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Décembre 2008
RESUME :
A partir de l’analyse du modèle d’évaluation des risques mis au point par la Mission d’appui à la réalisation des
contrats de partenariat (MAPPP), et d’une série d’entretiens avec des représentants de groupes industriels et
financiers, l’étude vise à décrire les approches différentes du risque, au stade préliminaire des projets (évaluation
préalable pour la personne publique, soumission d’offre pour le partenaire privé), dans le cadre de la passation de
contrats de partenariat. Cette étude entend apporter des éléments de réponse à des questions posées par les acteurs
réunis au sein du CEF-O-PPP et de l’IGD, et en particulier ses membres fondateurs.
Le modèle de la MAPPP, construit dans le cadre de l’analyse comparative, est un comparateur de coûts globaux
actualisés prenant en compte les risques qui pèsent sur le projet. L’objectif est de permettre une comparaison du coût
global actualisé du projet pour la personne publique selon différents montages contractuels. Cette approche reflète
une vision rationnalisée et normative du choix public entre des alternatives quantitativement comparables,
permettant un choix objectif. Les risques sont conçus comme des éléments qui peuvent être indifféremment alloués et
impacter les montages contractuels. Pour les partenaires privés, il en va différemment. Outre une approche plus
globale, leur sensibilité aux risques et la valorisation de ceux-ci dépendent de facteurs beaucoup plus contextuels
(histoire de l’entreprise, stratégie concurrentielle…), et d’une manière générale leur raisonnement est relativement
éloigné de l’approche classique de l’action publique. Les partenaires industriels prêteront autant d’importance à
l’évaluation des risques (se fondant sur la base de l’expérience humaine capitalisée et non en fonction de données
objectives) qu’aux éléments de stratégie commerciale, de positionnement dans le marché et de capacité
organisationnelle à prendre en charge le projet. Les partenaires financiers se préoccuperont principalement des
garanties juridiques couvrant les risques et non pas tant de leur évaluation, qui sera fonction des caractéristiques de
la personne publique, des partenaires privés avec lesquels ils s’engagent et du projet lui-même.
Cette étude fait ressortir l’écart qui existe entre les approches publiques et privées, ainsi que les attentes des
contractants privés, dans la perspective d’une amélioration du dialogue public-privé, facteur de réduction des coûts de
développement des projets et de meilleure régulation de long terme des contrats signés.
1
ETUDES ET SYNTHESES
Créé en 1996, l’Institut de la Gestion Déléguée est une fondation d’entreprise réunissant les
principales parties prenantes de la gestion déléguée des services publics en France,
représentant 14 secteurs d’activités. Grâce à l’élaboration d’outils consensuels pour tous les
acteurs, l’IGD contribue à l’amélioration des pratiques de gestions publique et déléguée :
propositions législatives, modèles de contrats, indicateurs de performance, participation des
usagers…
2
ETUDES ET SYNTHESES
3
ETUDES ET SYNTHESES
Sommaire
Sommaire ..............................................................................................................................4
Introduction ..........................................................................................................................5
Bibliographie.......................................................................................................................28
4
ETUDES ET SYNTHESES
Introduction
De manière plus ou moins convaincante, l’approche économique des phénomènes sociaux tend à
gagner en influence, particulièrement dans la sphère publique, où les convictions politiques et les
intuitions idéologiques ont longtemps façonné la conception des politiques publiques. L’un des
phénomènes marquants est l’introduction, par la LOLF adoptée en 2001, des pratiques
d’évaluation ex-post de l’action publique, au regard de critères de performance. Une autre de ces
manifestations est l’obligation faite aux personnes publiques désireuses de recourir au contrat de
partenariat prévu par l’ordonnance du 17 juin 2004 de mener une évaluation préalable qui devra
déterminer si le projet envisagé sera mieux réalisé en contrat de partenariat que dans le montage
plus classique. Essentiellement, la question se ramène à l’efficacité comparée, non pas postulée1
mais calculée ex-ante, de la maîtrise d’ouvrage publique par rapport à la maîtrise d’ouvrage privée.
La loi adoptée le 28 juillet 2008 qui modifie l’ordonnance du 17 juin 2004 précise désormais que
« cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global hors
taxes, de partage des risques et de performance, ainsi qu’au regard des préoccupations de développement durable ».
La démonstration « d’un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats
de la commande publique », qui constitue le troisième et nouveau critère d’éligibilité au contrat de
partenariat, renforce l’intérêt porté par le législateur aux aspects économiques et financiers de la
commande publique.
5
ETUDES ET SYNTHESES
exercice sincère et de bonne foi de simulation3, plus qu’à une feuille de route que devra respecter
le déroulement du projet4.
Enfin, la troisième difficulté relève du caractère partenarial de l’opération : quel que soit le
montage contractuel adopté, il existe un donneur d’ordres et un exécutant et les éléments
susceptibles de nourrir la décision du premier sont détenus par le second. Aussi en contrat de
partenariat, tout comme en maîtrise d’ouvrage publique, le coût global de l’offre jugée comme
économiquement la plus intéressante peut être supérieur à celui initialement estimé par la
personne publique, ce qui peut conduire à déclarer le dialogue compétitif sans suite ou le marché
infructueux.
Le module « analyse des risques » élaboré par la MAPPP a cherché à appréhender la troisième
difficulté en associant la société MARSH7 à la conception de l’outil. En effet, l’évaluation
préalable détermine dans une large mesure la position de la personne publique au moment de la
procédure de passation : enveloppe budgétaire estimée, répartition des risques acceptable… Les
simulations effectuées lors de l’évaluation préalable constituent la base sur laquelle s’engage le
dialogue avec les candidats. D’où l’importance d’un raisonnement proche de celui qu’adopteront
les partenaires privés lors du dialogue compétitif et dans la remise de leurs offres finales. La
collecte de données statistiques suffisantes sur la vie des projets permettra de calibrer le modèle
de simulation, et d’adopter une représentation du projet et de ses risques proche de celle des
partenaires privés et de réduire l’écart entre évaluation préalable et offres réelles.
