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Cours d’introduction au Droit

Pacôme FIÉNI,
Juriste-analyste

Introduction
-Pourquoi un cours d’introduction au Droit pour des étudiants inscrits en science économique et de
gestion ?
Le Droit est un phénomène social qui influence considérablement les rapports humains. Il imprègne
presque tous les aspects de la vie humaine : naissance, emploi, loisir, mariage, divorce, décès, etc.
Personne ni aucune activité humaine n’a vocation à échapper au Droit. Il importe d’approcher ce
phénomène social, d’en connaître les ressorts (caractères, sources, application, langage, méthodes,
autorités de mise en œuvre, etc.).
-Plan : L’existence du Droit (1re Partie) ; Les moyens de mise en œuvre du Droit (2e Partie).

1re Partie : L’existence du Droit


Nécessité du Droit. « Ubi societas, ibi jus » (là où il y a société, il a Droit). La vie en société n’est
possible que par l’existence d’un ensemble de règles assurant, garantissant l’harmonie des rapports
sociaux. Hors d’une régulation des rapports humains, la vie en société est inconcevable.
Par ailleurs, sans société, le Droit ne peut exister (cas de Robinson Crusoé, seul sur son île). Le Droit
n’a de sens qu’en société.
Acception duale du mot « Droit/droit ». Droit : ensemble de règles destinées à réguler les rapports
sociaux sous la menace de la sanction publique.
Le Droit est aussi saisi comme un ensemble de prérogatives accordées ou reconnues aux individus par
le Droit positif (Droit qui régit la société). Ex. : droit pour un créancier d’exiger de son débiteur le
paiement de ce qui lui est dû, droit pour l’employé de recevoir son salaire, droit pour l’artiste
d’exploiter son œuvre, etc.
Chapitre 1 : Le Droit objectif (Droit régulateur)
-la règle de Droit (section 1) ; les sources et l’application du Droit (section 2)
Section 1 : La règle de Droit
-les caractères de la règle de Droit (paragraphe 1) ; la règle de Droit et les autres règles de conduite
(paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les caractères de la règle de Droit
I/ Les caractères endogènes
A- Le caractère obligatoire
-la règle implique un ordre, un commandement : elle prescrit de faire quelque chose ou de s’abstenir
de faire quelque chose. Elle dicte un comportement à suivre.
B- Le caractère abstrait
-règle général, ne visant personne en particulier

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La règle de droit ne vise donc pas les individus nommément désignés mais un groupe d’individus se
trouvant dans la situation définie à l’avance par la règle. Ex : la loi sur le mariage s’applique et ne
s’applique qu’aux personnes qui ont convolé en noces. L’impersonnalité de la règle constitue une
garantie contre l’arbitraire puisque la règle n’est pas prise en faveur ou au détriment d’un individu.
II/ Les caractères exogènes
A- La contrainte étatique
-c’est l’État, à travers les organes habilités à cet effet, qui dispose de la contrainte en vue de parvenir
au respect de la règle de Droit. En cas de violation d’une prescription juridique, l’État a le pouvoir de
sanctionner.
La société contraint ainsi, par une pression extérieure pour faire régner l’ordre, à l’observation de la
règle qu’elle édicte. Il est traditionnellement considéré que la contrainte est l’élément fondamental qui
différencie la règle de Droit des autres règles de vie sociale. Il ne pourrait en effet être possible de
garantir la stabilité de la vie sociale que s’il y a des règles dont une autorité assure le respect. La force
est donc un élément nécessaire à l’efficacité de la règle de Droit. Il est donc constant que la règle
sociale obligatoire que constitue le Droit ne pourra atteindre sa pleine efficacité qu’à la condition de
s’appuyer sur la force et même d’inclure cette force en elle-même. Cette force ne crée pas la règle
mais elle s’attache à elle de façon sous-jacente. Il ne s’agit cependant pas de la force sauvage mais de
la force qui émane d’un pouvoir organisé pour régir les rapports des individus, des groupes dans la
société. C’est « la violence légalisée ».
B- La finalité de la règle
-la règle de Droit a une fin (but) sociale : elle vise à organiser la vie en société ; à y assurer la paix.
Paragraphe 2 : La règle de Droit et les autres règles de conduite
I/ Droit et morale
La morale désigne une considération régulatrice des comportements. Elle est considérée comme un
art, l’art de bien vivre, l’art de vivre comme il convient à un être humain, c'est-à-dire l’art de bien
utiliser sa liberté pour faire le bien et éviter le mal.
Différences. Les éléments utilisés traditionnellement pour distinguer le Droit de la morale sont leurs
sources, leurs contenus et les sanctions qui s’attachent à chacune de ces disciplines.

- Concernant la source : l’on considère que tandis que la source du Droit réside dans la volonté
des autorités qui l’édictent, celle de la morale résulte de la Révélation divine et/ou de la
conscience individuelle.

- Concernant leurs contenus : l’on avance que tandis que le droit régit les rapports entre les
hommes (le for externe), la morale couvre seulement ce qui est en relation avec notre
conscience (le for interne), voire avec la divinité.

- En ce qui concerne les sanctions, l’on remarque, comme pour les préceptes religieux, que la
violation des règles morales, au contraire de la violation des règles de Droit, constitue une
trahison des exigences de sa conscience (qui peuvent être dictées par la religion). La sanction
est la réprobation interne (de notre conscience) que l’on subit.
Rapprochements. Tout d’abord au niveau de l’objectif du Droit : celui-ci se trouve dans la recherche
d’un idéal de justice tout comme la morale.

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- Ensuite, au niveau du contenu du Droit : les notions et règles morales peuplent l’univers du
Droit. On peut citer à cet égard les notions de bonnes mœurs et de moralité publique, la notion
de loyauté dont le Code civil (article 1134 alinéa 3) exige qu’elle guide les cocontractants
dans l’exécution des engagements auxquels ils ont librement consenti. La loyauté est
également exigée en Droit processuel car elle doit guider les parties dans l’administration de la
preuve.
En droit bancaire, la préoccupation morale transpire dans les obligations d’information, de conseil et
de sincérité imposées au banquier dans le but de protéger l’emprunteur. En Droit boursier, les
principes de transparence des marchés et d’égalité des compétiteurs sur le marché ont une forte
connotation morale. Il en va de même de la condamnation des fraudes de tous genres et de l’exclusion
de l’héritier indigne du bénéfice de la succession.
II/ Droit et religion
La religion est communément définie comme un ensemble de croyances et de dogmes définissant le
rapport de l’homme avec le sacré. Toute religion comporte des préceptes, c'est-à-dire des règles et des
enseignements.
L’on a pu soutenir que le Droit et la religion sont, traditionnellement, deux aspects distincts de la vie
de l’homme.
Différences. Au regard de leur finalité, l’on avance qu’alors que le Droit a exclusivement pour
finalité de régir les rapports sociaux, la religion, quant à elle, enseigne aux hommes la connaissance de
Dieu et les pratiques à observer pour lui plaire et jouir à la mort de la vie éternelle.
Au regard du contenu des règles, si certaines règles de Droit coïncident avec les préceptes religieux
(Ex : ne pas voler, ne pas tuer, ne pas commettre l’adultère…) d’autres leur sont complètement
étrangères (Ex : la règlementation routière) ou même contraires (Ex : l’avortement).
Au regard de la sanction de leur violation, tandis que la violation de la règle de droit appelle des
sanctions diverses édictées par l’autorité publique, celle des préceptes religieux réside dans la
possibilité pour le pécheur de perdre la vie éternelle.
Rapprochements. Il reste cependant que dans certains États dits « États religieux » (Ex : Républiques
Islamiques), le groupement social est si particulièrement imprégné par la religion que la distinction des
règles de Droit des préceptes religieux devient difficile, sinon artificielle. En outre, l’analyse attentive
des systèmes juridiques révèle que la plupart des ensembles juridiques qui les composent ont été
fortement influencés, sinon tirés de diverses religions (Ex : cas du système romano-germanique dont
les liens avec la religion chrétienne ne peuvent être niés).
Par ailleurs, la religion elle-même peut créer son propre système juridique. Tel est le cas de l’Église
Catholique qui dispose d’un code spécifique, appelé « code de droit canonique ». Ce code est le Droit
qui règle ou mesure les relations humaines au sein de l’Église Catholique et les rapports des hommes
avec cet « Autre » très particulier qu’est Dieu. C’est un Droit d’essence religieuse car sa finalité
première est d’organiser le corps des fidèles de sorte que chacun soit en mesure de réaliser le bien
commun de l’Église : la sainteté de tous et de chacun des fidèles.
La religion musulmane ne possède pas de code à l’instar de la religion catholique. Toutefois, elle
contient des prescriptions à valeur normative qui règlent la vie des fidèles. Les sources du droit
musulman sont :

- Le Coran, qui pose un certain nombre de préceptes, immuables, devant guider la vie humaine ;

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- Le Sunna et les Hadiths, que sont les paroles du prophète durant sa vie terrestre ;

- L’Ijmaa, ou Accord unanime de la communauté musulmane en ses représentants qualifiés ;

- Le Kyas, ou raisonnement par analogie.

Dans l’élaboration de la loi musulmane, on accorde un rôle considérable au prophète de l’Islam. Après
lui, ses compagnons développeront ce commentaire (les Hadiths). Le Coran et les Hadiths forment la
charia, enseignée par la parole de Dieu, et l’exemple du prophète, qui impose au musulman, pris en sa
qualité de croyant, l’ensemble de ses obligations d’homme et de citoyen d’une théocratie. La charia
réglemente sa vie religieuse, aussi bien politique, que sociale. Elle dicte son statut familial, édicte le
droit pénal, le droit public et le droit international.
III/ Droit et justice
La justice est une vertu, c'est-à-dire une disposition constante à faire le bien. Elle s’oppose au vice qui
est une disposition constante à faire le mal. La vertu perfectionne l’homme car elle lui permet non
seulement d’accomplir des actes bons mais également de donner le meilleur de lui-même.
La définition classique de la justice plonge ses racines dans le droit romain : « La justice est la volonté
ferme et constante de donner à chacun ce qui lui est dû ». La justice impose de reconnaître les droits
et devoirs mutuels des citoyens et demande que « l’on donne à chacun ce qui lui est dû ». Dans ce
sens, la vertu de la justice concerne les relations des hommes dans leur convivialité afin d’atteindre le
bien commun dans les relations humaines. Il est classique de distinguer la justice commutative
destinée à régler les échanges conformément à une égalité simple, arithmétique, et la justice
distributive qui s’attache plutôt à une répartition des biens, des avantages, des richesses
proportionnellement aux capacités de chacun ; ce qui correspond à une égalité géométrique.
Différence. On sépare traditionnellement les deux notions à travers leur finalité. Le Droit semble se
préoccuper plus de la sécurité que de la justice. D’ailleurs, certaines règles de Droit heurtent la
justice : la prescription acquisitive qui permet au détenteur du bien d’autrui d’en devenir propriétaire
au détriment du véritable propriétaire. On estime que la sécurité (la tranquillité sociale) interdit de
bouleverser une stabilité qui s’est établie sur l’apparence.
Rapprochement. La justice fait aussi partie des finalités du Droit. Car la paix sociale rechercher par le
Droit implique une juste répartition des mérites et des devoirs de chacun suivant des critères objectifs
définis dans la société. Pour appliquer le Droit dans la quasi-totalité des États, on remarquera que le
siège des institutions (tribunal et cour) est souvent désigné par l’appellation « Palais de justice ».
IV/ Droit et règle de bienséance
-Bienséance : qualité de ce qui sied, convenance, manière perçue comme adéquate de se conduire dans
la société. C’est l’exemple des règles de courtoisie ou de civilité (par exemple : se lever pour laisser la
place à une personne plus âgée dans le bus).
Différence. La méconnaissance de la règle de bienséance est dépourvue d’action en justice.
Rapprochement. La règle de bienséance, à l’instar de la règle de Droit, est pourvue d’une sanction
(par exemple : la réprobation sociale ou la raclée infligée par les parents).
Section 2 : Les sources et l’application du Droit
Paragraphe 1 : Les sources du Droit
-Forces créatrices du droit (qui font émerger les règles de Droit).

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I/ Les sources formelles
Les sources formelles sont celles qui puisent leur force dans l’autorité des pouvoirs constitués de l’État
(pouvoirs exécutif, législatif et judicaire). Ce sont les textes normatifs et la jurisprudence.
A- Les textes normatifs

1- Les types de textes normatifs


-textes normatifs d’origine interne et textes normatifs d’origine internationale.
a) Les textes normatifs d’origine interne

 La loi
-stricto sensu : texte adopté par le Parlement. Mais, une loi particulière est la Constitution, qui est
adoptée directement par le peuple par le moyen du référendum.
La loi constitutionnelle. C’est celle qui détermine la forme de l’État, la dévolution et l’exercice du
pouvoir. La Constitution occupe la première place dans la hiérarchie des lois et de l’ordre juridique en
général car elle détermine l’autorité habilitée à faire la loi et les grands principes destinés à guider le
législateur.
En outre, la Constitution obéit à une procédure particulière pour son élaboration et pour son adoption.
Tous les textes légaux doivent lui être conformes. Toute loi qui irait à l’encontre de la Constitution est
irrégulière. La charge d’assurer le contrôle de la constitutionnalité des lois est dévolue au Conseil
constitutionnel qui peut, à cet effet, être saisi par le Président de la République, le Président de
l’Assemblée Nationale, un dixième des députés, les groupes parlementaires et les associations de
défense des droits de l’homme légalement constituées lorsqu’il s’agit de lois relatives aux libertés
publiques. Les décisions rendues par le Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours et
s’imposent aux pouvoirs publics, à toute autorité administrative, juridictionnelle, militaire et à toute
personne physique ou morale.
La loi proprement dite. On distingue :
- La loi organique : c’est une loi votée par le parlement pour préciser ou compléter les
dispositions de la Constitution. Elle a pour objet de régir les institutions, structures et systèmes
prévus ou qualifiés comme tels par la Constitution. Elles sont votées et modifiées selon une
procédure particulière prévue par la Constitution (le projet de loi organique est soumis à
délibération et au vote à l’expiration d’un délai de 15 jours après son dépôt et est votée à la
majorité des 2/3 des membres de l’Assemblée Nationale) Ex : loi organique fixant les règles
d’organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel, les procédures et les délais, loi
organique relative à la Cour de cassation, loi organique relative au Conseil supérieur de la
magistrature, la loi organique relative à la Haute Cour de justice. La loi organique a une force
juridique supérieure à celle des lois ordinaires qui doivent lui être conformes sous peine
d’inconstitutionnalité.
- Les lois ordinaires : ce sont les lois votées par le Parlement selon la procédure législative
établie par la Constitution et dans l’une des matières que la Constitution lui réserve
expressément. Parmi ces lois, qui sont nombreuses, quatre présentent des caractères originaux.
Ce sont les lois de finances qui prévoient et autorisent pour chaque année civile l’ensemble
des ressources et des charges de l’État, les lois de programme qui fixent les objectifs de
l’action économique et sociale de l’État, les lois-cadre qui se bornent à poser des principes
généraux en laissant au gouvernement le soin de les développer en utilisant son pouvoir
réglementaire et les lois d’orientation.

