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Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 28 (2009) 818–823

PRATIQUE CLINIQUE
Anesthésie locorégionale pour la chirurgie esthétique
de la face et du cou
Regional anaesthesia for head and neck surgery
A. Deleuze a, M.-E. Gentili b,*, F. Bonnet c
a
Département d’anesthésie–réanimation, clinique de l’Espérance, groupe A. Tzanck, 06250 Mougins, France
b
Département d’anesthésie–réanimation, centre hospitalier de Saint-Grégoire, 35760 Saint-Grégoire, France
c
Département d’anesthésie–réanimation, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France
Disponible sur Internet le 21 août 2009

Résumé
La chirurgie plastique connaît un développement important, c’est un domaine d’application des blocs de la face. Les
indications chirurgicales sont multiples, dont un nombre important peut être pratiqué en ambulatoire. Après quelques
rappels anatomiques, les techniques d’anesthésie locorégionale appliquées à chaque type de chirurgie sont détaillées. La
réalisation de ces blocs obéit aux règles générales de toute anesthésie, en particulier en ce qui concerne la surveillance
clinique et l’asepsie.
ß 2009 Publié par Elsevier Masson SAS.

Abstract
Plastic surgery is more and more developing. Facial blocks are adapted to surgical procedures performed in this setting.
They are easy to perform and may prolong postoperative analgesia. Facial blocks may be used in ambulatory surgery as a
single technique or combined with general anaesthesia or intravenous sedation. After a reminding of facial nerve anatomy,
facial and cervical blocks are described with their indications. Guidelines for performance and monitoring are also indicated.
ß 2009 Published by Elsevier Masson SAS.

Mots clés : Anesthésie locorégionale ; Anesthésiques locaux ; Chirurgie ambulatoire ; Chirurgie plastique ; Chirurgie esthétique ;
Chirurgie de la tête et du cou

Keywords: Regional anaesthesia; Local anaesthetic; Ambulatory surgery; Plastic surgery; Head and neck surgery

1. INTRODUCTION esthétiques en 2007 : la chirurgie des paupières faisait partie des


cinq premières indications opératoires [1]. Les interventions de
La chirurgie plastique présente un développement impor- chirurgie esthétique et réparatrice de la face sont multiples, un
tant du fait de la représentation de l’image personnelle dans le nombre important peut être pratiqué en ambulatoire : c’est le
monde moderne, de l’allongement de la durée de la vie et de domaine d’élection des blocs de la face.
l’exposition prolongée au soleil à l’origine d’une augmentation L’efficacité des blocs céphaliques repose sur une bonne
de l’incidence des tumeurs cutanées. connaissance des territoires nerveux et de leurs limites. Après
Aux États-Unis, la Société américaine de chirurgie plastique quelques rappels anatomiques, les différentes techniques
et esthétique a comptabilisé 11,7 millions d’interventions d’anesthésie locorégionale appliquées à chaque type de
chirurgie seront décrites. La réalisation de ces blocs obéit
aux règles générales de toute anesthésie, en particulier en ce
* Auteur correspondant. qui concerne la surveillance clinique et l’asepsie. Il s’agit de
Adresse e-mail : marc.gentili@wanadoo.fr (M.E. Gentili). techniques entrant dans le cadre d’une alternative à l’anesthésie

0750-7658/$ see front matter ß 2009 Publié par Elsevier Masson SAS.
doi:10.1016/j.annfar.2009.07.072
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générale classique et qui peuvent être combinées avec une nasale et qui se termine en rameau nasal externe pour l’os
sédation. nasal, la pointe du nez et la région alaire.