C’est à cette question de l’écart entre approches publique et privée de la représentation des
risques que s’intéresse cette étude, qui s’est basée principalement sur l’étude du module « analyse
des risques » mis au point par la MAPPP et sur des entretiens avec les professionnels. Son
objectif est faire progresser la capacité de la personne publique à comparer la valorisation du
3 Ce que concède aussi le guide Les contrats de partenariat : principes et méthodes édité par la MAPPP en 2005: « Si cette
analyse doit être effectuée de manière approfondie […] et avec sérieux […], il ne peut être exigé à ce stade une démonstration formelle à
caractère mathématique »
4 Cependant, cette incertitude est inhérente à tout exercice de prévision et n’est donc pas propre à l’évaluation
préalable.
5 www.ppp.bercy.gouv.fr
6
C’est une approche sensiblement identique (mais fondée sur des lois de probabilité discrètes et non continues) qui a
été retenue dans le Guide du bail emphytéotique hospitalier édité par la MAINH en 2005.
7 La société MARSH est un courtier en assurance. A ce titre, elle dispose d’une base de données qui permet de
6
ETUDES ET SYNTHESES
risque en aval de la remise de l’offre finale et la valorisation du risque par le cocontractant privé
en amont de la remise de l’offre finale, afin d’améliorer la méthodologie de l’analyse comparative
prévue dans l’évaluation préalable. A partir de ces entretiens, l’étude proposera également des
pistes d’amélioration pour le dialogue et la compréhension mutuelle entre partenaires publics et
privés.
***
7
ETUDES ET SYNTHESES
La méthode présentée ci-dessous est dans ces grandes lignes celle suivie par la personne publique
et par ses conseillers financiers pour comparer la somme actualisée des montants annuels des
loyers à verser annuellement au partenaire privé, durant toute la durée du contrat, et le coût
global actualisé des dépenses engagées par la personne publique, sur une durée identique à celle
du contrat de partenariat, lorsque le projet est réalisé en maîtrise d’ouvrage publique (MOP). Le
loyer vise à couvrir l’ensemble des coûts supportés par le partenaire privé sur la durée du contrat
(conception, réalisation, financement, exploitation, entretien, maintenance) et sa rémunération.
Mais étant donné que le coût global actualisé dans le schéma MOP d’une part, et que la somme
actualisée des loyers en CP d’autre part, sont estimés avant l’engagement des travaux en MOP et
à la signature du contrat en CP, les coûts doivent donc nécessairement prendre en compte dans
les deux schémas les risques associés à chacun des coûts à engager dans la durée.
Ce modèle élaboré par la MAPPP au premier semestre de l’année 2006 est un modèle financier de
cash-flows annuels de coûts qui établit des chronologies de paiements publics, hors fiscalité, aspects
comptables et risques, suivant le type de schéma envisagé (MOP et CP). Ces différents flux de
décaissement sont ensuite comparés en termes de valeur actuelle nette des coûts, de manière à
déterminer le schéma de réalisation le plus intéressant pour la personne publique, comme cela est
requis par le cadre réglementaire. Les projets considérés dans ce modèle sont caractérisés par une
phase de construction, suivie d’une phase d’exploitation d’une durée globale maximum de 50 ans.
Le modèle compare le plus souvent les seuls schémas MOP et CP8 dans lesquelles les dates de
mise en service de l’ouvrage sont temporellement alignées9. Dans le schéma MOP, la personne
publique conserve la maîtrise d’ouvrage et passe différents marchés dans le cadre du Code des
marchés publics. La personne publique paie au fur et à mesure les coûts engendrés par le projet.
Dans le schéma CP, le partenaire privé, auquel est transférée la maîtrise d’ouvrage, est en charge à
la fois de la conception, de la construction, de l’exploitation/entretien/maintenance et du
financement de l’ouvrage. Le rôle de la personne publique se limite à la définition des besoins, au
suivi de la bonne exécution du contrat et à la rémunération du partenaire privé sous forme de
loyers étalés sur la durée de vie du contrat et dont le premier n’intervient en principe qu’à la
livraison de l’ouvrage. Le modèle permet aussi la comparaison avec un montage en concession
(délégation de service public). La personne publique verse alors une subvention d’investissement
pendant la phase de construction au partenaire privé, qui par la suite se rémunère par les recettes
directement perçues auprès des usagers. Dans ce schéma le coût à la charge de la collectivité est
égal au montant de la subvention d’équilibre.
Ce modèle ne permet que d’estimer un montant « théorique » du loyer que la personne publique
devrait verser au partenaire privé dans le cas où l’option du contrat de partenariat serait retenue.
8 Il peut arriver toutefois qu’un schéma alternatif en DSP soit envisageable : dans ce cas, il est également étudié dans
le cadre de l’analyse comparative.
9
Afin que le jeu de l’actualisation ne pénalise pas le schéma CP qui permet de livrer l’ouvrage plus rapidement que
dans le schéma MOP, la date de mise en service de l’ouvrage dans le schéma CP est calée sur celle du schéma MOP,
de sorte que dans les deux schémas la livraison de l’ouvrage intervient à la même date.
8
ETUDES ET SYNTHESES
En effet, le montant du loyer résulte des hypothèses retenues en termes de délais et de coûts au
stade de l’évaluation préalable, c’est-à-dire en amont du dialogue compétitif. Or, la chronique des
loyers qui sera arrêtée contractuellement prend en compte les ajustements intervenus lors du
dialogue compétitif.
En outre, et plus fondamentalement, ce modèle ne valorise pas les risques qui pèsent davantage
sur le schéma MOP (qui serait davantage exposé aux dérives de délais et de coûts)10 que sur le
schéma CP, et intègre les surcoûts inhérents au schéma CP (évaluation préalable, dialogue
compétitif, marge bancaire plus élevée, rémunération des capitaux propres) de sorte que le
schéma CP est pénalisé, sa valeur actualisée nette (VAN) étant mécaniquement plus élevée que
celle du schéma MOP. Ainsi est-il indispensable de prendre en compte les risques, au-delà des
tests de sensibilité et de basculement, retenus à titre conservatoire dans l’attente de pouvoir
bénéficier des résultats des études engagées, afin que la personne publique puisse fonder sa
décision sur des coûts plus « réalistes » tenant compte de l’incertitude. C’est à cette prise en
compte que s’est attaché le nouveau modèle de la MAPPP qui annule et remplace l’ancien, retiré
de son site internet.
