atteint l'immanence totale. Gette réac- nu-dessus de la matérialité attribuée à toutes chose9; du reste, son
tion au sein même de l'école n'est pas le fruit d'une évolution activité dans le monde n'est pas plus créatrice que celle du moteur
naturelle, elle est le résultat des critiques de Carnéade,' d~rigées immobile d'Aristote.
principalement contre la cosmobiolog~e du Porti9ue. Elles ont Chez les stoïciens de la période impériale nous ne trouvons pas
amené les stoïciens de l'époque à relâcher la rigueur du détermi- d·'indications précises au sujet de leur théolqgie : ils se sont désin-
nisme traditionnel et à atténue~ la sympathie universelle du cos~os." téressés de ces questions métaphysiques pour s'occuper uniquement
Panétius rejette la conception zénonienne de la nature, selon la- du problème angoissant de la vie. Sénèque nous dit cependant que
quelle toute l 'histoire du monde se ramènerait à un déroulement le spiritus traduit un des aspects de la divinité répandue à travers
nécessaire .d'événements liés les uns aux autres: ayant renoncé à le monde. L'âme humaine est considérée par lui comme une par-
la doctrine de la conflagration périodique, il ne conçoit plus' l'his- celle détachée de ce souffle sacré, dont la partie principale. semble
toire cosmique comme la répétition perpétuelle des mêmes événements être localisée dans le monde astral. Sénèque insiste particulièrement
à intervalles égaux: la poussée vitale qui traverse l'univers est sur l'importance de la terre dans l'organisme cosmique, parce
une puissance créatrice inépuisable qui produit constamment du qu'elle conserve dans ses flanes la nourriture pneumatique de ce
neuf; l 'histoire se présent~ donc comme une marche fninterrompue monde céléste, conception qui se rencontre déjà chez Cléanthe. La
vers un avtfuir imprévisible. Et comme, d'autre part, Panétius doctrine théologique du philosophe romain n'est pas moins maté..
n'admet plus que tous les êtres sont animés par le même pneuma rialiste, en effet, que sa psychologie : Dieu est un souffle qui anime
divin, il en vient logiquement à une conception plus individualiste le monde.
des réalités cosmiques. On pourrait se demander si ce n'est pas là . Entre cette pneumatologie matérialiste des stoïciens et celle de.!
de l'athéisme; nous ne le croyons pas, car la nature immanente auteurs chrétiens il y a une frontière très nette, tracée par l'aban-
à chaque réalité est conçue comme une force qui dépasse infiniment don de l'immanentisme, même chez les auteurs qui ont subi très forte-
les limites étroites de l'être individuel. ment l'emprise de la philosophie du Portique: Ci 'est aŒnsi que
Posidonius est revenu à la conception pneumatique de la ~divini­ ·Tatien et Athénagore continuent à admettre le pneuma .cosmique,
té: la doctrine du pneuma occupe d'ailleurs une place très impor- qu 'ib considè~ent ·comme un souffte matériel traversant .le monde,
tante dans son système, à tel point qu'on a parlé du panpneumatisme mais ils le séparent très nettement du pnetima divin, réalité trans-
de Posidonius. Ce qui caractérise sa théologie vis-à-vis de ses préd~ cendante et suprasensible, tandis que Théophile d 'Antioche inter-
cesseurs, c'est que la transcendance divine y est plus accentuée·: prète le fameux texte johannique (4, 24) comme l'expression, non
il est vrai qu'il ne renonce pas à l'immanentisme de l'école, puis- pas de l'essence de Dieu, mais de son activité dans le monde. Cer-
qu'il affirme que le cosmos tout entier est Dieu; il reconnaît cepen- tains auteurs chrétiens restent donc fidèles à la cosmobiologie stoï-
dant que ce nom appartient proprement à l'oùQQVOÇ, d'où le Noüç cienne, mais sans identifier l'âme du monde avec la divinité suprême.
igll~ f'll\"oic ses rayons pneumatiques pour animer l'organisme du Même chose pour les ûmes individuelles des hOlDqles d des autres

r:
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1
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51~ SYNTJi~SE ET ëONci.USIOÎ't
vivants : elles ne sont plus des parceU~ détachées de la divinité,
mais des créature; de Dieu. PlllS tard, chez d 'autr~s auteùrs chré-
tiens, la e.osmobiologie· a été abandonnée également, et il ne reste
plus de la théologie stoïcienne que le matérialisme; c'est le cas de
1 APERÇU DE LA PNEUMATOLOGIE ANCIENNE

qui disent que Barbélo essaie de recouvrer le pneuma répandu dans


517

le monde; c'est le cas également du .3tVEÙJ!f.L àxÉQaLOV des Séthiens,


que les divinités supérieures tâchent d'arracher aux ténèbres.
L~ théologie d'Origène et de saint Augustin constitue l'élabora-
Tertullien et de Lactance qui conçoivent la divinité comme un tion. la plus' profonde de la pneumatologie chrétienne. Se basant
souffle extrêmement subtil. Pour accentuer la distinction entre Dieu sur la doctrine de l'Écriture Sainte, le philosophe d'Alexandrie
et l'âme humaine, Tertullien s'est servi d'un terme différent pour li 'est opposé catégoriquement au matérialisme stoïcien: il dit en
désigner leUr nature; le mot spiritus est réservé à la divinité, . effet que les auteurs sacrés se servent généralement du terme pneu-
tandis que l'âme est appelée flatus. La même préoccupation ne se ma pour désigner des réalités incorporelles et comme il voit dans
rencontre pas chez Lactance, qui fait procéder tout ce qui existe le texte johannique (4, 24) l'expression de l'essence divine, il re-
de l'être suprême par une espèce d'émanation matérielle, basée garde le pneuma comme la traduction de la nature immatérielle
sur une interprétation étymologique de certains termes scripturaj:.. de' Dieu. La divinité d'Origène est donc un être transcendant et
res. On peut donc dire que, malgré l'influence stoïcienne, ces suprasensible, qui n'a rien de commun avec le pneuma cosmique
auteurs ont rejeté le monisme matérialiste du Portique et qu'ils dès stoïciens. Saint Augustin, qui avait été formé par la philosophie
se distinguent nettement de tous les philosophes païens, que ~éoplatonicienne, donne encore des pré~isiolis ultérieurt:s: la nature di-
nous venons de passer en revue, par l'affirmation nette de la trans.. . vine se caractérise par la simplicité absolue, excluant non seulement
cendance du Dieu unique. toute dispersion spatiale, mais même toute composition de substance
La théologie des gnostiques, qui a subi également l'influence et d'accidents. Les perfections de Dieu ne sont pas des réalités sur-
de la philosophie stoïcienne, ne s'est pas dégagée non plus des en- ajoutées à sa substance, son activité s'identifie avec son essence.
traves du matérialisme. Certains ,d'entre eux, tels que Sanchunia- La spiritualité divine se caractérise donc par une simplicité ab-
thon et les Nicolaïtes, considèrent le pneuma comme la divinité solue : c'est là d'ailleurs le contenu positif de la notion d'immaté-
suprême, .qui a transformé le chaos primitif en .un monde harmo- riel d'après les néoplatoniciens, qui conçoivent la divinité suprême
nieux : il y a donc une ressemblance frappante entre cette cosmo .. comme l'Un, excluant toute multiplicité.
gonie gnostique et celle des stoïciens, qui admettent également deux Jetant un coup d'œil d'ensemble sur ce tableau, on aperçoit deux
.principes (àQXaO éternels, d'où la réalité tout entière dérive. Le· significations fondamentales du pneuma : le pneuma' peut désigner
pneuma est donc de part et d'autre une réalité matérielle, qui con- Ou bien une divinité immanente ou bien un Dieu transcendant.
stitue le principe formel et actif du .cosmos~ D'autres gnostiques, Cette distinction correspond à la ligne dedémareation entre le stoï-
tels que les Séthiens et Basilide, ne considèrent pas le pneuma com- cisme et' le christianisme, .tandis que le gnosticisme constitue un
me la divinité suprême, mais ils lui attribuent un rôle intermédiaire mélange assez. étrange, d'immanence et de transcendance. D'autre
entre les deux principes opposés du monde: rôle analogue à celui part, le pneum8 .peut se rapporter .à une divinité matérielle ou à
de Mithra dans la religion perse. Le :7tVEÙ~a dX€QalQV des Séthiens, un· Dieu immatériel :. on retrouve la première conception .chez tous
qui est répandu à travers le monde comme une oç1eur agréable, et le les auteurs stoïciens et même chez certains auteurs .chrétiens qui
~EÔÔQlOV 1CVf.ÙI,la de Basilide, qui entoure le cosmos de la même ont subi l'influence de la philosophie du Portique; la seeonde con-
façon que le pneuma d'Anaximène, sont conçus tous les ,deux com- ception a été élabo~ée principalement par Origène et par saint
me des souffles matériels et subtils. Il y a cependant une diffé~nce Augustin : ces deux auteurs se sont inspirés const.amment de la
avec la pneumatologie des stoïciens: c'est que les gnostiques n'ad- doctrine scripturaire dans leurs Spéculations théologiques.
mettent généralement pas la connaturalité du pneuma et de la ma-
tière; au contraire, le pneuma se sent emprisonné dans ce monde
matériel et aspire à sa délivrance: c'est le cas surtout des Nicolaïtes,
518 SYNTlI~:SE ET CONCLUSION
APERÇU DE LA PNEUMATOLOGIE ANCIENNE 519
Il. L6 pneuma psychique.
Chez les médecins de l'Acole pneumatique, ce souffle psychique
La signification fondamentale du pneuÎna dans la pensée ancien- a un rôle encore plus centr,al dans leur physiologie et leur patho.
ne se rattache sans aucun doute à l'ordre psychologique : elle a été logie : ils expliquent la plupart des maladies par la constitution
préparée oien avant la fondation de l'école stoïcienne par les méde- anormale du pneuma ou par l'obstruction des voies permettant sa
cins de Sicile; en effet, le cnJJ,UP.'lITOV '1:VEÛlla était considéré par libre circulation à travers le corps. Ces médecins admettent égaIe·
ces derniers comme un souffle chaud, lo~alisé daDs le cœur et con- ment que le pneuma psychique,· localisé dans le cœur. se nourrit
stitué p~r les effluves qui se dégagent du sang, tandis que, d'après de l'air ambiant, qui sert à modérer sa température en même temps
les repr&Jentants de l'école, hippocratique, il était 10ealÏS4S dans le . qu'à alimenter sa substance. L'influence stoïcienne sur cette école mé-
cerveau et alimenté par l'air aspiré du dehors, transformé en pneu- dicale n'est pas douteuse; ses membres s'intéressent aussi à certains
ma psychique. La pneumatologie des médecins siciliens i. été in- problèmes philosophiques; malgré cela leur pneumatologie est aussi
troduite à Athènes par un membre de cette école, dn nom de Philis- matérialiste que celle de leurs devanciers : le pneuma est un mélange
tion, et adoptée par Aristote et bioclès de Caryst~, un contempo- d'air et de feu, dont la dyscrasie produit des troubles de toute
rain du fondateur de l'école stoïcienne. La notion de pneuma a sorte dans le fonctionnement de nos organes. Il est donc toujours
continué d'exercer un rôle important dans les sciences médicales un élément indispensable dans la· physiologie humaine.
durant toute la période hellénistique : Érasistrate, médecin· célèbre Ces médecins se sont occupés presque exclusivement de questions
d ' ~lexandrie, le considère comme un souffle cbaud, constitué par . scientifiques, tandis que Galien fait preuve de connaissances
l'air aspiré, élaboré da'ns le ventricule gauche du cœur et répandu beaucoup plus larges et d'un intérêt vraiment philosophique : en
par les artères à travers l'organisme tout entier. Il adopte à ce effet, Érasistrate et les pneumatistes ne se sont guère posé le pro·
sujet la distinction entre les veines et les artères, préconisée par blème du rapport entre le pneuma et l'âme humaine; Galien, lui,
Praxagore, qui concevait les premières comme les vaisseaux san- précise que le pneuma psychique, localisé dans le cerveau et con-
guins et les secondes comme les canaux pneumatiques : c'est pour- stitué par les exhalaisons du sang et par l'air aspiré. doit être con·
quoi, d'après le médecin d'Alexandrie, une certaine densité est re- sidéré comme l'instrument premier de l'âme. Ce souffle supérieur
quise dans le pneuma, pour qu'il ne s'ééhappe pas des artères. ce se distingue du pneuma vital, qui est localisé dans le cœur, et qui
qui produirait un dérangement grave dans le fonctionnement de n'a pas le même degré de subtilité. Cette doctrine du '1:QWTOV oQya-
notre vie physiologique. Il s'oppoSe par là à la pneumatologie des Voy à été reprise à Aristote, elle est importante pour comprendre
stoïciens, qui ne cessent d'insister sur la subtilité de ce souffle l'évolution de la pneumatologie à travers les âges. En effet, tandis
vital: cette différence provient de c·e que les philosophes du Por- que la notion de l'âme se dégage du matérialisme des stoïciens et
tique se placent à un autre point de vue que celili des médecins des épicuriens, le terme prleuma est réservé toujours pour désigner
et envi.~gent des problèmes situés à un autre niveau de la ré- des réalités matérielles. Ce n'est d'ailleurs pas seulement chez
flexion humaine : d'une part, il s'agit de donner une explication les médecins que l'on: constate cette perSistance du matérialisme
plausible de notre vie physiologique, tandis que, d'autre part, on pneumatologique, il en est de même chez Marc-Aurèle et d'autres
a en vue les activités supérieur2s de l 'homme. A tôté du pneu ma penseurs païens des débuts de l'ère chrétienne. Quand, en psycho-
vital, qui ~ircule dans les artères, Érasistrate admet également le logie, on en arrive à des conceptions plus spiritualistes, le. pneuma
pneuma psychique, localisé dans le cerveau et. répandu··--daDS l'or- est relégué au second plan à cause de ses attaches matérielles.
ganisme par les nerfs, récemment découverts par Hérophile; il en Malgré le rapport étroit entre ces doctrines médicales et la psycho-
arrive ainsi à admettre dans 1'homme un double centre pneuma- logie des stoïciens, une différence essentielle sépare leurs pneumato-
tique. Il ne .semble pas cependant qu'il en ait conclu à une consti- logies respectives; les. philosophes du Portique considèrent le pneuma
tution différente de ces deux éléments vitaux, é~alement néc~­ comme l'expression de la substance matérielle de l'âme et s'efforcent
.~ires au fonctionpem~nt normal de potre vie organique, Q'exRliquer à partir d~ c~ principe toutes les manUestations sup~.
520 SYNTHÈSE ET CONCLUSION
APERÇU DE LA PNEUMATOLOGIE ANCIENNE 521
rieures de l'activité humaine, tandis que les médecins grecs con-
Les dogmes essentiels de cette pneumatologie ont été repris et
çoivent ce souffle psychique comme un ,élément nécessaire de notre
vulgarisés par le représentant ]e plus fécond de l'école stoïcienne,
vie physiologique. Chez I~ auteurs stoïciens on peut distinguer
Chrysippe. Après avoir prouvé par une argumentation syllogistique
au point de vue psychologique, une double tendance : il y a d'abord
le caractère matériel de l'âme humaine en se basant sur le contact
ceux qui affirment la connaturalité entre l'âme et le corps, préco-
mutuel de l'âme et du corps, il cherche à élucider It". rapport réci-
conisée par Zénon, tel est le cas de Chrysippe et d'Épictète; il y a
proque de ces deux P.léments constitutifs du composé humain; ce
ensuite le groupe de ceux qui se sont laissé influencer par le dua-
problème avait fait l'objet de nombreuSes recherches de la part
lisme platonicien, tout en ne se dégageant pas du m.atérialisme de
des penseurs grecs, surtout d'Aristote, qui l'avait résolu en éten-
l'école (Cléanthe, Panétius, Posidonius, Sénèque, Marc-Aurèle). dant à 1'homme sa doctrine hylémorphique. Mais la matière stoïcienne
Si le· fondateur de l'école stoïcienne conçoit 1'âm~ humaine com- ne présentant pas le même degré d'indétermination que le principe
me un pneuma, il entend exprimer par lA la subtilité de sa substance matériel du Stagirite, il n'était guère possible pour Chrysippe
éthérée, grâce A laquelle elle occupe le premier rang dans la hiérar- d'adopter· cette solution; il ne pouvait pas recourir non plus au
chie du réel. En effet, le principe vital de l'homme est une parcelle dualisme pythagorico-platonicien, qui ne cadrait pas avec l'ensem-
du feu divin, répandu à travers le monde. L'homme est donc un ble de sa psychologie matérialiste. C'est pourquoi il nous parle de la
microcosme, qui participe au souffle puissant animant l'univers. ·XQŒO'lÇ ~h oÀwv, doctrine dont les lignes essentielles semblent avoir
1

Et si le composé humain est de eourte durée, le souf:f1e psychique été élaborées déjà par le fondateur de l'école; ce mélange total
retourne bientôt après ·la mort à .sa source céleste: aussi Zénon consiste dans la compénétration la plus complète de deux substances
l'appelle un :7toÀUx'QÔVlOV :7tVEÜJ1Q, parce que son existence indi- matérielles qui conservent leurs propriétés respectives. Il s'oppose
viduelle, tout en étant plus longue que celle du composé humain, donc à la simple juxtaposition de deux substances, bquelle, dans le
ne s'étend que sur une période limitée de l'histoirc cosmique; car cas du composé humain, n'expliquerait pas la vie de 1'organis~e
son existence est liée étroitement à l'organisme corporel, qui se corporel; il diffère également de la' mixtion, qui ne sauvegarderaIt
dissout après la mort. Ce pneuma psychique, connaturel au corps pas l'unité de notre souffle vital. Cette solution est évidemment
(mJJ1qJUTOV :7tVEÜJ.lŒ), est localisé dans le cœur, qui est considéré conditionnée par la nature matérielle du pneuma psychique, qui est
comme le siège de. l 'hégémonikon ou partie principale de l'âme. conçu com~e un mélange harmonieux des dcux éléments sup~rieurs
C'est de là que partent les courants pneumatiques, portant la vie et actifs, l'air et le feu. L'empirisme matérialiste de Chryslp~e a
jusqu'aux extrémités les plus reculées de l'organisme humain.. La donc ramené ces problèmes métaphysiques au niveau de questions
distinction des huit parties de l'âme, telle qu'elle est établie par phylriques et la solution qu'il leur donne dépasse. à peine le .plan
Zénon, est basée sur la répartition de ce souffle psychique à travers de l'observation la plus ordinaire.
le corps. Ces courants pneumatiques partent du cœur et se dirigent
. Pour ce qui est d'Épictète, comme les questions spéculatives ne
vers les orO'anes
c des sens, le pharynx et les organes sexuels. Ces
l'intéressent guère, il ne donne pas de précisions sur le caractère
courants peuvent même produire une certaine tension dans l'air
pneumatique de notre principe vital, qu'il considère ~galement
ambiant, ce qui permet à 1'homme de saisir des objets situés à une
comme une parcelle de la divinité immanente au monde. La seule
certaine distance de ses organes. Le pneuma psychique n'est pas
chose qu'il importe de relever chez lui, c'est son e~1ication de la
enf~rmé dans les limites de l'organisme humain, il peut en sortir
décision· volontaire qu'il conçoit comme une tension de notre pneu-
et se placer comme un moule autour d'un objet extérieur: pour en
ma psychiqùe, en appliquant à ce cas particulier la notion tradi-
transmettre la configuration à l'hégémonikon de l'âme. L'acte
tionnelle du· t'6v~ : c'est dans ce sens qu'il parle· de l'EÙ~ov(a
cognitif est achevé lorsque la partie prin~ip81e de l'âme a reçu
de l'âme quand· elle manifeste une fermeté inébranlable dans les
l'empreinte de l'objet (-ru:n:WGlç Èv ""'riD ou qu'elle a subi une trans-
décision~ vertueuses qu'elle a prises~ TI y oppose les llavixoL t'ô-
formation qualitative sous l'action de l'excitant extérieur, seloQ
VOl, qui ne sont qu 'une hypertensi~~ ~al~dh'~, ~" l' dTOV\«.
l'expression préférée 4e Chrysippe (ÉTEÇO(Wcn~ Èv ""'~~),

J
522 SYNTHÈSE ET CONCL U8ION

qui se caractérise par le manque total de fermeté dn~s la conduite


de la vie. Cette application morale de la pneumatologie tradition-
nelle montre jusqu'à quel point la notion du pneuma est centrale
dans le système stoïcien. Ce matérialisme grossier n'a d'ailleurs pas
i APERÇU DE LA PNEUMATOLOGIE ANCIENNE

éléments supérieurs, l'air et le feu. Et comme il a renoncé aux


cataclysmes périodiques, qui détruiraient l'ordre cosmique, Pané-
tius a été amené à dénier toute survie à l'âme humaine, même la
523

survie limitée qui lui était rcconnue par le fondateur de l'école.