2. RAPPELS ANATOMIQUES 2.1.2. Nerf maxillaire supérieur (V2)


Il sort du crâne par le foramen grand rond et pénètre dans
2.1. Innervation de la face l’arrière-fond de la fosse ptérygomaxillaire. Il se divise alors en
plusieurs branches :
L’innervation sensitive de la face dépend essentiellement du  un rameau méningé et orbitaire pour le sinus ethmoïdal et
nerf trijumeau qui est issu de deux racines, l’une sensitive, sphénoïdal ;
l’autre motrice (Fig. 1). Les corps cellulaires de la racine  un rameau zygomatique pour les téguments de la région
sensitive sont regroupés dans le ganglion de Gasser situé dans la temporale et l’os zygomatique ;
moelle cervicale, qui présente une organisation somatopique  des rameaux dentaires supérieurs, postérieurs et moyen
correspondant aux trois branches afférentes : innervant les molaires supérieures et dentaires antérieures
 le nerf ophtalmique ou V 1 ; pour le massif incisivocanin ;
 le nerf maxillaire supérieur ou V 2 ;  des racines ptérygopalatines formant avec les fibres sympa-
 le nerf maxillaire inférieur ou mandibulaire ou V 3. thiques et parasympathiques du ganglion ptérygopalatin un
Le nerf V 3 comporte aussi des fibres motrices pour les complexe donnant des branches nasales pour les parois
muscles de la manducation : le muscle temporal et le muscle latérales du nez, nasopalatines pour la partie postérieure de la
masséter [2]. cloison et la partie antérieure de la voûte palatine ;
 les nerfs palatins innervent la partie postérieure de la voûte
2.1.1. Nerf ophtalmique (V1) palatine avec quelques rameaux pour le voile et la tonsille ;
Il quitte le crâne par la fissure orbitaire supérieure et donne  la branche terminale ou nerf infraorbitaire sortant par le
trois branches : foramen infraorbitaire, innervant la peau de la paupière
 le nerf lacrymal qui innerve la conjonctive, les téguments de la inférieure, la joue, l’aile du nez ainsi que la lèvre supérieure.
partie externe de l’œil et la glande lacrymale ; Au total, les branches profondes transportent la sensibilité
 le nerf frontal qui donne lui-même un rameau supraorbitaire des muqueuses (sinus maxillaire, fosses nasales, gencives
et supratrochléaire innervant la paupière supérieure ainsi que supérieures, voûte palatine et voile). Les branches intracrâ-
l’hémifront jusqu’à la suture coronale ; niennes innervent la dure-mère temporale et pariétale ainsi que
 le nerf nasociliaire qui se divise en plusieurs branches : l’artère méningée moyenne.
 les nerfs ciliaires longs innervant l’œil,
 le nerf infratrochléaire innervant les téguments du dorsum 2.1.3. Nerf maxillaire inférieur ou mandibulaire
du nez et la commissure interne de l’œil, (V3)
 le nerf ethmoïdal antérieur qui donne des filets pour la Il s’agit d’un nerf mixte sortant du crâne par le foramen ovale
partie antérieure de l’ethmoïde, des rameaux nasaux et divisé en deux troncs antérieurs, sensitif et postérieur
internes pour le septum et la paroi latérale de la cavité moteur.

2.1.3.1. Contingent sensitif. Il est divisé en :


 rameau buccal innervant la peau et la muqueuse de la joue ;
 nerf auriculotemporal innervant la partie antérieure du
pavillon de l’oreille, le conduit auditif ainsi que la région
temporale ;
 nerf alvéolaire inférieur se divisant en deux branches
terminales au niveau du trou mentonnier : le nerf mentonnier
et incisif innervant toute la mâchoire inférieure (os, dents,
gencives) ;
 nerf lingual innervant les deux tiers antérieurs de la langue et
du plancher de la bouche.

2.1.3.2. Contingent moteur. Il assure l’innervation des muscles


masticateurs, du muscle péristaphylin et du muscle du marteau.
Le nerf mandibulaire achemine les fibres VII bis fournissant la
sensibilité gustative de la pointe de la langue ainsi que la
sensibilité proprioceptive des muscles de la mimique.

