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-Droit et Santé-
Faculté des sciences politiques, juridiques et sociales
Mémoire préparé dans le cadre du DEA droit social mention droit du travail
Sous la direction de monsieur le Professeur Bernard BOSSU
Je tiens avant tout à remercier Arnaud pour son soutien, sa présence et ses
encouragements au cours de cette année.
3
A mon grand-père.
4
Sommaire
Introduction………………………………………………………………………….…p.8
TRAVAIL………………………………………………………………………………p.81
Conclusion ……………………………………………………………………………..p.138
5
Table des abréviations utilisées
BC : Bulletin civil.
CA : Cour d’appel.
Cah. Prud’homaux : Cahiers Prud’homaux.
Cass. soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation.
CDD : Contrat à durée déterminée.
CDI : Contrat à durée indéterminée.
CE : Conseil d’Etat.
CHSCT : Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Coll. : Collection.
Cons. Prud’h. : Conseil de Prud’hommes.
Chr. : Chronique.
CSBP : Cahiers Sociaux du Barreau de Paris.
CV : Curriculum vitae.
D. : Recueil Dalloz-Sirey.
Dr. Ouvrier : Droit ouvrier.
Dr. Soc. : Droit social.
Ed. : Edition.
IR : Informations rapides.
6
JOCE : Journal officiel des Communautés européennes.
JP : Jurisprudence.
Jurispr. soc. UIMM : Jurisprudence sociale de l’UIMM.
Obs. : Observations.
Rect. : Rectificatif.
RTD : Revue trimestrielle de droit.
Civ. : Civil.
Com. : Commercial.
Th. : Thèse.
TPS : Travail et Protection Sociale.
7
Introduction
1
Bien que certains auteurs considèrent que « l’annulation totale du contrat n’est pas, en règle générale, la
sanction la plus efficace, ni la plus grave » comparée à l’annulation partielle de la convention, GHESTIN (J.),
Traité de droit civil-Les obligations, LGDJ, 2ème éd., 1988, n°895.
2
Ex. : Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), Litec, 2ème
éd. Corrigée, 1998, p.97.
3
BENABENT (A.), Droit civil-Les obligations, Montchrestien, éd. 1991 in Nullité et contrat de travail, SIMON-
SUISSE (F.), mémoire de DEA de droit social, sous la direction de madame ROY-LOUSTAUNAU, 1992, p.2.
4
Dictionnaire de droit privé, C. PUIGELIER, Centre de Publications universitaires, 1999.
5
Termes juridiques, Dalloz-Sirey, Lexiques, 1999.
6
La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER
(G.), in Le contrat au début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, Paris, 2001, pp.273-
294.
7
Les obligations, BENABENT (A.), Monchrestien, coll. Domat Droit privé, 5ème éd., 1996.
8
considérant que « l’inobservation des règles de formation et de validité des contrats est
sanctionnée de diverses façons. En général, la sanction est la nullité de l’obligation et, par
voie de conséquence, la nullité du contrat »8.
Dès lors, il convient de distinguer la nullité de ces autres sanctions car leurs conséquences
sont tout à fait différentes du prononcé de la nullité d’un acte quant à leur champ
d’application, leur étendue et leurs effets en pratique. Dressons un rapide inventaire de ces
sanctions que l’on a coutume d’assimiler, à tort, à la nullité :
Tout d’abord, la nullité se distingue de la résolution. En effet, même si ces deux sanctions
ont pour conséquence la disparition rétroactive du contrat, le champ d’application de ces
dernières est tout à fait différent. Alors que la nullité trouve à s’appliquer lorsqu’il existe
un vice originaire affectant la formation du contrat, la résolution sanctionne quant à elle
« l’inexécution d’un contrat, qui demeure parfaitement valable »9.
De même, la nullité n’est pas assimilable à la caducité. Lorsqu’un contrat est frappé de la
sanction de la caducité, c’est à dire lorsqu’un événement extérieur rend son application
impossible10, cet acte reste valable en ce qui concerne ses effets passés, les effets propres à
la caducité n’ayant vocation à s’appliquer que pour l’avenir. Dès lors, à partir de la date où
la caducité de l’acte est constatée, ce dernier n’aura plus aucune valeur juridique ce,
contrairement à la nullité qui a également vocation à rétroagir.
Enfin, la nullité est une sanction qui se démarque aussi des notions d’inefficacité11,
inopposabilité (cette sanction n’affecte en réalité que les relations entre les parties à l’acte
et les tiers puisque les contractants ne peuvent se prévaloir de cet acte à l’égard de ces
derniers) et inexistence (sanction toutefois proche de celle de nullité absolue)12.
Ainsi, comme on le voit, la nullité est une sanction qui se démarque de ses notions
voisines. Mais, la nullité semble emporter les effets les plus importants puisqu’elle opère
autant rétroactivement que pour l’avenir et qu’elle étend ses effets sans distinction entre les
parties et les tiers.
8
Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), Litec, 6ème éd., Paris, mai
1998, n°998.
9
Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, op. cit.
10
En effet, la caducité « sanctionne le perte d’un élément essentiel à la validité du contrat par la survenance
d’un événement postérieur à sa formation et indépendant de la volonté des parties », GHESTIN (J.), Traité de
droit civil-Les obligations, LGDJ, 2ème éd., 1988.
11
Notion présente dans certaines décisions jurisprudentielles et dans certains textes tels que la loi « Neiertz »
du 31décembre 1989 relative au surendettement des ménages.
12
Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit. ; voir
également pour une distinction des deux notions : Le contrat, Droit des obligations, AUBERT (J.-L.), Dalloz-
Sirey, coll. Connaissance du droit, 2ème éd., Paris, 2000, p.98 et Droit civil, les obligations : 2.Contrat,
BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1008.
9
Or, il apparaît également qu’une distinction doit être opérer au sein même de cette
notion de nullité. En effet, la nullité se déclinerait en de multiples sous-catégories
lesquelles, soumises à différentes conditions d’application, vont déterminer notamment le
ou les titulaires de l’action ainsi que l’étendue de la nullité qui sera prononcée.
Ainsi, traditionnellement, la doctrine relayée par la jurisprudence distingue tout
d’abord nullité absolue et nullité relative seulement en ce que cette différenciation désigne
les titulaires de l’action en nullité et les délais pendant lesquels leur action est recevable13.
Par ailleurs, selon messieurs BOYER, ROLAND et STARCK, « le critère de distinction des
deux sortes de nullité se trouve dans la nature des intérêts qui sont en jeu. Si la règle légale
violée avait pour but la protection d’un intérêt particulier, la sanction sera une nullité
relative. Si la règle légale qui n’a pas été observée avait été prescrite dans un intérêt
général ou, à plus forte raison, si elle intéressait l’ordre public ou les bonnes mœurs, la
sanction sera une nullité absolue »14. Dès lors, les actes concernés par la nullité relative
sont ceux dont les règles relatives à la capacité d’exercice, aux vices du consentement, à
l’absence de cause ou d’objet et à la lésion n’ont pas été respectées. A l’inverse, sont
frappés de nullité absolue les contrats engendrant des obligations dont l’objet ou la cause
sont illicites ou immoraux. De plus, ces actes frappés de nullité relative ou absolue seront
effectivement annulés dès lors que les titulaires de l’action, différents selon le type de
nullité, auront exercé l’action dans les délais impartis, également différents selon la nullité.
De façon générale, les titulaires de l’action en nullité relative sont les parties au contrat, ces
derniers ayant un intérêt particulier évident au prononcé de celle-ci ; ce sont les personnes
dont les intérêts étaient protégés par la règle de droit violée, celles dans l’intérêt desquelles
la règle a été instituée15. Dans cette hypothèse, l’action en nullité relative se prescrit par
cinq ans selon les dispositions de l’article 1304 du Code civil.
Au contraire, les titulaires de l’action en nullité absolue seront « tous ceux qui ont intérêt à
voir déclarer la nullité du contrat. C’est d’ailleurs là la raison de la dénomination de ces
nullités : "absolues" cela doit s’entendre en ce sens que tout intéressé peut agir ; la nullité
existe au profit de toute personne qui entend s’en prévaloir, dès lors que celle-ci peut faire
état d’un intérêt. Selon les cas, cet intérêt peut être d’ordre matériel (pécuniaire) ou
simplement moral »16. Dans le cadre de cette nullité, l’action se prescrit alors par trente
13
Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1005 et s. ;
Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit.
14
Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1007.
15
Ibid., n°1018.
16
Ibid., n°1023.
10
ans, délai de droit commun reposant sur les dispositions de l’article 2262 du Code civil. Il
faut ajouter que dans le cadre de ces deux nullités, le point de départ du délai de
prescription sera établi, en principe, au jour de la conclusion du contrat mais ce délai
pourra commencer à courir au jour où le contrat aurait pu être confirmé (dol, erreur,
cessation de la violence, majorité ou émancipation de l’incapable mineur, connaissance de
l’acte)17, le dépassement de ces délais n’étant opposable que dans le cadre d’une nullité
invoquée par son titulaire par voie d’action et non par voie d’exception selon l’adage quae
temporalia sunt agendum, perpetua sund ad excipiendum18.
Cependant, la distinction entre nullité relative et nullité absolue n’est pas la seule
opérée par la jurisprudence, la doctrine de même que le législateur. En effet, il convient de
distinguer également nullité du contrat et nullité partielle de celui-ci. Or, l’étendue de la
nullité pose ici problème puisque la doctrine s’est divisée sur la question de savoir quelle
conséquence accordée à cette sanction lorsque seule une clause du contrat est touchée par
celle-ci. Y-a-t-il lieu de prononcer la nullité de l’ensemble du contrat ou simplement la
nullité de cette clause ? Certains auteurs ont alors fondé leurs propos sur le libellé respectif
des articles 900 (actes à titre gratuit) et 1172 (actes à titre onéreux) du Code civil19.
Pourtant, la jurisprudence de la Cour de cassation a atténué cette opposition et prend en
compte aujourd’hui le critère déterminant ou non de la clause annulée. En effet, si celle-ci
a été déterminante du consentement des parties contractantes, la clause sera annulée ainsi
que l’ensemble du contrat dont elle est issue. Dans l’hypothèse où cette clause n’a pas été
déterminante de leurs consentements respectifs, il n’y aura lieu alors qu’à annulation de la
clause litigieuse. « Il y a donc lieu à une analyse par le juge de l’intention des parties afin
d’apprécier s’il y a ou non indivisibilité des différentes parties du contrat »20 sauf lorsque
les parties auront précisé elles-même les clauses déterminantes de leur consentement dans
l’acte ou lorsque le législateur précise que la nullité de la clause n’emporte pas nullité de
l’ensemble du contrat. Dans cette dernière hypothèse, la clause sera alors le plus souvent
réputée « non-écrite »21.
17
Ibid., n°1032.
18
Ce qui est temporaire quant à l’action est perpétuel quant à l’exception.
19
Cf. SIMLER (P.), La nullité partielle des actes juridiques, LGDJ, 1969 in Droit civil-Les obligations,
BENABENT (A.), op. cit., n°216.
20
Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit., n°218.
21
Cf. KULLMANN, Remarques sur les clause réputées non-écrites, D.1993.chr.59 ; COTTEREAU, La clause
réputée non-écrite, JCP G 1993.I.3691.
11
On ajoutera que certains auteurs emploient également pour termes ceux de nullité-
réduction22 dans l’hypothèse d’une clause nulle dans son montant et non dans son principe,
dont le juge pourra alors réduire la partie excessive (technique que la jurisprudence a
étendu au-delà des hypothèses prévues par le législateur23), et aussi de nullité-substitution
bien que les auteurs estiment que le juge, non partie au contrat, ne peut décider, de son
propre chef, de remplacer la clause déclarée nulle24.
22
Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit., n°219.
23
En matière de clause de non-concurrence, cass. soc. 1er décembre 1982, BC V, n°668 ; D.1983.IR.418 note
Y.SERRA.
24
Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit., n°220.
25
Par exemple, en ce qui concerne la vente à plusieurs reprises d’un même meuble. En effet, la nullité de la
1ère vente ne pourra pas donner lieu à la restitution de l’objet au profit du 1er vendeur dans un soucis de
protection de son propriétaire actuel, tiers à la 1ère vente, à condition que ce dernier soit de bonne foi.
26
GHESTIN (J.), Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, vol.1 : Le contrat, formation, 2ème éd., LGDJ,
1988, n°871.
12
ses obligations au cours d’une même période, il peut donc être qualifié de contrat à
exécution successive.
De plus, le contrat de travail, comme tout autre contrat, est par ailleurs soumis aux
dispositions de droit commun27. Ainsi, sa validité peut être remise en cause par le biais
d’une action en nullité ayant pour fondement les dispositions du Code civil. De même,
certaines dispositions spécifiques du Code du travail vont subordonner la relation entre les
parties à certaines conditions de validité.
De ce fait, on assiste à une combinaison inévitable des règles présentes dans le
Code civil et dans le Code du travail. Cette combinaison apparaît alors au premier abord
protectrice des intérêts de chaque partie au contrat de travail puisque les règles régissant la
validité de ce contrat s’en trouvent multipliées. Cependant, ne peut-on pas craindre dès ce
stade de la réflexion une insécurité de la relation salarié-employeur, celle-ci pouvant être
remise en cause par le biais d’une action en nullité reposant sur de nombreux motifs ?
Il faut répondre par la négative à cette question et ce pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, le salarié, partie au contrat de travail, n’a que peu d’intérêt dans le prononcé
de la nullité de son contrat. En effet, la remise en cause de la validité de celui-ci
supposerait de facto l’annulation dudit contrat et le salarié se trouverait dès lors dans une
situation précaire puisque sans emploi. Cependant, plus grand est l’intérêt de l’employeur
lequel trouverait dans la nullité une sorte d’échappatoire dans l’hypothèse où il souhaiterait
mettre fin à sa relation avec le salarié, la nullité n’entraînant pas obligation pour lui au
versement des différentes indemnités afférentes au prononcé du licenciement du salarié.
Or, il faut constater ensuite que dans les faits, plus grande est la difficulté dans la mise en
œuvre de l’action en nullité du contrat que dans le prononcé du licenciement.
Contrairement à la nullité, sanction dépendante de la libre appréciation du juge, le
licenciement reste à l’initiative de l’employeur donc à sa "libre disposition". De même, le
prononcé du licenciement du salarié va permettre à certaines clauses inhérentes au contrat
rompu par l’employeur et non annulé, de survivre telles la clause de non-concurrence qui
trouve toute son application au moment de la rupture du contrat de travail.
Par ailleurs, certains auteurs ont pu relever que la question de la nullité du contrat de
travail « est là un problème qui vient alimenter de temps à autre les chroniques de
jurisprudence »28. D’autres soulignent également que « les développements que la théorie
27
Art. L.121-1 du code du travail.
28
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, LGDJ, Montchrestien, juin
1998, n°347.
13
des nullités serait susceptible de connaître sur le terrain du droit du travail sont a priori
limités en raison d’une considération d’importance majeure : c’est que la nullité du contrat
de travail apparaît en général comme une sanction tout à fait inappropriée. Elle a, d’une
part, pour le salarié, les conséquences les plus fâcheuses en la laissant sans emploi. Elle
devrait, d’autre part, opérer rétroactivement alors que, par la force des choses, il est
impossible de revenir sur l’exécution passée du contrat de travail. Pour ces raisons
décisives, les cas dans lesquels le contrat de travail est frappée de nullité sont
particulièrement rares et, dans ces cas exceptionnels (on pense au contrat de l’étranger sans
titre de travail), la loi dote la nullité d’un régime si spécifique que la sanction en est
méconnaissable29 »30.
Dès lors, il faut comprendre que le droit civil et le droit du travail ayant des finalités
distinctes, les conséquences engendrées par le prononcé de la nullité d’un contrat seront
spécifiques à la matière du droit du travail et « adaptées » à la relation de travail. En effet,
« les deux disciplines […] sont souvent présentées comme totalement distinctes, si ce n’est
antinomiques. Le droit civil serait un droit conservateur et le droit du travail serait un droit
progressiste »31. Ainsi, le droit civil aurait vocation à s’appliquer de manière stricte et
rigide alors que le droit social aurait une finalité plus humaine et sociale et s’adapterait
donc aux difficultés spécifiques qui lui sont soumises. En matière de nullité du contrat de
travail, le droit du travail aurait alors vocation également « à adapter la sanction des
conditions de formation des actes juridiques, issue de la théorie générale des contrats, à la
finalité protectrice du droit du travail »32.
Cependant, quelle autre sanction prononcée aux lieu et place de la nullité lorsqu’un vice
affecte indéniablement la validité du contrat de travail ? Certes, si des sanctions analogues
sur certains aspects de leur étendue existent dans le droit commun des contrats comme
nous l’avons vu, la nullité reste la sanction la plus adaptée à la violation des règles de
validité d’un contrat fusse un contrat de travail. Or, la nature de la relation contractuelle
semble mal se concilier avec les conséquences engendrées par le prononcé de la nullité. En
effet, l’annulation du contrat de travail est généralement demandée au moment de la
rupture du contrat de travail. Dès lors, ce contrat a déjà subi dans cette hypothèse une
exécution et l’aspect rétroactif de la sanction de la nullité supposerait a fortiori la
29
Cf. pour exemple, l’article L.341-6-1 du Code du travail.
30
La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER
(G.), in Le contrat au début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, op. cit., p.275.
31
PELISSIER (J.), Droit civil et contrat individuel de travail, Dr. Soc. 1988, p.388.
14
restitution par le salarié des rémunérations perçues. A l’inverse, l’employeur serait
redevable des prestations à lui fournies par le salarié. Si le premier aspect (celui de la
restitution des rémunérations) est concevable malgré l’insécurité économique dans laquelle
il mettrait le salarié, le second est quant à lui beaucoup plus problématique. En effet,
comment l’employeur peut-il restituer les prestations de travail fournies par le salarié alors
que ces dernières sont par nature soit immatérielles, soit non quantifiables ou tout
simplement non équivalentes à l’intérêt pécuniaire que représente pour l’employeur la
restitution des rémunérations versées ?
C’est pourquoi nous verrons que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour
de cassation attache des conséquences parfois spécifiques voire surprenantes au prononcé
de la nullité du contrat de travail. Par ailleurs, on remarquera que ces conséquences sont
également distinctes selon le demandeur à l’action et surtout selon le type de contrat de
travail concerné par cette sanction (contrat à durée indéterminée, contrat à durée
déterminée, contrat à temps partiel, contrats précaires…).
La spécificité de la mise en œuvre de la nullité du contrat de travail réside
principalement dans le fait qu’elle met en présence devant le juge deux parties à un contrat
de travail connaissant un déséquilibre dans leurs relations professionnelles. Dès lors,
l’action en nullité ne semble pas possible pour le salarié placé sous la subordination et le
pouvoir de direction de l’employeur pendant l’exécution dudit contrat.
Pourtant, on constate depuis quelques années une augmentation des demandes en
annulation des contrats de travail devant les juridictions du fond. A quoi doit-on ce retour
en force de la nullité comme sanction de la violation des règles de validité du contrat de
travail ?
Tout d’abord, ce retour aux règles de droit commun des contrats dans le libellé des
décisions de la chambre sociale semble participer à un mouvement de plus grande ampleur
faisant prévaloir un retour aux principes civilistes en droit du travail (on ne compte plus les
décisions de la chambre sociale ayant pour fondement les articles du Code civil notamment
l’article 1134 !) notamment aux notions de bonne foi et de loyauté des contractants au
cours de l’exécution de leurs obligations contractuelles et plus généralement dans
l’ensemble de leurs relations.
Or, on constate que parallèlement à ce mouvement jurisprudentiel, le législateur a mis en
place de nouvelles "règles du jeu" dans les relations entre candidat à l’embauche, ou
32
SIMON-SUISSE (F.), Nullité et contrat de travail, mémoire de DEA de droit social sous la direction de
C.ROY-LOUSTAUNAU, Université de droit d’Aix Marseille, 1992.
15
salarié, et employeur. Ainsi, on peut citer pour exemple la loi du 31 décembre 199233
instituant un article L.121-6 dans le Code du travail selon lequel « les informations
demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié ne
peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou
ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et
nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ». De
plus, l’article ajoute par la suite que « le candidat à un emploi ou le salarié est tenu d’y
répondre de bonne foi ». Dès lors, cet article consacre une obligation de loyauté du
candidat à l’embauche mais seulement en ce qui concerne les informations présentant un
lien direct et nécessaire avec l’emploi (…). Quelle attitude ce même candidat pourra-t-il
alors avoir face à des questions de l’employeur ne respectant pas les dispositions de cet
article ? Ce dernier aurait-t-il « un droit au mensonge » ? De plus, le législateur n’a pas
prévu de sanction quant au non-respect de ces dispositions par le salarié lui-même.
Qu’encourt-il réellement ? La nullité de son contrat de travail ou la rupture justifiée de
celui-ci par l’employeur ? Autant de questions, on le voit, à même de susciter un
contentieux devant les tribunaux. En effet, l’employeur va trouver là un moyen de
demander sans trop de difficultés, a priori, la nullité de la relation de travail le liant à son
salarié, nullité causée par le non-respect de l’article L.121-6 du Code du travail, article
relayé par les principes de droit commun reposant sur la bonne foi et la loyauté des
contractants mais également le devoir de renseignement et l’obligation d’information de
ces derniers.
Or, cela est sans compter sur la vigilance de la chambre sociale. En effet, celle-ci
volontairement protectrice des intérêts du salarié, partie faible à la relation de travail, va
entreprendre d’encadrer de manière spécifique le cadre de l’action en nullité.
De plus, le formalisme attaché à certains types de contrat et institué dans un but
protecteur de la situation dans laquelle est placée le salarié, présume de la capacité des
Conseils de prud’hommes à connaître de la violation des règles de validité imposées par le
Code du travail en matière de contrats autres que le CDI. Ainsi, la violation de certaines de
ces règles a vocation à entraîner, on le verra au cours de nos développements, la nullité du
contrat de travail mais ce de manière exceptionnelle, le législateur relayé par la chambre
sociale de la Cour de cassation lui préférant la sanction de la requalification34.
33
Loi n°92-1446 du 31 décembre 1992.
34
Art. L.122-3-1 du Code du travail issu de la loi n°90-613 du 12 juillet 1990.
16
Dès lors, que penser de la position de la chambre sociale en la matière ? Se
situe-t-elle à l’opposé de l’appréciation par les chambres civiles des critères déterminants
de la nullité et de l’étendue celle-ci ?
