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INSG COURS DE 
 Séance 4

2020 PSYCHOSOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS PL 2

PARTIE 3 (SUITE) : ETUDE DES CONCEPTS CLES EN PSYCHOSOCIOLOGIE 



DES ORGANISATIONS

II. LA DYNAMIQUE DES GROUPES ses membres et la collaboration pour réaliser


La notion de groupe, comme on a pu le voir un objectif commun.

dans les cours précédents, occupe une place


Selon certains spécialistes, le groupe se ca-
importante dans le paradigme psychosociolo-
ractérise par des interactions entre ses diffé-
gique. A quoi renvoie ce concept ?

rents membres par le partage de sentiments


communs et par une certaine forme d’organisa-
II.1.Définition tion.

L’homme est un animal social par nature. Il


Pour Roger Muchielli, le groupe n’est pas
a besoin de vivre en société, d’agir et de par-
une somme d’individus, « c’est un objet dont la
tager des sentiments et des idées avec ses
structure est variable et en constante évolution.
semblables.

Son degré d’organisation constitue un indicateur


De ce fait, tout ensemble humain ne peut de leur mode spécifique de fonctionnement. Les
être considéré comme un groupe. En effet cer- groupes constituent ainsi des intermédiaires
taines conditions légitiment la qualification de entre la société et l’individu. C’est un lieu
l’ensemble humain comme un groupe. Pour d’échange psychologique et social ».

qu’un ensemble d’individus constitue un groupe,


il faut que ses membres partagent un objectif II.2.Les différents types de Groupe dans l’organisation
commun et collaborent ensemble pour réaliser
cet objectif.
L’organisation n’est pas constituée d’une
somme d’équipements matériels gérés par un
Des personnes qui attendent dans le hall ensemble d’individus soumis à des lois et procé-
d’une administration pour demander un service dures. En effet, même si certains managers
ou s’acquitter d’une facture ne forment pas un aiment les considérer ainsi pour faciliter leur
groupe. A un moment donné ils protestent gestion, des groupes vont inévitablement se
contre la lourdeur du service et le laisser-aller constituer pour satisfaire des besoins et des
des employés et décident ainsi de faire une ré- désirs personnels et on parlera dans ce cas de
clamation auprès du chef hiérarchique. C’est groupes informels par opposition aux groupes
uniquement à partir de ce moment qu’ils com- formels.
mencent à constituer un groupe. Car ils vont
collaborer ensemble pour réaliser un objectif II.2.1. Les groupes formels

commun : améliorer l’accueil et la qualité du Ils sont qualifiés par le psychanalyste anglais
service dans l’administration par exemple.
Bion23 de groupe de niveau des tâches. Ils se
créent pour l’accomplissement de tâches pré-
C’est donc la visée d’un objectif commun qui
cises. Dans ce cas les membres se forment
détermine les interactions entre les différents
d’une manière consciente intentionnelle et ra-
membres du groupe. On peut donc considérer
tionnelle. Le but de leur formation en groupe
qu’un groupe est plus qu’une « collection » ou
est en relation avec la réalité objective de l’en-
« somme » d’individus. Car la formation d’un
treprise. La structure de ces groupes est régu-
groupe suppose le sentiment d’appartenance de
lée par des normes et des procédures prédéfi-
nies par l’entreprise, ils ont un statut, une au-

Enseignant : Flavien HEKEELLA I I Page 1


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torité explicite et des rôles bien définis. Ex : les sonnes les groupes permettent d’assouvir le
conseils d’administration, les comités des direc- besoin de pouvoir car il assure à ses
teurs, les groupes de travail etc.
membres un sentiment d’invulnérabilité.