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- Les ordonnances : ce sont des actes émanant du gouvernement avec l’autorisation du
parlement dans une des matières relevant du domaine de la loi. La Constitution reconnaît en
effet au Président de la République la possibilité, pour l’exécution de son programme, de
demander à l’Assemblée Nationale, l’autorisation de prendre, par ordonnance, pendant un
délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Ces ordonnances sont
prises en conseil des ministres après avis éventuel du Conseil constitutionnel. Elles doivent,
sous peine de caducité, être ratifiées par l’Assemblée Nationale avant la date fixée par la loi
d’habilitation.
 Le règlement administratif
Le règlement administratif est un acte de portée générale et impersonnelle édicté par les autorités
exécutives compétentes. Il peut être pris pour assurer l’exécution d’une loi. C’est le règlement
d’application, qui ne tire pas sa valeur de la seule autorité qui l’a édicté, mais doit s’appuyer sur une
loi antérieure dont il se présente comme une mesure d’exécution. Le règlement d’application ne doit
donc pas contenir des dispositions contraires à celles de la loi à laquelle il est subordonné.
Le règlement peut au contraire être autonome. Il émane, en ce cas, de la seule initiative de l’autorité
exécutive dans les matières autres que celles réservées à la loi : c’est l’exercice spontané et à titre
exclusif du pouvoir règlementaire.
Le règlement autonome est directement subordonné à la Constitution et aux principes généraux de
Droit et non à la loi.
Du point de vue formel (de leur forme) on distingue :
- Les décrets : ce sont des actes réglementaires pris par le Président de la République en conseil
des ministres (décrets en conseil des ministres) ou en dehors du conseil des Ministres (décrets
simples) ;
- Les arrêtés : ce sont des actes règlementaires émanant d’un ministre ou de plusieurs ministres
(arrêtés ministériels ou interministériels) et d’autres autorités administratives telles que les
préfets (arrêtés préfectoraux), les maires (arrêtés municipaux).
Signalons que les circulaires ministérielles ont pour unique objet de préciser et de faire connaître aux
différents services du ministère l’interprétation officielle que le ministre donne de tel ou tel texte de
loi. Elles n’ont pas en principe pour objet de créer des règles de Droit. Quant aux instructions
ministérielles, ce sont des directives données par un ministre à ses services relativement à la manière
d’appliquer la loi. Ce sont donc des documents internes à un département ministériel.
b) Les textes normatifs d’origine internationale
-traités internationaux et textes communautaires
Traité international. Le traité est un accord conclu entre États ou autres sujets de la société
internationale comme les organisations internationales, en vue de produire des effets de droit dans
leurs relations mutuelles. Le traité international contient souvent, à côté des clauses intéressant les
rapports entre les États contractants, des règles de droit privé notamment en ce qui concerne la
situation de ressortissants de ces États. Les traités ou accords sont négociés par le Président de la
République. Lorsqu’ils modifient les lois internes de l’État, ils ne peuvent être ratifiés qu’à la suite
d’une loi. Lorsqu’une clause du traité a été déclarée par le Conseil constitutionnel contraire à la
constitution, sa ratification ne peut intervenir qu’après la révision de la Constitution.
Les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle de
la loi sous réserve pour chaque traité ou accord de son application par l’autre partie (articles 119 à 123
de la Constitution du 8 novembre 2016).

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Texte communautaire. Texte pris par une institution communautaire en vue de régir certains
domaines ou secteur de l’espace communautaire. Les textes communautaires les plus importants sont :
le règlement (s’applique directement dans l’ordre interne) et la directive (nécessite un texte de
transposition pris dans l’ordre interne pour en assurer l’exécution). Ex : Règlement n° 15/
2002/CM/UEMOA relatif aux systèmes de paiement dans les États membres de l’UEMOA.
2- Les conditions d’application des textes normatifs

a) La promulgation
La promulgation est l’acte par lequel le Président de la République authentifie l’existence et la
régularité de la loi et donne l’ordre de se conformer à ses prescriptions. L’article 1 er du Code civil
énonce à cet égard que « Les lois sont exécutoires dans tout le territoire ivoirien, en vertu de la
promulgation qui en est faite par le Président de la République ». La date de la promulgation devient
la date de la loi. Lorsque plusieurs lois sont promulguées le même jour, on les distingue à la fois par
leur date et par un numéro d’ordre au sein de chaque année.
La promulgation constitue pour le Président de la République une « compétence liée » (ce n’est pas un
pouvoir discrétionnaire) ; ainsi, il a l’obligation de promulguer la loi. Il ne peut bloquer la mise en
œuvre de la loi en refusant de la promulguer.
La formule de promulgation se présente ainsi : « L’Assemblée nationale a adopté, le Président de la
République promulgue la loi dont la teneur suit : … ».
b) La publication
Si la promulgation est l’ordre d’exécuter la loi, la publication a pour objet de porter le texte à la
connaissance du public. En principe, la publication se fait par voie d’insertion au Journal Officiel. En
cas d’urgence, la publication peut être faite par voie d’affichage dans chacune des préfectures, dans la
presse quotidienne ainsi que de façon radiodiffusée au moyen de trois communiqués officiels.
La publication est une condition d’opposabilité du texte au tiers. Un texte promulgué et publié devient
obligatoire pour tous et nul ne peut se soustraire à son application sous prétexte d’ignorance en vertu
du principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi ». Cette fiction juridique assure la stabilité
sociale car on ne peut raisonnablement faire dépendre l’application des textes ni de la volonté de les
connaître ni de leur connaissance effective par les sujets de Droit.
La publication rend la loi applicable, mais elle n’entre pas immédiatement en application. Elle entre en
vigueur à l’issue de l’épuisement d’un délai légal.
c) L’entrée en vigueur
C’est le moment où le texte devient opposable (produit ses effets) aux tiers. L’article 1 er du décret n°
61-175 du 18 mai 1961 fixant les modes de publication des lois et actes règlementaires dispose que
« Les lois, ordonnances, décrets, arrêtés, et règlements sont applicables sur le territoire de la
République de Côte d’Ivoire trois jours francs après leur publication au Journal Officiel de la
République de Côte d’Ivoire ».
Un délai est « franc » lorsqu’en le computant (en l’évaluant), on ne prend ni en compte le jour de sa
publication ni le dernier jour.
d) L’abrogation
L’abrogation entraîne la fin d’application du texte. L’abrogation peut être expresse (elle figure
expressément dans un nouveau texte qui vient en remplacer un autre. La formule d’abrogation se
trouve généralement dans les dispositions finales du texte) ou implicite (le nouveau texte contredit

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l’ancien soit entièrement, soit partiellement. L’incompatibilité entre les deux textes a pour
conséquence d’entrainer l’abrogation du texte ancien au profit du nouveau. S’il s’agit de deux règles
générales ou de deux règles spéciales, la plus récente sera donc seule applicable. Mais lorsqu’il s’agit
d’une incompatibilité entre une règle générale et une règle spéciale, notamment lorsque la loi nouvelle
édicte une règle spéciale alors que la loi ancienne avait une portée plus générale, on admet la
coexistence des deux textes, la loi nouvelle étant considérée comme une exception par rapport à la loi
ancienne). En vertu du principe de la hiérarchie des textes, un texte ne peut en abroger un autre que
s’il se trouve à un degré au moins égal dans la hiérarchie avec celui-ci.
L’abrogation des textes pose un problème important qui est le suivant : un texte peut-il être abrogé par
désuétude, c’est-à-dire par le non-usage ou un usage contraire prolongé ?
La réponse est claire : un texte ne peut être abrogé par désuétude. Le législateur, autorité organisée et
ayant reçu pouvoir de la Constitution, est seul à avoir le droit de révoquer les ordres qu’il a donné.
Cette réponse mérite cependant d’être nuancée notamment relativement à la coutume.
B- La jurisprudence
La jurisprudence est traditionnellement définie comme l’ensemble des décisions rendues par les
juridictions sur une question de droit. Plus précisément, on appelle jurisprudence l’ensemble des
décisions de justice rendue pendant une certaine période soit dans une matière donnée (Ex :
jurisprudence immobilière) soit dans une branche de Droit donnée (Ex : jurisprudence commerciale ou
sociale) soit dans l’ensemble du Droit.
1- L’existence de la jurisprudence
L’existence de la jurisprudence suppose l’existence de décisions de justice qui ont été rendues sur des
questions de droit dans le cadre d’une procédure contentieuse, c'est-à-dire dans le cadre d’une
contestation que la décision de justice vient trancher. On parle de jurisdictio, expression latine
désignant le pouvoir dont est investi le juge de dire le Droit en répondant à une situation de fait dont il
est saisi.
Le juge a toujours l’obligation de juger même quand la loi qu’il doit appliquer est obscure, incomplète
ou muette. L’article 4 du Code civil énonce à cet égard que « Le juge qui refusera de juger, sous
prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme
coupable de déni de justice ». Le déni de justice est pénalement réprimé. Les décisions du juge sont
fondées sur le Droit et non sur l’équité et elles sont toujours motivées car le juge est obligé de donner
les raisons pour lesquelles il prend cette décision.
Elles ne peuvent comporter de dispositions générales et réglementaires. En effet, le Code civil interdit
aux juges de se prononcer de cette façon sur les causes qui leur sont soumises. Ainsi, à l’occasion d’un
litige portant sur la validité d’une vente de produits cosmétiques, le juge ne peut édicter lui-même les
conditions de validité de cette vente. Les décisions du juge sont limitées aux causes qui lui sont
soumises. Entre les parties concernées par le litige ces décisions ont l’autorité de la chose jugée. Mais
cette autorité est relative en ce que la solution donnée ne vaut que pour l’espèce à propos de laquelle
elle a été rendue. Le précédent auquel le juge peut se référer ne s’impose pas à lui au contraire des
pays anglo-saxons où, en raison de la valeur obligatoire du précédent judiciaire, les tribunaux sont liés
par les décisions rendues dans des affaires semblables par les juridictions supérieures.
2- Le débat sur la nature de la jurisprudence
On s’est toujours demandé, et la question agite encore les esprits, si la jurisprudence était une source
du Droit. Deux groupes de pensée existent, l’une soutenant que la jurisprudence ne peut être regardée
comme une source du Droit, le juge n’étant que le serviteur du Droit, l’autre affirmant que le juge est

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potentiellement doté du pouvoir de créer le Droit, établissant ainsi la jurisprudence comme une source
indéniable du Droit.
a) Thèse niant la qualité de source du Droit à la jurisprudence
Cette thèse repose essentiellement sur deux idées : la mission du juge est de dire le Droit ; ce faisant, il
lui est soumis.
Dire le Droit. Le juge est institué pour parler au nom et pour le compte du Droit. Il est le mandataire
du Droit positif. Il est à son service. C’est par lui que le Droit se met en mouvement. Mais, cette mise
en mouvement n’est pas désordonnée. Elle suit le sens voulu par le Droit positif applicable. Il ne peut
en être autrement, en ce sens qu’un mandataire ne fait que traduire la volonté de son mandant. Ce
mandant, c’est le peuple, ce corps souverain qui est l’auteur des règles régissant la société, en tout cas
dans les sociétés démocratiques.
Les règles émanent soit directement de lui, soit en émanent indirectement. Elles proviennent
directement du peuple lorsqu’il a été appelé à décider par une consultation directe, laquelle se réalise
par la voie du référendum. Ce procédé de consultation directe du peuple est usuel, notamment lorsqu’il
s’agit de l’adoption d’une Constitution. Le peuple ivoirien a, d’ailleurs, eu l’occasion de se prononcer
directement sur le projet de Constitution de la 3 e République dont les termes lui ont été proposés en
2016. Ayant adopté le texte, celui-ci tient lieu de nouvelle loi fondamentale obligatoire pour tous. Le
juge devra en assurer l’application effective. Il devra, de même, veiller à l’effectivité des autres textes
adoptés par les autorités de représentation du peuple. Le fait que ces textes aient été adoptés, non pas
directement par le peuple souverain, mais par ses représentants, n’enlève rien à leur valeur juridique.
Au surplus, il est permis de noter que la raison d’être du juge c’est d’assurer le rayonnement du Droit
en vigueur dans la société. Il est véritablement un porte-parole, qui se met au service du Droit.
L’article 143 de la Constitution du 8 novembre 2016 le rappelle quand il indique que la Justice est
rendue sur le territoire national, au nom du peuple ivoirien, par la Cour suprême, la Cour des comptes,
les Cours d’appels, les tribunaux de premières instances, les tribunaux administratifs et les Chambre
régionales des comptes. Comme on le voit, du Droit en vigueur dans l’État, le juge est l’exécutant.
Cela rejoint d’ailleurs l’opinion de l’éminent Professeur Francis WODIÉ, qui faisait remarquer, dans
sa réflexion sur le juge et la loi, expressis verbis, que la fonction juridictionnelle est « une opération
d’exécution ou d’application de la loi ». CARRÉ DE MALBERG ne disait pas autre chose quand il
observait que la fonction judiciaire constitue une activité de nature exécutive. Si la condition du juge
c’est d’appliquer le Droit, cela montre bien qu’il ne peut en être la source puisqu’il n’existe que pour
son application.
Conçu ainsi comme devant se borner à n’être que « la bouche qui prononce les paroles de la loi »,
selon la formule de MONTESQUIEU, le juge n’a d’autre choix, alors, que de se soumettre au Droit.
Soumission au Droit. Le juge est soumis au Droit de deux manières : à travers sa loyauté aux termes
dans lesquels s’expriment les textes dans l’accomplissement de sa mission.
La loyauté renvoie, ici, à la fidélité à une promesse. Le juge fait le serment d’être un bon juge,
d’appliquer la loi, de n’appliquer que la loi. Dans l’exercice de sa fonction, il ne peut trahir son
serment, en dévoyant, intentionnellement, le sens des textes pour soigner, arbitrairement, les intérêts
d’une partie au détriment d’une autre. Il doit agir comme un arbitre, sans être arbitraire. Pour ce faire,
il ne doit s’en tenir qu’aux dispositions précises contenues dans les textes applicables. En toutes
circonstances, le juge doit décider selon la loi. Le Droit positif est sa boussole ; il ne doit pas s’en
détourner pour faire prévaloir ses convictions. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est fait
interdiction au juge de statuer en équité. Un juge qui statue selon l’équité, c’est un juge qui se laisse
gouverner par sa propre conception de l’idée de justice. Une telle attitude constitue une porte ouverte à
l’arbitraire et à l’insécurité juridique et judiciaire. En pareille occurrence, en effet, il est probable que

