2,90 € vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO - N° 23 553 - www.lefigaro.

fr - France métropolitaine uniquement Première édition

lefigaro.fr
« Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur » Beaumarchais

JEUX VIDÉO ENQUÊTE

« ANIMAL CROSSING », COMMENT L’EUROPE VEUT
LA NOUVELLE PASSION SAUVER L’OMS DU DUEL
DES CONFINÉS PAGE 33 SINO-AMÉRICAIN PAGE 21

Édouard Philippe
LE FIGARO
CHEZ VOUS
LIRE, RELIRE, VOIR,
entrouvre la porte
ÉCOUTER, CUISINER, Le premier ministre Déconfinement le 11 mai
S’ÉVADER...
PAGES 11 À 18 a présenté
les conditions d’un
PHOTOS déconfinement
CONFINEMENT : prudent
L’INCROYABLE SUCCÈS et progressif
DE L’INITIATIVE à partir
« VU DE MA FENÊTRE » de lundi. Report
PAGE 14
Le dispositif Restreint

est assorti Large

PARLEMENT de nombreuses
Source :
CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

Santé publique France

Bataille
sur la responsabilité obligations.
juridique des élus PAGES 2 À 5 ET L’ÉDITORIAL
PAGE 8

VIOLENCES
Les extrémistes
galvanisés
par le virus PAGE 9
Rouge ou verte : Déplacements, Faut-il craindre
CONJONCTURE
L’économie peine
une France commerces, loisirs… une deuxième vague
à sortir du coma coupée en deux Ce qui va changer épidémique ?
PAGES 28 ET 29
Quatre régions reste- Mayotte. « Le pays est La liberté de circulation pour les déplacements. Il Si l’épidémie ralentit qui justifie la prudence
ront placées sous un ré- divisé en deux », a dé- sans attestation devient sera à nouveau possible depuis plusieurs semai- assumée du gouverne-
Les tribunes gime plus strict : l’Île- ploré le premier minis- la règle. Le port du mas- d’aller chez le coiffeur, nes dans le pays, le ris- ment. La bataille n’est
CHAMPS LIBRES

de-France, le Grand tre. Dans ces territoires, que dans les transports de flâner dans une librai- que d’un rebond est cependant pas perdue
de Jean- Est, les Hauts-de-Fran- les collèges, les parcs et en commun est obliga- rie. Tous les commerces, loin d’être exclu et la et le confinement aura
Philippe ce, la Bourgogne-Fran- les jardins publics res- toire. Une limite de hors cafés et restaurants, discipline collective permis de gagner un
Vincent che-Comté ainsi que teront fermés. 100 kilomètres est fixée pourront rouvrir. sera de mise. Un danger temps précieux.
et de Christian
Laborde
n
Le bloc-notes ÉDITORIAL par Vincent Trémolet de Villers vtremolet@lefigaro.fr N°1 DES VENTES
d’Ivan Rioufol ORIENTALISTES
n
L’analyse Liberté surveillée EN FRANCE

E
d’Eugénie
Bastié nfin, la porte s’est entrouverte ! Le mers profondes, aux forêts fraîches. Certes, il ORIENTALISME
PAGES 23 ET 24 filet d’air est encore léger, l’horizon faudra encore slalomer entre les multiples at- & ARTS D’ORIENT
encombré d’incertitudes, la « ligne testations, la passion française de l’amende, les
de crête » toujours étroite, mais la injonctions en apparence contradictoires – il VENTE EN PRÉPARATION À DROUOT

@ FIGARO OUI
FIGARO NON
Réponses à la question
de jeudi :
Approuvez-vous
la décision d’Emmanuel
Macron de prolonger
les droits des intermittents
du spectacle ?
NON
45 %
TOTAL DE VOTANTS : 97 891
Votez aujourd’hui
3’:HIKKLA=]UW^U[:?a@p@a@s@a";
lumière de la liberté brille au loin. Il
était temps. On ne réduit pas la vie d’un hom-
me, d’un pays, aux seuls besoins physiologi-
ques. Sinon, il se dessèche. La sibylle de Cumes
avait obtenu d’Apollon de vivre autant d’an-
nées que l’on peut tenir de grains de sable dans
une main. Elle a fini par se morfondre dans une
cage. « Que veux-tu ? », lui demandait-on. « Je
veux mourir », répondait-elle. Confinés, le
corps et l’esprit finissent par se rétracter. La
vie rangée dans un écran, un frigidaire, une at-
OUI testation dérogatoire s’étiole. C’est par le
55 % mouvement, les richesses de l’amitié, les res-
sources du travail, les trésors de la découverte,
de la conversation, de l’imprévu, les vertus de
l’effort, qu’elle se déploie.
faut accélérer la reprise économique, mais res-
tez bien chez vous. Certes, par endroits, com-
me en Île-de-France, le déconfinement avance
masqué - il a des allures de confinement pro-
longé -, mais ce sont les dyna-
Sachons miques qui tracent les pers-
raison pectives. Celle décrite par le
premier ministre, avec l’auto-
garder rité qu’imposent la clarté et la
précision, est celle de la liberté retrouvée.
Le fantôme du virus rôde encore. À en croire
toutes les modélisations, toutes les informa-
tions qui l’accompagnent et qu’amplifie la so-
ciété médiatique, ce n’est plus un virus, c’est la
bête de l’Apocalypse. Sachons raison garder.
Faire le bravache, le « malin », serait irrespon-

sur lefigaro.fr Un été « apprenant et culturel », comme le re- sable, mais refuser le moindre risque le serait Rudolf ERNST (1854-1932)
Déconfinement : commande le président de la République ? Un tout autant. Plus informés que ne l’a jamais été La Cueillette des Roses
avez-vous été convaincu « nouveau monde », comme le dessine Nicolas aucun être humain dans l’Histoire, les Français Collection Parisienne
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Hulot ? Et si les Français rêvaient d’abord de
par l’intervention
d’Édouard Philippe ? conserver leur métier quand ils ont la chance
d’en avoir un ? Ensuite, de pouvoir arpenter les
rues animées, de goûter aux vents salés, aux
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 vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO

2 L'ÉVÉNEMENT
Au vu
des résultats Philippe déconfine à pas com
une France coupée en deux
sanitaires de ces
derniers jours, la
levée progressive
du confinement
peut être La situation
engagée ce lundi reste tendue en
11 mai. C’est une
nouvelle étape Île-de-France,
dans la lutte dans les Hauts-
contre l’épidémie
et une bonne de-France,
nouvelle pour en Bourgogne-
les Français
ÉDOUARD PHILIPPE
» Franche-Comté,
dans
le Grand Est
27
millions
et à Mayotte.
FRANÇOIS-XAVIER BOURMAUD
£@fxbourmaud
de Français issus ET MARCELO WESFREID
de quatre régions £@@mwesfreid
sont concernés
LE SPECTRE de la deuxième vague
par la zone rouge plane sur le déconfinement. C’est
avec un mélange de retenue et de
prudence que le premier ministre a
présenté jeudi les conditions dans

135
lesquelles le pays entamera, le
11 mai prochain, sa longue marche
vers une forme de retour à la nor-
male. « Nous allons engager dès
lundi un processus très progressif,
euros qui va durer au minimum plusieurs
semaines », a d’emblée prévenu
Le montant de l’amende Édouard Philippe avant de détailler
pour non-respect les conditions restrictives dans les- ment. Mais il faudra encore patien- Le premier ministre des entreprises, ont détaillé les mi- mé le ministre de la Santé, Olivier
du port du masque quelles les Français pourront re- ter avant d’en arriver là. « Dans a présenté, jeudi, nistres qui se sont succédé, la mine Véran. En cas de contamination
dans les transports commencer à sortir de chez eux. Et trois semaines, à la fin du mois de les modalités fermée, pendant la conférence de avérée, l’isolement du malade sera
encore, pas partout de la même fa- mai, nous saurons précisément où du déconfinement. presse animée par Édouard Philip- exigé. En dépit du déconfinement,
F. BOUCHON / LE FIGARO
çon, puisque quatre régions reste- nous en sommes, si nous avons réussi pe. Les conditions du déconfine- les Ehpad resteront fermés pour
ront placées sous un régime plus à contenir l’épidémie », a expliqué ment se révèlent strictes. Dans les « protéger les personnes âgées vul-

1
strict : l’Île-de-France, les Hauts-
de-France, la Bourgogne-Fran-
che-Comté, le Grand Est ainsi que
Mayotte. « Le pays est divisé en
deux », a déploré le premier mi-
Édouard Philippe, qui n’a pas exclu transports en commun, le port du nérables ». Sur le plan internatio-
l’hypothèse d’un reconfinement si masque sera « obligatoire ». Toute nal, « les frontières restent fer-
l’épidémie devait redémarrer. infraction sera sanctionnée par une mées », a indiqué de son côté le
« Nous avons intérêt à tout envisa- amende de 135 euros. Pour les dé- ministre de l’Intérieur, Christophe
ger », a-t-il reconnu. Un scénario placements de plus de 100 kilomè- Castaner. Les restrictions courent

million nistre. Dans ces territoires, les col-

lèges, les parcs et les jardins publics
qui circule dans l’exécutif. « La
probabilité d’un deuxième confine-
tres, une nouvelle attestation va
voir le jour pour limiter les mouve-
au moins « jusqu’au 15 juin ».

d’élèves encadrés par
130 000 professeurs
feront leur retour
à l’école la semaine
resteront fermés.
Ailleurs, la vague épidémique a
été « freinée ». Si ces régions se
maintiennent dans le vert, une
« Appauvrissement
ment est importante, voire d’un troi- ments entre départements. Les
sième si on en croit certains scientifi- grands centres commerciaux de général »
ques de l’Inserm ou de l’institut l’Ile-de-France resteront fermés. Après avoir dit craindre devant le
Pasteur », reconnaît, pessimiste, Quant à la fréquentation des plages Parlement un « écroulement » du

9
nouvelle étape de déconfinement
prochaine pourra être envisagée début juin
avec la réouverture des lycées, des
cafés ou des restaurants notam-
un membre du gouvernement. et des lacs, elle demeure interdite, pays, si l’épidémie perdure, le pre-
En attendant, ce sont un million sauf sur dérogation des préfets. mier ministre n’a pas dérogé à son
d’élèves et 875 000 salariés qui vont « La France est prête pour tester registre sombre, en anticipant un
reprendre le chemin des écoles et massivement », a par ailleurs affir- « appauvrissement général » des

Liberté encadrée 15 % des élèves Masque obligatoire

LES et nouvelles attestations
■ LA LIBERTÉ de circulation sans attestation
devient la règle, excepté à Mayotte.
CONDITIONS DU Toute infraction aux règles édictées dans
DÉCONFINEMENT les transports en commun, comme le port
obligatoire du masque, sera sanctionnée
par une amende de 135 euros. Une limite
de 100 kilomètres est fixée pour
les déplacements, sauf motif professionnel
ou familial impérieux (chauffeur routier, deuil,
aide à une personne vulnérable). La distance
« FLUIDITÉ » sera calculée à vol d’oiseau à partir du lieu
Déplacements
retrouveront leur école
■ AU TOTAL, 80 à 85 % des écoles vont
rouvrir la semaine prochaine, dans lesquelles
seuls 15 % des élèves se rendront, soit un
million d’enfants sur 6 750 000 écoliers. Un
chiffre amené à augmenter puisque les
classes sont censées accueillir davantage
d’enfants au fil des semaines. Leur accueil
risque toutefois de buter sur une réalité :
seuls 34 % des enseignants de primaire
seront présents dans leur classe à plein
temps ou à mi-temps. La majorité des
dans les transports
■ PRENDRE le train de banlieue, le métro,
le tramway ou le bus sera à nouveau plus facile
à partir de lundi mais pas à n’importe quelles
conditions. « L’objectif du gouvernement
est de permettre à ceux qui le doivent de
se déplacer », résume Élisabeth Borne, ministre
de la Transition écologique. Autrement dit,
priorité à ceux dont le métier ne se prête pas au
télétravail. En Île-de-France, où la circulation du
virus reste très active, il faudra même fournir
une attestation de son employeur pour prendre

de résidence actuel. Cette limite ne s’applique
AVEC que si l’on quitte son département
de résidence. Parcourir plus de 100 kilomètres
MACRON dans son département de résidence reste
possible sans restriction. Pour permettre
Alors que la presse a fait
professeurs continuera
à envoyer des cours et exercices depuis chez
eux. S’ils ne reviennent pas, c’est parce qu’ils
font partie des personnes à risque, parce
qu’ils sont en contact avec des proches
Transports
les transports aux heures de pointe, indiquant le
créneau auquel on est attendu au travail. Avec
la possibilité d’arriver de 6 heures à 10 heures
pour lisser l’heure de pointe.
Pour permettre aux passagers de circuler en

état ces derniers jours
de tensions et de désaccords
au sein du couple exécutif,
le premier ministre a évoqué
une « confiance » et une
« fluidité » quasiment sans
« précédent » avec le chef
de l’État. « C’est toujours
le cas et je crois que ce sera
le contrôle de la règle des 100 kilomètres, une
nouvelle attestation sera disponible (papier
ou numérique) sur le site de Beauvau. Pour
le contrôle d’un trajet à moins de 100 km de
son domicile, un simple justificatif de domicile
sera suffisant (attestation d’assurance,
facture, chéquier). Le défaut de présentation
d’un justificatif sera sanctionné par 135 euros
d’amende, susceptible d’augmenter en cas
de récidive. Depuis le début de la crise,
la fermeture des frontières est la règle,
Écoles
fragiles, parce qu’ils doivent garder leurs
propres enfants ou encore parce qu’ils sont
mobilisés sur l’enseignement à distance.
Jean-Michel Blanquer a rappelé la priorité
sociale et pédagogique de ce déconfinement
scolaire jeudi après-midi. Tous les élèves
qui le demandent ne peuvent être accueillis.
Ce sont les classes de transition
(grande section, CP et CM2) qui doivent
être privilégiées, les élèves décrocheurs
et les enfants handicapés. Puis les familles
respectant la distance d’un mètre entre eux,
l’offre de transport de proximité va remonter
partout en France avec 50 % de TER (trains
régionaux) et de Transiliens. En Île-de-France,
la RATP assurera dès lundi 75 % de son offre
normale contre 50 %. Avec un objectif, accueillir
15 % des passagers habituels contre 6 %
maintenant. Mais l’accès aux transports ne sera
pas automatique : dès 11 ans, le port du masque
sera obligatoire. Et une amende de 135 euros
est prévue pour le non-respect de la règle. À

toujours le cas. » « Passer
plus de deux secondes (…)
à s’interroger sur ce genre
de sujet me laisse très très
circonspect et je pense
que nos concitoyens s’en
contrefichent et je dois dire
que de ce point de vue-là,
je me sens très Français »,
a déclaré Edouard Philippe.
A
l’autorisation de passer l’exception. Cette
mesure de protection n’a pas vocation
à changer immédiatement. « Concernant
les entrées et sorties de l’espace européen,
l’assouplissement progressif et ordonné des
règles de circulation viendra en temps voulu »,
a assuré le ministre de l’Intérieur. Mais il sera
décidé avec l’ensemble des États concernés.
Les frontières restent donc fermées jusqu’à
nouvel ordre. Pour ce qui est des frontières
entre la France et ses voisins européens, les
de soignants et les parents sans solution
de garde. Est-ce le protocole sanitaire
extrêmement strict de l’Éducation nationale
qui a rebuté certains parents et enseignants ?
Ou la peur de la maladie ? Confronté à ce
faible chiffre de 15 % d’enfants à l’école,
Édouard Philippe a répondu que les craintes
des Français étaient légitimes et qu’il fallait
les convaincre. « Ils vont constater que les
mesures annoncées sont mises en œuvre et
que la scolarité peut reprendre peu à peu.
l’entrée des gares, un filtrage sera assuré pour
éviter trop de proximité entre les passagers.
Jusqu’à 20 000 policiers pourront être mobilisés
pour aider la SNCF et la RATP à la régulation des
flux. En cas de surfréquentation, des gares ou
des stations de métro pourraient être fermées.
Les plus longs déplacements en train, eux,
sont encore plus rationnés. L’offre de TGV
va remonter à 20 ou 30 % dès le 11 mai
et à 40 % à la fin du mois, contre 7 % aujourd’hui.
La réservation sera obligatoire. Et monter

restrictions mises en place sont prolongées Notre conviction, c’est que progressivement dans un TGV sans réservation pourra valoir
jusqu’au 15 juin au moins (lire page 6). J.-M. L. on va voir que ça se passe bien. » M.-E. P. une amende de 135 euros. J.-Y. G.
 LE FIGARO vendredi 8 mai 2020

L'ÉVÉNEMENT 3

ptés
Carte définitive du déconfinement du 11 mai Seine-
CARTE DE SYNTHÈSE Vigilance accrue en Île-de-France Pas- St-Denis
DES TROIS INDICATEURS (les centres commerciaux de plus de-Calais Hauts- Paris
POINT SUR LA SITUATION LE 7 MAI de 40 000 m2 restent fermés) Nord de-Seine
Val-de-
Report du déconfinement Marne
Somme
Faible nombre de cas Seine-
Maritime Aisne Ardennes
mais en forte progression
Oise
Déconfinement restreint Manche Calvados Moselle
Val-d’Oise Meuse
- Parcs et jardins publics Eure Marne
restent fermés Yvelines Seine-et- Meurthe- Bas-Rhin
Orne Marne et-Moselle
- Pas de reprise
des cours dans Finistère Côtes-d’Armor Eure-et- Essonne
les collèges Loir Aube Haute-
Ille-et- Mayenne Vosges
Vilaine Marne Haut-Rhin
Sarthe Loiret
Déconfinement large Morbihan
Yonne Haute-
Pour ces départements, Loir-et- Saône
si les conditions sanitaires Cher
Loire- Maine- Indre- Côte-d’Or Territoire
restent bonnes, dans 3 semaines
Atlantique et-Loire et-Loire Doubs de Belfort
pourra être envisagé une réouverture
des lycées, cafés et restaurants Cher Nièvre

