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CAA de PARIS, Juge des référés, 31/03/2021,

21PA00880, Inédit au recueil Lebon


CAA de PARIS - Juge des référés

 N° 21PA00880
 Inédit au recueil Lebon

Lecture du mercredi 31 mars 2021


Rapporteur
M. Christian BERNIER
Avocat(s)
STECK

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Entoma a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 27


janvier 2016 par lequel le préfet de police a suspendu la mise sur le marché et ordonné
le retrait des insectes entiers destinés à l'alimentation humaine commercialisés par la
société.

Par un jugement n°1602662 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a


rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2021 sous le n° 21PA00880, la société


Entoma, représentée par Me C... A..., demande au juge des référés, saisi sur le
fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet de police n° 2016-005 du


27 janvier 2016 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761 -1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :


- le juge des référés de la Cour administrative d'appel de Paris est compétent pour
connaitre de cette demande de suspension, la demande d'annulation de l'arrêté
contestée faisant l'objet d'un appel pendant devant la Cour ;
- l'arrêté contesté, alors qu'il a été mis un terme à sa suspension par le jugement du
9 novembre 2017, empêche la société d'exercer son activité de commercialisation de
produits à base d'insectes entiers et compromet sa survie ; par ailleurs, il n'existe pas de
risques sanitaires avérés ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit ; en effet, la Cour de justice de
l'Union Européenne par son arrêt C -526 du 1er octobre 2020 et le Conseil d'Etat, par sa
décision n° 420651 du 3 février 2021 ont jugé que l'article 1er paragraphe 2 sous e) du
règlement (CE) n°258/97 du 27 janvier 1997 ne devait pas s'interpréter comme incluant
les insectes entiers consommés pour eux-mêmes.

Par un mémoire, enregistré le 26 mars 2020, communiqué à la société Entoma au début


de l'audience, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, conclut au rejet
de la requête.

Il soutient que :
- la condition relative à l'urgence n'est pas satisfaite ; la société Entoma a continué à
commercialiser illégalement les produits, et une part de son activité s'exerce hors de
France ; le principe de précaution s'oppose à ce que soient commercialisées des
denrées à base d'insectes susceptibles de présenter un risque sanitaire ;
- il n'existe pas de doute sérieux sur la légalité de la décision ; les denrées
commercialisées par la société Entoma comprennent des parties d'insectes mélangées
à des épices et d'autres ingrédients en sorte qu'elles entrent dans le champ du
règlement (CE) n°258/97 du 27 janvier 1997 ; elles présentent un risque sanitaire et leur
commercialisation aurait pu être suspendue sur le fondement de l'article L. 218-5-4 du
code de la santé publique.

Vu la requête enregistrée le 29 novembre 2017 au greffe de la Cour sous le


n° 17PA03640, enregistrée à nouveau le 4 février 2021 sous le n° 21PA00632 après
cassation de l'arrêt rendu par la Cour le 22 mars 2018, par laquelle la société Entoma
demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 9 novembre
2017 rejetant sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 27
janvier 2016.

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union Européenne du 1er octobre 2020, Entoma


SAS contre ministre de l'économie et des finances, ministre de l'agriculture et de
l'alimentation (affaire C-526/19).

Vu la décision n°420651 du 3 février 2021, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au


contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 22 mars 2018
et lui a renvoyé l'affaire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la décision en date du 1er septembre 2020, par laquelle le président de la Cour


administrative d'appel de Paris a désigné M. B..., pour statuer en qualité de juge des
référés de la Cour administrative d'appel de Paris.

Vu :
- le code de la consommation ;
- le règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil du
27 janvier 1997 ;
- le règlement (UE) n° 2015/2283 du 25 novembre 2015 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, tenue le 26 mars 2021 en présence de Mme Dahmani,


greffier d'audience, ont été entendus :

- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me A..., représentant la société Entoma, qui souligne que :

- la société, qui a dû se séparer de la moitié de son personnel, est dans une situation
financière critique ; l'urgence est caractérisée ;
- la question de droit a été tranchée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union
Européenne du 1er octobre 2020 et par la décision du Conseil d'Etat du 3 février 2021 ;
la société bénéficie du régime transitoire institué par le règlement de 2015 ; la décision
contestée encourt donc une annulation certaine ;
- le mémoire en défense de l'administration n'apporte aucun élément nouveau ; les
insectes commercialisés par la société proviennent des Pays Bas et sont actuellement
distribués en Belgique et en Allemagne ; Il s'agit bien d'insectes entiers et non de parties
d'insectes, et l'ajout de quelques épices ne modifie pas la nature du produit ; le principe
de précaution posé par l'article L. 110-1 du code de l'environnement n'est pas utilement
invocable en l'espèce ; la consommation des insectes, dont l'origine et connue et qui
sont élevés dans le respect des règles sanitaires, ne présente pas de risque pour la
santé publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 janvier 2016, le préfet de police de Paris a suspendu la mise sur
le marché, par la société par actions simplifiée Entoma, de vers de farine, de criquets ou
de grillons préparés pour l'alimentation humaine sous la forme d'insectes entiers et a
ordonné leur retrait de la consommation jusqu'à mise en conformité avec les dispositions
du règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 1997
relatif aux nouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients alimentaires, notamment par
le dépôt auprès de l'administration d'une demande de mise sur le marché en vue d'une
évaluation initiale démontrant, en particulier, que ces produits ne présentent pas de
danger pour le consommateur. Par un jugement du 9 novembre 2017, le tribunal
administratif de Paris a rejeté la demande de la société Entoma tendant à l'annulation de
cet arrêté. Par un arrêt du 22 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté
l'appel formé par la société Entoma contre ce jugement. Par une décision n°420651 du 3
février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour
administrative d'appel de Paris du 22 mars 2018 et lui a renvoyé l'affaire.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une
décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en
réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la
suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque
l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de
l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

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