Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Course contents
Table des matières
1 SÉANCE 5 - UNE INÉGALE SÉCULARISATION .............................................................................................3
1.1 INTRODUCTION ..........................................................................................................................................3
1.2 I – AUX ORIGINES DE LA SÉCULARISATION : UN PROCESSUS D’ABORD EUROPÉEN ? ..............................................4
1.3 II – L’INÉGALE SÉCULARISATION DANS LE MONDE ACTUEL ...............................................................................7
2 CRÉDITS .......................................................................................................................................................11
3 COLLECTION ................................................................................................................................................12
1 Séance 5 - Une inégale sécularisation
1.1 Introduction
1.1.1 Résumé :
Les deux termes recouvrent deux notions différentes, qu’il est important de bien distinguer. Alors que la
laïcisation désigne un processus par lequel l’État se place à distance des religions (selon des modèles
variables), la sécularisation désigne un processus de perte d’influence des religions dans une société
« Le christianisme occidental se disloque avec la Réforme protestante qui crée une pluralité irréductible
d’Églises. Le rapport du politique au religieux s’en trouve transformé. Luther récuse l’idée d’une
supériorité du pouvoir spirituel : il existe « deux règnes » : celui du « glaive » pour la conservation du
monde et celui de « l’Évangile » et de la liberté chrétienne. Même s’il pense en termes de chrétienté,
Luther est néanmoins laïcisateur au profit du politique. Calvin valorise les « juges laïcs » des juridictions
civiles, premier emploi positif du terme « laïc » en France, tout en faisant imposer le dogme central de
La Trinité par le pouvoir politique .
La liberté de conscience est en partie produite par le politique. Le XVIe est marqué par des guerres
religieuses mais aussi par des « paix de religion » dont l’édit de Nantes (1598) est emblématique : il
« conforte l’autorité de l’État, conçu à la fois comme absolu et comme arbitral, rassembleur au-dessus
des partis et des particularismes ». Cela a été préparé par la réflexion du parti des politiques : Jean
Bodin élabore une doctrine de la souveraineté indivisible où le roi défend les droits de tous ses sujets.
Mais l’édit sera révoqué en 1685 selon le principe « une foi, une loi, un roi » imbriquant étroitement
politique et religion.
Une réforme catholique s’effectue avec la création des jésuites et le concile de Trente (1545-1563),
effort de clarification théologique qui renforce le centralisme de l’Église catholique, institution
supranationale. Il contribue à un processus de « confessionnalisation » : à un territoire correspond une
religion (cujus regio, ejus religio). La situation change au XVIIe : des formes limitées d’acceptation du
pluralisme s’instaurent en Allemagne après les traités de Westphalie (1648), aux Pays-Bas qui
accueillent des minorités juives et protestantes persécutées et tolèrent les catholiques. »
Jean Baubérot, « Préhistoire de la laïcité », Les laïcités dans le monde, Presses Universitaires de
France, 2014, pp. 7-18
Voyons l’importance des penseurs de la politique dans ce processus à travers trois textes.
Le premier est de Locke. Marqué par la guerre civile anglaise, John Locke combat la théocratie
anglicane au nom du libéralisme : chaque individu est libre de ses choix religieux et l’État n’a pas à
intervenir. A cette règle, il met tout de même deux réserves : les catholiques, soumis à une influence
étrangère ; les athées, dont les engagements (serments) ne pourraient avoir de valeur.
« L’État, selon mes idées, est une société d’hommes instituée dans la seule vue de l’établissement, de la
conservation et de l’avancement de leurs INTÉRÊTS CIVILS. J’appelle intérêts civils, la vie, la liberté, la
santé du corps ; la possession des biens extérieurs, tels que sont l’argent, les terres, les maisons, les
meubles, et autres choses de cette nature. Il est du devoir du magistrat civil d’assurer, par l’impartiale
exécution de lois équitables, à tout le peuple en général, et à chacun de ses sujets en particulier, la
possession légitime de toutes les choses qui regardent cette vie. Si quelqu’un se hasarde de violer les
lois de la justice publique, établies pour la conservation de tous ces biens, sa témérité doit être
réprimée par la crainte du châtiment, qui consiste à le dépouiller, en tout ou en partie, de ces biens ou
intérêts civils, dont il aurait pu et même dû jouir sans cela. Mais comme il n’y a personne qui souffre
volontiers d’être privé d’une partie de ses biens, et encore moins de sa liberté ou de sa vie, c’est aussi
pour cette raison que le magistrat est armé de la force réunie de tous ses sujets, afin de punir ceux qui
violent les droits des autres. Or, pour convaincre que la juridiction du magistrat se termine à ces biens
temporels, et que tout pouvoir civil est borné à l’unique soin de les maintenir et de travailler à̀ leur
augmentation, sans qu’il puisse ni qu’il doive en aucune manière s’étendre jusques au salut des âmes, il
suffit de considérer les raisons suivantes, qui me paraissent démonstratives. Premièrement, parce que
Dieu n’a pas commis le soin des âmes au magistrat civil, plutôt qu’à toute autre personne, et qu’il ne
paraît pas qu’il ait jamais autorisé aucun homme à forcer les autres de recevoir sa religion. Le
consentement du peuple même ne saurait donner ce pouvoir au magistrat ; puisqu’il est comme
impossible qu’un homme abandonne le soin de son salut jusques à devenir aveugle lui-même et à
laisser au choix d’un autre, soit prince ou sujet, de lui prescrire la foi ou le culte qu’il doit embrasser.