Deux- Indre
Vendée Saône-et- Jura
Sèvres Vienne Loire
Allier
Haute-
Creuse Ain Savoie
Charente- Rhône
Maritime Haute-
Vienne Puy- Loire
Charente de-Dôme
Savoie
Guadeloupe Martinique Isère
Corrèze
Haute-
Dordogne Cantal
Loire
Hautes-
Gironde Ardèche Drôme Alpes
Lot
Lot-et- Lozère
Garonne Aveyron Alpes-
Vigilance Tarn-et- de-Haute-
accrue Vaucluse Alpes-
Guyane Landes Garonne Gard Provence
Maritimes
Réunion Mayotte Tarn
Gers
Bouches-
Haute- Hérault Var
du-Rhône Haute-
Pyrénées- Garonne
Atlantiques Corse
Hautes- Aude
Pyrénées Ariège
Corse-
Source : Santé publique France Pyrénées- du-Sud
Infographie Orientales

Français. « Nous traversons une si- Circulation active du virus Tension hospitalière sur les capacités Taux de couverture des besoins
tuation économique d’une gravité PROPORTION DES PASSAGES de réanimation en test estimés au 11 mai
sans précédent », a ensuite abondé AUX URGENCES POUR SUSPICION TAUX D’OCCUPATION DES LITS ÉTAT DE PRÉPARATION
le ministre de l’Économie, Bruno DE COVID-19 DE RÉANIMATION PAR DU SYSTÈME LOCAL
Le Maire. 10 - 100 % DES PATIENTS ATTEINTS DE TESTS ET
Le premier ministre est enfin re- DE COVID-19, PAR DE DÉTECTION
venu sur la polémique à propos des 6 - 10 % RAPPORT À DES CAS
masques, dans laquelle l’exécutif 0-6% LA CAPACITÉ CONTACTS
est englué depuis le début du confi- INITIALE AVANT
Plus de 100 %
nement. L’État est accusé d’avoir L’ÉPIDÉMIE
détruit des millions de masques au Plus de 80 % 70 - 100 %
moment le plus fort de l’épidémie. 0 - 70 %
60 - 80 %
« Un certain nombre de masques, qui
avaient été commandés et stockés il y 0 - 60 %
a fort longtemps, avaient vu leur date
de péremption dépassée, et parfois
depuis très longtemps, a expliqué le
premier ministre. On a regardé ce
qui pouvait être utilisé. Il n’y en avait
pas beaucoup parce qu’ils étaient
déjà très anciens. » ■

La promesse de tests Du test à l’isolement en passant par le traçage

pour tous
LA FRANCE « est prête pour tester
massivement », a assuré le ministre
de la Santé, Olivier Véran, en nous présentant
(enfin) une carte toute verte des capacités
de test du pays. Chaque département
atteindrait, d’après le gouvernement, a minima
100 % des besoins. En revanche, il n’est pas
Traçage et tests
des cas contacts, le parcours du malade du Covid
ne l’a pas précisé. Et si le test est
ANNE-LAURE FRÉMONT positif, l’isolement se poursuivra
£@alaurefremont
« jusqu’à deux jours après la gué-
rison des symptômes, c’est-à-dire
LA STRATÉGIE de déconfinement en moyenne pendant 8 à
passe par une prise en charge très 10 jours », a-t-il poursuivi. « Évi-
Salpêtrière (Paris), qui a imaginé
le dispositif Covisan, mis en place
par l’AP-HP en Île-de-France,
pour suivre et accompagner les
patients à domicile.
Autre étape cruciale du par-
les règles de distanciation, vous se-
rez invité à rester chez vous en iso-
lement, comme pour une personne
malade » et à prendre votre tem-
pérature deux fois par jour, a sou-
ligné le ministre de la Santé. « Si

précisé à quoi se reporte ce pourcentage cadrée du malade du Covid-19 et demment si vos symptômes s’ag- cours du malade : l’identification vous pouvez télétravailler, très
et combien de tests seront en capacité des personnes qui ont pu être en gravent, (…) appelez votre méde- des cas contacts. Le médecin, qui bien, si vous ne pouvez pas, un ar-
d’effectuer les départements. Une absence contact direct avec lui. Un par- cin ou contactez le 15. » suivra son patient « tout au long » rêt de travail vous sera adressé »
de précision qui est très suspecte, sachant cours dont le ministre de la Santé, Comment se déroulera cet iso- de la maladie, devra inscrire les par les équipes de l’assurance ma-
que jusqu’à mercredi 6 mai, les autorités Olivier Véran, a précisé chaque lement ? Les malades partageant données concernant ce dernier et ladie. Sept jours après le dernier
de santé étaient encore incapables de dire étape lors de sa prise de parole un logement devront dans la me- les membres de son foyer dans un contact présumé avec le malade
combien de tests PCR étaient réellement jeudi au côté du premier ministre. sure du possible rester dans une système accessible via le site identifié, il faudra être testé. Car
réalisés dans l’ensemble du pays, et encore En cas de symptômes, pas pièce spécifique, en évitant au « 7 jours, c’est le bon moment pour
moins à l’échelle du département. d’hésitation : « Si vous avez de la maximum les contacts avec les débusquer le virus, avant, ça peut-
Seul l’objectif de 700 000 tests par semaine
au niveau national est confirmé. Ce total doit
couvrir l’ensemble des personnes présentant
fièvre, de la toux, une gêne respi-
ratoire, la perte du goût ou de
l’odorat, il faut agir. N’attendez
autres occupants du domicile. Il
faudra aérer régulièrement, évi-
ter de toucher les objets manipu-
“ Si le risque est avéré,
vous serez invité
être trop tôt pour le trouver », a
précisé Olivier Véran. Même si le
test est négatif, l’isolement devra
des symptômes du coronavirus ou suspectées pas que cela passe. Contactez im- lés par les autres, désinfecter ré-
à rester chez vous encore durer « en moyenne 7 jours
de l’avoir attrapé. Il s’agit donc de tester les médiatement votre médecin ou un gulièrement les poignées de en isolement, supplémentaires », sauf dans cer-
malades, mais aussi tous leurs cas contacts, qui médecin de garde, ou le 15 pour portes ou les téléphones porta- comme pour tains cas où le médecin pourra
doivent l’être 7 jours après la date présumée qu’on vous oriente », a expliqué bles, porter un masque en pré- une personne « proposer de l’alléger ». Et si le
du contact avec un malade. Les tests seront Olivier Véran. En cas de suspi- sence du conjoint et ne recevoir test est positif, une liste des per-
malade
prescrits par les médecins traitants et
remboursé à 100 % par l’assurance maladie.
Si le test est positif, les équipes « des ARS
cion, un test – intégralement pris
en charge – devra être réalisé,
que ce soit à l’hôpital, dans un la-
que les visites indispensables,
comme celles de soignants ou
d’aidants. « Vous pourrez aller
”
OLIVIER VÉRAN, MINISTRE DE LA SANTÉ
sonnes que le cas contact aurait pu
contaminer sera à son tour éta-
blie… et ainsi de suite.
et l’assurance maladie » mèneront une boratoire de ville ou dans un chercher des masques sans pres- AmeliPro. Il passera ensuite le re- Comme nous l’explique l’assu-
enquête pour remonter tous les cas contacts « drive », parfois même à domici- cription, ils seront pris en charge à lais aux fameuses « brigades sani- rance maladie, seul son personnel
du malade. le grâce à des équipes mobiles. Le 100 % », a ajouté Olivier Véran. taires » qui poursuivront l’enquête sera habilité à réaliser ces enquê-
De son côté, l’assurance maladie nous a précisé ministre soutient en tout cas que Dans le cas où l’isolement serait en complétant le recensement des tes visant à remonter la chaîne de
que les informations récoltées dans le cadre de d’ici à lundi, « les territoires se- impossible, des lieux pourront contacts du patient Covid+. Ces contamination. Toutefois, « si des
ce « contact tracing » seront quotidiennement ront dans leur totalité en capacité être mis à disposition comme des équipes de l’assurance maladie patients ont besoin d’un accompa-
analysées par les agences régionales de santé de tester largement ». hôtels réquisitionnés dans le ca- (Cnam) devront ensuite appeler gnement médico-social, les agents
et Santé publique France, qui auront la charge En attendant le résultat du dé- dre de cette crise sanitaire. Une dans les 24 heures toutes les per- de l’assurance maladie passeront
de s’assurer qu’aucun nouveau cluster pistage, le patient devra rester solution en général peu plébisci- sonnes listées pour les informer la main à des intervenants de
(concentration géographique de personnes chez lui. Il en sera de même, a tée par les malades, expliquait qu’elles ont été en contact avec un proximité », comme des associa-
positives) n’apparaît. Toute l’approche par priori, pour les autres membres toutefois récemment le Pr Renaud individu infecté. « Si le risque est tions, dont la mobilisation relève-
A

confinement et détection précoce vise à éviter du foyer considérés comme des Piarroux, chef du service de para- avéré, que vous avez par exemple ra du champ des préfets et des
une telle réapparition de foyers de contagion. V. B. cas contacts, même si le ministre sitologie à l’hôpital de la Pitié- partagé un déjeuner sans respecter agences régionales de santé. ■
 vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO

4 L'ÉVÉNEMENT
La crainte d’une deuxième vague est bel et
selon les modèles épidémiques
Le risque de voir repartir l’épidémie après la levée du confinement est bien réel et il faudra nous astreindre à une
VINCENT BORDENAVE
£@bordenavev
REBOND Le gouvernement se
lance très prudemment sur le long
chemin du déconfinement avec la
crainte de voir survenir une se-
conde vague. Faut-il y voir un ex-
cès de prudence ou bien ce danger
est-il bien réel ? « Le confinement
nous a permis de diminuer sensi-
blement le taux de transmission du
virus, expliquait Vittoria Colizza,
directrice de recherches à l’Insti-
tut Pierre-Louis d’épidémiologie
et de santé publique, à Paris, dans
Le Figaro hier. Nous avons, en
quelque sorte, une deuxième chan-
ce pour contrôler l’épidémie. Mais
nous sommes désormais mieux
organisés et on connaît un peu Supérieur à 3 il y a encore quel- sonnes exposées ou encore le tra- rendu indispensable en France,
mieux le virus qu’il y a deux mois. » ques semaines (chaque malade en çage des cas contacts, nous ce n’est pas le cas partout. Cer-
La menace d’une deuxième va- contaminait au moins trois arrivons à suffisamment diminuer tains pays asiatiques ont su jugu-
gue est en effet bien réelle. Et pour autres), il est désormais inférieur le R, et à le maintenir au niveau
cause : le 11 mai, la situation ne à 1. Recommencer la vie norma- d’aujourd’hui, soit environ à 0,5,
sera pas très différente de celle de
début mars. Le nombre de Fran-
çais déjà infectés par le virus est
le, c’est-à-dire renouveler les
contacts et échanges les uns avec
les autres, aura obligatoirement
nous pouvons envisager une lente
diminution de la maladie et même
sa disparition tant que le contrôle
“ Si on relâche trop la
pression, nous risquons
estimé à environ 4 millions de per- des conséquences. Pis encore, de durera, expliquait Samuel Alizon,
une seconde vague
sonnes. Un seuil bien trop bas pour par la lenteur du virus à se déve- chercheur CNRS au laboratoire épidémique pendant
envisager une protection collec- lopper chez son hôte, la deuxiè- Ci-dessous : maladies infectieuses et vecteurs l’été bien plus forte que
tive. Alors que le 15 mars, nous me vague pourrait mettre du la plage de Calais de Montpellier au Figaro le
comptions 300 malades du Covid- temps avant d’être visible, don- déserte, mercredi. 24 avril dernier. En revanche, si
celle que nous vivons
actuellement
”
19 en réanimation, ils étaient en- nant ainsi une fausse impression Si l’accès au littoral reste on relâche trop la pression et que
core 3 147 le 6 mai. Certes, la cour- de sécurité. C’est pourquoi l’im- interdit, certaines plages le R passe juste au-dessus de 1, SAMUEL ALIZON, CNRS MALADIES
pourraient néanmoins nous connaîtrons une seconde va- INFECTIEUSES À MONTPELLIER
be continue de diminuer, mais le pact du déconfinement ne pourra
être ouvertes sous
rôle du confinement dans cette être mesuré avant la fin du mois. conditions dès le 11 mai, gue épidémique pendant l’été bien
décrue est prépondérant. « Si, grâce à la mise en place à la demande plus forte que celle que nous vivons ler la première vague en multi-
En se cloîtrant chez nous, nous d’outils de contrôle de l’épidémie des maires actuellement. » pliant les tests et le suivi des cas
avons fait chuter la transmission comme le port du masque, la gé- et sur autorisation La bataille n’est cependant pas contacts. Le triptyque « protéger,
du virus, le fameux facteur R. néralisation des tests chez les per- préfectorale. perdue. Si le confinement a été tester, isoler » a pour objectif de

Ouverture au cas par cas

des plages et lacs
Ceux qui voulaient profiter des beaux jours de mai
pour aller se détendre à l’occasion du déconfinement
sur les plages ou autour des lacs, même s’ils
se trouvent dans un département vert à moins
de 100 kilomètres de ces sites, n’ont qu’un faible
espoir de pouvoir y accéder. « La règle générale
Loisirs, plages

reste l’interdiction », insiste Christophe Castaner,

ministre de l’Intérieur. Toutefois, il y aura des
dérogations à ce principe général. « Il sera possible
de se rendre sur ces sites s’il existe un dispositif
d’aménagement suffisant pour garantir la
distanciation physique, à la demande des maires,
sur autorisation du préfet », poursuit le locataire de
la place Beauvau. « C’est une bonne nouvelle, enfin
le couple préfet-maire va décider de ce qui se passe
sur place, explique au Figaro Antoine Parra, le maire
d’Argelès-sur-Mer, dans les Pyrénées-Orientales.
PASCAL ROSSIGNOL/REUTERS, SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO

On est en mesure de proposer au préfet un protocole

d’accès à la plage garantissant les règles de sécurité
sanitaires avec 4 m2 par personne minimum grâce
à un système de numerus clausus pour les plages
les plus fréquentées ou l’interdiction des jeux
collectifs par exemple. » Outre la mer, les habitants
des départements verts pourront toujours aller
dans les parcs, bois ou jardins publics, contrairement
aux résidents des départements rouges. « Dans
trois semaines, nous saurons où nous en sommes,
c’est-à-dire si nous aurons vaincu l’épidémie,
explique le premier ministre Édouard Philippe. Si ces
chiffres restent bas, nous élargirons nos espaces
de liberté dans de nombreux domaines cet été. »
« Un point sera organisé entre le gouvernement et les
professionnels du tourisme, de la restauration et de
l’hôtellerie fin mai », précise le ministre de l’Économie,
Bruno Le Maire. Peut-être sera-t-il possible de partir
en vacances, au moins en France. E. L. C.
Activités culturelles

Il n’y aura pas d’accueil Tous les commerces non Une réouverture
physique sans rendez-vous alimentaires pourront rouvrir très progressive des musées
Le 11 mai ne marquera pas un retour à la normale À compter de lundi, il sera à nouveau possible Sans surprise, les cinémas, les salles de spectacle
dans les services publics. Caisse nationale d’aller se faire couper les cheveux chez le coiffeur, (théâtre, danse, cabarets mais aussi discothèques)
Services publics

des allocations familiales (Cnaf), Pôle emploi, Caisse de flâner dans une librairie ou d’acheter garderont portes closes au moins jusqu’en juin. Et les
nationale d’assurance-vieillesse (Cnav), Trésorerie… une paire de chaussures après l’avoir essayée rassemblements de plus de 5 000 personnes, apanage
Les personnes pourront se rendre physiquement en magasin. Tous les commerces pourront rouvrir des festivals et des grandes salles de spectacle comme
dans les locaux des différents organismes publics leurs portes, quelle que soit la couleur les Zénith, ne seront pas autorisés avant septembre.
si un rendez-vous a été fixé. L’accès libre ne sera de leur département, « à l’exception des lieux « L’événementiel, notamment en culture », souffre,
pas autorisé. Les échanges entre les agents de convivialité que sont les cafés, les bars a reconnu Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie.
et les usagers par téléphone, mails ou via les comptes et les restaurants », a confirmé le ministre Mais le 11 mai va tout de même signer le grand retour
en ligne resteront la norme jusqu’à nouvel ordre. de l’Économie, Bruno Le Maire. des bibliothèques, des médiathèques, des 3 300 librairies,
Plus spécifiquement, les rendez-vous physiques Ce sera vrai aussi en Île-de-France, même si le virus des petits musées et monuments. C’est un immense bol
seront organisés au cas par cas et seulement y circule activement. Les cafés, bars et restaurants d’air pour un secteur totalement à l’arrêt depuis
si c’est nécessaire. devront, eux, attendre fin mai pour connaître la mi-mars, et qui devrait encore souffrir : le printemps
Commerce

