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Contrainte par corps : la Justice veut protéger les débiteurs de bonne foi

Par Abdessamad Naimi Le 23 Déc, 2015

Garde-à-vue, détention préventive et emprisonnement ne seront plus appliqués de manière systématique. Le


débiteur aura dix jours pour régulariser sa situation ou produire un certificat d’indigence.

Garde à vue, détention provisoire, emprisonnement… Les contraintes par corps sont des mesures
psychologiquement éprouvantes, mais souvent prises par les magistrats pour forcer une personne à honorer
une dette (amendes judiciaires, dette publique ou engagement contractuel). Les magistrats ont en effet une
appréciation large de la loi 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques, et selon laquelle
tout redevable d’une somme exigible supérieure ou égale à 8 000 dirhams peut faire l’objet de recouvrement
par voie de contrainte par corps. Toutefois, sont exclus de l’application de la contrainte par corps les
redevables âgés de 60 ans et plus, les redevables en liquidation judiciaire, ceux âgés de moins de 20 ans, la
femme enceinte, celle qui allaite dans la limite de deux années à compter de la date d’accouchement et le
mari et sa femme simultanément, même pour des dettes différentes.

Cette menace qui pèse sur les débiteurs sera atténuée. Le ministère de la justice a proposé un amendement
de l’article 40 du code de procédure pénale, qui légitime l’action du juge. Ainsi, un paragraphe a été ajouté
pour exclure les personnes condamnées à des amendes pécuniaires ou débiteurs d’obligation contractuelles
de la possibilité d’incarcération par le ministère public, sauf si le débiteur fait l’objet d’autres poursuites. Le
texte propose un délai de dix jours pour que la personne puisse assainir sa situation financière, ou produire un
«certificat d’indigence». Délivré après enquête par les autorités locales, ce certificat a pour but de prouver
que son possesseur est dans une situation financière précaire.

Les émetteurs de chèques sans provision ne sont pas concernés

En totale contradiction avec le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ratifié par le
Maroc en 1979, la contrainte par corps est une épée de Damoclès sur la tête des débiteurs de bonne foi. Sans
distinction entre ceux qui ne veulent pas payer et ceux qui ne le peuvent pas. «Le droit marocain a permis
l’incarcération de débiteurs défaillants, pour la plupart des petits débiteurs insolvables», souligne le groupe
parlementaire du PJD qui défendra le vote du texte à la Chambre des conseillers. Et d’ajouter que «le gage du
créancier est constitué des biens de son débiteur et non sa personne. L’histoire de l’obligation est celle de sa
dépersonnalisation progressive, puisque l’obligation est aujourd’hui davantage un rapport entre patrimoines
qu’un rapport entre personnes».

Seulement, la note de présentation du texte est claire: le chèque sans-provision étant un délit, il ne peut faire
l’objet d’une levée de contrainte par corps. Si le terme utilisé par le projet de texte est celui «d’engagements
financiers», cela comprend les engagements contractuels, de nature civile ou commerciale. Crédit bancaire,
droit au bail, non-paiement d’un fournisseur… «Toutes les opérations de nature civile et commerciale sont
concernées», indique l’équipe parlementaire de la majorité.

Pour rappel, l’abolition de la contrainte par corps a été initiée en avril 2003, lorsque le ministre de la justice de
l’époque, Mohamed Bouzoubaâ avait adressé aux procureurs généraux près des tribunaux une circulaire
relative à l’application de la contrainte par corps pour les dettes civiles. Il y insistait sur la nécessité
d’appliquer les dispositions de la convention internationale pour les débiteurs insolvables contraints pour
non-paiement de dettes contractuelles. Mais en pratique, il n’en fut rien, et les tribunaux continuent de
condamner à la prison des débiteurs insolvables.

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