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Lutte contre la pollution des eaux

Finitions à haute performance


par Pierre GILLES
Chef du Service Filière de la Direction Technique à l’Omnium de Traitement
et de Valorisation (OTV)

1. Pollutions résiduelles en sortie de traitement biologique ........... G 1 330 - 2


1.1 Action du traitement biologique sur les pollutions .................................. — 2
1.2 Pollutions solubilisées................................................................................. — 2
1.3 Pollutions particulaires................................................................................ — 2
1.4 Pollutions bactériennes............................................................................... — 3
1.5 Couleur ......................................................................................................... — 3
2. Objectifs du recyclage et de la réutilisation de l’eau.................... — 3
2.1 Généralités ................................................................................................... — 3
2.2 Production d’eau pour l’irrigation .............................................................. — 3
2.3 Réutilisation dans l’industrie ...................................................................... — 4
3. Panorama des techniques utilisables................................................. — 4
4. Techniques combinées biologie-membrane ..................................... — 5
4.1 Présentation ................................................................................................. — 5
4.2 Procédé à boucle externe............................................................................ — 5
4.3 Procédé à membranes immergées ............................................................ — 6
5. Techniques physiques et physico-chimiques ................................... — 6
5.1 Filtration sur matériau granulaire .............................................................. — 6
5.2 Filtration membranaire ............................................................................... — 7
5.3 Osmose inverse ........................................................................................... — 7
5.4 Désinfection UV ........................................................................................... — 8
5.5 Floculation-clarification............................................................................... — 8
5.6 Charbon actif................................................................................................ — 9
6. Techniques d’oxydation chimique ...................................................... — 9
6.1 Ozone............................................................................................................ — 9
6.2 Techniques d’oxydation avancée ............................................................... — 10
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. G 1 330

P ar finitions à haute performance, le lecteur comprendra des traitements de


finition à haute performance ayant pour objectif le recyclage des eaux.
La réutilisation ou le recyclage des eaux usées est un moyen efficace de pré-
server les ressources en eaux naturelles.
Par rapport aux filières classiques de traitement conçues pour rejeter dans le
milieu naturel, la réutilisation des eaux usées nécessite un complément de trai-
tement pour rendre la qualité de l’eau traitée compatible à l’usage que l’on veut
en faire.
Les deux domaines principaux de réutilisation des eaux usées sont, d’une part,
l’irrigation (arrosage de cultures, engraissement de pâturages en agriculture –
arrosage d’espaces verts, de terrains de jeu en zone urbaine), d’autre part, le
recyclage en industrie pour des usages divers (lavage de sols, de produits, eau
de refroidissement, eau de procédé).

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La réutilisation nécessite un dispositif de transport et de distribution de l’eau


usée, du site de production vers le site d’utilisation. La protection de ce dispositif
d’un risque de colmatage et la protection des personnes face à un risque sani-
taire potentiel requièrent un traitement minimal commun à tous les usages
consistant en une réduction de la teneur en matières en suspension et en une éli-
mination des germes de l’eau usée. Chaque utilisation particulière nécessite, en
plus, un complément spécifique de traitement pouvant porter sur l’élimination
des matières en suspension, de la pollution organique résiduelle, de la couleur,
de substances toxiques, de substances minérales dissoutes.
Pour réaliser ce traitement complémentaire spécifique, le traiteur d’eau dis-
pose d’une gamme de techniques physiques, chimiques ou biologiques, cha-
cune n’ayant qu’un domaine d’action particulier sur certaines formes de la
pollution. Une bonne caractérisation des pollutions résiduelles de l’eau usée à
réutiliser est alors indispensable pour concevoir un complément de traitement
fiable et performant.
Le présent article caractérise, dans une première partie, les pollutions résiduel-
les contenues classiquement dans un effluent épuré rejeté au milieu naturel. Il
aborde ensuite les objectifs du recyclage et de la réutilisation et les niveaux de
qualité à atteindre pour pouvoir recycler l’eau. Enfin, après un panorama synthé-
tique des techniques utilisables, il en décrit certaines plus précisément en les
illustrant par des exemples. Ce sont préférentiellement des techniques moder-
nes à haute performance qui seront abordées.