~mpêché Épictète de professer un idéal moral très élevé et très noble. D'autre part, le pne"!lma psychique n'étant plus considéré comme
Cléanthe a été le p~emier, parmi les stoïciens, à introduire le une parcelle du souffle cosmique qui traverse le monde, l'homme
dualisme platonicien dans son système. Il discerne d'abord dans résulte simplement de l'union passagère d'éléments destinés à se
l'âme humaine une partie supérieure, qu'il appelle .1 'intelligence désagréger bientôt pour rejoindre leur lieu d'origine.
(vo~); elle prée~te à son union avec le corps et ne cesse pas Celui qui s'est écarté le plus du dogmatisme de l'école, c'est Posi-
d'exister au moment de sa séparation d'avec lui, tandis que l'âme doniua, dont la p.'iychologie est un mélange de doctrines stoïciennes
passive est une parcelle détachée du pneuma des parents, conformé- et platoniciennes. Bien qu'il se refuse à admettre la trichotomie
ment au traducianisme du Portique. Il en résulte que le voü~ de Platon avec la localisation des trois parties de l'âme à des en-
possède, vis-A-vis des tendances et des passions de l'âme inférieure, droits différents de l'organisme corporel, il accentue la différence
un pouvoir de direction et· de domination : en effet, dans 1'homme entre l~ puissance supérieure, qu'il appelle un cruyytvi]ç ~a(llwv,
les pous.."ées irrationnelles doivent être soumises au contrôle de la et les fonctions inférieures. C'est dans ce sens qu'il faut co.mpren-
raison. Il ne semble cependant pas que ce dualism~ psychologique dre sa doctrine sur les ~uvdllt~ de l'âme, qu'il oppose aux parties
ait libéré Cléanthe du matérialisme; le caractère pneumatique de ( J1ÉQl)) platoniciennes. Ce cruyyEV1\ç ~a(Il(Ov, présent en cha~ue
l'âme est admis, non seulement pour sa partie irrationn~lle, mais homme, préexiste à son union avec le corps, tout comme le
également pour 1'intelligence. ~lle-ci se présente donc comme voü~ de Cléanthe, et la mort ne marque pas le terme de son exis-
une étincelle du pneuma divin qui traverse le monde. C'est à partir tence. Avant son entrée dans le corps et après sa séparation d'avec
du cœur, considéré toujours comme le centre de la vie psychique, lui, ce pneuma psychique vit dans .la région de la lune et entre
que' partent les courants pneumatiques, commandant toutes les parfoi" en contact avec les âmes qui sont enfermées dans la prison
manifestations de l'activité humaine : ces courants sont conçus d'un corps. Entre la divinité et cette puissance supérieure de l'âme
par Cléanthe comme des entités plus ou moins indépendantes, il y a, d'après Posidonius, un rapport de similitude, cè qui prouve
tandis que Chrysippe engage directement 1'hégémonikon lui- que le philosophe d'Apamée a abandonné le monisme rigide de
même dans toute l'activité humaine. Cette controverse doit l'ancienne école et qu'il insiste davantage sur la transcendance di-'
probablement être mise en rapport avec la place priviligiée que .vine. On pourrait donc s'attendre de sa part à un rertain abandon
le philosophe d' Assos accorde au voüç, lequel commande t.oute du matérialisme : cependant il reste fidèle à la conctption pneuma-
l'activité de l 'homme sans s'engager directement dans le dé- tologique de ses prédécesseurs immédiats, qui conçoivent notre prin-
ploiement de cette activité. cipe vital comme un mélange d'air et de feu. Quand donc }{acrobe
IJc même dualisme se retrouve chez Panétius qui, d~après des nous dit que Posidonius conçoit l'âme humaine comme un~ « idea ",
informations données par Némésius. distingue également dans l'âme il ne 8 'agit pas d'une idée ·platonicienne, transcendant le monde
humaine une partie supérieure qui commande aux autres fonctions matériel et changeant, mais d 'une id~ analogue aux idées mathémati-
psychiques; il faut remarquer cependant qu'il ne compte plus par- ques, qui occupent une place intermédiaire dans la hiérarchie des
mi CE'S fonctions la reproducti\)~, considérée par lui comme une êtres cosmiques. L'âme est donc considérée comme la form~ ou la
fonction de la vie végétative, soustraite au contrôl~ de la raison, figure de la matière' corporelle.
de rnê-.me que la nutrition et la croissance. Touchant la nature' de Sénèque, tout en ayant subi fortement l'influence de son grand
notre principe vital, il rerrend la .doctrine de Chrysippe, qui consi- prédécesseur, le philosophe d'Apamée, en est revenu au monisme
dère le pneqma psychique comme llU ~élange ha~onie\l:X des deu:!; int~gTal, traditionnel qa~ l '~col~; le sp~ritul sacer, qui désign.o

J
524 SYNTHÈSE ET CONCLUSION ÀpËnçu DE LA PN}<~UMATOi. . OGIE ANCI"ENNÈ

la faculté rationnelle, comme le ôa(J'wv de Posidonius, est considéré ""'X~, ou la partie irrationnelle de l'âme, ou encor~ le véhicule de
comme une parcelle du souffle <!ivin qui traverse le monde. Sénè- l'âme. C'est cette dernière signification qui se retrouve dans les
que le décrit, d'autre part; comme un souffle matériel, très subtil, écrits hermétiques, où elle est illustrée par des récits mythologiques:
de même nature que les corps célestes, dans lesquels l 'hégémonikon l'Anthropos s'est laissé séduire par la Nature et pour pouvoir
du monde est localisé. On peut distinguer chez Sénèque un double s'unir à sa fiancée terrestre, il s 'est revê~u d'une enveloppe pneu- Il
dualisme: dualisme de la partie prin'Cipale et des parties inférieures, matique empruntée aux sphères célestes. Ce pneuma constitue donc
dualisme de la faculté rationnelle et des facultés irrationnelles dans avec l'âme le lien entre le corps et l'intelligeJ;lce humaine; circulant
la partie principale elle-même, de laquelle sont exclues· un certain dans l~ artères avec le sang, il exerce les fonctions inférieures de
nombre de fonctions vitales d'ordre inférieur. L'hégémonikon de Sé- la vie psychique. Il nous est décrit par ailleurs comme une enveloppe
nèque comprend donc des fonctions irrationnelles qui ne sont pas aérienne, qui entoure l'~me et fait la transition entre les éléments
logées à des endroits différents de l'organisme 'Corporel; mais qui sont supérieurs et le corps : ces éléments s'emboîtent les uns dans les
conçues comme des états passagers du même pneuma psychique. Toute autres comme des cercles ,concentriques, dont l'intelligence consti-
la pneumatologie du philosophe romain manque d'originalité : consé- tue le noyau et dont l'organisme corporel forme la périphérie. Cette
quence avant tout, de son manque d'intérêt pour des questIons doctrine tire son origine de la préoccupation de ne pas souiller le
métaphysiques, conséquence qui se manifeste également dans· sa voiiç au contact immédiat de la nature grossière d d'éviter tout
doctrine pleine d 'hésitations sur l'immortalité de ~ ~âme humaine. hiatus dans la constitution des êtres.
La psychologie de ~Iarc-Aurèle ·se caractérise par la· déchéance L' avtL;A.l~OV 1CvEüJ'a de la Pistis Sophia est conçu également
du pneuma, qui n'occupe plus que le second rang darlS la hiérarchie comme.une enveloppe pneumatique de l'âme; toutefoi~ l'accent n'est
des éléments constitutifs de l'homme: le m'EUJ'ânov constitue le plus mis sur la signification psychologique, mais sur l'influence
trait d'union entre le corp~ et l'intelligence : il est considéré comme morale de cette enveloppe: en effet, elle est pour l 'homme un
un souffle matériel auquel sont dévolues les fonctions vitales d'ordre principe de péché, qui le pousse constamment au mal, parce qu'elle
inférieur. Cette dégradation du pneuma est très importante dans obscurcit le regard de l'intelligence et lui fait oublier son origine
l 'évolution g~nérale de la pneumatologie ancienne: dès qu'on en céleste. C'est pourquoi ce pneuma est représenté comme la coupe
YÏent à des doctrines psychologiques plus spiritualistes, on .renonce de l'oubli que l'âme doit boire avant de descendre sur la terre. Une
au terme pneuma pour· désigne!" l'âme· humaine, car ce terme ne conception analogue se retrouve chez Jamblique et chez Hiéroclès,
désigne' pas en première ligne un élément constitutif· déterminé du qui décrivent le pneuma comme un halo lumineux, plus ou moins
composé humain) tels que le voiiç ou la ""'Xl} , mais la nature maté- transparent, qui entoure notre principe vital : en conséquence ils
rielle de ce principe. insistent sur la nécessité de purifier cette enveloppe psychique,
La pneumatologie de ?Iarc-Aurèle n'est d'ailleurs pas un C88 afin qu'elle n'obscurcisse pas le regard de l'intelligence et surtout
isolé dans la pensée ancienne: une conception analogue se ren-· qu'elle n'empêche pas l'âme de prendre après la mort son essor vers
contre chez Plutarque, dans la littérature hermétique, chez les gnos- le lieu céleste de son origine. Notons qu'il y a ici, dans l~ signifi-
tiques et les néoplatoniciens, qui tous parient d'une enveloppe pneu~ cation du pneuma, un glissement, qui est bien caractéristique du
matique entourant l'âme et constituant ·pour ainsi dire le· trait· néoplatonisme : ce terme ne désigne plus un souffle chaud comme
l'union entre le ·corps et . l'âme. Plutarque ne se sert pas( Bouvent chez. les médecins siciliens, mais une étincelle lumineuse.
du mot pneuma pour désigner un des éléments constitutifs du com- Toute la doctrine de Macaire d'Égypte sur le péché, considéré
posé humain: ce terme n'a pas chez lui ·un sens techmque et il comme une enveloppe pneumatique qui vient se poser al}tour de
désigne plutôt la nature de la partie irrationnelle de l'âme humaine l'âme et obscurcit son regard, tandis que la vie vertueuse dissipe
ou du principe vit.a1 des animaux. Dans le De Vita el poësi Homen, ce nuage encombrant, tire son origine de la même source: nous
le PseudQ-P1utarque dit que ~ te~e ~ésigne Oll l '~lUe eUe-JQême, lit croyons dQnc que Stoffels a tort de vouloir mettre cette pneuma-
52é irrN'l'HtsE ÈT èONctUSIO~ A.1>Ënçu, DE j.A PNÈUMATOLOGIE ANCIËNNÉ

tologie tout entière au compte des stoïciens. TI résulte plutÔt des gnifications du spiritus cbez saint Augustin. Certains auteurs chré-
analyses faites précédemment, que cette conception a 80n origine en tiens ont même subi tellement l'emprise de la pensée stoïcienne, qu'ils
Égypte où elle était très répand,ue aux premiers siècles de l'ère ne sont pas arrivés à se dégager du matérialisme; c'est le cas de Ter-
chrétienne. tullien, qui conçoit l'âme bumaine comme un souffle subtil et insaisis-
Certains auteurs néoplatoniciens ont donné à cette doctrine une sable (fla tus) , répandu à travers le corps et doué d'une constitution
signification épistémologique : c'est le cas de Porphyre, pour qui organique analogue à celle de la matière qu'il anime. Le pneuma psy-
les images du monde matériel sont reproduites dans le pneuma chique est donc décrit comme un double matériel du corps, et pour
psychique et s'y conservent. L'âme humaine n'entre donc pas direc- combattre la pneumatologie fantaisiste des gnostiques, l'apologiste
tement en contact avec ses objets de connaissance : l'excitant exté- chréti~n ne cesse d'insister sur la conllaturalité des deux éléments
rieur, qui impressionne les organes sensoriels: produit une modili- constitutifs du composé humain. Il faut se rappeler <.ependant qu'il
cation dans l'enveloppe pneumatique de l'âme, et cette enveloppe y a une différence essentielle entre la pneumatologie de Tertullien
recueillIe l'empreinte de l'objet: l'ancienne épistémologie stoïcienne, et celle du Portique:, en effet, l'auteur chrétien a abandonné le mo-
""'Xn,
se résumant dans la formule: TU1C(J)(JLC; Èv est donc réintroduite, nisme matérialiste des philosophes stoïciens: le flatus n'est paS une
avec cette di,fférence toutefois qu'il ne s'agit plus de l'âme mais du parcelle du spiritus divin, bien qu'il soit formé à la ressemblance de
corps pneumatique, entourant notre principe vital. Saint Augustin ce dernier.
a repris cette conception avec certaines modifications, dont la princi- Cette même psychol~gie matérialiste se retrouvecbez Lactance et
pale concerne la nature du spiritus, considéré par lui comme une fa- chez Macaire d'Egypte, qui ont subi tous deux l'influence de la phi-
culté de l'âme immatérielle. Il en arrive ainsi à un réalisme indirect losophie stoïcienne, du moins dans une certaine mesure: le premier
analogue à celui de Descartes. considère l'âme humaine comme un spiritus vitalis, un souffle léger
La doctrine d'Origène sur le corps pneumatique de l'âme, tout en et insaisissable, analogue au spil';tu~ sacer de Sénèque; tandis que
})résentant certaines accointances avec les conceptions que nous ve- Macaire se sert plutôt de l'expression traditionnelle du Portique:
llons d'exposer est cependant b~ée presque exclusivement sur j'es- 1CvEVJ.La Àf1Ct'orat'ov. Si ces auteurs se sont écartés ~u spiritualisme
chatologie de saint. Paul. En effet, il ne s'agit pas ici d'une enveloppe chrétien, c'est qu'ils n'y étaient pas préparés par leur éducation an-
pneumatique dont l'âme est revêtue durant son séjour sur la terre térieure; ils ont abordé le christianisme avec un bagage d'idées pré-
et qui joue un rôle dans notre vie psychique, mais plutôt d'un sou- conçues, dont ils n'ont pas pu se débarrasser totalement.
tien matériel dont l'âme spirituelle a besoin après la mort pour pou- Le premier philosophe qui ait élaboré une pneumatologie spiritua-
voir subsister. Origène s'est donc servi de,cette doctrine pn~umatolo­ liste est Philon d'Alexandrie. Le matérialisme du Portique a été con-
gique pour' accentuer 'la transcendance de Dieu, qui seul peut subsis- trebalancé chez lui par des influences platoniciennes et surtout" par
ter sans appui matériel; il en résulte également que l'âme humaine la doctrine biblique: ayant adop,té le dualisme psychologique de Pla-
se situe dans la hiérarchie des êtres entre l 'im~atériel divin et les ton, il s'est servi du terme :n:vEÜJ.La, sous P~uence de la Version des
être.'i corporels. Septante, pour désigner non seulement la partie inférieure .de l'âme,
Nous pouvons donc dire que, durant toute la période hellénistique mais aussi la partie supérieure, qu'il concevait comme un principe
le terme pneuma a gardé une signification matérielle, bien que, chez transcendant les -réalités corporelles: il s'agit donc ici d'une réalité
Un certain nombre d'auteurs, elle ait passé au second pl~n: même'les vraiment immatérielle, bien que le contenu positif de cette notion
auteurs qui préconisent une pneumatologie spiritualiste, ont gardé reste encore très vague. Cette anthropologie trichotomiste sera reprise
des vestiges de l'ancienne conception, qu'ils parviennent d'ailleurs par saint Justin, Clément d'Alexandrie et Apollinaire de Laodicée,
facilement à étayer par certains textes bibliques. C'est le cas du sàns qu'on arrive à des. précisions ultérieures, tandis que les auteurs
pneuma psychique inférieur de Philon, du m'tuJ.La aaQxlx6v de Clé- gnostiques et les alchimistes prél!onisent une doctrine analogue sans
meut d'Alexandrie, de l'âme inférieure d'Origène et de certaines si- se débarrasser totalement du matérialisme.