En fait, la problématique se doit d’être plus générale : il faut sans cesse avoir en tête
que le droit du travail constitue un droit spécifique régulant les relations entre des
personnes ne se situant pas sur un même pied d’égalité. En effet, le salarié se trouve en
position d’infériorité par rapport à son employeur lequel dispose d’un pouvoir de direction
et de contrôle sur ce dernier. Ainsi, l’employeur cherche à tirer un profit substantiel de la
situation dans laquelle il se trouve, profitant de la mise à disposition par le salarié de ses
compétences professionnelles. Or, le risque d’une application stricte des règles régissant le
droit commun des contrats conduirait à la tentation pour l’employeur d’invoquer, à la
moindre défaillance de la part de son salarié, la nullité du contrat de travail notamment
pour erreur ou dol. Ainsi, l’employeur évitant de procéder à un licenciement pour
incompétence professionnelle lequel suppose le versement de plusieurs indemnités de
rupture, pourrait se séparer de son salarié au motif que ce dernier lui aurait omis de
préciser les domaines dans lesquels il n’avait pas de compétences sans que ne lui soit
réclamée la moindre indemnisation.
Dès lors, si la chambre sociale semble attachée aux principes civilistes régissant la
validité et donc, a fortiori, les conditions du prononcé de la nullité du contrat de travail, sa
jurisprudence « s’est efforcée d’adoucir la rigueur des solutions qu’eût entraînée
l’application des principes de droit commun en matière de nullité des contrats »35.
Faut-il en conclure que le droit du travail a vocation à se détacher du droit commun ? A
cette question, l’actualité nous fournit un exemple qui pourrait faire bientôt couler
beaucoup d’encre. En effet, le projet de loi de modernisation sociale propose l’insertion
d’un article L.120-4 dans le Code du travail selon lequel « le contrat de travail est exécuté
de bonne foi »36. Or, cette insertion dans le Code du travail parmi ses dispositions
générales concernant tout contrat de travail37 n’est pas s’en rappeler la terminologie
employée à l’article 1134 alinéa 1er du Code civil. Dès lors, il semblerait que le législateur
tienne à rappeler le rattachement du régime du contrat de travail à celui du droit commun
35
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit.
36
Cf. Annexe n°1, article 50 ter.
37
Cet article figurerait ainsi au sein du Titre deuxième : Contrat de travail, dans le Chapitre premier :
Dispositions générales.
17
des contrats38. Mais, cette précision est-elle bien utile puisque l’on sait déjà de part la
formulation de l’article L.121-1 du Code du travail que celui-ci « est soumis aux règles du
droit commun » ? Il faudrait donc entendre la formulation de ce nouvel article comme une
réelle volonté de "moraliser" les relations salarié-employeur et non, comme on pourrait le
penser, une tendance à s’écarter de plus en plus du droit commun afin de donner au droit
du travail une véritable autonomie.
On ne peut donc pas conclure a priori à un régime distinct en droit du travail des
causes d’annulation du contrat par rapport au droit commun. En effet, le contrat de travail
reste soumis au droit commun des contrats, et le sera peut-être encore plus demain.
38
Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), in Une
nouvelle crise du contrat ?, colloque organisé par le centre René-Demogue les 14 et 15 mai 2001, Faculté de
droit de Lille2.
18
de la nullité du contrat de travail doit composer avec cette règle propre au droit du travail.
Ainsi, les juges du fond devront vérifier, dans l’hypothèse d’une action en nullité fondée
sur la violation des dispositions collectives, si le contrat de travail concerné déroge ou non
en faveur de la situation du salarié aux dispositions qui lui étaient imposées.
Or, les difficultés se poseront véritablement, nous le verrons, dans l’hypothèse où le contrat
contient des dispositions moins favorables au salarié que celles contenues dans les
conventions ou accords collectifs de travail.
39
Art. L.132-5 du Code du travail.
40
Art. L.121-1 al.1er du Code du travail.
19
affectant le contrat de travail de régime à « physionomie variable »42. En effet, « alors que
la protection de l’intégrité du consentement est normalement assurée, quoique rarement
sollicitée, lorsque le consentement est vicié au regard de la matière de l’engagement, elle
est en revanche le plus souvent refoulée lorsque le vice invoqué se rapporte à la personne
du contractant. Dans le premier cas, du reste, la victime du vice est généralement le salarié
tandis que c’est, dans le second, l’employeur »43.
Dès lors, lorsqu’elle se prononce pour l’annulation du contrat, la chambre sociale
donne des effets plutôt originaux et parfois même contestables à cette sanction. En effet, le
droit du travail en matière de nullité du contrat trouve ici sa démarcation la plus flagrante
avec le droit commun des contrats puisque :
Ø Premièrement, la Cour de cassation privilégie la survie de la relation de travail,
celle-ci ayant, le plus souvent, déjà connu un début d’exécution. C’est pourquoi la chambre
sociale opte pour la requalification du contrat, notamment lorsqu’il s’agit de contrats
précaires, la révision de la clause44 ou, même, pour une nullité partielle, annulant les seules
clauses litigieuses lorsque celles-ci apparaissent illicites, excessives… Ainsi, la chambre
sociale semble utiliser dans cette dernière hypothèse la technique du « réputé non-écrit »
préconisée par le législateur dans certaines domaines45.
Selon monsieur COUTURIER, « il est donc peu question des nullités du contrat de travail
dans son ensemble. Il est, en revanche, fréquemment question de la nullité de telle ou telle
de ces clauses – contraires à une règle légale particulière ou attentatoires à des droits
fondamentaux de la personne »46.
Ø Deuxièmement, on ne peut parler de la nullité du contrat de travail sans évoquer la
notion de licenciement. En effet, ce mode de rupture de la relation de travail à l’initiative
de l’employeur est bien souvent l’événement précurseur de l’action en nullité ou de son
évocation par voie d’exception devant son juge prud’homal.
De plus, il faut remarquer que la chambre sociale opère un parallèle évident entre les
conséquences qu’elle accorde à la nullité avec celles du prononcé d’un licenciement. En ce
sens, nous verrons que la Cour de cassation n’hésite pas à mettre de côté les effets
41
Sanctions pécuniaires renforcées par le dispositif prévu à l’article 36 du projet de loi de modernisation
sociale modifiant l’art. L.152-1-4 du Code du travail, cf. annexe n°1.
42
G.LOISEAU, L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail, in Le contrat au
début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, pp.579-599.
43
Ibid, p.581.
44
Cf. Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, vol.1 : Le contrat, formation, GHESTIN (J.), op.cit., n°875.
45
Ibid., n°896.
46
La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER
(G.), in Le contrat au début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, op. cit., p.275.
20
rétroactifs de l’annulation de la relation de travail, laissant au salarié le bénéfice des
rémunérations qu’il a déjà perçu sous couvert de justifier le versement d’une quelconque
indemnité compensatoire et qu’à ce titre elle décide parfois le versement d’autres
indemnités en rapport direct avec celles versées lors d’un licenciement. Ce parallèle avec
les effets produits par le prononcé d’un licenciement s’explique par la volonté évidente de
la chambre sociale de protéger les intérêts du salarié, ce dernier étant en meilleure posture
dans cette hypothèse que lors de l’annulation pure et simple de son contrat de travail.
Par ailleurs, si cette solution choisie par la Cour de cassation se situe dans la ligne directe
d’une tendance au prononcé de solutions protectrices des intérêts du salarié, celle-ci a pour
but également d’éviter à la nullité du contrat de travail des désagréments non souhaités.
Ainsi, les juges cherchent évidemment à éviter à tout prix de donner un quelconque effet
rétroactif au prononcé de leur décision de même qu’ils s’emploient à sauvegarder
l’existence d’un lien contractuel entre le salarié et son employeur. Comme l’indique
monsieur VERKINDT, le contrat de travail doit être lu par rapport au prisme du lien de
subordination. Dès lors, les mécanismes correctifs du lien de subordination doivent être
recherchés dans le droit commun des contrats mais avec certaines limites ou réserves47.
En droit du travail, on semble donc bien aller au-delà de la simple arithmétique du droit
commun des contrats pour qui : contrat + non-respect des conditions de validité = nullité.
Comme le font les chambres civiles, la chambre sociale de la Cour de cassation opère en
matière de nullité un contrôle de l’appréciation mais également de l’opportunité du
prononcé de la nullité du contrat.
47
Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), in Une
nouvelle crise du contrat ?, colloque organisé par le centre René-Demogue, op. cit.
21
Enfin, le prononcé de la nullité par la chambre sociale se démarque de celui du droit
commun des contrats en ce que la Cour de cassation limite cette solution par le biais de
l’exigence de preuves plus difficiles à apporter au point que l’on peut s’interroger sur le
fait de savoir s’il est encore possible d’en apporter une surtout en ce qui concerne
l’employeur lorsque ce dernier est le titulaire de l’action. Au contraire, la preuve de la
nullité du contrat, ou tout au moins de l’une de ses clauses, sera plus aisée, nous le verrons,
lorsque le titulaire de l’action portée devant le juge prud’homal est le salarié.
Dès lors, c’est par une appréciation in concreto de l’ensemble des faits de chaque espèce
que la chambre sociale de la Cour de cassation opère en matière de nullité du contrat de
travail. Ainsi, cette dernière cherche à rétablir un équilibre contractuel au sein de la relation
salarié-employeur, équilibre manquant au cours de l’exécution du contrat du fait du lien de
subordination dans lequel se trouve le salarié de part son statut. Il semble par conséquent
difficile, à première vue, d’établir la place réelle de la nullité en droit du travail.
22
1ère PARTIE
23
Bien que ce soit en matière de droit social « un problème qui vient alimenter
de temps à autre les chroniques de jurisprudence »48, la nullité du contrat de travail obéit à
la fois aux règles issues du droit commun des contrats49et à celles spécifiques au droit du
travail50.
Dès lors, les titulaires de cette action en nullité restent a priori les mêmes que ceux
que connaît le droit commun des contrats même si le droit du travail fait intervenir
d’autres acteurs potentiels. Ainsi, les acteurs de l’action en nullité que sont les contractants
eux-mêmes vont parfois subir la concurrence d’autres individus, tiers à la relation de
travail (Section 1).
48
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit., n°347.
49
Art. L.121-1 du Code du travail.
50
Par exemple : concernant le contrat d’apprentissage (art. L.117-2 et s. du Code du travail) ; l’emploi de
travailleurs étrangers (art. L.341-1 et s.) ; etc…
24
SECTION 1 : LES ACTEURS DE L’ACTION EN NULLITE DU CONTRAT DE TRAVAIL.
L’ensemble de ces acteurs même s’ils ont vocation à jouer des rôles différents en la
matière et à prétendre à des solutions diverses par le prononcé de la nullité, contribuent au
respect des conditions de forme et de fond inhérentes à la validité des contrats de travail.
Dès lors, il y a lieu de favoriser leurs actions en ce domaine dans un soucis de protection
juridique des relations de travail.
25
§1 : Les acteurs principaux de l’action en nullité du contrat de travail.
51
Le contrat, Droit des obligations, AUBERT (J.-L.), op. cit., p.99.
52
Idem.
53
GAUDEMET (E.), Théorie générale des obligations, Dalloz, 1937 in . La théorie des nullités dans la
jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), op. cit., p.274.
54
JAPIOT (R.), Des nullités en matière d’actes juridiques, Thèse Dijon, 1991 in La théorie des nullités dans
la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), op.cit., p.274.
26
de rupture du contrat de travail n’entraîne pas le versement obligatoire d’indemnités de la
part de celui-ci (2).
Dès lors que le contrat de travail s’exécute et n’est pas remis en cause par le salarié,
l’employeur n’a que peu d’intérêt dans le prononcé de la nullité du contrat de travail voire
aucun intérêt. En effet, cet employeur dispose d’un salarié qui met à sa disposition ses
aptitudes professionnelles en contrepartie d’une rémunération et outre l’hypothèse d’un
manque de qualification évidente de la part de ce salarié lequel aurait été provoqué par le
mensonge de celui-ci, l’employeur n’est pas fondé à agir devant le juge prud’homal.
Or, un examen des différentes décisions jurisprudentielles en matière de nullité du contrat
de travail nous montre que le plus souvent cette action est portée par l’employeur et ce par
voie d’exception55. Ainsi, face à une demande d’indemnisation pour rupture du contrat de
travail de la part du salarié, l’employeur invoquera pour moyen de défense le fait que le
contrat n’a pas pu être rompu de manière justifiée ou abusive puisque ce contrat de travail
est nul, cette nullité reposant alors sur un vice de fond ou de forme.
Dès lors, bien que la possibilité d’une demande en nullité du contrat de la part de
l’employeur par voie d’action ne doit pas être omise56, il apparaît que la demande en nullité
par voie d’exception (exceptionnellement demandée par le salarié) est l’action qui se
rapproche le plus, tant dans l’instant que dans les faits, du licenciement.
En effet, la demande par voie d’exception de la part de l’employeur va prendre naissance
au moment où le salarié introduit une demande d’indemnisation pour rupture du contrat de
travail ; cette rupture prend alors la forme d’un licenciement.
De plus, la nullité, dans cette hypothèse, ne sera invoquée qu’après avoir mis un terme à la
relation contractuelle de travail.
55
Cf. en ce sens : cass. soc. 17 octobre 1973 Société Fives-Lille-Cail c/David, JCP 1974, II, 17698, obs. Y.
SAINT-JOURS.
cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ; D.1991, JP, p.507, note J.MOULY.
cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, BC V n°47 ; RJS 1992 n°240.
cass. soc. 30 mars 1999 Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel, arrêt n°1499P,
JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240, note J.MOULY ; D.2000, somm. comm., chr
I.OMARJEE, P.13.
56
Cf. en ce sens : cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/Société Cart Expert France et a., arrêt n°3023, RJS10/90
n°753 ; BC V n°329 ; D.1991, JP, p.507, note J.MOULY.
cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101 p.16.
27
Dès lors, ce ne sont pas les effets de la nullité sur le contrat de travail qui poseront des
difficultés puisque celui-ci n’existe plus au jour de l’instance mais les effets pour le passé
du prononcé de cette nullité (2ème Partie).
57
G.LOISEAU, L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail, in Le contrat au
début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, op. cit., p.580.
58
Cf. pour un modèle de clause de non-concurrence, l’ANNEXE n°4.
28
La première consiste à contrecarrer l’action effectuée par le salarié pour obtenir une
indemnisation du fait de la rupture de son contrat de travail. Dans cette hypothèse, on
observe alors une demande en annulation du contrat de travail par voie d’exception de la
part de cet employeur.
La seconde, que l’on peut observer par la voie de l’action comme de l’exception, vise à se
prémunir contre le versement de tout indemnité de licenciement mise à la charge de
l’auteur de la rupture du contrat de travail qu’est l’employeur.
En effet, ces deux hypothèses mettent en évidence un intérêt pécuniaire évident en ce
qu’elles permettent dans le cas du prononcé de la nullité par le juge d’éviter le versement
d’indemnités au profit du salarié puisque cette indemnisation n’a lieu qu’en cas de
licenciement60 et non dans le cadre d’un contrat nul (on considère alors de manière
générale que le contrat n’a généré aucun droit de la part des parties).
59
Idem.
60
Pour l’indemnité de licenciement : art. L.122-9 du Code du travail.
Pour l’indemnité de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés : art. L.122-8 du Code du
travail.
61
G.LOISEAU, op. cit., p.581.
62
Pour exemple : omission des antécédents judiciaires, cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ;
D.1991, JP, p.507, note J.MOULY.
63
Pour exemple : fausses mentions portant sur la formation et les diplômes, cass. soc. 17 octobre 1995 Simon
c/Société Debroise-Filliol et a., arrêt n°3790D, JCP E 1996 n°543 et JCP G 1996, I, 3923§3, obs. O.RAULT.
cf. également, CA Versailles 19 septembre 1990 SA Citroën c/Libert, RJS 1991 n°5.
64
Pour exemple : fourniture d’un CV et d’une lettre d’embauche écrits de la main de l’épouse du candidat à
l’emploi, cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101, p.16, note K.ADOM ;
D.1995, JP, p.282, note Ph.MOZAS.
29
Il ne resterait donc plus comme réel bénéficiaire de l’action en nullité du contrat de
travail que le salarié, partie à cette relation de travail.
Le salarié est avant tout soumis aux exigences et à la volonté de son employeur.
Ainsi, la relation contractuelle de travail se traduit par un déséquilibre des pouvoirs
respectifs des parties et c’est pourquoi le droit du travail a entrepris de protéger la partie
économiquement la plus faible c’est à dire le salarié.
De ce fait, les prérogatives du salarié dans le cadre d’une action en nullité du contrat de
travail apparaissent plus importantes que celles de l’employeur en la matière, celui-ci
bénéficiant parfois d’actions qui lui sont réservées (1) ce qui lui permet d’essayer de
sauvegarder sa situation pécuniaire (2). Bien entendu, lorsque son contrat de travail n’a pas
été rompu, le salarié cherchera, si l’employeur invoque la nullité de la relation de travail, à
sauvegarder sa situation professionnelle en invoquant uniquement la nullité partielle de ce
contrat.
65
La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER
(G.), op. cit., p.275.
30
dans le but d’éviter le recours abusif de la part de l’employeur à la nullité de la relation de
travail le liant au salarié.
Dès lors, le salarié semble disposer d’un éventail de causes de nullité plus large que
l’employeur même si ces hypothèses supplémentaires s’inscrivent dans le cadre d’une
nullité partielle du contrat de travail. Cependant, ce n’est pas parce que l’on invoque un
vice touchant uniquement une des clauses du contrat de travail, que la nullité
éventuellement prononcée portera seulement sur cette clause laissant alors survivre les
autres dispositions du contrat. En effet, après les débats doctrinaux fondés sur les articles
900 et 1172 du Code civil66, il semble qu’il faille tenir compte aujourd’hui « non seulement
de la volonté du législateur, mais aussi de la place tenue par l’élément vicié dans le contrat,
c’est à dire de son importance dans l’accord des volontés (…) une fois constaté que
l’irrégularité à éliminer ne concerne qu’une partie du contrat et qu’ainsi une annulation
partielle est a priori admissible, il reste à procéder à un double examen. Il faut en premier
lieu rechercher si le contrat, ainsi amputé de sa partie irrégulière, reste suffisamment
conforme à ce que les parties avaient voulu, de telle sorte que leur accord se serait réalisé
malgré cette amputation. Il faut, ensuite, se demander si, en respectant de cette façon la
volontés des parties, on ne fait pas obstacle à l’efficacité de la sanction, c’est à dire en
définitive au respect d’une règle impérative »67.
Dans l’hypothèse où la clause est contraire à l’ordre public et aux dispositions impératives
posées par le législateur ou si de celle-ci dépend l’accord de l’une des parties au contrat, le
contrat de travail peut alors être annulé dans son entier et le salarié dispose ainsi dans ce
cadre d’un pouvoir beaucoup plus important que l’employeur puisque ce dernier ne
possède pas le pouvoir d’agir réciproquement en la matière.
Dans quelles hypothèses la nullité d’une clause du contrat de travail peut-elle être
demandée uniquement par le salarié, partie au contrat de travail ?
Il faut souligner tout d’abord que le fait de réserver certaines actions au seul salarié n’est
pas unique à la nullité du contrat de travail. En effet, le salarié dispose pareillement de
66
Cf. pour exemple : GHESTIN (J.), Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, vol.1 : Le contrat, formation,
op. cit., n°878.
67
Ibidem, n°876 et 881.
31
cette faculté en ce qui concerne l’hypothèse d’une action en requalification d’un contrat de
travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée68.
Les actions en nullité de certaines clauses du contrat de travail concernent essentiellement
deux de ces clauses69 : la clause de non-concurrence et la clause de mise à la retraite dite
"clause couperet".
La clause de non-concurrence, d’une part, est la clause par laquelle l’employeur se
prémunit contrat l’éventualité d’une concurrence de la part de son salarié après la cessation
des fonctions de ce dernier70. Soumise à diverses conditions de validité établies par la
jurisprudence en l’absence de texte en la matière71, cette clause peut paraître, pour le
salarié, parfois excessive tant dans ses limitations temporelle et géographique que dans les
domaines d’activité dans lesquels elle s’applique. Ainsi, une clause de non-concurrence
peut apparaître attentatoire à la liberté du travail de ce salarié. Dès lors, la jurisprudence de
la chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît au seul salarié le pouvoir d’agir en
nullité de cette clause à l’encontre de son employeur au motif qu’ « il s’agit d’une nullité
instituée seulement pour assurer la protection et la liberté du travail des salariés »72 ; « seul
le salarié peut invoquer la nullité d’une clause de non-concurrence portant atteinte à la
liberté du travail »73. De même, par un arrêt du 17 février 1993, la chambre sociale a pu
décider, opérant alors un revirement par rapport à sa jurisprudence antérieure74, que
l’employeur ne peut valablement renoncer à une clause de non-concurrence qui comporte
une contrepartie pécuniaire qu’avec l’accord du salarié75. Il ne fait donc aucun doute que le
salarié dispose en la matière d’un véritable pouvoir de remise en cause de la clause
lorsqu’une des conditions de sa validité n’est pas remplie, contrairement à l’employeur
68
« Traditionnellement, le droit du travail envisage la requalification du CDD en CDI comme la sanction
infligée à l’employeur qui engage le salarié sous contrat précaire sans respecter le formalisme imposé ou hors
des hypothèses autorisées par la loi (…). Suivant cette conception, l’employeur ne peut prétendre à la
requalification», ALAPHILIPPE (P.), CDD et clause de résiliation unilatérale : un mélange des genres qui ne
profite pas à l’employeur, D.2000, JP, p.30 : l’auteur envisage ici l’hypothèse d’une requalification-sanction
non d’une requalification-interprétation que l’employeur peut invoquer, distinction que la jurisprudence a
parfois du mal à appliquer.
69
On retiendra également que seul le salarié peut agir en nullité d’une clause réservant le bénéfice d’une
mesure quelconque à un ou des salariés en considération du sexe (art. L.123-2 du Code du travail).
70
G.GUERY, Pratique de droit du travail, Montchrestien, coll. Business, 10ème éd., 2001, p.105.
71
Limitations dans le temps et dans l’espace justifiées par la volonté de protéger les intérêts légitimes de
l’entreprise et prise en compte de la possibilité pour le salarié de retrouver un emploi. L’existence d’une
contrepartie n’est pas une condition de validité de cette clause.
72
cass. soc. 18 décembre 1968, BC IV n°610.
73
CA Paris 23 février 1983, D.1983, IR, p.247.
cass. soc. 3 mai 1989, arrêt n°86-41.452 ; cass. soc. 16 avril 1991, arrêt n°88-40.557 ; cass. soc. 17 juillet
1997, arrêt n°95-40.869 in Contrepartie pécuniaire, Semaine sociale Lamy du 8 septembre 1997, n°852,
pp.14-15.