Cette prise en compte du risque et son partage optimal entre la personne publique et le partenaire
privé est d’autant plus importante qu’elle constitue l’apport primordial du contrat de partenariat,
et que la MAPPP a pu constater l’insuffisance méthodologique des aspects liés à ce traitement
dans certaines évaluations préalables qu’elle a eu à examiner.
En collaboration avec la société MARSH, un des plus grands courtiers mondial en assurances, la
MAPPP s’est donc engagée dans la construction d’un modèle probabiliste qui permet de prendre
en compte les risques associés à chacun des schémas. Cet outil d’aide à la décision vise à donner à
la personne publique une première comparaison en termes de coût global actualisé entre le
contrat de partenariat (CP) et la maîtrise d’ouvrage publique (MOP) 11.
Les coûts globaux actualisés sont composés de l’ensemble des coûts qui sont à la charge de la
personne publique. Il est fait l’hypothèse dans le modèle que les risques transférés au partenaire
privé sont répercutés pour leur coût net sur le partenaire public après la mise en œuvre d’une
stratégie d’optimisation du type couverture d’assurance, prévention et mutualisation. En pratique,
cette répercussion pourra prendre, par exemple, la forme d’une intégration d’une provision dans
le prix global ou d’une variation du coût moyen pondéré du financement.
10 Dans le schéma CP, les montants des loyers à verser par la personne publique sont fixés à la signature du contrat et
le premier loyer ne sera versé qu’à la livraison de l’ouvrage. Aussi le partenaire privé est-il fortement incité à livrer
l’ouvrage dans les délais et les coûts contractualisés. En revanche, dans le schéma MOP, les délais et les coûts sont
imparfaitement garantis (y compris pour les marchés à prix forfaitaires), de sorte que la personne publique s’expose à
des surcoûts qui peuvent être importants et à une livraison différée de l’ouvrage. Il faut bien comprendre que si le
risque pèse sur le projet, et ce indépendamment du schéma qui sera retenu pour le réaliser, le partenaire privé est
mieux à même de gérer certains types de risques, du fait des incitations économiques et de la suppression des
interfaces politico-administratives et techniques permises par le transfert de la maîtrise d’ouvrage et par les clauses
contractuelles.
11 Ce modèle ne vise en aucun cas à se substituer aux modèles développés par les cabinets de conseils à la personne
publique
9
ETUDES ET SYNTHESES
Le modèle ne prétend pas refléter l’intégralité des risques liés à un projet et l’interdépendance des
risques n’est pas prise en compte, faute de disposer pour le moment d’éléments permettant
d’apprécier les corrélations entre les risques. Cependant, une matrice de corrélation des risques
est déjà intégrée à l’outil et sera renseignée ultérieurement.
Seuls les risques associés aux projets bâtimentaires sont pour le moment pris en compte, les
risques correspondants aux projets d’infrastructure de transport, d’aménagement urbain, et des
technologies d’information et de communication (TIC) seront progressivement intégrés à cet
outil.
L’identification des risques pesant sur un projet, quel que soit son mode de réalisation (MOP ou
CP), repose sur un recensement puis une sélection des évènements dont la réalisation peut
affecter négativement le projet.
Seuls sont retenus les risques quantifiables qui sont présentés selon une approche chronologique
en fonction du déroulement du projet.
2. Impact de risques.
10
ETUDES ET SYNTHESES
En effet, en l’absence d’étude détaillée sur le risque, et notamment sur ses causes, seule
l’information « conjointe » (produit de la probabilité d’occurrence et de la sévérité) est
appréhendable.
L’impact en termes de coûts est ensuite réparti entre le partenaire privé et la personne publique
dans le schéma CP.
Matrice
MOP des CP
Pour chaque risque Risques Pour chaque risque
Probabilité Probabilité
d’occurrence d’occurrence
Allocation
Part du Public/Privé Part du
Public Privé
Cette quantification repose sur l’analyse de données historiques et sur des dires d’experts12. Un
tirage de scénarios est ensuite effectué par la méthode de Monte-Carlo13, suivi de l’application
12 Le calibrage des lois (normale, log-normale, triangulaire, bêta,…) a été effectué au moyen de la base « sinistres » de
la société Marsh et de l’exploitation des données issues d’un web survey comportant un questionnaire conçu
spécialement à l’attention d’une soixantaine de contributeurs spécialisés répartis à travers le monde.
13 La méthode de Monte Carlo est une approche numérique d’approximation d’une loi dépendant de plusieurs lois
différentes dont il n’existe pas de formule analytique simple. Cette méthode permet d’obtenir les lois de distribution
des VAN et des délais associés à chaque schéma à partir des résultats issus de plusieurs milliers de scénarios
11
ETUDES ET SYNTHESES
d’une règle de répartition du risque entre la personne publique et le partenaire privé. Les lois
ayant été ajustées sur des données de surcoûts, seuls les surcoûts sont retenus, de sorte que la
VAN avec risque est toujours supérieure à la VAN sans risque (on suppose donc que le
partenaire publique garde pour lui les gains qu’il pourrait réaliser par rapport au coût estimé et
qu’il n’en fait pas bénéficier la personne publique).
A titre d’exemple de visualisation des données relatives aux risques, la figure suivante indique les
éléments associés au risque « Etude » de la phase conception-réalisation d’un projet de
construction de bureaux.
Projet Bureaux
Contrat MOP CP
Probabilité d'occurrence 1% 1%
%
%
%
0%
0%
9%
9%
9%
8%
,6
,5
,8
,8
,7
,7
,7
,6
,6
,5
Impact moyen 0,2% 0,1%
0,
2,
3,
5,
7,
9,
23
29
11
13
15
17
19
21
25
27
Surcoût
,7
0
7
7
5
4
3
2
2
,1
,0
,9
,8
0,
8,
0,
1,
2,
3,
4,
5,
6,
7,
9,
10
11
11
12
13
5. Résultats.
A partir des calendriers de déroulement des opérations, des coûts de gestion, de réalisation, des
données fiscales, financières et celles liées à la phase d’exploitation associées à chaque schéma,
que la personne publique est invitée à renseigner dans la feuille de saisie du modèle, l’outil de
simulation procède aux calculs (version Excel 2003 couplée à Visual Basic), puis présente les
aléatoires. Un scénario consiste à tirer une valeur sur chacun des risques modélisés, la combinaison de ces valeurs se
traduisant par une VAN et un délai. Le tirage de 5 000 scénarios (une seule fois et pas pour chaque année de la vie du
projet) permet alors de disposer des courbes de VAN et de délais dans chacun des schémas.