Pour les centres des impôts qui gèrent actuellement la la date de leur réouverture. Celle-ci pourra et l’été sont en général des points d’orgue pour la culture.
campagne de déclaration de l’impôt sur le revenu 2020, être différenciée selon leur département. Bien que personne ne sache très bien ce que la formule
des rencontres sur place pourront se faire, par exemple, Lundi, 400 000 commerces (dont 77 000 salons « petit musée » recouvre, l’idée du gouvernement
si le contribuable connaît une situation familiale difficile de coiffure et 15 000 fleuristes) accueilleront est de raisonner à partir des bassins de vie.
ou lorsque son dossier fiscal est compliqué. Dans donc à nouveau leurs clients, à condition de respecter Les préfets, a précisé le ministre de l’Intérieur, Christophe
les agences Pôle emploi, un rendez-vous pourra être de strictes règles sanitaires. Ils devront garantir Castaner, arrêteront la liste des lieux qui pourront
pris à partir du 18 mai pour, notamment, accéder aux une distanciation d’un mètre entre les clients, comme recommencer à recevoir du public, parmi les dizaines
bornes en libre-service afin de s’inscrire et s’actualiser l’ont fait jusqu’à présent les magasins alimentaires. de milliers de musées et de monuments qui maillent
en tant que demandeur d’emploi ou si un échange Et pourront exiger que leurs clients portent les territoires. Chaque établissement sera incité
avec un conseiller est jugé « indispensable ». Dans un masque. Certains de ces commerces avaient à mettre en place un système de réservation
les agences de la Cnav, l’accès sur rendez-vous sera poursuivi partiellement leur activité en proposant sur internet, chose qui est loin d’être opérationnelle
permis seulement en cas d’urgence et si la situation la livraison à domicile ou le retrait de commandes dans les châteaux ou les musées municipaux.
ne peut être réglée par téléphone ou mail. Quant en magasin. Mais pour la plupart, ces deux derniers De fait, et sans que cela n’ait jamais été précisé, les grands
aux CAF, l’accueil sur demande concernera surtout les mois ont représenté un arrêt total de leur activité. établissements culturels gérés par l’État, dont le Louvre,
allocataires fragiles ou ayant des dossiers complexes. Bruno Le Maire n’a évoqué qu’une seule exception le Musée d’Orsay ou Versailles, devront encore se montrer
De façon générale, cet accès devrait se faire dans à cette réouverture générale des commerces patients. Ils avaient pourtant fait valoir leur capacité
des conditions strictes en présence de gel non alimentaires : les centres commerciaux à filtrer le nombre de visiteurs, via leur site internet,
hydroalcoolique, masques, marquage au sol et, de plus de 40 000 mètres carrés, comme le Forum et le nombre de salles permettant de répartir les foules.
si nécessaire, cloisons en Plexiglass. L’organisation des Halles à Paris, susceptibles d’attirer les foules. Mais ils sont des aimants à touristes, et le gouvernement
des locaux sera adaptée à la réalité du terrain, selon Ils pourront rouvrir en accord avec le préfet, a visiblement préféré jouer la prudence. Financés pour tout
A

la situation sanitaire du territoire. En outre, le retour sauf en Île-de-France, où ils devront pour l’instant ou partie par l’État, ils sont par ailleurs moins dépendants
des salariés sur leur lieu de travail sera progressif. M. M. restés fermés. M. B. de la billetterie pour leur survie. CLAIRE BOMMELAER
 LE FIGARO vendredi 8 mai 2020

L'ÉVÉNEMENT 5

bien justifiée CONTRE-POINT

PAR GUILLAUME TABARD £@GTabard

Rigueur, pragmatisme
et appel à la responsabilité
forte discipline collective pour l’éviter.

maintenir un taux de contagiosité
suffisamment faible. Il faudra ce-
pendant se tenir à une discipline
collective très forte. Selon les
travaux menés Vittoria Colizza et
son équipe, si nous ne parvenons
pas à identifier et isoler correcte-
ment au moins un malade sur
deux en Île-de-France, la conta-
gion repartira et notre système
hospitalier ne tiendra pas le choc.
Les atermoiements sur l’utili-
sation des données téléphoni-
ques, tout comme les interroga-
tions sur le nombre de tests en
capacité d’être réalisés par jour,
ne sont malheureusement pas là
pour nous rassurer. Un article
(non relu par la communauté
scientifique) publié par des mo-
délisateurs de l’Assistance publi-
Un minimum de 4 m²
par salarié à faire respecter
Pour le retour des salariés dans leur entreprise et sur
leur lieu de travail à partir de lundi, le mode d’emploi
a été balisé par le gouvernement qui a publié, en début
de semaine, un « protocole de déconfinement »
en sept points sur les dispositions à respecter pour
que-Hôpitaux de Paris (AP-HP),
considère même que malgré le
déploiement des gestes barrières,
la seconde vague est inévitable.
Ils préconisent la mise en place
de mesures ciblées pour protéger
la population « vulnérable ».
En avril dernier, une étude pu-
bliée dans la revue Science, mon-
trait qu’en l’absence de traite-
ment et de vaccin, les mesures de
contrôle de l’épidémie devraient
être prolongées, a minima, jus-
qu’en 2022. Les scientifiques pre-
naient comme postulat une sai-
sonnalité du virus. C’est-à-dire
que la transmissibilité du Sars-
CoV-2 puisse varier au cours du
temps en fonction de la tempéra-
ture et du niveau d’humidité
dans l’atmosphère. Ce scénario
reste très hypothétique. Mais
dans ce cas, l’épidémie pourrait
ralentir pendant l’été et la mena-
ce d’une deuxième vague n’arri-
verait qu’en automne. Un répit
qui pourrait donner du temps à la
recherche d’un traitement contre
la maladie.
Dans une interview accordée au
Figaro le 26 avril dernier, Jean-
François Delfraissy, président du
Conseil scientifique sur le corona-
virus, rappelait que beaucoup de
projets de recherche étaient en
cours avant d’expliquer : « Si un
traitement, même imparfait, per-
met de limiter les effets les plus
graves ou de proposer un suivi pré-
ventif pour les personnes les plus à
risque, nous aurions une rentrée
beaucoup plus sereine ! » ■
Pour l’opposition, inquiète,
de très nombreuses questions demeurent
EMMANUEL GALIERO£@EGaliero
ET SOPHIE DE RAVINEL £@S2RVN
À ENTENDRE les oppositions à l’is-
L
a jubilation ostentatoire
et prématurée ne sera
jamais le style d’Édouard
Philippe. Plus que jamais,
il sait que le « chemin de crête »
est étroit et périlleux. Mais on
discernait dans le ton du premier
ministre une pointe de soulagement
à pouvoir annoncer : « La levée
progressive du confinement
peut être engagée ». « Une bonne
nouvelle », s’est-il félicité.
Ci-dessous : La bonne nouvelle, en fait,
parmi les mesures c’est qu’il n’y a pas de mauvaise
sanitaires figurant nouvelle. À savoir que la menace
dans le « protocole
d’un report du démarrage du
de déconfinement »
des entreprises, déconfinement au-delà du 11 mai
les locaux, n’a pas eu à être mise à exécution,
(comme ici, au Figaro), même si une « discipline renforcée »
doivent être reste conseillée en Île-de-France.
régulièrement Pourtant cette menace avait été
désinfectés et nettoyés. explicitement brandie ;
par Édouard Philippe et par Olivier
Véran. Et il y a encore quelques
heures, il se disait que les données
sanitaires n’étaient pas aussi
bonnes qu’espéré, comme
si certains voulaient préparer
l’opinion à un « rab »
de confinement.
Cette confirmation de l’échéance
du 11 mai permet au premier
ministre d’atténuer sensiblement
son rôle de Cassandre. Depuis
deux mois, il était préposé aux
mises en garde quand Emmanuel
Macron promettait des « jours
heureux ». Il semblait plus prudent,
plus inquiet, plus exigeant quand le
chef de l’État s’autorisait à être plus
allant. Ce mix de partage des rôles
et de différence de tempérament
avait alimenté la nuisible
chronique d’un désaccord au
sommet de l’État, à laquelle le chef
du gouvernement a voulu tordre
le cou (lire page 2). Au moins
cette torsion s’atténue-t-elle.
On ne pourra cependant pas
accuser le premier d’avoir enjolivé
cette fois-ci la vérité après l’avoir
dans un premier temps noircie.
Édouard Philippe n’est pas homme
à farder la vérité, fût-ce pour
nuancer son image. La vérité,
quoi qu’il en coûte, reste sa seule
boussole. La vérité brute
de décoffrage si l’on peut dire.
L’exercice de ce jeudi en a été
une nouvelle illustration.
Le premier ministre n’a pas
ces « grands mots » que d’autres
peuvent avoir. Cela peut donner
une forme janséniste à son propos,
mais ce sérieux est plutôt rassurant
pour une opinion qui préfère
précédents discours : « Sans réelles
surprises mais avec encore des ques-
tions en suspens, notamment sur
les dispositions fiscales concernant
les entreprises. »
L. MARIN/POOL REUTERS
l’austérité des mots renvoyant
à leur situation concrète au lyrisme
des formules incantatoires.
Simplement, on sentait un peu
plus de souplesse dans le verbe
gouvernemental. Et plus
de pragmatisme surtout. C’était
le grand reproche fait à la gestion
de la crise. Des règles générales
ne souffrant pas l’exception, des
échéances couperet fixées sans
toujours beaucoup de concertation,
l’arme de la sanction et parfois
celle de la culpabilisation brandies
plus facilement que celle
de la persuasion. Cette conférence
de presse montre que les critiques
ont porté. Certes, la suppression
d’une autorisation est aussitôt
compensée par l’obligation d’une
autre attestation. C’est encore
en menaçant d’une amende
que l’obligation du masque
est instaurée dans les transports.
Mais, globalement, la tentation
de l’infantilisation cède le pas
à une responsabilisation bienvenue
des citoyens. Et le principe
de subsidiarité est enfin reconnu
dans certains cas, comme pour
les plages. Toujours de la rigueur,
mais une meilleure compréhension
des personnes et des situations.
La sensible évolution de la tonalité
gouvernementale est
un des ingrédients du retour
de la confiance entre les Français
et leurs dirigeants. ■
L’infan-
tilisation
cède le pas
à une respon-
sabilisation
bienvenue des
citoyens »
Jean-Luc Mélenchon (LFI), « le style
plus maîtrisé du premier ministre au
style plus échevelé du chef de l’État ».
« On sent aussi qu’il a été un élu local,
qu’il est plus à l’écoute de la réalité du

leur garantir la plus grande sécurité sanitaire.

Par exemple, un espace de 4 m² devra être respecté
par salarié, tant dans son espace de travail
(open space, bureau…) que dans les lieux de passage
(couloirs, escaliers, ascenseurs…) et de vie en collectif
(salle de réunion, cafétéria…), et ce pour maintenir
Entreprises
sue de la présentation du déconfi- terrain et cherche à corriger la copie
nement orchestrée jeudi par « De lourdes inconnues » d’Emmanuel Macron », note le leader
Édouard Philippe, des réponses ont Quant à Damien Abad, le patron des socialiste. Mais sur le fond, à l’en-
été apportées. Le style du premier députés LR, il a estimé que la carte tendre, « de lourdes inconnues de-
ministre est préféré par certains à du déconfinement était « le fruit d’un meurent ». Sur les tests, pourtant

le fameux mètre de « distanciation sociale » entre
personnes. Ce qui revient à dire, concrètement,
qu’un ascenseur de 16 m² pouvant transporter
huit salariés devra se limiter, du moins pendant
la première phase de déconfinement, à n’en véhiculer
que deux à chaque rotation. Idem pour un open space
qui ne pourra accueillir que 25 personnes pour 100 m².
Autre règle à respecter : la mise à disposition de gels
hydroalcooliques et le maintien des gestes barrières
entre salariés sur site. Les marquages au sol, les flux
de circulation ou les horaires devront être adaptés
pour garantir, là encore, le moins de contact possible
entre personnes. Les locaux devront pour leur part
être nettoyés avec une fréquence accélérée.
Les campagnes de dépistage et les prises
de température seront interdites dans le cadre
professionnel. La distribution de masques ne devra
intervenir qu’à défaut de pouvoir mettre en place
et faire respecter les règles universelles établies
dans le protocole de déconfinement, augmenté à ce
jour d’une cinquantaine de guides de métiers adaptés
à chaque secteur. Enfin, le recours au télétravail,
celui du chef de l’État. Mais outre un
jugement sur la confusion des an-
nonces, des questions importantes
demeurent et, pour certains, la co-
lère s’amplifie. Sur la forme déjà,
Christian Jacob s’est étonné de voir
cette conférence de presse pro-
grammée au moment même où la
loi était en débat à l’Assemblée.
« On est toujours dans un mépris
complet du Parlement. » Le prési-
dent des Républicains a aussi re-
gretté un manque de « concision » et
estimé que la nouvelle intervention
du chef de l’État annoncée pour di-
manche ou lundi sera un « nouveau
facteur de confusion ».
Sur le fond, Jacob juge que les
mesures de relance ne sont pas « à
la hauteur du défi économique » qui
attend le pays. Pour Éric Woerth,
président LR de la commission
état jacobin incapable de faire
confiance aux territoires pour libérer
La carte les Français sous protection ». Si son
homologue au Sénat, Bruno Re-
du déconfi- tailleau, a salué une « bonne nouvel-
nement le », il attend lui aussi encore des
est le fruit mesures. Le président du groupe LR
au palais du Luxembourg regrette de
d’un état ne pas voir le port du masque rendu
jacobin obligatoire partout dans les lieux pu-
incapable blics et demande un élargissement
du dépistage pour casser les chaînes
de faire de contamination. Quant au contrô-
confiance le sanitaire des points d’entrées en
aux France, il voit encore des zones
territoires
DAMIEN ABAD,
» d’ombre et ne comprend pas pour-
quoi certains ressortissants français
ne pourraient pas rejoindre le pays si
PRÉSIDENT DU GROUPE des Belges peuvent le faire alors que
LR À L’ASSEMBLÉE leur pays est touché par le virus.
NATIONALE
Pas question non plus pour Olivier
Faure d’attaquer trop frontalement.
« essentiels » et qui ont « disparu de
son discours ». Sur les masques aussi.
« L’exécutif se défausse totalement et
après un long feuilleton éprouvant
pour lui, il considère que ce n’est plus
de sa responsabilité. » Sur la dimen-
sion sociale enfin. Le patron du PS
pointe l’absence de réponses à
« la question du chômage partiel et
du chômage tout court », alors que la
crise économique s’annonce « d’une
violence folle ».
Une violence source de colère
pour le secrétaire national du PCF
Fabien Roussel. Il dénonce ces dé-
partements « peu infectés mais res-
tés en rouge parce qu’ils sont en sous
dotation de lits de réanimation. Une
injustice dénoncée depuis des an-
nées… ». Le député du Nord partici-
pera lundi matin devant le ministère
de la Santé à une première mani-
A