2.1.4. Cas particulier de l’innervation de l’oreille


Le nerf auriculotemporal innerve seulement une partie de
Fig. 1. D’après le guide d’anesthésie locorégionale AstraZeneca 2001. l’oreille, le reste est assuré par plusieurs autres contingents
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nerveux. La partie postéro-inférieure du pavillon, le conduit réalisée en dehors du canal osseux afin d’éviter des lésions
auditif externe et le lobule sont innervés par les rameaux neuronales par hyperpression [3,4]. L’infiltration de ce nerf
auriculaires du plexus cervical superficiel. La conque ainsi que la permettra la réalisation de la chirurgie de la partie externe du
partie externe du conduit auditif (zone de Ramsay Hunt) est front ainsi que de la paupière supérieure (Fig. 2).
innervée par l’intermédiaire de Wrisberg (VII bis). La branche Si cette infiltration est réalisée de manière bilatérale, une
auriculaire du pneumogastrique (X) assure l’innervation chirurgie de la totalité du front jusqu’à la suture coronale ainsi
sensitive de la partie profonde du conduit auditif et de la que des paupières supérieures sera possible [5].
partie inférieure du tympan. La caisse du tympan, quant à elle,
est innervée par le nerf de Jacobson ou nerf tympanique, 3.1.2. Nerf nasal interne ou ethmoïdal antérieur
branche du glossopharyngien. Ce nerf après sa sortie du foramen supraorbitaire assure
l’innervation sensitive de la racine ainsi que de l’aile du nez. Il se
2.2. Innervation de la région cervicale divise en deux rameaux : le rameau naso-interne et le rameau
nasolobaire. L’infiltration de ce nerf est réalisée de manière
L’innervation sensitive de la région cervicale ainsi que de la bilatérale. Le rameau naso-interne est infiltré par une injection
région occipitale est assurée par les branches antérieures du sous-cutanée à la racine du nez, le rameau nasolobaire est
plexus cervical superficiel, constitué lui-même des quatre infiltré par une injection sous-cutanée au niveau de l’aile du nez.
premières racines cervicales. L’émergence des branches Ces injections sont effectuées à l’aide d’une aiguille dermique.
mastoïdiennes, transverses, sus-claviculaires et auriculaires Un faible volume d’anesthésique local est nécessaire (environ 4
du plexus cervical superficiel se fait à la partie postérieure du à 6 ml). Toute la chirurgie extra-osseuse du nez peut être ainsi
muscle sternocléidomastoïdien. réalisée (Fig. 2). Le bloc du nerf supraorbitaire n’interfère pas
avec la motricité propre du releveur de la paupière [6].
3. TECHNIQUES ANESTHÉSIQUES
3.2. Bloc du nerf infraorbitaire branche du nerf
3.1. Bloc des branches du nerf ophtalmique (V1) maxillaire supérieur (V 2)

3.1.1. Nerf frontal Ce nerf quitte le crâne par le foramen infraorbitaire qui se
Après son émergence du foramen supraorbitaire, le nerf situe à l’aplomb de la pupille centrée, à 2 cm de l’aile du nez et
frontal se divise en deux branches : le rameau supraorbitaire et 1 cm sous le rebord orbitaire inférieur. Une fois le foramen
le rameau supratrochléaire. repéré, la peau est perforée et l’aiguille est dirigée en haut et en
L’infiltration du rameau supraorbitaire du nerf frontal est dehors. L’injection est réalisée en dehors du canal osseux afin
réalisée au niveau du foramen supraorbitaire situé sur le rebord d’éviter toute lésion neuronale par hyperpression. Un volume
orbitaire, sur le sourcil, à l’aplomb de la pupille centrée. La de 3 à 4 ml d’anesthésique local est suffisant. Ce bloc anesthésie
pointe de l’aiguille sera dirigée vers le haut et l’extérieur et vient la région sous-orbitaire, la lèvre supérieure ainsi que de l’aile du
au contact de l’orifice sans le pénétrer. Pour l’infiltration du nez [7] (Fig. 2). Des auteurs ont utilisé un neurostimulateur
rameau supratrochléaire, l’aiguille est dirigée dans l’angle formé pour localiser le nerf à son émergence : l’efficacité du repérage
par le bord supérieur de l’orbite et l’arrête nasale. Le volume étant reconnu par le déclenchement d’un clignement bilatéral
total d’anesthésique local est de 4 à 6 ml. L’injection est donc des paupières lorsque l’aiguille s’approche du nerf au trou

Fig. 2. D’après le guide d’anesthésie locorégionale AstraZeneca 2001.