74
cass. soc. 4 juin 1975, BC V n°301.
75
cass. soc. 17 février 1993, D.1993, JP, p.347, note Y.SERRA.
32
bien que les exemples jurisprudentiels ne se situent que dans l’hypothèse où une
contrepartie pécuniaire est attachée à la clause de non-concurrence (l’employeur ayant
dans ce cas un réel intérêt à faire « tomber » la clause)76.
La clause "couperet" ou "guillotine", d’autre part, définie comme étant la clause
instituant l’âge de la retraite en tant que terme ultime du contrat de travail77du fait de son
caractère automatique, a suscité l’intervention de l’Assemblée plénière de la Cour de
cassation sur le point de savoir si l’employeur peut se prévaloir de la nullité de celle-ci
dans le but de mettre un terme plus rapidement à la relation contractuelle de travail le liant
à son salarié78. Adoptant une solution contraire à celle de la chambre sociale79 et
interprétant les termes de l’article L.122-14-12 et suivants du Code du travail80,
l’Assemblée plénière prend fait et cause pour le salarié81. En effet, celle-ci décide que « les
dispositions de l’article L.122-14-12, alinéa 2, du Code du travail n’ont été édictées que
dans un souci de protection du salarié ; que, dès lors, l’employeur est irrecevable à s’en
prévaloir… ». Ainsi, comme l’affirme madame CORRIGNAN-CARSIN « cette décision fait
de la nullité des clauses "couperet" une nullité relative, ouverte au seul salarié ».
76
Y.SERRA, La nullité de la clause de non-concurrence ne peut être invoquée que par le salarié. Un
mandataire liquidateur ne peut…, D.1997, somm. comm. p.101.
77
G.GUERY, Pratique de droit du travail, op. cit., p.237.
78
Ass. plénière 6 novembre 1998 URSSAF des Alpes-Maritimes c/Plent et a., Juris-Data n°004225, JCP E
1999, II, pp.133-135, note D.CORRIGNAN-CARSIN.
79
Cf. pour exemple : cass. soc. 1er février 1995, Droit du travail, comm.111,note V.DUBOEUF ; JCP E 1995, I,
499§5, obs. V.DUBOEUF.
80
Textes issus de la loi Séguin du 30 juillet 1978.
81
La guillotine tombe…sur les clauses guillotines !, D’HARCOURT (PH.), JCP E 1999, n°12, p.120.
33
pouvoir bénéficier d’une marge de manœuvre suffisante pour lui permettre d’intenter une
action devant le juge prud’homal. Or, le lien de subordination qui existe entre le salarié et
l’employeur peut constituer un frein à cette action le salarié craignant pour sa situation
professionnelle et pécuniaire. C’est donc en vue d’un rééquilibrage que la jurisprudence,
comme nous l’avons vu ci-dessus, a entendu protéger le salarié en n’accordant qu’à celui-
ci le pouvoir d’agir en nullité de certaines clauses et évitant de la part de l’employeur des
abus dans la mise en œuvre de l’action en nullité du contrat de travail.
De même, cette volonté de protection du salarié prend forme au moment du
prononcé de la nullité. En effet, le salarié qui agit en nullité au cours de sa relation de
travail a généralement pour objectif la suppression du vice (s’il n’a pu l’obtenir de
l’employeur par la voie de la régularisation82) mais il souhaite aussi le plus souvent la
survie du contrat de travail, celui-ci étant indispensable à la sauvegarde de sa situation
pécuniaire surtout lorsque les difficultés économiques du pays se traduisent par un taux de
chômage élevé.
C’est pourquoi la chambre sociale de la cour de cassation favorise le prononcé de la nullité
partielle du contrat de travail prenant ainsi le relais du législateur (Section 2) mais aussi
celui d’autres sanction telles que la requalification, la nullité-substitution83 et la nullité-
réduction. La nullité-substitution consiste en effet pour le juge à modifier le contenu de la
clause litigieuse pour la rendre valable au regard des règles qui l’entourent. La nullité-
réduction consiste quant à elle à « réduire » la clause celle-ci étant valable dans son
principe. Ces sanctions sont ainsi utilisées par la jurisprudence ce, même si une partie de la
doctrine critique le recours à ces mécanismes, le juge n’étant pas partie au contrat et
n’ayant donc pas le pouvoir de remplacer la clause nulle84.
82
Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit.
83
Cf. GHESTIN (J.), op. cit., n°906.
84
Idem. Cf. également : La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de
cassation, COUTURIER (G.), op. cit., p.277.
85
Cf. cependant, CA Versailles 16 mars 1993, RJS 1993 n°686 (dol de l’employeur).
34
que s’il dispose de garanties suffisantes quant au prononcé d’une décision lui étant
favorable.
Outre le salarié et l’employeur, d’autres personnes ont donc vocation à jouer un rôle
déterminant dans le cadre d’une action en nullité du contrat de travail. En effet, si
l’intervention du juge est en la matière nécessaire, la question de l’intervention d’autres
tiers à la relation de travail pose quant à elle plus de difficultés.
35
§2 : Les autres acteurs à l’action.
86
La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER
(G.), op. cit., p.274.
87
L’intuitu personae dans le contrat de travail, PEANO (M.-A.), Dr. Soc. 1995, pp.129-138.
36
situation de fait qu’il n’appartient pas à l’un ou l’autre partie de supprimer88
unilatéralement, sous peine de heurter le principe d’interdiction de se faire justice à soi-
même89 »90.Cependant, la question se posera de savoir si le juge peut d’office soulever la
nullité lorsqu’il est saisi d’une action par l’une des parties contractantes.
Dès lors, le risque inhérent au prononcé de cette sanction va consister dans l’appréciation
souveraine des juges du fond en la matière, appréciation non négligeable lorsque la nullité
revêt d’après les textes un caractère purement facultatif (2).
88
Travaux de l’Ass. H.CAPITANT, tome XIV, La nullité, l’inexistence et l’annulabilité, spécialement le
rapport de G.DURRY, p.617.
89
PLANIOL et RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t.VI, par ESMAIN, LGDJ, 1952, n°297.
90
B.Gauriau, L’annulation conventionnelle du licenciement, Dr. Soc. 1999, pp.785-794.
91
R.GUILLIEN et J.VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12 éd., 1999, sous la direction de
S.GUINCHARD et G.MONTAGNIER.
92
PH.MALAURIE et L.AYNES, Les obligations, Cujas, 10ème éd., 1999, n°556
93
L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), Droit et Patrimoine, Juin 2000, Doctrine, pp.89-102.
94
J.CARBONNIER, Droit civil, t.4 : Les obligations, Cujas, 22ème éd. refondue, 2000, n°104.
37
apparence qu’il est nécessaire de détruire »95, l’intervention du juge s’avérant alors
nécessaire voire même indispensable.
Dès lors, qui du juge prud’homal, juge compétent en matière de litiges relatifs aux
relations de travail, ou du juge civil, juge de droit commun ayant vocation à l’application
des règles de droit des contrats, est compétent en la matière ?
En fait, selon la jurisprudence, il apparaît que « la compétence des conseils de
prud’hommes s’étendant à tous les litiges relatifs à la validité, à l’interprétation et à
l’exécution du contrat de travail, elle s’étend donc aux instances où est discutée la validité
du contrat »96. En effet, cette jurisprudence « s’est écartée de la conception-dont les
inconvénients pratiques avaient à peine besoin d’être soulignés-selon laquelle le Conseil de
prud’hommes, juge d’exception, pourrait prononcer la nullité, mais devrait laisser au juge
de droit commun le soin d’en tirer les conséquences »97.
La question peut ici se subdiviser : il s’agit de savoir, d’une part, si le juge peut se
saisir lui-même d’une demande en nullité et, d’autre part, s’il est dans l’obligation de
prononcer cette sanction lorsqu’il est saisi d’une telle demande.
95
Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1014.
96
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit., n°350.
Cf. en matière de validité du contrat de travail de travailleurs étrangers : cass. soc. 28 octobre 1957, BC IV
n°1075 ; D.1958, JP, p.223, note PH.U. et cass. soc. 23 février 1977, BC V n°137.
97
Ibidem, n°349.
38
Partons d’un constat : « En droit civil ou en procédure civile, (…), il n’existe pas de
texte qui prévoit l’obligation pour une personne de dénoncer une nullité »98. Dès lors, le
juge saisi d’un litige se rapportant à un contrat de travail peut-il décider du prononcé de la
nullité dudit contrat sans que les parties à celui-ci ne l’aient eux-mêmes invoqué ? Cette
question est importante car elle subordonne la place du juge dans le prononcé de cette
nullité. Son pouvoir d’appréciation est-il subordonné à une action en nullité du contrat ? Si
on observe la doctrine, on s’aperçoit que celle-ci présente la nullité comme la sanction
devant « être prononcée par le tribunal à la demande de la partie qui a qualité pour intenter
l’action, ou d’office dans les seuls cas où l’ordre public est intéressé »99. Dès lors, le juge
n’a vocation à prononcer d’office la nullité que si celle-ci intéresse l’ordre public et les
bonnes mœurs. Cet ordre public couvre-t-il l’ordre public de protection auquel cas le juge
pourra prononcer d’office la nullité dans cette hypothèse ? Cette question mérite qu’on s’y
intéresse en matière de nullité du contrat de travail car, comme le constate monsieur
COUTURIER, « quand, (…), la loi pose une règle impérative qui intervient sur les conditions
de conclusion ou sur le contenu d’un contrat dans le but de protéger une catégorie de
contractants placés en situation d’infériorité, faut-il retenir que la règle est d’ordre public et
que sa violation se traduit par une illicéité caractérisée ou faut-il retenir qu’il s’agit de
protéger des intérêts particuliers ? »100. Or, en matière de contrat de travail, le lien qui unit
les contractants est bien un lien de subordination, lien marquant l’infériorité du salarié par
rapport à son employeur. Dès lors, sur le fondement d’une règle d’ordre public de
protection, le juge peut-il relever d’office la nullité du contrat de travail ? La position de la
chambre sociale en matière de clauses "couperets" a démontré une volonté d’affirmer le
caractère d’ordre public strict des articles L.122-14-12 et suivants pourtant caractérisés par
une volonté de protection de la seule partie faible au contrat qu’est le salarié. Dès lors,
celle-ci autorisait les juridictions du fond à constater d’office la nullité de telles clauses
puisqu’elle reconnaissait la possibilité d’une remise en cause de celles-ci par le biais d’une
action en nullité absolue101. Or, comme on l’a vu auparavant, l’Assemblée plénière s’est
mise en porta faux par rapport à cette jurisprudence en décidant dans son arrêt du 6
98
L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), op. cit.
99
Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1016.
100
La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER
(G.), op. cit., p.284.
101
Cass. soc. 1er février 1995, Droit du travail, comm.111,note V.DUBOEUF ; JCP E 1995, I, 499§5, obs.
V.DUBOEUF.
39
novembre 1998102 que seul le salarié pouvait se prévaloir de la nullité de ce type de clause
donnant ainsi aux articles précités du Code du travail une valeur d’ordre public de
protection et à l’action en nullité s’y rapportant la qualité de nullité relative.
Il apparaît ainsi que le juge prud’homal ne peut d’office prononcer la nullité du contrat de
travail que si celui-ci est contraire à l’ordre public strict, les autres hypothèses (dispositions
prévoyant une nullité facultative comme sanction de sa violation, dispositions ayant le
caractère d’ordre public de protection…).
De même, on constate également le principe selon lequel le juge doit prononcer la
nullité dès l’instant où celle-ci est constatée. Par exception cependant, certaines nullités
peuvent être considérées comme étant des nullités facultatives et le juge retrouve alors en
la matière son pouvoir d’appréciation103. Ainsi, si on réfère par exemple au libellé de
l’article 1117 du Code civil, on constate qu’en matière de vices du consentement (ce qui
peut affecter tout contrat y compris le contrat de travail), la convention « n’est point nulle
de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision,… ». Le
juge prud’homal dispose donc en la matière comme en ce qui concerne d’autres causes de
nullité du contrat de travail d’un pouvoir d’appréciation non négligeable puisque le
prononcé de la nullité ne lui est pas imposé.
Dès lors, les décisions jurisprudentielles en matière de nullité du contrat de travail
démontrent, on le verra, une volonté de protection importante du salarié et de sa situation
au jour de la décision concernant la validité ou non du contrat ainsi que de ses clauses. En
effet, il apparaît que le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation dans l’opportunité d’une
telle décision. Son rôle résiderait alors dans un contrôle de l’opportunité de la nullité, c’est
à dire dans la faculté de présumer des conséquences du prononcé ou non de cette sanction,
de même que dans la prise en compte de la volonté des parties au contrat de travail104 et de
l’ensemble des faits de l’espèce par le biais d’une appréciation in concreto105. Comme en
matière de droit commun, la nullité sera alors prononcée lorsqu’elle apparaîtra la mieux à
102
Ass. plénière 6 novembre 1998, Dr. Soc. 1999, 94, obs. J.SAVATIER ; JCP 99, II, 10004, note
D.CORRIGNAN-CARSIN.
103
Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit. Cf. également, Droit des obligations, responsabilité
civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.97.
104
Cf. en matière de nullité partielle : GHESTIN (J.), op. cit., n°880
105
Ex. : CA Dijon 24 février 1993 Clemessy c/SARL Faber et a., RJS 1993 n°819 (salarié engagé par le biais
d’un contrat de travail rédigé en allemand) ; cass. soc. 4 octobre 1979 Garcia c/Dame Seignolle, BC V, n°680
(cause immorale du contrat invoquée) ; cass. soc. 13 mars 2001, arrêt n°99-41.812 in Social Pratique du 10
avril 2001, p.5 (clause d’objectif).
40
même de protéger, réparer, punir106. Dès lors, elle ne sera pas prononcée, « lorsqu’elle
risque de se retourner contre celui que la loi a entendu protéger »107.
Faut-il en conclure que le juge peut prononcer la nullité du contrat de travail uniquement
lorsque les textes l’y autorisent ? Le juge se trouve alors dans cette hypothèse face à
l’adage « pas de nullité sans texte ». Ainsi, cette sanction ne peut en principe être
prononcée que lorsqu’un texte prévoit expressément cette sanction. Cependant, on ajoutera
qu’en droit des contrats, la marge de manœuvre du juge est plus large puisque la nullité
pourra être prononcée non en se fondant sur des dispositions légales précises mais sur un
principe d’ordre général ou une règle d’ordre public108 (on citera pour exemple l’usage
fréquent des notions de loyauté et de bonne foi des contractants bien que cette dernière
renvoie au libellé de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil).
Même si le juge prud’homal semble doté d’un pouvoir important notamment dans
l’appréciation ou non de la nullité, il ne faut pas conclure trop rapidement sur son rôle. En
effet, celui-ci dispose, comme le juge de droit commun, d’un pouvoir souverain dans
l’opportunité d’une telle sanction. Cependant, le rôle indispensable qui lui est confié ne
peut pas être considéré sur un même plan que ceux des parties contractantes. Le salarié et
l’employeur ont un rôle primordial dans la mise en œuvre de l’action en nullité du contrat
de travail, le juge dans son prononcé. Dès lors, le juge apparaît donc comme un véritable
personnage secondaire, personnage incontournable tout de même.
La question peut se poser alors de savoir si d’autres acteurs n’ont pas vocation également à
intervenir sur la scène juridique de la nullité du contrat de travail.
106
TERRE (F.), Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 4ème éd. , 1999, n°603.
107
L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), op. cit.
108
Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.97.
41
On peut évidemment penser au rôle des organisations syndicales ayant vocation à la
protection des intérêts collectifs et individuels des salariés109, par exemple lorsque la
nullité a pour objet la violation dans le contrat d’une convention ou d’un accord collectif
de travail bien que des difficultés ont vocation à surgir en la matière (1). Ces derniers
peuvent en effet reprocher le non-respect de ces accords, non au salarié mais à
l’employeur.
De même, d’autres personnages semblent pouvoir prétendre à jouer un rôle dans le cadre
de l’action en nullité mais ce dans des hypothèses rares voire même exceptionnelles (2).
109
Art. L.411-1 du Code du travail.
42
13 janvier 1998110 est venue remettre en cause cette approche. En effet, celle-ci décide de
la nullité d’une clause de non-concurrence violant les dispositions d’une convention
collective bien que celle-ci, en l’espèce, ne prévoyait pas une telle sanction. Dès lors, il
faut en conclure qu’à partir du moment où un contrat de travail viole de telles dispositions,
la clause litigieuse est annulable quelque soit la sanction prévue par la convention en cause
si sanction prévue il y a.
Cependant, cette nullité ne sera encourue que si la clause viole dans un sens moins
favorable au salarié les dispositions de la convention ou de l’accord collectif de travail.
Ainsi, ce rappel du principe de l’ordre public social figure à l’article L.135-2 du Code du
travail lequel dispose que « lorsqu’un employeur est lié par des clauses d’une convention
ou d’un accord collectif de travail, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclu
avec lui, sauf dispositions plus favorables ».Dès lors, la clause plus favorable au salarié
n’encourt pas le risque d’une annulation puisqu’en application de l’ordre public social,
cette disposition prime sur le contenu des conventions et accords collectifs de travail
applicables en la matière concernée.
Dès l’instant où une clause d’un contrat de travail apparaît moins favorable au salarié que
les dispositions d’une convention ou d’un accord collectif de travail, les organisations
salariales ont-elles alors vocation à agir en nullité sous prétexte d’un intérêt collectif ou
individuel à défendre et reposant sur l’article L.411-1 du Code du travail? Il semble que
l’intérêt d’une action en nullité soit ici résiduel car en application de l’ordre public social,
le salarié pourra toujours se prévaloir de la disposition la plus favorable c’est à dire, dans
cette hypothèse, de celle contenue dans la convention ou l’accord collectif de travail. Seul
le salarié peut y trouver un intérêt au moment de la rupture de sa relation de travail dans le
calcul de ses indemnités ou les obligations dont il reste débiteur à l’égard de son ancien
employeur (en présence d’une clause de non-concurrence notamment).
Dès lors, reste à imaginer l’action d’organisations syndicales aux côtés du salarié
lorsque celui-ci invoque pour quelque motif que ce soit la nullité totale ou partielle de son
contrat de travail. En effet, lorsqu’un salarié invoque la nullité totale ou partielle de son
contrat de travail devant le juge prud’homal, ces partenaires sociaux peuvent avoir
vocation à intervenir à l’action considérant alors que le motif invoqué par le demandeur
concerne un ensemble de salariés de l’entreprise.
110
Cass. soc 13 janvier 1998 Société européenne de sélection contre Madame Saddok, D.1999, JP, pp.159-
162, note (N.) BOUCHE et (C.) BOURRIER.
43
Cependant, il faut tout de même constater que c’est dans de rares hypothèses
(violation d’une convention ou d’un accord collectif de travail par exemple) que les
organisations syndicales vont avoir vocation à intervenir en matière de nullité du contrat de
travail. En effet, leur intervention doit revêtir un intérêt collectif et il ne faut pas oublier
que l’on se situe ici en matière de relations individuelles de travail donc des relations
mettant en jeu des intérêts particuliers. Dès lors, si une intervention des organisations
syndicales n’est pas à négliger en la matière, celle-ci ne se situe qu’à un niveau résiduel.
Cependant, la jurisprudence de 1998 de la chambre sociale aura peut-être vocation à
susciter dans un avenir proche l’intérêt des salariés mais surtout des organisations
signataires de conventions et accords collectifs de travail (ce d’autant que les deux Lois
AUBRY ont multiplié les accords d’entreprise portant sur la réduction du temps de travail).
Mais d’autres acteurs n’auraient-t-il pas également un intérêt à intervenir sur la
scène de la nullité du contrat de travail invoquant à l’appui de leur action un soucis de
protection des intérêts de tout salarié ce, conformément aux missions qui sont les leurs ?
111
Art. L.422-1 du Code du travail.
44
prud’hommes qui statue selon les formes applicables au référé ». Dès lors, le délégué du
personnel, averti par un salarié de la violation de ses droits et libertés dans le cadre de son
contrat de travail (par exemples en présence d’une clause de célibat ou d’une clause
discriminatoire), peut agir devant le juge prud’homal pour que celui-ci se prononce sur la
validité de ce contrat ou de telle ou telle de ses clauses. En effet, bien qu’il n’ait pas un
intérêt particulier à cette action, sa mission l’autorise à agir en la matière mais c’est le juge
prud’homal qui prononcera la sanction adéquate en l’espèce et donc éventuellement la
nullité dudit contrat.
De même, peut se poser la question de l’intervention en matière de nullité du
contrat de travail du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
En effet, selon les dispositions de l’article L.231-9 du Code du travail, les représentants du
personnel le composant sont compétents lorsqu’ « il existe un danger grave et imminent »
en matière d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des salariés. Par ailleurs, le
CHSCT « a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des
salariés »112. Or, on ne peut semble-t-il espérer de cet organe une action en nullité du
contrat de travail concernant ces motifs. En effet, l’article L.231-9 n’envisage aucunement
une saisie quelconque en la matière du juge prud’homal mais une procédure devant
l’employeur et en cas de divergence, l’intervention de l’inspecteur du travail. Il semble
regrettable que cette action en nullité ne puisse lui être ouverte notamment dans
l’hypothèse où des clauses du contrat de travail iraient à l’encontre des dispositions
législatives et réglementaires en matière de protection et de sécurité des salariés. Mais, ce
serait là un pouvoir peut-être trop important pour cet organe à dominante consultative.
Reste enfin, l’hypothèse de l’intervention de l’Association pour la garantie des
salaires (AGS). Celle-ci connaît en effet déjà un pouvoir important en matière d’action en
requalification des contrats à durées déterminée, action qui lui est réservée en cas de
redressement ou liquidation judiciaires113. Dispose-t-elle d’un pouvoir analogue en matière
de nullité du contrat de travail fusse un contrat autre qu’un CDD ? Il ne semble pas au vue
des textes et de la jurisprudence que cette possibilité d’action lui soit ouverte.
112
Art. L.236-2 du Code du travail.
113
Cass. soc. 1er mars 1994, D.1994, JP, p.577, note C.ROY-LOUSTAUNAU.
45
Lorsque l’objet et la cause de l’engagement présente un caractère illicite ou immoral ou
lorsqu’une règle d’ordre public de direction est violée, la nullité est dite absolue114. Dès
lors, tout tiers ayant intérêt au prononcé de la nullité d’un contrat de travail revêtant un
caractère illicite, immoral ou violant une disposition d’ordre public est fondé à agir devant
le Conseil de prud’hommes. Ces causes de nullité bien que rares se sont d’ailleurs déjà
présentées en jurisprudence115.