lorsqu’il est possible, doit être encore privilégié pour des finances à l’Assemblée, ces Le premier secrétaire du PS, le re- festation d’après le confinement.
continuer de lutter contre la propagation du virus. M. L. annonces sont dans la ligne des connaît : il préfère, comme d’ailleurs En nombre limité. ■
 vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO
6 L'ÉVÉNEMENT
Les forces
de l’ordre
vont maintenir
les contrôles
Aléatoires dès lundi, ils veilleront au
respect de la règle des 100 kilomètres,
tandis que 20 000 policiers et gendarmes
pourront quadriller les transports.
CHRISTOPHE CORNEVIN £@ccornevin
DÉCONFINEMENT ne signifie pas relâ-
chement. Dans les rangs des forces de
l’ordre, la consigne est de ne pas relâcher
la pression lundi prochain, même s’il
n’est pas du tout certain de voir se redé-
ployer l’armada des 100 000 policiers et
gendarmes levée le 17 mars dernier.
« Nous allons basculer vers une période où
l’on va commencer à inverser la logique, à
savoir assouplir la liberté des déplacements
tout en mettant en place des filtrages pour
dissuader les mauvais comportements »,
confie un responsable d’état-major.
« Une chose est sûre, le virus ne se déplace
pas tout seul et nous allons continuer à lut-
ter contre sa circulation », a confirmé jeu-
di après-midi Christophe Castaner.
Dès le 11 mai, même si elles n’ont plus à
assurer des contrôles systématiques com-
me lors du confinement, les unités de ter-
rain resteront à la manœuvre. « Des opé-
rations, aléatoires cette fois, seront menées
pour veiller au bon respect de la nouvelle rè-
gle de déplacement liée à la fameuse distan-
ce de 100 kilomètres calculés à vol d’oiseau
à partir du lieu de résidence habituel, résu-
me un cadre de la police nationale. À l’in-
térieur de ce rayon, nous veillerons à ce que
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les automobilistes, mais aussi les conduc-
teurs d’engins utilitaires, disposent bien
d’un justificatif de domicile ». « Le permis
de conduire ne suffira pas car les adresses
qui y figurent sont parfois obsolètes », in-
siste-t-on place Beauvau, où l’on affirme
qu’« une simple attestation d’assurance ou
un chéquier nominatif suffira ».
« Resquilleurs du confinement »
Pour les trajets au-delà des 100 kilomè-
tres parcourus en dehors du département
de résidence, policiers et gendarmes exi-
geront, au gré des patrouilles, une attes-
tation justifiant d’un impérieux motif
professionnel ou familial, lié à la garde
d’enfants, à un deuil ou à la visite d’une
personne vulnérable. Toute infraction
sera passible d’une amende de 135 euros.
« Déconfiner, ce n’est pas baisser la gar-
de », a répété jeudi le « premier flic de
France » se félicitant que « le taux de ver-
balisations liées aux mesures de confine-
ment est inférieur à 6 % ».
Dans les transports, où toute infraction
aux règles sanitaires est aussi passible de
135 euros, le ministère de l’Intérieur a
prévu de mobiliser, au besoin, « jusqu’à
20 000 policiers et gendarmes ». Appelés
en renfort des agents assermentés de la
SNCF et de la RATP, ces derniers pour-
Contrôle de police, à Paris.
JEAN-CHRISTOPHE MARMARA/LE FIGARO
ront verbaliser mais aussi intervenir en
cas de troubles ou de cohues. « Des
contrôles seront réalisés dans les gares, les
aérogares, certains tronçons d’autoroutes
ou de grande circulation », a prévenu
Christophe Castaner, sachant que des
« comités d’accueil » attendront les
« resquilleurs du confinement » à l’arri-
vée des destinations touristiques.
« Aux frontières, la fermeture va rester
la règle et la permission de passer, l’excep-
tion jusqu’à nouvel ordre », assure encore
le locataire de Beauvau. Jusqu’au 15 juin
prochain, les patrouilles de la police aux
frontières (PAF) veilleront donc au res-
pect des restrictions mises en place avec
nos voisins européens. Outre la libre cir-
culation des travailleurs transfrontaliers,
de nouvelles dérogations sont rendues
possibles depuis un pays européen pour
« la garde, la visite ou la poursuite de la
scolarité d’un enfant » ou encore pour les
« travailleurs saisonniers agricoles ».
« Notre civisme collectif, c’est notre
réussite collective », a assuré Christophe
Castaner, qui n’ignore pas que la sortie de
crise ne pourra se faire sans l’adhésion de
la communauté nationale. Si les Français
venaient à se braquer, aucun dispositif
policier, quelle que soit son ampleur, ne
serait en mesure d’éteindre l’incendie. ■
Castaner sans masque
sur une photo de groupe
Christophe Castaner, jeudi avec les salariés d’une usine de masque dans le Nord.
PIERRE LEPELLETIER £@PierreLepel
PAS de distanciation sociale, pas de
masque et un regroupement avec plus
de dix personnes… Difficile de faire
pire dans le non-respect des consignes
sanitaires martelées par le gouverne-
ment à quatre jours du déconfinement.
C’est pourtant dans cette situation que
s’est retrouvé Christophe Castaner. En
déplacement mercredi dans une usine
de masques à Annœullin (Nord), le mi-
nistre de l’Intérieur a posé pour une
photo, tout sourire, au milieu des
ouvriers qu’il venait de rencontrer.
On peut ainsi compter sur la photo
30 personnes regroupées autour du
En coulisses, tiraillements et
hésitations avant les arbitrages
MARCELO WESFREID £@mwesfreid
C’EST un plan de déconfinement qui s’est
bâti sur fond de nombreux tiraillements
entre ministères et au sein des adminis-
trations. Ces dissensions ont obligé le
sommet de l’exécutif à procéder à des ar-
bitrages tardifs entre des demandes
concurrentes, voire contradictoires. Ain-
si, le secrétariat d’État aux Transports,
sous la baguette de Jean-Baptiste Djebba-
ri, a-t-il milité en interne pour que les
forces de l’ordre assurent un contrôle du
port du masque dans les transports en
commun - ce qui était demandé aussi par
la présidente LR de la région Île-de-
France, Valérie Pécresse. Une solution
contre laquelle s’est battue la Place Beau-
vau. La raison ? Le ministre de l’Intérieur
Christophe Castaner ne voulait pas se voir
obligé de mobiliser un nombre consé-
quent de policiers pour une tâche aussi ti-
tanesque. De la même façon, la distribu-
tion des masques a fait l’objet
d’hésitations entre plusieurs pistes, au
sein de l’exécutif : fallait-il choisir de
s’appuyer sur les opérateurs de trans-
ports, sur les élus locaux, sur les préfec-
tures ?
En matière de déconfinement, les
meilleures idées ne valent que si elles se
révèlent opérationnelles. C’est bien ce
qui a fait jaser à propos des « brigades sa-
nitaires » de traçage des malades et des
personnes ayant pu croiser la route d’un
porteur du coronavirus. Il s’agit de mobi-
liser, pour remonter les chaînes de
contamination potentielles, des profes-
sionnels de la santé, des membres de l’as-
surance maladie ou des Centres commu-
naux d’action sociale (CCAS). En tout,
TWITTER
ministre. Une grande majorité ne
portait pas de masques, à commencer
par Christophe Castaner lui-même
qui tenait le sien… dans ses mains.
Contacté par Le Figaro, le ministère
de l’Intérieur admet une erreur.
« Cette photo, prise à la demande des
couturières fières de leur travail,
n’aurait pas dû être prise dans ces
conditions. Nous le regrettons », expli-
que-t-on depuis Beauvau. Le cabinet
de Christophe Castaner reconnaît que
« les règles de distanciation physiques
sont impératives et les habitudes dures
à changer ». « Apprendre à vivre avec
les gestes barrières est un apprentissa-
ge constant : nous devons tous le me-
ner », poursuit-on… ■
l’État ne cherche pas moins de
100 000 « anges gardiens », pour repren-
dre l’expression du ministre de la Santé
Olivier Véran. Le sujet a fait débat dans
les ministères, compte tenu de son gigan-
tisme. « Il y a un risque industriel très
grand, s’inquiète hors micro un membre
du gouvernement. Cela peut ne pas mar-
cher. Il faut monter un outil informatique à
la hâte, former des personnels en nombre,
capables de rappeler les gens dans les 24
ou 48 heures, pour éviter les risques de
contagion. Compliqué… »
Risques dans les quartiers
Ces discussions ont en tout cas eu une
conséquence pratique : les administra-
tions chargées d’appliquer les consignes
ont dû attendre le tout dernier moment,
avec l’élaboration de la doctrine finale,
pour savoir à quoi s’en tenir. Dans les
préfectures, les circulaires arrivent tardi-
vement, obligeant les représentants lo-
caux de l’État à s’adapter dans l’urgence
(gestion des masques, brigades sanitai-
res, lien avec les collectivités locales, res-
trictions dans les départements « rou-
ges »). Pour ne rien arranger, les préfets
doivent garder un œil sur la situation sé-
curitaire. Avec la crainte, en particulier,
que la nuit du dimanche à lundi, mar-
quant l’entrée dans la phase de déconfi-
nement, ne s’accompagne de violences
dans des quartiers sensibles. Certains
hauts fonctionnaires s’attendent à des
flambées comparables à celles qui
émaillent les soirées des 14 Juillet et
31 décembre, avec son lot désormais ha-
bituel de voitures brûlées et de pompiers
caillassés. « Réussir le 11 mai », comme le
répète l’exécutif, ne se résumera pas à un
simple slogan. ■

Qui est à risque face au Covid-19 ?
Avec le déconfinement se pose la question des plus vulnérables, qui doivent redoubler de précautions.
DAMIEN MASCRET £@dmascret
SANTÉ Quel est mon risque et ce-
lui de mes proches face au Covid-
19 ? Voilà au fond la question qui
s’impose à chacun d’entre nous à
l’heure où le gouvernement publie
la carte bicolore de la France épi-
démique et fait appel à la respon-
sabilité individuelle. « Il n’y aura
pas de confinement obligatoire pour
les personnes vulnérables à partir
du 11 mai », a souligné le 7 mai le
premier ministre, Édouard Philip-
pe. « Il vous revient d’être prudent,
lorsque vous sortez ou que vous re-
cevez chez vous vos amis. » Bien
sûr, tout le monde doit prendre
des précautions, mais certains en-
core plus que les autres. Indivi-
duellement, deux éléments ma-
jeurs sont à prendre en compte :
l’âge et les maladies préexistantes
(comorbidités). En réalité, c’est le
premier paramètre qui pèse le plus
dans le risque individuel, comme
chacun pourra le constater pour
lui et ses proches en calculant
« son » risque, dès le 11 mai sur le
site www.covid-score.fr grâce au
Covid-Score (lire ci-dessous).
uL’âge
C’est un fait observé partout, le
Covid est particulièrement redou-
table pour les seniors. Pour preu-
ve, 92 % des décès recensés en
France concernent des personnes
d’au moins 65 ans, selon le point
épidémiologique de Santé publi-
que France du 28 avril. Toutefois,
le risque commence avant, puis-
qu’un patient sur deux hospitalisés
en réanimation a moins de 65 ans.
Rien d’étonnant pour le Pr Éric
Boulanger, spécialiste de la méde-
cine et biologie du vieillissement
au CHU de Lille (Inserm). « On est
au maximum de ses fonctions et ca-
pacités de lutte contre les agres-
sions entre 20 et 30 ans et ensuite on
décline même si on ne commence à
le percevoir qu’aux environs de la
cinquantaine, explique-t-il, même
“ Le plus important
c’est de considérer les
conditions de travail
et de transport
”
DR JEAN-FRANÇOIS THÉBAUT, FÉDÉRATION
FRANÇAISE DES DIABÉTIQUES
si ceux qui parviennent à un vieillis-
sement réussi ralentissent leurs
pertes par rapport aux autres. »
uLes maladies
cardiovasculaires
On le sait désormais, le Covid
n’est pas seulement une infection
respiratoire mais aussi une agres-
sion qui provoque, chez certains,
une violente réaction immunitaire
de l’organisme. Les descriptions
des atteintes d’organes au-delà
des poumons ont mis en évidence
plus spécifiquement une atteinte
des cellules cardiaques pouvant
donner des myocardites (inflam-
mation du muscle cardiaque). De
plus, un syndrome inflammatoire
général agresse les vaisseaux de
l’ensemble du corps dans certains
cas et explique le risque accru
d’aggravation en cas d’antécé-
dents cardiovasculaires. Les deux
comorbidités le plus souvent rap-
portées lors des décès sont l’hy-
pertension artérielle (34 %) et la
préexistence de pathologies car-
diaques (32 %).
uLe diabète
« Les patients diabétiques qui
présentent un diabète non équilibré
ou des complications sont suscepti-
bles de développer des formes gra-
ves de Covid-19 », soulignait la
Haute Autorité de santé le 21 avril.
« Un diabétique n’a pas plus de ris-
que qu’un autre d’attraper le coro-
navirus, mais s’il s’infecte, il a deux
fois plus de risque d’être hospitalisé
et trois fois plus de risque de décé-
der », explique le Dr Jean-François
Thébaut, vice-président de la Fé-
dération française des diabétiques.
Une personne sur quatre admises
en réanimation a un diabète et
30 % des malades décédés en réa-
nimation. Dès lors, reprendre le
travail le 11 mai est-il dangereux ?
« Le plus important c’est de consi-
dérer les conditions de travail et de
transport, remarque-t-il, si elles ne
sont pas rassurantes, il vaut sans
doute mieux attendre une quinzaine
de jours pour voir comment se dé-
roule le déconfinement. »
uAsthme et BPCO
« Actuellement, si on a un asth-
me non sévère ou une BPCO équili-
brée sans autre pathologie asso-
ciée, avec un traitement de fond
équilibré, il n’y a pas plus de risque
d’avoir un Covid que la popula-
tion », explique le Dr Frédéric
Le Guillou, président de l’associa-
tion Santé respiratoire. « En re-
vanche, ajoute-t-il, les patients qui
ont un asthme ou une BPCO sévères
peuvent avoir des formes sévères du
Covid s’ils se contaminent. » Car le
coronavirus semble particulière-
ment agressif avec les alvéoles
C’est un fait observé pulmonaires, au plus profond des
partout, le Covid est poumons. « C’est davantage l’at-
particulièrement teinte des alvéoles et des vaisseaux
redoutable pour les qui fait la gravité de la maladie, re-
seniors. Pour preuve, marque le Dr Marc Sapene, prési-
92 % des décès
dent de l’association Asthme et al-
recensés en France
concernent lergie, il faut absolument que les
des personnes
d’au moins 65 ans.
personnes asthmatiques ou allergi-
ques prennent correctement leur
PHOTOPQR/L’EST traitement, voir le renforcent en
REPUBLICAIN/ MAXPP cette saison pollinique. »
« Notre test donne un score de risque individuel »
Le Pr Philippe Amouyel est pro-
fesseur de santé publique (CHU
PQRVOIX DU NORD/MAXPPP
Lille) et directeur de la fondation
Alzheimer.
LE FIGARO. - Pourquoi avoir créé
Covid-Score, un calculateur
individuel de risque de contracter
la maladie et d’en décéder ?
Pr Philippe AMOUYEL. - Il est im-
En
combinant
portant de rappeler que lorsque
nous sommes en contact avec le
virus, la réaction de notre corps
la couleur
de notre
département
n’est pas identique pour tout le
monde et c’est ce qui à l’échelon
individuel en fait sa dangerosité.
Alors que nous ne présenterons,
et celle de pour la plupart que quelques si-
notre Covid- gnes sans gravité, près d’un d’en-
Score nous tre nous sur cinq fera une forme
grave nécessitant une hospitalisa-
permettrons tion. Aussi, afin de nous aider à
de préserver cerner ces risques et à en limiter
notre santé les conséquences, nous avons créé
un score très simple, fondé sur
et celle des cinq couleurs associées à un risque
»
autres croissant, le Covid-Score. Il per-
PHILIPPE AMOUYEL met à chacun d’évaluer directe-
uInsuffisance rénale
« Les patients dialysés sont des uGrossesse
Dès le 10 mars, le HCSP place,
personnes fragiles qui peuvent faire
des formes graves de Covid, c’est
d’ailleurs pourquoi on recommande
aux patients de garder un masque
pendant toute la séance de dialy-
se », explique le Pr Christian
Combes, chef du service de
néphrologie-transplantation-dial
yse et aphérèses du CHU de
Bordeaux. Les mesures de protec-
tion doivent être renforcées. « Il
faut être vraiment très strict, pen-
dant les transports, durant la
séance avec isolement si possible,
et y compris du côté du personnel et
ne pas oublier que les patients gref-
fés sont eux aussi à risque accru
s’ils se contaminent », souligne le
Pr Combes.
Cirrhose
uLe Haut Conseil de la santé pu-
blique (HCSP) souligne le risque
de forme grave de Covid pour les
malades atteints de « cirrhose au
stade B de Child Pugh au moins ».
Plus largement, « Il faut protéger
au maximum les malades du foie,
insiste le Pr Daniel Dhumeaux,
hépatologue au CHU Henri-Mon-
dor (AP-HP, Créteil, Université
Paris Est), du malade avec une hé-
patite chronique jusqu’au malade
greffé sous traitements immuno-
suppresseurs ».
ment et instantanément son ris-
que individuel et celui de ses
proches de contracter la maladie,
d’avoir des complications graves
et d’en décéder. C’est ainsi qu’il
est possible de prendre en toute
connaissance de cause les déci-
sions et les mesures de protection
qui s’imposent.
Est-il plus important de tenir
compte de sa propre couleur ou de
la couleur de son département ?
Le gouvernement a identifié des
départements « verts » dans les-
quels la circulation du virus est
moins active et les services hospi-
taliers moins surchargés, et
d’autres « rouges » dans lesquels
le virus continue de circuler acti-
vement et où l’offre de soins est
toujours en tension. Cette distinc-
tion entre régions est importante
et doit être prise en compte dans
les décisions que nous prendrons
car elle reflète l’environnement
dans lequel nous évoluons au quo-
tidien. Cette information générale
L'ÉVÉNEMENT
par précaution, les femmes en-
ceintes dans la liste des personnes
à risque de développer une forme
grave d’infection. Le 14 mars, il li-
mite finalement ses recommanda-
tions aux femmes entrées dans
leur troisième trimestre de la
grossesse. « Ce qui pose problème
ce n’est pas le risque de contamina-
tion, qui ne semble pas plus élevé,
mais parce qu’une femme enceinte
qui fait une forme grave de Covid
est plus complexe à prendre en
charge », explique le Pr Philippe
Deruelle, chef de service de la ma-
ternité des hôpitaux universitaires
de Strasbourg.
uCancer, immunodépression
Les personnes ayant une im-
munodépression congénitale ou
acquise sont considérées comme
vulnérables. C’est le cas par
exemple des « malades sous
chimiothérapie anticancéreuses,
immunosuppresseurs, biothérapies
et/ou une corticothérapie à dose
immunosuppressive ». Les malades
atteints de cancer évolutif sous
traitement (hors hormonothéra-
pie) sont à risque accru mais pas la
majorité des séropositifs au VIH.
« En l’état actuel des connaissan-
ces, les personnes vivant avec le
VIH sous traitement efficace, donc
est bien sûr complémentaire de
celle apportée par le Covid-Score
qui cible notre risque individuel et
celui de notre entourage.
“ Pour les personnes
vulnérables le risque
est maximum
et il leur faut plus
particulièrement
se protéger
PHILIPPE AMOUYEL
” nous ne manquerons pas de faire
Le Covid-Score ne repose
que sur 3 paramètres, n’est-ce pas
trop réducteur ?
Pour les personnes vulnérables le
risque est maximum et il leur faut
plus particulièrement se protéger
en observant scrupuleusement les
mesures barrières et la distancia-
tion physique.
En revanche, parmi les personnes
qui sont actuellement en bonne
santé et sans maladie chronique
LE FIGARO vendredi 8 mai 2020
7
ayant une charge virale indétecta-
ble et une immunité préservée (des
CD4 au-dessus de 200) ne présen-
tent pas de surrisque particulier par
rapport au Covid », remarque le Dr
Patrick Papazian (hôpital Bichat,
Paris), cofondateur de la Ligne C
(01 41 83 43 06). Sur cette ligne
d’écoute téléphonique Covid
ouverte à tous les patients chroni-
ques, ce sont surtout des inquiétu-
des sur la continuité des soins qui
se manifestent. Pour de nombreu-
ses maladies, des associations se
sont également regroupées sur le
site www.wearepatients.com
pour répondre aux questions des
malades.
uObésité
C’est désormais un fait bien
connu : les trois quarts des cas
critiques ont un indice de masse
corporelle (IMC) supérieur ou égal
à 30 kg/m2. « Les personnes qui
nous appellent sont terrorisées »,
raconte Patricia Nowak, prési-
dente de Flona, une association de
patients souffrant d’obésité ou
d’apnées du sommeil, « ils ont
bien compris qu’ils étaient dans la
ligne de mire du virus et ils voient
beaucoup de gens faire n’importe
quoi, résultat, beaucoup ne sortent
plus de chez eux ». Respecter les
mesures barrières c’est aussi pen-
ser aux plus vulnérables. ■
apparente, certaines d’entre elles
peuvent présenter une vulnérabi-
lité au virus non évidente a priori.
Depuis le début de l’épidémie,
nous avons ainsi remarqué que
dans la population, trois grands
paramètres avaient un impact
majeur sur le risque d’avoir des
complications graves et d’en dé-
céder : l’âge (supérieur à 60 ans),
le sexe (être un homme) et la cor-
pulence. Si d’autres facteurs ma-
jeurs apparaissaient par la suite,
évoluer le Covid-Score.
En combinant la couleur de notre
département et celle de notre Co-
vid-Score nous permettrons, grâ-
ce à l’application optimale des
mesures barrières et de la distan-
ciation physique, de préserver
notre santé et celle des autres. Et
cela aidera à contenir la progres-
sion du virus et soulager nos ser-
vices de santé jusqu’à ce que les
chercheurs aient trouvé un traite-
A
ment et un vaccin. ■
PROPOS RECUEILLIS PAR D. M.
 vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO

8 L'ÉVÉNEMENT
Bataille sur la responsabilité juridique des élus
Les parlementaires Républicains mettent en garde l’exécutif contre toute manœuvre visant à exonérer
le gouvernement de ses responsabilités dans la gestion de la crise sanitaire liée au coronavirus.
EMMANUEL GALIERO
egaliero@lefigaro.fr
LA DROITE attendait avec impa-
tience les précisions d’Édouard Phi-
lippe sur la responsabilité des élus,
mais jeudi, à Matignon, le premier
ministre n’a pas évoqué une seule
fois le sujet lors de la présentation de
son plan de déconfinement.
Ulcérés par l’amendement de la
majorité visant à limiter les respon-
sabilités politiques à « l’état des
connaissances scientifiques au mo-
ment des faits », les parlementaires
LR ont mis en garde le gouverne-
ment face à l’impact d’un tel messa-
ge dans l’opinion, alors que le pays
attend la vérité sur de nombreux
sujets. Bruno Retailleau a d’ailleurs
envoyé un SMS au premier ministre
pour l’alerter sur la manière dont les
Français risquaient de percevoir cet
amendement.
Comme le président du groupe
LR au sénat, le président de la com-
mission des lois anticipait égale-
ment une interprétation politique
« désastreuse ». « Signifier, aussi
maladroitement, que les petits et les
puissants seraient traités de la même
façon, c’est quelque chose qui heurte
le sens moral et le sens commun », a
confié Philippe Bas au Figaro.
Lundi, le Sénat avait lui-même
amendé le texte du gouvernement
pour protéger juridiquement les ac-
teurs locaux du déconfinement,
qu’ils soient maires, directeurs
d’école ou chefs d’entreprise.
« Nous voulons faire en sorte que des
innocents ne puissent pas être
condamnés et prévoir que dans tou-
tes les décisions de ce déconfinement
les responsabilités pénales puissent
être engagées pour ceux qui établis-
sent les consignes et les règlements
mais pas pour ceux qui les respec-
tent ». Autrement dit, « oui » à la
clarification des responsabilités
mais « non » à l’amnistie générale.
« Cela ne limite en rien la responsa-
bilité pénale des ministres, des pré-
fets et des directeurs d’agences ré-
gionales de santé », a précisé le
sénateur Bas.
“ Le gouvernement
s’est opposé à cette
protection des acteurs
locaux, au prétexte
qu’elle donnerait
le sentiment d’une
impunité des élus. C’est
évidemment faux !
”
BRUNO RETAILLEAU, SÉNATEUR LR
Sans surprise, le gouvernement
n’a pas retenu l’amendement séna-
torial. Nicole Belloubet a estimé
qu’il y avait un risque d’inconstitu- L’Assemblée nationale, d’une impunité des élus. C’est évi- gouvernement face à la tentation de voit de batailler dur, au-delà
tionnalité et de rupture d’égalité jeudi, pendant le débat demment faux ! Surtout parce que la créer un « système d’irresponsabili- même d’un rejet du texte en
entre les élus. Puis les députés Mo- sur la prolongation responsabilité des acteurs locaux té et d’amnistie généralisée ». Le pa- deuxième lecture. « La question
Dem et LREM ont dégainé leur de l’état d’urgence reste engagée en cas de faute inten- tron des députés LR y voit un risque n’est pas de traîner des élus au tri-
amendement « CL373 ». sanitaire. REUTERS tionnelle et délibérée. Et le gouverne- d’ouvrir un « boulevard à Le Pen ». bunal mais certaines questions doi-
« C’est un véritable détournement ment le sait parfaitement », a insisté Opposé à une « judiciarisation à vent être posées : pourquoi Buzyn
d’amendement au profit du gouver- le sénateur de la Vendée. Selon lui, l’extrême » de la vie politique, Abad n’a pas déclenché de réaction alors
nement », a dénoncé Bruno Re- il ne peut pas y avoir d’égalité des a dénoncé une « mesquinerie » de la qu’elle avait des informations ?
tailleau, en fustigeant le rejet des responsabilités entre un maire et un majorité consistant à « surfer sur Pourquoi un tel bazar sur les mas-
propositions sénatoriales. « Le gou- ministre car il n’y a pas « d’égalité l’inquiétude pour se créer un régime ques… ? La vérité politique doit être
vernement s’est opposé à cette pro- des connaissances ». inadmissible d’autoamnistie ». notre objectif. Personne ne peut
tection des acteurs locaux, au pré- Jeudi à l’Assemblée, Damien En attendant la commission échapper à sa responsabilité », a
texte qu’elle donnerait le sentiment Abad a clairement mis en garde le mixte paritaire, le groupe LR pré- prévenu Damien Abad. ■

Marine Le Pen face au défi Le coronavirus bouscule

de la crédibilité économique
CHARLES SAPIN £@csapin
C’ÉTAIT il y a une éternité. En
janvier, Marine Le Pen officiali-
sait son entrée en campagne
présidentielle. Devant un par-
terre de journalistes rassemblés
au siège de son parti, à Nanterre
(Hauts-de-Seine), la députée
du Pas-de-Calais confiait se
préparer activement, plus de
deux ans avant échéance, à
l’élection suprême.
« Les grands sujets qui sont
évoqués actuellement seront de
toute façon les sujets de la prési-
dentielle », gageait-elle citant
pêle-mêle : l’immigration, la
laïcité, la fracture territoriale, la
violence gratuite mais aussi la
mondialisation et le protection-
nisme. Sans se douter que ces
deux dernières thématiques
écraseraient bientôt toutes les
autres. À la lumière d’une double
crise, sanitaire et économique,
sans précédent causée par une
épidémie mondiale. Telle une
météorite, le coronavirus a ba-
layé en un temps record les prio-
rités, les calendriers et les plans
stratégiques des états-majors
politiques (lire ci-contre). Ras-
semblement national compris.
Pour s’adapter à cette nou-
velle réalité, Marine Le Pen a
revu ses priorités. En suspens,
les projets de « livres blancs »
dédiés à la fraude, la transition
énergétique ou la défense…
C’est sur la crise économique
qui vient, ses conséquences
comme sur les propositions
A
pour en sortir, que la quasi-to-
talité de ses conseillers plan-
chent désormais. Aux premiers
rangs desquels les « horaces »,
ce groupe d’experts et de hauts
fonctionnaires chargés de
nourrir la candidate en notes et
analyses.
Lors d’une réunion en visio-
conférence avec Marine Le Pen,
ce mercredi, le cénacle a acté
une série d’initiatives, conçues
comme autant de munitions
pour leur candidate en campa-
gne. La publication d’un « livre
noir » de la gestion de la crise
par le gouvernement, coordon-
né par l’eurodéputé Philippe
Olivier et l’énarque Jean Mes-
siha, devrait ouvrir le bal peu
après le déconfinement.
« Un plan Colbert »
Suivra, selon nos informations,
la présentation d’un large plan
de relance – surnommé en in-
terne « plan Colbert » – qui
abordera les sujets transversaux
de la réindustrialisation, de
l’agriculture, de la santé et du
patrimoine. Chacun sous une
forme déclinable en lois de pro-
grammations.
Comme il l’avait fait peu
avant les élections européennes,
pour décliner sa vision d’une
« Europe des nations », le RN
prépare également un « mani-
feste sur le souverainisme . Un
long texte à visée programmati-
que, rédigée par l’essayiste et
député européen, Hervé Juvin.
Cet accent prononcé sur
l’économie ne doit rien au ha-
Dimanche 12H-13H
Le Grand Jury, le rendez-vous
politique sans concession.
RTL Benjamin SPORTOUCH
sard. Fini les présages d’une
présidentielle dominée par les
sujets régaliens. « Ce sera une
présidentielle très économique,
où différentes conceptions géné-
rales de l’État vont s’opposer »,
déduit l’eurodéputé RN Thierry
Mariani. Au sein du parti, nom-
breux sont les cadres à s’en féli-
citer, lisant dans les premiers
enseignements de la crise un
satisfecit sur la ligne économi-
que du parti : « C’est notre vic-
toire idéologique. Tout le monde
parle de localisme, le président
parle de souveraineté. Quant à
nos critiques sur la globalisation,
le libéralisme… les faits sont en
train de nous donner raison »,
applaudit André Rougé, « chef
d’orchestre » des « horaces ».
D’autres gardent pourtant en
mémoire que c’est sur l’écono-
mie que Marine Le Pen a trébu-
ché, un soir de mai 2017, devant
quelque 16,5 millions de télés-
pectateurs. « Elle s’est musclée
depuis. Il y a eu beaucoup de
changements, balaye Thierry
Mariani. Macron a peut-être
réussi deux heures de débat, mais
il a raté quatre ans de mandat. »
Lors de l’officialisation de sa
candidature à la présidentielle,
Marine Le Pen lançait comme à
elle-même : « Je sais que les
Français n’accorderont leur
confiance qu’à la condition de la
compétence. Nous devons être à
la hauteur. » L’aveu que la cré-
dibilité n’est pas le moindre des
défis sur sa route élyséenne. Le
virus pourrait bien avoir avancé
le moment de vérité. ■
Vos questions et vos réactions
les certitudes des partis,
l’économie revient en force
DÉCRYPTAGE
Tristan Quinault-Maupoil
£@TristanQM
DANS les états-majors des partis, l’éco-
nomie redevient le sujet prioritaire.
L’insécurité sociale bousculera-t-elle
l’insécurité culturelle qui faisait le lit du
duel Macron-Le Pen ? Quelle place pour
la transition écologique dans une société
en crise ? Anticipant la violence de la ré-
cession qui s’avance, les responsables
politiques revisitent leur doctrine. À
deux ans de l’élection présidentielle, il
s’agit de retomber sur ses pattes après le
choc sanitaire qui a malmené autant les
courbes que les certitudes. Les plus libé-
raux étant particulièrement attendus au
Je sais que tournant.
D’abord Emmanuel Macron, qui a pro-
les Français mis de « se réinventer ». Élu il y a tout juste
n’accorderont trois ans sur la promesse d’un « nouveau
leur confiance monde » affranchi de contraintes et en
perpétuel mouvement, Emmanuel Ma-
qu’à la
cron souffle ses bougies cloîtré. Ses réussi-
condition tes économiques, notamment sur le front
de la du chômage, se sont cruellement envo-
lées. La réforme des retraites, qui devait
compétence. assainir les comptes publics, a laissé place
Nous devons à « l’État paiera » et au « quoi qu’il en coû-
être à la te ». Son identité politique est menacée
hauteur
MARINE LE PEN
» d’obsolescence à mesure que les Français
redécouvrent l’intérêt des frontières. Sans
craindre le tête-à-queue, La République
MARMARA/LE FIGARO en marche promet « un capitalisme inclusif
et soutenable ». Son aile gauche retrouve
l’espace qu’elle avait abandonné aux
transfuges de droite. À Bercy, le libéral
Bruno Le Maire a adopté un discours plus
étatiste accélérant une mue déjà initiée
début janvier quand il réclamait une haus-
se des salaires à la surprise de Matignon.
LR, qui marchait sur les pieds des Mar-
cheurs, s’interroge aussi. Faut-il remettre
en selle une droite sociale à la faveur du
marasme économique ? Ou se différencier
en appelant au surpassement pour ne pas
endommager des finances publiques qui
virent déjà au rouge cramoisi ? « On n’évi-
tera pas d’interroger le libéralisme », préve-
nait dès le début du confinement le numé-
des salaires. Bruno Retailleau rétorquait
dans L’Express qu’il « ne connaît pas un
peuple qui se soit relevé d’une grande épreu-
ve sans un surcroît d’efforts ». Le séminaire
prévu par le parti en juin s’annonce déter-
minant pour la ligne politique du parti.
Une chose est sûre, le discours de la
responsabilité budgétaire sera plus que
jamais difficile à porter. Chacun s’en-
thousiasme à l’évocation du monde mer-
veilleux de l’après-Covid-19. À la faveur
de cette épreuve, il serait maintenant de-
venu possible de financer la transition
écologique, produire (et donc acheter)
« made in France », augmenter les bas
salaires et améliorer considérablement
notre système de santé. Et tout cela en
même temps. Du confinement a surgi le
mirage des milliards illimités. Le PS veut
« ouvrir les vannes de la dépense publique »
tandis qu’Arnaud Montebourg, vieil en-
nemi de la règle des 3 % du pacte de sta-
bilité a fait son retour inattendu, au grand
Chacun s’enthousiasme
à l’évocation
du monde merveilleux
de l’après-Covid-19
dam de Jean-Luc Mélenchon. Il y a em-
bouteillage chez les souverainistes. Hier,
on interrogeait la faisabilité de leurs pro-
grammes économiques dans le très strict
cadre européen. Les verrous ont mainte-
nant sauté (pour combien de temps ?) et
ils se rêvent en alternative.
Comme les écologistes. Yannick Jadot,
qui s’efforçait avant la crise de construire
un discours de responsabilité avec le
monde de l’entreprise, se fera-t-il rat-
traper par les collapsologues et autres
doux rêveurs galvanisés par la remise en
cause de la mondialisation ? Reste Marine
Le Pen (lire ci-contre). Les désordres so-
ciaux lui avaient offert une audience,
qu’en sera-t-il dans les prochains mois ?
Son discours social, son attachement aux
frontières et à la relocalisation font écho
aux débats actuels. Mais l’économie a
toujours été son point faible. Le débat

LE FIGARO Guillaume ROQUETTE TF1/LCI Adrien GINDRE #LeGrandJury ro trois du parti, Aurélien Pradié, d’entre-deux tours en fut la cinglante il-
promettant dans Libération « la révolution » lustration. ■
 LE FIGARO vendredi 8 mai 2020