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infraorbitaire. Une fois la réponse motrice obtenue, l’intensité 3.4. Cas particulier de la chirurgie de l’oreille
du courant est abaissée progressivement à 0,6–0,8 mA, externe
l’injection de 3 à 7 ml de la solution donne un bloc efficace
[8]. Un cas de diplopie transitoire a été rapporté [7]. Comme nous l’avons vu précédemment, l’innervation
sensitive de l’oreille est sous la dépendance de plusieurs
3.3. Bloc du nerf maxillaire inférieur (V3) et de ses branches nerveuses. Le nerf auriculotemporal est infiltré comme
branches décrit précédemment. De plus, une infiltration sous-cutanée sur
trois à quatre points de la zone sus- et rétro-auriculaire bloque
3.3.1. Bloc du nerf maxillaire inférieur les rameaux auriculaires du plexus cervical superficiel assurant
Il s’agit du seul nerf sensitivomoteur de la face, d’où l’intérêt l’innervation sensitive de la partie postéro-inférieure du pavillon,
d’utiliser un neurostimulateur pour localiser ce nerf. En effet, il du conduit auditif externe ainsi que du lobule. La chirurgie de
assure l’innervation sensitive de la joue, de l’oreille, de la lèvre toute l’oreille externe est ainsi possible [11].
inférieure ainsi que de la tempe et donne des branches motrices
aux muscles temporaux et massetérins. Le point de ponction se 3.5. Cas particulier du conduit auditif externe
situe au niveau de la fossette sigmoïde en regard du tragus entre
l’apophyse coronoïde et le processus condylien. La ponction Une injection à la jonction de la zone pilosébacée est réalisée
est réalisée à l’aide d’une aiguille de 50 mm, l’axe de ponction pour anesthésier la partie postérieure du conduit auditif
est perpendiculaire au plan de la face dans un premier temps externe. L’aiguille est dirigée dans le grand axe du conduit
puis l’aiguille prend une direction céphalique. La réponse auditif externe, 2 à 3 ml d’anesthésique local sont ainsi infiltrés
motrice recherchée est une ascension du maxillaire inférieur. de manière superficielle. En ce qui concerne la partie antérieure
Une fois la réponse motrice obtenue, l’intensité du courant est de ce conduit, 1 à 2 ml d’anesthésique local sont injectés au
abaissée progressivement afin de réaliser l’injection à niveau de la jonction cartilage-os. Une pulvérisation d’anesthé-
0,6–0,8 mA. Quatre à six millilitres de solution anesthésique sique local peut également être effectuée sur le tympan, si une
sont alors injectés. chirurgie de type paracentèse est envisagée [11].
Ce nerf peut être également infiltré par une injection
réalisée entre l’apophyse coronoïde et le processus condylien. 3.6. Infiltration du plexus cervical superficiel
Cependant, cette technique comporte un pourcentage
d’échecs important ainsi qu’un risque de ponction de l’artère Le plexus cervical superficiel est constitué par les branches
maxillaire [9], voire de pénétration dans l’orbite ou le crâne [5]. antérieures des quatre premières racines cervicales. Ces
Il est donc recommandé de ne pas la pratiquer sans l’aide d’un dernières émergent le long du bord postérieur du muscle
neurostimulateur. Il est également possible de laisser en place sternocléidomastoïdien. Elles assurent l’innervation sensitive
un cathéter à proximité du nerf maxillaire inférieur afin de de la région du cou, des épaules ainsi que de la partie
réaliser une perfusion continue d’anesthésiques locaux, ce qui postérieure du cuir chevelu à la manière d’une pèlerine. Le bloc
permet d’assurer une analgésie de qualité lors des interventions du plexus cervical superficiel nécessite une infiltration sous-
aux suites particulièrement douloureuses comme la chirurgie cutanée en étoile le long du bord postérieur du sternocléi-
carcinologique [10]. domastoïdien qui concerne les branches mastoïdiennes, sus-
claviculaires, transverses et auriculaires de ce plexus [12].
3.3.2. Bloc du nerf mentonnier Cette infiltration simple est utile à connaître lorsque la
La branche du nerf alvéolaire inférieure sort de la face chirurgie porte sur un territoire à la limite de la face et de la