12
ETUDES ET SYNTHESES
principaux résultats (VAN des coûts, durée de construction) sous forme de tableaux et de
courbes de distribution, et réalise des tests de sensibilité et de basculement sur les paramètres les
plus importants afin de montrer la robustesse de l’avantage d’un schéma par rapport à l’autre.
Les courbes de distribution des VAN des coûts présentent l’ensemble des scénarios associés à
chacun des schémas. L’information ne se limite donc pas aux trois valeurs caractéristiques (sans
risque, risque moyen14, Var 95%15) indiquées dans le tableau.
MOP
CP
Densité de probabilité
Ss Risque MOP
Ss Risque CP
Moy MOP
Moy CP
Les scénarios possibles sont compris entre 36,3 M€ et 39 M€ pour le schéma CP et entre 33,4 M€
et 43,0 M€ pour le schéma MOP.
Durées de Réalisation
14 La Valeur Moyenne à Risque est la moyenne des VAN simulées par la Méthode de Monte Carlo. Cette valeur
représente le coût moyen attendu du projet après prise en compte des risques.
15 La Valeur à Risque VaR à X% mesure le risque que l’on est prêt à prendre pour un niveau de confiance
X% donné. Ainsi, la VaR à 95% signifie que 95% des scénarios auront une VAN inférieure ou égale à celle
correspondant à la VaR à 95%.
13
ETUDES ET SYNTHESES
M OP
CP
Densité de probabilité
Ss Risque MOP
CP CP
MoyRisque
Moy MOP
Ss
15 20 25 30 35 40
Le loyer sans risques versé par la Personne Publique au partenaire privé est ventilé dans ses trois
composantes que sont la part relative au remboursement de l’investissement, la part
correspondant aux frais financiers et la part concernant les coûts de fonctionnement.
3
Fonctionnement
Frais Financiers
2,5
Investissement
2
M€
1,5
0,5
0
2008 2013 2018 2023 2028 2033 2038 2043 2048 2053
Années
Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’évaluation des risques est dans la plupart des
entreprises enquêtées16 un processus plus empirique que théorique (« au doigt mouillé »). Pour
prendre un exemple, la direction des risques d’un grand groupe de services enquêté est de
14
ETUDES ET SYNTHESES
création récente (environ deux ans). Le vécu oriente la conduite de l’évaluation : l’attention portée
à certains points sera accrue du fait d’une mauvaise expérience.
De manière générale, une distinction est opérée entre les « risques métier » sur lesquels le
partenaire privé a des leviers d’action, et les « risques externes » sur lesquels le groupe n’a aucune
prise.
1. Risque de conception/construction.
Ce risque est décomposé en interne, et des tests de sensibilité (aux salaires…) sont réalisés. Des
plans d’affaires pour des variantes sont ensuite établis. Pour un exploitant, c’est bien plus le
risque de conception qui est prégnant que le risque de construction (pris en charge par les
constructeurs). Il est essentiel pour les opérateurs d’avoir un droit de regard suffisant sur la
conception de manière à pouvoir exiger que l’installation soit adaptée à son exploitation. C’est
ainsi que la société-mère peut décider de prendre à sa charge la conception/construction lorsque
sa filiale concernée par le projet n’est pas une « entreprise générale ».
Certains facteurs qui peuvent entraîner un retard dans la conduite du chantier et pour lesquels on
ne dispose pas de séries statistiques n’ont pas de prix pour le secteur du BTP. Comment, par
exemple, valoriser le risque d’intempéries à Marseille ? En ce qui concerne le risque de pollution
des sols, pour certains projets, on sait dès le début qu’il n’y aura pas de problème. Pour d’autres,
le partenaire privé demande des études à la personne publique et, en fonction des résultats,
chiffre ce risque. Le privé peut refuser de prendre le risque s’il juge que l’évaluation est arbitraire,
ou bien que la probabilité d’occurrence très faible risque de faire supporter un coût important à la
personne publique, au risque de déclasser l’offre remise.
3. Risque d’exploitation.
Les entreprises savent faire face à ce risque et trouver une solution alternative si besoin. Il est
totalement assumé par l’exploitant à partir du moment où ce dernier, sur la base d’un audit de la
situation, a décidé de s’engager sur le projet. Le prix accordé au risque d’exploitation est donc nul
pour l’opérateur, à la différence des banques qui le valorisent.
4. Risque de recette.
Lorsque ce risque existe, il est ventilé entre toutes les entreprises participant au projet, et non pas
pris en charge exclusivement par l’exploitant.
15
ETUDES ET SYNTHESES
Les sociétés constitutives de l’entité preneuse du projet refusent de prendre ces risques qui
relèvent clairement du domaine régalien de la puissance publique. Ils peuvent avoir des
conséquences telles qu’ils n’ont pas de prix. La capacité de la personne privée à maîtriser ces
risques est faible voire nulle au regard des pertes encourues. La marge dans le secteur de la
construction est de l’ordre de 3-4% avant impôt. Si un constructeur ne peut engager une
opération à cause d’un permis de construire non autorisé, sa perte sera comprise entre 30 à 40%
de l’investissement, car le cocontractant public pourra invoquer la résiliation pour faute.
Sur le principe, la personne publique doit indemniser tous les frais dus à une mise aux normes des
équipements. Mais le décalage temporel entre les frais engagés par les entreprises pour respecter
la nouvelle loi et les remboursements de la personne publique est générateur de frais financiers et
de contraintes (impact sur la trésorerie…) que la personne privée ne peut omettre de tarifier.