L'ÉVÉNEMENT 9

Les extrémistes
galvanisés par le virus
Les services de renseignement craignent un retour dans
la rue de l’ultragauche, renforcée par des « gilets jaunes ».
JEAN CHICHIZOLA
LE COVID-19 inspire les extrémistes
et les services de renseignement
s’inquiètent du déconfinement de
leurs idées mortifère. Le terrorisme
islamiste reste la première préoccu-
pation. Une source policière note,
pour l’heure, « l’absence de menace
spécifique liée au post-confinement ».
Mais souligne que dans les zones de
djihad, les fous de Dieu profitent de
la crise avec, en Irak, 151 attentats en
avril et 101 en mars contre 88 en jan-
vier. Les deux attentats en France,
les interpellations de terroristes
prêts à passer à l’acte en Allemagne,
au Danemark et en Espagne, dé-
montrent enfin que la menace est
toujours aussi forte.
Les islamistes ne sont toutefois pas
les seuls à se manifester. « Sur inter-
net, note un expert, on assiste, quelle
que soit l’idéologie en cause, à un dé-
ferlement de haine, une affirmation de
vouloir tout changer et une certitude
“qu’on sera plus forts” après le confi-
nement. » Côté ultragauche, les ser-
vices de renseignement se préoccu-
pent d’un risque à moyen terme : le
retour dans la rue des anarcho-
autonomes et autres black-blocs.
Renforcés par des « gilets jaunes »
radicalisés, avec la multiplication
des appels à rassemblement pour
« le Jour d’après ». Une menace
plutôt redoutée à l’automne.
Second risque à court terme : l’ap-
pel de l’ultragauche à un « mois de
mai joyeux ». Formulation rappelant
un autre appel en 2017. Sous le nom
de code « Un mois de juin dange-
reux », l’ultragauche avait multiplié
les actions en solidarité avec des
anarchistes italiens. La propagande
se déchaîne sur le Net avec des sites
européens comme The Plague and
The Fire, où l’on donne « cinq mé-
thodes pour abattre un drone ». Les
autorités craignent aussi des actions
violentes individuelles. Comme celle
qu’auraient préparée dans la région
de Lyon deux hommes jugés proches
de l’ultragauche, décrits de source
proche du dossier comme « des “gi-
lets jaunes” radicalisés ». Selon le
parquet de Lyon, ils voulaient
« commettre des actions violentes à
l’encontre des forces de l’ordre ».
Ultras et complotistes
Dernière forme de la menace : une
série d’actions de vandalisme contre
des bâtiments de l’État, des véhicu-
les administratifs et autres cibles, ces
dernières semaines. Pour un expert
des questions de renseignement, la
majorité de ces actions est liée à l’ul-
tragauche. Mais il demeure prudent
concernant certaines actions contre
des relais téléphoniques ou la dégra-
dation, mardi, de câbles télécoms.
Avec dans ce dernier cas, l’hypothè-
se d’ultrajaunes ou de complotistes.
La crise du Covid-19 a en effet par-
fois entraîné, en France et en Euro-
pe, une complicité intellectuelle, si-
non opérationnelle, entre les ultras
et des complotistes certains que le
virus se diffuse par les ondes, ou des
« collapsologues » agressifs. Quel-
que 120 techniciens télécoms britan-
niques ont ainsi reçu des menaces,
voire des menaces de mort dont on
peut douter qu’elles viennent toutes
de l’ultragauche. Et les appels à dé-
truire des antennes seraient nom-
breux sur une plateforme américai-
ne utilisée par des suprématistes.
Selon un expert, les menaces de
l’ultradroite abondent enfin sur le
Net avec des appels à contaminer les
juifs et musulmans, à attaquer des
mosquées ou des magasins halal. On
y trouve aussi l’idée que « les juifs »
auraient trouvé un vaccin et atten-
draient pour le commercialiser…
« Face à de tels délires, explique un
haut fonctionnaire, la crainte est d’un
passage à l’acte individuel. » Les ser-
vices de renseignement ont aussi à
l’œil une mouvance survivaliste ver-
sée dans le maniement des armes.
Difficulté supplémentaire : tous
ces extrémistes ne manquent pas de
complices et de contacts en Europe.
Le sujet sera au menu, le 15 mai,
d’une réunion à Bruxelles sur le thè-
me du Covid-19 et des impacts sur la
sécurité (sans oublier les trafics, cy-
berattaques, etc.). Coordinateur de
l’Union européenne pour la lutte
contre le terrorisme, Gilles de Ker-
chove exprime une crainte partagée
par ses pairs : « L’épidémie nourrit les
extrémistes et il ne faut pas négliger le
risque que la frustration et la colère
favorisent demain la radicalisation et Des câbles de fibre optique d’Orange ont été sectionnés volontairement mardi à Ivry-sur-Seine
le recrutement. » ■ et à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Des milliers de clients ont subi des perturbations. ORANGE/TWITTER

Au sein de l’État, des réponses sur le manque d’anticipation face à la crise

NICOLAS BAROTTE £@NicolasBarotte
SA PAROLE est rare. Claire Landais ne
fréquente pas les médias. Le Secrétariat
général de la défense et de la sécurité na-
tionale, qu’elle dirige, est pourtant es-
sentiel au fonctionnement de l’État. Dans
la crise du coronavirus, le SGDSN est au
cœur de tout. C’est pourquoi Claire
Landais a été auditionnée à huis clos le
30 avril dernier par la commission de la
défense de l’Assemblée nationale.
« Le SGDSN joue un rôle central en ma-
tière de préparation et de réponses aux cri-
ses. Il est l’organe chargé d’analyser les
risques et les menaces. Il est aussi celui qui
assiste le premier ministre dans la direction
politique et stratégique de la crise. C’est lui
enfin qui tire les enseignements des crises,
en proposant au besoin d’adapter les plans,
directives et organisations », a expliqué la
présidente de la commission, Françoise
Dumas, selon le compte rendu publié
jeudi par l’Assemblée.
Précise et prudente, Claire Landais a
répondu aux questions des élus sur la
Claire Landais, secrétaire générale
de la Défense et de la Sécurité nationale :
« La crise nous rendra peut-être plus
audibles ». MARC CHAUMEIL
préparation des services de l’État face à la
crise. Le SGDSN est notamment respon-
sable de la rédaction du plan de préven-
tion et de lutte contre une pandémie
grippale, dont la dernière version date de
2011, qui a fourni les bases de la réponse
gouvernementale au coronavirus. La
haut fonctionnaire, en poste depuis
mars 2018, a admis qu’il pouvait être
« troublant » que ce plan n’ait pas été ac-
tualisé récemment. « D’autres menaces,
dont les menaces bactériennes et non vira-
les, ont accaparé l’attention », a-t-elle
reconnu. « S’agissant d’un plan concer-
nant une pandémie de grippe, il tablait sur
la découverte à brève échéance d’un vaccin
et n’était donc pas directement applicable
au Covid-19, qui est un virus distinct. Mais
il a inspiré notre réflexion au début de la
crise, dans sa version non sanitaire notam-
ment », a expliqué Claire Landais.
La haut fonctionnaire a réfuté tout re-
tard dans la réaction des autorités mais
elle a admis une faiblesse dans l’anticipa-
tion. Le SGDSN « n’est pas chargé de la
détection et de l’analyse des signaux faibles
d’un risque sanitaire montant et n’en a
d’ailleurs pas les moyens », a-t-elle noté.
« Le SGDSN ne joue pas un rôle de lanceur
d’alerte en cas de crise car nous n’avons
pas d’outils de détection avancée. Nous re-
cevons les alertes, notamment des services
de renseignement, et nous les transmettons
au reste de l’administration. En revanche,
l’anticipation et la prospective font partie
de notre métier. Mais la capacité de l’État à
faire cet exercice d’anticipation est limitée,
et ce n’est pas forcément une priorité pour
les agents de l’État pris par l’action admi-
nistrative quotidienne. Il n’est pas évident
de leur demander de s’extraire du quoti-
dien pour penser à long terme. Nous ten-
tons de le faire, la crise nous rendra peut-
être plus audibles », a-t-elle souhaité.
La question des masques
La première réaction à la crise est revenue
au ministère de la Santé, a-t-elle rappelé.
Alors que l’alerte a été donnée officielle-
ment par l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) le 7 janvier, ce ministère s’est
mis en mouvement à partir du 10 janvier.
Dès fin janvier, le centre de crise sanitaire
a été activé, a souligné Claire Landais. « Il
n’y a donc pas eu de temps de latence dans
la prise de conscience. » La secrétaire gé-
nérale a toutefois jugé « légitime » la
question de la gestion des stocks de mas-
ques dans les années précédant la crise.
Claire Landais se prépare à tirer des
enseignements de la crise. Il faut « repen-
ser la définition des secteurs concernés par
le dispositif sur les organismes d’intérêts
vitaux (OIV) », a-t-elle noté. La liste
confidentielle des OIV détermine les in-
frastructures essentielles à la nation,
comme des centrales électriques ou des
hôpitaux, méritant une surveillance spé-
cifique. « La grande distribution n’en fait
pas partie, a-t-elle noté, nous mesurons
notre chance qu’elle ait tenu. » Pour la se-
crétaire générale, la crise a aussi souligné
« la dépendance à des outils numériques,
particulièrement dans les secteurs hospita-
liers ». « Le SGDSN fait partie de ceux qui
réfléchissent à la constitution de capacités
propres pour ne pas recourir à des outils
risquant d’être utilisés par des acteurs
étrangers, stratégiques et criminels », a-t-
elle assuré. Au cœur de l’État, la crise du
coronavirus laissera aussi des traces. ■

Des hommages confinés aux soldats morts pour la France

DANS une France encore confinée,
ce sera un vendredi d’hommages.
Le premier aura lieu, comme cha-
que année, pour commémorer la
victoire du 8 mai 1945 contre l’ar-
mée nazie. Le deuxième rendra
honneur à deux soldats « morts
pour la France » au Sahel dans le
cadre de leur mission. Mais l’un
comme l’autre souffrira d’une at-
mosphère plus triste. À distance.
Il n’a jamais été question d’an-
nuler la cérémonie du 8 mai. Mais
le chef de l’État, Emmanuel Ma-
cron, sera presque seul sous l’Arc
de triomphe à Paris. La cérémonie
« sera retransmise en direct, mais
elle se tiendra dans un contexte par-
ticulier, puisqu’il n’y aura pas de
public », a confirmé la ministre des
Armées Florence Parly dans un
entretien à 20 minutes paru cette
semaine. « Par ailleurs, la présence
place de l’Étoile sera limitée au pré-
sident de la République, au premier
sera donc tout à fait singulier. C’est
pourquoi le président de la Républi-
que a demandé à tous nos compa-
triotes qui le souhaitent de s’associer
à cette commémoration en pavoi-
sant leurs balcons aux couleurs na-
tionales », a-t-elle poursuivi. Dans
l’ensemble des départements, des
cérémonies devant les monuments
aux morts seront organisées dans
un format tout aussi restreint.
« Pas lieu de polémiquer »
Pour les associations d’anciens
combattants, les restrictions po-
sées aux cérémonies sont doulou-
reuses. 75 ans après la fin de la Se-
conde Guerre mondiale, les
derniers témoins du conflit se font
malheureusement de plus en plus
rares et chaque hommage qui leur
est rendu se voudrait plus appuyé.
Mais la décision gouvernementale
est globalement acceptée. « Par
sagesse, il faut éviter ces rassem-
n’y a pas lieu de polémiquer, l’aspect
mémoriel doit s’effacer devant l’as-
pect santé publique », a déclaré à
l’AFP Dominique Lépine, prési-
dent de l’Union française des asso-
ciations de combattants et victi-
mes de guerre (UFAC). D’autres
associations, comme le Comité pa-
risien de la Libération, ont invité
Le ravivage de la flamme
par Emmanuel Macron
aura bien lieu ce vendredi
à l’Arc de triomphe,
à Paris, mais dans
un format restreint
et sans public.
LAURE BOYER
les Français à un geste symbolique.
Mais certains ne comprennent pas.
Dans une lettre ouverte, le député
LR Philippe Gosselin a regretté
l’annulation des cérémonies publi-
ques. Il est « inconcevable » qu’on
puisse « acheter des croquettes
pour nourrir ses chiens ou chats »
mais « pas honorer ses morts » le
8 mai.
D’autres morts seront honorés.
Jeudi, en fin de journée, un cortè-
ge funéraire a traversé, à Paris, le
pont Alexandre-III pour un hom-
mage « populaire » au brigadier-
chef Dmytro Martynyouk et au
brigadier Kevin Clément. Le mot
sonne étrangement dans le com-
muniqué des armées. Alors que la
foule se rassemble souvent pour
dire adieu aux corps des soldats
qui rejoignent les Invalides, de
l’autre côté de la Seine, la route
devait être vide cette fois.
Les deux hommes appartenaient
l’opération « Barkhane ». Ven-
dredi Florence Parly présidera un
« hommage national » en leur
honneur « dans la plus stricte inti-
mité familiale, avec un détachement
symbolique des camarades de ces
deux légionnaires » sur le camp de
Carpiagne dans les Bouches-du-
Rhône. Dmytro Martynyouk, 28
ans, a été victime d’un engin ex-
plosif improvisé le 23 avril lors
d’une mission dans la région du
Liptako malien. Bien qu’il ait pu
être évacué, il a succombé à ses
blessures le 1er mai.
Le légionnaire de première clas-
se Kevin Clément, 22 ans, est décé-
dé le 4 mai dans la même zone lors
d’une action de combat contre un
groupe terroriste. À leur mort
s’ajoutent celles de l’infirmier de
soins généraux Quentin Le Dillau
et du sergent Pierre Pougin, décé-
dés lors d’un entraînement. Un
hommage militaire leur a aussi été
A