antérieure de la mandibule par le foramen mentonnier. Cet région cervicale (Fig. 2).
orifice se trouve à l’aplomb de la prémolaire inférieure,
aisément repérable au doigt. Le point de ponction se trouve à 3.7. Intérêt des blocs régionaux par rapport aux
1 cm en dehors du foramen. Une fois la peau franchie, l’aiguille techniques d’infiltration
est dirigée en bas et en dedans toujours avec le même souci de
ne pas réaliser l’injection en intracanalaire. Deux millilitres de La chirurgie de la face, comme beaucoup d’actes peu
solution anesthésique sont alors injectés. Cette infiltration profonds, peut être réalisée par de simples techniques
simple permet la réalisation de la chirurgie de la lèvre inférieure d’infiltration [13,14]. L’intérêt des blocs par rapport à la
et du menton (Fig. 2). simple infiltration est de limiter la quantité de produit injecté,
souvent sous-évaluée et donc d’éviter le gonflement des
3.3.3. Nerf auriculotemporal téguments [14]. L’infiltration peut aussi venir en complément
Cette branche du contingent sensitif du nerf V3 donne des d’un bloc régional insuffisant.
rameaux sous-cutanés en regard du tragus. Il innerve la zone
auriculaire et temporale superficielle. L’infiltration est réalisée 3.8. Indications des blocs de la face en fonction de
de manière simple par une infiltration sous dermique de 2 à l’acte opératoire et du terrain
3 ml d’anesthésique local, en regard du tragus. La chirurgie de la
partie antérieure du pavillon de l’oreille, du conduit auditif ainsi Le choix d’une technique locorégionale avec des blocs
que de la région temporale superficielle peut ainsi être réalisée. souvent bilatéraux, dépend de l’indication opératoire : il peut
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s’agir de la chirurgie nasale [5,7], de lifting [15], de chirurgie l’anesthésique local utilisé, sont en dessous des seuils critiques
labiale [16] ou des paupières et des voies lacrymales [6,17] ou mais restent élevées pendant au moins deux heures [24].
enfin d’implants capillaires [18]. Les blocs de la face sont d’un L’addition de bicarbonate de sodium (1 ml à 84/1000 pour
intérêt certain chez le patient âgé ou avec un état général 10 ml de solution) neutralise l’acidité de la solution
précaire en particulier dans les tumeurs cutanées [19]. anesthésique locale et diminue les sensations de brûlure à
l’injection [25]. L’anesthésie tumescente mérite d’être citée :
4. ANESTHÉSIQUES LOCAUX ET ADJUVANTS elle consiste à injecter la graisse sous-cutanée avec de grands
volumes de lidocaïne adrénalinée et diluée. Cette technique
L’injection d’anesthésiques locaux au niveau de la face diminue le saignement, facilite la dissection et réduit l’œdème
impose de connaître certaines spécificités susceptibles de et la survenue d’hématome et permet une analgésie prolongée
modifier leur pharmacocinétique, dont la résorption intravas- [1]. Ramon et al. [1] ont réalisé une étude prospective dans la
culaire. En effet, il existe un réseau capillaire très important et chirurgie de lifting de la face avec une solution de lidocaïne
l’absorption immédiate et massive des anesthésiques locaux, au diluée au tiers, bicarbonatée à 0,07 % et adrénalinée au 1/
niveau des muqueuses, peut générer des taux plasmatiques 600 000. La dose totale de lidocaïne était de 21 mg/kg injectée
comparables à ceux d’une injection intraveineuse [10]. sur 20 minutes en sous-cutané dans les tissus de la face et du
L’injection est donc réalisée lentement, de manière fractionnée, cou. Les dosages de lidocaïne montraient entre deux à
après des tests d’aspiration successifs, dans le respect et la 12 heures après l’injection un taux plasmatique en plateau à
connaissance des posologies maximales. Une voie veineuse 1,2 mg/ml et une concentration plasmatique maximale à
périphérique, une surveillance minimale incluant l’électrocar- 2,25 mg/ml. Cette étude suggère fortement que la dilution
diogramme, la pression artérielle et la saturation en oxygène importante de l’anesthésique local, combinée avec de
sont nécessaires, ainsi qu’un apport en oxygène en cas de l’adrénaline, limite le pic de concentration plasmatique dans