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d’un juge à un autre, l’on assiste à des solutions différentes sur une question, tous n’ayant pas
forcément la même approche de ce qui est juste ou non dans un cas déterminé.
Pour autant, en dépit de l’interdiction adressée au juge de se soustraire aux termes de la loi, cela ne l’a
pas empêché de prendre, quelques fois, des libertés avec ces termes, sans que cela ait été désapprouvé.
L’exemple le plus frappant est, sans doute, celui du juge MAGNAUD qui, lors d’une audience le 4
mars 1898 du tribunal dans lequel il siégeait, refusa de condamner une veuve, auteur d’un vol. Il a
considéré que le contexte particulier qui entourait le vol justifiait celui-ci. La veuve avait, en effet,
volé du pain dans le contexte d’une disette, alors qu’elle avait une mère et un bébé à charge, qui
n’avaient pas mangé deux jours durant. On voit bien que le juge, ici, se positionne comme juge de la
loi, qu’il a pu considérer comme injuste par rapport à la situation singulière qu’il avait à examiner.
Normalement, ce n’est pas ce qui est demandé au juge ; il n’a pas à porter de jugement de valeur sur la
loi.
b) Thèse reconnaissant la qualité de source du Droit à la jurisprudence
Le juge exécute une fonction créatrice indéniable vis-à-vis du Droit. On peut, d’une part,
l’appréhender comme créateur de Droit, à travers la reconnaissance implicite du droit d’en créer. Il est
possible, d’autre part, de voir dans la reprise de précédents jurisprudentiels la confirmation de ce rôle
créateur du juge.
Le Droit implicite de créer le Droit. PORTALIS, l’un des rédacteurs du Code civil, constatait qu’il
était impossible pour le législateur, même le plus averti, de tout anticiper, de tout prévoir. Ces propos
qu’il tint, à l’occasion de son célèbre discours préliminaire au projet de Code civil, sont éloquents à cet
égard : « Tout prévoir est un but qu’il est impossible d’atteindre » constatait-il ; car, poursuivait-t-il,
« un code quelque complet qu’il puisse paraître, n’est pas plus tôt achevé, que mille questions
inattendues viennent s’offrir au magistrat ». La loi, qui a vocation à tout envisager pour le régir, peut
être lacunaire, insuffisante, inexistante parfois.
Face à cette occurrence, le juge doit-il se garder de statuer ? Doit-il attendre que le législateur lui
fournisse la matière nécessaire à son intervention ?
L’article 4 du Code civil donne une réponse négative à ces interrogations. En voici les termes  : « Le
juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi,
pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ». Aucun mystère ne règne sur le sens de
cette disposition. Le juge doit statuer, en toutes circonstances, qu’il y ait une règle applicable ou que
celle-ci soit ambiguë, ou encore qu’il n’y ait aucune règle en la matière. Le juge n’a pas le choix  : il
est condamné à juger, donc à créer. Il est contraint de créer, d’élaborer une règle de Droit qui
s’appliquera au litige qui lui est soumis. Comblant les lacunes du législateur, il se place, de fait, devant
la circonstance, dans la fonction de législateur. Ce n’est certes pas un législateur, au sens premier du
mot, mais, quand se présente une situation de vide juridique, le juge prend, indiscutablement, les
habits de législateur. À cet égard, le Droit suisse offre une illustration intéressante qu’il convient
d’évoquer.
En effet, l’article 1er du Code civil suisse corrobore le rôle créateur du juge, mais de manière encore
plus directe que notre Droit. Il dispose, ainsi, que : « à défaut d’une disposition légale applicable, le
juge prononce selon le droit coutumier, et à défaut d’une coutume, selon les règles qu’il établirait s’il
avait à faire acte de législateur ».
Fort de cette option que lui offre, implicitement, le Droit ivoirien (explicitement, en Droit suisse), le
juge a usé de son rôle créateur à maintes reprises. Un exemple suffira, cependant, pour édifier : il
s’agit de la signification du silence dans la formation du contrat. On sait que selon la formule célèbre
commune « qui ne dit mot consent » ; autrement dit, celui qui ne dit rien est considéré, en principe,
comme ayant marqué son accord à la proposition qui est faite. En Droit, on ne savait pas quel sens il

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fallait donner au silence d’un individu, le législateur n’ayant pas traité cette question. Le juge fut
confronté à la question et, face au silence du législateur, décida qu’en Droit, le silence ne signifie pas
consentement. En d’autres termes, et contrairement à la maxime générale, il retint qu’en Droit, qui ne
dit mot ne consent pas.
La règle ainsi dégagée par le juge pour combler la lacune du législateur est aujourd’hui bien ancrée en
Droit positif, car constamment reprise par les juridictions. Ce procédé de reprise des solutions
jurisprudentielles passées est la confirmation, s’il en était encore besoin, du rôle créateur joué par le
juge.
La reprise des précédents jurisprudentiels. Un précédent est un usage déjà établi. Fort de cette
définition, il est aisé de comprendre le précédent jurisprudentiel comme une solution déjà établie. Il
peut paraître curieux et, a priori, peu pertinent de tirer argument de la pratique des précédents
jurisprudentiels pour renforcer l’affirmation suivant laquelle le juge a un rôle créateur. On serait porté
à le penser, dans la mesure où notre système juridique récuse, par principe, la pratique des précédents
jurisprudentiels pour solutionner les litiges. C’est le propre des systèmes de filiation ou d’inspiration
romaniste dont le nôtre, qui ont la loi écrite comme référence. La méthode des précédents est plutôt la
caractéristique du système de common law.
Cette possible objection, aussi pertinente et séduisante soit-elle, doit être relativisée. En effet, bien que
le système juridique ivoirien appartienne au système de Droit écrit, il serait excessif de soutenir que la
pratique des précédents lui est inconnue. Deux observations permettront d’étayer ce propos.
La première s’appuie sur un cas général. Pour qui est un lecteur assidu des décisions de justice rendues
en Côte d’Ivoire, il lui est arrivé de rencontrer cette formule : « il est de jurisprudence constante… ».
Par cette expression, le juge qui statue sur une affaire se réfère à une solution précédente bien établie
sur la question soulevée par l’affaire qu’il examine. En procédant ainsi, le juge se livre bien à la
pratique des précédents jurisprudentiels pour déterminer le sens dans lequel il rendra sa décision. Il
s’appuie, de cette façon, sur une décision de justice précédente, laquelle devient, du coup, sa boussole.
Cette pratique est loin d’être un épiphénomène. Il suffit de voir que les avocats, à l’occasion de la
défense des intérêts de leurs clients, n’hésitent pas à se référer, comme élément d’argumentation
juridique, à des décisions précédemment rendues par les juges.
La seconde observation porte sur le cas spécifique de certaines disciplines du Droit. Il y a que toutes
les disciplines du Droit ne font pas suffisamment l’objet d’une réglementation écrite de la part du
législateur. De nombreuses règles de ces disciplines ont été pourvues par les juges à travers leurs
décisions de justice. C’est le cas du Droit administratif, dont l’essentiel des règles est d’origine
jurisprudentielle. C’est par le pouvoir créateur des juges, suppléant le législateur là où celui-ci n’avait
rien prévu, que le Droit administratif s’est progressivement construit. De là, il est difficile de ne pas
admettre le rôle créateur du juge, partant de ne pas reconnaître la jurisprudence comme une source du
Droit.
II/ Les sources non-formelles
-la coutume et la doctrine.

A- La coutume
La coutume n’a pas de définition légale. Elle peut être appréhendée comme une pratique constante et
généralisée dont on ressent l’obligation de la respecter. Sa définition réunit deux éléments essentiels,
un élément matériel et un élément psychologique. L’élément matériel vient de ce que la coutume est

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un usage constant et général. C’est une manière d’agir constante, généralisée et ancienne. L’élément
psychologique quant à lui vient de la croyance chez les sujets de Droit du caractère obligatoire de cet
usage auquel ils se conforment spontanément (opinion juris).
La coutume a le plus souvent une origine professionnelle. Elle est alors connue sous l’appellation
d’usages. Il existe, en effet, de nombreux usages dans le domaine commercial qui naissent des
pratiques suivies par les commerçants (Ex : La présomption de solidarité entre commerçant). La
coutume existe aussi dans le domaine du Droit international public (Ex : Le règlement pacifique des
différends) et, en Droit du travail on rencontre des usages d’entreprises.
B- La doctrine
La doctrine, c’est la littérature juridique, c'est-à-dire l’ensemble des publications (traités, manuels,
articles, thèses et commentaires de jurisprudence) consacrées à la science juridique. La doctrine est
constituée aussi par les opinions émises par les spécialistes sur le droit (enseignants, professionnels du
droit, auteurs de thèse de doctorat, etc.).
Le principe est le suivant : les opinions doctrinales, qu’elles soient exprimées à l’usage des étudiants
ou des praticiens du droit, ou qu’elles poursuivent un but de recherche scientifique, ne sont pas
obligatoires pour le juge même si ces opinions sont unanimes sur une question donnée. Il reste
cependant que la doctrine joue des rôles importants dont les principaux sont :
- La doctrine permet la classification et la mise en ordre du droit. En effet sans les écrits
doctrinaux, le droit apparaîtra comme un amas de règles et de décisions qui constituerait un
fouillis inextricable.

- La doctrine, en faisant connaître les lois, les principes et la jurisprudence contribue à


l’insertion du droit dans la réalité sociale.

- La doctrine peut guider le juge : en effet, dans sa mission de dire le droit et de trancher les
litiges, le juge recourt aux ouvrages des auteurs de droit en cas d’hésitation sur l’existence ou
le sens des règles applicables. En outre, une doctrine concordante et récente peut être pour le
juge un élément pour asseoir sa décision.

- La doctrine peut influencer le législateur : dans l’exercice de la liberté d‘opinion dont elle
jouit, la doctrine a toute latitude pour critiquer les textes existants et en proposer de meilleurs,
mieux adaptés aux situations à régir. La doctrine, par la critique portée sur la politique
législative (le but poursuivi par le législateur) et/ou sur la technique législative (le choix des
moyens employés pour atteindre le but poursuivi), peut inciter aux reformes et même y
participer pour un meilleur rayonnement du droit.
Libre de toute contrainte (l’auteur est libre d’avoir une opinion quand il veut et d’avoir l’opinion qu’il
veut), la doctrine participe ainsi à la formation et à la vie du Droit qui comprend connaissance,
réception et application des règles, controverses, argumentation et raisonnement.
Paragraphe 2 : L’application du Droit
-application de la règle de Droit dans l’espace et application de la règle de Droit dans le temps.
I/ L’application de la règle de Droit dans l’espace
Le phénomène juridique se développe dans l’espace, c’est-à-dire sur une surface déterminée de la terre
et même dans l’étendue des airs et dans le milieu extraterrestre. L’espace est aussi le territoire plus ou
moins étendu dans le cadre duquel un ensemble ou un sous-ensemble de règles est destiné à
s’appliquer. La règle de Droit a un caractère étatique et nationaliste. En témoigne cette fameuse pensée

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de Pascal : « Plaisante justice qu’une rivière borne ; vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ».
La règle de Droit a en principe un caractère territorial en ce qu’elle est destinée à s’appliquer sur un
territoire donné, à tout ce territoire et rien qu’à ce territoire. Ce principe comporte cependant quelques
limites :
- La première limite est tirée des conflits de lois dans les rapports internationaux de Droit privé.
En Droit international privé, en effet, il peut arriver que la solution des conflits de lois amène
à appliquer sur un territoire donné la loi d’un autre État.

- La deuxième limite vient de la possibilité d’appliquer dans certains cas la loi nationale à des
faits commis à l’étranger par des nationaux (Ex : l’article 16 du Code pénal permet
d’appliquer la loi pénale à des infractions commises partiellement ou totalement à l’étranger,
c'est-à-dire partiellement ou totalement en dehors du territoire national, dans les conditions
définies par le Code de procédure pénale).