J
528 SYNTii~sÈ ËT OONcLÛStbN Al»ÈRÇU DE LA PNEUMATOLOGIE ANCI:ENNË 529
.. . " " .' ,.
C'est Origène qui a examiné avec le plus de pénétration la signili- telluriques peuvent fermer certaines ouvertures et en: former d'autres,
eation scripturaire du terme pneuma et qui l'oppose clairement aux de même que le cours de certain~ fleuves est changé à la suite d'un
réalités corporelles, tandis que saint Augustin précis~ le sens de cette tremblement de terre. Il s'agit donc ici d'un souffle matériel, qui à
!lpposition. Si les corps se caractérisent par la dispersion spatiale, certains endroits se dégage de la terre et pénètre dans le corps de la
le spiritus, lui, doit être considéré comme une réalité simple et pythie pour y produire l'inspiration divinatoire. On peut se deman-
indivisible, ce qui constitue en même temps le fondement rationnel der d'où provient cett-e puissance singulière accordée à ce souffle
de l'immortalité propre à ce principe constitutif de 1'homme. L'âme terrestre T Cependant cette doctrine est en accord parfait avec le
spirituelle de l'homme s'oppose ainsi d'une part à la simplicité abso- monisme matérialiste du Portique. Car, si le monde tout entier est
lue de Dieu, qui exclut toute composition de substance et d'accidents pénétré d'un pneuma divin, il n'est pas étonnant que Chrysippe fasse
et, d'autre part, à la dispersion spatiale des réalités corporelles. dériver ce pouvoir de divination d'un souffle matériel caché dans
Le S1-irit1l8 désigne donc premièrement, dans la pensée de saint les flancs de la terre.
Augustin, des réalités immatérielles, bien que le sens matériel ne soit Cette même doctrine a été reprise par Posidonius, dans le système
pas écarté totalement, tandis que, dans la philosophie de Zénon de duquel la divination occupe une place importante. Le pouvoir de pré-
Cittium, le pneuma se rapporte uniquement à des êtres matériels. dire les événements futurs est dépendant, d'après lui, d'une double
Cette mise en présence des deux opinions permet de mesurer d'un condition:. il y a d'abord une condition objectiv''!, la sympathie
coup d'œil toute l'évolution qui s'est.accomplie durant le3 sept siècles universelle ou l'interdépendance de tous les événements cosmiques :
qui séparent les deux auteurs. cette doctrine ést contenue en germe dans la cosmobiologie de Zénon
et est basée directement sur ce qu'on a appelé le panpneumatisme
111. Le pneuma dim,na.toire. de Posidonius; car, si.l 'on peut découvrir dans le vol des oiseaux
ou dans les intestins d'un animal sacrifié, des renseignements sur
Au cours des analyses antérieures il a été question à plusieurs son propre avenir ou sur celui' d'un autre, c'est que tous les événe-
reprises d'un pneuma qui intervient dans la divination ou dans l'ins- ments du cosmos sont des éléments d'un grand tout, où il y a
piration prophétique. C'est une àes significations fondamentales du interaction perpétuelle de chacun sur ch~que autre. Cependant tous
terme dans la pensée ancienne. les hommes ne ~ont pas capables de découvrir les liens secrets qui
A en juger par les fragments des anciens stoïciens, Chrysippe unissent les événements:. la plupart sont tellement absorbés par
s'est intéressé à la question de la divination et a publié un livre sur leurs occUpati9D8 journalières' et par le spectacle de l'immédiat,
ce sujet. Le problème de la valeur de la mantique semble avoir été qu'il leur manque la pénétration nécessaire pour apercevoir l~ fils
controversé durant les derniers siècles avant l'ère chrétienne, alors cachés qui relient les événements du monde. Ce n'est qu'à' certains
.que le scepticisme croissant avait sapé les anciennes croyances; ce moments privilégiés, surtout pendant le sommeil et à l'approche
sceptic'isme religieux était d'ailleurs favorisé par le fait que des ora- de la mort, que leur intelligence se dégage sUffisamment du monde
cles autrefois célèbres avaient perdu leur gloire d'antan et ne jous-ient sensible pour entrevoir le mystère de l'avenir. TI y a' tOu~ois des
plus aucun rôle dans la vie des individus et des peuples. Chrysippe hommes privilégiés qui, sous l'influence de certains 'excitants extê-
semble avoir abordé ce grave problème: il dit que la disparition ou ·rieurs, sont capables d'atteindre l'enthousiasme,divinatoire A l'état de
le déplacement d'un oracle peut s'expliquer par des c;aus~ purement veille. Posidonius nomme parmi ces excitants les exhalaisons qui, à
naturelles telles qu'un tremblement de terre ou quelque. autre cata- .certains endroits, se dégag~nt de la térre (anhelitus quosdam fuisse
clysme cosmique. Car le pneuma mantique, qui est l'agent immédiat terrarum, quibus inflatae mentes oracla funderent). Il n'y a pas de
de cet enthousiasme divinatoire, est contenu dans les flancs de la doute qu'il s'agit ici du pneuma mantique dont parle Ch'rysippe, et
terre et se dégage par d~ fissures de l'écorce terrestre ou par qui est conçu comme un souffle matériel se dégageant de la terre
certaines sources profondes. Il est dès lors évident que des troubles et produisant dans le pneuma psychique du .devin l'eLthousiasme
vrophétique.
••
àrNTHtsE ÉT CONcLUéI6N Ap~ll.çU DE LA PNËtiMAT6LOGIi~~ ÀNCIÉNNÈ 53i
C'est surtout d~ns les écrits de Plutarque qu'on trouvé des pré- Jamblique s'est occupé également du problème de la divination,
cisions importantes au sujet de ce pneuma mantique; Plutarque qu'il conçoit comme une illumination divine affectant lc véhicule
&nsiste d'abord sur le point s~ivant: le souffle matériel qui se pneumatique de l'âme humaine. Cette doctrine est évidemment en
dégage de la terre, ne donne pas la faculté divinawire à l'âme qui rapport avec le rôle assigné à cette enveloppe psychique; celle-ci
ne la possèderait pas auparavant: il apparaît plutôt comme un est considérée comme un nuage épais, qui obscurcit le regard de
stimulant indispensable, produisant dans l 'homme la disposition . notre âme : une illumination divine pourra donc percer et dissiper
nécessaire à l'intuition de l'avenir. Plutarque fournit trois expli- cette couche épaisse et ouvrir de larges horizons devant le regard
cations au sujet de l'action du pneuma mantiqu~ sur l'âme hu- de notre intelligence. Cette même enveloppe intervient aussi dans
maine, et il est düfieile de dire laquelle des trois a ses préférences : notre connaissance sensible, car l'âme ne perçoit pas directement
le souffle mantique produit dans l'âme un échauffement, ou bien les objets extérieurs, mais ceux-ci se reflètent daJ;lS .le miroir psy-
une dessiccation, ou bien encore un refroidissement du pneuma chique qu'est l ',enveloppe pn.eumatique: 'C'est donc cette image
psychique. Quoi qu'il en soit, l'essentiel de son activité est d'as- reflétée qui est immédiatement perçue; dès lors une illumination il
soupir la raison et de stimuler la partie irrationnelle : car Plutarque divlue pourra agir directement sur ce véhicule pneumatique et y
n'attribue pas. un caractère rationnel à la divination, à la manière de faire défiler les images d'événements futurs. sous le regard
Posidonius, qui explique le processus par un affranchissement de du devin. Le pouvoir extraordinaire de certaines sources sacrées,
la raison vis-a-vis de la sensibilité. Le prêtre de Delphes l'envisage comme stimulants de l'inspiration, s'explique également par une
plutôt comme un délire mystique, ·où les raisonnements et les cal- illumination d~vine, qui pénètre l'eau et lui communique ~
culs de la froide raison ne jouent aucun rôle. Dès que le pneuma puissance surnaturelle. i,
'l,
mantique a pris possession de la pythie, elle est mise dans un état Nous n'avons rappelé jusqu'ici que les explications matérialistes de
d'enthousiasme religieux, dans lequel elle saisit dt' façon immé- l'inspiration. Celle-ci se conçoit alors comme un procédé matériel,
diate les images de l'avenir, du moins si elle est dans les conditions produit par un souffle subtil qui se dégage de la terre à certains
requises pour cette possession divine. Plutarque se défend contre endroits ou par une illumination divine sur l'enveloppe pneuma-
l'accusation d'athéisme et de naturalisme, en précisant que le pneu- tique de l'âme. Il :lOUS faut maintenant revenir à d'autres concep-
mû mantique n'est que la cause matérielle de la divination, et n'en tions, qui s'opposent diamétralement aux premières par leur carac-
fournit pas l'explication intégrale: il y a Ueu de tenir compte aussi tère spiritualiste.
des causes effieientes, telles que la terre qui est le réservoir du Philon, dans son élaboration de la doctrine de l'inspiration, est
souffle divinawire, l~ soleil qui le produit et les démons qui sont le premier à s'être dégagé du matérialisme swïcien : c'est sa con-
chargés de modérer son action sur l'âme du devin. Il faut noter ception d'un ·Dieu transcendant, puisée dans la Bible, qui est à
cependant que Plutarque ne s'est pas tenu toUjOurd à cette expli- l'origine de cette transformation. En effet, le OEi:OV xaL XQOqn)tLXOV
cation de l'inspiration par des facteurs pneumatiques et irration- . 1CveiiJ1a n'a plus rien de commun avec le pneuma mantique, enfermé
nels, exposée dans le De delectu oraculoru.m: dans son ouvrage dans les flancs de la terre; il est tellement élevé, non $Culement
DB Genio SocratÏ8 il met en avant une interprétation qui düfère au-dessus de la matière, mais même au-dessus de ce qu'il y a d~
totalement de la précédente. Il s'agit plutôt ici d'une saisie intel- plus noble dans l'homme, l'intelligence, que celle-ci· 'doit se retirer
lectuelle immédiate, qui n'a plus rien du délire mys~ique de la à son approche. Philon en vient ainsi à la conception d'une inspi-
pythie et où le pneuma mantique n'est même plus mentionné. C'est ration irrationnelle, analogue à celle de PlawD : le pneuma prophé-
que, dans le De de/eel ... oraculorum, il ne nous donne pas une doc- tique s'établit dans l'acropole de l'âme humaine et prend la place
trine générale de l'inspiration, mais plutôt une expl~cation des ora- de l'intelligence. Ce don divin est accordé de préférence aux chefs
clœ de Delphes basée sur l'observation concrète, dont il inter- du peuple élu, en vue de la haute mission qu'ils ont à remplir; il
prète les données en fonction de la philosophie stoïcienne et de la les soutient et les guide dans la conduite de leur peuple selon la
philosophie platonicienne.

J
532 S!NTlltSE ËT OONcLUfU6N

,volonté de Dieu. TI doit, d'autre part, être mis en rapport étroit


avee la conduite morale, en· ce sens que le détachement vis-A-vis des
choses terrestres et de la séduction des sens est une condition de cette
i APERÇU DE I~A

IV. Le seCO'Urs pnemoo.tique.


PNEUMATOLOGIE ANCIENNE 533

possession divine et que par ailleurs, ce don pneumatique est une La signification fondamentale du pneuma dans les papyrus magi-
lumière et un secours permettant d'atteindre une vie morale plus ques se rattache A l'écoulement de la force divine, accaparée par le
parfaite. Notons cependant que les expériences mystiques de Philon magicien pour l'obtention de certains résultats pratiques. TI y a,
lui-même ne correspondent pas à la doctrine irrationaliste qu'il en effet, à la base de la magie ancienne une conception pneuma-
à élaborée touchant l'inspiration : il les décrit comme des entre- tique de la divinité, qui, tout en étant transcendallte au cosmos,
tiens mystérieux avec un interlocuteur invisible, dont il se rappelle pénètre la réalité tout entière par son souffle puissant. Tout le secret
~xactement les paroles, qu'il essaie de rapporter aussi fidèlement du pouvoir du magicien consiste à s'emparer de cette émanation
que possible à ses lecteurs. pneumatique, afin de s'en servir pour les butS concrets qu'il s'est
Une conception analogue se ~trouve chez Athénagore. D'après proposés: de nombreuses formules magiques ont été conservées,
lui, le prophète est vis-A-vis du pneuma divin dans un état de pas- provenant de la bibliothèque privée de certains magiciens; ceux-ci s'en
sivité absolue : c'est le pneuma prophétique qui parle par sa bouche; servaient comme d'un rituel dans les circonstances variées où on
lui-même est un instrument docile entre les mains de cette puis- réclamait leur secours; ces formules révèlent les méthodes secrètes
sance supérieure, comme la flûte entre les mains du musicien. Ce par lesquelles on croyait pouvoir se rendre maître du pneuma divin.
pneuma lui-même est conçu comme une émanation d~ Dieu(ùxôQQola), A ce point de vue ces formules diffèrent nettement de la prière
un être intermédiaire qui est, avec le logos, l'agènt principal de liturgique, qui est une humble imploration de l'aide divine, tandis
la divinité dans son activité créatrice. Saint Justin considère égale- que le magicien commande et menace comme quelqu'un à qui on
ment le j(\'E\'lla xQoQ>T)TlXÔV comme un être personnel, qui parle par ne peut résister. Le pneuma magique se présente donc comme un
la bouche des prophètes. Il n'est pas possible de ùéterminer avec souffle matériel, ou plutôt comme une étincelle divine, que le magi-
plus de précision sa conception de l'inspiration, puisqu'il ne fait cien essaie de capter dans un objet inanimé, ou bien dans un animal,
que reprendre les formules scripturaires dans ses nombreuses cita- ou bien encore dans un homme qui sert de médium, ou enfin en
tions de l'Écriture. Quant au rapport entre le pneuma et le logos, lui-même. Cette force magique une fois enfermée dans un être A sa
il semble que la confusion qui règne à ce sujet dans les écrits de portée, il peut en disposer' A son gré, soit pour se venger d'un en-
saint Justin,provient de ce que la terminologie trinitaire n'était pas nemi, soit pour exciter l'amour dans le cœur d'une jeune fille, soit
encore aussi fixée qu'elle l'est aujourd 'hui et de ce que l'activité pour guérir un malade, soit pour tout autre but de son choix. Dans
propre des trois Personnes de la Sainte Trinité était moins bien certains cas ce pneuma magique peut être l'agent d'une union
circonscrite. Ce qui nous intér~sse ici, c'est que ces deux auteurs mystique' avec la divinité, en transformant et en immortalisant· le
considèrent le ·pneuma prophétique comme un être spirituel et pnlluma psychique qu mjste. Dans la liturgie de Mithra on montre
divin. un myste qui, en aspirant lë pneuma présent dans les r~yons du
Cet aperQu synthétique montre donc encore une fois une double soleil et en se débarrassant pour quelque temps de sa [WVXlxft 8ûva l1lÇ,
pneumatologie : d'une part, le souffle mantique des stoïciens, dont s'élève graduellement jusqu'au sommet de l'union divine. Ce n'est
la théorie a été élaborée principalement par Plutarque et dont nous pas là cependant le but ordinaire poursuivi dans l'emploi de cette
trouvons eertains vestiges chez les néoplatQniciens, tels que Jam- force magique; si les pratiques magiques ont eu tant de succès parmi
blique; d'autre part, le pneuma prophétique de la littérature judéo- le peuple, -c'est que cette force divine était utilisée généralement
chrétienne, qui est conçu comme une réalité spirituelle, et même, en vue de réalisations plus modestes; elle suppléait plutôt aux défi-
chez certains auteurs, comme un être personnel et divin. ciences de la connaissanee et de 'là puissapc~ h~~a~u. 4~~ '1~~
nécessit~ de la vie ~ourn~ljère~

J
534 SYNTH:f:SE ET CONCLUSION L'ÉVOLUTION DE J,A PNEUMATOLOGIE ANCIÉNNE 535

Une signification analogue du pneuma se retrouve daus le Livre chaque point de doctrine; la principale concerne l'immanence ou
tÙJ la 8ageJe et chez Philon, en ce sens du moins que ce" terme y la transcendance divine.
désigne également une force divine, accordée à l 'homme pour sou- Il faut noter également que le critère permettant de séparer ces
tenir sa f:,iblesse. II y a cependant une différence efsentielle entre deux pneumatologies n'est pas leur dépendance vis-s.-vis" de la reli-
les deux cas considérés en ce qui concerne la finalité 9-e ce dort gion judéo-chrétienne, en ce sens du moins que certains auteurs
divin; il ne s'agit plus ici, comme dans les papyrus magiques de chrétiens, tels que Tertullien, Lactance et Màcaire d'Égypte, ne se
c~rtaines réalisations utilitaires, mais d'une aide surnaturelle ac- sont pas dégagés du matérialisme: bien qu'ils rejettent le monisme
cordée aux hommes en vue d'une mission religieuse cu pour la con- stoïcien et qu'ils admettent la trans~ndance de Dieu, ils ft 'en pro-
duite de leur vie. Le mEÜJ.LQ aQ(pLa~ du Livre de la Sagesse et de fessent pas moins une pneumatologie nettement matérialiste. On
Philon est conçu comme une illumination Spéciale de- l'intelligence peut dire cependant que seuls des penseurs juüs ou chrétiens (ou
et une aide de la volonté, qui nous rendent capables de diriger des auteurs ayant subi l'influence de la religion judéo-chrétienne)
notre vie selon la volonté divine. Comme ce don pneumatique dérive sont arrivés à libérer leur pneumatologie de l'emprise du maté-
directement de Dieu, dont la transcendance est affirmée de la façon rialisme : tous les auteurs païens et une partie des auteurs chrétiens
la plus formelle, il en résulte qu'il est conçu comme une réalité trans- en sont restés à une pneumatologie matérialiste.
cendant infiniment le monde corporel et surpassant même ce qu'il Ces quelques indications nous aiderons à porter un jugement
y a de plus noble dans l'hoJllme. Dans les écrits du Nouveau Tes- motivé touchant le facteur déterminant de la" spiritualisation du
tament, et spécialement dans les é"pîtres de saint Paul,ce don est pneuma, ce qui fut dès le début l'objet principal de notre étude.
représenté comme une participation directe à la vie divine, en ce
sens qu'i! nous rend capables de lever dans une certaine mesure le"
voile du mystère divin et qu'il nous aide à "rechercher en toutes 2. L'ÉVOLUTION DE LA PNEUMATOLOGIE ANCIENNE.

cho8e3 le bon plaisir de Dieu. Aprè~ avoir donné une vue panoramique des principales doctrines
qui ont été rattachées au terme pneuma par les penseurs de l'anti-