6. Risque financier.
Le taux du financement de la dette est fixé à la signature du contrat. La gestion du risque de taux
est un gros chapitre au moment de la cristallisation du loyer en taux fixe. Dans le cas d’une
résiliation pour faute, il y a rupture de la couverture avec un coût intégralement supporté par la
personne privée.
B. Méthodologie générale de prise en compte des risques dans un projet par les
partenaires industriels.
Les personnes privées adoptent une méthode globale de gestion des risques lorsqu’elles
s’interrogent sur la pertinence de répondre à un appel d’offres. Cette méthode peut être
découpée en deux étapes.
1. Le choix du « GO / NO GO ».
La personne privée procède dans un premier temps à une évaluation grossière du caractère risqué
du projet. Elle identifie les risques auxquels elle pourrait être confrontée et réfléchit si elle dispose
en interne des moyens nécessaires pour y faire face. Elle ne procède donc pas à une addition des
risques : il s’agit d’une maîtrise des risques et non d’une cotation. Le contrat est d’abord et avant
tout un contrat qui, globalement, permet de dégager des bénéfices. La solution organique qui va
être retenue participe à la réponse pour gagner le plus d’argent possible avec des risques maîtrisés.
Du côté des entreprises, les risques n’ont jamais été étudiés avec des bases de données
systématiques. L’expérience des hommes est le critère déterminant pour opérer la synthèse des
risques. Le comité des risques a lieu au plus haut niveau : ces responsables de groupes de BTP et
de services ont eu à apporter un avis sur tant de projets qu’ils sont capables de déceler un risque
de construction, un risque de taux… Avant de prendre la décision de s’impliquer dans le projet, il
y a donc bien une phase d’évaluation du risque, mais sous une forme empirique (recours au
« flair » des dirigeants) et non pas analytique. Il peut bien sûr arriver que des erreurs
d’appréciation soient commises.
16
ETUDES ET SYNTHESES
Le secteur privé ne procède jamais à des analyses statistiques. La non-valorisation s’explique par
l’attitude adoptée face aux différents risques : soit ce sont des risques techniques, et alors la
personne privée s’estime en capacité de les assumer ; soit ce sont des risques qu’elle estime ne pas
pouvoir maîtriser.
Pour les risques qu’il accepte d’endosser, le groupe privé procède à une simulation des risques
techniques en procédant à des tests de sensibilité aux salaires, aux coûts des matières premières,
aux délais… Cette démarche lui permet d’avoir une idée des dépenses qu’il pourrait avoir à
affronter.
C. Méthodologie générale de prise en compte des risques dans un projet par les
partenaires financiers
Une banque s’entoure de conseils industriels pour évaluer les risques liés au projet. L’analyse du
risque industriel sous-jacent consiste en une prise en compte de la qualité du sponsor et de la
qualité du projet (construction, exploitation maintenance…). Cette approche est du sur-mesure
pour chaque projet. Selon l’actif considéré et le partenaire industriel, l’enquête préalable sera plus
ou moins pointilleuse. La nature de l’autorité concédante est un des paramètres de l’analyse du
risque projet. En effet le pouvoir de négociation varie avec la nature du cocontractant public.
L’Etat apparaît comme rigide, alors que les collectivités locales, qui délèguent plus et ont une
moindre expertise accumulée sur les aspects techniques, cherchent à apprendre et sont plus
flexibles.
Les banquiers procèdent à une notation globale du projet (scoring). Un projet noté AAA sera
financé à un meilleur taux qu’un projet noté BB. Le scoring intègre :
Chaque grand risque obtient une note, et sur ces bases le score du projet est déterminé. Au final,
la banque non plus ne procède pas à une analyse statistique fine, notamment parce qu’elle ne
dispose pas de la base de données nécessaire à une telle entreprise.
L’analyse des risques prime sur la stratégie commerciale pour une banque, alors que cette dernière
aura une influence plus grande sur les partenaires industriels. Dans un premier temps, on cherche
à évaluer si le risque est acceptable, et ensuite seulement on étudie les enjeux commerciaux. Le
17
ETUDES ET SYNTHESES
premier lot des prisons a été attribué à un preneur unique non financier. Les risques pour les
banques étaient trop importants. Le groupe industriel a accepté de prendre le projet car il a mis
dans la balance son potentiel de développement lié aux contrats de partenariat.
Le transfert de risque n’est pas le problème central. La banque étudie le « scénario marche en
avant » (ce qui doit se passer en principe) et le « scénario marche en arrière » ou second way out (que
faire en cas de difficulté) : quelles indemnisations ? Quelles pénalités ? Les réallocations
contractuelles sont finement étudiées.
Le cœur de l’activité du banquier est le traitement juridique des risques. Dans quelle mesure faut-
il augmenter les plafonds de pénalité du constructeur (risque de construction), du mainteneur
(risque de pénalité) ? Les ratios de couverture sont-ils assez importants eu égard au risque de
fréquentation ? Certains risques sont problématiques car on ne peut pas y apporter de réponse
contractuelle, notamment :
Le loyer résulte d’une alchimie entre les coûts bruts de construction et de maintenance, la
couverture des risques et le taux de retour attendu sur les capitaux investis.
Ils sont déterminés directement par le cahier des charges de la personne publique, étant donné
que le preneur de projet doit respecter le programme fonctionnel. Leur calcul laisse une place
marginale à la valorisation des risques.
Dans le secteur du BTP, il existe deux méthodes pour donner un prix à un bâtiment :
- Le « prix au plan » qui est calculé sur la base de métrés opérationnels (m² de voiles, m² de
faux plafonds….). Le déroulement du gros œuvre est décrit de manière très fine : nombre
de grues, nombre d’ouvriers travaillant sur chaque grue… avec un calcul très précis du
nombre d’heures nécessaires à chaque étape. Le second œuvre est délégué à des
prestataires extérieurs sur la base d’appel d’offres. On obtient, après calculs et agrégations
des différentes sources, les « déboursés », c’est-à-dire les coûts directs du chantier. A ces
déboursés, il faut ajouter les coûts d’encadrement, calculés à partir d’un organigramme de
chantier, les « abonnements » (assurance décennale…), les frais généraux (la
comptabilité…) et la marge.