- La troisième limite est constituée par le processus d’intégration qui amène à l’édiction de
normes applicables sur des grands espaces territoriaux (Ex : CEDEAO, UEMOA, OHADA,
etc.).
II/ L’application de la règle de Droit dans le temps
Les sujets de droit agissent dans la vie juridique en tenant compte du Droit en vigueur. Il faut, en effet,
que chacun connaisse les conditions qu’il devra respecter, les règles qu’il devra suivre pour que l’acte
envisagé soit régulier, valable. Ce besoin de sécurité peut se trouver contrarié par l’intervention d’une
loi nouvelle qui peut avoir pour effet de modifier (en plus ou en moins) les effets ou les conséquences
d’un acte ou d’une situation juridique. Que faut-il faire alors ? Doit-on continuer à appliquer la loi
ancienne au mépris de la loi nouvelle ?
Doit-on à l’inverse appliquer la loi nouvelle au détriment de la loi ancienne ? Il se pose là un conflit de
lois dans le temps qu’il faut résoudre : c’est la question de la rétroactivité ou non de la loi.
La solution à ce problème est donnée par l’article 2 du Code civil qui énonce que « La loi ne dispose
que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ». Cet article pose le principe de la non-rétroactivité
des lois. PORTALIS l’affirmait déjà dans son fameux Discours de présentation du projet de Code
civil : « Il ne faut point exiger que les hommes soient avant la loi ce qu’ils ne doivent devenir que par
elle ». La portée de ce principe varie cependant suivant qu’il s’agit du législateur ou du juge.
Concernant le législateur : le principe de la non-rétroactivité des lois ne s’impose pas à lui. Il peut en
effet y déroger en édictant des lois expressément rétroactives. En outre certaines des lois qu’il édicte,
en raison même du mieux-être conforme à l’intérêt général et aux intérêts particuliers qu’elles
apportent, ont normalement un effet rétroactif. Tel est le cas des lois d’interprétation par lesquelles le
législateur intervient pour préciser le sens d’une loi antérieure obscure ou ambigüe et des lois pénales
plus douces, des lois de procédure et des lois de compétence judiciaire qui s’appliquent
immédiatement.
Concernant le juge : la situation est différente, car le principe de la non-rétroactivité s’impose à lui.
Toutefois la jurisprudence a aménagé ainsi qu’il suit l’application de l’article 2 du Code civil. Lorsque
la loi nouvelle vient modifier les effets de tel ou tel type de contrat, le principe est qu’elle s’applique
aux effets des contrats à venir cependant que tous les effets des contrats antérieurs conclus demeurent
soumis à la loi ancienne. Il y a donc survie de la loi ancienne car les cocontractants ont un droit acquis
à ce qu’une loi nouvelle ne puisse remettre en question ce qui a été décidé d’un commun accord sauf
s’il s’agit de lois d’ordre public.
Chapitre 2 : Le droit subjectif (droit revendicateur)

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-les titulaires ; les sources ; la classification ; la preuve des droits subjectifs 
Section 1 : Les titulaires des droits subjectifs
Paragraphe 1 : Les personnes physiques
Depuis l’abolition de l’esclavage qui avait réduit les esclaves au rang de chose, tous les êtres humains
ont la personnalité juridique. Ils ont donc tous l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations. Tous
les êtres humains sont donc des sujets juridiques.
La personnalité juridique des personnes physiques apparaît à la naissance. La naissance est donc une
condition de l’existence juridique. Pour avoir la personnalité, il faut naître vivant et viable, c'est-à-dire
avec tous les organes nécessaires et suffisamment constitués pour vivre.
Il est admis que dans certaines circonstances l’apparition de cette personnalité juridique puisse être
avancée à la conception chaque fois qu’il y va de l’intérêt de la personne. En effet l’adage «  infans
conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur » exprime que l’enfant conçu est
considéré comme né chaque fois qu’il y va de son intérêt.
L’apparition de la personnalité juridique pose le problème du statut juridique de l’embryon. Deux
positions s’affrontent : d’une part ceux pour qui ni l’embryon humain ni le fœtus ne peuvent avoir de
personnalité juridique. D’autre part ceux qui leur opposent la thèse de la primauté biologique, l’œuf
fécondé dès l’origine contenant toutes les caractéristiques de l’être humain lequel au fil du temps ne
fait que croître et se développer.
Un autre fait mérite d’être signalé, c’est celui du sexe de la personne. À la naissance, le sexe de
l’enfant est un élément essentiel de sa personnalité. Ce qui pose le problème du transsexualisme. Le
transsexualisme se définit comme le sentiment profond et inébranlable d’appartenir au sexe opposé
malgré une conformation biologique sans ambigüité en rapport avec le sexe chromosomique et le
besoin intense et constant de changer de sexe et d’état civil. Le transsexualisme est un trouble de
l’identité sexuelle. L’individu qui en souffre ne correspond pas à l’idée qu’il se fait de lui-même : il se
considère comme une erreur de la nature. Le transsexualisme se heurte au principe de l’indisponibilité
de l’état des personnes.
La personnalité juridique des personnes physiques s’efface à la mort. Le cadavre bénéficie de
considération et de respect. Concernant l’étendue de la personnalité juridique, elle peut être limitée par
les incapacités de jouissance et les incapacités d’exercice.
L’incapacité de jouissance est celle qui rend une personne physique inapte à être titulaire d’un ou de
plusieurs droits. Cette incapacité ne peut être générale. Elle est toujours spéciale, c'est-à-dire qu’elle
porte sur un ou plusieurs droits déterminés.
L’incapacité d’exercice quant à elle est celle qui rend une personne physique inapte à exercer seule
certains droits dont elle est titulaire. Elle peut avoir pour objet de protéger les personnes dépourvues
d’expérience (les mineurs) ou dont les facultés mentales ont été altérées (les majeurs incapables). Ces
personnes ne sont cependant pas en marge de la vie juridique. Leurs droits sont exercés à travers le
système de la représentation (quelqu’un d’autre, le représentant légal, administrateur légal ou tuteur,
exerce les droits au nom et pour le compte de la personne) et le système de l’assistance (la personne
concernée accomplit elle-même les actes mais assisté d’une autre personne, le curateur).
Les personnes physiques bénéficient d’éléments d’identification tels que le nom (vocable servant à
désigner une personne), le domicile (siège légal de la personne, sa situation géographique sur un
territoire donné) et la nationalité (lien juridique avec un État).
Paragraphe 2 : Les personnes morales

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Une personne morale est traditionnellement définie comme un groupement de personnes physiques ou
de biens reconnu par le Droit comme acteur de la vie juridique. C’est donc un groupement de
personnes ou de biens ayant la responsabilité juridique et étant par conséquent titulaire de droits et
d’obligations. La reconnaissance de la personne morale fut longue à dessiner. Gaston JEZE ne disait-
il pas à cet égard « je n’ai jamais déjeuné avec une personne morale » ?.
Les personnes morales sont classées en catégories. On distingue :
- les personnes morales de Droit public (État, Régions, Départements, communes,
établissements publics) ;
- les personnes morales de Droit privé (Sociétés qui sont des groupements à but lucratif ;
Groupements d’Intérêt Economique qui sont des regroupements d’activités à des fins
économiques ; Associations qui sont des groupements à caractère désintéressé, Fondations
qui sont des groupements de biens affectés à perpétuité à une œuvre d’intérêt général) ;
- les personnes morales de caractère mixte, comme les Ordres professionnels qui
empruntent à la fois au Droit public et au Droit privé.
La personnalité morale a été calquée sur celle des personnes physiques. Elle naît (Ex : statuts donnant
naissance à l’association ou à la société ou décret créant la collectivité territoriale) et disparaît soit par
la volonté des membres de la personne morale soit par une décision de justice ou par une décision
administrative. La personne morale jouit de l’autonomie. Elle a un patrimoine qui lui est propre,
différent de celui des personnes qui la composent. Leur capacité de jouissance est limitée (Ex  : elles
n’ont pas tous les droits réservés aux êtres humains et, en vertu du principe de la spécialité, elles ne
peuvent accomplir que les actes qui rentrent dans leur objet tel que défini par leurs statuts).
Concernant la capacité d’exercice, n’étant pas un être humain, la personne morale ne peut exercer ses
droits que par l’intermédiaire de ses organes qui sont nécessairement des personnes physiques. Les
personnes morales ont un nom (dénomination sociale), un domicile appelé « siège social » et une
nationalité.
Section 2 : Les sources des droits subjectifs
-actes juridiques ; faits juridiques
Paragraphe 1 : Les actes juridiques
Définition. Un acte juridique est une manifestation de volonté destinée à créer des effets de Droit (et
spécialement des droits et des obligations). On est donc en présence d’un acte juridique lorsque la
modification de la situation juridique d’une personne a été voulue par cette personne car l’acte
juridique est toute manifestation de volonté faite par une ou plusieurs personnes avec l’intention de
créer, de modifier ou d’éteindre un droit. Lorsqu’une personne accomplit un acte juridique, elle
projette sa volonté dans le domaine du Droit. L’acte juridique donne souvent lieu à l’établissement
d’un acte instrumentaire. Il y a une importante distinction à faire entre l’acte juridique qui est
l’opération voulue par les parties (ex : la vente ; on parle de negotium), et l’acte instrumentaire qui est
l’écrit qui constate cette opération juridique (ex : le contrat de vente ; on parle d’instrumentum). C’est
l’instrumentum qui permettra, généralement, de prouver l’existence ou le contenu de l’acte juridique.
Validité. La loi subordonne la validité des actes juridiques à certaines conditions. Les conditions
essentielles sont les suivantes :
- Le consentement (la volonté) : il est la base de l’acte juridique. Il doit émaner de la partie
ou des parties à l’acte juridique, c'est-à-dire des personnes mêmes qui veulent l’effet
juridique à produire. Mais cette personne peut être représentée. Il y a représentation
lorsqu’un acte juridique est passé par une personne à la place et pour le compte d’une

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autre personne. La représentation peut être contractuelle (le représentant tient ses pouvoirs
de représentation d’un contrat tel que le contrat de mandat) ou légale (c’est la loi qui
désigne le représentant). La volonté qui s’engage doit en outre, pour être valable, ne
comporter aucun vice. Les vices du consentement sont l’erreur (une personne consent à
l’acte juridique à la suite d’une fausse représentation de la réalité ; elle se trompe sur l’un
des éléments de l’acte), le dol (la personne consent à l’acte à la suite de manœuvres
frauduleuses, d’artifices employés par l’autre partie à l’acte pour la tromper) et la violence
(la personne consent à l’acte parce qu’elle y est contrainte physiquement ou moralement).
Proche des vices du consentement est la lésion, c'est-à-dire le préjudice pécuniaire qu’un
acte juridique cause à l’une des parties du fait de la disproportion entre les prestations
prévues au contrat. Même si la lésion entache dans certaines conditions l’acte
d’irrégularité, elle n’est pas considérée comme un vice du consentement.
- La capacité : pour pouvoir, par un acte juridique créer, transmettre, modifier ou éteindre
un droit, il faut être capable. Il existe la capacité de jouissance qui est l’aptitude à avoir
des droits et des obligations et la capacité d’exercice qui est le pouvoir de mettre ces droits
et obligations soi-même en œuvre. Certaines personnes sont frappées d’incapacité de
jouissance ou d’incapacité d’exercice.
- L’objet : c’est le résultat juridique que les parties ont voulu produire. Il doit être certain
(suffisamment précisé dans l’acte) possible et licite (conforme à la loi, à l’ordre public et
aux bonnes mœurs).
- La cause : c’est la raison déterminante pour laquelle l’acte juridique est passé. L’acte ne
sera valable que s’il a une cause et que celle-ci est licite.
- La forme : l’acte peut être consensuel ; dans ce cas sa validité résulte du seul
consentement des parties qui s’engagent. Il peut être solennel ; dans ce cas sa validité
exige que le consentement des parties soit exprimé en certaines formes. Cette forme peut
être une cérémonie (Ex : la célébration du mariage devant l’officier de l’état civil), la
rédaction d’un écrit soit devant un notaire (acte authentique) soit par les parties elles-
mêmes (acte sous seing privé).
Effets. Le principe est celui de la force obligatoire de l’acte juridique. Le principe est posé par l’article
1134 du Code civil qui énonce que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont faites ». L’acte juridique a donc un effet obligatoire pour celui qui l’a consenti. Il l’oblige.
Du moment que la volonté individuelle s’est exprimée dans les conditions légales, on est
définitivement tenu. Il faut noter que les tiers à l’acte ne sont pas, en principe, obligés par cet acte.
S’ils ne sont pas tenus par les termes de l’acte, ils sont néanmoins tenus de respecter la situation
juridique créée par l’acte (opposabilité), sauf l’accomplissement de certaines formalités nécessaires à
l’opposabilité de l’acte (Ex : cession de créance).
Paragraphe 2 : Les faits juridiques
Les faits juridiques sont des évènements auxquels la loi attache des effets de Droit indépendamment
de la volonté des personnes qui bénéficieront ou souffriront de ces effets. Il y a donc fait juridique
lorsqu’un évènement a entrainé des conséquences sans que la personne ait voulu ce résultat. Les faits
juridiques sont nombreux et divers car constitués par les évènements qui influent sur les relations
humaines au sein de la société. On peut mentionner :
- les faits qui se rattachent à la vie des personnes physiques, notamment la naissance
(d’elle partent la personnalité juridique et toutes ses conséquences), la parenté (elle influe
sur le mariage, donne des droits à la succession, etc.), l’âge de la majorité (elle fait cesser

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l’incapacité d’exercice qui frappe le mineur), la santé mentale (elle peut entrainer la mise
en tutelle) et le décès (il emporte disparition de la personnalité, ouvre la succession, etc.) ;
- les délits et quasi-délits : ce sont les dommages injustement causés à autrui qui sont
sources de responsabilité civile. On distingue trois types de responsabilité à savoir :

 la responsabilité du fait personnel : celui qui cause par sa faute volontaire ou


involontaire un dommage à autrui doit le réparer. Cette responsabilité, prévue par les
articles 1382 et 1383 du Code civil, sanctionne les manquements à l’obligation générale
de prudence, de diligence et de loyauté qui pèse sur tous les hommes dans l’exercice de
leur liberté.

 la responsabilité du fait d’autrui notamment du fait des personnes dont on doit répondre.
L’article 1384 du Code civil énumère plusieurs cas de responsabilité du fait d’autrui
dont la responsabilité des père et mère pour les fautes commises par les enfants mineurs
habitant avec eux.