1. Pollutions résiduelles se définit légalement par filtration sur membrane de porosité


0,45 µm. Dans la pratique analytique courante en eau usée, on uti-
en sortie de traitement lise fréquemment une membrane filtrante en fibre de verre dont le
pouvoir de coupure se situe vers 4 µm.
biologique
1.2 Pollutions solubilisées
1.1 Action du traitement biologique
sur les pollutions 1.2.1 Sels minéraux dissous
Un traitement biologique performant, par exemple une boue acti- Dans ce groupe, le traitement amont ne permet d’éliminer, avec
vée fonctionnant en faible charge et munie d’une clarification effi- + –
rendement élevé, que les composés azotés (N · NH 4 , N · NO 3 ), les
cace, élimine la quasi-totalité des pollutions particulaires et des
sulfures et les phosphates pour lesquels de faibles teneurs rési-
composés biologiquement dégradables de l’eau usée admise au
duelles de un à quelques mg/L peuvent généralement être atteintes,
traitement.
sans cependant en obtenir une élimination totale. À l’exception de
Les polluants éliminés par la biologie sont essentiellement des l’azote ammoniacal et des phosphates, la biologie ne consomme
substances organiques et quelques composés minéraux (azote pour sa croissance que des traces des divers sels dissous.
ammoniacal, azote nitrique). En traitement amont ou simultané-
Selon les conditions de pH et d’équilibre calco-carbonique du
ment à la biologie, d’autres composés minéraux peuvent être élimi-
milieu, des composés initialement dissous peuvent cependant être
nés par voie chimique (sulfures, phosphates). Le processus
partiellement éliminés. C’est le cas des biocarbonates, des cations
biologique permet, également, d’agglomérer sous forme de flocons
alcalino-terreux (Ca2+ et Mg2+) et des métaux lourds qui sont préci-
de quelques millimètres de diamètre, l’essentiel des pollutions par-
pités en partie sous forme de carbonates de calcium, de magnésium
ticulaires résiduelles, ces agglomérats décantables étant séparés de
ou d’hydroxydes métalliques, composés peu solubles qui se retrou-
l’eau traitée au niveau du clarificateur.
vent dans les boues extraites. Les bicarbonates peuvent également
Les pollutions rejetées dans l’effluent épuré sont pour partie liées être partiellement strippés à l’atmosphère sous forme de CO2 .
à une fuite en matières en suspension ; cette perte en particules soli-
Les halogénures (chlorures, fluorures), les sulfates, les cations
des (flocons de boues activées) est due au rendement du clarifica-
alcalins (Na+, K+), très solubles, se retrouvent pratiquement sans
teur, équipement de séparation liquide-solide, qui à échelle
aucun abattement dans l’effluent épuré. En cas de traitement amont
industrielle ne peut jamais atteindre 100 %. Une autre partie de la
ou simultané par un sel de fer ou d’aluminium, les teneurs en chlo-
pollution résiduelle est dissoute dans la phase liquide de l’effluent
rure ou en sulfate peuvent même être accrues.
où se retrouvent tous les composés solubles non dégradés par la
biologie ; ces composés pouvant être soit apportés par l’eau usée,
soit générés au cours du traitement. 1.2.2 Composés organiques dissous
La figure 1 montre qu’il n’y a, en fait, pas de frontière nette entre
substances solubilisées et composés en suspension, mais une évo- Les substances de ce groupe initialement présentes dans le rejet
lution progressive et continue de la taille des éléments susceptibles avant traitement sont spécifiques de l’activité industrielle. On y
d’être présents dans l’eau. La distinction entre soluble et particulaire retrouve généralement acides organiques, amino-acides, oses,