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ETUDES ET SYNTHESES
Le prix ainsi obtenu est celui d’une entreprise générale (entreprise de travaux). Dans le cadre d’un
contrat de partenariat intervient aussi le volet « promotion immobilière » qui inclut les coûts de
relation avec la personne publique, de préparation du permis de construire, de négociation avec
l’architecte. Un volet « marge et aléas » est aussi ajouté. Pour un bâtiment simple, la marge est de
10%, et dans la très grande majorité des cas elle sert à couvrir des difficultés non anticipées
rencontrées pendant la vie du chantier.
L’étude de prix est faite sur la base des coûts d’aujourd’hui, or un chantier d’une certaine
importance s’étire sur plusieurs années. Pour donner un prix ferme et définitif à la personne
publique, l’entrepreneur est obligé de provisionner l’augmentation du prix des matières premières,
tout en prenant en compte le fait que, par exemple, le prix de l’acier transformé ne suit pas
exactement les évolutions du prix de l’acier brut. Comment rationaliser l’évolution du prix des
indices de la construction ?
Il faut noter ici que la marge est mise à des endroits différents, suivant les constructeurs, dans une
optique stratégique. Les architectes étant souvent rémunérés en fonction du montant des travaux,
la marge se situera par exemple dans le volet « promotion immobilière » pour diminuer la somme
à leur verser. Cette dimension stratégique propre à chaque entreprise rend caduque la
comparaison ligne à ligne des réponses à appel d’offre.
La personne publique comprend bien les coûts de construction. Les entrepreneurs transfèrent
donc le coût de conception dans le contrat de promotion immobilière. Dans un contrat de
partenariat, les coûts de conception sont ajustés de manière à afficher des coûts de construction
faibles.
Certains aspects sont techniques, comme les modalités de paiement du loyer (loyer fixe ou
progressif), ou la date de cristallisation. D’autres sont directement liés au caractère plus ou moins
risqué du projet : le taux de rentabilité exigé par la société de projet, les conditions bancaires
appliquées. Aux dires des personnes consultées, le taux de rendement interne (TRI) des contrats
de partenariat en France serait d’environ 8%, contre 15% pour des opérations similaires dans
d’autres pays.
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ETUDES ET SYNTHESES
Pour les entreprises, la MAPPP semble avoir adopté l’approche britannique qui consiste à faire
appel à une société de risk management qui analyse les risques, les probabilise et détermine leur
impact sur le coût et les délais. Cette méthode est onéreuse. Les coûts d'étude sont de l’ordre de
500 000 euros pour 300 millions d’euros d’investissement.
Les entreprises du BTP rencontrées regrettent "la vision abstraite et théorique" que la MAPPP porte
sur leur secteur et l’absence de dialogue. Cette vision se retrouve selon eux dans sa démarche de
l’évaluation préalable. Cette dernière est en effet déconnectée de tout plan d’architecte. A ce stade
du projet, on dispose uniquement des données permettant de donner un ordre de grandeur
fonction des m². Sur un objet particulier, il est impossible d’être précis sans travailler sur des
plans très détaillés, ce qui implique un coût de développement significatif.
Certains conseils des personnes publiques demandent aux candidats d’évaluer l’impact sur le loyer
d’une réattribution à la personne publique de certains risques. L’idée sous-jacente est qu’un
déplacement du curseur de partage des risques produirait automatiquement un rééquilibrage
économique de l’offre du partenaire privé, permettant ainsi de déduire une valeur « objective » du
risque extrait. Au vu des entretiens et des développements précédents, ce type de calcul laisse les
partenaires privés perplexes : la réponse variera selon les préférences des candidats, selon que le
risque fasse partie des « risques métier » qu’ils savent mieux maîtriser, selon que cela change ou
non l’organisation générale de l’entreprise… En outre, il est peu probable que le groupe souhaite
apporter une réponse à ce type de question et dévoiler sa structure de sensibilité au risque qui est
aussi son atout commercial. Dans cette optique, les groupes rencontrés dénoncent l'utilisation
d’un bordereau du prix des risques. Cette méthode donne une importance trop grande à chaque
risque, alors que c’est l’architecture globale des risques portés et leurs interdépendances qui
permettent d’évaluer un niveau de risque global.
Aux yeux du secteur privé, la personne publique ne sait pas mesurer ce que peuvent représenter
les risques « extrêmes » dont il serait souhaitable qu’elle ait la charge. Le risque de changement de
norme n’est ainsi pas évaluable : il est impossible d’avoir une idée de la réglementation dans
trente ans. Elle penserait trop souvent que « les conséquences financière de ce risque ne
représentent rien à l’échelle de [votre] groupe » : même en acceptant l’idée que cela puisse être vrai
pour un grand groupe de BTP ou de services, ce ne l’est en aucun cas à l’échelle d’une société de
projet, forme juridique majoritaire des preneurs de contrats de partenariat.
Chez les partenaires industriels, le comité d’engagement (la direction générale, la direction des
concessions…) prend la décision d’aller sur un projet en prenant en compte quatre dimensions :
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ETUDES ET SYNTHESES
- les aspects d’organisation : un projet en Rhône-Alpes est effectué par les équipes de
Rhône-Alpes. Si leur carnet de commandes est déjà plein, la société-mère ne répondra pas
à l’appel d’offre ;
- l’identification du projet : est-ce un projet de conception-construction ? Quelle est
l’étendue du périmètre de maintenance ? Si la dimension conception est absente, certains
groupes qui n’aiment pas travailler avec un architecte imposé vont fortement hésiter à
prendre le projet ;
- la taille du projet : les petits projets (montant inférieur à 30 millions d’euros) nécessitent le
même niveau d’investissement en moyens humains que les très gros projets. Un petit
projet n’est pas intéressant car il ne permet pas d’amortir les frais de structure ;
- l’enjeu commercial.
L’analyse du risque est qualifiée d’« arbre qui cache la forêt », la véritable analyse étant
commerciale. Le groupe veut-il participer au projet ou ne le veut-il pas ? Quelle est la nature des
relations avec le client ? L’expérience est au cœur de cette analyse. Par exemple, il est notoire
qu’un projet de prison va être stable dans le temps, alors qu’un projet hospitalier va connaître des
changements multiples. Les groupes de BTP sont aujourd’hui en mesure de pouvoir sélectionner
les projets auxquels ils souhaitent participer.