 La responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde.


- Les quasi-contrats : ils sont définis par l’article 1371 du Code civil comme « des faits
purement volontaires de l’homme dont il résulte un engagement quelconque envers un
tiers et quelque fois un engagement réciproque des deux parties ». Il s’agit de la gestion
d’affaires (le fait de s’occuper spontanément de telle affaire d’autrui), du paiement de
l’indu et de l’enrichissement sans cause sanctionné par l’action dite de in rem verso. Tous
ces faits ont en commun le fait qu’un avantage injuste a été retiré d’autrui qui appelle
indemnisation.
Section 3 : La classification des droits subjectifs
-droits patrimoniaux ; droits extrapatrimoniaux
Le patrimoine d’une personne est l’ensemble de ses droits (ou biens) et de ses obligations pécuniaires
constituant une universalité de droits. Les obligations sont des dettes (sommes d’argent ou prestations
à fournir). Les droits, quant à eux, sont des créances contre des personnes (sommes d’argent ou
prestations à recevoir) ou des droits sur des choses (propriété).
Paragraphe 1 : Les droits patrimoniaux
I/ Les droits réels
Le droit réel est le pouvoir exercé directement par une personne sur une chose. La chose peut être un
meuble (lorsque le bien peut être déplacé (ou peut se déplacer) d’un lieu à un autre un immeuble
(lorsque le bien est fixe, qu’on ne peut le déplacer).
A- Les droits réels principaux
Ce sont le droit de propriété et ses démembrements.
Le droit de propriété. L’article 544 du Code civil le définit ainsi : « c’est le droit de jouir et de
disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par
les lois ou par les règlements. » Le droit de propriété comprend l’usage, la jouissance et la disposition
de la chose. Le droit de propriété porte sur la chose, sur tout ce que la chose produit et sur tout ce qui
s’unit accessoirement à la chose soit naturellement soit artificiellement. En outre, celui qui est
propriétaire d’un sol l’est également, sous certaines réserves légales, du dessus et du dessous du sol.
Le droit de propriété peut être individuel ou collectif comme par exemple dans le cas de la copropriété.
Le droit de propriété est perpétuel sauf aliénation de la chose par son propriétaire ou anéantissement

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de la chose. Le droit de propriété peut être légalement limité dans l’intérêt de la collectivité ou dans
l’intérêt du voisinage. Il peut également être conventionnellement limité.
Les démembrements du droit de propriété. Les démembrements du droit de propriété sont :
- L’usufruit : l’usufruit confère à son titulaire (l’usufruitier) une partie seulement des
prérogatives attachées au droit de propriété. L’usufruitier ne peut qu’user de la chose et en
percevoir les fruits, la propriété de cette chose restant entre les mains d’une autre personne
appelée nu-propriétaire.
- Les servitudes : ce sont des charges imposées à un immeuble bâti ou non bâti (le fonds
servant) au profit d’un autre immeuble appartenant à un propriétaire distinct (le fonds
dominant). Ex : servitude de passage.
- Le bail emphytéotique : c’est un bail de longue durée pouvant atteindre 99 ans portant
sur un immeuble et conférant au preneur un droit réel.
- Le bail à construction : c’est un contrat de bail de longue durée par lequel le preneur
s’engage à édifier des constructions sur le terrain dont il a la jouissance.
- Le droit de superficie : c’est le droit de propriété sur les édifices et plantations reposant
sur le terrain d’autrui. Le bail à construction confère au preneur un droit de superficie.
- Le droit d’usage et d’habitation : C’est le droit d’usage d’une maison reconnue à une
personne déterminée dans la mesure de ses besoins et de ceux de sa famille.
B- Les droits réels accessoires
Ce sont principalement les sûretés qui sont des garanties accordées au créancier pour le recouvrement
de sa créance. On distingue :
- les sûretés personnelles : dans les sûretés personnelles la garantie résulte de l’engagement
d’une autre personne au côté du débiteur. Exemples : cautionnement, lettre de garantie et
de contre garantie.
- Les sûretés réelles : dans les sûretés réelles la garantie porte sur une chose qu’en cas de
défaillance du débiteur le créancier peut faire vendre dans certaines conditions et se faire
payer sur le prix de vente. Les sûretés réelles se divisent en sûretés réelles mobilières
(Exemples : gage, nantissement) et en sûreté réelle immobilière (hypothèque).
Les sûretés confèrent à leurs titulaires, appelés créanciers privilégiés, un droit de suite (c’est le droit de
saisir le bien en quelques mains qu’il se trouve) et un droit de préférence (c’est le droit d’être payé par
préférence aux autres créanciers). Les créanciers non munis de sûreté sont appelés créanciers
chirographaires.
II/ Les droits personnels
Le droit personnel ou droit de créance est le droit subjectif donnant le pouvoir à une personne (le
créancier) d’exiger d’une autre personne (le débiteur) une prestation quelconque. Cette prestation peut
être : donner quelque chose (transférer la propriété d’une chose au créancier), faire quelque chose
(accomplir un acte positif) ou ne pas faire quelque chose (s’abstenir d’un fait). Un même contrat peut
combiner toutes ces obligations.
III/ Les droits intellectuels
C’est une variété de droits de clientèle dont le trait spécifique réside dans ce que l’activité créatrice de
clientèle repose sur l’œuvre de l’esprit. Ce sont principalement la propriété littéraire et artistique

18
(ensemble des droits que l’auteur ou l’artiste possède sur son œuvre) et la propriété industrielle (droits
de l’inventeur sur les brevets d’invention, droits des industriels et commerçants sur les marques de
fabrique, les appellations d’origine, les dessins et modèles).
Paragraphe 2 : Les droits extrapatrimoniaux
Ce sont les droits qui n’ont pas un caractère pécuniaire.
On les range habituellement en trois catégories : les droits de l’homme, les droits familiaux et les
droits de la personnalité.

I/ Les droits de l’Homme


Ce sont les droits inhérents à tout être humain en raison de sa nature humaine. Ils sont contenus dans
des textes internationaux tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte
africaine des Droits de l’homme et des Peuples et dans des textes nationaux tels que la Constitution.
Au premier rang des droits de l’Homme se trouvent sans conteste le droit à la vie et le droit à la
dignité.
II/ Les droits familiaux
Ce sont les droits qui dérivent de la situation de l’individu au sein de la famille. Ils dérivent soit des
rapports entre les époux (Ex : les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance) soit
des rapports entre parents et enfants (Ex : droits de la puissance paternelle).
III/ Les droits de la personnalité
A- Les droits relatifs à l’aspect physique de la personne
- Le droit de la personne sur son corps : personne ne jouit d’un droit de propriété sur son
corps lui permettant d’en faire ce qu’il veut. Le corps est inviolable et indisponible. Il est
« res-extra-commercium » (hors du commerce). Les conventions relatives au corps sont
licites si elles ne sont pas contraires à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Exs  : contrat de
travail, contrat médical, contrat en vue d’un don d’organe à des fins thérapeutiques. Sont
par contre interdites les mutilations volontaires, l’euthanasie pour ne citer que celles-là.
- Le droit de la personne au respect de son corps : On ne peut porter atteinte, sous quelque
prétexte que ce soit, à l’intégrité physique d’autrui. Des exceptions sont prévues pour les
pratiques médicales et sportives conformes aux règles de l’art. Il en est de même pour la
protection de l’ordre public (l’Etat peut porter atteinte à l’intégrité physique du
délinquant) ou de la santé publique (Exs : les vaccinations obligatoires).
B- Les droits relatifs à l’aspect moral de la personne
Il s’agit principalement des droits suivants :
- Droit à l’image : c’est le droit de s’opposer à la publication de son image sans son
consentement.
- Droit au respect de la vie privée : relèvent de la vie privée, la vie chez soi, la vie familiale,
la vie intime ou amoureuse, la santé, les loisirs etc. Font par contre partie de la vie
publique la vie professionnelle, la vie dans les lieux publics ou exposée au public.
- Droit au respect de la voix : c’est le droit d’interdire que l’on imite sa voix dans des
conditions de nature à créer une confusion de personne ou à causer un préjudice.

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- Droit à l’inviolabilité du domicile : c’est le droit de se clore pour se protéger contre l’œil
indiscret des voisins et de s’opposer à la pénétration ou au maintien de toute personne à
son domicile sous réserve des prescriptions légales.
- Droit au secret : ce secret concerne les correspondances (lettres missives, correspondances
téléphoniques) et le secret professionnel auquel sont tenus les confidents nécessaires
(médecin, avocat, prêtre, etc).
- Droit à l’honneur : chacun a droit au respect de son honneur, de sa dignité et de sa
réputation.
- Droit moral de l’auteur sur son œuvre : droit de divulguer ou non l’œuvre et droit au
respect de l’œuvre créée.
La violation des droits de la personnalité peut donner lieu à des sanctions pénales et/ou à des sanctions
civiles sous forme d’allocation de dommages-intérêts qui vont entrer dans le patrimoine de la personne
qui en a été victime.
Section 4 : La preuve des droits subjectifs
Pour se prévaloir des droits dont on est titulaire, il peut être nécessaire d’apporter la preuve de leur
existence. Les preuves sont des procédés à l’aide desquels on établit l’existence d’un droit ou d’une
prétention juridique. IHERING écrivait que « la preuve est la rançon des droits ». La question de la
preuve peut se poser au cours d’un litige ou en dehors de celui-ci (Ex : prouver devant une
Administration qu’on est marié). La particularité de la preuve juridique par rapport à la preuve
scientifique ou historique réside en ce que tous les moyens de preuve ne sont pas admis.
Les principes généraux du Droit des preuves. Trois questions à résoudre.
- Qui doit prouver ?
C’est la question de la charge de la preuve. En matière civile, la preuve incombe au demandeur selon
l’article 1315 du Code civil. Il revient en effet à celui qui réclame quelque chose de faire la preuve
qu’il y a droit, et à celui qui conteste une situation établie de démontrer qu’elle n’est pas conforme à la
loi. En définitive, celui qui avance une prétention doit la prouver. Ces règles peuvent cependant être
modifiées par le jeu des présomptions légales.
La présomption est un mode de raisonnement juridique en vertu duquel, de l’établissement d’un fait,
on induit un autre fait qui n’est prouvé. Dans certains cas, la loi dispense la partie de la preuve directe
et déduit la vérité du fait de l’existence d’un autre fait plus facile à démontrer. On dit qu’il y a
présomption légale qui opère dispense de preuves. Ex : la loi sur le mariage dispose que « l’enfant
conçu dans le mariage a pour père le mari ». Les présomptions légales sont classées par l’article 1350
du Code civil. La force probante des présomptions légales varie : elles sont soit réfragables (simples,
relatives ou juris latum. On peut en apporter la preuve contraire) ou irréfragables (absolues ou juris et
de jure. Elles n’admettent pas de preuve contraire. Lorsque la présomption est irréfragable il est
interdit de prouver l’inexistence de la conséquence que la loi tire du fait connu sauf par recours à deux
procédés exceptionnels de preuve que sont l’aveu et le serment décisoire. Les présomptions ayant pour
but de protéger l’une des parties, celle-ci peut en effet y renoncer en reconnaissant la vérité dans un
aveu ou dans un serment.) Certaines présomptions sont dites mixtes parce que relevant aussi bien des
présomptions simples que des présomptions irréfragables.
- Que doit on prouver ?
C’est la question de l’objet de la preuve. Elle porte en matière pénale sur le fait infractionnel et son
imputabilité au mis en cause. En matière civile, elle porte sur le droit subjectif invoqué devant le juge
au support de la demande ou de la défense. Ce sera soit la preuve d’un acte juridique soit celle d’un

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fait juridique. Dans certains cas la preuve de certains faits peut être interdite par la loi ou rendue
impossible par l’état actuel de la science. Concernant la règle de droit, son existence ou sa portée, les
parties n’ont pas à les prouver. Le juge est censé connaître le droit et il peut et il doit, le cas échéant,
faire lui-même les recherches nécessaires pour fonder sa conviction juridique. En pratique, les parties
lui facilitent cette tâche en lui présentant tous les arguments juridiques qui leur sont favorables.
- Quel est le rôle du juge en matière d’administration de la preuve ?
En matière civile, dominé par le principe accusatoire, le principe est celui de la neutralité du juge. Le
juge est un arbitre entre les parties. Il n’a donc pas à se préoccuper d’établir par ses propres moyens la
vérité des faits allégués. Il ne peut fonder sa décision sur des éléments connus personnellement en
dehors de l’audience ou en l’absence des parties. Toutefois, la neutralité ne signifie pas passivité
totale. Le juge peut en effet refuser l’offre de preuve si le fait allégué n’est pas pertinent (sans rapport
avec le litige), concluant (insusceptible d’emporter sa conviction) et/ou adminissible légalement. En
outre, chargé par la loi de suivre la procédure, le juge peut ordonner toutes mesures d’instruction
idoines.
La matière pénale est quant à elle dominée par le principe inquisitoire. L’action et la conduite du
procès relèvent du juge et non des parties même si la victime peut se constituer partie civile.
Paragraphe 1 : Les modes de preuve
Les modes de preuve en matière civile peuvent être réparties en deux grandes classes : Les preuves
préconstituées qui sont des moyens de preuves aménagés par les parties par avance, en vue de
difficultés futures (ce sont essentiellement les écrits) et les preuves a posteriori qui sont des preuves
créées au moment du procès (le témoignage, les présomptions de l’homme, l’aveu et le serment).
I/ Les modes de preuve en matière civile
-l’écrit, le témoignage, les présomptions de l’homme, l’aveu, le serment
A- L’écrit ou la preuve littérale
- L’écrit est celui qui est établi en vue de la preuve. C’est l’instrumentum qui constate l’acte
juridique (le negotium) et en est le mode de preuve normal. Tout papier rédigé ne
constitue pas toujours un écrit au sens du droit de la preuve. Il doit obéir à des conditions
de validité qui varient selon la nature de l’écrit.
- L’écrit peut être un acte authentique c'est-à-dire un acte reçu par un officier public (notaire
par exemple) ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé avec les
solennités requises. Les conditions de validité de l’acte authentique sont donc la qualité du
rédacteur, sa compétence et les formes prévues par la loi. L’acte authentique fait foi
jusqu’à inscription de faux.
- L’écrit peut être un acte sous-seing privé : c’est un écrit constatant le contrat et signé par
les parties. Pour être valable, il doit être signé par les parties et établi soit en un seul
original (pour les contrats unilatéraux) ou en autant d’originaux que de parties (pour les
contrats synallagmatiques). L’acte sous-seing privé fait foi de son contenu jusqu’à preuve
contraire. D’autres écrits peuvent servir comme mode de preuves. Tel est le cas des lettres
missives, des registres et papiers domestiques, des écritures sur les titres, les quittances et
des livres de commerce.