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Macromolécules
organiques

Composés
Algues Colloïdes organiques

Sels
Bactéries Virus dissous

Pollens Parasites

100 µm 10 1 0,1 0,01 0,001 0,0001

Cheveu Globule Plus petit Virus Osmose


rouge micro-organisme polio inverse

Nanofiltration

Ultrafiltration

Microfiltration

Filtre à
sable

Figure 1 – Panorama des tailles des particules

alcools, aldéhydes et cétones, amines, phénols, détergents... Le molécules organiques complexes polymérisées, précipités fins de
processus biologique en scinde les chaînes organiques biodégra- matières minérales insolubles (une fraction des métaux lourds se
dables en composés à faible masse molaire qui sont alors partielle- trouve souvent sous forme colloïdale).
ment convertis en biomasse et partiellement oxydés en dioxyde de Une des propriétés du traitement biologique étant d’agglomérer
carbone. Un traitement biologique performant élimine la quasi- les fines particules (dont les colloïdes) sous forme de flocons décan-
totalité des matières organiques biodégradables sans cependant tables, ce groupe de composés ne se retrouve généralement qu’en
atteindre l’élimination totale. La faible teneur résiduelle de subs- faible quantité après un traitement biologique performant. Les col-
tances dissoutes dégradables est essentiellement due à des loïdes résiduels peuvent être une fraction des colloïdes apportés par
composés à faible masse molaire qui titrent à quelques mg/L en l’eau résiduaire, mais peuvent également être des métabolites
demande biochimique en oxygène (DBO) et en demande chimique générés lors du traitement.
en oxygène (DCO).
Certains composés organiques dissous du rejet sont réfractaires
au processus biologique. Ils se retrouvent en totalité dans la phase
soluble de l’effluent épuré où ils titrent en DCO. À cette DCO réfrac- 1.3 Pollutions particulaires
taire, également appelée DCO dure, est souvent associé un résiduel
d’azote organique soluble réfractaire au traitement biologique Lors du processus biologique, les substances particulaires non
appelé azote organique soluble dur. dégradées de l’eau usée et celles générées lors du traitement sont
agglomérées sous forme de flocons décantables avec la biomasse
produite. L’essentiel de ces substances se retrouve dans les boues
1.2.3 Colloïdes fins en excès. Une faible proportion, liée à l’efficacité du clarificateur, en
est cependant rejetée dans l’effluent traité. À cette fuite de matières
De granulométrie plus fine que le pouvoir de coupure des filtres en suspension sous forme de flocons de forte granulométrie
standards, certains composés complexes, les colloïdes sont partiel- s’ajoute, en général, une faible teneur en matières en suspension
lement comptabilisés dans la phase soluble. Ces composés dont la due à une teneur résiduelle de gros colloïdes non floculés. L’ensem-
taille s’échelonne de 0,1 à 10 µm peuvent être de nature très variée : ble de cette pollution particulaire est constituée :

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— de matières minérales solides, apportées par l’eau usée (silica- 1.5 Couleur
tes, sels métalliques...) ou précipitées lors du traitement (phospha-
tes métalliques, hydroxydes métalliques...) ; La couleur d’une eau est due à la présence de composés (colo-
— de matières organiques particulaires non biodégradables, rants) variés d’origine minérale (exemple : bleu de Prusse) ou orga-
apportées par l’eau usée et absorbées sur le floc (cellulose, nique (exemple : noir d’aniline). Ces composés peuvent tantôt être
lignine...) ou générées lors du traitement (résidu cellulaire) ; en solution vraie, tantôt en dispersion colloïdale et tantôt encore
— de matières organiques particulaires biodégradables appor- sous forme de leucobases.
tées par l’eau usée, absorbées sur le floc et non totalement dégra-
dées. Après un traitement biologique poussé, cette catégorie de La couleur est due à l’existence de bandes d’absorption dans le
pollution ne subsiste qu’en très faible quantité ; visible créées par la présence dans une même molécule de plu-
— de biomasse active produite par la conversion de la matière sieurs liaisons insaturées (éthylénique, benzénique, carbonyle) ou
organique biodégradable de l’eau usée lors du processus biolo- de plusieurs groupes dits chromophores (groupements azoïques,
gique. nitrés, nitrites, sulfoxyde). Il suffit d’une très faible concentration en
substance colorée pour induire une forte coloration et en consé-
Les matières organiques particulaires inertes (non dégradables) quence la couleur ne titre pratiquement pas sur les paramètres ana-
titrent en matières volatiles en suspension (MVS), DCO particulaire lytiques classiques de la pollution (DCO, DBO, MEST, NTK). La
et en azote organique particulaire. Les matières organiques particu- nuisance générée est essentiellement visuelle.
laires non inertes (biodégradables, biomasse) titrent en plus en DBO
particulaire.