**
quité, il nous reste à considérer les caractères généraux qui mar-
quent l'évolution de la pneumatologie ancienne; il nCJus faudra .sur-
tüut tenter de dégager le f8iCteur déterminant de cette tranafor-
En somme, ce tableau synthétique montre qu'il existe dans la mation. Si l'on compare le point de départ et le point d 'arriv~ de
pensée ancienne deux pneumatologies nettement parallèles, mais dont l'évolution de la doctrine du pneuma~ 011 constate une dIfférence
les caractèrea s'opposent en un point important. Il y a,d'une part, tellement profonde qu'il serait plus ex..'lct de parler d 'un,~ révolu-
une pneumatologie matériali5te : les significations ~sentiel1es du tion totale, dans" la signüication de ce terme, puisque l~" pneuma-
terme pneuma s'y ramènent à quatre, suivant qu'il désigne Dieu, tologie de Zénon de Cittium, qui se rattache immédiatement aux
l'âme, le principe de l'inspiration ou de la divination, o~ enfin un conceptions médicales de 80n temps, n'a que fort peu de traita com-
don divin" accordé à certains hommes. Il y a, d'autre part, une muns avec 1e spiritualisme néoplatonicien de saint Augustin. En
pneumatologie "spiritualiste, dont les doctrines fondamentales peu- tout cas la signification fondamen~le du terme est nettement dif-
vent se résumer" également en ces quatre points. Un parallélisme férente : alors qu'il désigne,·d'une part, l'âme matérielle, en tant que'
fondamental apparaît donc entre ces deux pneumatologies. Ce qui t~lle, il est employé, d'autre part, pour signüier formellement l'es-
les distingue avant tout, c'est que, d'une part, le pneuma est conçu sence immatérielle de Dieu et de l'âme humaine. C'est entre ces
comme un souffle matériel, tandis que, d'autre part, il est décrit deux termes extrêmes que se place l'évolution de la pneumatologie
comme une réalité" spiritueUe. Cette différence essentielle s'accom- ancienne. S'étendant sur une période de sept siècles, elle a suivi
pag'nc de certaines divergences secondaires dans l'élaboration de pas à pas l 'histo~re g~nérole q~ la pells~~ à une des époque~ le~
536" SYNTHÈSE ET CONCLÙSION

plus décisives pour l'avenir de 1'humanité. Si nous .avons négligé


la période antérieure à l'école stoïcienne, c'est que l'importance
de la notion de pneuma y est beaucoup moins grande et surtout
i l.'ÉVOLUTION DE LA PNEUMATOLOGIE ANCIENNE

ct des médecins de l'époque antérieure ou contemporaine. C'est donc


bien de façon brusque et sans avoir été préparée par une évolution
lente et progressive que la spiritualisation du pneuma s'est pro-
537

qu'il n'est pas encore question à ce moment d'une évolution dans duite. "En effet, à considérer seulement la pneumatologie du Por-
le sens du spiritualisme. tique et des écoles médicales, rieit ne fait prévoir la transformation
n faut remarquer tout d'abord que l'évolution de la pneumatolo- soudaine de la doctrine. Ceci nous permet déjà de conclure que
gie ancienne ne se présente pas comme la progression lente et cette transformation n'est pas due iL des facteurs internes, mais à
insensible d'une doctrine, qui, sous l'action de certains facteurs" des influences étrangères, qui ont changé soudain le cours de cette
interne.~ ou du milieu idéologique ambiant, change d'aspect et s'as- évolution.
simile des éléments nouveaux. En effet, nous avons pu constater Cette brusque apparition du sens spirituel de pneuma n'exclut
que, dans les· différentes écoles médicales qui se sont servies d~" d'ailleurs nullement une é"yolution ultérieure de la notion. En effet,
cette notion, il n'est pas question d'évolution du pneuma daJ;ls le le contenu de ce concept est beaucoup plus riche et pius élaboré chez
sens qui nous intéresse. Sans doute, la signification de ce terme saint Augustin que chez Philon d'Alexandrie ou dans le livre de
n'est pas exactement la même dans l'école sicilienne, chez Érasis- la Sagesse. Ce que nous visons en parlant de transformation brus-
trate, les pneumatistes et Galien, mais il n 'est p:L~ question chez que, c'est que les stoïciens et les médecins grecs se sont servis du
ces auteurs d'une" « spiritualisation» de la pneumatologie. La pneuma pour désigner des réalités matérielles, alors que ce même
nature de la science médicale a ent"rainé plutôt une certaine dégra- terme est adopté par Philon pour signifier la partie supérieure
dation du pneuma, conçu comme un souffle matériel qui pénètre de l'âme humaine et un don divin accordé à certaini hommes privi-
tout l'organisme vivant. Nous pouvons en dire presque autant de léO'iés
o , réalités immatérielles l'une et l'autre. Cette transformation
la pneumatologie stoïcienne : l'influence platonicienne, qui R'est est d'autant plus frappante que le terme pneuma a été choisi par
fait sentir sur plusieurs représentants de l'école, a introduit une Zénon pour exprimer formellement le caractère matériel de notre
certaine épuration de la notion, mais elle n'est pas arrivée à la principe vital: en effet, l'âme est matérielle, puisqu'elle est pneuma-
dégager de ses attaches matérielles, à tel point que Marc-Aurèle tique; elle est conçue comme une étincelle divine qui anime l'orga-
ne se sert plus du· terme pneuma, que pour désigner avec un cer- nisme corporel. Cette terminologie se rattache donJ chez lui à un
tain mépris la partie inférieure de l'âme humaine. Tout au plus monisme matérialiste et à une psychologie fortement influencée par
peut-on concéder que l'élaboration philosophique de ce terme, telle les doctrines médicales antérieures; tandis que Philon d'Alexandrie
qu'elle s'est effectuée à l'intérieur de l'école, constitue un progrès et le livre de la SaO'csse
o , tout en écartant" ce ~atérialisme grossier, ont
par rapport à l'usage purement scientifique. Car les philosophes employé le même terme dans leur théologie théiste et leur psychologie
du Portique ont utilisé cette notion pour expliquf::r les activités spiritualiste. Il y a donc ici une transformation brusque, produit~
supérieures de l 'homme, telles que la connaissance et la volition, sous l'action d'un facteur ét.ranger, dont nous essaierons plus loin de
tandis que les médecins considéraient sans plus le pneupla comml~ déterminer la nature. "
un élément indispensable de la physiologie humaine. Cette conclusion est confirmée également par le fait que l'évolution
Si nous comparons maintenant la pneumatologie des stoïciens et de la pneumatologie ancienne n'est pas uniforme. Le tableau synthé-
des médecins grecs à celle du livre dè la Sagesse et de Philon tique que nous avons dressé des différentes significations du pneuma
d'Alexandrie, nous constatons, à côté de certaines ressemblances plu- a. montré qu~ ce terme a été appliqué généralement aux mêmes réali-
tôt secondaires, une différence profonde, que nous &vons expliquée tés,' mais que celles-ci ont été conçues de façon différente par les au-
plus haut par -l'origine des deux doctrines: la divergence est encore teurs juifs et chrétiens, d 'une part~ et par les philosophes païens,
plus accentuée dans la pneumatologie "néotestamentaire, où on relève d'autre part. C'est ainsi que la spiritualisation du pneuma a été le
à peine ~uel~ues traits qe si~i1it'll:qe avec la doc~r!l~e d~s ~toïc~~~ f~i~ d~ certains penseu~ ~andis que le~ a1.l~r~ ~e :3~ sont pas dé~a~~~

J
538 SYNTHÈSE ET CONCLUSION L'ÉVOLUTION DF.: LA PNEUMATOLOGIE ANCIENNE 539

du matérialisme traditionneL Nous trouvons, à côté de la pneumato- n'est possible que grâce à un contact réciproque, ce qui suppose le
logie ma~rjaliste de l\farc-Aurèle et dés auteurs néoplatoniciens, celle caractère corporel des deux réalités en question. Ce principe fonda·
d'Origène et d'autres auteurs chrétiens, qui professent un spiritua- mental, qui est une conséquence logique de leur empirisme, a telle-
lisme déjà ~rès accusé. Cependant les auteurs chretiem~ eux-mêmes ne ment dominé leur pensée, qu'ils ne sont jamais parvenus à se dégager
présentent pas sur ce point une doctrine uniforme, ctJmme on aurait complètement du matérialisme.
pu s 'y attendre: nous visons ici spécialement la pneumatologie de L'influence de la philosophie platonicienne né peut pas être rcgar-
Tertullien, de Lactance et de Macaire d'Egypte. On ne peut donc pas dée non plus comme le facteur déterminant de cette spiritualisation
dire que la pneumatologie matérialiste est caractéristique d'une pé- du pneuma: en effet, cette influence s'est fait sentir dans la pensée
riode déterminée et qu'à partir d'un certain moment le pneuma a de plusieurs stoïciens sans amener une conception vraiment spiritu-
acquis universellement un contenu spirituel; on ne peut même pas elle de Dieu et de l'âme humaine. Le dualisme psychologique de Clé-
dire que la pneumatologie spiritualiste se reIicontre chez tous les au" anthe, avec l'antithèse d'une partie rationnelle et d'une partie irra-
teurs chrétiens. Il résulte des analy~ antérieures que ce spiritualisme tionnelle, a été inspiré par le grand fondateur de 1'Académie, sans
est le fait de certains auteurs juifs ou chrétiens, tandis que d'autres, amener la spiritualisation de la partie supérieure de l'âme, bien que
avec tous les penseurs païens, s'en tiennent à une p·neumatologie ma- cette partie soit conçue comme préexistante à son union avec le corps
térialiste. et ne se dissolve pas au moment de la mort. Même chose pour Pané-
Ceci nous amène à la question centrale de cette étude: quel est le tius, pour Posidonius, pour Sénèque, qui ont tous subi dans une cer-
facteur déterminant de cette évolution spiritualiste? Nous croyons taine mesure l'influence de la pensée platonicienne. Quant à Marc-
que la réponse résulte clairement de notre analyse: c'est la doctrine Aurèle, sa pneumatologie est des plus· instructives à notre point de
biblique qui est à l'origine de la spiritualisation de là llotion du pneu- vue, puisqu'il a relégué le pneumation au second rang dans la hiérar-
ma. Procédons par élimination. Ce n'est certainemént pas la philoso- chie des éléments constitutifs du composé humaÎ:l. On reconnaît
phie du Portique qui a déterminé l'orientation de fette évolution, également cette influence platonicienne dans 1" pensée de Plutarque,
puisque les philosophes stoïciens n'ont jamais abanrlonné totalement dont la pneumatologie est aussi matérialiste que celle des stoïciens.
leur monisme matérialiste; les grands :r:eprésentants de l'école durant En effet, le pneuma mantique est conçu comme un souffle matériel
la période impériale ne sont pas plus spiritualistes quc Zénon de èit- qui, à certains endroibl, se dégage du sein de la terre et pénètre dans
tium et ses disciples immédiats. Si l'on compare certaines expressions le corps· de la pythie, tandis que le pneuma psychique désigne la
rl~ Sénèque et d'Epictète à celles de Cléanthë et d~ Chrysippe, on partie inférieure et irrationnelle de l'âme hum~ine. Il en est de même
constate chez les premiers un mat(.~rialisme plus grossier, qui semble dans la littérature henriétique, où le pneuma désigne un élément
résulter de leur manque lI'intérêt pour des qu"estions métaphysi- constitutif de l 'homme, intermédiaire entre le corps, d'une part, l'Ame
ques; toute leur attention est concentrée sur le problème du bonheur et l'intelligence, d'autre part. Ce n'est donc pas la pensée platonicien-
f't de la conduite et ils se détournent de plus en plus des questions ne, qui par elle-même a QPéré cette" révolution brusque de la pneu-
t.héoriques de la philosophie: le dogmatisme de l 'ancienne( école avait matologie ancienne.
été sapé par les attaqu~ vigoureuses de la. Nouvelle Académie, qui Il semble cependant que le platonisme ne soit pas non ·plus totale-
avaient provoqué une certaine lassitude dans la recherche philosophi- ment étranger à cette spiritualisation: la plupart des auteurs chez
que. Ce qui a empêché les stoïciens de se dégager du matérialisme lesquels nous trouvons une conception spirituelle du pneuma ont.
c'est leur épistémologie empiriste, qui ne leur permettait pas de con- subi fortement l'influence du maître d 'Aristote; c'est le cas de Philon
cevoir une autre activité que l'action d'un eorps sur un autre : si d 'Alexandrie, de Clément d 'Alexandrie et d'Origène. Pour ce qui
tout ce qui agit est corporel, la nature matérielle de Dieu et de l'âme est des documents scripturaires, tels que le livre de b Sagesse et les
hllmRinf' ne peut être mise en doute, puisque ceS êtr~s ~ont éminèm- écrits néotestamentaires, on n 'y découvre guère d'infiuence platoni-
Jllent. a<;!tifs. D'après les sto~iciçns, l'influertce d'un être sur un autre cienne, mais ils ne prértentellt pas non plll:s u~e pneumatologie philQ"
540 SYNTHtSE ET CONCLUSION

sophiquement ,élaborée. Quoi qu'il en soit, il suffit pour le moment nité et fait pénétrer le mystère de l'avenir, sans qu'il ait rien de
d'avoir établi que le platonisme n'est pas le facteur principal de l 'évo-' commun avec le pneuma mantique des stoïciens et de Plutarque.
Jution de la pneumatologie ancienne: nous essaierons de déterminer C'est encore dans la Bible que ces auteurs ont trouvé leur doctrine
plus loin ègns quelle mesure il y a contribué. sur l'immortalité de l'âme humaine désignée également par le terme
Quant A la philosophie néoplatonicienne, elle n'entre pas en ligne pneuma.
de compte pour expliquer la spiritualisation du pneuma: en effet, Ici se présente cependant une objection sérieuse dont la solution
bien que cette pensée soit très spiritualiste, la pneumatologie ne s'y nous aidera A préciser l'influence de la Bible sur l'évolution de la
élève guère au-dessus du niveau du matérialisme stoïcien. Plotin pneumatologie ancienne. Nous savons par les analyses précédentes
et ses disciples ont conçu le pneuma comme une enveloppe lumineuse, que les conceptions spiritualistes du pneuma ne se rencontrent pas en
qui entoure l'âme humaine et qui en constitue le lien avec le corps: dehors du courant judéo-chrétien: depuis le livre de la Sagesse jus-
nous constatons donc une fois de plus que le terme n'a pas été adopté qu'à saint Augustin, c'est toujours chez des auteurs qui ont subi l'in·
pour désigner la .partie supérieure. de l'âme, sans doute parce qu'il fluence de la Bible ou du Nouveau Tcstament que l'on trouve une
n'était pas encore libéré de ses attaches matérielles. Nous ne contes- pneumatologie plus ou moins dégagée du matérialisme. Mais, d'autre
tons évidemment pas que le néopJatonisme ait exercé une influenee part, certains auteurs chrétiens se rangent en dehor~ de ce courant
profonde sur les esprits de cette époque, tendant A les amener à des spiritualiste et sont restés attachés à la conception matérialiste du
conceptions plus spiritualistes. Cependant, ce qui DOUg intéresse, c'est pneuma: il suffit de se rappeler la pneumatologie de Tertullien, de
que ces conceptions spiritualistes n'ont pas été appliquées au terme Lactance et de ·:Macaire d'Egypte. Ne pourrait-on en conclure que
pneuma,qui ne désigne jamais l'intelligence humaine, mais un élé- l'influence de la religion judéo-chrétienne n'est pas plus déterminante
ment inférieur dans la constitution de 1'homme. que celle du platonisme YEn effet, puisque des auteurs qui n'ont pas
Après avoir éliminé le stoïcisme, le platonisme et le néoplatonisme' eu qu'un contact superficiel avec la nouvelle religion, mais s'en sont
il ne reste plus que l'influence de la religion judéo-chrétienne qui déclarés formellement les disciples, ne sont pas arrivés A se libérer
puisse être regardée comme déterminante vis-à-vis de l'évolution du de leur pneumatologie matérialiste, il faudrait en conclure, semble-t-il,
pneu ma dans le sens du spiritualisme. Tous les auteurs, en effet, chez que l'influence du christianisme sur l'évolution de la doctrine du
qui nous trouvons une pneumatologie spiritualiste, à partir du .livre pneuma n'a pas été plus décisive que celle des autres courants de pen-
de la Sagesse et de Philon d'Alexandrie jusqu'A saint Augustin, sont sée.
des auteurs juifs ou chrétiens: et qui plus est, toute It'ur pneumatolo- La solution de cette difficulté se trouve dans une détermination
gie, comme nous l'avons montré; est basée sur des textes scripturaires. plus précise de l'influence exercée par la Bible sur l'évolution de la
Plusieurs de ces auteurs ont subi des influences philosophiques mul- pneumatologie. La religion judéo-chrétienne ne se prlsente pas com-
tiples, qui transparaissent dans la structure de leur systèm~: il appa~ me un système philosophique qui s'appuie sur des évidences rationnel-
raît clairement cependant que leurs constructions idéologiques trou- les et irrécusables: elle apparaît plutôt comme un système cohérent
vent leur origine dans la Bible et que les influence'1 philosophiques de vérités révélées qui toutes se rapportent à la destinée h~aine et
n'y jouent qu'un rôle secondaire, en ce sens qu'elleg interviennent à la conduite de la vie. C'est ainsi qu'on trouve dans la Bible une
seulement dans l'interprétation de certains textes scripturaires. certaine conception de Dieu et de l'âme humaine, conception qui
C'est là aussi qu'ils ont puisé leur doctrine du don divin, accordé à n'esfpas établie au moyen d'arguments rationnels, mais qui s'appuie
certains hommes et consistant en une illumination spéciale de l'intel- uniquement sur la révélation divine. Cette doctrine biblique ne con-
ligence et une aide particulière donnée à la volonté en .vue de l 'ac- stitue donc pas une théodicée ni une psychologie, tout d'abord à
complissment fidèle de la volonté de Dieu; ce don est appelé dans raison de la méthode, et aussi à raison des questions sur lesquelles
les Saintes Lettres: un pneuma. L'inspiration des prophètes y est elle porte: car les vérités révélées n'embrassent pas dans toute son
~ttriQ~~ ~ un pneuma prophétique, qu~ lève 1<, vQil~ 'çaçhant la divi- étendue le domaine de la philosophie; on devrait dire p:utôt qu'elle,