II.2.2.Les groupes informels :


- Le besoin d’identification : L’appartenance
Ils sont qualifiés par Bion1, de groupe des à un groupe permet à certains individus de
niveaux des émotions par opposition aux construire leur personnalité sur le modèle
groupes de niveaux des tâches. Ces groupes se d’autres membres du groupe, généralement
forment d’une manière inconsciente sur la base des personnes privilégiées et influentes dans
des relations affectives, sentimentales et le groupe sont prises comme modèle.
souvent irrationnelle à partir d’interactions et - Le besoin d’affiliation : C’est un besoin
des besoins subjectifs des individus.

universel et naturel qui répond à l’instinct


Les membres des groupes informels ne sont grégaire de l’homme. C’est le besoin d’établir
pas nommés comme c’est le cas des membres des et de rétablir des relations affectives posi-
groupes formels. Ils y adhèrent d’une manière tives. C’est aussi le désir d’être aimé, accepté
volontaire. Leurs finalités ne sont pas toujours en et admiré par les autres car l’être humain
adéquation avec ceux du niveau des tâches. Il est est incapable de vivre seul. Il a besoin d’avoir
important de signaler que souvent des groupes des amis qui le supportent et qui le com-
informels se créent dans les groupes formels. prennent.

Mais par opposition aux groupes formels, dans les


groupes informels les rôles ne sont pas définis et
les structures d’autorité se font d’une manière II.4.Les avantages de la présence des Groupes informels
naturelle et spontanée.
dans les Organisations
- Faciliter le fonctionnement général de
II.3.Les besoins à l’origine de la création des Groupes dans l’organisation : Les groupes informels per-
les Organisations mettent d’alléger la lourdeur des procédures.
- Le besoin de sécurité. Le groupe apporte Ils constituent des éléments nécessaires pour
le fonctionnement de l’entreprise. Par leur
une sécurité psychologique à l’individu c'est-
spontanéité et flexibilité, les groupes atténuent
à-dire une sorte de protection. Le groupe
la rigidité des procédures administratives.

permet, dans des situations menaçantes (pé-


riode de crise) d’affronter collectivement les - Faciliter la communication : Les groupes
problèmes dans l’organisation et de solliciter
informels par leur position transversale et
ainsi l’aide d’un membre du groupe plutôt que
leur intrusion dans différents services et dans
de s’adresser à la direction.

différents niveaux de l’organisation court-cir-


-   Le besoin de coopération : Par la visée cuitent le système officiel d’information. La
transmission d’information n’est plus tribu-
d’un objectif commun, le groupe permet col-
taire de l’organigramme officiel et du niveau
lectivement de réaliser certaines tâches et
hiérarchique mais de la position que détient
résoudre certains problèmes qui nécessitent
chaque membre du groupe informel dans
une compétence collective.

l’organigramme de l’organisation.
- Le besoin d’estime et de pouvoir : Les
- Un générateur de sécurité : Les groupes
groupes assurent aux individus la satisfaction
informels constituent, dans l’organisation une
des besoins d’estime qu’apportent les autres
« soupape de sécurité »2. Les groupes pro-
membres des groupes. Pour d’autres per-

1 BION W.R (1965). Recherche sur les petits groupes, Paris, Presse universitaire de France.

2 Le terme est emprunté de l’ouvrage collectif « Las aspects humains de l’organisation »Ed Gaaeten Morin, Quebec, 1986.

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curent une certaine sécurité pour leurs ment du travail et générer une ambiance délé-
membres, notamment dans les périodes de tère.

crises et de conflits : avoir des amis qui vous


supportent et sur qui on peut compter est - Résister au changement : L’existence des
très important pour les employés dans une groupes informels peut être à l’origine de
organisation. comportements individuels ou collectifs défa-
vorables aux changements. Le changement
- La stabilité : Les groupes informels par le signifie, en effet, des transformations donnant
fait qu’ils sont construits sur la base de liens lieu à de nouvelles situations. Or les groupes
affectifs très forts favorisent un bon climat informels installés dans une sorte de routine
social pour leurs membres chose qui peut les quotidienne peuvent appréhender de façon
motiver pour demeurer plus longtemps dans négative ces changements. Dans ce sens, il
l’entreprise car la quitter signifie la rupture est nécessaire de mettre en œuvre des ef-
de ces liens affectifs ce qui garantie une plus forts à fin d’expliquer les bénéfices du chan-
grande stabilité pour l’organisation. gement pour les employés et la négation des
menaces imaginées.
- Des managers plus prudents : Vu la soli-
darité et le consensus qui caractérisent les - Le conformisme : C’est un effet de l’in-
membres des groupes informels dans une or- fluence sociale qu’exerce le groupe sur l’indi-
ganisation, le manager se doit d’être plus vidu. L’individu s’efforce de changer ses atti-
prudent lors de la prise de nouvelles décisions tudes et opinions pour les mettre en harmo-
par crainte que son autorité ne soit mise à nie avec le comportement général du groupe.
l’épreuve. Ce qui engendre une ressemblance dans les
attitudes et les manières d’agir3. 