1.4 Pollutions bactériennes 2. Objectifs du recyclage


L’eau usée admise au traitement contient généralement des espè-
et de la réutilisation
ces microbiennes, certaines pouvant présenter un caractère patho- de l’eau
gène (tableau 1).
Tout traitement biologique génère le développement d’une bio-
masse épuratrice dans laquelle peuvent subsister des espèces 2.1 Généralités
pathogènes. Bien que la biomasse résultant du processus soit prin-
cipalement recueillie dans les boues en excès, la faible proportion Plus la demande en eau croît, plus les ressources en eau disponi-
rejetée dans l’effluent traité maintient un risque sanitaire pour cer- bles se raréfient alors que simultanément et par voie de consé-
taines réutilisations de l’eau. La biomasse est un écosystème simpli- quence le volume d’eau usée rejeté s’accroît. Dans ce contexte, la
fié ne faisant appel qu’à des micro-organismes dont la taille réutilisation de l’eau usée devient un moyen intéressant pour, à la
s’échelonne entre quelques micromètres pour les bactéries et quel- fois, satisfaire la demande et protéger les ressources.
ques dizaines de micromètres (20 à 150 µm) pour les protozoaires et
les métazoaires. Les flocs de matières en suspension rejetés avec Le traitement de l’eau usée doit alors être complété pour adapter
l’effluent constituent un concentré de ces micro-organismes. Les la qualité des eaux de manière à la rendre compatible avec l’usage
espèces les plus petites (les bactéries) sont en plus présentes sous prévu. Le complément de traitement peut porter sur une améliora-
forme dispersée dans la phase soluble de l’effluent. tion générale ou sur des améliorations limitées seulement à certains
éléments : matières en suspension, DCO dure, activité microbienne
et risque pathogène, substances toxiques, couleur, salinité.
La réutilisation d’eau peut concerner l’irrigation de cultures et
Tableau 1 – Micro-organismes dans les eaux usées traitées l’engraissement de pâturages en agriculture, l’arrosage de pelouses
et non traitées ou de terrains de jeu. Ce mode de réutilisation est cependant réservé
aux eaux usées domestiques ou assimilées. L’eau peut également
Concentrations être réutilisée dans l’industrie pour des usages de lavage de sols,
Micro-organismes
(en nombre par litre) lavage de produits, de refroidissement ou d’eau de procédé. La réu-
tilisation des eaux usées nécessite, comme pour les eaux naturelles,
Eaux usées Eaux usées un traitement, un transport et une distribution. Le traitement est spé-
non traitées traitées cifique à l’usage que l’on veut en faire. Pour le transport et la distri-
bution, il y a lieu d’éviter le développement biologique et le dépôt
Virus 0 à 2 × 105 0 à 5 × 103 dans le réseau. Cette contrainte impose une réduction suffisante des
Bactéries : matières en suspension et de l’activité biologique de l’eau recyclée.
— coliformes totaux......................... 109 à 1011 104 à 108
— coliformes thermotolérants ........ 106 à 1010 102 à 107 2.2 Production d’eau pour l’irrigation
— streptocoques fécaux .................. 105 à 108 102 à 106
Les recommandations du CSHPF (Conseil supérieur de l’hygiène
— salmonelles .................................. 0 à 133 0 à 102
publique de France) de juillet 1991 précisent que le sol peut consti-
— staphylocoques............................ 101 à 105 0 à 102 tuer un moyen d’évacuation mais en aucun cas un moyen d’épura-
tion dans le cadre de la réutilisation des eaux usées. Les eaux
— aeromonas ................................... 105 à 108 101 à 103
doivent, en conséquence, avoir un niveau de traitement suffisant
Parasites : pour que l’irrigation ne puisse être décrite comme moyen d’épura-
tion. Parasites, bactéries et virus peuvent être à l’origine de mala-
— protozoaires .................................
dies par transmission directe à l’homme. Présents en nombres
— giardia (kystes)............................. 101 à 105 101 à 102 significatifs même dans un effluent correctement épuré, ils repré-
sentent un risque sanitaire. Pour éviter ce risque, les eaux doivent
— cryptosporidium (oocystes) ........ 0 à 104 0 à 102
au niveau microbiologique être traitées pour satisfaire, selon les cas
— œufs d’helminthes (nématodes 0 à 102 0 à 101 d’utilisation, les contraintes de qualité de type A, B, ou C du
et cestodes) .................................. tableau 2.