J
543
coïncident ~i>iement avec les conclusions de certtlines démonstra· insérée dans le flux perpétuel de ce monde matéri~l et· changeant,
tions philosophiques.. C'est ainsi qu~ les textes scripturaires affirment mais se trouve au' sommet du monde idéal comme la source suràbon-
la transcendance divine et l'immortalité de l'âme humaine, sans qu'il dante de toutes les perfections finies. Il admettait également l'immor-
y soit question d'examiner dans le détail ce que ces deux vérités pré- talité de l'âme humaine, qui est, elle aussi, apparentée aux Idées:
supposent quant à la nature de Dieu et de l'âme. On peut dire que car, étant capable de les connaître, elle doit avoir avec elles un rap-
ces mêmes vérités d'ordre théologique et psychologique impliquent port de similitude: dès lors notre principe vital devra être dégagé
la spiritualité de Dieu et· de l'âme, réalités qui sont désignées par le des choses matérielles et périssables. Quant à la conception précise
terme pneuma. Mais l'explication de ces conceptions est déjà un tra- du spirituel, c'est encore la philosophie qui essaie de la déterminer:
vail philosophique, qui se fera, dès lors, en fonction de vues philoso- nous avons pu constater au cours des analyses précédentes que ce con-
phiques déterminées. C'est ainsi que certains auteurs .chrétiens, tels tenu va en se précisant continuellement; c'est, au point de départ,
que Tertullien, Lactance et Macaire d'Egypte, tout en reconnaissant une certaine transcendance par rapport aux réalités matérielles, dont
ces vérités fondamentales de leur religion, n'en ont pas conclu à la nous trouvons déjà l'expressil)n dans le livre de la Sagesse, pour arri-
spiritualité de Dieu et de l'âme humaine parce qu'ils ne pouvaient ver à la conception augustinienne, suivant la.quelle le caractère esseu~
pas se dégager de l'emprise du matérialisme stoïcien : la loi d'airain tiel du spirituel est la simplicité et l'indivisibilité, simplicité absolue
de la philosophie du Portique, suivant laquelle tout ce qui est actif, quand il s'agit de Dieu, simplicité relative, quand il s'agit de l'âme
doit être corporel, les a empêchés de reconnaître le lien logique entre humaine.
la transcendance divine et la spiritualité de l'Etre suprême, de même Nous pourrions résumer la conclusion de notre étude de la façon
que la connexion nécessaire entre l'immortalité de l'âme et son carac- suivante: la religûm judéo-chrétienm doit être considérée comme ù
tère immatériel. {acteur principal de l'évolution de la pneumatologie ancienne dans
Nous croyons donc que la religion judéo-chrétienne doit être con- le sens du spiritualisme, parce qu'eUe a appliqué Ze terme pn.euma à
sidérée comme le facteur déterminant de l'évolution du pneuma dans la divi.nité tronscendante et à l'âme immortelle, ce qui devait con-
le sen~ du spiritualisme, parce qu'elle s'est servie de ce terme pour duire logiquement à la spirituaUsa.tion de cette 'notion. Le platonisme
désigner la divinité transcendante et l'âme immortelle, ce qui devait de son côté a contnoué à cétte ~ême évolution. en otdrp, secondaire
conduire logiquement à la spiritualisation de la pneumatologie an- pl)'rW autant qu'il a aidé à d~gager et à préciser le spiritualisme la·

cienne. En d'autres termes, la religion judéo-chrétienne a donné au tent de la pnell.matologie judéo-chréUenn.e.


pneuma un contenu qui le rendait incompatible avec la signification
matérialiste que ce terme avait acquise dans la philosophie courante
et dans les écoles médicales.

••
Le fait que Tertullien, Lactance et Macaire d'Egypte ne sont pas
arrivés à se dégager de leur pneumatologie matérialiste tient unique- Cette conclusion, qui se dégage clairement de notre enquête, ne
ment à ce qu'ils n'ont pas entrevu cette incompatibilité entre leurs présente pas seulement un intérêt philosophique en ce se~s' qu'elle
conceptions philosophiques et le contenu de leur foi. Ce n'est pas au permet de démêler, pour un point de doctrine, l'interaction des
compte de leurs croyances religieuses qu'on doit mettre leur matéria- différents courants de pensée à une époque où les idéologies les plus
lisme: il est sans aucun doute un yestige de leurs préjugés stoïciens. diverses se rencontrent et s'entrecroisent, elle est importante égale-
Le platonisme intervient également dans ce proccs4)US de spirituali- ment pour 1'histoire de la pensée chrltienne aux premiers siècles
sation, mais en ordre secondaire: il a aidé notamment à, faire voir le de notre ère. On voit, en effet, par notre étude, jusqu'où s'étend
lien logique qu'il y a entre la transcendance et la spiritualité de Dieu, l'apport original du christianisme dans le monde. Ceux qui dénient
comme entre l'immortalité et la spiritualité de l'âme. Platon lui-même, à la doctrine chrétienne une phYsionomie propre et qui essaien't
en effet, admettait la transcendance de la divinité: celle-ci n'est pas d'en reconstituer l'ensemble à partir d'éléments épals qu'ils vont
SYNTHtSË ËT è6Nétltst6N

chercher dans ies différents courants de pensée de cette époque,ollé


font guère que construire des hypot~èses plus ou -moins fantaisistes,
incapables de résister à une critique objective et sérieuse. Il ne
6 'agIt pas de savoir si les penseurs d 'aujourd 'hui sont capables
1
LISTE ALPHABÉTIQUE DÈS PRINCIPAUX OUVRAGES CITÊS
de réaliser une reconstruction ingénieuse de la doctrine chrétienne
à partir d 'élé~ents empruntés aux différents systèmes de l'époque.
La question capitale est la suivante 0: le christianisme possède·t-il A. LES TEXTES.
vraiment un aspect original en face des autres systèmes de pensée'
La réponse ne peut être douteuse pour le point'ode doctrine que nous Les alcltimistes grecs, par M. BERTHELOT, Paris, 1887-1888 (3 voL).
ARETA~I CAPPADOCIS quae supersunt, cd. F. Z.' ERMERINS, Utrecht, 1847.
avons examiné : le contenu spiritualiste que la religionjudéo-ehré~
PSEUDO-ARISTOTE, De mundo, ed. 'V. L.. LoRIlIER, Paris, 1933.
tienne a donné aupneuma, n'est attribué à ce terme dans aucun
ATHÉlfAGORE, Legatio pro christiauls, cd. J. GD'FCKEN, Zwe& Griechisclle
autre système de l'antiquité. Nous ne nions évidemment pas que Apologeten, Leipzig et Berlin, 1907.
certains penseurs païens aient reèonnu la spiritualité de Dieu et de AUGUSTIN, Conlessiones, ed. P. :KNOLL (CSEL, vol. 33, 1, 1), Vienne, 1896.
l'âme humaine: la chose est trop claire. oCe que rous affirmons, Epistolae, Pars III, ep. 124'184 A, cd. A. GOLDDACHER (CSEL, vol. 44),
o 'est que la pneumatologie judéo-chrétienne ne peut se confondre Vienn6, 1904.
avec celle d'aucun autre des systèmes examinés dans cet o~vrage, °et De natura et origine animae, ed. C. F. URBA et ZYCHA (CSEL, vol. 60),
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E. ZELLER, Die Phl10sophie der Gnechen, vol. III, t. 1,·4e éd. par E: WELL" 21, 4 : p. 79, D. 201; IV, 23, XIX, 1, p. 94: p. 204, D~ 78;
MANN, Leipzig, 1909; t. II, 48 éd., 1903. 1: p. 52, n. 132; IV, 23, 1: p. XXIX, 3, p. 103: p. 205, n. 81.
214, n. 106; IV, 23, 2 : p. 52, :ANAXIMÈNE, Vors., 13 l3], B .2: p.
D. 133; IV, 23, 3: p. 52, D. 134; 6, D. 10.
V, 4, 3: p. 30, D. 66. APOLLINA~ (Lietzmann), p. 21~,
ALBERT LE GRAND. De Mineralibus. 25: p. 486, n. 208; p. 2l1, zr:
V p. 2, Borgn~t: p'. 341, D. p. 486, n. 208; p. 227, 89:
344. p. 486, D. 208; (Draeseke), p.
ÂLCHIMISTES (Berthelot), II, 108: 195:· p. 487, n. 210.
. p .. 345, n. 357; fi, 109: p. 346, A.IŒrÉE, De oausis, (Ermerins), l, 5,
D. 359; n, 114: p. 347, u. 363; p. 5: p. 201, D. 68; I, 'l, p. 10:
n, 114: p. 347, n. 365; II, 119: p. 200, D. 64; 1, 1, 'p. 11:' p.
p. 347, D. 364: II, 121: p. 347, . 200, ~. 65; II, l, p. 23: p. 194,
n. 365; II, 124: p. 342, ·n. 345; n. 45;. II,' 1, p. 23: p. 196, D.
II, 126: p.340, n. 842;.II, 146:' 50; II, ·S, p. 35:' p. 196- n." 50;
p. '347, n. 362; II, 150: p. 341, ,II, 6, p. 40: p. 201, n. 67; II,
n. 343; II, 151: p. 345, D. 355; 14, p. 98: p. 201, n. 66.
II, 151 ~ p. 346, D. 360; II, 171: ARISTOTE, fhys., B l, 192 b 20: p.
p. 340, D. 340 ; II, 194: p. 23, D. 44; J' 5, 2Q5 ~ ~: p,
;340, D. Sil i' II, 2l3: p. 340, ~. 74r D. 189i
554 INDEX DES CITATIONS

IN Oaelo, A 3, 270 b 1: p. 102,


n. ·251; A 10, 2~9 b20: p. 100,
n. 250;
p. 126: P', 423, n. 55; e: 10, p.
127: p. 424, n. 57; c. 27, p. 146:
p .. 411~ n. 43.
1 CHALCIDIUS,
INDEX DES CITATIONS

In Tim., e. 161: p. 85,


n. 217; e. 220: p. 18; e. 220:
p. 32, n. 77; c. 220: p. 62, n.
555
n. 138; II, 22, 57: p. 23, n. 43;
II, 22, 57: p. 39, n. 94; II, 22,
58: p. 37, n. 88; II, 3~, 82: p.
De gener. et corr., A 6, 323 a 28- AUGUSTIN, Conlessiones. VII, 1: p. 159; C. 221: p. 64, n. 161; e. 106; II, 33, 85: p. 107, n. 273;
33: p. 4!:, n. 109; A 10, 328 492, n., 214 et 215; 221: p. 64, n. 162; C. 221: p. II, 34, 87: p. 107, n. 273; II,
a 5: p. 64, n. 164; A 10, 328 a De Oiv., Dei, XIV, 2: p. 16; 66, n. 169; C. 290: p. 135, n. 45, 115: p. 106, n. 271; II, 45,
10: p. 65, n. 167; A 10, 328 De div. quo ad Sim pl., II: p. 496, 355. 115: p. 107, n. 272; III, 9, 22:
b 22:' p. 65, n. 168; B 2, 329 n.224; ,CIOÉRON, Acad.. l, 7, 26: p. 59, n. p. 36; III, 11, 27: p. 105, n.
b 22: p. 69, n. 178; B 2, 329. De lide et symbolo, X, 23: p. 498, 156; l, Il, 39: p. 39, n. 94; 268 ; III, 14, 37 : p. 155, n.
b '24: p. 69, n. ,177; ~. 231; De divin., l, 19, 37: p. 127, n. 413;
Meteor., A 3, 340 b 27: p. 25, n. De Genesi ad litt., VIi, 15: p. 505, 333; l, 19, 37: p. 278, n. 163; De off., l, 30, 107: p. 109, n.
49; B 8, 366 a 3: p. 132; n. 246 - p. 506, n. 247; VII, l, 30, 63: p. 121, n. 314; 1, 275; II, 28, 101: p. 97, n. 241;
De .Anima, 1, l, 403 a 10-12: p. 46; 19: p. 506, n. 248 et 250; VII, 36, 63: p. 124, n. 324; l, 30, Tuse., l, 10, 22; p. 59, n. 155;
1, 1, 403 a 16-25: p. 46; II, 1, 20: p. 505, !le 247; XII~ 6: p. 64 : p. 121, n. 313; l, 30, 64 : l, 18, 42: p. 91, n. 2~4; l, 25,
412 a 27-28: p. 27; 502, n. 241; XII, 7:, p. 490 - p. 123, n. 321; l, 30, 64: p. 126, 60: p. 117, n. 303; l, 26, 65:
De sens. et sert8ib., 3, 444 a 31: p. p. 493, n. 247; XII, 9: p. 502, n. 328; l, 50, 113-114: p. 272, p. 59, n.156; 1,26,65: p.117,
64, n. 164; . n. 240; XII, 23: p. 502, n. 240; n. 143 - p. 273, n. 144; 1, 50, n. 303; 1. 32, 79: p. 100, n.
De part. anim., B, 16,: 659 b 16: XII, 24: p. 502; n. 240 - p. 115: p. 127; l, 51, 115: P', 125, 249; 1, 32, 79: p. 102; 1, 43:
p. 24, n.' 46; 503, n. 242. n. 326; l, 51, 115: p. 126, n. p. 91; II, 20, 47: p. 97.
De gener. anim., II, 3, 736 b 27: De nat. et orig. animae, IV, 22: p. 330; l,56, 128: p. 126, n. 329; CLÉllENT D'ALF.x., Cola. 00 Gent.,
p. 47; II, 3, 736 b 33: p. 22 498, n. 229; IV, 23: p. 497, n. l, 57, 129: p. 125, n. 325; l, p. 58 Pott (SVF, II, 1039): p.
n. 40; III, 11, 762 a 18: p. 226 et 227 - p. 498, n. 230. 57, 129: p. 126, n. 329 et n. 83, n. 209;
35, n. 85; De Trinitate, V, 2, 3: p. 494, n. 331; I~ 57, 131: p. 125, n. 326; Eze. ex. Tlatod., TIl, 132 Stiihlin:
Dialog. Irag~., (Walzer), p. 73- 223; VI, 4, 6: p. 493, n. 220; l, 58, 128: p. 122, n. 318; Il, p. 306, n. 244;
74: p. 122, n. 317. VII, 5, 10: .p. 494, ~. 222; X, 14, 33-34: p. 109, n. 276; Paed., l, 6, Stiihlin, l, 108: p. 437,
PS.-ARIST•• De Mundo. 395 b 26: 10, 14: p. 499, n. 232 et 233; De natura deorum, l, 12, 33: p. n. 87; l, 6, SUihlin, l, 111: p.
p. 139, n. 366; 396 b 27: p. X, 10, 16: p. 499, n~ 234 - 58, n. 152; l, 13, 35: p. 35, n. 437, n. 86; l, 6, Stiihlin, l, 119:
140, n. 374; 397 a 5: p. 140, p. 500, n. 235 ; XIV; 16: p. 86; 1; 14, 37: p. 57, n. 146; p. 431, n. 71; II, 2, Stiihlin, l,
n. 375; 397 ft 18: p. 140, n. 490; XV, 5, 7: p. 493, n. 218 1, 14, 37: p. 57, n. 148 et 149; 166: p. 432, n. 73; II, 10,
376; 398 b 6: p. 140, n. 372; et 219.. II, 5, 15: p. 58, n. 150; II, 7, Stiihlin 1, 209: p. 432, n. 74;
398 b 19: p. 140, n. 374; 399 Epistolae, 166, 2, 3: p. 501, n. 18: p. 37, n. 88; II, 7, 19: p. Pro.trept., V, Stahlin, 1, p. 51, 5:
a 30: p. 139, n. 368; 399 b 21: 239; 166,' 2, 4: p. 500, n. 236 105, n. 266 ~ II, 7, 19: p. 133, p. 35, n. 86;
p. 139, n. 369; 400 a 2: p. 140, - p. 501~ n. 237 et 238. n. 348; II, 8, 22: p. 35; II, 10, Strom., 1, p. 346 Pott (SVF, II,
n. 371; 400 b Il: p. 139, n. In Joh. ev. ea". 4, Tract. XV, 26: p. 154, n. 410; Il, 10, 28: 1040): p. 83, n. 209; 1, 1,
367. 24: p. 493, n. 218; p. 132, n. 344; II, Il, 28: p. Stihlin, II, 9: p. 435, n. 81; 1,
Sermo 128, 7: p. 498, n. 228; 105; II,' n, 29: p. 133, n. 351; 11, Stihlin, II, 34: p. 437, n.
ARros DID.• Epit. Ir. pl,ys., 28: p. 85; II, 20,' Stihlin, II, 112: p.
Se"no 157 in vigo Pasehae, 1, 3: II, Il, 30:' p. 132, n. 347; II,
71, n. 184; 33: p. 21, n. 39. p. 496, n. 225. . Il, 31.: p. 132, il. 344 ; II,' 305, n. 242; III, 10, Stihlin, II,
, ATBÉNAGORE : Legatio pro ehristiG- PSEuoo-AuGUSTIN, De Cognitione 14, 36: p. 93, n. 230; II, .14, 227: p. 437, n. 84; 111,10, Stih-
nis : e. 5, p. 2?.A: p. 413, n. 35; verae vitae, IV: p. 491; 38: p. 37, n. 88; II, 14, 38: lin, II, 229: p. 435, n. 80 ; IV,
c. 6, p. 124: p. 412, n. 32; c. De Spiritu et anima, X: p. 491 i p. 87, n. 219; Il, 15, 40: p. 26, Stiihlin, n, 323: p. 437, n.
7, p. 125: p. ~23, n. 56i c. 9, XXIV: p. 505~ n~ 2if). 1.55, n. 413 j Il, 15, 41: p. 54, 64 ; V, 4, Stiihlin, II, 341: p.