La question du risque est traitée par un mécanisme interne « d’adossement » des projets entre
eux, avec effet cumulatif. Par exemple, si Eiffage n’avait pas été successivement concessionnaire
du Viaduc de Millau, puis de la liaison TGV Perpignan-Figueras, la société n’aurait jamais été en
position de pouvoir acquérir la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône lors de sa privatisation.
L’enjeu des risques pris pour un grand projet se joue au niveau de la finalité du groupe. Chaque
décision lourde en comité des risques mélange une analyse scientifique du projet et une vision
stratégique de l’entreprise. Les décisions prises sont en lien avec le degré de concurrence du
projet. En conséquence, on peut avoir l’impression d’un traitement différencié pour des projets
relativement proches.
Quant aux banques, celles-ci sont aussi intéressées par des stratégies d’alliance avec les partenaires
industriels. La confiance joue un rôle central dans la passation des contrats. C’est d’ailleurs un des
facteurs qui expliquent pourquoi seuls les grands groupes sont en mesure de répondre aux appels
d’offre des contrats de partenariat. La banque ne s’attend en aucun cas à du « zéro risque », mais
elle part du principe qu’on ne cherche pas a priori à se répartir des pertes.
Mais certains interlocuteurs ont précisé que ce décalage avec le modèle de la MAPPP n’est pas si
grave. Par analogie avec le secteur automobile, les clients attendent d’une voiture qu’elle roule,
qu’elle soit imperméable… mais ils se moquent des caractéristiques des composants. Les
constructeurs connaissent les attentes des utilisateurs et conçoivent techniquement leurs modèles
en fonction de leurs accords commerciaux. De toute façon les clients n’ont pas les compétences
pour connaître les caractéristiques physiques de toute la gamme des composants. De la même
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ETUDES ET SYNTHESES
manière, la personne publique doit faire confiance au privé pour lui fournir une infrastructure qui
corresponde à ses attentes.
Savoir si le prix demandé par le privé est « juste », c’est-à-dire équitable et transparent, est sans
doute un rêve lointain, sachant toutefois qu’il ne peut en tout état de cause être trop éloigné du
prix de référence estimé par la personne publique au vu de son expérience. La procédure de mise
en concurrence permet simplement d’obtenir le prix du marché à un moment donné et de retenir
le « meilleur prix ». En reprenant notre métaphore automobile, lorsqu’un client achète un
véhicule il n’a pas de moyens de savoir si le prix qu’on lui demande de payer est « juste ». Il peut
uniquement le comparer avec celui d’une voiture comparable d’une marque concurrente, mais qui
n’aura jamais exactement les mêmes caractéristiques techniques. C’est sur l’analyse du prix qu’elle
est prête à accorder aux différences entre deux projets que la personne publique doit réfléchir.
Dans un contrat de maîtrise d’ouvrage publique, la personne publique garde à sa charge tous les
risques, alors qu’en délégation de service public elle a tendance à les transférer en grande partie au
le partenaire privé, parfois sans en assumer le contrôle. La personne publique se fait généralement
une idée inexacte du contrat de partenariat : elle le perçoit comme un nouvel outil de la
commande publique qui lui permet de se débarrasser des risques suite au transfert de la maîtrise
d’ouvrage au partenaire privé. La personne publique ne doit transférer au partenaire privé que les
risques qu’il est le plus à même d’assumer, ceci afin de réduire le montant du loyer qu’elle devra
lui verser, sachant que ce dernier lui facturera, à un prix plus élevé, les risques qu’il ne devrait pas
en toute logique prendre à sa charge. Les investisseurs et les actionnaires attachent une
importance primordiale aux risques et à leur répartition, leurs intérêts financiers découlant
directement de l’allocation des risques qui va être contractualisée. A cet égard, si l’obtention d’un
permis de construire s’avère impossible pour des raisons indépendantes de la volonté du
partenaire privé, les coûts afférents devront être pris en charge par la personne publique.
La personne privée éprouve de grandes difficultés à gérer les risques à très faible occurrence mais
à très fort coût. Pour ces risques « zéro à l’infini », l’assurance donnée par la personne privée est
très aléatoire : elle est soit trop chère, soit trop peu chère. L’analyse de Monte Carlo n’a de sens
que pour des risques probabilisables. Pour les risques de forte amplitude, constituer une
provision implique d’immobiliser une somme importante qui ne servira jamais si le risque ne se
réalise pas, mais qui sera très faible par rapport aux coûts générés si le risque se matérialise.
Les partenaires privés attendent des projets qu’ils soient bancables, c’est-à-dire finançables et avec
des risques maîtrisés. D’où l’intérêt particulier qu’ils portent aux clauses de déchéance et à la
recherche d’un juste équilibre entre une « sanction » jugée normale et la volonté jugée
déraisonnable de certaines personnes publiques de déséquilibrer fortement les engagements
contractuels en leur faveur, avec pour conséquence de fragiliser l’équilibre financier du projet et
donc la bonne exécution des clauses contractuelles dans la durée.
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ETUDES ET SYNTHESES
Les personnes publiques, et notamment les collectivités locales, définissent avec de grandes
difficultés leurs besoins et cela d’autant plus que le projet envisagé par la collectivité locale est
dans la plupart des cas le seul qu’elle aura à concevoir. En outre, les collectivités locales, du
moins les petites et les moyennes, ont a priori moins les moyens de disposer des compétences
nécessaires pour mener à bien un contrat de partenariat. Aussi doivent-elles se former au contrat
de partenariat et être bien conseillées.
Le contrat de partenariat oblige la personne publique à définir ses besoins et non pas la chose
dont elle a besoin. Quel est le besoin de la personne publique ? Est-ce avoir des trains (les
posséder physiquement) ? Ou bien est-ce avoir des trains qui circulent ? Les personnes publiques
ont encore trop souvent à l’esprit l’achat physique au lieu de percevoir le besoin « fonctionnel »
(le service rendu). Les collectivités et l’Etat doivent devenir des acheteurs de services rendus.