114
Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.99.
115
On peut citer pour exemple : cass. soc. 8 janvier 1964 Demoiselle Monge c/Veuve Minart, BC IV n°25 ;
Dr. Soc. 1964, p.578 (cause immorale du contrat de travail) ; cass. soc. 4 octobre 1979 Garcia c/Dame
Seignolle, BC V n°680 ; D.1980, IR, obs. GHESTIN (cause immorale dans le maintien de relation adultères
entre les parties, preuve apportée par l’existence d’une clause exorbitante et inhabituelle du contrat ne
représentant pas la contrepartie de la prestation de travail et de la compétence professionnelle du salarié).
46
La nullité du contrat de travail ne s’arrête pas à un triptyque mettant en
relation le salarié et l’employeur, demandeur et défendeur à l’action, et le juge prud’homal.
En effet, d’autres personnages de moindre importance ont vocation à intervenir en ce
domaine même si la jurisprudence ne fait écho d’aucun exemple en la matière. Pourtant,
leur rôle n’est pas à négliger puisque ces personnages ont en général vocation à protéger un
ensemble d’intérêts particuliers ou même collectifs et donc, par suite, à aller au-delà de
l’hypothèse réductrice de la nullité d’un contrat.
Cependant, c’est le plus souvent au salarié et à l’employeur que reviennent les clefs de
l’action en nullité, le juge ne faisant que prononcer celle-ci.
Or, ne peut-on pas dès à présent mettre en évidence le rôle attendu de protecteur des
intérêts du salarié de la part des juges du fond ? Certes, le salarié apparaît dès la conclusion
de son contrat de travail comme la partie faible à la relation s’établissant avec l’employeur
du fait du lien de subordination le liant à celui-ci. Cependant, c’est notamment lors de la
remise en cause de la validité de ce contrat, généralement après que celui-ci ait été rompu,
que le juge prud’homal prenant exemple sur ses confères (on peut citer la volonté des
juridictions de droit commun de protéger les consommateurs face aux professionnels de la
distribution) va élaborer une sorte de "stratégie" de protection des intérêts du salarié. Cette
dernière prend alors diverses formes : on a vu déjà ci-dessus la volonté de réserver
certaines actions au seul salarié au détriment de son cocontractant. Or, cette protection de
la partie faible au contrat de travail ne s’arrête pas à l’introduction de l’action en nullité. En
effet, celle-ci prend également forme au moment de l’appréciation par les juges du fond de
la cause de nullité invoquée.
Dès lors, c’est à une grande et parfois surprenante variabilité des causes de nullité
du contrat de travail qu’il faut conclure. Mais le juge prud’homal ne resterait-il pas dans
cette hypothèse dans la « tradition » des juridictions du fond consacrant la nullité d’un
contrat lorsque celle-ci apparaît réellement opportune et soucieuse des intérêts des parties
au contrat, ou tout au moins du sort de l’une d’entre elles ?
47
SECTION 2 : LA VARIABILITE DES CAUSES DE NULLITE DU CONTRAT DE TRAVAIL.
Dès lors, il s’agira de s’interroger ici sur la vague « protectionniste » opérée par la
jurisprudence en matière sociale en faveur des salariés. Cette volonté d’amélioration de la
position d’une des parties contractantes ne se situe-t-elle pas dans un plus vaste courant
touchant l’ensemble des juridictions et dont l’objet est de rééquilibrer les relations
contractuelles, équilibre faisant défaut au jour de sa conclusion voire même de son
exécution ?
48
§1 : La variété des causes de nullité.
Il faut garder à l’esprit ici l’idée selon laquelle ces causes de nullité bien
qu’inhérentes au droit commun des contrats vont être susceptibles d’une interprétation et
d’une application différentes par le juge prud’homal. En effet, placé sous l’autorité de la
chambre sociale de la Cour de cassation, celui-ci ne dépend pas des éventuelles
interprétations jurisprudentielles ayant lieu au sein des chambres civiles de cette même
cour. Dès lors, la chambre sociale elle-même va pouvoir adopter sa propre "doctrine" en la
49
matière constatant l’inégalité concrète des contractants bien qu’une égalité abstraite de
ceux-ci semble consacrée116.
Bien que le contrat de travail puisse « mais le cas se présente moins fréquemment, être
déclaré nul par application des règles de droit commun relatives à l’objet du contrat, à la
capacité des parties et à la validité de leur consentement »117, ces causes de nullité méritent
notre attention. Voyons tout d’abord les règles relatives à la capacité, l’objet et la cause du
contrat de travail, ces dernières se présentant dans de très rares hypothèses au juge
prud’homal (1). En effet, il faudra s’intéresser plus longuement à celles concernant le
consentement des parties au contrat, ces dispositions connaissant en matière de relation de
travail un plus vif intérêt de la part des demandeurs à l’action devant le juge prud’homal
(2).
Le contrat de travail est soumis au droit commun des contrats (article L.121-1 du
Code du travail). Il doit être conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs (article 6 du
Code civil) et selon l’article 1108 du Code civil, quatre conditions sont essentielles pour la
validité d’une telle convention. Outre celle relative au consentement de la partie qui
s’oblige (2), les autres conditions visent la capacité à contracter, l’objet de l’engagement et
la cause licite de l’obligation.
Les règles relatives à la capacité des parties contractantes, tout d’abord, se situent
aux articles 1123 et suivants du Code civil. Elles supposent que toute personne peut
contracter si elle n’est pas déclarée incapable par la loi. Dès lors, sont incapables de
contracter, selon l’article 1124, les mineurs non émancipés et les majeurs protégés par
l’article 488 du Code civil. A défaut de représentation dans les actes conduisant à
l’insertion dans un emploi118, l’incapable ne peut donc pas consentir un contrat de travail,
un tel engagement serait nul d’une nullité absolue.
En ce qui concerne l’objet de l’engagement, ensuite, celui-ci doit être certain et,
évidemment, conforme aux dispositions des articles 1129 et suivants du Code civil.
Tout manquement à ces dispositions est passible de la nullité du contrat de travail comme
ce serait le cas également pour tout autre contrat. Cependant, il faut constater qu’en
116
Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.
117
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), op. cit., n°347.
118
Voir l’article de J.HAUSER, Incapacité juridique et emploi, Dr. Soc. 1991, pp.553-562.
50
pratique cette sanction n’est pas prononcée en ce qui concerne la capacité des parties et
l’objet du contrat. Est-ce le cas en ce qui concerne la cause inhérente au contrat ?
La cause est une notion peu employée par la jurisprudence de la chambre sociale de
la Cour de cassation en matière de nullité du contrat. En effet, il faut revenir ici sur une
vieille jurisprudence ayant cours en la matière même si celle-ci pourrait s’avérer encore
aujourd’hui d’actualité. Selon l’article 1131 du Code civil, « l’obligation sans cause, ou sur
une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». Or, c’est sur le
fondement de la cause illicite et même immorale que la jurisprudence a eu l’occasion de se
prononcer à propos de la nullité du contrat de travail119. Mais que faut-il entendre par cause
illicite ? L’article 1133 du Code civil nous fournit la réponse puisque celui-ci dispose que
« la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes
mœurs ou à l’ordre public ». Il convient alors d’entendre bonnes mœurs comme « les
règles imposées par la morale en un temps donné »120
C’est pourquoi la Cour de cassation dans une espèce du 8 janvier 1964 a prononcé la
nullité du contrat de travail d’une femme de ménage employée dans une maison de
tolérance121. En effet, si l’objet de la prestation fournie n’était pas en soi illicite ni même
immoral, ce contrat tendait à favoriser l’exploitation de la maison et dès lors, sa cause
« était illicite et contraire aux bonnes mœurs »122 en application des articles 1131 et 1133
du Code civil.
Un autre exemple, celui de l’arrêt rendu le 4 octobre 1979123, marque également la volonté
de la chambre sociale de parer toute hypothèse de cause immorale d’un contrat de travail.
En effet, en l’espèce, la cour de cassation confirme la position des juges du fond ayant
prononcé la nullité du contrat de travail car la cause déterminante de celui-ci « était le
maintien de relations adultères des parties »124, relations établies par preuves et soumises à
l’appréciation souveraine des juges du fond. Dès lors, le contrat reposant sur cette cause
illicite et immorale est déclaré nul.
119
Cass. soc. 8 janvier 1964 Demoiselle Monge c/Veuve Minart, BC IV n°25 ; Dr. Soc. 1964 p.578 et cass.
soc. 4 octobre 1979 Garcia c/Dame Seignolle, BC V n°680 ; D.1980, IR, p.267, obs. GHESTIN.
120
Dictionnaire de droit privé, C. PUIGELIER, op. cit. et Termes juridiques, Dalloz-Sirey, Lexiques, op. cit.
121
Cass. soc 8 janvier 1964, précit.
122
Idem.
123
Cass. 4 octobre 1979, préc.
124
Idem.
51
On le voit donc les exemples de jurisprudence en matière de capacité, d’objet et de
cause du contrat de travail sont rares voire même insolites. Pourtant, il ne faut pas oublier
que ces éléments conditionnent la validité de tout contrat y compris celle du contrat de
travail. Dès lors, la jurisprudence de la chambre sociale aura peut-être à connaître d’une
espèce en ces matières.
Différente doit être cependant l’approche en ce qui concerne le consentement des parties
au contrat. En effet, l’erreur et le dol sont plus fréquemment invoqués à l’appui d’une
demande en nullité du contrat de travail. Ce contrat étant avant tout une convention
conclue intuitu personae surtout en ce qui concerne l’employeur souhaitant embaucher le
candidat le plus apte au poste proposé, ces causes de nullité y afférentes connaissent
aujourd’hui un réel succès devant les Conseils prud’homaux. Cependant, certains vices du
consentement ne semblent pas connaître ce vif intérêt. On citera pour exemple le vice de
violence ; on se réjouira tout même de son absence d’invocation car elle dénote les
relations plutôt cordiales qui ont cours de nos jours entre salarié et employeur.
« Les ouvrages de droit du travail n’accordent le plus souvent qu’un regard distrait
à la théorie des vices du consentement dans le contrat de travail125. Il est vrai que, de
manière traditionnelle, cette théorie occupe une place plutôt marginale dans le contentieux
social »126. Telle est la position en la matière de monsieur MOULY. Cependant, ce dernier
concède immédiatement que « les employeurs cherchent de plus en plus à se libérer du
contrat en invoquant sa nullité, pour ne pas avoir à respecter le droit-contraignant du
licenciement »127. De même, on l’a vu, le salarié peut avoir intérêt au prononcé de la nullité
du contrat le liant à l’employeur.
Prenons l’hypothèse d’un vice prenant la forme d’une violence exercée contre le
salarié. Il y aura violation des articles 1111 et suivants du Code civil, et dès lors nullité du
contrat de travail, en cas de « contrainte physique ou morale (…) illégitime exercée sur
une personne afin de la déterminer à contracter »128. Puisqu’on invoquait plus haut la
volonté de protéger les intérêts financiers du salarié de part les tribunaux et les textes
125
Cf. cependant, COUTURIER (G.), Droit du travail, 2ème éd., t.1, n°71.
126
MOULY (J.), note sous cass. soc. 30 mars 1999 Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel, arrêt
n°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240.
127
Idem.
128
VERKINDT (P.-Y.), La nullité du contrat de travail, Droit du Travail et de la Sécurité Sociale 1994, pp.1-2.
52
législatifs, on peut se poser légitimement se poser ici la question de savoir si l’état de
nécessité dans lequel peut se trouver le salarié est susceptible ou non de constituer un acte
de violence. Or, il apparaît que rares sont les décisions de la chambre sociale de la Cour de
cassation ayant admis l’annulation d’un contrat de travail conclu sous l’influence d’un
besoin pressant d’argent sauf à constater dans une telle hypothèse l’acceptation de
129
« clauses draconiennes pour le salarié » . Dès lors, l’exploitation d’un état de nécessité
par l’employeur ne saurait pas sanctionnable par la nullité, ce dernier n’ayant pas « abusé
de la situation » comme la jurisprudence a déjà pu le constater130.
Dès lors, le constat opéré par messieurs LYON-CAEN, PELISSIER et SUPIOT, traduit bien la
position de la jurisprudence en matière de nullité pour violence à l’égard de l’un des
contractants. En effet, selon ces auteurs, « la Cour de cassation considère qu’il ne saurait y
avoir violence morale, cause de nullité, quand les circonstances et la nécessité d’assurer sa
subsistance font accepter des conditions draconiennes au travail. Il en va différemment
quand l’employeur, abusant de son autorité, exerce lui-même une pression personnelle sur
le travailleur… »131. Cependant, il faut admettre que la jurisprudence n’est pas tout à fait
hostile à considérer l’état de dépendance économique comme une forme de violence à
l’exemple d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 30
mai 2000132.
Les hypothèses rencontrées en jurisprudence concernant une violence que subirait le
salarié de la part de l’employeur couvrent dès lors, au vue de certaines espèces, l’exécution
du contrat de travail, ce vice étant invoqué au moment de la rupture du contrat133. « La
considération de la violence, lorsqu’elle est retenue, ne conduit pas à restaurer la relation
de travail mais permet d’imputer à l’employeur la responsabilité de sa rupture134 »135.
129
Cass. soc. 5 juillet 1965, BC IV n°545 ; RTD Civ 1966, p.283, obs. J.CHEVALLIER.
130
Cf. pour exemple : cass. 1ère civ. 24 mai 1989, BC I n°212.
131
LYON-CAEN (G.), PELISSIER (J.) et SUPIOT (A.), Droit du travail, Dalloz-Sirey, collection Précis, 19ème
éd., 1998, n°272.
132
Cass. 1ère civ. 30 mai 2000, D.2000, IR, p.180.
133
Cass. soc. 30 octobre 1973, BC V n°541 et cass. soc. 4 juillet 1974, BC V n°418.
134
Cass. soc. 13 novembre 1986, BC V n°520 et cass. soc. 4 juin 1987, BC V n°355.
135
G.LOISEAU, L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail, op. cit., note 14,
p.583.
53
Selon monsieur LOISEAU, « quoique le droit français n’admette qu’exceptionnellement que
le consentement puisse être vicié au regard de la personne du contractant136, un tel vice est
susceptible d’affecter la conclusion du contrat de travail. Le caractère intuitu personae de
celui-ci semble l’y prédisposer ; mais il faut encore distinguer suivant que la personne
considérée est celle de l’employeur ou celle du salarié »137. Or, c’est l’employeur qui
invoquera le plus souvent ces causes de nullité du contrat. En effet, la considération de la
personne de l’employeur importe peu au salarié pour qui les éléments les plus importants à
la relation de travail concernent la rémunération et les conditions de travail138.
Selon l’article 1109 du Code civil, le consentement n’est pas valable lorsqu’il est
donné par erreur. Cette erreur peut porter sur la personne du contractant, le salarié, mais
encore faut-il que la considération de la personne ait été déterminante du consentement de
l’employeur139. Cette cause de nullité est rarement invoquée lorsque l’erreur porte sur
l’identité physique ou l’identité civile. Dans cette hypothèse, les juges écartent la nullité
considérant que l’identité du salarié n’a pas pris place dans le consentement de
l’employeur140. « En fait, lorsque l’employeur se trompe ou est trompé (hypothèse du dol),
c’est plutôt sur certaines qualités du salarié »141.
Dès lors, il ne faut pas opérer de distinction entre erreur et dol en matière de nullité du
contrat de travail, ces deux notions ayant tendance d’ailleurs à se confondre lorsqu’est
invoqué un vice touchant la validité du contrat. Bien que différentes, ces deux notions
semblent plus intéressantes à étudier, en la matière, sous l’angle des qualités ou des
omissions réellement sanctionnables par la nullité du contrat de travail.
Précisons tout d’abord que l’erreur qui serait invoquée par l’employeur ne peut être retenue
comme cause de nullité que si cette dernière apparaît excusable. Ainsi, ne saurait invoquer
cette cause de nullité l’employeur qui n’a pas utilisé tous les moyens mis légalement à sa
disposition pour connaître la situation véritable du salarié142. Commentant un arrêt de la
chambre sociale de la cour de cassation en date du 3 juillet 1990143, monsieur MOULY
constate que les juges reprochaient en l’espèce à l’employeur son « manque de curiosité »
s’agissant d’un candidat au poste de directeur général d’une société, l’employeur ayant ici
136
En ce sens, article 1110 alinéa 2 du Code civil.
137
G.LOISEAU, précit., p.587.
138
Cf. cependant, TGI Paris 17 novembre 1967, D.1968, p.407, note G.LYON-CAEN.
139
Cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, BC V n°47 ; RJS 1992 n°240.
140
Cass. req. 17 janvier 1911, S 1912, I, 518.
141
G.LOISEAU, précit., p.588.
142
Cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/ Société Cart Expert France et a., BC V n°329 ; RJS 1990 n°753 ; D.1991,
p.507, note J.MOULY.
143
J.MOULY, note sous cass. soc. 3 juillet 1990, D.1991, p.507.
54
pêché par son manque d’indiscrétion. Dès lors, il souligne que « la déloyauté du salarié se
trouve effacée par la négligence coupable de l’employeur ».
Cela signifie-t-il pour autant que l’employeur doit parer à toute éventualité et demander la
maximum d’informations à son futur salarié dans le but de ne pas se voir reprocher par la
suite ses propres erreurs dans le choix de ses subordonnés ? Il faut prendre en compte, à ce
stade de la réflexion, la Loi du 31 décembre 1992 « relative au recrutement et aux libertés
individuelles »144 ainsi que les dispositions de l’article L.122-45 du Code du travail. En
effet, le premier de ces textes n’autorise l’employeur qu’à demander au candidat à
l’embauche des informations présentant « un lien direct et nécessaire avec l’emploi
proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ». Ainsi, selon monsieur
LOISEAU, « les qualités personnelles du salarié qui n’intéressent pas directement l’emploi
en cause, et ne peuvent donc être demandées ni prises en compte lors de l’embauche, sont
légalement indifférentes au consentement de l’employeur qui ne peut, de leur chef, se
prévaloir d’un vice »145. Dès lors, il convient de distinguer les qualités sans lien avec la
prestation de travail et celles se rapportant à l’emploi proposé.
En ce qui concerne les qualités sans lien avec la prestation, ces dernières ne peuvent
entraîner la nullité du contrat. Le Code du travail dispose de plusieurs articles146
énumérant les qualités dont l’employeur n’est pas en droit de les prendre en considération
lors de la conclusion du contrat de travail et a fortiori lors d’une procédure en nullité dudit
contrat au cours de laquelle il évoquerait l’erreur ou le dol. Ainsi, nombreux sont les
exemples de jurisprudence où, de façon générale, les qualités personnelles du salarié ne
constituent pas un motif de nullité ou de licenciement quand bien même le salarié aurait
provoqué, au vue des faits présentés, l’erreur de l’employeur147.
En ce qui concerne les qualités se rapportant à l’emploi proposé, la logique est l’opposé de
la précédente. En effet, l’employeur doit pouvoir invoquer un vice du consentement dont il
serait victime et qui se rapporte aux qualités du salarié, qualités nécessaires pour la bonne
exécution de la prestation de travail. Il est donc nécessaire d’établir un rapport immédiat
entre les qualités requises et la prestation de travail demandée. Or, la jurisprudence semble
exiger que la qualité absente ou indésirable soit réellement de nature à affecter l’exécution
144
insérée dans le Code du travail notamment à l’article L.121-6.
145
G.LOISEAU, précit., pp.588-589.
146
Art. L.122-45 ayant trait aux discriminations et l’article L.122-25 sur l’état de grossesse.
147
Par exemple, cass. soc. 17 octobre 1973, JCP 1974, II, 17698, note Y.SAINT-JOURS (salarié n’ayant pas
révélé sa qualité de prêtre) et cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ; D.1991, p.507 , note
J.MOULY ; JCP G 1990, IV, p.233 (silence gardé par le salarié sur son passé pénal).
55
de la prestation de travail du salarié148. On citera par exemple la disponibilité du salarié (la
nullité est alors encourue en l’absence d’informations données à l’employeur à ce propos
notamment en présence d’une clause de non-concurrence) et les qualités professionnelles
faisant défaut (absence de compétences effectives pour exercer l’emploi dont la
formation149 et expérience professionnelle150).
Toutefois, « si l’employeur a ainsi le pouvoir et le devoir de se renseigner sur la personne
de celui qu’il recrute, le salarié n’est pas tenu réciproquement à son égard d’une obligation
d’information ». C’est pourquoi en matière de dol de la part du salarié, on a pu parler d’
« exclusion progressive du dol »151 par les tribunaux, d’ « interprétation "travailliste" de
l’article 1116 du Code civil »152 et de « droit au mensonge »153(Paragraphe 2).
148
G.LOISEAU, op. cit., p.591.
149
Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon c/Société Debroise-Filliol et a., arrêt n°3790D, JCP E 1996 n°543, note
O.RAULT ; cass. soc. 30 mars 1999, arrêt n°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240,
note J.MOULY ; D.2000, somm. comm., p.13, chr. I.OMARJEE (informations inexactes sur les diplômes).
150
Cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/Insitut Interprofessionnel de formation pour
l’industrie et le commerce, arrêt n°853P, Dr. Soc. 1999, pp.396-397 ; D.2000, pp.97-100, note AUBERT
MONTPEYSSE (T.) (mention d’un emploi figurant sur le CV alors que simple stage).
151
J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240.
152
Idem.
153
I.OMARJEE, Le dol à l’épreuve du contrat de travail, D.2000, somm. comm., p.13 ; voir également, cass.
soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995, n°101, p.16, note ADOM (K.) (CV et lettre
d’embauche écrits de la main de l’épouse du candidat).
56
B. Les causes spécifiques au droit du travail.
Deux points méritent ici notre attention : le formalisme lié aux différents types de
contrat de travail et le cas particulier de l’emploi de certaines personnes.
Lorsque le contrat de travail à durée indéterminée fait l’objet d’un écrit (celui-ci
pouvant être conclu dans les formes adoptées par les parties), celui-ci doit obéir à certaines
règles figurant à l’article L.121-1 du Code du travail. Dès lors, ce CDI ne semble être
soumis qu’à une exigence de forme bien précise, la langue employée dans le contrat. En
effet, selon l’article L.121-1 alinéa 2 du Code du travail issu de la Loi du 4 août 1994155,
« le contrat de travail constaté par écrit est rédigé en français ». Quelle sanction envisagée
154
Cf . : Le formalisme dans le contrat de travail, BRUNIAU (F.), mémoire de DEA droit social sous la
direction de monsieur Bossu, Faculté de droit de Lille 2, 1998-1999.