sédation ou chez le sujet âgé dont l’état général est altéré : le une zone bien inférieure à ce qui est considérée comme
contact verbal répété reste un bon moyen de surveillance, il toxique, malgré une dose totale largement supérieure aux
contribue aussi à rassurer le patient. doses usuellement recommandées.
Les solutions adrénalinées sont largement utilisées car elles
diminuent le saignement périopératoire et prolongent la 5. CONCLUSION
durée du bloc anesthésique ; mais il faut cependant être
prudent avec les solutions adrénalinées à proximité d’artères Les techniques d’anesthésie locorégionale en chirurgie de la
terminales (pointe du nez, lobe de l’oreille) ou dans la cavité tête et du cou représentent un ensemble de techniques
orbitaire, en raison des risques de spasme de l’artère centrale diverses, fiables et reproductibles. Ces techniques peuvent
de la rétine et d’ischémie. L’intérêt de l’adjonction d’adréna- parfaitement être une alternative à l’anesthésie générale dans le
line pour réduire le risque d’hématome secondaire est cadre de la chirurgie de la face ou du cou, notamment lorsque le
semble-t-il à revoir : dans une étude combinant des données patient le souhaite. Leur simplicité de réalisation devrait rendre
rétrospectives et prospectives non randomisées, Jones et al. leur utilisation plus fréquente. La problématique de la
[20] n’ont pas retrouvé d’incidence significative quant à la réalisation de ces blocs par l’opérateur seul expose cependant
survenue d’hématomes secondaires que la solution soit à un refus de prise en charge des frais de bloc opératoire par les
adrénalinée ou non. La concentration recommandée est de 1/ Caisses d’assurance maladie en particulier si la chirurgie dure
200 000. Les anesthésiques locaux les plus couramment moins d’une heure. Cet aspect s’avère très pénalisant pour
utilisés sont la lidocaïne à 1 %, la bupivacaïne à 0,25 % ainsi que l’opérateur et l’établissement et entraîne de facto une
la ropivacaïne à 2 ou 7,5 %. Pour une chirurgie courte et peu réduction des moyens mis à disposition dans le simple but
douloureuse, la lidocaïne ou la mépivacaïne seront employées. de diminuer les coûts. La prise en charge de ces blocs par
La dose maximum recommandée chez l’adulte est de 7 mg/kg l’anesthésiste ou au moins de la sédation et de sa surveillance
en évitant de dépasser 500 mg [1]. Pour une chirurgie longue peut aider à résoudre ce difficile problème.
et douloureuse qui requière une analgésie postopératoire, il
semble préférable d’avoir recours à la ropivacaïne. Cette RÉFÉRENCES
dernière possède des propriétés intrinsèques intéressantes
dans cette indication. Dans une étude réalisée sur des [1] Shapiro FE. Anesthesia for outpatient cosmetic surgery. Curr Opin Anesth
grenouilles, Ackerman et al. [21] ont montré que la durée 2008;21:704–10.
d’action antalgique de la ropivacaïne en infiltration était [2] Kahle W, Leonhardt H, Platzer W. Anatomie du système nerveux.
Médecine et Science. Paris: Flammarion; 1979. p. 116–20.
supérieure à celle obtenue avec la bupivacaïne. Ces résultats [3] Smith DW, Peterson MR, De Berard SC. Regional anesthesia. Nerve
ont été confirmés sur des volontaires sains, mais cet avantage blocks of the extremities and face. Postgrad Med 1999;106:69–73. 77–8.
disparaît avec les solutions adrénalinées [22]. La même équipe [4] Navez M, Molliex S, Auboyer C. Les blocs de la face. Conférences
avait précédemment montré que la ropivacaïne avait des d’actualisation de la Sfar. Paris: Elsevier; 1997. p. 237–49.
propriétés sinon vasoconstrictrices, en tout cas non [5] Stromberg BV. Regional anesthesia in head and neck surgery. Clin Plast
Surg 1985;12:123–36.
vasodilatatrices, comparé aux autres anesthésiques locaux [6] Ismail AR, Anthony T, Mordant DJ, MacLean H. Regional nerve block
qui pouvaient expliquer cet effet [23,24]. Dans tous les cas les of the upper eyelid in oculoplastic surgery. Eur J Ophtalmol
concentrations plasmatiques obtenues, quel que soit 2006;16:509–13.
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