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Tableau 2 – Directives concernant la qualité microbiologique des eaux usées utilisées dans l’agriculture (brochure OMS-778)
Nématodes intestinaux Coliformes intestinaux
Catégorie Conditions de réutilisation Groupe exposé (nombre d’œufs par litre, (nombre par 100 ml ;
moyenne arithmétique) moyenne géométrique)
A Irrigation de cultures destinées à Ouvriers agricoles <1 < 1 000
être consommées crues, des Consommateurs
terrains de sport, des jardins publics Public
B Irrigation des cultures céréalières, Ouvriers agricoles <1 Aucune norme
industrielles et fourragères, des n’est recommandée
pâturages et des plantations
d’arbres
C Irrigation localisée des cultures de Néant Sans objet Sans objet
la catégorie B, si les ouvriers
agricoles et le public ne sont pas
exposés

Tableau 3 – Survie des œufs d’helminthes dans l’environnement (d’après SHUVAL et am., 1986)
Temps de survie Eau Sol Végétaux comestibles Prairies Ensilage
Valeurs moyennes Plusieurs mois Plusieurs mois 1 mois 3 à 4 semaines 80 j
Valeurs extrêmes > à 1 an 15 j à 5 ans 6 j à 150 j 10 j à 360 j 20 j à 210 j

Un traitement complémentaire de désinfection permet de réduire


bactéries et virus. En revanche, la pollution parasitaire, par exemple Tableau 4 – Charge métallique dans les effluents
les œufs d’helminthes (tableau 3), peu sensible à la désinfection chi- secondaires de stations d’épuration d’Ile-de-France
mique, est préférentiellement éliminée par un traitement physique (en µg/L) (Agence de l’eau Seine Normandie)
performant de rétention des matières en suspension.
Station mixte Station urbaine
Les micropolluants organiques et minéraux induisent un risque Métal
(13 stations) (1) (12 stations) (2)
sanitaire par leur introduction dans la chaîne alimentaire qui aboutit
à l’homme. Les traitements d’épuration conventionnels contribuent Cu 55 24
à une élimination poussée des micropolluants minéraux (notam-
ment les métaux lourds) qui se retrouvent en contrepartie concen- Cd 0,5 0,1
trés dans les boues (tableau 4). Cr 15 9
La charge métallique résiduelle est en conséquence faible et Ni 35 24
généralement du même ordre de grandeur que celle présente dans
les eaux superficielles, excepté le zinc. Le niveau de contamination Zn 148 92
en micropolluants organiques des effluents traités est peu étudié et Hg 0,31 0,27
serait à priori faible. Aucun texte réglementaire ou à caractère nomi-
natif ne vise actuellement la qualité chimique des eaux utilisées Pb 11 9
pour l’irrigation ou l’arrosage des cultures. Un tableau de recom- (1) Valeurs moyennes obtenues sur 13 stations traitant un effluent mixte
mandations [PRATT, 1972], limité essentiellement au risque phyto- industriel + domestique.
toxique des polluants minéraux est seul fréquemment cité dans la (2) Valeurs moyennes obtenues sur 12 autres stations traitant exclusive-
bibliographie. ment un effluent domestique.

2.3 Réutilisation dans l’industrie


3. Panorama des techniques
La demande en eau au niveau de l’industrie est importante
mais ne nécessite pas toujours une qualité de type eau potable.
utilisables
Pour les usages en lavage ou en transport de produits bruts, une
qualité type eau épurée est souvent suffisante. Pour les usages en Le traiteur d’eau dispose d’un éventail de techniques pour réduire
refroidissement, des propriétés non entartrantes sont essentielle- les pollutions résiduelles afin de permettre le rejet dans un milieu
ment requises. La réutilisation en eau de procédé nécessite des récepteur sensible ou de réutiliser l’effluent pour les divers usages
caractéristiques précises de l’eau recyclée, caractéristiques pro- précités.
pres à chaque procédé mais qui souvent se rapprocheront d’une
eau potable. Elles s’obtiendront par un affinage plus poussé por- ■ Le traitement biologique
tant sur la réduction des pollutions résiduelles conventionnelles, Des techniques combinées biologie-membrane, plus performan-
sur la salinité ou sur la couleur. Une désinfection complémentaire tes qu’une boue activée correctement dimensionnée en faible
est nécessaire pour la protection du personnel et du réseau de charge, et éliminant de la pollution antérieurement réputée non bio-
distribution. dégradable permettent d’utiliser cette voie.