155
L. n°94-665 du 4 août 1994, article 8.
57
en cas de violation de cette disposition ? L’article L.121-1 in fine propose une solution : «
l’employeur ne pourra se prévaloir à l’encontre du salarié auquel elles feraient grief des
clauses d’un contrat de travail conclu en violation du présent article ». Est-ce à dire que le
contrat de travail rédigé en langue étrangère peut être déclaré nul ? Il est vrai que la
sanction des conditions de formation du contrat est, en principe, la nullité156. Cependant, au
regard du droit du travail, les exigences de forme sont requises ad probationem, non ad
solemnitatem157. Dès lors, la nullité ne semble pas dans une telle hypothèse pouvoir être
retenue. Par ailleurs, selon un arrêt de la chambre sociale en date du 19 mars 1986, le
salarié ne pourra obtenir que « la délivrance d’un contrat conforme aux exigences de ce
texte (l’article L.121-1) »158. De même, dans un arrêt de la cour d’appel de Dijon en date
du 24 février 1993, les juges du fond, par une appréciation in concreto des faits de l’espèce
ont refusé de déclarer nul un contrat de travail pourtant rédigé en langue allemande alors
que celui-ci devait être rédigé en langue française, la France étant le lieu d’exécution de la
prestation de travail du salarié (le salarié, en effet, maîtrisait l’allemand et n’avait pas
demandé la délivrance d’un contrat rédigé en français)159.
Dès lors, le formalisme du CDI ne semble pas devoir entraîner l’annulation du contrat.
Pourtant, peut-on envisager de manière générale, un recours en annulation du contrat de
travail pour vice de forme ? La question mérite ici d’être posée car la Directive CEE du 14
octobre 1991 prévoit une obligation d’information du travailleur par rapport aux conditions
de son contrat160. Or, les voies choisies par le droit français (déclaration d’embauche,
bulletin de paie) ne semblent pas être suffisantes. C’est pourquoi monsieur RODIERE
considère qu’ « si l’imprécision est importante et que l’obligation du salarié reste
insuffisamment déterminée, on glisse vers une indétermination de l’objet, condamnée par
l’article 1129 du Code civil »161. Pourquoi dès lors ne pas envisager l’obligation pour les
parties de rédiger le CDI, cet écrit pouvant alors faire l’objet d’une action, notamment en
nullité, en cas de litige ? Celle-ci constituerait, selon certaines auteurs, « une nouvelle
étape dans le développement du formalisme comme instrument d’amélioration de la
156
R.CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz-Sirey, coll. Cours, série droit privé, 3ème éd., 1998, Paris,
n°101.
157
Le formalisme dans le contrat de travail, BRUNIAU (F.), op. cit., p.75.
158
Cass. soc. 19 mars 1986, D.1987, JP, p.359.
159
CA Dijon 24 février 1993 Clemessy c/SARL Faber et a., RJS 1993 n°819.
160
Directive CEE 91/533 du 14 octobre 1991, JOCE 91/533 L.288 p.32.
161
P.RODIERE, conclusion du colloque Le droit communautaire dans la pratique quotidienne du droit social,
colloque organisé par la Commission de Droit Social du Syndicat des Avocats de France du 6 décembre
1999, Dr. Ouvrier Mars 2000.
58
situation du salarié »162. Il ne semble toutefois pas possible, pour des raisons liées à la
pratique et aux usages, de remettre en cause le principe de liberté des parties au contrat de
travail dans le choix de la forme du CDI.
Tout autre est cependant, le formalisme imposé lorsqu’il s’agit de contrats autres que le
CDI. En effet, la logique est inverse, l’écrit obligatoire. Ainsi, l’écrit s’impose pour le
contrat entre l’entrepreneur de travail temporaire et le salarié mis à la disposition d’un
utilisateur163, le contrat de travail à temps partiel164, le contrat d’apprentissage165 et le
contrat à durée déterminée166ce dernier étant le plus courant. On ajoutera, pour exemple,
certains contrats particuliers tels le contrat d’engagement d’un marin167, le contrat de
travail aérien168, le contrat de travail du médecin du travail169 et celui de l’avocat salarié170.
Quelles sanctions sont alors envisageables en cas de violation de ce formalisme ? Tout
dépend en fait des finalités du formalisme : formalisme informatif pour le salarié ou
contrôle du respect de la législation du travail ou des règles professionnelles. Dans le
premier cas, c’est généralement la sanction de la requalification du contrat en CDI qui sera
prononcée tandis que dans le second, la nullité sera encourue.
Dès lors, le CDD fera l’objet non d’une nullité mais d’une requalification en contrat de
droit commun c’est à dire en CDI. En effet, « le contrat subsiste en soi, seule la
qualification au regard de la durée de l’engagement étant sujette à révision : de déterminée,
la durée devient indéterminée »171. De même, le contrat à temps partiel est susceptible de
requalification en contrat à temps complet172 voire en CDI en plus des sanctions pénales
possibles. Différente est la sanction en ce qui concerne la contrat d’apprentissage, la nullité
est ainsi encourue en l’absence d’écrit173ou même pour défaut de signature de l’apprenti
lors de la conclusion de ce contrat174 (ce dernier doit d’ailleurs en plus d’un écrit faire
l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration chargée du contrôle de l’application
de la législation du travail et des lois sociales dans la branche d’activité à laquelle se
162
Y.CHAUVY, L’écrit en garantie de l’ordre public : son incidence sur la durée du contrat de travail,
D.1996, JP, p.565.
163
Art. L.124-4 du Code du travail.
164
Art. L.212-4-3 du Code du travail.
165
Art. L.117-12 du Code du travail.
166
Art. L.122-3-1 du Code du travail.
167
Art. L.10-1 du Code de travail maritime.
168
Art. L.423-1 du Code de l’aviation.
169
Art. R.241-30 du Code du travail et 83 du Code de déontologie de la médecine.
170
Art. 137 du Décret du 27 novembre 1991.
171
Y.CHAUVY, op. cit.
172
Exemple : cass. soc. 24 octobre 1997, arrêt n°95-42.635, Juris-Hebdo n°7755 du 3 novembre 1997.
173
Cf. cass. soc. 18 décembre 1961, BC II, n°629 ; cass. soc. 20 octobre 1965, D.1965, p.811 et cass. soc. 1er
avril 1992, D.1992, IR, p.153.
59
rattache la formation prévue au contrat175). De même, le contrat de travail temporaire est
susceptible d’être déclaré nul en plus des sanctions pénales prévues par différentes
dispositions du Code du travail en la matière176.
On le voit donc la nullité n’est pas la sanction de principe en cas de violation des règles de
forme du contrat de travail quel qu’il soit. Dans les hypothèses précitées c’est davantage la
sanction de la requalification qui semble être préférée. Qu’en est–il dans les hypothèses
particulières de droit du travail prenant en compte la qualité de la personne du salarié ?
Deux hypothèses bien distinctes méritent un rapide commentaire : tout d’abord,
voyons celle où un contrat de travail est établi entre une société et un administrateur de
celle-ci. Ce contrat est nul au regard de l’(ex)article 107 de La loi du 24 juillet 1966 et
cette sanction s’explique par les difficultés liées au lien de subordination puisque ce salarié
cumulerait les fonctions de subordonné et de « donneur d’ordres » si l’on peut dire177.
C’est donc bien la qualité en matière professionnelle qui est la cause de la nullité.
Lorsque le contrat de travail concerne ensuite un travailleur étranger, la nullité du contrat
de travail peut être prononcée lorsque le salarié ne dispose pas de carte de travail
l’autorisant à exercer cet emploi178. Cette nullité est issue aujourd’hui de plusieurs textes
dont la Loi n°84-622 du 17 juillet 1994 et le Décret n°84-1079 du 4 décembre 1994 relatif
aux autorisations de travail délivrées aux travailleurs étrangers. Ici, c’est une qualité
personnelle du salarié qui sera prise en compte dans le prononcé de la nullité du contrat de
travail.
Les règles de forme spécifiques au droit du travail ne remettent pas en cause de
manière flagrante la validité de la relation de travail. En effet, même pour les contrats
autres que le CDI, la nullité n’est pas une sanction fréquemment utilisée. Ainsi, les textes
inhérents au CDD, contrat spécifique pourtant largement utilisé, envisagent la sanction du
défaut de contrat écrit comme une requalification du CDD en contrat de droit commun. Les
seules hypothèses prévoyant le prononcé d’une nullité sont notamment celles reposant sur
une prescription d’ordre public (la langue utilisée dans le contrat pour le CDI, la carte de
travail dont doit être titulaire le salarié étranger,…) ou prenant en compte les difficultés de
174
Cass. soc. 28 mars 1996, CSBP 1996 n°81-S.70 p.179.
175
Cf. l’article L.177-14 du Code du travail.
176
Cf. annexe n°3 et pour un exemple de jurisprudence : cass. soc. 7 novembre 1995 Divoux c/Société Les
Assurances de crédit, JCP E 1996, II, 801, note PETIT (B.) et PICQ (M.).
177
Cf. C.PUIGELIER, Le Président du Conseil d’Administration devenant salarié et vice versa, JCP E 1994,
Etude n° 358, pp.245-250.
178
Cass. soc. 1er avril 1968, BC V n°193 (emploi du salarié étranger dans un emploi différent de celui
figurant sur la carte de travail) ; cass. soc. 26 janvier 1983, BC V n°33 (salarié non titulaire d’une carte de
travailleur étranger).
60
validité d’un tel contrat (le contrat de travail de l’administrateur d’une société au sein de
celle-ci et ses difficultés pratiques). Dès lors, la nullité apparaît comme une sanction
exceptionnelle dans le droit du travail, celle-ci ne s’imposant que dans de rares hypothèses.
Par ailleurs, lorsque celle-ci est effectivement prononcée, elle se contente le plus souvent
de ne remettre en cause qu’une partie de ce contrat.
179
On exclut dans cette hypothèse le cas particulier des entreprises de tendance lesquelles peuvent baser leur
recrutement sur l’existence d’un « projet d’entreprise » ou le développement d’une « culture d’entreprise ».
Cf. G.LYON-CAEN, Les libertés publiques et l’emploi: Rapport au ministre du Travail, de l’Emploi et de la
Formation Professionnelle, La Documentation française, coll. Rapports officiels, 1992, 169 p.
180
CA Paris 30 avril 1963, JCP 1963, II, 13205bis et cass. soc. 7 février 1968, BC V n°86.
181
La vie extra-professionnelle du salarié et son incidence sur le contrat de travail, DESPAX (M.), JCP 1963,
I, 1776.
61
D’autres clauses peuvent quant à elles être annulées car elles se trouvent tout
simplement interdites dans leur principe par différents textes de droit social. Ainsi,
certaines clauses sont interdites telles la clause « couperet »182, la clause d’indexation des
salaires sur le SMIC et sur le coût de la vie183, la clause attributive de juridiction184 et la
clause compromissoire185.
D’autres encore peuvent être valables dans leur principe mais nulles lorsqu’elles
apparaissent excessives.
Dès lors, la clause de non-concurrence doit répondre à différentes conditions pour être
déclarée valable : celle-ci doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de
l’employeur (examen de l’emploi occupé par le salarié et de l’activité réelle de
l’entreprise186), le risque doit être constitué par la menace de la perte d’un savoir-faire ou
d’un détournement de clientèle187et la clause ne doit pas faire entrave à la liberté du travail
du salarié (la clause permettant au salarié l’exercice d’une activité conforme à sa
qualification et son niveau de compétences).
La clause de dédit-formation quant à elle est définie comme la clause prévoyant une
formation du salarié financée par l’employeur à condition que ce salarié reste au service de
celui-ci pendant une certaine durée. Dès lors, sa validité est soumise à plusieurs
conditions : la formation assurée par l’employeur doit avoir entraîné des frais réels au-delà
des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, il doit y avoir
proportionnalité entre les dépenses engagées par l’employeur et l’obligation du salarié188.
Enfin, la clause ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de la faculté de
démissionner189.
. Les clauses susceptibles d’être annulées sont en fait relativement abondantes
(clause "couperet", clause d’indexation, clause attributive de juridiction et clause
compromissoire, clause d’engagement à vie, clause d’exclusivité, clauses relatives à la
rémunération, clause d’objectifs190 ou de quotas, clause de mobilité géographique, clause
182
Art. L.122-14-12 du Code du travail.
183
Ordonnance du 30 décembre 1958.
184
Art. L.121-3 du Code du travail.
185
Art. L.511-1 du Code du travail.
186
Cass. soc. 18 décembre 1997, arrêt n°4996PB, SA Pluri Public c/Antoine et a. in Clauses du contrat de
travail, Légi social, Dossier D-280, mai 1998, pp.2-50.
187
Cass. soc. 14 février 1995, arrêt n°739D Trécourt c/SA Puma, idem.
188
Cass. soc. 17 juillet 1987, arrêt n°84-41.056, Carrier c/Société Fiduciaire juridique et fiscale de France in
Les clauses du contrat de travail, Liaisons sociales n°12990 du 17 septembre 1999, pp.5-88.
189
Pour exemple, cass. soc. 17 juillet 1991, arrêt n°2746D, Jourdan c/Société Fidal, BC V n°373.
190
Pour un exemple de jurisprudence, voir cass. soc. 13 mars 2001, arrêt n°99-41.812, Grandel c/Société
Pouey international in Social Pratique n°342 du 10 avril 2001.
62
de domicile,…)191. A cela s’ajoute l’ensemble des mentions obligatoires en matière de
contrats précaires (article L.122-3-1 du Code du travail pour les CDD et article 212-4-3 en
ce qui concerne le contrat à temps partiel). Dès lors, les conditions de validité de ces
clauses ont pour but essentiel soit le respect de prescriptions d’ordre public et des libertés
fondamentales, soit l’information du salarié. Ainsi, il faut conclure à une volonté
d’informer et de protéger le salarié, toujours considéré comme une partie faible au contrat
de travail.
Cependant, si certaines de ces clauses sont annulables, d’autres seront considérées comme
inexistantes. Elles pourront alors être substituées par des clauses conformes aux textes en
la matière ou réduites dans leur montant ou leur champ d’application.
L’étude de la validité des clauses du contrat de travail n’est pas aisée tant elle
apparaît complexe de part les différentes conditions entourant chacune de ces clauses. Dès
lors, chaque employeur mérite de prendre quelques précautions lors de la rédaction des
contrats de travail192. Ainsi, plus grande est encore la difficulté lorsqu’il s’agit
d’appréhender la nullité de ces clauses et les conditions dans lesquelles celle-ci s’impose
au juge prud’homal. Pourtant, une vue d’ensemble de ces clauses permet de constater que
là encore, le Code du travail n’a prévu la sanction de la nullité que dans des cas spécifiques
laissant le soin aux juges d’apprécier le plus souvent les faits de chaque espèce. A la
nullité, le législateur semble privilégier d’autres sanctions telles que la requalification.
191
Pour une étude détaillée, voir Les clauses du contrat de travail, SIMONNEAU (M.) et DESPLAT (A.),
Liaisons Sociales, numéro spécial, n°12990 du 17 septembre 1999, pp.5-88.
63
volontairement très soucieux des intérêts du salarié à l’image du législateur. Or, les
hypothèses couvertes par la sanction de la nullité semblent déjà rares. Le juge prud’homal
aurait-t-il tendance à preuve d’encore plus de protectionnisme à l’égard de la situation
pécuniaire du salarié au point de faire de la nullité une sanction exceptionnelle en droit du
travail ?
192
Les précautions juridiques à l’embauche, COLBEAUX (J.), Liaisons Sociales mars 2001, Chronique
juridique, pp.62-63.
64
§2 : L’appréciation variable des causes de nullité.
L’appréciation des causes de nullité varie-t-elle lorsque le juge prud’homal est saisi
d’une action en nullité du contrat de travail ? Dès cet instant, la question a vocation à se
dédoubler : le juge prud’homal a-t-il la même attitude que les juges de droit commun en
matière de nullité d’un contrat ? Ce juge se prononce-t-il toujours en faveur de l’une des
parties au contrat, en l’occurrence le salarié ?
Le particularisme du contrat de travail est de mettre en relation deux personnes aux statuts
différents. L’employeur dispose d’un large pouvoir discrétionnaire dans le choix de ses
salariés tandis que ce dernier doit se plier aux directives de l’employeur pour pouvoir
obtenir sa rémunération. Ce déséquilibre incontournable à toute relation salariale subit de
ce fait la méfiance des tribunaux, ces derniers craignant pour la situation du salarié soumis
au « bon vouloir » de son employeur.
Dès lors, l’appréciation des causes de nullité de droit commun peut paraître
soumise à variation au point de considérer que l’interprétation de ces causes de nullité est
propre au droit du travail et à la relation de travail (A). Or, lorsqu’il s’agit d’invoquer une
cause de nullité propre au droit du travail, la tendance semble s’inversait et l’application de
la sanction de la nullité apparaît sans équivoque, le juge prud’homal disposant d’une marge
de manœuvre moindre en la matière (B). Cette ambivalence n’est donc pas de nature à
faciliter une approche globale du régime de la nullité du contrat de travail !
193
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), op. cit., n°347.
65
son originalité lorsqu’est prise en compte la qualité du demandeur à l’action en nullité, le
juge prud’homal préférant la poursuite de la relation de travail au prononcé de la nullité en
se prononçant le plus souvent en faveur du salarié (2).
Dès lors, l’interprétation des causes de nullité de droit commun acquiert en droit du travail
une originalité dont les autres juridictions ne semblent pouvoir se prévaloir.
En droit du travail, la nullité du contrat reposant sur les règles de droit commun,
notamment en matière de vices du consentement, est une arme efficace mise entre les
mains de l’employeur pour éviter le paiement de toute indemnité de rupture qui serait due
au salarié. Certains auteurs comme monsieur MOULY n’hésite pas à considérer, dès lors,
l’action en nullité comme « un moyen de contournement du droit de la rupture »194 et de
constater que, de ce fait, la Cour de cassation a mis en place une « politique d’endiguement
de cette théorie, et en particulier du dol, le vice le plus fréquemment invoqué par
l’employeur »195.
En effet, au moment de l’engagement, l’employeur a l’occasion de poser toutes les
questions ayant un lien « direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation
des aptitudes professionnelles »196 du futur salarié. Par ailleurs, celui-ci est tenu d’y
répondre de bonne foi197. A l’inverse, lorsque la question posée ne présente aucun lien avec
l’emploi proposé, le salarié n’est pas tenu d’y répondre198, il peut même mentir au vue de
la jurisprudence199. Dès lors, le constat de l’existence d’un dol de la part du salarié sera
difficilement admis en jurisprudence de même que l’erreur de l’employeur présentera le
plus souvent un caractère inexcusable200.
S’appuyant ainsi sur les notions de devoir de renseignement et d’obligation d’information,
les juges prud’homaux considèrent que le fait pour l’un des contractants, le plus souvent
194
Le dol du salarié. Vers une interprétation travailliste de l’article 1116 du Code civil, MOULY (J.), note
sous cass. soc. 30 mars 1999, Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel, op. cit.
195
Idem.
196
Art. L.121-6 du Code du travail.
197
Idem.
198
Cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ; D.1991, note J.MOULY, p.507 ; JCP G 1990, IV, p.233.
(le silence gardé par le salarié sur son passé pénal ne constitue pas une faute de la part de celui-ci dès lors que
ce fait est sans incidence par rapport à l’emploi proposé) et, pour un exemple plus ancien, cass. soc. 17
octobre 1973 Société Fives-Lille-Cail c/David, JCP 1974, II, 17698 (salarié n’ayant pas mentionné sa qualité
de prêtre lors de l’embauche).
199
I.OMARJEE, Le dol à l’épreuve du contrat de travail, op. cit.
66
l’employeur, de pas s’être renseigné auprès de l’autre partie au contrat de travail constitue
une faute qui empêche celui-ci de se prévaloir d’un vice du consentement inhérent au
contrat201.
En ce qui concerne le salarié, selon monsieur LOISEAU, « si l’éventualité d’une
erreur ou d’un dol n’est pas à écarter, elle est en pratique assez modeste. Certaines règles,
d’ailleurs, contribuent à en prévenir le risque »202. On peut en effet citer pour exemple les
articles L.311-4 et suivants du Code du travail selon lesquels les offres d’emploi doivent
faire l’objet d’une publicité non-mensongère. Ainsi, lorsque l’offre d’emploi est faite par
voie de presse, celle-ci ne doit pas comporter, sous peine des sanctions pénales prévues à
l’article L.631-4, d’allégations fausses ou susceptibles d’induire en erreur, « notamment en
ce qui concerne l’existence, l’origine, la nature et la description de l’emploi offert, la
rémunération et les avantages proposés ainsi que le lieu de travail »203. Dès lors, le salarié
ne pourra pas se prévaloir d’une erreur ou d’un dol de la part de son employeur si ce
dernier a pris toutes les précautions nécessaires lors de la diffusion de l’offre d’emploi ou
même lors de l’entretien d’embauche (cette preuve du caractère objectif des éléments
donnés de la part l’employeur lors de l’entretien sont pourtant difficiles à prouver compte
tenu du caractère le plus souvent entièrement verbal de cet entretien d’embauche).
En matière de dol et d’erreur, vices du consentement de droit commun,
l’appréciation par les juges du fond ne semble pas être fondée uniquement sur les éléments
constitutifs de chaque vice. Prenant en compte les intérêts de chaque partie au contrat de
travail, le prononcé de la nullité va s’opérer au travers du prisme du lien de
subordination204. L’employeur dispose de différents moyens pour savoir si le salarié
répond aux conditions posées par le poste : questions au moment de l’entretien
d’embauche, contacts avec les anciens employeurs du salarié, période d’essai possible pour
savoir si le salarié a bien les compétences requises quant à l’emploi proposé,… De son
côté, le salarié n’a généralement pas vocation à s’intéresser à la personne même de
l’employeur205. Certes, si un vice atteignant son consentement peut être relevé, l’hypothèse
200
Cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/Société Cart Expert France et a., op. cit. (salarié ancien directeur d’une
société mise en liquidation judiciaire).
201
Cass. soc. 7 avril 1998, BC V n°205 : la Cour de cassation écarte l’erreur et le dol lors de la conclusion
d’un contrat de retour à l’emploi avec une personne qui ne remplissait pas les conditions pour que
l’employeur bénéficie d’une exonération des charges sociales au motif que ce dernier « avait la possibilité de
se renseigner sur les conditions à remplir pour un contrat de retour à l’emploi et de ne pas faire travailler (le
salarié) tant qu’il n’avait pas obtenu les informations nécessaires ».