B- Le témoignage ou la preuve testimoniale

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Le témoignage est une déclaration faite par une personne sur des faits dont elle a eu connaissance par
elle-même. La preuve testimoniale se distingue de la preuve par commune renommée qui consiste en
ce que des personnes rapportent non ce qu’elles ont constaté elles-mêmes mais ce qu’elles ont ouï-dire
à propos de tel ou tel fait. Le témoignage est admis en matière civile de façon exceptionnelle.
C- Les présomptions de l’homme
À la différence des présomptions légales que la loi impose au juge, les présomptions de l’homme sont
un mode de raisonnement proposé au juge par les parties. À partir de la constatation de certains indices
ou circonstances, on va présumer, induire l’existence de faits qui ne sont pas directement établis. Le
juge ne peut les admettre selon l’article 1353 du Code civil que s’il s’agit de présomptions graves,
précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales.
D- L’aveu
L’aveu est la reconnaissance par une personne d’un fait ou d’un acte juridique invoqué contre elle. Il
consiste donc de la part de celui contre qui on allègue un fait, à en reconnaître l’exactitude. On le
considère comme la reine des preuves.
L’aveu peut prendre deux formes :
- Il peut être judiciaire : c’est la déclaration faite en justice par la partie ou son fondé de
pouvoir spécial. Un tel aveu est irrévocable (il ne peut être rétracté sauf s’il y a une erreur
de fait) et indivisible (il constitue un tout sans qu’on puisse choisir ou distraire tel ou tel de
ses éléments).
- Il peut être extrajudiciaire : c’est l’aveu fait en dehors d’un procès ou ailleurs que devant
le juge. L’aveu extrajudiciaire devra être établi devant le juge et son appréciation est
laissée à son entière discrétion.
E- Le serment
Il implique l’affirmation par une partie d’un fait qui lui est favorable. Il existe deux grands types de
serments :
- le serment promissoire par lequel on s’engage pour l’avenir (Ex : serment prêté par le
juge, l’avocat, le Président de la République).
- le serment probatoire qui concerne le passé. Le serment probatoire qui intéresse la matière
des preuves se divise en serment supplétoire (c’est le serment qui permet de compléter la
preuve. Le juge peut le déférer d’office quand, n’étant pas convaincu par les preuves
produites, il veut en corroborer les conclusions ou en compenser l’insuffisance. Il a une
forme particulière appelée serment en plaids ou in litem) et le serment décisoire (il décide
de la contestation. Celui qui le prête se voit adjuger le bénéfice du procès  ; celui qui le
refuse succombe au procès). Les faux serments sont pénalement punis.
II/ Les modes de preuve en matière pénale
En matière pénale, du fait qu’il s’agit de prouver essentiellement des faits matériels ou
psychologiques, le principe est celui de la liberté de la preuve. Tous les modes des preuves sont donc
admis (écrit, témoignage, aveu, perquisitions, saisies, transport sur les lieux, expertise, présomptions,
indices, etc.) pourvu qu’ils aient été recherchés et produits conformément à la loi pénale.
Paragraphe 2 : L’admissibilité des modes de preuve (recevabilité)
I/ L’admissibilité des modes de preuve en matière civile

22
A- L’admissibilité de la preuve des actes juridiques
L’article 1341 du Code civil pose le principe de la nécessité de produire un écrit lorsqu’on veut
prouver l’acte lui-même, écrit signé de la personne et dressé en vue d’établir la manifestation de
volonté. Ce principe comporte des exceptions. En effet, il n’est pas exigé de recourir à un écrit dans
les cas suivants :
- actes juridiques d’un montant inférieur ou égal à 5.000 F CFA : ils peuvent être prouvés
librement.
- existence d’un commencement de preuve par écrit : Le commencement de preuve par écrit
est un écrit qui n’a pas été dressé en vue de constater l’acte juridique ou qui l’ayant été à
cet effet, ne répond pas aux conditions légales. Il peut être complété par témoignage,
présomptions ou indices.
- impossibilité de la preuve écrite : cette impossibilité peut résulter soit de l’impossibilité de
se procurer un écrit (impossibilité matérielle ou impossibilité morale : on n’exige de reçu à
sa mère ou à son père) ou de l’impossibilité de présenter l’écrit préconstitué (l’écrit qui
avait été établi a été perdu). On peut recourir alors aux autres modes de preuve.
- Opérations commerciales : Le principe dans cette matière est celui de la liberté de la
preuve sauf si l’opération ne constitue pas un acte de commerce. En ce cas on en revient
aux règles de droit civil.
- Conventions contraires : les règles de preuve n’étant pas d’ordre public, la jurisprudence
admet que les parties peuvent écarter les exigences de l’article 1341 du Code civil et
convenir que la preuve des contrats qu’elles passent ou ont passé se fera par d’autres
modes de preuve que l’écrit.
Lorsqu’il s’agit de prouver contre et outre le contenu d’un acte juridique constaté dans un écrit les
règles sont les suivantes : un écrit est nécessaire quel que soit le montant de l’opération. Les quatre
dernières exceptions ci-dessus indiquées reçoivent application en la matière.
B- L’admissibilité de la preuve des faits juridiques
Le principe est celui de la liberté de la preuve. Le législateur qui a règlementé la preuve des actes
juridiques, laisse une quasi-liberté au juge pour fonder sa conviction quant à l’existence d’un fait
juridique. Les faits juridiques peuvent donc être prouvés par tous moyens sauf s’il s’agit de l’état des
personnes qui doit se prouver par les actes de l’état civil et de la filiation dont la preuve est
spécialement réglementée.
II/ L’admissibilité des modes de preuve en matière pénale
Nonobstant le principe de la liberté de la preuve, certains modes de preuves ne sont pas admis en
matière pénale Il s’agit des preuves suivantes :
- Preuves portant atteinte aux valeurs fondamentales de la civilisation. Exs : la torture,
l’utilisation de procédés narcotiques (Ex : injection de sérum dit de vérité).
- preuves obtenue de façon déloyale, notamment grâce à la ruse ou au mensonge.
Le juge pénal apprécie souverainement les preuves qui lui sont fournies d’après son intime conviction
sauf pour certains actes (les procès-verbaux qui peuvent selon le cas valoir jusqu’à preuve contraire ou
jusqu’à inscription de faux), et pour certaines infractions pour lesquelles la loi limite les modes de
preuve. Par ailleurs lorsque le juge pénal statue sur une question de droit civil, il a l’obligation de
respecter les règles de preuve de droit civil.

23
24
2e Partie : Les moyens de mise en œuvre du Droit
Chapitre 1 : La langue du Droit
La science juridique est exprimée dans un langage propre. Le juriste parle dans un langage particulier,
singulier.
Section 1 : Caractéristiques du langage du Droit
Langage spécialisé, technique, scientifique : précision et neutralité émotionnelle caractérisent
fondamentalement le langage du Droit (Ex. : le meurtre est dans le langage courant associé à des
images de sang, de cruauté, de violeur, alors qu’en Droit, il n’indique, à titre exclusif, que l’atteinte
portée à la vie humaine).
Pourquoi est-il juste de dire qu’il y a un langage du Droit ? → parce que le Droit donne un sens
particulier à certains termes.
Le Droit constitue une science dont la rigueur repose sur la précision du langage. Le juriste n’a donc
pas le droit d’employer un mot pour un autre, car cette erreur peut se révéler catastrophique. Ce
langage a les caractéristiques suivantes :
- c’est un langage de groupe : le langage du Droit est utilisé par ceux qui « parlent le Droit »,
c'est-à-dire la communauté des juristes. Le langage unit donc ceux qui ont eu une formation de
juriste.
- c’est un langage culturel : le langage du Droit est celui de ceux qui ont la culture juridique
(qui ont été éduqués au Droit).
- c’est un langage technique : la technicité du langage du Droit est liée à la technicité du Droit.
Le langage juridique nomme en effet les réalités juridiques (les institutions et opérations
juridiques, les contrats, etc.) les réalités naturels ou sociologiques qu’il appréhende et dont il
fait des « faits juridiques » en leur attachant des effets de Droit, et tous les éléments de la
pensée juridique. Le Droit appréhende la réalité pour en faire des institutions juridiques et des
catégories. Les mots du Droit renvoient à des concepts, à des notions, à des catégories, à tout
un système au sein duquel chaque mot à une place bien précise.
- c’est un langage traditionnel : le Droit baigne dans les traditions. Son langage est en grande
partie issu de cette tradition, bien qu’il évolue et se renouvelle constamment.
- c’est un langage pratique : c’est-à-dire un langage au service du Droit, un langage ordonné à
la création et à la réalisation du Droit.
- c’est un langage qui comporte des archaïsmes : par exemple, « condamné aux dépens », « il
appert ».
Section 2 : La typologie des langages juridiques
À l’intérieur du langage du Droit, il y a des langages spécifiques.
On distingue généralement 5 types de langages juridiques, en fonction de ceux qui « parlent le Droit ».

1- Le langage du législateur

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C’est le langage dans lequel sont formulés les actes normatifs qui visent la direction de la conduite de
leurs destinataires (règles de conduite) et/ou la détermination des faits, situations ou processus ayant
une signification juridique (règles constitutives). On parle aussi de « langage légal », qui est considéré
comme le langage du Droit par excellence.
2- Le langage du juge
Le langage du juge est celui dans lequel sont formulées les décisions d’application du Droit. C’est le
langage des décisions de justice, qui est un style qui leur est propre. Ce langage traduit le mouvement
d’une pensée qui se veut persuasive.
3- Le langage de l’Administration
C’est le langage des services administratifs de l’État. Les textes administratifs sont, en effet, le produit
de l’activité des institutions administratives de l’État (règlement arrêtés, circulaires, directives,
instructions…).
4- Le langage de la doctrine
C’est le langage des juristes qui élucident, analysent et informent sur le Droit dans les traités, les
manuels, les commentaires d’arrêts, et dans les articles publiés dans les revus juridiques.
5- Le langage des professionnels du Droit
C’est le langage de ceux qui rédigent les actes juridiques, à savoir les notaires, les conseillers
juridiques (y compris les juristes d’entreprises) et les avocats.
Section 3 : Le latin et le langage du Droit
Le langage juridique est celui qui est resté le plus proche du latin et a gardé des traces importantes. Le
latin est, en effet, très présent dans le langage du Droit sous les formes suivantes :
- par l’étymologie : de nombreux termes juridiques viennent de la langue latine ;

- par les adages latins ;

- par les mots latins devenus français (ex : consensus, consortium, index, ratio, présidium,
mémento, mémorandum, visa, referendum, veto, quitus, quota, alibi, intérim, quorum) ;
- par les innombrables citations latines.

Le latin fournit au Droit les outils de la pensée juridique. Le Droit présente ses oppositions clés en
latin : de jure/de facto, in abstracto/in concreto, inter partes/erga omnes ; le latin est utilisé également
pour exprimer les degrés d’une notion : lato sensu/stricto sensu ; ou pour définir les éléments
constitutifs d’une notion pour le dommage : damnum emergens1/lucrum cessans2, dans la propriété :
usus, fructus, abusus.

Section 4 : Les fonctions du vocabulaire juridique


Le vocabulaire juridique a une double fonction : il répond à des exigences de précision et de
communication.
Paragraphe 1 : Les exigences de précision de la règle de Droit

1
Perte subie.
2
Gain manqué.

26
Dans la mesure où la règle de Droit vise à imposer une règle de conduite sous la contrainte sociale,
elle doit avoir les qualités essentielles d’unité, d’ordre, de clarté et surtout de précision et de certitude.
En effet si les concepts juridiques sont équivoques ou insuffisants, la règle de Droit devient incertaine.
L’incertitude du Droit conduit au désordre social ainsi qu’au désordre dans la norme elle-même. Le
vocabulaire juridique est donc précis, les mots ont un sens assez affirmé pour être reconnaissables et
permettre d’identifier ce qu’ils désignent. Même si le profane ne distingue pas l’acompte des arrhes 3,
le juriste lui doit y reconnaître des concepts et des régimes différents qu’il ne serait pas bien de
confondre.
La précision du vocabulaire juridique permet, par ailleurs, d’utiliser un terme sans en expliquer la
portée, la signification et parfois même le contexte. Dire qu’un individu est placé sous mandat de
dépôt signifie qu’il s’agit d’une personne soupçonnée d’une infraction pénale, objet d’une procédure
pénale et gardée dans une maison d’arrêt sous main de justice.
Le Droit est partout présent et partout il doit être précis pour apporter la sécurité.
Paragraphe 2 : Les exigences de communication de la règle de Droit
Comme tout langage, le langage juridique est un instrument de communication des pensées. Le
langage juridique est un instrument technique essentiel pour la mise en œuvre du Droit positif. Il
permet de faire passer dans la pratique les règles de conduite prescrites par le Droit.
Section 5 : Les mots du vocabulaire juridique
Ces mots ont deux sortes d’appartenance : l’appartenance exclusive et la double appartenance. En
effet, il existe des mots qui appartiennent exclusivement au vocabulaire juridique tandis que d’autre
appartiennent à la fois à ce vocabulaire et au vocabulaire du langage courant.