1
556 INDEX DES CITATIONS

437, n. 86; VI, 6, Stihlin, il,


4.S8: p. 433,' D. 75;' VI, 16,
StihliD, II, 500: p. 433, D. 76
p. 161, D. 428; IV, l, 147: 'p.
163, n. 438.
ÉPIPHANB, .Adv. 1.08,.., III, 36: p.'
1 lltbÈX

VII, p. 615: p. 213, n. 105;


VII, p. 618: p. 183, D. '22;
VII, p. 642: p. 215, D. 109 ;
D~S CITATIONS

VIII, 714: p. 182, o. 19;


De dignoscendis pulsibw (Kühn),
VIII, 760, p. 178, n. 7 -'- p .
551

- 433, D. 77 - p. 434, D. 78 . 30, D. 68 - p. 31, D. n. VIII, p. 653: p. 48, D. 119; 182, D. 19; VIII, 793: p. 76,
- 435, u. 79; Panarion, 25, 5: p. 290, D. 188 - VIII, p. 682: p. 216, D. 112; o. 194; VIII, 936: p. 194, n.
Q.m di"u 8alv., 5, Stihlin, III, p. 290, n. 189 - p. 290, Do' 190. VIII, p. 694: p. 214, n. 107; 43; VIII, 941: 'p. 180, D. 12;
162: p. 463, Jl. 139. , EUSÈBE, P,.tUpa,.~ 0"an9.. III, 9, 9: De ca""", ,.esp'ratiorM8 (Kühn), Syn. libro,.. suorum de plllsibllS
DÉllOCRITE, VO,.8.', 68 [55], B 17, p. 83, n. 211; IV, 3: p. 85, D. IV, 466: p. 208, n. 86; (Kühn), IX, 507: p. 183, n.
p. 146,: p. 271, n. 138; B 18, 217; XV, 15::. p. 82, ,D. 207; De usu ,.espirationis (Kühnl, IV, 20;
p. 146: p. 271,.n. 137. XV, 20, 1: p. 30, D. 64 - p.' 496: p. 181, D. 16; IV, 501: Methodus medendi, XII, 5, Kühn,
DIODORK DB SlelLa, Bibliotlaeca hÏl- 30, ·D. 65 - p. 34, D. 83;' XV, p. 212, n. 100; IV, 502: p. X, 839,: p.. 210, D. 92;
tonca, 1, 12~' p. 453, n. 114- 20, 2: p. 25, D. 50. 182, D. 18; IV, 502: p. 194, XII, 5, Kühn, X, 840 :
DIOG. LAËRoE, III, 67: p. 119, D. 310 j F~s, Haer., 83,1. 119': p. D. 44; IV, 503: p. 210, D. 92; p. 216, D. 111; XVIII, :?l,
VII, 110: p. 32" D. 69; VII, 290, D. 188 :- p. 290, D. 189. De fœtuum fo·rmatwne (Kühn), KühD, X, 929: p. 195, n. 46;
134: p. 37, D •. 90; VII, 134: GALIEN, D, U8U partium, l, 16, IV, 671: ,p. 179, D. 10; Ad Glauconem, II, 8, Kühn,
p. 39, D. 96; VII, 135: p. 40, He1mreich, 1, 33: p. 211, D. 97; An in arteriis nat. sanguis con- XI, 111: p. 216, D. 113;
D. 99; VII,' 136: p. 40, D. 101; IV, 17, KühD, III, 496: p. 24, tineat",. (Kühn), IV, 706: p. De venae sectione adv. Erasistr.,
VII, 138: p. 77, D. 197; VII, ~ 47; V, 5, Hehnreich, l, 267: 180, D. 17; IV, 707: p. 180, c. 3, Kühn, XI, 153: p. 186,
138': p. 132, n. 347; VII, 138- D. 15; D. 28; C. 3, Kühn, XI, 153:
179, D. Il; VI, 17, Helm-
139: p. 77; VII, 139: p. 133, reich, l, 358: p. 188, n. 33; De at,.a bile (Kühn), V, 125: p. p. 186,n. 29.
D. 350; VII, 139 et 143~ p. 36; VII, 8, Hehnreieh, 1, 392: p. 181, D. 31; De hum., 1, Kühn, XVI, 32:
VII, 142: p. 131, D. 343; VII, 2Q8, D. 85; VII, 8, Helmreich, De pulStlum KSU (Kühn), V, 155: p. 34, n. 84;
142·)43: p. 37, D. 89; VII, 143: l, 393-3.94: p. 208, D. 87; VIII, p. 209, D. 88; V, 155: p. 209, Comm. 5 in Hippocr. epid., 6,
p. 87, D. 219; VII, 143: p. 104, 10, Helmreich, 1, 483: p. D. 89; V, 167: p. 183, D. 21; Kühn, XVII, B 250: p. 78,
D. 260; VII, 156: p. 23, D. 43; De sanitate tuellda (Kühn), VI, D. 199;
210, D. 95; XVI, 10, Helm-
VII, .I56: p. 30, D. 69 ; VII, reieh, II, 420: p. 210, D. 94; 149: p. 211, D. 99; Hipp. de acutÏ8 morbis vicl"
157: p. 20, D. 36 - p. 32, D. De natu,.a1ib~ potenWs, (Helm- n E~l "À" ito u; (Kühn), VII, liber, IV, 19 (CMG, V, 9, 1, p.
76 - p. 50, D. 124 - p. 75, D. reieh), II, 171: p. 184, n. 25; 526: p. 68, D. 174; 290): p. 217, D. 115; IV, 35
190 - p. 75, D. 193 - p. 112, De l'lac. Hipp. el Plat. (Müller), De trem. palpite CO,.,,"Zs. (KühD),' (CMG, V, 9, 1, p. 49): p. 218,
D. 287; VII, 158: p. 16.3, D. l, p. 141: p. 178, D. 4; II, VII, 614: p. 180, D. 14; VII, n. 119; IV, 35 (CMG, V, 9, 1,
435; IX, 9: p. 25, D. 48; IX, p. 245: p. 178, n. 5; II, p. 616: p. 71, n. 184; VII, 616: p. 307): p. 217, D. 116; IV,
9: p. 273, D. 146; X, 63: p. 248:. p. 24, n. 47; V, p. 432: p. 72, D. 187; 90 (CMG, V; 9, l, p. 349): p.
28, D. 58; X, 67: p. 22, D. 42. p. 113, D. 293; V, p. 432 : De Iocis affectas, m, 9,' Kühn, 218, D. 117;
ÉPICTÈTE, l, 9, 13: p. 159, D. 423; VIII, 174: p. 212, D. 101; Ps.~ALIEN', Hast. philo•., O. 24: p.
p. 115, D. 295; V, 456: p.
1, 13, 3: p. 159, D. 423; l, 14, 48, D~ 120; VI, p. 501: p. l14, III, 9, Kühn, VITI, 174: p. 17, n. 28; o. 24: p. 31, n. 71;
6: p. 158 n. 422; II, 1, 15: p. D. 295; VI, p. 539 : p. 179, n.
212, n.. 103; I.V, 3, Küho, o. 24: p. 99, D. 246;
159, D. 424; II, 8, Il: p. 158, 8; VII, p. 598: p. 185, n. 26; VIII, 233: p. 2Ï2, D. 103; VI, E t CJ Cl Y co Y il Ï) t Cl 'f Q 6 ç 9, Kühn,
D. 421 i II, 15, 2: p. 162, D. VII, p. 603: p. 213, n. 104; 8, KühD, 429: p. 184, D. 24; XIV, 697: p. 185, D. 21; 9,
431; II, 15, 8: p~ 162, D. 433; VII, p. 604: p. 207, n. 83; . D~ àifferen'ia puls"""., III, 2, Kühn, XIV, 698: p. 206, n.
II, 15, 20: p. 162, n. 432; II, VII, p. 604-605: p. 212, n. 101; 'Kühn, ,VIII, 646: p. 197, n. 82;
56; III, 2, Kühn, VIII, 645: . tOQ o&. tCl'fQLXOL, (Kühn), 29,
18, 19: p. 164, D. 438; II, 23, VII, p. 605: p. 208, n. 84 ;
3: p. 162, D. 430; III, 3, 20: p. 184, D. 43 ; IV, 2, Kühn, XIX, 355: p. 193, n. 39; 33,
VII, p. 605: p. 208, D. 84 i
5~8
XIX,
XIX,
XIX,
356:
357:
360:
INDEX DES CITATIONS

p. 193, n. 41; 33,


p. 194, n. 45; 49,
p. 195, n. 47; 49,
Zosime, Scott, IV, 107: p. 316,
. n. 272;
Aug., De civ. Dei, 8, 23 (Scott),
l j AMm,rQlTE,
INDEX

27H, n. 64; II, 10: p. 379,


n. 65; III, 2: p. 381, n. 71;
DF.8 CITATIONS

De my.'1t., II, 3: p. p . 320, 4


p. 328, 4
p. 376, 6
559
p. 474, n. 166;
p. 481, n. 189;
p. 474, n. 167;
XIX, 360: p. 195, p. 48; 73, IV, 180: p. 520, n. 283. III, 2: p. 381, n. 74; III, 6: p. 376, 14 : p. 480, n. 185;
XIX, 365: p. 198, n. 58; 74, HERMIAS, Irris. gent. phil., 14 (SVF,
p. 379, n. 67; III, 6: p. 381, p. 387, 18 : p. 477, n. 176;
XIX, 365: p. 197, n. 54; 74, l, 495), p. 37, n. 89 - p. 53, n. 72; III, 8: p. 382, n. 75; p. 392, 8 : p. 474, n. 165;
XIX, 366: p. 196, n. 51; 74, n. 137· - p. 60, n. 158. III, 11: p. 376, n. 59; III, 11: p. 447, 24 : p. 479, n. 181;
XIX, 366: p. 197, n. 55; 95, HIÉROCLÈS, In aureum carmen" c.
p. 379, n. 66; III, 11: p. 380, p. 477, 9 : p. 477, n. 177;
XIX, 371: p. 192, n. 38; 96, 26, Mullach, 478: p. 368, n. n. 70; III, 11: p. 381, n. 73; p. 509, 8 : p. 481, n. 191;
XIX, 372: p. 192, n. 37; 110, 41; c. 26, Mullach, 478: p. III, 14,: p. 380, n. 69; III, 2-1, p. 597, 24 p. 480, n. 184;
. XIX, 376: p. 197, n. 56 j 113, 369, n. 42 j c. 26, Mullach, 478: p. 382, n. 76; Ill, 24: p. 382, p. 598, 22 p. 479, n. 181;
XIX, 378: p. 194, n. 49; 117- p. 369, n. 45; c. 26, Mullach, n. 77; IV, 13: p. 377, n. 61; p. 650, 13 p. 479, n. 180;
121, XIX, 379: p. 193, n. 40; 479: p. 369, n. 44; c. 26, MuI- V, 12: p. 378, n. 63; V, 26: p. 650, 23 p. 470, n. 151;
129, XIX, 382: p. 199,. n. 61; Iach, 481: p. '369, n. 46; c. 26, p. 376, n. 58. p. 660, 16 p. 482, n. 192;
185, XIX, 398: p. 202, n. 73; Mullach, 482: p. 369, n. 43; JUSTIN, I Apol., 33, 6: p. 427, n. lU1~tit. Epit., 712, 16: p. 472, n.
468, XIX, 459: .p. 195, n. 49. c. 26, Mullach, 482: p. 370, n. 64; 44, 1 : p. 425, n. 58; 1:')9; 712, 23: p. 475, n. 170;
HERYETIÔA, l, 5 h, Scott, l, 118: 48; c. 27, Mullach, 483: p. Dial., 4, 1: p. 426, n. 62; 6, 2 : De l'ita beata, VII, 13 (PL, VI,
p. 319, n. 280; l, 9, Scott, l, 370, n. 47. p. 421, n. 51; 34, 1: p. 426, n. 761): p. 31, Ii. 72.
118: p. 308, n. 248; 1, 17, HIPPOL., Refut., l, 21: p. 31, n. 61; PS.-LONGIS, De S'4blimitate, 13,
Scott, l, 122: p. 309, n. 251; 71, l, 21: p. 82, n. 207; V, Fragmente (Holl, n° 109): p. 21: p. 270, n. 133.
III, 1 h, Scott, l, 146: p. 318, 1: p. 287, n. 182; V, 19: p. 422, n. 53. LUCAIN, PJlars., V, 161 ssq: p.
n. 2ï7;1 III,. 2 a, Scott, l, 146, 293, 11. 197; V, 19 : p. 293, LACTANCE, Div. I nstit., p. 11, 21: 28û, n. 181.
p. 318, n. 278; III, 2 h, Scott, n. 198; V, 19: p. 294, n. 199; p. 481, Il. 188; p. 13, 10: p. LUCRÈCE, III, 128-129: p. 28, n.
l, 146: p. 318, n. 279; IV, V, 19: p. 294, n. 200; V, 19: 471, n. 1:')4 j p. 16, 19: p. 57, 57; III, 160-167: p. 44; III,
1 h, Scott, l, 148: p. 320, n. p. 294, n. 201; V, 26: p. 301, n. 147; p. 29, 5: p. 471, n. 168-176: p. 45; III, 327: p.
282; X, 13, Scott, l, 149: p. Il. 226; V, 26: p. 302, n. 227, 28, n. 60.
152; p. 100, 10: p. 471, n. 156;
310, n. 253; X, 13, Scott, l, 228, 229, 230, 231; VII, p. 129, 7: p. 472, n. 159; ~rACAlRE D'EGYP'l'E, Hom., IV, 9:
19-1: p. 310, n. 254; X, 16, 22: p. 296, n. 207; VII, p. 129, 13 .' p. 476, n. 172; p. 482, n. 194; p. 483, n. 195
Scott, l, 198: p. 312, n. 260; X, 22: p. 296, n. 208; VII, 23: p. 136, 10: p. 472, n. 157; ct 198; VII, 6: p. 483, n. 197;
17, Scott, l, 199: p. 311, n. 256; p. 297, n. 210; p. 155, 10 :. p. 478, n. 1~9; VII, 7: p. 483, n. 196; VIII,
A~clépius, l, 10, Scott, 1, 304: JEAN CHRYSOST,In ep. I Cor. homo p. 157, 9: p. 480, n. 187; 5: p. 484, n. 201; XV, 49: p.
p. 316, n. 272; 17 a, Scott, l, XXIX, 1, PG, 61, 242: p. p. 163, 9: p. 475, n. 171; 484,n. 203; XVI, 4: p. 484,
316: p. 319, n. 281; XIX, 5, 270, Il. 132. p. 164, 13: p. 476, n. 174; n. 201; XVI, -1: p. 484, n. 200.
Scott, l, 448: p. 311, Il. 255; IRÉNÉE, l, 5, 6 : p. 299, n. 215; p. 165, 4: p. 476, n. 175; M.uw-AuRÈLE, II, 2, 1 :' p. 166,
XXIII, 14, Scott, l, 464: p. l, 5, 6: p. 299, n. 216; l, p. 168, 3 : p. 477, n. 176; n. 441; II,, 2, 3: p. 167; II,
31G, n. 273; XXIII, 21, Scott, 5, 6: p. 300, n. 222; l, 6, 1: p. 174, Il: p. 477, n. 178; 4: p. 168, n. 449; V, 27: p.l68,
l, 468: p. 317, n. 276; XXVI, p. 299, n. 219: l, 6, 1-2: p. p. 211, 4: p. 480, n~ 184; n. 449; V, 33, 4: p. 166, n. 442,
13, Scott, l, 522: p. 313, n. 301, n. 224; l, 7, 1: p. 299; p. 236, 18: p. 101, n. 253; V, 33, 6: p. 167, n. 443; VI,
263; XXIX, Scott, l, 532: p. n. 216; l, 7, 5: p. 298, n. p. 270, 1 p. 476, n. 174; 15: p. 166, n. 442; VIII, 25,
312, n. 262; Scott, II, 112: :313; l, 18, 2: p. 299, n. 218; p. 286, 5 p. 472, n. 159; 4: p. 170, n. 451; IX, 2, 4: p.
p. 288, n. 185; Scott, II, 112: l, 21, 3: 'p. 300, n. 220; l, p. 296: p. 473, n. 161; 168; XI, .20,1: p. 167; XII,
p. 289, n. 186; 21, 5: p. 299, n. 217. p. 297, 5 p. 473, n. 160; 3, 1: p. 166, n. 441; XII, 14,

1
~60

168, n. 449.
,tMbEX DES dIT! 'flONa
5: p. 167 n. 444; XII, 26: p.

~IACROBE, Sat., l, 23, 2 (SVF, l,


(Daremberg, II, 64-65): p. 198,
n.,59.
ORIGÈNE, Contra Celsum, VI, 70:
l INDEX DES CITATIONS

1116: p. 326, n. 29ï; IV,


1120: p. 324, n. 292; IV, 1120:
p. 329, n. 311; IV, 1170: p.
IV, 123: p. 245, n. 60;
De Vita Mosis, l, 175: p. 250,
561

n. 77; II, 265: p. 252, n. 82;