202
G.LOISEAU, op. cit., p.582.
203
Idem.
204
Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.
205
G.LOISEAU, op. cit., p.587.
67
reste rare en pratique. En matière de violence, par exemple, ce vice se situera plus au
moment de la modification du contrat ou lors de la conclusion d’un nouveau contrat qu’à la
naissance de la première relation contractuelle. En revanche, en matière d’erreur et de dol,
les hypothèses jurisprudentielles où le salarié sera demandeur à l’action seront beaucoup
plus rares.
Dès lors, lorsqu’un vice tel que l’erreur ou le dol est invoqué à l’appui d’une action
en nullité du contrat de travail par l’employeur, celui-ci va voir les conditions de son
existence et donc de son constat réduites. En effet, la chambre sociale de la Cour de
cassation semble s’être donnée, au vue de sa jurisprudence en matière de nullité du contrat
de travail, sa propre définition de l’erreur et surtout du dol. D’ailleurs, certains auteurs ont
alors considéré que plusieurs arrêts de cette formation de la Cour de cassation
contribuaient à nourrir un débat sur l’autonomie effective ou non du droit du travail par
rapport au droit civil206. Ainsi, dans un arrêt du 30 mars 1999207, la chambre sociale
infirme la décision de la Cour d’appel de Paris dans une espèce où une salariée avait fourni
des renseignements inexacts sur ses diplômes lors de son embauche. En effet, celle-ci
considère « que la fourniture de renseignements inexacts par la salariée lors de l’embauche
n’est un manquement à l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la nullité du contrat
de travail que si elle constitue un dol ». Pourtant, selon l’article 1116 du Code civil et
l’interprétation qui en est faîte par les juridictions civiles, le dol est constitué dès lors
qu’est constatée l’existence de manœuvres ou une réticence de la part d’une des parties
contractantes. Or, en l’espèce comme dans d’autres que la chambre sociale a eu à
connaître208, l’existence d’un dol n’aurait fait aucun doute si la juridiction saisie avait
appliqué strictement le droit commun des contrats.
206
Le dol à l’épreuve du contrat de travail, OMARJEE (I.), chr. sous cass. soc. 30 mars 1999, D.2000, somm.
comm., p.13.
207
Cass. soc. 30 mars 1999, arrêt n°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240, note
J.MOULY ; D.2000, somm. comm., p.13, chr. I.OMARJEE.
208
Cf. pour exemples, cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/Institut Interprofessionnel de
formation pour l’industrie et le commerce, arrêt n°853P, Dr. Soc. 1999, pp.396 et 397 ; D.2000, JP, pp.97-
100 note T.AUBERT MONPEYSSE (mention d’une expérience en tant qu’emploi alors que simple stage) et
cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995, n°101, p.16 (CV et lettre d’embauche écrits
de la main de l’épouse du candidat à l’embauche).
68
l’auteur cet employeur. Cela dit, il est vrai que l’employeur semble disposer de beaucoup
plus de marge de manœuvre que le candidat, futur salarié de l’entreprise. Le salarié quant à
lui, est déjà victime de la position de supériorité dans laquelle se trouve son cocontractant.
En effet, il ne peut que répondre ses questions, se plier aux conditions de travail posées par
l’employeur, surtout dans un contexte économique difficile, ainsi qu’aux informations que
lui donne celui-ci au sujet de son futur emploi.
Dès lors, bien que des dispositions législatives relatives au recrutement aient été édictées
dans le but de rétablir un "semblant" d’équilibre entre ces parties sous couvert des notions
de bonne foi et de loyauté209, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de
cassation semble rester méfiante quant à l’action en nullité portée devant elle par un
employeur. Ainsi, ses solutions semblent être empruntes de "favoritisme" dont le salarié
serait l’unique bénéficiaire.
Ici, sera développée volontairement la seule appréciation du dol du salarié par les
juges prud’homaux. En effet, cette notion est fréquemment invoquée par l’employeur à
l’appui de sa demande en nullité du contrat de travail. De plus, la conception faite du dol
du salarié par la chambre sociale de la Cour de cassation démontre parfaitement l’évolution
jurisprudentielle en matière de nullité du contrat portant sur des notions de droit commun
des contrats.
Dès lors, le dol du salarié semble se cantonner dans conditions bien précises. On
peut même dire que le dol, cause de nullité du contrat de travail, sera d’autant plus retenu
que les circonstances de l’espèce démontreront une volonté évidente de tromper
l’employeur par la multiplication des réticences et manœuvres210.
Ainsi, certains auteurs ont considéré que la chambre sociale de la Cour de cassation optait,
en matière de vices du consentement, pour une « conception atrophiante du dol du
209
Art. L.121-6 du Code du travail.
210
Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon, op. cit. : le salarié s’était prévalu d’un DESS de Paris I ainsi que d’une
formation « Sub de Co » de Bordeaux qu’il n’avait pas en sa possession. La Cour de cassation reconnaît la
nullité du contrat de travail pour dol.
CA Versailles 19 septembre 1990 SA Citroën c/ Libert, RJS 1991 n°5 : nullité du contrat de travail pour un
dol portant sur la production d’un CV en grande partie mensonger, faux certificat de travail avec la signature
contrefaite de l’ancien employeur et durée inexacte des fonctions auprès de celui-ci (éléments déterminants
du consentement de l’employeur il va s’en dire).
69
salarié »211. En effet, ce dernier ne peut se voir reprocher, par exemple, la manœuvre tenant
dans la rédaction d’un curriculum vitae et d’une lettre d’embauche par son épouse afin
d’échapper à l’analyse graphologique opérée par l’employeur212. Pourtant, on ne peut pas
affirmer que le salarié n’a pas voulu tromper l’employeur en l’espèce puisqu’il a
volontairement envoyé des documents non rédigés de sa main en sachant que son futur
employeur utilisait l’analyse graphologique comme un moyen de recrutement. Cependant,
la Cour de cassation justifie sa décision considérant qu’il n’est pas démontré que le salarié
n’aurait pas été embauché s’il avait rédigé lui-même ces documents. Dès lors, le caractère
déterminant du dol n’est pas établi. On peut critiquer cette conception absolue du caractère
déterminant qui exige des juges qu’ils établissent avec certitude que le fait invoqué a été
déterminant du consentement de l’employeur 213. De même, une simple mention sur un CV
qui pourtant conduit l’employeur à se tromper sur l’expérience professionnelle dont se
prévaut un salarié est qualifiée par la Cour de cassation de « mention imprécise et
susceptible d’une interprétation erronée » non constitutive d’une manœuvre frauduleuse
(on imagine pourtant mal comment la transformation d’un stage en emploi réel peut être le
pur fruit du hasard) 214 !!!
Mais peut-on conclure à la disparition totale du dol du salarié dans le régime de la nullité
du contrat de travail 215? En effet, l’arrêt Minaud du 30 mars 1999 apparaît comme un
véritable arrêt de principe en matière de dol du salarié216. La chambre sociale de la Cour de
cassation considère ainsi, sous le visa des articles 1116 du Code civil, L.122-14-3 et L.122-
14-4 du Code du travail, que « la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors
de l’embauche n’est un manquement à l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la
nullité du contrat que si elle constitue un dol ». Reposant son raisonnement sur la notion
de bonne foi, la Cour de cassation semble renforcer ses exigences en matière de preuve de
l’élément intentionnel du dol. Elle s’écarte ainsi de ce qui est admis par le droit commun
en consacrant ce que monsieur MOULY nomme « un véritable droit au mensonge au
211
J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999, arrêt n°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II,
pp.1236-1240.
212
Cass. soc. 5 octobre 1994, BC V n°256 ; Dr. Soc. 1994, p.973, obs. E.Ray ; D.1995, p.282, note P.MOZAS;
Les Petites Affiches 1995, n°101, p.16, note K.ADOM.
213
J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.
214
Cass. soc. 16 février 1999, op. cit.
215
Pour un avis en ce sens, voir P.-Y.GAUTIER in RTD Civ 1995 p.143.
216
Cass. soc. 30 mars 1999, op. cit.
70
bénéfice du salarié »217. Dès lors, comme l’affirme monsieur MESTRE, « le dol, s’agissant
du salarié, n’est plus la sanction juridique de la notion morale de mauvaise foi »218.
Certes, s’agissant du dol, « la Cour de cassation laisse plutôt perplexe celui qui cherche à
définir positivement en quoi celui-ci peut consister »219. D’ailleurs la jurisprudence de la
chambre sociale de la Cour de cassation se contente d’appuyer ses décisions sur les notions
de bonne foi et surtout d’obligation de loyauté du salarié. Cependant, celle-ci souligner,
dans certaines espèces que ce vice peut être retenu même si c’est dans des circonstances
apparemment très restrictives220. Dès lors, monsieur MOULY221 considère que ces arrêts
tiennent à l’objet du mensonge. Ainsi, le dol ne pourrait être retenu lorsque les manœuvres
portent sur les emplois précédemment occupés ou le passé professionnel du salarié222 mais
il le serait dès lors que ces manœuvres portent sur les diplômes et la formation223. La
différence avec le droit commun des contrats consisterait alors, selon cet auteur, dans une
appréciation in abstracto du caractère déterminant du dol, voie dans laquelle se dirigerait le
chambre sociale.
Mais faut-il aller si loin dans l’appréciation du régime de la nullité pour vices du
consentement appliquée au seul contrat de travail ? L’affirmation de monsieur MOULY est
en effet critiquable sur deux points :
Tout d’abord, le dol ne s’arrête pas aux manœuvres quant aux capacités professionnelles
du salarié. L’action en nullité de l’employeur peut en effet se fonder également sur des
éléments de la vie personnelle du salarié. Comme nous l’avons vu, les éléments de la vie
privée du salarié ne peuvent être à l’origine de la rupture du contrat de travail au motif
subséquent que le contrat est nul pour dol. Mais à ce principe existe une exception que la
jurisprudence de la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises : les renseignements
demandés par l’employeur au salarié doivent avoir un lien direct et nécessaire avec
l’emploi proposé224. D’ailleurs, ces termes ont été repris par l’article L.121-6 du Code du
travail issu de la loi n°92-1446 du 31 décembre 1992 et concernant les dispositions
relatives au recrutement et aux libertés individuelles. Dès lors, des éléments de la vie
personnelle du salarié peuvent être déterminants du consentement de l’employeur à
l’embauche du salarié et présentés un lien nécessaire et direct avec l’emploi proposé. Leur
217
J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.
218
J.MESTRE, RTD Civ 1995 p.95.
219
J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.
220
Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon, op. cit.
221
J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.
222
Cass. soc. 16 février et 30 mars 1999, op. cit.
223
Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon, op. cit.
71
omission volontaire de la part du salarié constituerait donc une cause de nullité du contrat
de travail qu’il ne faut alors pas oublier dans l’étude du régime de la nullité du contrat de
travail.
De plus, monsieur MOULY considère que l’appréciation par la jurisprudence sociale des
vices du consentement dont le salarié est à l’origine, évolue vers une appréciation in
abstracto des éléments constitutifs de vices tels que le dol. Or, c’est bien à une
appréciation in concreto des faits de chaque espèce que l’on peut conclure. En effet,
certaines espèces révèlent l’absence, selon les juges, des éléments constitutifs du dol alors
que les faits semblent prouver le contraire. Dès lors, les juges semblent favoriser la
situation du salarié en prenant en compte, par exemple, la date de l’embauche de celui-ci et
la date d’introduction d’une demande en nullité du contrat de travail pour dol voire même
les capacités professionnelles du salarié depuis longtemps démontrées en l’absence de
diplômes requis pour cet emploi selon l’employeur225. Par ailleurs, monsieur LOISEAU
constate, et il semble qu’il faille ici l’approuver, que « la jurisprudence exige que la qualité
défaillante ou indésirable (du salarié) soit réellement de nature à affecter l’exécution de la
prestation de travail »226.
224
Cf. cass. soc. 17 octobre 1973 et 25 avril 1990, op. cit.
225
Cf. pour exemple : cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101, p.16 avec les
observations de monsieur ADOM (K.), Le dol dans la formation du contrat de travail.
226
G.LOISEAU, op. cit., p.598.
227
Art. l21-6 du Code du travail in fine.
72
Cependant, cette doctrine de la chambre sociale est-elle la même quand est mise en avant
une cause de nullité prévue non par le droit commun des contrats, mais cette fois par le
droit du travail ?
228
P.Y. VERKINDT, Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ? in Une
nouvelle crise du contrat ?,
73
qui reste donc libre de décider, d’après les faits qui lui sont présentés, quelle sanction lui
apparaît la plus opportune229.
Quoiqu’il en soit le droit du travail donne une importance non négligeable aux concepts
d’ordre public et d’ordre public social. Ainsi, une disposition d’une convention collective
par exemple, plus favorable au salarié que ce que prévoit son contrat est applicable tout de
même sans que soit nécessaire le prononcé de la nullité du contrat ou tout simplement de
cette clause. L’ordre public social permet dès lors d’éviter le prononcé, délicat, d’un
contrat alors que seule cette disposition lui est préjudiciable. Le concept d’ordre public
strict, quant à lui, a vocation à convenir de la nullité du contrat de travail pour n’importe
quel motif que ce soit. Ainsi, la marge de manœuvre des juges s’avère délicate lorsqu’ils
doivent décider du prononcé ou non de la nullité du contrat de travail. En effet, ces derniers
doivent avant tout considérer la règle violée par les parties pour savoir si cette disposition
est d’ordre public ou non ; ensuite si une disposition de même objet existe au sein de la
hiérarchie des normes applicables au contrat (dans ce cas, la nullité du contrat ou de la
clause de celui-ci est inutile).
En ce qui concerne les dispositions d’ordre public, on peut constater que celles-ci touchent
de nombreux domaines. Citons quelques exemples significatifs :
Tout d’abord, les dispositions du Code du travail concernant le travail, l’emploi
d’un étranger en situation irrégulière sont d’ordre public. Dès lors, l’absence d’autorisation
de travail entraîne de facto la nullité du contrat de celui-ci230.
Ensuite, certaines clauses du contrat de travail doivent également être conformes
aux dispositions d’ordre public du Code du travail. Ainsi, l’article L.511-1 alinéa 6
concernant la compétence d’attribution de chaque Conseil de prud’hommes est d’ordre
public, sa violation par l’insertion d’une clause attributive de juridiction dans le contrat de
travail entraîne donc la nullité de cette clause231. De même, est nulle car contraire à l’ordre
public c’est à dire à l’article L.122-3-8 du Code du travail, la clause de libération anticipée
d’un entraîneur sportif, le CDD ne pouvant être rompu, sauf accord des parties, avant
l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force-majeure232. La sanction sera la
229
En ce sens, CA Dijon 24 février 1993 Clemessy c/SARL Faber et a., RJS 1993 n°819.
230
Jurisprudence constante en la matière. Cf. E.GUILLAUME, conclusions du commissaire de gouvernement,
CE 13 avril 1988, L’étranger en situation irrégulière et le statut de salarié protégé, Dr. Soc. 1988, p.773.
231
Cf. cependant : cass. soc. 4 mai 1999, La Gazette du Palais du 1er mars 2000, pp.20-37, note Niboyet (M.-
L.), concernant une clause compromissoire, la Cour de cassation décide de l’inopposabilité de la clause plutôt
que de sa nullité.
232
CA Rouen 21 février 1991, D.1991, JP, p.614, note KARAQUILLO (J.-P.), cass. soc. 16 décembre 1998,
JP, D.2000, pp.30-33, note ALAPHILIPPE (P.) et cass. soc. 24 octobre 2000 Rabier c/Le Football Club de
Rouen et a., arrêt n°3970FS-D, CSBP janvier 2001, A.5, pp.17-18, obs. PANSIER (F.-J.).
74
même car reposant sur le même fondement (dispositions d’ordre public) en ce qui concerne
les clauses d’indexation des salaires233.
Certaines clauses du contrat de travail ont pourtant posé et posent toujours quelques
difficultés en la matière. En effet, les clauses de mise à la retraite dites "clauses couperets"
nécessitaient, selon certains auteurs, une réglementation234. La jurisprudence antérieure à la
loi du 30 juillet 1987 avalisait d’ailleurs les clauses prévoyant la mise à la retraite du
salarié dès que l’âge prévu par cette clause était atteint par celui-ci235. Or, le régime légal
actuel prévu à l’article L.122-14-13 du Code du travail présente un caractère d’ordre
public236 ; il autorise les clauses dites "souples"237 tout en sanctionnant par la nullité les
clauses dites "couperets". Concernant cette fois les clauses de non-concurrence, la
difficulté est plus grande car aucun texte du Code du travail ne renvoie à des conditions de
leur validité et donc a fortiori à des sanctions en cas de non-respect de ces dernières. Dès
lors, la solution pourrait s’avérer être identique à celle ayant trait aux clauses "couperets".
L’intervention du législateur viendrait alors réglementer ce type de clause pour éviter toute
l’insécurité qui peut régner dans le cadre d’une action en nullité qui serait intentée à
l’encontre de ce type de clause.
Enfin, le Code du travail envisage également des hypothèses en matière de contrats
précaires conduisant au prononcé de la nullité car ayant un caractère impératif. En effet,
nombreuses sont les dispositions concernant par exemple le contrat d’apprentissage. Ainsi,
celui-ci doit faire l’objet d’un écrit mais également d’un enregistrement selon les articles
L.117-12 et L.117-14 du Code du travail. Cependant, la nullité n’est encourue que dans
l’hypothèse de l’absence d’écrit238, les juges du fond retrouvant tout leur pouvoir
d’appréciation en ce qui concerne le défaut d’enregistrement du contrat.
Malgré les précautions prises par le législateur, des hypothèses de nullité du contrat
de travail pour vices de forme ou de fond restent possibles. En effet, en l’absence d’une
quelconque indication de la part de celui-ci concernant la sanction appropriée à telle ou
233
Ordonnance du 30 décembre 1958 visant dans son article 79 l’indexation sur le niveau général des prix et
autres indices généraux et l’article L.141-9 du Code du travail s’agissant de l’interdiction des indexations sur
le SMIC. Cf. également : A.CADET, Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, thèse
sous la direction de monsieur P.-Y. Verkindt, soutenue à Lille en juin 1997.
234
Voir en ce sens : AUDEGOND (J.), L’âge de la retraite et le contrat de travail, mémoire de DEA de droit
privé sous la direction de monsieur Coeuret, Faculté de droit de Lille 2, 1987.
235
Cf. Age de la retraite et fin du contrat de travail, SARAMITO (F.), Dr. Ouvrier 1988.211S, pp.211-226.
236
Idem.
237
Art. L.122-14-12 du Code du travail.
238
Cass. soc. 28 mars 1996 M.Tahloul c/M.Barrabes, Cahiers Prud’homaux août/septembre2000, JP, p.102.
75
telle violation des dispositions du Code du travail, le juge prud’homal semble disposer
d’une relative liberté quant au prononcé ou non de cette nullité. Ainsi, la chambre sociale
de la Cour de cassation a pu décider que l’absence d’indications concernant les noms et la
qualification de personnes remplacées dans le cadre de la conclusion d’un CDD rend le
contrat requalifiable en CDI, contrat de droit commun239. Dès lors, le pouvoir
d’appréciation des causes de nullité semble pouvoir retrouver de son intérêt lorsque le
législateur a été imprécis voire négligent. Par exemple, alors que la nullité semble pouvoir
être invoquée lors d’un cumul de fonction de salarié et de directeur général dans une même
SA, la jurisprudence décide quant à elle de la suspension du contrat de travail pendant
l’exercice du mandat social ce, « en l’absence de stipulation expresse en ce sens »240. De
même, lorsqu’elle le peut, la chambre sociale conditionne la validité de certaines clauses à
l’exercice ou la sauvegarde de certains droits pour le salarié. Ainsi, celle-ci subordonne la
validité d’une clause de résidence à la preuve du caractère indispensable d’un transfert de
domicile et du caractère proportionné au but recherché de cette atteinte à la liberté du choix
du domicile du salarié (preuves qui semblent difficiles à apporter en pratique !)241.
239
Cass. soc. 1er juin 1999, JCP E 1999, II, pp.1929-1930, note MINE (M.).
240
Ex : Cass. soc. 12 février 1991 Personnaz c/Société Boussois, Dr. Soc. 1991, p.463, obs. B.PETIT.
76
Comme son nom l’indique l’ordre public de protection vise à protéger une seule des
parties au contrat de travail. Ainsi, c’est bien souvent, et même on peut dire exclusivement,
le salarié qui apparaît être le seul bénéficiaire des dispositions du Code du travail ayant
pour valeur l’ordre public de protection et prononçant la sanction de la nullité de tout ou
partie du contrat de travail.
La prise en compte dans le cadre d’une action en nullité de cet ordre public particulier
réside dans la désignation des titulaires de cette action et du délai de prescription de celle-
ci (cinq ans en cas de nullité relative et trente ans en cas de nullité absolue). En effet, ces
règles apparaissent à première vue impératives et la tentation serait de leur donner un
caractère d’ordre public ouvrant droit à une action en nullité absolue. Or, l’ordre public de
protection a vocation quant à lui à s’appliquer également de manière impérative mais ceci
tout en réservant cette action à une catégorie particulière de contractants donnant donc à
l’action le caractère de nullité relative. Ainsi, « en jurisprudence, l’idée selon laquelle le
droit d’invoquer la nullité qui sanctionne une règle relevant de l’ordre public de protection
doit être réservé à la partie protégée s’est largement imposée. Il s’agit d’éviter que cette
nullité ne se retourne contre les intérêts que la règle était censée préserver »242.
Mais cette nullité de protection peut-elle être relevée d’office par le juge prud’homal ? La
question mérite ici d’être posée car la jurisprudence des chambres civiles hésite elle-même
sur la solution à donner243. La chambre sociale de la Cour de cassation quant à elle a
répondu à cette question en matière de nullité des clauses dites "couperets". Ces clauses,
condamnées par l’article L.122-14-12 alinéa 2 du Code du travail, sont en fait destinées à
protéger le seul salarié contre une rupture automatique de leur contrat de travail. Or, la
chambre sociale s’est prononcée, à plusieurs reprises, en la matière, pour l’existence d’une
nullité d’ordre public absolue laissant ainsi la possibilité pour l’employeur de se prévaloir
de ce texte244. Cependant, par un arrêt très remarqué de l’Assemblée plénière de la Cour de
cassation, cette dernière a adopté une solution différente privilégiant ainsi la protection des
intérêts du salarié que la règle, en la matière, semblait édicter245. Son énoncé ne fait surgir,
en effet, aucun doute en la matière : « Mais attendu que les dispositions de l’article L.122-
241
Cass. soc. 12 janvier 1999, Cahiers Prud’homaux janvier 2000, JP, p.1 ; également obs. sous cass. soc. 6
et 10 février 2001, Feuillet rapide social, Francis Lefebvre du 7 mars 2001, pp.11 et 12.