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■ Les techniques physiques et physico-chimiques Le pouvoir de coupure des membranes (0,2 à 0,02 µm) conduit à
● La technique physique de filtration restituer un effluent épuré exempt de toute fuite en matières en sus-
pension et des pollutions qui y sont rattachées. La membrane est
Elle consiste à filtrer l’eau sur un équipement de pouvoir de cou-
une barrière physique qui retient la totalité des micro-organismes
pure défini. Les particules de taille granulométrique supérieure à ce
présents de taille égale ou supérieure aux bactéries, avec en consé-
pouvoir de coupure sont retenues par l’équipement, celles de taille
quence une efficacité en désinfection. Une fraction importante des
inférieure restent dans l’effluent traité. Selon le pouvoir de coupure,
colloïdes résiduels est également retenue.
on parle de filtration sur sable, de microfiltration, de nanofiltration
ou d’osmose inverse. Le fonctionnement à très faible charge entraîne une élimination
● La technique physique d’adsorption
plus poussée des pollutions organiques solubles difficilement
dégradables, la DCO soluble résiduelle étant de 20 à 40 % inférieure
Elle consiste à extraire de l’eau des polluants résiduaires solubles à celle d’une boue activée de faible charge. Il en est de même pour
en utilisant les propriétés adsorbantes de certains composés (char- l’azote organique soluble résiduel. Les performances en nitrification
bons actifs, alumine activée). Ces adsorbants s’utilisent en grains ou sont de plus accrues avec obtention de très faible teneur résiduelle
en poudre. en azote ammoniacal. La production de boues est réduite environ de
● La technique physico-chimique de floculation-clarification moitié, ces boues présentant un fort degré de stabilisation.
Elle consiste à l’aide de réactifs chimiques (sels de fer ou d’alumi- La forte concentration en boues dans le bassin biologique, qui
nium) à générer un floc d’hydroxyde métallique agglomérant les entraîne simultanément des conditions d’âge de boues très élevé,
polluants résiduels particulaires et colloïdaux. Ce floc décantable est de très faible charge massique et de forte charge volumique, permet
ensuite séparé de l’eau dans un ouvrage de décantation ou de filtra- de réduire environ de moitié le volume de bassin biologique néces-
tion. saire.
● La technique physique d’irradiation
La capacité membranaire à installer est fonction du type de mem-
Elle consiste à exposer l’eau à un rayonnement qui agit sur cer- brane, de ses conditions de fonctionnement et du pouvoir colmatant
tains constituants du milieu. Les rayonnements potentiellement uti- de l’eau à filtrer. Elle se définit essentiellement sur l’hydraulique,
lisables sont multiples (UV, X, β, γ). Pour raison de sécurité, seul le dans une gamme de 10 à 100 L/(h · m2) de membranes. Un fonction-
rayonnement UV a trouvé une application dans le traitement des nement à débit constant, par bâche d’écrêtage amont ou réacteur
eaux. Seul, il agit principalement en désinfection. Combiné à biologique à niveau variable, permet de minimiser l’installation. Pour
l’ozone, il permet d’en accroître le potentiel oxydant. maintenir dans le temps la perméabilité des membranes, un net-
■ Les techniques d’oxydation chimique toyage chimique (chlore, acide ou base) est périodiquement effectué.
Elles consistent à utiliser le pouvoir oxydant de substances chimi- Cette technique permet d’améliorer la qualité globale de l’effluent
ques pour transformer ou détruire les polluants résiduaires. Les rejeté par l’élimination totale des pollutions particulaires, par la
substances utilisables sont multiples (permanganate, halogènes, réduction des colloïdes, des pollutions solubles azotée et organique,
eau oxygénée, ozone...) et ont une efficacité plus ou moins grande l’ensemble se complétant d’un effet de désinfection.
en fonction de leur pouvoir oxydant. La combinaison de plusieurs
oxydants permet d’accroître les performances.
Parmi ces techniques, le traitement biologique et les procédés 4.2 Procédé à boucle externe