II.5.Les inconvénients de la présence des Groupes infor- Les spécialistes de la sociologie des organisa-
mels dans les organisations tions sont tous d’accord sur le caractère in-
- Générer des situations conflictuelles : évitable et nécessaire de la formation des
L’un des objectifs de la formation des groupes groupes informels dans les organisations et
informels dans l’organisation est de satisfaire sur son effet bénéfique en terme d épanouis-
des besoins sociaux pour ses membres. Pour sement social pour ses membres. « Un mana-
atteindre cet objectif, les groupes recourent ger averti s’efforcera d’harmoniser la pré-
souvent à des méthodes de rapports de force sence des groupes formels et des groupes
qui peuvent générer des conflits avec la hié- informels. S’il réussit ce tour de force, il a de
rarchie et entraver ainsi le bon fonctionnement fortes chances de voire l’organisation dont il
de l’organisation. Exemple les membres forts est responsable mieux fonctionner »4
de leur solidarité se permettent d’exiger que
les pauses déjeuner durent plus longtemps,
chose qui peut ne pas correspondre avec les
II.6.La cohésion des Groupes
intérêts de l’entreprise. - "La cohésion est définie comme un proces-
sus dynamique reflétée par la tendance du
- Faciliter la circulation des rumeurs : Les groupe à rester liée et à rester uni dans la
groupes informels facilitent certes la circula- poursuite de ses objectifs instrumentaux et/ou
tion de l’information, mais ils sont aussi un pour la satisfaction de besoins affectifs des
terrain favorable pour la circulation des ru- membres" (Caron et Al. 1998). Ainsi la cohésion
meurs qui peuvent perturber le bon déroule- se manifeste par un sentiment d’appartenance

3 Le sociologue Kelman H C (1958), distingue à ce sujet trois types de conformisme : le conformisme par complaisance, il s’agit ici pour l’individu de
faire plaisir au groupe sans conviction réelle ; Par identification : émane d’un désir de ressembler au groupe et de porter son image ; Par
intériorisation : l’individu est convaincu de la justesse du comportement du groupe et il adhère fortement à ses idées.

4 Op cit , ouvrage collectif « Les aspects humains de l’organisation » Ed Gaaeten Morin, Quebec, 1986 page 167.

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fort et un désir exprimé des membres de gar- - L’attrait fort pour un but commun : Le
der leur unité.
fait de poursuivre un objectif commun, de me-
ner une action commune conduit à différents
II.6.1. Les facteurs de cohésion des affects (sentiments), comme le sentiment de
Groupes informels
force, de fierté ou de sécurité. Ces affects
Selon Maisonneuve5 il y a deux sources de auront pour conséquence de renforcer le sen-
facteurs causaux de la cohésion:
timent d’appartenance au groupe et le de
rendre ainsi plus cohésif.

- Facteurs extrinsèques (E) : facteurs anté-


rieurs à la formation du groupe ou concomi-
tant à cette formation. II.6.2. Les Effets de la cohésion

- Facteurs intrinsèques (I) : facteurs propres - Augmentation de la satisfaction générale


au groupe.
des membres : Elle s’explique par l’augmenta-
tion de l'efficacité du groupe à atteindre un
a) Facteurs extrinsèques de la cohésion
but ou à réaliser une performance.