242
G. COUTURIER, La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de
cassation, in Le contrat au début du XXIème siècle, op. cit., p.284.
243
Idem.
244
Cf. en ce sens : cass. soc. 1er février 1995, Dr. Soc. 1995, 231, note G.COUTURIER ; cass. soc. 15 mars
1995, BC V n°87.
245
Ass. plén. 6 novembre 1998, Dr. Soc. 1999, 94, obs. J.SAVATIER ; JCP 1999, II, 10004, note
D.CORRIGNAN-CARSIN ; Semaine Sociale Lamy du 23 octobre 1998, pp.9 et 10
77
14-12 du Code du travail n’ont été édictées que dans un soucis de protection du salarié ;
que, dès lors, l’employeur est irrecevable à s’en prévaloir ; que par ce motif de pur droit,
substitué à ceux de l’arrêt, celui-ci se trouve légalement justifié ». Dès lors, cet arrêt met en
avant le caractère d’ordre public de protection de l’article L.122-14-12 du Code du travail
qui suppose une action en nullité de la clause "couperet"de la part du seul salarié. Seul ce
dernier peut donc de se prévaloir d’une telle sanction à l’encontre de son employeur. La
Cour de cassation fait dès lors de la nullité de ces clauses une nullité relative dont le salarié
pourra se prévaloir, ce dernier étant l’unique titulaire de cette action.
Peut-on imaginer d’autre hypothèses d’ordre public de protection ? A vrai dire, cette
qualification relève de l’appréciation par les juges des normes qui leur sont présentées.
C’est pourquoi la position de la chambre sociale peut apparaître à certains égards
inopportune et l’intervention de l’Assemblée plénière nécessaire.
Face à des dispositions de ce type, les juges du fond ne semblent dès lors n’avoir guère de
choix. L’action est réservée au seul bénéficiaire de la mesure édictée, ce dans le délai
imparti à toute nullité relative c’est à dire cinq années. Ainsi, les nullités de protection se
situent à "la croisée des chemins" avec la nullité relative laquelle réserve l’action en nullité
aux parties au contrat et non à un seul d’entre eux. Le pouvoir d’appréciation des juges du
fond n’est alors que résiduel, ces derniers devant impérativement prononcer la sanction de
la nullité du fait de son caractère d’ordre public à la seule demande du salarié.
Parler d’appréciation variable des causes de nullité semble être opportun tant il
apparaît que le contrat de travail est sujet à une grande diversité de règles aux sources
également nombreuses. Dès lors, l’appréciation qui est faîte des éléments constitutifs de
cette sanction ne peut qu’être différente selon les causes invoquées.
On l’a vu, le pouvoir d’appréciation en la matière des juges prud’homaux semble plus
important lorsque leur est soumise une cause de nullité issue du droit commun des contrats.
Ainsi, leur marge de manœuvre leur permet de saisir toute l’opportunité d’une telle
sanction selon les faits qui leur sont présentés au risque de se voir opposer la critique de la
doctrine. Cependant, bien moindre est leur pouvoir d’appréciation lorsqu’il s’agit de causes
de nullité prévues par le Code du travail. En effet, dans cette hypothèse, le juge prud’homal
a bien souvent à faire face à des dispositions d’ordre public qu’il se doit d’appliquer en vue
d’assurer une certaine sécurité juridique. Même si certaines dispositions leur permettent de
retrouver a contrario leur pouvoir d’appréciation dans l’opportunité d’une sanction telle
78
que la nullité, d’autres ont le caractère d’ordre public de protection enfermant ainsi les
conditions de l’action en nullité dans un cadre encore plus strict.
79
L’étude du régime de la nullité du contrat de travail de part les causes susceptibles
d’entraîner cette sanction nous montre le nombre important de textes pouvant régir celui-
ci. En effet, non seulement cette nullité peut avoir une cause reposant sur le droit commun
des contrats mais en plus, cette cause peut être édictée par des textes issus du droit du
travail.
La variété de ces causes de nullité se combine alors nécessairement avec une appréciation
variable de celles-ci par les juges du fond. Ainsi, si le droit commun des contrats semble
laisser aux juges un large pouvoir d’appréciation en la matière, le droit du travail énumère
quant à lui cette sanction le plus souvent de manière impérative.
La tâche du juge prud’homal ne semble donc pas très aisée tant les hypothèses qui peuvent
se présenter devant lui sont diverses et différemment appréciables. Dès lors, celui-ci doit
apprécier, en premier lieu, la source dont est issue la cause de nullité invoquée. En second
lieu, il doit se poser la question de savoir si la règle invoquée est d’ordre public (quel qu’il
soit) ou non. En ce cas, la nullité s’impose au juge à moins que ne joue l’ordre public
social. En troisième lieu enfin, la cause de nullité invoquée doit l’être par celui qui est
titulaire d’une telle action (refus de l’action de tiers lorsque la nullité est relative, de même,
refus de l’action de l’employeur lorsque la règle invoquée par celui-ci est une règle d’ordre
public de protection dont l’action en nullité est réservée au seul salarié).
Le régime de la nullité apparaît donc très complexe, complexité due aux multiples
causes invocables et à la diversité dans leur appréciation. Ainsi, lorsque cette appréciation
est la plus libre possible, la chambre sociale de la Cour de cassation semble avoir saisi
l’occasion de faire preuve d’une certaine audace notamment en ce qui concerne
l’hypothèse d’un dol commis par le salarié. En revanche, c’est en matière de nullité prévue
cette fois, par le droit du travail lui-même, qu’elle semble être la plus hésitante oscillant
entre application stricte des dispositions d’ordre public du Code du travail, lorsque
l’ensemble de leurs éléments constitutifs sont remplis, et prononcé de la nullité sans
qu’aucun texte n’envisage ce type de sanction ni aucune autre d’ailleurs. La marge de
manœuvre des juridictions prud’homales en la matière serait donc fonction de la cause
invoquée par les titulaires de l’action en nullité du contrat de travail.
80
Au terme de cette première partie, il convient de constater que l’étude des
personnages entourant l’action en nullité du contrat de travail est en pratique rarement
évoquée246. En effet, se basant sur le fait que la relation de travail est une relation purement
intuitu personae, peu d’auteurs s’attardent sur les acteurs de ce procédé de remise en cause
du contrat de travail liant salarié et employeur. Cependant, il convient de constater que
cette étude est importante pour comprendre les intérêts inhérents au prononcé de cette
sanction.
De même, l’étude des causes de nullité mérite que l’on s’y attarde plus longuement dans le
but de souligner la variabilité de leur appréciation par les juges prud’homaux selon leur
source d’une part, et l’objectif poursuivi par celles-ci d’autre part.
Ainsi, à l’issue de cette première partie, on peut déjà conclure à la rareté du prononcé de la
sanction de la nullité du contrat de travail contrairement aux autres types de contrats que
connaît le Code civil.
Or, il convient de souligner, dans une seconde partie, toutes les particularités
entourant le prononcé de cette sanction. En effet, le juge prud’homal, soucieux des intérêts
en jeu devant lui, va encadrer de manière spécifique la nullité d’un tel contrat. Privilégiant
le sort fait au contrat de travail ou, lorsque ce dernier a pris fin, la situation pécuniaire du
salarié, le juge prud’homal contribue à la construction d’un régime de la nullité du contrat
spécifique à tout autre.
246
Cf. La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation,
COUTURIER (G.), op. cit. et Nullité et contrat de travail, SIMON-SUISSE (F.), mémoire de DEA de droit social,
op. cit.
81
2EME PARTIE
82
Les effets donnés au prononcé de la nullité du contrat de travail rendent
compte de l’ambiguïté qu’il peut régner au sein de ce régime. En effet, celui-ci est
caractéristique au droit du travail : le régime de la nullité se construit ainsi sur la question
de la rupture du contrat de travail247. Dès lors, les effets de la nullité ont-ils tous vocation à
être les mêmes que ceux attachés au prononcé d’un licenciement ?
En droit commun, la nullité du contrat n’est pas celle-ci, son prononcé a pour effet de
remettre les parties contractantes dans l’état où ces dernières se trouvaient avant la
conclusion du contrat. Or, comme le relève monsieur GHESTIN, « l’effet rétroactif de
l’annulation doit se concilier avec la nécessité de tenir compte de la situation de fait
engendrée par l’acte apparemment valable, et prendre en considération les difficultés
rencontrées pour remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion
du contrat »248. Dès lors, cet effet rétroactif de la nullité ne semble pas être adapté à la
situation que confère le contrat de travail. En effet, celui-ci est avant tout un contrat à
exécution successive. Or, si la restitution des rémunérations perçues par le salarié semble
aisée, comment imaginer la restitution par l’employeur des prestations de travail effectuées
par ce dernier ? Ainsi, la tentation est grande de rapprocher le régime de cette nullité de
celui de la résiliation, sanction anéantissant les seuls effets futurs que pourrait produire la
convention249.En effet, comme l’affirme monsieur FREYRIA, les solutions en droit du
travail ont pour objectif « d’assurer la conservation des effets passés de la prestation de
travail ; mais une fois l’irrégularité constatée, une fois la déclaration de nullité acquise,
l’accomplissement du travail ne peut se poursuivre »250.
Dès lors, la nullité du contrat de travail n’aurait pas pour conséquences les mêmes
que celles constatées lors du prononcé d’une telle sanction en droit commun. D’ailleurs,
cette situation semble s’expliquer par le parallélisme effectué par les juges prud’homaux et
l’effet captateur du régime du licenciement251. Ainsi, les effets attachés au prononcé de
cette nullité semblent dépendre avant tout du choix de cette sanction, la nullité apparaissant
alors dans cette optique la plus respectueuse des intérêts des parties au contrat de travail
(Section 1). Or, il faut apporter tout de même un sérieux bémol quant au prononcé de cette
247
Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.
248
GHESTIN (J.), Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, op. cit., n°871.
249
Cf. en ce sens, Nullité du contrat de travail et relation de travail, FREYRIA (J.), Dr. Soc. 1960, pp.619-
627.
250
Idem.
83
sanction, la chambre sociale de la Cour de cassation paraissant en pratique de plus en plus
favorable au prononcé de sanctions autres que celle de la nullité du contrat de travail
(Section 2). Celle-ci deviendrait-elle inappropriée à la plupart des hypothèses soumises à
ces juges ?
251
Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.
84
SECTION 1 : LE CHOIX DE LA NULLITE LA PLUS RESPECTUEUSE DES INTERETS DES
PARTIES.
L’intérêt de cette section sera donc de souligner les effets attachés au prononcé de
ces types de nullité pour en dégager les fondements et leurs répercussions sur la relation
salarié-employeur.
252
Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.104.
85
§1 : La nullité de l’ensemble du contrat de travail : une sanction exceptionnelle.
La volonté des parties contractantes est un élément pris en compte par la plupart des
décisions ayant trait à une action en nullité d’un contrat, que celui-ci soit un contrat de
travail ou non. Ainsi, la jurisprudence sociale, comme son homonyme la jurisprudence
civile, considère à chaque fois la cause déterminante du consentement de l’une des parties
contractantes, celle ayant mis en œuvre l’action en nullité du contrat, pour se prononcer sur
la validité ou non du contrat de travail qui lui est soumise (1).
253
J.DJOUDI, Les nullités dans les relations individuelles de travail, D.1995, Chr., p.192.
86
Cependant, cette marge d’appréciation est limitée quand il s’agit de dispositions du Code
du travail ayant expressément prévu le prononcé de la nullité du contrat. De plus, le
domaine du droit du travail ne se limite pas qu’à la relation individuelle de travail liant
l’employeur à chacun de ses salariés. Les relations collectives ont donc vocation à
intervenir dans cette relation et le rôle des partenaires sociaux en matière de nullité du
contrat de travail semble alors incontournable lorsque cette sanction est invoquée à
l’encontre de clauses contractuelles ayant pour sujet l’un de ceux traités au sein d’une
convention collective ou un accord collectif de travail (2).
254
Ex. : cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, BC V n°47 ; RJS 1992 n°240 in La nullité du contrat de
travail, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.
255
Cf. cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/Société Cart Expert France et a., arrêt n°3023, op.cit.
256
Cf. I.OMARJEE, Le dol à l’épreuve du contrat de travail, D.2000, somm. comm., p.13, chr. sous cass. soc.
30 mars 1999.
87
De plus, la considération de la personne du contractant peut être aussi déterminante du
consentement de l’autre partie. En effet, bien qu’exigeant un lien nécessaire et direct avec
l’emploi proposé257, certaines qualités attachées à cette personne vont conditionner le
consentement de l’autre au contrat de travail sous réserve de procédures et manœuvres
discriminatoires prohibées par l’article L.122-45 du Code du travail. Ainsi, « le principe de
non-discrimination ne peut avoir pour conséquence de faire disparaître l’intuitus personae
qui est l’essence de certains contrats (on ajoutera : dont le contrat de travail) (…)
L’utilisation de l’identité du cocontractant doit donc être raisonnable »258.
Cependant, va se poser directement la question de savoir où se situe la frontière entre les
informations devant être relevées par le candidat à l’embauche et celles n’entrant pas le
champ d’investigation de l’employeur259 ? Bien que le législateur ait posé des limites au
pouvoir d’investigation de l’employeur lors des phases d’embauche du salarié260 et
d’exécution de son contrat de travail, les juges du fond avalisés dans leur démarche par la
chambre sociale, ont rétrécis volontairement, on l’a vu, le champ de la nullité du contrat de
travail en ce que les vices invoqués sont rarement déterminants du consentement de la
partie qui s’en prévaut ou qu’une faute de sa part peut lui être reprochée261. Pourtant, le
caractère déterminant du consentement d’une des parties au contrat de travail ne peut être
totalement négligé. La preuve de celui-ci reste l’élément apparemment indispensable au
prononcé de cette sanction.
Mais, la référence au caractère déterminant du consentement de l’une des parties au
contrat ne s’arrête pas là. En effet, les parties, ou tout du moins l’une d’entre elles, peut
avoir accepté de consentir à ce contrat de travail sous couvert de l’insertion d’une clause
contractuelle spécifique. Dès lors, que penser de la survie du contrat si cette clause est
déclarée non valable car contraire à certaines dispositions de droit des contrats ou de droit
du travail ? Il faut raisonner ici en termes de nullité de la seule clause du contrat de travail.
Si la disposition violée prévoit en effet la seule nullité partielle du contrat, aucune
difficulté ne semble devoir se poser, cette sanction sera prononcée. Or, si les faits de
l’espèce révèlent que l’une des parties a conditionné son accord envers ce contrat par
l’existence de cette clause, dans les termes contenus par celle-ci au jour de la conclusion de
la convention, le contrat peut être déclaré nul en ce qui concerne l’ensemble de ses
257
Art. L.121-6 du Code du travail.
258
L’identité du cocontractant, RENUCCI (J.-F.), RTD Com 1993, pp.441-483.
259
T.AUBERT MONPEYSSE, note sous cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/Institut
Interprofessionnel de formation pour l’industrie et le commerce, arrêt n°853P, D.2000, JP, pp.97-100.
260
Art. L.121-6 et L.122-45 du Code du travail.
88
dispositions. En effet, le caractère déterminant du consentement des ou d’une partie(s) au
contrat de travail résulte alors, partiellement, de l’existence de cette clause et sa nullité
entraîne alors l’annulation de la convention de travail.
Selon l’article 1101 du Code civil, « le contrat est une convention par laquelle une
ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne
pas faire quelque chose ». Dès lors, ce principe de liberté contractuelle étant affirmé, les
parties à un contrat de travail peuvent voir leur consentement altéré par l’existence de vices
inhérents à cette convention. De plus, ces mêmes contractants peuvent avoir soumis la
validité de leur convention à un certaine nombre de conditions (prise en compte des
qualités personnelles de l’autre partie, insertion de clauses au sein du contrat de travail).
Cependant, les juges prud’homaux restent tout de même soumis au respect d’autres
volontés en cette matière qu’est la nullité du contrat de travail : celle du législateur ayant
édicté des dispositions impératives car d’ordre public et celle plus surprenante des
partenaires sociaux. Ces derniers ont ainsi permis de déclarer nuls des contrats de travail
mettant à défaut les conventions et accords collectifs de travail applicables à la relation de
travail. Pourtant, la chambre sociale de la Cour de cassation semble aujourd’hui avoir
réduit à néant l’intervention de ces autres acteurs de l’entreprise.
261
Idem.
262
Cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, op. cit.
89
2. Les dispositions d’ordre public et le rôle désuet des parties à une
convention ou un accord collectif de travail.
En ce qui concerne cette fois la volonté non des parties à un contrat de travail mais
celle des parties à une convention ou un accord collectif de travail c’est à dire les
partenaires sociaux, ceux-ci influencent généralement de manière considérable le contenu
de chaque type de contrat. En effet, ces acteurs de la vie de l’entreprise prévoient dans
leurs accords des dispositions que doivent respecter les parties au contrat de travail dans
l’élaboration des dispositions de celui-ci.
Or, quelle sanction encourt les parties contractantes en cas de non-respect de ces
dispositions ? Certes, la notion d’ordre public social, protectrice des intérêts du salarié,
263
Cf. Partie 1, Section 2, §2, B, 1. (pour des exemples de dispositions d’ordre public en matière de nullité du
contrat de travail).
90
aurait pour conséquence l’application des dispositions envisagées par l’accord ou la
convention collective applicable à la relation de travail quand bien même celle-ci
comporterait une disposition contraire. Cependant, les partenaires sociaux ont envisagé
depuis longtemps de sanctionner l’irrespect des dispositions de ces accords par le contrat
de travail. En effet, une clause violant ces dispositions doit être déclarée nulle.
Dès lors, la jurisprudence sociale avait pris pour habitude de se référer au contenu de la
convention ou de l’accord. Si celle-ci envisageait de sanctionner par la nullité de la clause
la violation de la convention ou de l’accord, les juges prenaient en compte cette volonté
des partenaires sociaux pour prononcer la nullité de ladite clause. Dans l’hypothèse où rien
n’était prévu les juges prud’homaux restaient alors libres de prononcer ou non cette
sanction. Or, il faut aujourd’hui considérer cette jurisprudence comme désuète. En effet,
nous l’avons vu dans nos développements antérieurs, la chambre sociale se prononce,
depuis un arrêt du 13 janvier 1998, pour la nullité de la clause violant les dispositions des
conventions ou accords collectifs de travail quand bien même ces textes ne prévoiraient
rien de tel264.
Outre les dispositions d’ordre public (ordre public strict comme ordre public de
protection et ordre public social), le juge prud’homal ne semble pas aujourd’hui lié par un
quelconque support textuel. Il dispose alors, dans cette hypothèse, d’un grand pouvoir dans
le prononcé effectif de la nullité du contrat de travail. Seuls les textes d’application
impérative conduisent donc ce dernier à passer outre son pouvoir souverain d’appréciation
pour appliquer ces textes dès lors que les conditions de leur non-respect sont remplies par
le contrat de travail mis en cause.
Le rôle autrefois attaché au libellé des conventions et accords collectifs de travail est donc
sans incidence de nos jours, les partenaires sociaux n’ont plus à intervenir dans ce cadre au
prononcé de la nullité du contrat de travail. Cependant, c’est peut être dans cette
hypothèse, dans un soucis de respect de ces accords, que la jurisprudence se prononce
désormais pour la nullité de toute ou partie d’un contrat de travail qui violerait, dans un
sens moins favorable au salarié, les dispositions de ces textes quand bien même ces
derniers n’auraient rien ou auraient omis d’envisager une telle sanction.
264
Cass. soc 13 janvier 1998 Société européenne de sélection c/ Madame Saddok, op. cit.
91
contrat de travail est de nature à influencer la décision des juges prud’homaux. Se référant
alors à cette notion de critère déterminant du contrat de travail que connaît les juridictions
civiles, la chambre sociale de la Cour de cassation n’apparaît pas faire œuvre novatrice en
matière de nullité d’un contrat. En effet, celle-ci applique, surtout en matière de vices du
consentement, cette solution qui lui permet de garder un pouvoir souverain dans
l’appréciation de la sanction à prononcer à l’encontre du contrat vicié en tout ou partie.
Or, cette marge de manœuvre apparaît rare en pratique. Souvent, ce sont les dispositions du
Code du travail qui sont invoquées au soutien d’une action en nullité du contrat de
travail265. Dès lors, en quoi les solutions de cette chambre de la Cour de cassation
apparaissent-elles différentes de celles issues des chambres civiles ? Il faut se placer, dans
cette optique, au sein même des solutions données par la chambre sociale. En effet, les
conséquences attachées au prononcé de cette nullité démontrent l’originalité d’une telle
sanction dans le cadre du droit du travail.
265
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), op. cit., n°347.
266
Cf. R.CABRILLAC, Droit des obligations, op. cit.
267
J.-L.AUBERT, Le contrat, Droit des obligations, op. cit., p.97.
268
Ibidem, p. 101.
269
« Ce qui est nul ne peut produire d’effet » ; cf. M.MALAURIE, Les restitutions en droit civil, Th. Paris II,
Cujas, 1992, préf. G.CORNU.
270
A.BENABENT, Les obligations, Montchrestien, 7ème éd., 1999, n°221.
92
surprenantes pour un juriste de droit civil ce qui pose ainsi la question du fondement de
cette règle qui n’est édictée semble-t-il que par la chambre sociale de la Cour de cassation
(2).
271
Cf. en ce sens, VERKINDT (P.-Y.), La nullité du contrat de travail, Droit du Travail et de la Sécurité
Sociale 1994, pp.1-2.
272
Idem avec pour exemple, cass. soc. 26 janvier 1983, BC V n°33.
273
Cass. soc. 1er avril 1968 Mutuelle Nationale de la coiffure, BC V n°193 ; cass. soc. 14 mai 1987, Jurispr.
soc. UIMM n°87-494, p.445.
274
Pour exemple, cass. soc. 22 novembre 1979, BC V n°885.
275
« Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».
93
de l’employeur sera irrecevable276(le salarié aurait donc du prendre garde, dans cette
hypothèse, à se voir auparavant rémunéré pour ce "travail").