ministre, à quelques personnalités et blements. Le 8 Mai, ce sont des per- au 1er régiment étranger de cavale- rendu le 6 mai. ■
hautes autorités militaires. Ce 8 Mai sonnes âgées qui se rassemblent. Il rie, engagé au Mali dans le cadre de N.B.
 vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO
10 L'ÉVÉNEMENT
La recherche clinique malmenée
par des annonces prématurées
Sans preuves, l’AP-HP a annoncé des résultats présentés comme très positifs. Une pratique très contestée.
SOLINE ROY £@so_sroy
UNE COMMUNICATION « malhabi-
le », admettent bien volontiers les
chercheurs impliqués. Une guerre
d’ego « pathétique », glissent
d’autres, extérieurs à l’étude. Que
s’est-il réellement passé autour de
l’essai mené par l’Assistance publi-
que - Hôpitaux de Paris (AP-HP)
sur le tocilizumab, cet anticorps
monoclonal censé s’opposer à la
« tempête immunitaire » en jeu
dans les cas sévères de pneumonies
liées au Covid-19 ?
Retour en arrière. Le 27 avril der-
nier, l’AP-HP organise une confé-
rence de presse en début d’après-
midi, en compagnie de Martin
Hirsch, son directeur général, et de
l’ensemble des investigateurs de
l’essai. Le tocilizumab, nous pro-
met-on, « améliore significative-
ment le pronostic des patients avec
pneumonie Covid moyenne ou sévè-
re ». Des résultats, rien, absolument
rien ne sera divulgué. Les promo-
teurs de l’essai indiquent qu’ils se-
ront « soumis pour publication dans
un journal à comité de lecture », doi-
vent être « confirmés de manière in-
dépendante par des essais supplé-
mentaires », mais que « les
investigateurs se sont sentis obligés,
d’un point de vue éthique, de com-
muniquer ces informations ».
Difficile d’en savoir beaucoup
plus sur ces justifications éthiques.
Le tocilizumab n’est pas un nou-
veau venu, et l’on peut supposer
que les médecins hospitaliers sus-
ceptibles de le délivrer à leurs pa-
L’AP-HP a déclenché
une polémique
en annoncant, le 27 avril,
que le tocilizumab,
utilisé dans le traitement
de la polyarthrite
rhumatoïde améliorait
« significativement
le pronostic des patients
avec pneumonie Covid
moyenne ou sévère ».
PASCAL ROSSIGNOL/REUTERS
« Communiquer trop tôt, c’est prendre le risque de donner de faux espoirs »
PROPOS RECUEILLIS PAR
TRISTAN VEY £@veytristan
Dominique Costagliola est direc-
trice adjointe de l’Institut Pierre-
Louis d’épidémiologie et de santé
publique, à Paris.
LE FIGARO. - Que penser de la
communication scientifique
sur les traitements contre le Covid-
19 en ce moment ?
Dominique COSTAGLIOLA. -
Nous sommes dans une situation
proche du délire par moments.
Nous avons beaucoup entendu qu’il
fallait communiquer très rapide-
ment parce que nous étions en pé-
riode de crise. Je pense que c’est
tout à fait idiot. C’est au contraire
parce que nous sommes dans un
A
contexte comme celui-ci qu’il ne
faut surtout pas communiquer à
tients Covid, ne se laisseront pas
convaincre par une promesse sans
résultats, même partiels.
Second acte, une semaine plus
tard : Le Canard enchaîné révèle que
le conseil de surveillance de l’essai a
exprimé, le soir même de la com-
munication de l’AP-HP, son mé-
contentement. « Nous souhaitons
partager notre profonde réserve sur
les résultats communiqués ainsi que
notre inquiétude quant au fonction-
nement de la recherche sur cet es-
sai », auraient écrit dans un mail à
Martin Hirsch les membres du Co-
mité de surveillance et de suivi des
données (DSMB, pour Data Safety
Monitoring Board). Groupe d’ex-
perts nommés par le promoteur
d’un essai clinique, mais indépen-
dant de celui-ci, le DSMB a une
L’essai Discovery n’a pas de succès hors de France
Fin mars, l’essai clinique
européen Discovery
était présenté par le
gouvernement français
comme la réponse la plus
sérieuse possible de la
recherche scientifique après
les affirmations trop rapides
du Pr Didier Raoult sur la
chloroquine. L’essai, mené par
la France, devait porter sur
3 200 malades dans plusieurs
pays européens. Plus d’un
mois après son lancement,
l’essai est surtout franco-
français et peine à recruter
moins de disposer de données très
solides. On prend sinon le risque de
donner de faux espoirs aux gens. Ce
n’est pas seulement anti-éthique,
c’est cruel.
Que ce soit sur le remdesivir, l’hy-
droxychloroquine ou le tocilizu-
mab, les précautions d’usage n’ont
pas été respectées. Dans le premier
cas, c’est un laboratoire aux prati-
ques de lobbying agressives dans
un contexte géopolitique parti-
culier (un médicament américain
une année électorale aux États-
Unis…) ; dans le deuxième, les in-
tuitions « géniales » d’un profes-
seur ne reposant sur aucune
donnée ; et dans le troisième, un
défaut de gouvernance dans la ges-
tion de l’essai par l’AP-HP qui a
conduit les investigateurs, qui se
rêvaient peut-être déjà en sauveurs
du monde, à communiquer de ma-
nière prématurée.
740
malades
essentiellement
en France, participent
à ce jour, à l’essai
clinique européen
Discovery portant
sur l’efficacité
de la chloroquine
suffisamment de malades. Le
6 mai, il y avait 740 patients
participant dans 30 hôpitaux,
dont un seul se situe hors
de France, au Luxembourg.
Initialement, le Royaume-Uni,
l’Allemagne, l’Espagne
ou encore la Belgique
souhaitaient également
participer à l’étude, mais ne
l’ont pas fait pour des raisons
diverses. Le Royaume-Uni
a interdit à ses hôpitaux d’y
participer, les réservant
aux quelques essais sur
le Covid-19 autorisés dans
Je pense
que le
problème
n’est pas
la rapidité
en soi, mais
l’absence de
coordination »
DOMINIQUE COSTAGLIOLA
mission essentielle (bien que légale-
ment optionnelle) : il analyse au fil
de l’étude les données obtenues et
doit s’assurer que la sécurité des pa-
tients est garantie. Il peut ainsi dé-
tecter très rapidement si le médica-
ment testé est dangereux, ou au
contraire tellement efficace qu’il ne
serait plus éthique de donner un
placebo à certains participants. En
théorie, le DSMB est le seul à dispo-
ser des données tant que l’essai
n’est pas achevé ; ceci pour éviter
que les investigateurs, naturelle-
ment tentés de « croire » à l’effica-
cité du médicament qu’ils testent,
ne soient enclins à favoriser malgré
eux l’émergence de résultats posi-
tifs. « Nous avons eu accès aux don-
nées évoquées en conférence de pres-
se le 27 avril », indique pourtant l’un
l’ensemble du pays.
L’infectiologue Florence Ader,
de l’hôpital de la Croix-
Rousse (Hospices civils de
Lyon), qui supervise l’essai
Discovery, a expliqué devant
une commission du Sénat
que l’essai se heurtait à « des
difficultés réglementaires »
dans certains pays. Il semble
par ailleurs que l’essai
Solidarity, organisé par l’OMS,
avec des procédures
simplifiées et des coûts bien
plus réduits, ait rencontré
bien plus de succès.
De nombreux essais sont en cours
dans le monde.
Un site de l’Institut Cochrane re-
cense en effet plus de 1 800 études
dans le monde. Une multiplication
qui est à double tranchant. Rien
qu’en France, il existe une ving-
taine d’essais cliniques sur l’hy-
droxychloroquine quand une ou
deux études bien construites et
bien menées auraient suffi pour
conclure. Cette inflation peut faire
perdre du temps. On l’a vu en
Chine avec de très nombreuses
études sur de petits effectifs, qui se
sont révélées peu concluantes.
Pour quelle raison ?
Il s’agit pour le moment de reposi-
tionnement de molécules (des mé-
dicaments mis au point pour
d’autres maladies à l’origine,
NDLR), on ne peut donc pas s’at-
tendre à une efficacité miraculeuse.
des investigateurs de l’étude. « Le
DSMB n’a pas apprécié et… on peut le
comprendre. » La fuite des résultats
préliminaires de l’étude, qui
auraient été transmis au Haut
Conseil à la santé publique, aurait
fait craindre au promoteur de l’étu-
de que d’autres n’attirent la lumière
en les dévoilant. Une simple affaire
d’ego et de calculs politiques ? « At-
tention, glisse un fin connaisseur du
dossier. Il y a aussi des gens qui veu-
lent la peau des dirigeants de l’AP-
HP, et je crains que cette histoire ne
soit utilisée pour ça… »
Le DSMB de l’essai sur le tocilizu-
mab a présenté sa démission le
30 avril, et l’AP-HP en a aussitôt
nommé un nouveau dont elle a,
cette fois, divulgué la composition.
Un coup de tonnerre qui ne dit rien
de l’éventuelle efficacité du tocili-
zumab. Tous les acteurs de la re-
cherche que nous avons consultés
saluent, d’une même voix, le « sé-
rieux », l’« intégrité » et le « très
haut niveau scientifique » des cher-
cheurs menant l’étude.
Une ambiance électrique
L’Agence du médicament (ANSM)
va, indique l’AP-HP, lancer une
inspection pour « analyser les rai-
sons de la démission du DSMB ».
Toujours est-il que, dans la droite li-
gne de l’affaire Raoult et de l’hy-
droxychloroquine, ce que ces péri-
péties racontent de la façon dont la
recherche clinique est menée n’est
pas très reluisant… « L’épidémie a
fait perdre le sens commun à beau-
coup de scientifiques », lance le
Pr Yves Buisson, spécialiste de mé-
Il faut donc des cohortes importan-
tes de malades pour commencer à
démontrer des effets, au moins
plusieurs centaines de patients. Or
avec le confinement, et c’est une
bonne chose en soi, le nombre de
malades a considérablement dimi-
nué en France. De nombreux essais
qui ont été lancés ne pourront pas
inclure assez de patients et n’arri-
veront peut-être pas à terme.
Comment aurait-il fallu procéder ?
Je pense que le problème n’est pas
la rapidité en soi, mais l’absence de
coordination. Il aurait fallu mutua-
liser les efforts de recherche. Il a
manqué, au niveau français, mais
aussi au niveau mondial, une gou-
vernance forte. L’OMS a bien tenté
de monter un essai global appelé
Solidarity, sur lequel l’Inserm a
tenté d’adosser un essai européen
ambitieux, Discovery, mais cela n’a
decine tropicale et président du
groupe Covid-19 à l’Académie na-
tionale de médecine. Manque de
coordination entre équipes de re-
cherches, querelles d’écoles, guer-
res d’ego, lenteurs administrati-
ves… « J’ai l’impression que le Covid-
19 rend fou !, lâche pour sa part le Pr
François Chast, pharmacien hospi-
talier et président honoraire de
l’Académie nationale de pharmacie.
La recherche clinique doit se faire
dans une ambiance de sérénité, de
clairvoyance, de prudence… et sur-
tout, de modestie. Mais il y a dans le
monde hospitalier une ambiance
électrique, liée notamment au fait
qu’il faut publier, avoir des résultats,
se mettre en avant. » « L’ensemble du
système académique est pourri, souf-
fle un médecin-réanimateur. Les
chercheurs produisent des résultats
de mauvaise qualité pour la gloire et
monter en grade, les journaux pu-
blient pour l’argent, et personne n’a
intérêt à ce que cela s’arrête. De tout
ce que j’ai appris quand j’étais inter-
ne, il ne reste… rien. À cause de la
mauvaise recherche. J’ai passé des
années à tuer des malades. »
« Il ne faut communiquer que si on
a des données solides, assène l’épi-
démiologiste Dominique Costaglio-
la. Sinon on donne de faux espoirs.
C’est cruel, anti-éthique. » « La pré-
cipitation, c’est le contraire de la vi-
tesse, note le Pr Mathieu Molimard,
pharmacologue à l’université de
Bordeaux. Quant au prétexte d’aller
vite, on travaille sans méthode, on ne
peut rien prouver, il faut tout recom-
mencer et au final… on perd du
temps ! » ■
pas bien fonctionné (voir encadré,
NDLR). En France, aucune autorité
n’a vraiment de pouvoir réglemen-
taire pour organiser la recherche
sur les médicaments. L’Agence na-
tionale de sécurité du médicament
et des produits de santé (ANSM) se
contente de regarder si le protocole
est raisonnable et sans danger,
mais elle n’a pas le pouvoir de refu-
ser un essai parce qu’il est le trei-
zième identique ! Le ministère de la
Santé a mis beaucoup d’argent
dans les recherches cliniques, mais
ça a été un peu « open bar ». Il
aurait peut-être fallu qu’une agen-
ce de coordination recueille les
idées et centralise les moyens. Il ne
faut pas non plus tomber dans l’ex-
trême britannique qui a drastique-
ment limité les efforts de recherche
clinique. Comme on ne sait pas ce
qui va marcher, il faut garder de la
souplesse. ■

chez vous
Cuisiner, jardiner,
lire, relire, voir,
revoir, écouter…
un temps
pour se distraire
et se cultiver.
PSYCHOLOGIE
Ces vertus ignorées
que le confinement
a permis de révéler
PAGE 12
VIRGINIA WOOLF
Relire le « Journal intégral »
de la grande dame
de la littérature anglaise,
l’un de ses livres majeurs
PAGE 15
« THE EDDY »
La série produite par Damien
Chazelle, dont il réalise
deux épisodes, débarque
sur Netflix
PAGE 16
QUELQUES
GRAMMES D’OR
EN GUISE
DE RÉCONFORT
PAGE 13
Photo prise en avril
par Shushanik Nersersyan
à Erevan, en Arménie.
Au loin, le mont Ararat,
en Turquie.
DANS LA VIE QUI M’ATTEND, J’IRAI VOIR LA MER. JE LUI DIRAI
TOUT LE BIEN QUE JE PENSE DE SES VAGUES
■ Y-a-t-il une vie après l’éternité ?
J’ignorais, avant de l’éprouver, que
l’éternité justement changeait de par-
fum au gré des jours, des heures ou des
minutes.
Je ne savais pas comme le désir im-
médiatement satisfait, avant l’avène-
ment de cette éternité nouvelle et heu-
reusement éphémère, était bon.
Mais aujourd’hui je sais qu’il est en-
core meilleur, ce désir, quand est diffé-
rée sa réalisation.
Alors je rêve de ce qu’avant j’avais à
portée de main et que demain, un jour
prochain, à nouveau je vivrai.
Traverser le pont de Grenelle en cou-
rant parce que je ne veux pas rater les
bandes-annonces et me précipiter dans
une salle de cinéma. La lumière baisse,
promesse de plaisir, le film commence.
Je ris, je suis émue, je pleure peut-être.
En écrivant, je me souviens de La Belle
Époque, chef-d’œuvre de Nicolas Be-
dos, dont la seule évocation du titre me
tirerait des larmes de bonheur.
À la sortie de la séance, chamboulée
autant qu’heureuse, ma fille, Salomé,
m’a demandé : « Et toi maman, c’était
quand ta belle époque ? » J’ai bredouillé
en reniflant, et j’ai noyé le poisson en
lui proposant d’aller boire un verre, de
jus d’orange pour elle, de vin blanc
pour moi.
Aujourd’hui, si elle me posait à nou-
veau la question, forte de ce confine-
CES ÉTONNANTS CLICHÉS
DE CONFINÉS
ment récent, je lui répondrais : « C’est
la semaine prochaine, ou celle d’après. »
Nos belles époques sont à venir. C’est
ce que je retiendrai de ces semaines
passées à rejouer en pensées ou en rê-
ves, les scènes banales d’une vie quoti-
dienne dont j’ignorais la douceur.
Je n’irai plus jamais au théâtre le di-
manche après-midi avec la
désinvolture d’avant, LA JOURNÉE
avant l’interruption. Je me
ferai belle, comme pour un DE
rendez-vous galant. Bou- Anne
levard ou tragédie, opéra
ou opérette, de la sœur
Goscinny
Angélique de Saint-Jean,
de Montherlant, à une Pa-
pagena de Mozart, coquine
et déjantée, j’incarnerai
tous les personnages, gou-
lûment, fatiguée de n’avoir
été que moi pendant cette
éternité.
J’aurai peut-être même
l’impression qu’on ne joue
que pour moi, qu’on ne chante que
pour me signifier que l’air est libre à
nouveau.
Après un théâtre, un cinéma, un
concert, je ne refuserai plus jamais
d’aller dîner. Plus jamais je ne dirai :
« Allez-y sans moi, je suis fatiguée. »
Plus personne n’ira nulle part sans moi,
à l’exception hélas de mes enfants qui
me supportent depuis bientôt huit se-
PAGE 14
maines et comptent les heures qui leur
rendront une autonomie dont, pour
mon plus grand bonheur, la pandémie
les a privés. Leurs disputes me man-
queront, je regretterai les cheveux trop
longs de Simon tout en l’encourageant à
se précipiter chez le coiffeur au premier
jour d’une liberté retrouvée, paradoxe
de mère.
Je ne savais pas, quand
j’allais écouter chanter
Anne Sylvestre, qu’au plai-
sir intime de l’entendre,
s’ajoutait le bonheur col-
lectif de partager avec la
salle entière, des textes,
des mélodies pour lesquels
nous vibrions ensemble.
J’étais une, nous serons
tous.
Dans la vie d’après,
après l’éternité, les librai-
ries seront ouvertes. Au
hasard d’une promenade,
parce que les promenades
auront retrouvé le hasard, j’entrerai
dans l’une d’elles. Avec des gants, ne
faut-il pas toujours en prendre quand
on s’adresse aux écrivains, je lirai les
quatrièmes de couverture et je ferai
confiance à mon instinct que j’ai tenu
confiné ces cinquante dernières an-
nées. En sortant de la librairie, je télé-
phonerai à une amie. On se donnera
rendez-vous dans un square, car ils se-
LE FIGARO vendredi 8 mai 2020
Atelier Paulin
ATELIER PAULIN ; FACEBOOK, FRANÇOIS BOUCHON/LE FIGARO
ront eux aussi libérés, ou dans un bis-
tro, et nous referons le monde. Je lui di-
rai : « Voilà huit semaines que nous
parlons de l’essentiel sans se voir, n’est-
il pas temps de parler de rien en se regar-
dant ? »
Et puis bien sûr, sous mon masque,
qu’elles ne s’inquiètent pas, je lécherai
les vitrines des magasins de vêtements.
Et moi qui n’ai toujours vécu qu’en jean
et en baskets, je sauterai peut-être le
pas. J’achèterai mes premiers escar-
pins. Je me donnerai un genre. Je serai
celle que je ne connais pas encore.
Dans la vie qui m’attend, en talons
donc, j’irai voir la mer. Je lui dirai com-
me elle m’a manqué et tout le bien que
je pense de ses vagues, de ses humeurs,
de ses marées.
Après l’éternité, je perdrai mon
temps mais jamais je ne cesserai de
veiller sur les personnages dont je par-
tage avec d’autres la responsabilité.
L’un d’entre eux vient de perdre le der-
nier de ses créateurs. Je m’emploierai à
sécher ses larmes. Je lui parlerai de ce
nuage qui ressemble à s’y méprendre à
une bulle de bande dessinée, sur lequel
sont assis désormais deux humoristes,
heureux de s’être enfin retrouvés. Et si
après la vie, il y avait l’éternité ? ■
Anne Goscinny est écrivain.
Dernier livre paru : Le Monde de Lucrèce, tome 3,
A
mars 2019, en collaboration avec Catel,
Gallimard Jeunesse.
 vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO
12 LE FIGARO CHEZ VOUS
TOLÉRANCE, PATIENCE…
CES QUALITÉS
DÉCOUVERTES GRÂCE
AU CONFINEMENT
ZINKEVYCH - STOCK.ADOBE.COM
AURORE AIMELET
U
ne révélation ! Voilà ce
qu’aura été pour certains
le confinement. À l’an-
nonce fatidique du
16 mars, ils étaient pour-
tant assez abattus. Clarisse, plutôt in-
dépendante, n’imaginait pas, une se-
conde, supporter la vie en
communauté dans sa petite maison
d’Aubervilliers. Huit semaines plus
tard, avec mari et enfants, elle avoue
s’être habituée. Laurent, qui ne tient
pas en place d’habitude, pensait, lui,
« péter les plombs dans un deux-pièces
sans soleil ». Mais non ! Ce passionné
d’escalade a beaucoup apprécié les
heures passées, statique, auprès de sa
compagne et de leur fils de 6 mois.
Mais alors… Avons-nous changé ?
« Non, répond le psychiatre Frédéric
Fanget, auteur d’Oser, thérapie de la
confiance en soi (Odile Jacob). Nous
avons simplement découvert une partie
de nous-mêmes que nous n’explorons
pas habituellement. Nous possédons
tous de nombreuses compétences
- émotionnelles, cognitives ou compor-
tementales - que nous n’utilisons pas
dans un contexte normal. Au quotidien,
parce que nous n’en avons pas besoin,
elles sommeillent ; mais en cas de crise,
elles se réveillent et nous révèlent à
nous-mêmes. »
Ce que nous découvrons de sympa-
thique en nous, nous le repérons aussi
chez les autres. Tout à coup, la sensi-
bilité d’un enfant saute aux yeux.
L’organisation sans faille d’un
conjoint épate. Le sens de l’humour
d’un parent réapparaît. Et ces bonnes
surprises ne s’arrêtent pas à nos qua-
tre murs. Julia n’en revient pas de
l’élan de générosité et de solidarité de
ses voisins, cloîtrés dans une résiden-
ce parisienne d’un millier de person-
nes. Émilie non plus n’avait pas re-
marqué « la douceur et la bienveillance
de (sa) N+1, habituellement froide et
réservée ». Ces qualités, visibles par
écrans interposés, s’affichaient moins
au bureau, 35 heures par semaine.
Qu’est-ce qui nous prend ? « La
survenue d’un événement intense, bru-
tal, imprévu, remettant en cause nos
besoins les plus fondamentaux, et
même notre existence, nous impose une
adaptation rapide et efficace, explique
Frédéric Fanget. Nous ne pouvons plus
compter sur notre lobe frontal, la partie
de notre cerveau qui organise nos ac-
tions, les planifie, réfléchit sur le long
terme. Dans l’urgence, parce que nous
devons nous adapter à la situation,
A
nous faisons appel à notre cerveau
émotionnel, primaire et archaïque.
PARMI NOUS,
Nous réagissons comme l’homme des
cavernes, qui ne dormait pas pour sur-
NOMBREUX SONT CEUX
veiller son feu, un élément vital pour
lui. » Si nous n’avons pas fondamen-
talement changé, notre cerveau, lui,
QUI ONT SUPPORTÉ est passé en mode « alerte ».
Et nous voilà à donner le meilleur
CE HUIS CLOS de nous-mêmes… ou le pire. Ou plu-
tôt, le moins glorieux. Stéphane avoue
AVEC DES CAPACITÉS avoir mal vécu l’attitude de son frère :
« Il est parti sans se retourner dans sa
ÉMOTIONNELLES,
maison de campagne ! Et depuis, plus
de nouvelles… » Catherine est restée
stupéfaite quand certains de ses pro-
COGNITIVES OU ches ont « viré complotistes » sur les
réseaux sociaux : « Une très bonne
COMPORTEMENTALES amie, pourtant saine d’esprit, m’a en-
voyé une vidéo hallucinante : selon elle,
QU’ILS N’IMAGINAIENT les gouvernements profitent de l’épidé-
mie pour vendre des vaccins et implan-
PAS. ET SI NOUS ter je ne sais quel produit de traçage. »
Pratique, cela dit, de voir la paille
CULTIVIONS CES BONS
dans l’œil du voisin. Avouons que
nous nous sommes surpris à faire le
plein de pâtes et de papier toilette !
CÔTÉS ? Comme si nos zones d’ombre
avaient pris un coup de projecteur…
« Pas facile de composer avec ses
peurs, quand, du jour au lendemain, on
se retrouve seul face à soi-même, re-
«
Dans l’urgence, parce que nous devons tuelles.
nous adapter à la situation, nous faisons les difficultés que
appel à notre cerveau émotionnel,
primaire et archaïque
FRÉDÉRIC FANGET, PSYCHIATRE
» tendance à dissi-
marque Pierre-Marie Lledo, neuro-
biologiste et directeur de recherche
au CNRS et à l’Institut Pasteur, auteur
de Le Cerveau, la Machine et l’Humain
(Odile Jacob). On ne peut plus fuir à
l’extérieur pour vaquer à ses occupa-
tions, ni compenser par le travail, le
sport, la fête. » Privé de ses palliatifs
habituels, chacun est contraint de
faire avec ses qualités et ses défauts.
« Ce changement brutal a un effet ca-
talyseur. On peut évidemment déve-
lopper des capacités de résilience, et
mobiliser des ressources insoupçonnées.
Mais deux facteurs sont alors essen-
tiels : le premier est d’être en lien, sou- sans doute l’ennemi numéro un de la
tenu, au contact des autres ; le second
est la capacité à se réinventer, à trouver rie Lledo, rappelant que « lorsque les
d’autres façons de penser, d’éprouver,
de se comporter en dehors de ses auto-
matismes. » Quand on est isolé ou vul-
nérable, quelles qu’en soient les rai-
sons, la résilience, c’est compliqué.
Mieux vaut donc éviter de juger sé-
vèrement ces réactions de défense.
D’autant que nos prises de
conscience sont parfois allées loin.
Depuis que nous nous sommes décou-
vert une nouvelle passion pour la cui-
FAUT-IL
sine ou les puzzles, nous réfléchissons
sérieusement… au sens de l’existence.
Obnubilés par nos emplois du temps
surchargés, nous n’avions guère
TESTER SA
l’idée de prendre du recul. Les yeux PERSONNALITÉ ?
désormais rivés sur nos fourneaux ou
sur un 5 000 pièces, nous réalisons,
philosophes, que certains choix de vie
ne sont pas les bons. « Je vais retour-
Gratuits ou non, ludiques ou
apparemment sérieux, des tests
ner au bureau, raconte Sophie (1),
mais il faut très vite que je change de
de personnalité sont accessibles
en quelques clics. Tentant,
voie. Mon métier ne sert à rien… Je tra-
d’en savoir plus sur soi. Utile ?
vaille dans la pub. » Quand certains
pensent à une reconversion profes- Pas toujours. Les psys mettent
sionnelle, d’autres envisagent un dé-
ménagement. Voire un divorce.
en garde : aucun questionnaire
ne peut définir un individu,
Alors, que faire ? Pour Frédéric Fan-
get, inutile de s’emballer. « Il est préfé-
car il y répondra volontiers en
fonction de la personne qu’il
rable d’attendre avant de prendre de
grandes décisions et d’amorcer un chan-
aimerait être - on n’est jamais
mieux servi que par soi-même !
gement de vie personnelle ou profession-
nelle. Le temps de la crise est le temps où
Le célèbre psychanalyste
Carl Gustav Jung, qui a mis
il est utile de poser les problèmes ; mais il
est précipité de les résoudre. » Avant de en évidence huit types de
donner notre démission, d’appeler un personnalité humaine dès le
avocat ou de faire le tri parmi nos amis,
notre cerveau doit pouvoir se rebran-
siècle dernier, invitait lui aussi
au recul : on n’est jamais soit
cher sur le circuit normal. Cependant, l’une, soit l’autre ; mais l’une
le psychiatre rappelle qu’il « est très ou l’autre, en fonction des
important d’écouter nos prises de
conscience ac-
circonstances ; voire un peu
des deux. C’est finalement pour
Il s’agit
de reconnaître ceux qui les vendent que ces
tests sont le plus rentables.
le quotidien a Le Myers-Briggs Type Indicator
muler ; mais
aussi d’accueillir
(MBTI), un classique apprécié
des salariés, rapporte à la
compagnie dépositaire de la
toutes ces com-
pétences, ces désirs, que la crise a révé- marque 20 millions de dollars
lés, en soi ou chez l’autre. » par an, d’après le Washington
Et si nous cultivions ces bons côtés Post. Pour apprendre à se
aujourd’hui flagrants ? Parce que connaître, il est peut-être
l’urgence de la situation a permis de plus simple de se connecter
lever certaines de nos inhibitions, à soi-même.
nous avons osé faire preuve de cou-
rage, de tolérance, d’amour, de pa-
tience, sans craindre le jugement. Or
ces aptitudes pourraient bien nous
servir, à l’heure d’un autre boulever-
sement de taille : le déconfinement.
Cependant, on l’aura compris, l’in-
connu, c’est difficile, mais construc-
tif pour le cerveau ! « La routine est
neurogenèse », confirme Pierre-Ma-
souris sont en présence d’autres
congénères et dans un environnement
variable, leur cerveau est quatre fois
plus riche en nouveaux neurones que
celles isolées dans un environnement
pauvre ! » Le déconfinement ? Une
occasion de révéler au grand jour ces
ressources que nous ne soupçonnions
pas avant le 16 mars. Et d’en déve-
lopper d’autres. ■
(1) Le prénom a été modifié