- La proximité spatiale et sociale : Le fait de - L’augmentation du nombre des interactions


vire dans le même lieu géographique et de positives, amicales et coopératives entre les
partager la même culture et les mêmes va- membres d’un même groupe.
leurs facilitent le fonctionnement du groupe et - Augmentation de l’influence du groupe sur
sa cohésion.
les membres.

- La similitude au niveau de la culture et - Le développement personnel des membres :


de la provenance : Des gens qui ont la même Dans un contexte de solidarité et de confiance
provenance géographique (provenant de la les gens sont plus favorables à l’apprentissage,
même région), communiquent plus facilement ils acceptent plus facilement de prendre des
et plus intensément et forment donc un initiatives et de s’exprimer.
groupe plus homogène et plus cohérents que - Amélioration de l'opinion que les membres
des personnes ne partageant pas les mêmes ont sur eux-mêmes : se percevoir comme
valeurs. Exemple les travailleurs immigrés quelqu’un de positif et occupant une place
maghrébins dans les usines françaises ou alle- dans l’entreprise.

mandes et qui forment souvent un groupe so-


lidaire, cohésif et souvent isolés des autres II.6.3.Les dangers de la cohésion sur
groupes car ils partagent les mêmes valeurs, l’organisation

les mêmes façons de se comporter.


- Le sentiment d’invulnérabilité : L’apparte-
- Les menaces : Plus un groupe se sent me- nance à un groupe solidaire et cohésif dont les
nacé ou en compétition avec un autre groupe membres se supportent mutuellement fait
et plus la cohésion est renforcée : tous unis qu’ils se sentent en sécurité et à l’abri de tout
contre l'adversité. 
 danger puisque l’atteinte d’un membre du
Dans les groupes élargis, il est difficile de groupe suppose une réaction de tout le
maintenir la cohésion, cela s'explique par l'im- groupe.

possibilité de maintenir des interactions fortes


- La détermination : Pour garder leur cohé-
entre les membres (basées sur le partage des
valeurs culturelles communes) et de définir des sion les membres du groupe manifestent bon
buts communs à tous. gré malgré leur loyauté vis-à-vis des idées du
groupe même si ces idées ne correspondent
pas vraiment à leur opinions réelles. L’essentiel
b) Facteurs extrinsèques de la cohésion

5 Maisonneuve, J. « La dynamique des groupes » Ed. PUF, Coll. Que sais-je ?, PARIS ? 1999.

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pour eux est de garder le consensus du


groupe au dépend même de la rationalité.

- Les préjugés : Les membres d’un même


groupe informel développent des idées stéréo-
typées (préjugés) concernant les groupes ad-
verses. Les idées des membres du groupe sont
surévaluées alors que celles du groupe adverse
sont mal perçues et souvent considérées
comme ridicules. 


II.6.4.Solutions pour remédier à la cohé-


sion d’un groupe

Un manager averti ne doit pas tenter


d’ébranler brutalement la cohésion d’un groupe.
S’il le fait il aura l’effet contraire de ce qu’il
espère c’est-à-dire une plus forte cohésion du
groupe. Donc les attitudes qu’il peut adopter
sont les suivantes :

- Créer des groupes de travail transversaux


au sein de l’organisation : Leur tâche sera de
réunir, autour d’un thème stratégique, plu-
sieurs employés provenant de services diffé-
rents.

- Le manager peut créer une nouvelle


fonction, celle de gestionnaire de carrière qui
aura la charge de rencontrer tous les em-
ployés de l’entreprise et de les conseiller sur
leur carrière. Il peut ainsi les orienter et
prendra individuellement leur désir de forma-
tion. Ainsi certains membres, vont se désolida-
riser progressivement pour poursuivre d’autres
perspectives.6

- Instaurer une philosophie de gestion, qui
favorise le travail par objectif et la rémunéra-
tion au mérite, ce qui est de nature à favori-
ser un esprit de compétition entre les salariés
car chacun sera préoccupé par réaliser et at-
teindre les objectifs qui lui ont été fixés par la
direction de l’entreprise. 


6 DEVAL P., »La mise en scène de la vie professionnnelle », Ed. Vigot, Paris, 1996, p. 46.

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