Peu importe ici de savoir sur quel fondement repose le prononcé de la nullité du
contrat de travail. En effet, c’est uniquement lorsque cette sanction est énoncée que les
juges prud’homaux vont y attacher les conséquences que l’on vient d’énumérer. Or, on le
sait, le droit commun des contrats refuse de donner de telles conséquences au prononcé de
la nullité de la convention sauf hypothèse particulière d’un contrat à exécution successive.
Ainsi, le contrat de travail étant lui-même un contrat de ce type (il en est d’ailleurs
l’exemple le plus fréquemment cité en matière de contrat à exécution successive277) la
justification de la solution donnée par la chambre sociale de la Cour de cassation se
trouverait donc dans l’impossibilité de restituer les prestations de travail effectuées
auparavant par le salarié. Dès lors, celui-ci serait en droit de conserver les salaires versés
en contrepartie de l’exécution des obligations attachées à ce contrat.
Ainsi, tout salarié devrait, semble-t-il, se voir consentir l’ensemble des rémunérations
correspondant à l’exécution par lui des prestations de travail, peu important le type de
contrat dont il fait l’objet278 et les qualités attachées à sa personne279.
276
Cass. soc. 8janvier 1964 Demoiselle Monge c/Veuve Minart, op. cit.
277
Cf. pour exemple, Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-
J.), op. cit., p.104.
278
Cf. pour un exemple en matière de travail temporaire : cass. soc. 7 novembre 1995 Divoux c/Société Les
Assurances de crédit, op. cit.
94
2. La recherche d’un fondement à ces solutions.
279
Par exemple, lorsqu’il s’agit de salariés étrangers.
280
QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit., n°347.
281
Cass. civ., section sociale, 25 octobre 1959, BC IV n°1069.
282
Nullité du contrat de travail et relation de travail, FREYRIA (J.), Dr. Soc. 1960, pp.619-627.
283
Cass. soc. 15 février 1978 Gasca, D.1980, p.30, note G.LYON-CAEN ; voir également M.BUY,
L’enrichissement sans cause dans les relations de travail, Mélanges Béguet, 1985, p.69.
284
Cf. cass. soc. 1er mars 1961, Dr. Soc. 1961, p.483.
95
qualifient à l’époque d’obscur286. C’est là qu’émerge le fondement de l’enrichissement
sans cause pour venir justifier ces décisions notamment de la part de monsieur Gérard
LYON-CAEN287. Cependant, la jurisprudence reste hésitante en la matière durant les
quelques années qui suivent. En effet, par un arrêt du 26 janvier 1983, la chambre sociale
de la Cour de cassation semble toujours sensible à l’idée de faute de la part de l’employeur
ainsi que de préjudice causé par celui-ci au salarié288malgré, en matière de nullité du
contrat de travail de salariés étrangers, la loi du 17 octobre 1981 définissant les droits de
ces derniers en dehors de toute référence à la nullité de celui-ci289.
De façon générale, la doctrine s’est montrée critique quant au fondement de l’action
en paiement de salaires et autres indemnités consécutives du prononcé de la nullité du
contrat de travail reposant sur l’enrichissement sans cause. En effet, celle-ci souligne que
« l’action de in rem verso n’est pas faite pour rectifier le droit et tendre à l’exécution
partielle d’un contrat nul290 (…) ou que l’enrichissement de l’employeur a une cause, c’est
à dire une raison juridique : en l’occurrence, le jugement d’annulation291 »292.
Comme le souligne monsieur SAVATIER293, il semble qu’il faille en la matière distinguer
selon le type d’indemnités. En effet, en ce qui concerne la rémunération des prestations de
travail effectuées, la raison de leur versement même si le contrat est déclaré nul, résiderait
dans une « application du synallagmatisme dans le domaine des nullités : l’employeur ne
pouvant restituer la prestation de travail est tenu de rétablir l’équilibre des prestations par
le paiement d’une rémunération ». C’est donc sur le fondement de la recherche d’un
certain principe d’équité et d’équilibre dans les obligations effectuées et à exécuter que se
trouverait le fondement d’une telle jurisprudence de la part de la chambre sociale de la
Cour de cassation. De plus, les indemnités de rupture outre celle de préavis reposeraient
sur le même fondement. L’indemnité de préavis reposerait quant à elle sur l’idée de
responsabilité délictuelle de l’employeur. Enfin, en cas d’octroi d’une indemnité de rupture
abusive, celle-ci se justifierait lorsque le contrat a fait l’objet d’une rupture sans cause
285
Cass. soc. 1er avril 1968, BC V n°193.
286
Cass. soc. 15 février et 4 juillet 1978, D.1980, p.30, note G.LYON-CAEN.
287
Idem.
288
Cass. soc. 26 janvier 1983, BC V n°33.
289
Cf. en ce sens, J.SAVATIER, Les sanctions civiles de l’emploi de travailleurs étrangers en situation
irrégulière, Dr. Soc. 1986, pp.424-430 ; voir également Droit du travail, G.LYON-CAEN, J.PELISSIER et
A.SUPIOT, Dalloz-Sirey, coll. Précis Droit privé, 19ème éd., 1998, note 117.
290
PH. MALAURIE, note sous cass. soc. 8 avril 1957, D.1958, p.221.
291
E.AGOSTINI, D.1982, p.68.
292
J.SAVATIER, Les sanctions civiles de l’emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière, op. cit.
293
Idem.
96
réelle et sérieuse de la part de l’employeur c’est à dire en cas de faute de ce dernier causant
alors un préjudice au salarié.
Le fondement des effets donnés au prononcé de la nullité du contrat de travail ne
semble pas aujourd’hui, pas plus qu’hier, très précis. Certes, on peut opter pour la
conception de certains auteurs comme monsieur SAVATIER294. Cependant, cette dernière, si
elle a le mérite d’exposer un fondement précis aux différentes obligations pécuniaires
afférentes à l’employeur, a pour inconvénient majeur sa diversité de règles potentiellement
applicables en la matière. Or, celles-ci peuvent tout de même se rassembler autour d’un
objectif commun, celui de la recherche d’un équilibre entre les obligations attachées aux
personnes du salarié et de l’employeur. En effet, même si le contrat de travail les liant entre
eux est nul, l’employeur a tiré un profit subséquent des prestations de travail accomplies
par le salarié. Dès lors, ce dernier aurait un droit à être traité comme un véritable salarié
avec toutes les conséquences qui en découlent.
Cependant, il faut toutefois remarquer que rares sont les décisions de jurisprudence faisant
en la matière référence aux obligations nées du contrat nul295. Leurs solutions semblent en
effet beaucoup plus nuancées reposant plus sur l’idée d’équité296. Dès lors, les juges
prud’homaux ont-ils réellement vocation à intervenir dans le calcul de ces indemnités ? Ne
peut-on pas laisser place à la théorie des restitutions en valeur ? Ainsi, celui qui a bénéficié
d’une prestation de travail aurait alors à sa charge une obligation de restitution en valeur en
vue d’indemniser le cocontractant qui lui a fourni ladite prestation (ici le salarié)297. Or,
une telle approche serait excessive. En effet, les juges prud’homaux doivent pouvoir garder
un certain pouvoir d’appréciation en la matière notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer
l’ensemble des indemnités dues au salarié et non, semble-t-il, qu’une partie de celles-ci
lesquelles s’avéreraient difficilement dissociables en pratique.
294
Idem.
295
Cf. en ce sens, B.PETIT et M.PICQ, note sous cass. soc. 7 novembre 1995, op. cit.
296
Idem.
297
Idem.
97
versement des rémunérations correspondant aux prestations effectuées, de recevoir un
bulletin de paie ainsi qu’un certificat de travail et il est de plus en droit de demander la
régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux299.
Cependant, cette sanction apparaît tout de même dans un contexte exceptionnel. En effet,
la nullité de l’ensemble du contrat de travail est le plus souvent prononcée lorsque plus
aucun lien ne lie le salarié et l’employeur, c’est à dire lors d’une rupture du contrat de
travail précédant l’action en nullité. Cette action apparaît alors comme une sorte de "porte
de secours" par laquelle l’employeur tente de s’échapper. Ainsi, l’argument tiré de la
nullité de la relation de travail viendrait justifier selon ce dernier le licenciement prononcé
à l’encontre du salarié. On comprend dès lors la réticence de la chambre sociale de la Cour
de cassation pour le prononcé de cette sanction sauf à l’entourer de conditions favorables
au salarié, conditions essentiellement pécuniaires on l’a bien compris.
Tout autre est l’approche en ce qui concerne la nullité partielle du contrat de travail. On se
trouve là, le plus souvent, dans l’hypothèse où le contrat de travail continue de produire
des effets, soit parce qu’il est toujours exécuté, soit parce qu’il a été rompu mais
comportait des clauses se mettant en œuvre au jour de sa disparition.
298
T.AUBERT MONTPEYSSE, note sous cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/Insitut
Interprofessionnel de formation pour l’industrie et le commerce, arrêt n°853P, D.2000, pp.97-100.
299
Idem.
98
§2 : La nullité partielle du contrat de travail : une sanction banalisée.
99
à savoir salarié d’une part et employeur d’autre part, la nullité ne sera que partielle. Dans
l’hypothèse inverse, on retrouvera ainsi les règles régissant la nullité de l’ensemble du
contrat de travail. Le champ d’application de la sanction de la nullité partielle du contrat de
travail apparaît dès lors dépendant de la seule distinction entre clauses déterminantes et
clauses accessoires du contrat de travail (2).
300
Cf. Le point sur la mise à la retraite du salarié, Légi Social du 1er mai 1996, pp.11-13.
301
Cass. soc. 7 février 1968, arrêt n°65-40-622, BC V n°86 et également CA Paris 30 avril 1963, JCP 1963,
II, 13205bis.
302
Cf. la jurisprudence en la matière précédemment citée ; voir également, La sanction des clauses contraires
à une convention collective, BOUCHE (N.) et BOURRIER (C.), D.1999, JP, p.159.
100
intégralité que si la clause a été déterminante du consentement d’au moins une des parties
au contrat de travail.
De même, certaines clauses du contrat de travail peuvent être déclarées nulles non
dans leur principe puisque celles sont licites, contrairement à celles évoquées ci-dessus,
mais dans l’étendue qu’ont entendu leur donné les cocontractants. Ces clauses sont dès lors
beaucoup plus nombreuses et diverses que les précédentes. Cependant, la jurisprudence a
eu à connaître plus fréquemment certaines d’entre elles en tant qu’elles peuvent restreindre
voire abolir tout exercice de certaines libertés par le salarié. On peut citer par exemple la
clause d’exclusivité303, la clause d’objectif, la clause de mobilité géographique, la clause
de domicile ou de résidence, la clause de dédit-formation mais surtout la clause de non-
concurrence304. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a pu décider, par
exemple, que la clause de non-concurrence doit s’apprécier par rapport à la liberté de
travail laissée au salarié, cette limitation devant se justifier par les intérêts de l’entreprise
pour une durée et dans une zone géographique définies305. De plus, celle-ci souligne
également que la validité de cette clause doit être appréciée non en fonction de la
compétence personnelle du salarié mais de façon objective, en fonction du poste occupé
par celui-ci306.
Ainsi, la nullité partielle du contrat de travail peut être prononcée dans deux
hypothèses : soit la clause est interdite et dès lors, quelque soit son contenu, elle est
annulable ; soit la clause est licite mais ici ce sont les contractants, en particulier et surtout
l’employeur, qui en fixent des conditions exorbitantes. Dans cette dernière hypothèse, les
juges prud’homaux ont alors un pouvoir d’appréciation non-négligeable pour décider de
l’annulation ou non de ladite clause. Ceci démontre donc le caractère important de la
qualification de la clause dès son origine (licite ou licite) car selon sa nature les juges
disposeront ou non en la matière d’un pouvoir notable d’appréciation de la validité de cette
clause.
Cependant, cette appréciation va prendre également en compte un critère important dans le
prononcé de la nullité qui est celui du caractère déterminant ou non de la clause. En effet,
303
Cf. cass. soc. 11 juillet 2000, arrêt n°3318FS-P+B, D.2000, IR, pp.227-228.
304
Pour des exemples de jurisprudence en la matière et une définition de chacune de ces clauses, voir Les
clauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, n°12990 du 17 septembre 1999, pp.5-88 ;
voir également, Clauses du contrat de travail, Légi social Dossier D-280, mai 1998, pp. 2-50 et La rupture
du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, La Revue Fiduciaire, Paris, 1994, p.303
et s.
305
Pour un exemple d’absence de limitation dans l’espace, voir note J.AMIEL-DONAT, D.1992, somm.
comm., p.344.
306
Cass. soc. 19 novembre 1997, arrêt n°4277D, CSBP n°97, p.33
101
la distinction opérée entre clauses déterminantes et clauses accessoires du contrat de travail
a ici toute son importance non dans l’appréciation de la nullité de la clause qui est acquise
dans un premier temps, mais, dans un second temps qui est celui de la détermination de
l’étendue de cette sanction.
La question est ici très importante car de sa réponse dépend la portée de la nullité
du contrat. En effet, si une clause a été déterminante pour les parties au contrat de travail,
au moment de la conclusion de celui-ci, sa nullité doit entraîner la nullité de la totalité de la
convention. On imagine mal le contrat survivre alors que l’un de ses éléments auxquels au
moins l’une des parties attachait de l’importance a disparu. Au contraire, lorsque la clause
invalidée est dite accessoire au contrat c’est à dire qu’elle n’a pas déterminée l’engagement
des parties contractantes, sa nullité n’entraîne pas de ce fait nullité de la relation de travail.
Dans cette hypothèse, le contrat lui survit donc malgré l’amputation dont il est victime par
le juge prud’homal307. Cependant, le juge aura tout de même le choix de décider dans cette
hypothèse entre ôter tout effet à la clause (ce qui revient à en décider l’annulation) ou
remplacer celle-ci par des dispositions d’ordre public308.
Cette position en faveur de la nullité partielle du contrat de travail semble s’expliquer par
le soucis de conserver une certaine sécurité juridique en la matière. En effet, le contrat est
dans cette hypothèse toujours exécuté et produit des effets que sa remise en cause par le
biais du prononcé de la nullité de l’ensemble du contrat de travail ne saurait invalider. De
plus, dans quel intérêt la nullité du contrat de travail serait-elle prononcée alors que seule
une de ses clauses n’est pas valable et non déterminante du consentement des parties
contractantes ?
De la même manière et dans le souhait de respecter les volontés des parties au contrat de
travail, salarié et employeur, les juges prud’homaux décident parfois non de la nullité de la
clause mais de la réduction de ses conditions d’application. Ainsi, en matière de clause de
non-concurrence, le juge peut réviser la clause, cette dernière contenant des exigences trop
importantes, afin de lui donner un champ d’application approprié permettant son
307
Les clauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, op. cit.
308
Clauses du contrat de travail, Légi social Dossier D-280, op. cit.
102
application effective309. Dès lors, lorsque la clause est illicite, la sanction applicable est
alors la nullité partielle du contrat de travail. Par contre, en présence d’une clause licite
mais excessive dans son champ d’application respectif, cette dernière peut soit être annulée
lorsqu’elle ne permet aucune marge de manœuvre de la part de l’un des contractants310,
soit être réduite dans son étendue, soit encore réputée non-écrite. Ainsi, dès 1988, c’est à
dire peu après l’entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1987 réglementant les clauses de
mise à la retraite, monsieur SARAMITO se pose la question de la portée de la nullité d’une
clause "couperet"311. En effet, y-a-t-il seulement nullité de cette disposition car contraire
aux dispositions d’ordre public ou la clause subit-elle une modification qui la rapprocherait
du régime des clauses dites souples ? Cette difficulté mérite d’être soulevée car la
jurisprudence ne semble pas pour l’heure donner de réponse satisfaisante312. Cette dernière
opte ainsi soit pour une position stricte considérant que la clause est nulle et que « le
régime légal reprend alors ses droits »313, soit, dans une position plus souple, pour le
prononcé d’une nullité ne touchant que le caractère automatique de la rupture, la clause
conservant alors « son utilité à travers l’âge permettant à l’employeur de mettre un terme
au contrat de travail »314. Dans cette dernière hypothèse, on assiste donc à une modification
de la clause en clause dite souple.
Mais la question de l’extension de la nullité à l’ensemble du contrat n’est pas
spécifique au droit du travail. En effet, comme le souligne monsieur COUTURIER, cette
interrogation est « l’une de celles qui sont les plus constamment discutées et présentent
l’intérêt pratique le plus évident »315. Dès lors, le constat est le suivant : « il y a, d’un côté,
ce qui relève de l’analyse du contrat lui-même : il s’agit, à la lumière de la volonté des
parties, de se prononcer sur sa divisibilité ou son indivisibilité (ce que nous avons vu au
tout début de ce paragraphe). Il y a, de l’autre côté, ce qui relève de l’analyse de la règle
sanctionnée, des exigences d’ordre public dont elle procède : la mesure de la nullité doit
309
Cf. La rupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, op.cit.
310
Cf. Y.SERRA, D.1992, somm. comm., p.347.
311
Age de la retraite et fin du contrat de travail, SARAMITO (F.), op. cit.
312
A.CADET, Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, thèse, op. cit.
313
Pour exemple : CA Bourges 22 juin 1990, RJS 1991 n°162 in Essai d’une théorie générale des clauses du
contrat de travail, thèse, op. cit.
314
Pour exemple : CA Paris 16 mars 1990, RJS 1990 n°660 ; CA Paris 19 novembre 1990, Juris-Data
n°025253 ; CA Paris 30 novembre 1990, Juris-Data n°026025 in Essai d’une théorie générale des clauses du
contrat de travail, thèse, op. cit.
315
La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER
(G.), op. cit., p.281.
103
être déterminée de la façon la plus conforme aux intérêts que la règle sanctionnée est
destinée à sauvegarder (ce que nous avons vu également)»316.
Ainsi, le prononcé de la nullité partielle du contrat de travail ne peut paraître anodin
comparativement au prononcé de la nullité de l’ensemble de celui-ci. En effet, le juge
prud’homal se doit de composer en la matière avec les intérêts des parties en présence, leur
volonté au jour de la conclusion du contrat, non au jour de l’instance et les dispositions
impératives édictées par le législateur en ce domaine afin d’en connaître la sanction la plus
appropriée.
Bien que le Code civil ait proposé une distinction entre les hypothèses autorisées de
nullité partielle et celles de nullité absolue d’une convention en ses articles 900 et 1172, la
jurisprudence de manière générale « a ramené à l’unité ces deux règles, expressément
contraires (l’une ayant vocation à s’appliquer en matière d’actes à titre gratuit, l’autre en
matière d’actes à titre onéreux), en se fondant sur la notion de cause, afin de faire prévaloir
la volonté commune des parties »317. La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de
cassation n’a dès lors qu’emprunté cette voie ouverte par les juridictions civiles pour
l’appliquer à son tour en matière de nullité du contrat de travail. Or, il s’avère que cette
sanction (la nullité partielle) est aujourd’hui beaucoup plus prononcée en matière de
contrat de travail. En effet, les juges prud’homaux semblent se servir de cette sanction dans
un soucis évident d’équité et de protection des parties contractantes notamment du salarié.
Cependant, comme en matière civile, le principe reste l’annulation des éléments du contrat
contraires à la règle impérative. Dès lors, le juge prud’homal ne peut que prononcer cette
sanction lorsqu’elle fait l’objet de dispositions de nature impérative car d’ordre public.
Mais il ne faut surtout pas oublier de tenir compte, comme l’affirme monsieur GHESTIN,
« non seulement de la volonté du législateur, mais aussi de la place tenue par l’élément
vicié dans le contrat, c’est à dire de son importance dans l’accord des volontés »318.
A l’instant où est prononcée la nullité partielle du contrat de travail, quels vont alors être
les effets de cette sanction notamment sur le contrat de travail ? Ceux-ci ne vont
évidemment pas être les mêmes que ceux attachés à la nullité totale puisque le contrat de
travail continue a priori d’exister.
316
Ibidem, pp.281-282.
317
J. GHESTIN, Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°878.
318
Ibidem, n°876, 896 et s.
104
B. Les effets liés au prononcé de la nullité partielle du contrat.
Cette solution semble tout à fait logique ; le contrat de travail n’est pas nul, seule la
clause litigieuse subit cette sanction. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de celle-ci au contraire
de la nullité touchant l’ensemble de la relation de travail. Cependant, cet effet donné à la
nullité partielle du contrat suppose au préalable que celui-ci soit toujours en vigueur. En
effet, personne ne saurait prétendre, en cas de rupture du contrat antérieure à l’action
présentée devant les juges prud’homaux, à la résurgence de la relation de travail ayant liée
le salarié à l’employeur.
Dès lors, la rupture du contrat de travail qui reposerait sur une prétendue violation de la
relation de travail s’avère être un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, dans
une telle hypothèse, le salarié agit devant le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir des
indemnités de licenciement ou même la nullité de la clause qu’il aurait violé ; l’employeur
invoque comme cause justifiant la rupture de la relation de travail le non-respect de la
clause du contrat. Or, les juges se prononcent en faveur d’une nullité partielle. Dès lors, le
contrat n’est nul qu’en ce qui concerne la clause visée par les juges prud’homaux. De ce
fait, le contrat devait continuer à produire ses effets notamment quant au maintien du
105
salarié dans l’entreprise. A défaut, la rupture dont est victime ce dernier ne repose sur
aucun fondement et ce salarié aura donc droit à des indemnités pour rupture abusive du
contrat de travail319.
Dès lors, l’intérêt d’une telle sanction réside donc dans la technique dissuasive que
représente son application. En effet, « celui qui tient à l’insertion de la clause court le
risque de voir demander à la fois l’exécution du contrat et la nullité de la clause »320. Ainsi,
l’employeur qui aurait inséré cette clause dans le contrat de travail se voit dans une telle
hypothèse contraint de poursuivre la relation de travail avec le salarié sans pouvoir
bénéficier des dispositions de ladite clause déclarée nulle. La technique de la nullité
partielle du contrat de travail paraît donc redoutable. En effet, soucieux des intérêts des
cocontractants mais également des tiers à cette relation, les juges prud’homaux confèrent
donc au contrat de travail un sort que parfois aucune des parties n’auraient pu présager.
Il convient de plus de souligner que cette technique, si elle est applicable en France, a
également reçu depuis longtemps un certain succès en droit communautaire. En effet, on
peut citer pour exemple l’article 7 §4 du règlement 1612/68 du 15 octobre 1968 relatif à la
libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté lequel dispose : « toute
clause…portant sur l’accès à l’emploi, l’emploi, la rémunération et les autres conditions de
travail et de licenciement, est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise
des conditions discriminatoires à l’égard des ressortissants des autres Etats membres »321.