Paragraphe 1 : L’appartenance exclusive


Ce sont des mots qui n’ont de sens qu’au regard du Droit. Ils appartiennent au langage de la procédure,
du Droit successoral, du Droit du crédit et des sûretés, des contrats spéciaux et d’autres parties du
Droit.
Exemples : exequatur, récursoire, litispendance, ester, dation, saisine, contumace, chirographaire,
usucapion.
Paragraphe 2 : La double appartenance
Ce sont des mots qui ont un sens aussi bien en Droit que dans le langage courant. Ils ont un sens dans
le vocabulaire juridique et dans le vocabulaire courant.
3
Les arrhes sont une somme d’argent versée, dans le cadre de la vente, au vendeur et offrant la faculté à chacun
des contractants de se libérer de son engagement. Les arrhes sont une avance sur le prix de la chose vendue. Si
les contractants décident de poursuivre l’exécution du contrat, autrement dit s’ils décident de ne pas faire usage
de leur faculté de libération, la somme versée à titre d’arrhes sera imputée comme acompte sur le prix de la
vente.
L’acompte est une avance versée, en matière de vente, par l’acheteur définitivement engagé, sur le prix total de
la chose.
Finalement, on doit dire que les arrhes et les acomptes sont des avances versées par l’acheteur dans le cadre de la
vente. Seulement, alors que les arrhes offrent la possibilité aux contractants de se dégager de leurs engagements,
l’acompte ne le leur permet pas. L’acompte est une avance qui doit être complétée par la somme reliquataire,
sans possibilité pour chacune des parties de renoncer à son engagement.

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-Certains mots possèdent le même sens dans les deux vocabulaires.
Exemples : Constater, rejeter, admettre, vérification.
-D’autres ont un sens différent en Droit et dans le langage courant.
Exemples : absence, aliment, liquide, minute, délivrance, grosse, répétition, récompense, occupation,
succomber.
Section 6 : Le discours du Droit
Le discours du Droit, c’est le langage du Droit en action, c’est le langage en action dans le Droit. Le
discours juridique est la mise en œuvre de la langue, au service du Droit. On en distingue plusieurs
dont les plus importants sont : le discours du législateur, le discours du juge.
Paragraphe 1 : Le discours du législateur
On doit l’envisager du point de vue fonctionnel et du point de vue stylistique.
 Du point de vue fonctionnel
Le discours du législateur est donc un discours normatif et un discours à distance.
Discours normatif : La loi porte les marques de la souveraineté et de la généralité.

 Les marques de souveraineté


- Utilisation de certains verbes pour contraindre (devoir, falloir, défendre, interdire, prohiber,
ordonner, commander, gouverner, enjoindre, prescrire, tenir, exiger, poursuivre, forcer, contraindre),
pour exprimer le droit (permettre, avoir droit, pouvoir ou avoir le pouvoir) et pour exprimer la sanction
(sera puni, sera condamné, sera déchu, sera privé, est indigné, est nulle, est réputée non écrit).
- L’utilisation de l’indicatif dans l’énoncé de la règle. Cet indicatif a valeur d’impératif. En outre, dans
le texte, il y a une référence implicite à l’auteur car devant chaque article de la loi on pourrait écrire et
mettre : « législateur - art : « ……………. »

 Les marques de généralité


- Emploi de termes indéfinis, pronoms ou adjectifs (tout, chacun, chaque, nul, aucun, on, quiconque,
tel, autrui).
- Utilisation de formules impersonnelles (il est, il incombe, il appartient, il ne peut être).
- Utilisation de la troisième personne du singulier (la loi ne dit jamais « je » ni « tu »). On emploie
l’article défini : « le », « la », « les », et le genre masculin qui désigne alors toute personne de l’un ou
de l’autre sexe.
Discours à distance : Le législateur parle seul. C’est un message autonome à tout entendeur. On parle
de discours à distance ou de télélangage.
Les phrases du texte législatif sont présentées par article, car le message du législateur n’est pas
délivré en bloc. L’article est le lieu d’une disposition légale, la case destinée à recevoir une partie du
texte de loi. L’article est affecté d’un numéro. La loi est donc une succession d’articles.
L’énoncé par article obéit à deux règles de rédaction : concision (l’article est en principe bref et
substantiel) et unité intellectuelle (une idée, unité de proposition).

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Il faut bien noter qu’il est, toutefois, possible d’avoir, dans le même article, plusieurs propositions et
plusieurs objets, principe et exception, principe et conséquences, principe et application, principe et
sanction, principe et complément explicatif.
 Du point de vue stylistique
Le législateur écrit d’une manière particulière.
Le ton du législateur
Le législateur ne parle pas toujours sur le même ton mais son ton est toujours noble ou au moins
soigné.
En principe son ton est neutre, car le législateur n’a pas une intention littéraire. La loi peut avoir des
qualités littéraires, mais ce n’est pas une œuvre littéraire. C’est un langage de raison, son style est celui
de la sérénité, de la modération, de la pondération et de la sagesse (exclusion de l’ironie, de la
plaisanterie, de la satire, du sarcasme et de l’humour). La loi est sérieuse. Le législateur ne discute pas,
ne se justifie pas, n’argumente pas, ne démontre pas, ne raisonne pas. Il prescrit et dispose, en toute
souveraineté.
Il ne faut pas, cependant, passer sous silence la possibilité, dans certains cas, de mettre en relief les
objectifs de sa politique législative par des mots qui traduisent le parti qu’il prend sur la question
(admettre, reconnaître, tolérer, encourager). D’autres mots portent les marques de ses faveurs ou
défaveurs. C’est le cas de ceux qui laissent paraître ses sentiments. On peut observer, ainsi, quelques
fois, un manque sensible de bienveillance ou rigueur (Exemple : tout condamné à mort sera fusillé ou
aura la tête tranchée).
Exigences techniques
Les exigences techniques sont de deux ordres et sont contenues dans les propositions suivantes :
- « Le législateur doit s’exprimer de manière à être compris de tous. »
- « Le législateur doit utiliser la précision dans son langage technique. »
Paragraphe 2 : Le discours du juge
Le juge a la mission de dire le Droit et de trancher les litiges. On a coutume de dire que le droit
s’incarne dans le procès. Le discours du juge s’exprime dans une décision de justice.
Les parties concernées par le discours du juge
La décision du juge est la réponse que le juge donne à la demande de ceux qui s’adressent à lui, c’est-
à-dire aux parties. Les « acteurs » concernés sont donc les deux parties et le juge.

 Les parties au procès


Ce sont d’elles que vient la question soumise au juge. Cette question prend naissance dans les
circonstances de la cause, c’est-à-dire des faits à l’origine du différend. Ces faits sont rappelés par le
juge dans sa décision dans une perspective historique, sur un ton descriptif, direct et impersonnel, en
utilisant le langage courant.
Les parties soumettent également au juge leurs prétentions et arguments auxquels le juge se réfère
pour déterminer l’objet du litige, c’est à dire la question dont la résolution lui est demandée.

 Le juge
C’est à lui qu’il revient de donner une réponse à la question que les parties lui soumettent. La réponse
du juge est la « partie dispositive » (le dispositif) de la décision de justice. C’est l’élément final du

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processus judiciaire. La décision se présente comme une opération de mise en œuvre du débat et du
raisonnement judiciaires. Le discours du juge n’est pas, au contraire de celui du législateur, un
discours souverain car le juge doit se justifier. C’est pourquoi sa décision comprend, deux parties
essentielles que sont : les motifs (la justification) et le dispositif (la solution apportée au litige).
Dans les motifs, le juge use d’un discours démonstratif. Il explique, il s’explique, il développe. Il
utilise souvent les mots suivants : « Attendu que… » ou « considérant que… » pour diviser et
structurer son discours. Ils utilisent aussi d’autres mots tels que « Sur… (le premier moyen), mais
cependant…
Le juge, dans sa démarche, apprécie les faits et se réfère à la loi pour donner à la question une solution
qui porte le sceau de son autorité. Le juge « dit », « déclare », « ordonne », « prononce », « constate »,
« réserve », « condamne » « annule ». De cette façon il décide et donc tranche le litige. Le discours du
juge domine tout le procès.
La rédaction de la décision du juge est un véritable art. Cette décision est en effet constituée d’une
seule phrase articulée en plusieurs propositions subordonnées et une proposition principale. Le sujet
unique des propositions est le juge figurant en tête de la décision. Le temps utilisé par le juge est tantôt
le présent, tantôt l’imparfait et son style est mesuré, prudent. Les phrases sont claires. Le style du juge
se caractérise parfois par des constructions grammaticales particulières ou par l’emploi des
d’expressions archaïques.
Exemple d’expressions : Avant-dire-droit, en ses réquisitions, près le tribunal, donne acte.
Le discours du juge compte aussi des expressions figées dont les suivantes : à charge d’appel, appeler
en la cause, les moyens, assigner à toutes fins, disjoindre les poursuites, placé sous mandat de dépôt…
Les caractéristiques du discours du juge
Ce qui caractérise le discours du juge, c’est son unité. La décision du juge se réfère, en effet, à un cas.
Les causes qui lui sont soumises ne sont pas des causes anonymes. Ce sont des causes nommées, des
causes personnelles. Le discours du juge, à cet égard, est donc un discours inter partes et ad
personam.
La décision du juge est par ailleurs un ensemble d’opérations intellectuelles qui donne corps à un
énoncé linguistique exprimé nécessairement par écrit. Cette décision a des marques logiques (le juge
raisonne), des marques d’authenticité (la décision comporte nombre d’éléments qui l’authentifient) et
des marques de normativité (la décision contient des indications qui en précisent la conformité au
droit).
La langue du procès
La langue du procès est celle utilisée au cours du procès civil, pénal ou autre par ceux qui participent
au déroulement de celui-ci. Le procès, en effet, n’est pas un monologue. Il se caractérise par
l’intervention d’un tiers juge, sollicité pour donner une solution à un conflit, afin de rétablir l’ordre
social. Le conflit implique une interaction sociale et son essence réside dans le débat préalable à
l’adoption de la décision. La langue du procès est la langue officielle du pays. L’acte judiciaire est
rédigé dans cette langue.
Le vocabulaire utilisé est surtout le vocabulaire juridique. La langue du procès est un instrument de
dialogue car le juge entend les parties qui opposent leurs prétentions respectives. L’usage d’une langue
commune permet, en effet, l’établissement d’un rapport linguistique entre le juge et les parties. La fin
du dialogue intervient avec la décision du juge qui est un monologue.
Section 7 : Les maximes et les adages du Droit

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Paragraphe 1 : Définitions
Nous appréhenderons la maxime avant l’adage.
Le terme maxime vient du latin médiéval sententia ; c’est la grande sentence. La maxime est une
proposition générale, exprimée noblement, et offrant un avertissement moral, voire une règle de
conduite.
La maxime est un jugement dont la vérité est fondée sur le raisonnement et l’expérience ( Condillac).
La maxime est l’expression exacte et noble d’une vérité importante et incontestable (Joubert). Les
maximes sont nobles, sages et utiles ; elles sont faites pour les gens d’esprit et de goût (Voltaire). Les
maximes sont les proverbes des gens d’esprit (Montesquieu).
Le terme adage vient du latin ad agendum, « ce qui doit être fait ». C’est une proposition ayant pour
fin une action morale. L’adage est une formule souvent en Latin, employé par le juriste pour exprimer,
de façon précise, un principe de Droit.
Ces deux termes se distinguent de certaines notions voisines. Le Droit, comme la médecine, la
philosophie et la morale, possède des maximes et des adages. Ils proviennent des fonds latins qui en
forment la majorité. Les adages latins sont des fortes pensées, des réflexions très élaborées. Ils
proviennent aussi des fonds français.
Les adages ont fait l’objet d’études savantes. Ils sont surtout employés par la doctrine comme citation
d’agrément. L’adage est, en définitive, une expression issue de la tradition juridique énonçant sous une
forme simple et frappante une règle de Droit, une sentence morale, ou un fait d’expérience. Ils ont une
vertu directive qui leur permet de s’adapter aux situations nouvelles, qui met en lumière la raison de la
règle, qui favorise le débat contradictoire et surtout, en énonçant un principe idéal, tire le Droit vers le
haut.
Paragraphe 2 : Le rôle des adages et maximes
L’adage fait partie du discours juridique. Certains adages énoncent, en effet, le Droit.
Ils sont porteurs d’une norme juridique qui peut être une règle technique : personne n’est tenu de rester
dans l’indivision, pas de nullité sans texte ; pas d’intérêt, pas d’action ; le juge de l’action est le juge
de l’exception.
Il peut s’agir d’un principe général : Nul n’est censé ignorer la loi, la fraude corrompt tout, nul crime
nulle peine sans loi.
Il peut s’agir aussi de directives d’interprétation : la loi spéciale déroge à la loi générale, la loi générale
ne déroge pas à la loi spéciale.
D’autres adages sont des appuis du Droit. Ils lui apportent lumière, idées et valeurs. Ils font du
Droit une sagesse.
Exemples : À chacun ce qui lui est dû ; à toute peine salaire est dû ; force n’est pas Droit ; la
loi est dure, mais c’est la loi ; un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ; un seul témoin,
pas de témoin ; mieux vaut absoudre le coupable que condamner l’innocent.
L’adage est un type de discours qui a les caractéristiques suivantes :
- L’oralité : l’adage n’est pas, par nature, un écrit ; c’est une parole.
- L’adage est également une leçon. Sa vocation est d’instruire. L’adage a, par ailleurs,
une fonction juridique. Il s’agit d’énoncer une règle sous une formule facile à retenir.