501): p. 155, n. 414; p. 453, n. 116 et 117; VI, 71: 323, n. 288; IV, 1178: p. III, 155: p. 241, n. 44;
Somn. Seip., l, 14, 19: p. 24, n. p. 455, n. 119 - p. 463, n. 325, n. 296; IV, 1280: p. 323, n. Leg. aUeg., l, 31: p. 245, n. 61
4t1. 142; VI, 72: p. 455, n. 121; 288; IV, 1749: p. 329, n. 313; - p. 246, n. 63 - p. 240, n.
MINUCIUS, Octavius, XIX, 10: p. VII, 32: p. 466, n. 14~; IV, 2289: p. 326, n. 297; V, 63 - p. 240, n. 41; l, 32: p.
57, n. 146. De . principii8, l, 6, 4: p. 464, n. 460: p. 325, 11. 293; VII, 559: 242, n. 47; l, 33: p. 246, n.
NÉlI:ÉSIUS, ·De natura hominis, 143; 1,7, 4: p. 458, n. 128 - p. 328, n. 305; X, 10: p. 326, n. 62 - p. 243, n. 55; l, 37:
e. 2 (PG, XL, 536): p. 20 n. p. 466, n. 147; II, 2, 1: p. 297; XII, 147: p. 323, n. 290; p. 242, n. 48; l, 91: p. 243,
37; e. 2 (PG, XL, 540): p. 73, 464, n. 143; II, 2, 2: p. 464, XII, 174: p. 324, n. 292; XII, n. 52; III, 161: p. 243, n. 53;
n. 188; c. 2 (PG, XL, 541): n. 143 et 144; II, 3, 2: p. 464, 325: p. 322, n. 287; XII, 331: III, 161: p. 245, n. 60;
p. 20, n. 35; c. 2 (PG, XL, n. 144; II, ~O, 7: p. 457, n. p. 324, n. 292; X~I, 331: p. 327, Leg. ad Gaium, 63: p. 248, n. 70;
545): p. 42; c. 2 (PG, XL, 127; III, 4, 2: p. 458, n. 130;. n. 300; XIII, 278: p. 328, n. Q~is re,.. div. heres, 55-57: p.
549): p. 62, n. 160; c. 6 (PG, IV, 2: p. 460, n. 133; IV, 307; XIII, 376: p. 327, n. 303; 244, n. 59; 56: p. 246,
XL, 637): p. 34, n. 82; c. 15 2, 4: p. 460, n. 131; IV, 5: p. XIII, 525: p. 322, n. 286 ; n. 62; 242 : p. 241, n. 44;
(PG, XL, 669): p. 32, n. 76; 461, n. 135; XIII, 762: p. 325, n. 293; 264: p. 286, n. 181; 265: p.
c. 15 (PG, XL, 669): p. 94, 1n J erem., XII, Il - XIII, 11: XIII, 791: p. 329, n. 310 ; 2;')2, n. 86; 283: p. 246, n. 65;
n. 235; c. 26 (PG, XL, 704): p .. 457, n. 126; XXXV, 24: p. 329, n. 308. Qllod det. potion ins. sol., 80: p.
p.95. 1n Joh., l, 8: p. 461, n. 135; PHILON, De aetern. mundi, 125: p. 244, n. 57; 83: p. 245, n. 60·;
NOUVEAU TEST., Luc, l, 15: p. 393; XIII, 21 : p. 453, n. 115 ; 240, n. 43; 90: p. 242, n. 49 - p. 243, n.
l, 35: p. 393; l, 41: p. 394; XXXII, 18: p. 457, n. 125; De Cherubim, 11: p. 239, n. 39; 50 - p. 247, n. 66;
Jo., IV, 24: p. 390; 1n Lev., l, 1: p. 460, n. 133 - 27: p. 254, n. 89; Qltod Deus sit 'm-mllt., 35-36: p.
Act . ..d.p., l, 8: p. 395; p. 462, n. 138 i De [ttga et inventionB, 182: p. 240, n. 42.
Rom., VIII, 5-6: p. 400; VIII, E i.ç t'aQ'tu Q LOV "Qo'tQE,,'tLx6ç, 248, n. 70; PISTIS SOPHIA, 37: p. 305, n. 241;
10-13: p. 399; 46: p. 452, n. 112; De Gigant., 22: p. 237, n. 34; 111: p. 304, n. 237; 131: p.
1 Cor., XV, 44: p. 399, n. 13; Fragm. de resurr., PG, XI, 96: 24: p. 250, n. 76; 27: p. 247, 304, n. 239; 132:. p. 304, n.
Gal., V, 16-17: p. 400; VI, 8: p. 466,' n. 146. n. 66 - p. 256, n. 95;· 28: p. 238.
400; P APYRI MAG., l, 178: p. 325, n. 294; 251, n. 78; 29: p. 251, n. 81; PLATON, Apol., 22 c: p. 283, n.
Eph., IV, 4: p. 400, n. 14; 1, 312: p. 329, n. 309; III, . 47: p. 252, n. 85; 53: p. 251, 169;
1 Thess., V, 23: p. 407. 48: p. 327, n. 302; III, 571: n. 79; 54: p. 251, n. 80; 10n, 534 b: p. 284; 534 ed: p.
OR.AOULA CHALDAICA (Kroll), p. 26: p.329, n. 308; IV, 400: p. De opi!. mundi,. 29: p. 239, n. 284; 534 e : p. 285, n. 180;
p. 317, n. 2ï4; p. 47: p. 315, 326, n. 297; IV, 487: p. 330, 40; 30: p. 237, n. 35; 31: p. M énon, 99 c: p. 284; 99 ed: p.
n. 268. n. 315; IV, 503: p. 331, n. 241, n. 46.; 67: p. 248, n. 72; .284-285;
ORIBASE, C. M. G., VI, l, 1, p. 161 320; IV, 509: p. 332, n. 322; 135: p. 244, n. 58; Ph~d,.e, 245 c: p. 71, n. 185;
(Daremberg, 1, 456): p. 196, n. IV, 517, p. 331, n. 318 i IV, De plantatione, 18-19: p~ 245, n. . Resp., VIII, 546 a: p. 101, n.
53; VI, 1, 1, p. 163 (Darem- 519: p. 325, n. 295 iIV, 627: 60; 18: p. 246, n. 63; 251;
berg, 1, 461): p. 194, n. 42; p. 331, n. 318 i IV, 629: p. DB Somno, I, 75: p. 243, n. 54; Tim., 24 c: p. 94, n. 233; 71 e:
VI, 1, 1, p. 183 (Daremberg, 332, n. 321; IV, 630: p. 330, II, 188: p. 297, n. 210; II, p. 283, n. 170.
l, 524): p. 200, n. 62; vi, 1, n. 316; IV, 713: p. 326, n. 252: p. 254, n. 88; PLOTIN, II, 2, 2: p. 359; IV, 3,
1, p. 187 (Dart'mberg, l, 534): 297; IV, 875: p. 328, n. 306; De special. leg., IV, 49: p. 253, . 15: p. 360, n. 20; IV, 3, 22:
p. 200, n. 63; VI, 1, 1, p. 218 IV, 959: p .. 327, n. 301; IV, n. 87; IV, 123: p. 243, n. 54; p. 358, n. 16; IV, 7, 3: p
31
562 INDEX DES CITATIONS. iNDEX DES CITATIONS 563
353, n. 4 ~ p. 353, n. 5; IV, De Pythiae orac., VIII, 938 a: 45 D (l, 147, DiC'hl) : 403; \' r, 16: p. 153, n. 409 -
p.
i, 4: p. 355, n. 9; IV, 7, 6: p. 268, n. 124; p. 365, n. 33; 311 A (III, 234, }fl4, Il. 410 - p. 154, n. 412;
p. 355, n. 10; IV, 7, 7: p. De Virt. mor., XI: 265, n. 116; Diehl) : p. 365, Il. 32; 321 A V r, :!·l: p. Ifl3, n. 407; VII~
356, n. Il; IY, i, 8: p. 357, n. Qllaest., "at., XIX: p .. 266, n. (III, 266, Diehl) : p. 377, n. :!!i: Il. 144, Il. 379;
12; IV, 7, 14: p. 361, n. 21; 120-121; 60. SJo~XTUS EMPIRICUS, .Ad". Log., l,
VI, 1, 30: p. 145, n. 384. Qllaest. plat., II, 1: p. 261, RUFl1S D'ÉPHÈSE, De part. hot,.. !l3: p. 134, n. 3.52;
Adt'. Colot., 14, 3: p.
PLLTT.-\RQL"E, n. 105; II, 2: p. 261, 'n. 105; (Clinch), p. 44: p. 21, n. 38. _-ldt'.Moû•. , VII, 162: p. 75, n.
36, n. B7; IV : p. 261, n. 103-104; SAGESSE, 1, 5: p. 229; l, 6: p. 231; W-t; y II, 228: p. 51, n. 130;
De comm... not., 33, 1076 c: p. Stoie. repugn., 41, 1053: p. 78; l, 7: p. 227; II, 2: p. 226, Il. 1 X, :!O: p. 5:-\, n. 151; IX, 72:
156, n. 417; 50, 1085 e: p. 43, n. 199 - p. 79, n.· 202; 41, 8; YII, 7: p. 229; VII, 22-23: p. 12S, n. 336; 1X, ï3: p. 129,
n. 104; 1053: p. 80, n. 204; 47, p. 227-228; VII, 24: p. 228; n. 337; IX, 75: p. 137, n. 358;
De delectu oracul., 39, 432 a: p. 1056 d: p. 85, n. 215; VII, 25-26: p. 230, n. 22; VII, IX, S8: p. 56; IX, 101: p. 35;
268, n. 126; 39, 431 c: p. 268, Uttzu,. an',?ae et corpor. sil lib. 27: p. 230; VIII, 1: p. 228; IX, 1X, 10-l : p. 36;
n. 127; 40, 432 e : p. 269, n. et aegr., IX: p. 265, n. 117; 11-12: p. 229; IX, 17: p. 228: l'.'Irr/.. 1t!lp., II, 70: p. 51, n.
128 et 129; 40, 432 d: p. 268, r Q Ü À À 0 ç, 931 b: p. 265, n. XII, 1: p. 233, n. 30; XV, 10: l30; II, SI,: p. li, n. 28; III,
n. 123; 40, 432 e: p. 269, n. 118; p. 224, n. 5; XV, 16: p. 225, n. lSS: p. 76, n. 196; III, 218:
130; p. 272, n. 141; 41, 432 Et J.LÉQoÇ 'to 1[(dhpLXOV ... 7; XVI, 14: p. 225, n. 6: p. S3, n. 208.
f : p. 274, n. 148; 41, 433 (frngm.) : p. 263, n. 111; XVIII, 15: p. 231;
SIMPLICIUS, 1,. ..:trist. cc.teg., f. 69
rIEQi. <ÏQE'ti)Ç x(ii XUXlUÇ. SCHOL. IN DION. THRAc., Bek-
n: p. 275 n. 150; 41,433 a: p. l" (UUs.): p. -l3, n. 104; f.
275, n. 152; ·t!, 433 a: p. 276, 101 c: p. 266, n. 119; ker, Anecd. graeca, II, 649 7S B (Bas.): p. 72, n. 186.
Il. 153; 46, 435 b: p. 276, n.
rI E Qi (1 U Q x 0 cp a y ( U ç 995 a: (SVF, Il, 94) : p. 76, n. 195;
STOUÉ.:, f;rl. J)lIy,~., l, p. 25 W: p.
p. 264, n. 114. SOHOLI! IN HOY. ILlID., II, 857:
153 ;48, 436 c: p. 27ï, n. 157; 3!n; l, p. 58 \Y: p. 134; l, p.
4S, 436 f: p. 277, n.. 158-159- PS.-PLUT., De vl:ta et poësi Hom., p. 24, n. 4ï.
70 W: p. 85, n. 2l6; l, p.
122 : p. 266, n. 119. SÉNÈQUE, Dial., XII, 6 : p. 148, n.
160; 50, 437 d: p. 275, n. l3:! W: p. 135, n. 355; l, p.
150; 51, 438 n: p. 276, n. 154; POllIAXDRÈS, (Reitzcnstein): p. 394; XII, 8: p. 156, Il. 415;
133 W: p. 135, n. 355; l, p.
51, 438 b: p. 276 n. 155 - 104: p. 343, n. 351; p. 105 : De ira, l, 8, 3: p. 150, n. 399;
317 \\9: p. 80, n. 205; 1, p.
p. 280, n. 164; 51, 4~8 c: p. p. 344, n. 352. De provid., 5, 9: p. 156, n. 417;
3ïS 'V: p. 275, n. 56 - p. 376,
277, n. 161; PORPHYRE, Deàbstin., II, 38: p. 6, 6:.p'" 156, n. 418;
57; l, p. 385 \V: p. 375, n. 55;
367, n. 37-38-39 ; Ep., 41, 2: p. 146, n. 388; 41,
De fade, 28, 943: p. 262, n. 107; l, p. 452 \V: p. 53, n. 136;
De regr~su (Bidez) p. 28: p. 5: p. 146, n. 387; 50, 6: p. 144;
30, 945 c: p. 262, n. 108; 30, V, 8 (IT ors ., Héracl.. 22 [12] B
3il, n. 50; p. 31 p. 373, Il. 57, 8: p. 148, n. 393; p. 475,
94.5 a: p. 262, n. 109; 30: p. 118, p. 171, 4): p. 274, n. 147.
53; ~. 169; 65, 1.6: p. 149, n. 395;
129, n. 338;
Seutentiae, c. 29, 2: p. 366, n. 65, . 23: p. 156, n. 416; 66, 12: TATIEN, OnJIio ad gr~co!, C. 2, p.
])l' ge"io SocrtJtis, 20, 588 c: p. 34-35; p. 145, n. 385; 76, 16: p. 150, 5: p. ru, n. 31-32; t. 7, p. 7:
282, Il; 166; 20, 588 d: p. 283, n: 401; 84, 5· et 7: p. 143, n. 418, n. 46;. e. 12, p. 13: p.
II(Ï>ç ÈJ.L'P"XOÜtu~ 'tà Ë~6Q"u,
Il.168; 378; 92, 1: p. 149, n. 396; 92, 411, D. 31 - p. 412, n. 33 -
VI, l : p. 372, n. 52.
De b. et Osiride, 36: p. 292, Il. PROCI.VS. [" rem publ., II, 196: 8: p. 150, n. 399; 92, 20: p. p. 416, n. 42; e. 13, p. 14: p.
195; 46: p. 295, n. 204; p. 364, n. 28; II, 197 : p. 364, 145, n. 386; 113, 7: p. 150, n. 411, n. 44 - p. 419, n. 47 -
De prim<J frigido, 2, 946: p. 80, n. 29; 399; 113, 18: p. 52; 117, 2: p. 420, n. 50; c. 15, p. 16: p.
Il. 204; lu Tim. Plat., 2 CD (1, 5, Diehl): p. 148; 418, n. 4.?; c. 16, p. 18: p.
De procrtal. an. in Tim., 22, p. :W;ï, JI. 33; 50 il (l, Nat. quaest., II, 6: p. 153 - p. 419, n. 41) - p. 428, n. 67;
1023 b; p. 117; 162, Diehl) : p. 93; n. 232 j 154, n. 411; VI, 14 p. 152, n. r. :!O, p. :!'2: p. lI9, n. 48.
TE.R'I'ULLIEN, Ado. HBrmog., 35: n. 98;
p. 445, n. 98; De re8. car..., 7: p. 441, n. 91.
Adt!. Marc., II, 5: p. 443, n. 97; THÉMISON, Ueber diB actde" tlnd
II, 9: p. 441, n. 93 - p. 442, ch rOll. K rankheàte,., (Rhein.
n. 94-95; INDEX DES NOMS PROPRES
Mus., t. 58, 1903), p. 80: p.
Adv. Prax., 7: p. 445, n. 100; 188, n. 32.
Apol., 21, 10: p. 55, n. 141; 47, Â~,~lténU8, Cl.: 191. Asclépiade: 176, 184.
THÉODORET, Graec. ail. cur., 4, 12
6: p. 84; A~(r~,n' E.: 146 (n. 386). Athénagore: 410, 412 ssq., 416 ssq.,
(PG., 83, 901): p. 38, n. 92;
De Anima, e. 5: p. 17, n. 29 -- A'b..6r'. la Grand: 341. 423 ssq., 452, 467, 471, 509,
5, 18 (PG., 83, 929): p. 20,
p. 19 - p. 42 - p. 62, n. 'AloÀ6r d~ Clairveaux: 492. 515, 522.
>n. 37; 5, 25 (PG., 83, 932-933)'~
160 - p. 92, n. 229; e. 7 : p. Alch'.mistf3: 221, 338-348, 349, 350, Athénée: 176, 184, 191, 195, 205.
p. 30, n. 64; 5, 25 ·(PG., 83,
445, n. 98; c. 8: p. 446, n. ~, 488. Augustin: 3, 6, 8, 16, 215, 371,
933): p. 34, n. 83.
1~3; c. 11: p. 41l - p. 449, Alcmda,,: 180. 373, 387, 445, 489-508, 510,
THÉOPHILE D'ANTIOOHB, .Ad .Auto.
n. 109 - p. 450, n.110; c. 14: Alex. d'ÂpArodise: 65. 511, 517, 526, 521, 528, 535,
lycum, l, 4, p. 10: p. 413,
p. 33, n. 78 - p. 447, n. 105; [Alexandre d'Aphrodise] , De f ebri- 537, 540, 541.
n. 36; l, 5, p. 16: p. 414,
c. 15: p. 29, n. 63 - p. 448, bl~: 202. Averroès: 46 (n. 112).
n. 38; l, 7, p. 22: p. 414, n.
n. 106; e. 24: p. 444, n. 96; Anaxagore: 47, 60, 53. Badstübner: 130 (n. 341).
41; II, 4, p. 54: p. 414, n.
c. 27: p. 448, n. 108; c. 54 et Anaximène: 6, 297, 471, 516. Barth P.: Il.
37; II, 13, p. 94: p. 414, n. 40.
55: p. 31, n. 72; Antipater. de f~r8e: 20, 90, 104, Basilide: 295 ssq., 298, 412, 516.
VIRGILE, Enéide, VI, 724: p. 154,
De came Christi, 11: p. 44.5, 112. Baudry J.: 101.
n.410.
Antyllus: 194, 196, 200. Berg.son: 405.
A,az W.: 287. Berthelot: 338, 342.
Apollinaire d8 Laodicée: 485-"489, Bethe E.: 291.
491, 527. Bidez J.: 41, 54 (n. 139), 60 (n.
-Apollodore, 40. 157).
Apollonius (médeoin): 198. Blankert S.: 111, 113 (n. 202), 134,
.Apollotlius· de Tyane: 384. (no 353).
Archédème: 90. Bo4th", de Sidot&: 91, 93, 103, 104.
Archigène: 192. Boi.sacq E.: 1.
. Arétée de Oappadoce: 200, 201. Bonhaffer: 24 (n. 47),33,49,130, (n.
Aristote: 4, 7, 12, 14, 15, 16, 20, 341), 163 (n. 437), lM (n.
21, 22, 23, 25, 26, 27, 29, 30, 439), 150 (n. 401), 160, 170,.
33, 35,' 36, 88, 39, 43 (n. 106), 406 (n. 26).
44, 45, 47, 48, 54, 56, 58, 59, !10u8sef: 295, 305.
60,.63, 64, 65, 69,> 72, 73, 74, Breasted: 331.
78, 81, 82, 84, 86, 90, 92, 100, Bréhier; E.: 27, 41, 43, 66 (n. 170),
101, 102, 103, 114, 118, 122, 67 >(n. 111), 84(n. 214), 87,
126, 135, 138, 140, 15~, 158, 249.'
172, 173, 174, 186, 190, 203, > Büchsel: 231, 234,. 235, 337, 397,
215, 246, 249, 298, 319, 339, 401.
359, 378, 402, 434, 495, 505, . Oapelle W.: 111, 138.
514, 515, 518, 519, 521. Carnéade: 90, 93, 102, l03, 104,
Ar,.'m, H. 110,.: 19, 264 (no 113), 107, 108, 383, 614.
566
Carnoy: 2.
INDEX pES NOMS PROPRES

Celse: 453, 455, 456, 463.


rhalridi"s: 18, 32.
D'ollo,., d, Sicil,: 453.
Diodor8 de Tyr: 92.
Diogène d'Apollonie: 6.
l 281 (n. 165).
INDEX DES NOMS PROPRB8

(n. 386), 147, 153 (n. 409),

lleimsch: 223 (n. 1), 230, 232.