Les bijoux à forte charge
affective exprimant le lien
et les sentiments, comme
ce bracelet Menottes de Dinh Van
ou la ligne Bee My Love de Chaumet,
ont remporté les suffrages
ces dernières semaines.
DITES-LE AVEC DE L’OR
ÉLODIE BAËRD ebaerd@lefigaro.fr
P
our pallier l’éloignement,
conjurer la morosité du
confinement et, surtout,
continuer à fêter dignement
les événements importants,
la force symbolique du bijou se révèle
un bon remède. « Au début, nous
étions sceptiques, surtout quand nous
avons vu des sites de référence tel Net-
A-Porter décider de suspendre leur ac-
tivité, se souvient Stéphanie Roger,
fondatrice du multimarque de bijoux
White Bird, qui dispose de trois bouti-
ques à Paris. Nous avons quand même
maintenu nos livraisons. Les deux der-
nières semaines de mars ont été calmes,
mais à notre grande surprise les com-
mandes sont reparties fortement tout
au long d’avril, notamment grâce aux
cadeaux. Les occasions, comme les an-
niversaires et les naissances , ne se sont
pas arrêtées, et nous avons même eu
l’impression que les gens avaient encore
plus besoin de célébrer ! »
Même constat chez Dinh Van, qui se
réjouit d’« un trafic sur le site web ayant
doublé, et d’un chiffre d’affaires digital
ayant quadruplé dans cette période si
particulière ». Messika, de son côté, an-
nonce avoir multiplié ses e-ventes en
avril par 2,5 par rapport à l’an passé. La
jeune marque parisienne Atelier Paulin a
enregistré une hausse de 300 %, l’ensei-
gne White Bird a doublé ses objectifs le
mois dernier…
LE BOLINHO DE CHUVA DE TABATA MEY
• LA RECETTE DU CHEF • CHAQUE JOUR, UN GRAND CUISINIER OU PÂTISSIER NOUS CONFIE LES SECRETS D’UN PLAT RÉCONFORTANT.
ALICE BOSIO £@alicebosio
L
e bolinho de chuva est une re-
«
cette traditionnelle du Brésil.
Chaque famille a la sienne.
Moi-même, j’en ai imaginé
trois ou quatre, inspirées de
celle de ma grand-mère à Rio de Ja-
neiro. Son nom - littéralement “beignet
de pluie”- a deux origines : lorsque l’on
plonge la pâte dans l’huile, elle for-
me des gouttelettes semblables à
de la pluie, et c’est aussi un en-cas
parfait pour occuper les enfants lors
des après-midi pluvieux. J’en ai
préparé ces jours-ci avec de
la banane et mon fils de
3 ans et demi les a dévorés…
Pour réaliser la confiture de
lait, placez la boîte de lait concentré
sucré encore fermée dans une Co-
cotte-Minute, mouillez à hauteur et
laissez cuire, après démarrage du sif-
flement de la soupape, pendant 50 mi-
nutes, tout doucement. Veillez à laisser
refroidir complètement la boîte avant de
l’ouvrir sous peine de grosses brûlures
(idéalement, une nuit entière au réfrigé-
rateur). Pour la pâte à beignet, mélangez
tous les ingrédients : farine, levure, sel,
POUR COMBLER L’ABSENCE
ET CÉLÉBRER PETITS
ET GRANDS ÉVÉNEMENTS
DE LA VIE, LES FRANÇAIS
CONTINUENT D’OFFRIR
DES BIJOUX. COMME
EN TÉMOIGNE LE BOOM
DES VENTES EN LIGNE
DE JOAILLERIE.
SPÉCULATION SUR LE MÉTAL JAUNE
La crise sanitaire et économique
mondiale a profité à l’or, qui brille plus
que jamais par son statut de valeur
refuge. Ainsi, le cours du métal jaune
évolue au-dessus des 1 700 dollars
l’once depuis le mois d’avril.
Hormis une brève incursion en mars,
ce seuil n’avait pas été franchi
depuis la fin de l’année 2012.
Des grandes maisons aux jeunes créa-
teurs, en passant par les multimarques,
tous ont observé un engouement de la
clientèle française pour l’achat de bijoux
en ligne. Il est vrai que la distance peut
accroître le plaisir d’offrir (et de rece-
voir) quelques grammes d’or à un être
cher, en cette période si particulière que
personne n’est près d’oublier ?
L’assurance d’un objet pérenne
Les réseaux sociaux, sur lesquels les
reclus forcés passent plus de temps
qu’habituellement, n’y sont pas pour
rien, attisant l’envie et tirant les visi-
teurs vers les e-shop. Les marques
l’ont vite senti et soigné leur commu-
nication digitale autour de leurs pro-
duits, leur histoire, et parfois aussi
leur engagement solidaire dans la cri-
se. « Nous avons gagné une clientèle
plus large et variée grâce à Instagram
Pourtant, la demande provenant
de l’industrie joaillière a fortement
diminué ces dernières semaines,
jusqu’à atteindre son niveau le plus
bas en 13 ans, selon un rapport
du Conseil mondial de l’or (CMO),
publié il y a une semaine. « Ce n’est
pas une surprise compte tenu du
contexte en Asie, habituellement
sucre et œuf. Ajoutez progressivement
le lait jusqu’à obtenir une pâte homogè-
ne et mousseuse. Laissez reposer 5 mi-
nutes avant de frire. Chauffez l’huile en-
tre 150 et 160 °C. À l’aide de deux
cuillères, prenez un peu de pâte et fai-
tes-la glisser dans l’huile. Quand les bei-
gnets sont cuits, sortez-les. Saupoudrez
de sucre glace mélangé à de la cannelle.
Trempez les beignets dans la confiture
de lait et régalez-vous !
À l’heure du goûter
Attention à façonner des beignets de
petite taille (environ 3 cm après cuis-
son) : s’ils sont trop gros, l’intérieur ne
cuira pas. Et à bien respecter la tempé-
rature de l’huile : si elle est trop chaude,
le beignet va colorer trop vite et ne sera
pas non plus cuit à l’intérieur. Si vous
n’avez pas de friteuse, vous pouvez uti-
liser une poêle, mais veillez à mettre
suffisamment d’huile pour recouvrir les
■ INGRÉDIENTS pour environ 45 beignets :
160 g farine de blé, 8 g de levure chimique,
11 cl de lait, 1 pincée de sel fin,
90 g de sucre, 1 œuf, sucre glace,
cannelle, 1 L d’huile de friture, 1 boîte
de lait concentré sucré. LUDOVIC MEY
LE FIGARO CHEZ VOUS
et Facebook », confirme Anne-Sophie
Baillet, fondatrice de la marque Ate-
lier Paulin, dont le concept est d’écri-
re des mots (prénoms, messages,
chiffres…) au fil d’or.
Si les conditions commerciales ont
été adaptées aux circonstances (offrant
souvent les frais de livraison et allon-
geant les délais de retour), les achats
restent peu ou prou les mêmes que
d’ordinaire. Ainsi, le roi du clic sur les
e-shops de joaillerie demeure le brace-
let. « C’est une catégorie très populaire,
facile. À la différence des bagues, pour
lesquelles il faut décider d’une taille et
être certain que la forme choisie corres-
ponde à la morphologie, les bracelets
vont à tout le monde », explique-t-on
chez Dinh Van.
Les bijoux symboliques, exprimant
le lien à l’autre, et les valeurs sûres des
grandes marques raflent la mise, avec
très porteur sur ce secteur »,
souligne le porte-parole du CMO,
John Mulligan. La demande de joaillerie
en Chine, berceau de la pandémie,
plonge nettement (-65 %),
tout comme celle en Inde (-41 %),
or ces deux pays représentent
historiquement la moitié de
ce segment de marché. É. B. (AVEC AFP)
bolinhos. Au Brésil, on essore les bei-
gnets dans du papier absorbant avant
de les enrober encore chauds dans un
bol de sucre et de cannelle. Le résultat
est trop sucré pour moi, d’autant qu’on
trempe les beignets dans la confiture de
lait. Contrairement à la tradition, je
suggère de seulement les saupoudrer. Si
vous n’aimez pas la cannelle, mettez
une autre épice - curry doux, cardamo-
me noire, un peu de piment sec -, de la
noix de coco ou simplement du sucre.
La pâte est assez neutre et s’adaptera à
vos goûts ! Vous pouvez y mélanger de
petits morceaux de bananes mûres, de
pomme ou de chocolat avant la friture.
Si vous n’êtes pas à l’aise avec la Cocot-
te-Minute, il est bien sûr possible de
cuire le lait concentré dans une casse-
role classique à feu très doux en mélan-
geant régulièrement avec une maryse,
mais ce sera plus long (environ 2 h 30
jusqu’à obtenir la couleur et la consis-
tance voulues). Vous pouvez aussi rem-
placer la confiture de lait par un froma-
ge blanc nature (dans ce cas enrobez
bien de sucre et cannelle). Au Brésil, on
mange les bolinhos à l’heure du goûter,
autour d’un café pour les adultes et
d’une limonade ou d’un maté léger
pour les enfants. » ■
LE FIGARO vendredi 8 mai 2020
13
DINH VAN , CHAUMET
une palme aux pièces personnalisa-
bles. L’été approchant, les pierres de
couleur et l’or rose connaissent égale-
ment, comme souvent à cette saison,
un regain d’intérêt. Et même si cer-
tains affirment avoir vendu des ba-
gues de fiançailles serties de beaux
diamants, le panier moyen reste rai-
sonnable. « L’envie de se rassurer,
d’acheter un objet pérenne, est particu-
lièrement perceptible dans les achats
des dernières semaines », résume-t-on
chez Chaumet, qui, à l’instar de ses
concurrents de la place Vendôme, est
agréablement surpris par l’actuelle vi-
talité de ses ventes en ligne.
Les joailliers préparent désormais la
phase du déconfinement. Désertée
depuis huit semaines par les voitures
et les piétons, la célèbre place pari-
sienne va retrouver un peu de son
animation lundi prochain. Ses occu-
pants s’apprêtent à réinstaller leurs
bijoux en vitrines et à relever leurs ri-
deaux de fer avec toutes les précau-
tions nécessaires. Gel hydroalcoolique
et masques ont été prévus pour les
équipes comme pour les clients. « Les
mesures sanitaires sont évidemment
intégrées à la cérémonie de vente et les
règles de distanciation simples à mettre
en place, nos magasins étant pour la
plupart assez spacieux, rassure ainsi
Jean-Marc Mansvelt, président de
Chaumet. La différence sera que, pour
présenter nos créations, des gants à
usage unique remplaceront temporai-
rement nos gants en soie ! » ■
ZOOM
MÉDAILLE DU MÉRITE
La Monnaie de Paris, qui s’y
connaît en symboles, réussit là
un tour de force dans le genre.
« Merci », sa nouvelle médaille,
est gravée en son centre d’une
soignante, d’un pompier et d’un
ambulancier. Notez également les
applaudissements et (sur le côté
gauche) les numéros d’urgence
15 et 18, la croix de vie (signe
des ambulanciers), la croix droite
(des lieux de santé), le « H » des
hôpitaux ainsi que le caducée.
Cette pièce en métal couleur argent
remercie également (sur le côté
MONNAIE DE PARIS
droit) agriculteurs, boulangers,
commerçants, éboueurs… « Tous
ces métiers qui permettent depuis
le début de la crise sanitaire de
faciliter le quotidien des Français »,
souligne Joaquin Jimenez,
directeur de la création. É. B.
En vente exclusivement
sur www.monnaiedeparis.fr à 8 €,
A
dont 6 € sont reversés
à la Fondation de France.
 vendredi 8 mai 2020 LE FIGARO

Photo
14 LE FIGARO CHEZ VOUS de Kjell-Erik R.,
à Utne,
en Norvège.

À RELIRE
« CHAGALL »
Voilà le guide parfait pour vous
conduire dans le monde enchanté,
et pourtant terrible, de Marc
Chagall (1887-1985). Chagall,
d’Itzhak Goldberg, vous mène
de Vitebsk, en Biélorussie, alors
dans l’Empire russe, au Paris
des avant-gardes modernes.
Il vous escorte du retou