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Cette fonction juridique est renforcée par l’habitude de ne citer que les premiers
termes de l’adage.
Exemple : « Nemo auditur » pour Nemo auditur propriam turpitidinem allegans.
Paragraphe 3 : L’adage du point de vue linguistique
L’adage est un énoncé concis. Tout adage est en effet le produit d’un effort de concision. Les adages
sont brefs. Généralement, ils tiennent en très peu de mots, grâce à l’ellipse de l’article et/ou du verbe.
Exemples : estimation vaut vente ; nécessité fait loi ; donner et retenir ne vaut ; juge unique,
juge inique.
L’adage tient aussi de l’art, surtout de la poésie.
Exemples : juge unique, juge inique ; la plume est servile, la parole est libre ; la loi est dure,
c’est la loi.
Chapitre 2 : Le raisonnement juridique
Section 1 : Les réflexes nécessaires à acquérir pour bien raisonner en Droit
Premier réflexe : envisager toujours les choses sous l’angle du Droit (opération de qualification
juridique)
Cette attitude consiste à regarder les situations avec les yeux du juriste → c’est l’opération de
qualification juridique qui concrétise ce réflexe. Il exige d’avoir une bonne représentation des réalités
juridiques qui recouvrent chaque situation.
Par exemple : Si on présente une situation faisant état de ce qu’un mari, ne supportant plus sa femme,
désire se séparer d’elle afin de pouvoir en épouser une autre, cette situation soulève la question du
divorce. Le divorce est la réalité juridique qui couvre la situation présentée.
Ce qui est attendu, c’est une figuration de la réalité présentée, laquelle devient une réalité juridique. Il
doit, précisément, rattacher les faits de la situation à une réalité juridique. Dans notre exemple, les faits
de la situation ont été rattachés au divorce.
Quel est l’intérêt d’acquérir ce réflexe, donc de qualifier systématiquement ?
En qualifiant, colle les faits de la situation à une des réalités juridiques étudiées connues du Droit. Une
fois qu’il a procédé ainsi, il circonscrit son champ d’étude à la réalité juridique (thème) qu’il a
identifiée. En rattachant les faits de la situation au divorce, il écarte de son activité de raisonnement,
les autres réalités juridiques. Et comme chaque réalité juridique porte en son sein des règles de Droit
qui la régissent, qui la déterminent, par l’opération de qualification, on écarte toutes les règles
juridiques qui ne concernent pas le divorce. On peut, alors, limiter et fixer son attention sur les règles
(régime) applicables au divorce ; c’est dans ce régime qu’on doit puiser la règle qui correspond à la
question qu’on aura soulevée.
Comme on peut le voir, la qualification permet d’isoler le corps de règles dont on aura besoin pour
répondre à la question.
Deuxième réflexe : étudier le Droit
Ce deuxième réflexe a un rapport logique nécessaire avec le premier. En effet, si qualifier consiste à
rattacher des faits à une réalité juridique, un thème du Droit, il est évident qu’on ne peut réussir cette
entreprise si les contours de la matière juridique sur laquelle doit porter notre discours ne sont pas
assimilés. Chaque matière juridique est composée de thèmes développés tout au long de son
enseignement. Il faut connaître ces thèmes (ces réalités juridiques) afin d’être en mesure, lorsque des

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faits d’un cas seront soumis, de rattacher ceux-ci à l’un des thèmes rencontrés dans l’étude de la
matière.
Au fond, la maîtrise des notions traitées dans la matière est un préalable à l’utilisation des méthodes de
résolution des questions juridiques.
Troisième réflexe : être animé d’un esprit démonstratif
Démontrer, ce n’est pas uniquement montrer ; c’est surtout montrer en justifiant l’idée qu’on veut faire
valoir. La qualité de juriste exige un esprit démonstratif. Le juriste est un « médecin » qui doit justifier
et persuader du bien-fondé de son opinion. Le médecin, lui, comme le font remarquer, François
GRUA et Nicolas CAYROL, dans leur ouvrage Méthode des études de droit, n’a pas besoin d’exposer
sa science pour soigner le patient. En revanche, « on attend toujours du juriste une démonstration »,
soulignent-ils à juste titre ; ainsi, insistent-ils, « pour tous les juristes, faire du droit consiste toujours
à convaincre. L’avocat doit convaincre le juge. Le juge doit convaincre le juge supérieur. Le
professeur doit convaincre l’étudiant et vice-versa ».
Trop souvent, notamment à l’occasion du traitement d’une question, on emprunte des raccourcis et on
pense avoir acquitté l’exigence de la démonstration. L’on passe, ainsi, rapidement, de la règle de Droit
à la conclusion, en sautant l’étape intermédiaire de la démonstration. L’on ne mesure pas que cette
étape est primordiale puisque c’est elle qui fait le lien entre la règle et la conclusion (qui correspond à
la réponse à la question soulevée par le cas).
Démontrer implique aussi le rejet des évidences. On est souvent enclin à poser une vérité comme
évidente et à s’en satisfaire. Il vous faut éviter les attraits de cette paresse intellectuelle. Suivez cette
recommandation : démontrer les évidences. Si une réalité est évidente, dites en quoi elle l’est ; vous
aurez ainsi démontré.
On démontre à l’aide d’arguments. L’argument est la preuve, la raison qui vient à l’appui, au soutien
d’une affirmation, d’une thèse.
Quatrième réflexe : Avoir le souci du mot juste et faire le choix de la clarté dans l’expression des
idées
Le mot juste est le mot exact, celui qu’il faut pour traduire le fond de notre pensée. Il faut
régulièrement se demander si les mots qu’on utilise pour construire son raisonnement sont ceux
qu’exige la discipline juridique. Cela renvoie à la maîtrise du vocabulaire juridique approprié. Afin
d’accéder plus facilement à la connaissance des mots d’une matière du Droit, il faut constamment
solliciter un dictionnaire juridique pour découvrir le sens des termes techniques employés dans une
matière. En procédant ainsi, on se familiarise avec ces mots et, en comprenant le sens, on pourra les
utiliser à bon escient.
Exemple : ne pas employer « nom » pour « prénom » et inversement. Les régimes juridiques ne sont
pas nécessairement les mêmes.
Section 2 : Les techniques de raisonnement
Paragraphe 1 : L’induction et la déduction
Ce sont les deux grandes formes de raisonnement qui ont toujours été distinguées par les logiciens.
L’induction fait continuellement appel à l’expérience. Dans l’induction l’esprit part généralement des
données de l’expérience qui sont singulières pour conclure à l’existence d’une vérité universelle (loi,
principe…). L’induction envisage le sensible particulier sous un point de vue universel. Des données
singulières ou partielles suffisamment énumérées, on infère une vérité universelle.
Exemple :

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Cette portion d’eau bout à 100° et cette autre, et cette autre encore
Donc, l’eau bout à 100°.
Quant à la déduction, elle ne fait pas appel à l’expérience. Dans la déduction l’esprit part souvent de
propositions à valeur de principe pour arriver à une conclusion qui s’y trouvait impliquée. L’esprit ne
fait donc qu’expliciter dans la conclusion une vérité qui se trouvait déjà contenue dans les antécédents
mais pas comme connue.
Le syllogisme est le raisonnement déductif par excellence. Le syllogisme est un raisonnement qui
contient 3 propositions (la majeure, la mineure et la conclusion), et tel que la conclusion est déduite de
la majeure par l’intermédiaire de la mineure. C’est une argumentation dans laquelle d’un antécédent
qui unit deux termes à un troisième, on infère un conséquent qui unit ces deux termes entre eux. Il
existe plusieurs types de syllogisme, mais celui auquel recourent les juristes est le syllogisme
catégorique.
Exemple :
Tout homme est mortel (majeure)
Or, tu es un homme (mineure)
Donc, tu es un mortel (conclusion)
Ce type de raisonnement peut comporter des erreurs lorsque la majeure est prise dans un sens différent
à cause d’une équivoque.
Exemple 1 :
Ce tableau est un Picasso
Or, Picasso est un peintre
Donc, ce tableau est un peintre
Exemple 2 :
Les lions rôdent dans la brousse
Or, Alidou est un lion (par son courage)
Donc, Alidou rôde dans la brousse
Paragraphe 2 : L’argumentation a simili (raisonnement par analogie) et l’argumentation a
fortiori (raisonnement a fortiori)
Le raisonnement par analogie permet de rechercher une solution en mettant en évidence la similitude
du cas jugé avec une solution antérieure reconnue. Le raisonnement par analogie est constamment
utilisé par les juristes dans le cadre de l’argumentation judiciaire et ce, notamment, lors de
l’exploitation d’une ou de plusieurs jurisprudences qui seraient favorables à la thèse développée.
Exemple :
Fallet Vilasco a été guéri de ses maux de tête par ce médicament
Donc Okolossi sera guéri de ses maux de tête par ce même médicament.
On passe du particulier au particulier sans passer par une loi universelle, mais seulement par la
ressemblance de deux cas en question :

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Fallet Vilasco a été guéri de ses maux de tête par ce médicament
Et le cas est semblable pour Fallet Vilasco et pour Okolossi
Donc, Okolossi sera guéri de ses maux de tête par le même médicament.
L’analogie peut être réfutée. On réfute une analogie comme tout argument de comparaison, c’est-à-
dire par le distinguo. Une conclusion (opinion) se réfute en établissant que les faits comparés ne son
pas identiques, ou que le rapport de ressemblance invoqué entre les deux situations de fait a privilégié
un élément caractéristique non déterminant, ou non essentiel. En ce sens, la réfutation d’une analogie
se fera toujours par la contestation de l’assimilation des deux situations de fait qu’elle suppose.
Le raisonnement a fortiori s’appuie non pas sur la similitude du cas à examiner avec un précédent
approprié, mais sur la raison alléguée pour trancher le cas antérieur d’une façon déterminée.
L’argument a fortiori prétend que la raison alléguée en faveur d’une certaine conduite ou d’une
certaine règle dans un cas déterminé s’impose avec une force plus grande encore dans le cas actuel. Si
l’on a puni quelqu’un qui, par ses coups, a blessé un autre homme, il faut a fortiori punir celui qui, par
ses coups, a occasionné la mort.

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Chapitre 3 : L’organisation judiciaire
Section 1 : L’organisation judiciaire
Art. 143 Constitution
« La Justice est rendue sur toute l’étendue du territoire national, au nom du peuple ivoirien, par la
Cour suprême, la Cour des Comptes, les Cours d’appels, les tribunaux de Première instance, les
tribunaux administratifs et les Chambres régionales des Comptes. »
La Constitution précise que la Cour suprême et la Cour des Comptes sont les deux institutions
juridictionnelles représentatives du pouvoir judiciaire.
Paragraphe 1 : La Cour suprême
Elle veille à la bonne application de la loi par les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre
administratif. Elle joue aussi le rôle d’un « tribunal de conflit » dans la mesure où elle règle les conflits
de compétence entre les juridictions des deux ordres.
Cour suprême regroupe :
- la Cour de cassation : plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, elle statue sur les recours en
cassation contre les décisions rendues en dernier ressort par les cours d’appel et les tribunaux
de l’ordre judiciaire.
- le Conseil d’État : plus haute juridiction de l’ordre administratif, il statue sur les décisions
rendues en dernier ressort par les tribunaux administratifs et par les juridictions
administratives spécialisées en matière de contentieux administratif.
Le Conseil d’État connaît en premier et dernier ressort des recours en annulation des actes des
autorités administratives centrales et des organismes ayant une compétence nationale.
Il a aussi une fonction consultative, le Président de la République pouvant lui demander des avis sur
toute question de nature administrative.
Au-dessous de ces juridictions, on compte :
- pour l’ordre judiciaire : les cours d’appel (cours d’appel de droit commun et cours d’appel de
commerce ; les tribunaux (tribunaux de droit commun y compris les tribunaux de travail,
tribunaux spécialisés : tribunaux de commerce)
- pour l’ordre administratif : tribunaux administratifs.
N.B. : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). Juridiction suprême communautaire
(Cour de cassation) chargée d’assurer l’uniformité de l’interprétation et de l’application des Actes
uniformes dans les États-membres de l’OHADA. La CCJA est aussi un centre d’arbitrage.
Paragraphe 2 : La Cour des comptes
C’est l’institution suprême de contrôle des finances publiques. Concrètement, elle contrôle la gestion
des comptes :
- des services de l’État ;
- des Établissements publics nationaux (EPN) ;
- des Autorités administratives indépendantes ;
- de tout organisme bénéficiant du concours financier de l’État ou d’une personne morale de
droit public ;

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- de tout organisme bénéficiant du concours financier des entreprises publiques et de leurs
filiales.
Au-dessous de la Cour des Comptes : Chambres régionales des comptes.
Section 2 : Le personnel judiciaire
Les acteurs du système judiciaire :
- Les magistrats : 2 catégories 

 Magistrats du siège : juges

 Magistrats debout : procureurs de la République et procureurs généraux.


- Les greffiers : ils tiennent la plume lors des audiences et ils sont chargés de tenir le rôle
(enregistrement des demandes en justice en vue d’une audience)
- Les avocats : ils ont un rôle de conseil et de représentation des intérêts de justiciables devant
les juridictions
- Les huissiers de justice (désormais appelés « commissaire de justice ») : un officier
ministériel, qui participe à la saisine des juridictions et à l’exécution des décisions de justice.

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