Admirateur de Locke, Voltaire lui reprend le concept de tolérance, qu’il met en pratique en s’engageant
pour dénoncer l’erreur judiciaire dont est victime le protestant Jean Calas. Sa conception de la
tolérance se démarque de la tolérance lockienne en légitimant une « intolérance raisonnable », réponse
à l’intolérance historique mis en œuvre selon lui par le christianisme.
« Pour qu’un Gouvernement ne soit pas en droit de punir les erreurs des hommes, il est nécessaire que
ces erreurs ne soient pas des crimes ; elles ne sont des crimes que quand elles troublent la Société ;
elles troublent cette Société, dès qu’elles inspirent le fanatisme ; il faut donc que les hommes
commencent par n’être pas fanatiques, pour mériter la Tolérance.
Si quelques jeunes Jésuites, sachant que l’Eglise a les Réprouvés en horreur, que les Jansénistes sont
condamnés par une Bulle, qu’ainsi les Jansénistes sont réprouvés, s’en vont brûler une maison des
Pères de l’Oratoire, parce que Quesnel l’Oratorien était Janséniste, il est clair qu’on sera bien obligé de
punir ces Jésuites.
De même, s’ils ont débité des maximes coupables, si leur institut est contraire aux Lois du Royaume, on
ne peut s’empêcher de dissoudre leur Compagnie, & d’abolir les Jésuites pour en faire des Citoyens ; ce
qui au fond est un mal imaginaire, & un bien réel pour eux : car où est le mal de porter un habit court
au-lieu d’une soutane, et d’être libre au-lieu d’être esclave ? […] »
Voltaire, Traité sur la tolérance, 1762.
Cette carte, tirée de Wikipédia, a été réalisée avec les mêmes données statistiques que la précédente,
mais avec une discrétisation (méthode de répartition des données) différente : alors que la précédente
repose sur les quantiles (il y a autant d’États dans chacune des 4 catégorie), celle-ci repose sur des
intervalles égaux (chaque classe représente 10% de réponses positives).
Yemen 99%
Indonésie 99%
Malawi 99%
Somalie 98%
Djibouti 98%
Mauritanie 98%
Burundi 98%
Yemen 99%
Indonésie 99%
Malawi 99%
Somalie 98%
Djibouti 98%
Mauritanie 98%
Burundi 98%
Vrai Faux
L’historien de la philosophie Rémi Brague et les philosophes Marcel Gauchet, Frédéric Brahami et
Giulio de Ligio s’entretiennent de la signification d’un retour éventuel des revendications religieuses.
1.3.7 Synthèse
Ainsi, la sécularisation est un phénomène qui a une origine européenne : la Réforme, qui aboutit à créer
des sociétés plurielles, en est un des principaux facteurs historiques.
Face à la diversité religieuse, l’État peut de moins en moins justifier son pouvoir par la volonté de réaliser
le salut des âmes, et se sécularise dans ses objectifs. C’est ce que mettent en avant les philosophes des
Lumières.
Aujourd’hui, la sécularisation reste un phénomène très inégal à l’échelle planétaire : les pays européens,
les pays développés et les pays communistes (ou ex-communistes) sont les plus sécularisés, alors que les
pays pauvres, le continent africain ou l’aire musulmane le sont beaucoup moins.
2 Crédits
Images
3 Collection
vrai faux
C’est bien, vous avez bien compris les enjeux de la Réforme protestante.
Exercice 2 - Page ##PAGEREFQ_LFOLQV5IOZTCUNON5OGGVC5D46I##
A l'aide des textes étudiés : attribuez à chaque philosophe l’idée qui caractérise sa pensée sur
les religions.
L’État moderne ne doit pas se fixer comme objectif le salut de ces sujets
2 Rousseau 1
mais leur bien-être.
Pour parvenir à faire cohabiter les hommes, il faut instaurer une morale
3 Voltaire 2
élémentaire à laquelle tous les citoyens doivent se conformer.
Vrai Faux
Réponse correcte