LietzmtCnn H.: 401, 403.
Lippmann: 338.
Ps.-l~ongin: 270.
567

Chrysippe: Il, 15 (n. 24), 19, 34, Diogène de Séleucie (de Babylone): Heinze JI.: 40, 231, 233, 235. S. Luc: ?93, 394, 395, 396, 397.
49, 50, 51, 52, 53, 61-90, 93, 90, 103. Heinze R.: 115 (n. 298), 130 (n. Lucain: 104.
94, 95, 96, 98,.99, 104, 105, Diog~~e Laërce:'20, 111. 341), 264 (n. 113), 281 (n. 165). Lucien: 383, 384.
108, 109, 112, 114, 115, ·117, E mpr;~dOCWl: ,- 175, 266, 281, 331• Héliodore: 191. Lucrèce.: 19, 28, 44, 45.
. 127, 137, 139, 148, 156 (n. Epictite: 157~165, 227, 415, 5~0, II éraciide du Pon~: 376 . Macaire d'Égypte: 482 ssq., 509,
417), 162, 164 (n. 439), 166., 521, 522,.538. l! éraclide de Tarente: 176. 525, 527, 535, 538, 541, ~
192, 208, 227, 238, 240, 241, E; plcure:. 22, 23, 27, 28', 44" 52, 67·, Héraclite: 16, 25, 34, 136, 273. J[acrobe: 117, 523.
257, 258, 278, 366, 390, 428, 80, 84, 86, 106, 128. 11ermétisme ~ 221, 307 -321, ~26, 342,
Marc-Aurèle: 159, 160, 165-171,
480, 513, 514, 520, 521, 522, Erasislrale: 176,177-191,194,,195, 343, 344, 349, 350, 360, 362, 173; 174, 219, 227, 292,
528, 529, 538.· 197, 198, 200, 206, 207, 210, 211, 374, 454, 465, 468, 524, 525, 297, 408, 415, 422, 430, 454,
Cicéron: 58, 59, 60 (n~ 157), 91, 92, 217, 220, 2225, 237 ,
., 292 518 , 539. 514, ,519, 520, 524, 536, 538,
97, 102, 105, 110, 11l7, 121, 519, 536. Hérodote (médecin): 191.
53~.
125, 126, 127, 128, 130, 143, E rman.: A 336, 337• Hérophile: 171, 184, 190, 207, 208, Jlarcosiens: 281, 299.
155, 278, 470, 481, 482. esser G.: 445. 518. Maspéro: 337.
Cléanthe: 15 (n. 24), 41-61, 62, Hiéroclès: 368 ssq., 3r6, 525. S. Matthieu: 394..
E1Jsèbe: 289.
63, 68, 70, 74, 77, 79, 86, 89, Hippocrate: 175, 210. . Maxime de Tyr: 383.
2 Felclma!,": 223 (n. 1).
94, 97, 100, 102, 104, 108, 11 , HirzeZ: 40, 115 (n. 298), 130 (n. 341). •
Festugière: 402. M eillet A.: 2.
115, 118, 133, 164 (n. 439), Honorius d'Autun: 492.
Focke: 223 (n. 1). Merlan Ph.: 119 (n: 309 et 310),
155, 161, 164, 171, 173, 21, 5 iaeger W., 12, 14, 75, 110, 133 M' ncsarque: 99, 114.
226, 249, 259, 326, 366, 390, Galien: 4, 113, 111, 115, 176, 177,
(n. 348). , Modrze A.:. 120 (n. 312), 145 (n.
391, 435,447,483,487, 512,513, 178, 179,181,183,185, 186, 190~ JambZique: 361, 368, 373-383, 385, . 386).
514, 515,520, 522,523,538, 539. 191, 195, 201, 203, 206-219, 295, 525, 531, 532.
Moreau J.: 59, 60 (n. 157).
t;lément d'Alexandne: 6, 35, 429-440, 297,310,319,422,430,431, 519, S. Jean, évangéliste: 390, 427.
Jean Ohryso~tome: 269. . N émésiu8: 19, 42, 94, 95, 96, 97,
452, 456, 462, 463, 469, 485, 488, 536.
498, 510, 526, 527, 539, PS.-Galien: 197;' 198, 202. 110, 113 (n.· 293), 114,'522.
Julien, empereur~ 383.
Cratippe: 121 (n. 316), 126, 128, Ganszyniec R.: 270. N i~olaïtes: 289 ssq., 516.
S. Jus,in': 410, 421; 424 ssq., 456,
272. Geber: 342. Nock, A. D.: .404.
462, 510, 527,,532.
Nuyens: 26, 48, 60 (n. 157).
Critolall.s: 92. G,w.<Jtiqlles: 221, 287-306, 311, 316, J u~tin le Gnostique: 301 ssq:, 306.
Cumont J.: 54 (n. 139),127 (n. 335); 320, 326,333,334,342,343,344, Kant: 504. Oltrama" P.: 152 (n. 403).
Curtius, G.: 1. 345, 348, 349" 350, 351, 401, Kroll. W.: 317. Oracles Chaldéens:' 315, 317~
De Corte M.: 47, 49. 423,436, 438, ~45, 446, .462, 487, Lactance: 46~-485; 497, 509, 516, .Onoase: 194, 198.
De Faye E.: 458, 465, 466. 488, 516, 524. 521, 535, 538, 541, 542. Orig~ne:. 6, 269,.314,: 370, 451-469,
Démocrite: 67, 239, 271. Gœdeckemeyer: 11. Lebreton: 42'i. ' 481, 488, 494, 498,· 510, 517,
Descartes: 495, 503, 504, 506, 526. G071lp~rz H.: 18, 19. Leisegang H.: 4; 5, 55 (n. 141),247, 526, 528, 538, 539.
Dicéarque: 126,· 272. Rack R: K.: 73 (n. 188). 253, 254 (n. 90), 255, 256, 259 Panétiu,: Il, 90-110, 112, 113~ 114,
Diel.<J H.: 130 (n. 341). lle;"ematm, F.: 351 (n. 1), 352, 361 .. (n. 99), 306, 396. ·118, 122, 128 (n. 335), 131,
Diett'rich A.: 54, 332. Heinematm, 1.: 90 (n. 223),111, 113 Léonidas . d'Alexandrie: 191. 149-, 151, 164, (n. 439.), 227;
Dioclès: 2, 7, 12, 13, 14, 21, 518. (n. 292), 120, 123, 128, 130 (n. Lexa· F.: 336. , 326, 514, 520, .522~ gg3, 539,
Dioclétien: 339. 342), 133 (n.348)," 137, :t.~Q jJi~er~ore; ?5~, f~nf/f~"~; i2~,
56~

533.
~EX

Papyreu magiques: 221, 321-337,


DES NOMS PROPRES

S. Paul: 4, 251, 303, 398, 399 ssq.,


530, 532, 539, 541.
Pneumatistes: 191-206, 310, 519, 536.
Pohlenz M.: 106 (no 271), 110, 111,
l iND~X D~S

Schindler K.: 70 (no 181), 111, 11à


NOMS

(n.293), 114, 115, 116 (n. 301),


111.
PROrn~S

470, 4i8, ~1, 482,483,485,509,


516, 527, 535, 538, 541, 542.
Thtmistius: 434. \
418, 430, 435, 436, 438, 439, 116 (n. 301), 120, 121 (n. 316), Schmekel: 93, 130 (n. 341), 136. Théopllile cl'A."tioc1le: 410, 413 ssq.,
456, 457, 462, 465, 468, 469, 128, 129, 130 (n. 341), 272. Scipion l'Africain: 90. 424, 471, 509, 515.
483, 488; 496, 504, 526, 534. Poimandrès: 308 ssq., 319, 343, 360 )Ycott W.: 288, 289. Théophraste: 16, 35, 266.
Pérégrinos: 3M. (n. 20), 376. ·B~~ique: 51, 52, 86, 111, 132 ln. Thévenaz P.: 119 (n. 309).
Philippson B.: 98. Porphyre: 352, 361, 363-373, 377, ·845), 143-157, 158, 159, 161, Tllomas cl'Aq'û,,: 46 (n. 112), 48.
Philistion, 15, 528. 378, 383, 504, 507, 526. 163, 164 (n. 439), 166, 168, 169, Valenlinieus. 298 ssq., 306.
PhiZon: 4,5, 6, 7, 110, 168, 169, 221, Portalié: 489. 173, 227, 313, 392, 393, 415, van de .. Brt,wat"~ M.: 106 (n. 271).
236-260, 279, 280, 281, 282, Posidonius: Il, 20, 48, 92, 96, 97, _ 420, 430, 453, 470, 472, 475, van Leeuw: 337.
283, 285, 286, 295, ~7, 298, 98, 110-142, 143, 145 {no 385- 480, 481, 482, 497, 515, 520, V incent de Bea'4Vais: 342.
299, 301, 303, 311, 316, 326, 386),147, 148,151,152 (no 403),' 523, 524, 527, 538, 539. Voisitl G.: 486.
329, 330, 333, 334, 337, 348, 155, 159, 160, 163, 164 (n. Séthiens: 293 ssq., 296, 516, 517.
WeUma .. n: 12, 13, 33, 202, 205.
349, 350, 351, 352,' ~1, 387, 439), 166, 168, 169, 173, 226, Sextus Empir. ~ 82, 128, 137.
lVendlancl P.: 264 (n. 114), 360 (n.
388, 396, 398, 402, 408, 418, 164, 166, 168, 169, 173, 226, Siebeck H.: 3, 4, 260 (n. 99).
20).
423, 425, 430,· 438, 439, 454, 238, 249, 254, 255, 256, 258, Socrate: 250, 282.
lVilliger E.: 147.
456, 462, 463, 467, 498, 504, 259, 26~, 264, 281, 313, 314, 326, Soranus: 176, 177, 442.
526, 527, 531, 532, 534, 536, 348, 362, 384, 390, 391, 415,514, Sphaerfts du, Bosphoie: 90. Xénocrate: 4i, 112, 264 (no 113).
537, 539, 540. 515, 520, 523, 524, 529, 530, 539. Stein L.: 16, 49, 150 (n. 401), 163 ZeUer: 130 (n. 341), 364.
Philopon: 46 (n. 112). Prat: 407. (n. 437), 169, 170. Zénon de Cittium: 2, 3, 7, 12, 15-41,
Pistis Sophia: 304 ssq, 314, 525. Pra:xagore de C08: 179, 189,' 191, Steindorll: 337. 42, 46, 50, 61, 62, 69, 74, 79;
Platon: 4, 7, 12,14, 15, 17, 31, 33" 431, 5l8. Stoflels: 485 (n. 204), 525. 89, 94, 95, 104, 105, 106, 107,
38, 47, 50 (n. 124), 61, 63, 68, Preisigke F.: 335, 405. Strabon: 269. 109, 112, 128 (n. 335), 131, 132,
71, 72, 95, 97, 99, 100, 101, 112, ProclwI: 94, 361, 365, 368, 376, 377. Straton de Lampsaque: 29, 30, 36, 136, 149, 151, 161, 166, 171, 174,
116, 117, 118, 119 (n. 310), 122, Puech: 422, 425, 427. 52, 53. 194, 219, 221, 227, 241, 249,
127, 139, 150, 173, 178, 240, Pythagore: 27, 47, 101. Tatakis N. B.: 99, 102, 108. 273, 288, 289, 291, 332, 367, 385,
249, 254 (no 90), 258 (n..98), Redepenning: 461. Tatien: 410, 411 asq., 415,. 416 sSq., 387,415,431,432,434,445,472,
260, 262, 263, 264, 267, 283, Rein}Jardt K.: 96, 111, 114, 120, 121 , 430, 439, 441, 4.44, 452, 455, 479,508,510,·513,520,528,529,
284, 285, 286, 315, 316, 339, (no 316), 128, 132, 152 (no 403). 467,' 496, 509~ 515. 535, 537, 538.
349, 359, 361, 402, 423, 426, Reitzenstein: 302, 303, 304, 403. . ~6rtulZien: 17, 18, 19, 33, 42, 61, 83, Zénon de Tarse: 90, 103.
433, 439, 467, 480, 488, 504. Rohde E.: 112, 123 (n. 321), 130 84,· 94, 95, 157, 440·451, 469, . Zo,Îme: 338, 342, 344, 345.
523, 527, 531, 542. (n. 341).
Plotin: 63, 145, 351, 352-363, 364, Rufus: 176; 198.
373, 375, 408, 454, 455, 465, Rüsche J.: 5,6, 13, 14, 15, 260 (n.
495, . 505, 540. 99).
Plutarque: 115 (no 298), 117, 127, Sagesse: 223-236, 237, 238, 243, 247,
129, 130, 171, 221, 255, 257, 256, 257, 259, 301, 316, 326,
260-287, 313, 314, 315, .316, 329, 334, 337, 348, 349, 350, 351,
334, 342, 349, 350, 351, 3i6, 387, 405, 418, 438, 534, 536,
379, 380, 382, 396, 397, 398, 537, 539, 540, 541, 543.
121, ~25,' 428, 463, 504, 5241 Sanchuniatho~; ~88, 289, 291, ~16,
TABLE DES MATIÈRES

"PRÉF ACE . VII


. INTRODUCTION 1
1. Le sujet 1
2. Le terminus a quo 6
3. Le terminus ad quem 7
4. La méthode . 8

CHAPITRE I. - LE STOICISME Il
1. Zénon de Cittium 15
2. Cléanthe d'Assos . 41
3. Chrysippe 62
4. Panét.ius de Rhodes 90
5. Posidonius d' Apamée 110
6. $énèque . 143
7. Epictète 157
8. Marc-Aarèl~ 165

CHAPITRE II - LES ÉCOLES MÉDICALES 175


1. Érasistrate 177
2. L 'école pneu~atique 191
3. Galien 206

CHAPITRE III. "- LE SYNCRÉTISME PHILOSO-


PIDQUE ET RELIGIEUX . 221
1. Le livre de la Sagesse 223
2. Philon d 'Alexandrie 236
3. Plutarque 260
4. Les Gnostiques 287
5. La littérature hermétique 307
6. Les papyrus magiques 321
,,~ ~ alchimis~ ~3e
572 TABLE D~S MATIÈRES

CHAPITRE IV. - Le ·NÉOPLATONIS~IE . .351


1. Plotin ". 352
2. PorphyÎ-e 363 TITlES IN THIS SERIES
3. Jrmblique 374

C!IAPITRE V. - LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE . 387 Alfieri, V.E. Gli Atomisti: Frammenti e Testimonianze.
1. Le Nouveau Testament.
Bari, 1936. (Garland reprint, 1987).
." 389 Aristotle and His Influence:" Two Studies. Kurfess,
2. Les apologistes grecs 410 Hans. Zur Geschichte der Erklarung der
3. Clément d'Alexandrie 429
4. Tertullien
". aristotelischen Lehre vom sog. NQYI,llOIHTlKOI,
440 und llA8HTIKOI,. Tuningen, 1911. Düring, Ingemar.
5. Origène 451
6. Lactance Notes on the History of the Transmission of
469"
7. Apollinaire de Laodicée Aristotle's Writings. Goteborg, 1950. (Garland
485 reprint 1987).
8. Saint Augustin 489 Aristotle on Fallacies or the Sophistici Elenchi. Edward
CHAPITRE VI. - SYNTHÈSE "ET CONCLUSION
Poste. With a translation and notes. London, 1886.
511 (Gari and reprint 1987).
1. Aperçu ~ystématique de la pneumat{)logie ancienne 512 Aristotle on the Parts of the Animais. W.Ogle.
2. L'évolution de la pneumawlogie ancienne . 535 London, 1882. (Gari and reprint 1987).
Aristotle. Nicomachean Ethics. Edited with
Liste alphabétique des principaux ouvrages cités. . 545 commentary by G. Ramsauer. Leipzig, 1878.
Index des oitations . 553 (Gari and reprint, 1987).
Index des noms propres 565 Astius, Frederic. Platonis Leges Et Epinomis: ad
Table des matières . 571 optimorum liborum fidem emendavit et perpetua
adnotatione illustravit F.A. Leipzig, 1814. (Garland
reprint, 1987).
Bochenski, I.M. La Logique de Théophraste. Fribourg
en Suisse, 1947. (Gari and reprint, 1987).
Boethius. Commentaries on Aristotles's De
Interpretatione: ANICII MANUI SEVERINI BOETII "
COMMENTARIIIN LlBRUMllEPI EPMHNEIAI,. Recensuit
C. Meister. Leipzig, 1877; 1880. (Gari and reprint,
1987).
Boyancé, P. Études sur le Songe de Scipion. Li moges,
1936. (Garland reprint, 1987).
Bremond, A. Le Dilemme Aristotélicien. Paris, 1933.
(Gari and reprint, 1987).
Faust, A. Der Moglichkeitsgedanke.
Chevalier, Jacques. La Notion du Nécessaire chez Systemgeschichtliche Untersuchungen. Erster Teil,
Aristotle et chez ses prédécesseurs particulièrement Heidelberg, 1931. Zweiter Teil, Heidelberg, 1932.
chez Platon. Paris, 191 s. (Gari and reprint, 1987). (Garland reprint 1987). .
Clement of Alexandria. Miscellanies, Book VII. The Freudenthal, J. Die Durch Averroes Erhaltenen
Greek text with introduction, translation, notes ... Fragmente Alexanders zur Metaphysik des
by F.j.A. Hort and j.B. Mayor. London, 1902. Aristoteles. Berlin, 1885. (Garland reprint 1987).
(Garland reprint, 1987). Gassendi, P. An ima dvers ion es in Decimum Librum
Cornford, F.M. Selected Papers. Edited with an Diogenis Laertii. Paris, 1649. (Gari and reprint
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Cumont, Franz. Lux Perpetua. Paris, 1947. (Garland Griechischen Skeptizismus. Leipzig, 1905 (Garland
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Düring, Ingemar. Herodicus the Cratetean. A Study in Beitrage sur Geschichte der Griechischen
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reprint, 1987). reprint 1987).
Early Greek Thought: Three Studies. E. Hofmann. Knauer: Three Studies. George Nicholas Knauer. 1.
Qua ratione E1tOÇ, Jlu'ÔOç, atvoç, Âoyoç et vocabula Die Psalmenzitate in den Konfessionen Augustins.
1I
Gottingen, 1955. 2. UPeregrinatio animae. Zur
ab eisdem stirpibus derivata in antiquo graecorum
Frage nach der Einheit der augustinischen
sermone usque ad annum fere 400 adhibita sint. 1I
Konfessionen. Hermes 85, 1957. 3. IISarabara.
Gottingen, 1922. j.W. Beardslee. The Use of qromç Glotta 33, 1954. (Garland reprint 1987).
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Edelstein, Ludwig. Selected Philosophical Papers. 1987).
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epicurei commentarium moralem subiecit A. EIKDN. Eine Begriffsgeschichtliche Untersuchung
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