L’échantillon des professionnels rencontrés souligne les bonnes pratiques de la fonction publique
hospitalière, qui sait s’entourer de conseils de haut niveau et qui a pris l’habitude, par exemple, de
faire intervenir le même notaire sur tous les projets, ce qui permet un bon suivi.
Dans la plupart des cas, la personne publique reste encore trop souvent focalisée sur le critère du
coût par rapport à celui de la compétence lorsqu’elle choisit ses conseils. Pour les preneurs de
projets, leur souhait serait de dialoguer avec des conseils ayant la double connaissance du secteur
public et du secteur privé, de manière à ce que leurs interlocuteurs aient une capacité
d’anticipation.
La complexité et le coût des procédures sont difficilement absorbables par les petites structures,
ce qui les exclut de facto, et explique la prédominance sur le marché de trois grands groupes. Ces
derniers sont confrontés à des coûts de développement assez lourds (pour certains projets de un
à trois millions d’euros dépensés) pouvant être engagés en pure perte, le montant des
indemnisations n’étant pas généralement à la hauteur des dépenses de développement.
Cependant, les contrats commencent à se standardiser. On commence à voir apparaitre des
familles génériques de contrats, comme les lots de prisons par exemple. Les partenaires privés
apprécient les personnes publiques qui ont capitalisé de l’expérience et qui présentent des
contrats homogènes et bancables.
Le dialogue compétitif est une bonne chose, par exemple, pour la définition des besoins annexes
et des modalités de mise en œuvre. Il permet à la personne privée d’expliquer à la personne
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ETUDES ET SYNTHESES
publique pourquoi elle peut / ne peut pas prendre tel ou tel risque. La personne publique doit
néanmoins faire attention à ne pas communiquer les bonnes idées des uns aux autres pour
optimiser l’offre finale (nécessité de dialoguer « en tunnel »). En effet, elle court le risque qu’à
terme les personnes privées ne dévoilent leurs bonnes idées uniquement lors du dernier tour du
dialogue compétitif : de tels cas se sont déjà produits et n’ont jamais eu d’effets concluants.
A l’instar de tous les outils d’évaluation, la grille d’analyse fournie par le modèle développé par la
MAPPP ne permettra pas de rendre compte de tous les paramètres pris en compte par la
personne privée lors de la remise de son offre finale : les enjeux commerciaux sont omniprésents
et difficiles à monétariser. L’analyse globale et empirique des enjeux par le partenaire privé ne
s’adapte pas à un découpage fin et à modélisation des risques.
La MAPPP est cependant en mesure d’apporter un appui méthodologique au secteur public dans
l’appréciation des risques encourus du fait de la réalisation d’un projet sous la forme d’un contrat
de partenariat. Elle conseille les collectivités territoriales qui souhaitent avoir un avis formel, elle
veille à faire évoluer la doctrine et les méthodes, elle capitalise les retours d'expérience, et
participe à des formations, des colloques et des séminaires. Certains souhaitent même qu’elle
s’intéresse à des mécanismes assurantiels innovants comme celui de couverture de l'indice des
prix de la construction17.
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ETUDES ET SYNTHESES
L’évolution de l’indice des prix de la construction (IPC) est la dimension qui se prête le plus à une
analyse statistique, car on dispose de données sur une longue période. Aucun mécanisme n’existe
pour l’instant pour couvrir ce risque, alors même que les constructeurs sont prêts à le souscrire.
La personne publique pourrait aussi trouver une utilité à un tel mécanisme : si un retournement
conjoncturel devait avoir lieu, les groupes de BTP pourraient réaliser des gains significatifs au
détriment de la personne publique.
a) la personne publique impose dans le contrat une formule d'indexation, applicable au coût
d'investissement, hors frais financiers, par exemple par le biais d'un indice composite
comprenant l'indice des prix de la construction (applicable sur la fraction des coûts
d'investissement représentative du coût de conception-construction de l'ouvrage) et
l'inflation (pour les coûts de fonctionnement de la société de projet) ;
f) dans l'hypothèse d'un retard dans la date de mise à disposition, les mêmes principes que
ceux généralement mis en œuvre pour ce qui concerne l'obtention des permis et
autorisations pourraient être mis en œuvre, à savoir que la partie fautive subit les
conséquences de sa défaillance ; dans l'hypothèse d'une responsabilité partagée, les parties
pourraient se rapprocher pour répartir les conséquences résultantes ;
g) dans l'hypothèse d'une avance dans la date de mise à disposition, le bénéfice résultant
pourrait être partagé entre la personne publique et la Société de Projet, selon une clé de
répartition à convenir, permettant à chacun d'obtenir une juste rétribution des efforts
consentis ;
h) la société de projet et son constructeur sont ainsi rémunérés au juste prix de l'ouvrage
réalisé ;
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ETUDES ET SYNTHESES
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Daniel BENQUIS
Associé, Responsable de l'activité Infrastructure Advisory, Ernst & Young
Sylvie CHAUSSIN,
Directeur de Projets, CIC
Marc COLOMBARD-PROUT,
Département Economie et Sciences Humaines, CSTB
Aurélien DEFIGIER
Direction grands projets urbains, Bouygues Immobilier
Jérôme FLEURY,
Directeur, Eiffage Concessions
Christian GERMA,
Responsable des PPP, Vinci Construction France
Gauthier JACOB,
Secteur Santé, Partenariats Public-Privé, Dalkia France
Olivier LE GALL,
Responsable ingénierie financière - PPP, Eiffage Concessions
Damien LEGRAND,
Responsable Financement d’Infrastructures, DEPFA Bank
Patrice MOURA,
Directeur de projets, Mission d’Appui à la Réalisation des Contrats de Partenariat (MAPPP)
Vincent PIRON,
Directeur de la Stratégie et du Développement, Vinci concessions
Geneviève RIGOLOT,
Directrice juridique, Véolia
François TENAILLEAU,
Avocat, Cabinet CMS Francis Lefebvre
Lionel WALTER,
Responsable des Financements de Projets, CIC
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Bibliographie
Partenariat public-privé : conquête et reconquête des territoires in Les nouveaux conquérants, les Cahiers Ernst
& Young, n°10
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