d’oxydation chimique détruisent les substances polluantes, les trai-
tements physiques et physico-chimiques ne font que concentrer les Les premières applications industrielles des bioréacteurs à mem-
polluants dans une phase boue ou une phase concentrat qui néces- branes datent des années 70 aux États-Unis. Elles consistaient à
sitera un traitement complémentaire pour les détruire. mettre en œuvre une unité d’ultrafiltration derrière une boue activée
avec recyclage du concentrat dans celle-ci. Des procédés dérivés du
précédent ont vu le jour depuis cette date. La différence essentielle
entre ces différents procédés porte sur la nature des membranes
4. Techniques combinées (minérales ou organiques, tubulaires ou à plaques, micro ou bien
ultrafiltration). Le BRM (bioréacteur à membranes – Degrémont) uti-
biologie-membrane lise des membranes tubulaires minérales en céramique. Ces unités
de filtration fonctionnent à des pressions de 2 à 5 bar. Tous ces pro-
cédés nécessitent une installation de filtration membranaire com-
4.1 Présentation plètement dissociée du bioréacteur avec une boucle de recirculation
sous pression. Ces systèmes sont dits à boucle externe. La sépara-
Un traitement biologique classique par boues activées en faible tion liquide solide y est effectuée par filtration tangentielle et la boue
charge donne ses performances optimales pour un âge de boues de concentrée est recyclée vers le bassin biologique ou extraite lors
20 à 25 jours. Ces conditions correspondant à un faible ratio substrat/ des purges. Le principe de filtration tangentielle est basé sur un
biomasse, l’essentiel des matières dégradables est éliminé et ne balayage permanent de la membrane pour y éviter l’accumulation
subsistent dans la phase soluble rejetée que des polluants non ou de dépôt. Ce balayage se fait à débit régulé pour éviter le colmatage
très difficilement biodégradables. La biomasse créée, se présentant et conserver dans le temps performances et efficacité. Il se fait en
sous forme de flocs denses, est efficacement séparée de l’eau traitée injectant à grande vitesse (3 à 6 m/s) la liqueur mixte dans la boucle
par le clarificateur. Fonctionner à plus faible ratio substrat/biomasse de filtration. Ces conditions entraînent des taux de recirculation éle-
devrait permettre d’éliminer davantage de substances difficilement vés de liqueur mixte (figure 2 et tableau 5).
dégradables. Ces conditions de fonctionnement ne sont cependant
pas possibles car elles entraînent la formation d’une biomasse en
flocs fins et dispersés limitant l’efficacité de la clarification. 4.3 Procédé à membranes immergées
Dans les techniques combinées biologie-membrane, l’ouvrage
limitant du processus, le clarificateur, est remplacé par des membra- Au début des années 90 sont apparus de nouveaux procédés de
nes filtrantes de microfiltration ou d’ultrafiltration qui permettent de bioréacteurs à membranes dits intégrés. Le dispositif de filtration
s’affranchir de la décantabilité des boues, paramètre déterminant en est immergé dans le bassin de boues activées et la filtration mem-
boues activées classiques. Il en résulte la possibilité de fonctionner branaire est réalisée en dépression par aspiration. C’est le principe
avec des âges de boues élevés (généralement de 40 à 50 jours) et de du procédé Biosep développé par OTV. Cette conception permet de
concentrer les boues dans le bassin de boues activées entre 15 et supprimer la boucle de recirculation externe. Les boues en excès
25 gMEST/L. sont stockées et directement extraites du réacteur biologique.

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Effluent
Influent traité
Bassin
d'aération
Clarificateur

Boues recyclées Boues en excès

a boues activées classiques

Boues recyclées Boues en excès

Effluent
Influent Bassin traité
d'aération

Modules de microfiltration
ou d'ultrafiltration

b boues activées à membranes : boucle externe

Influent
Effluent
traité

Boues en excès

c boues activées à membranes immergées Figure 2 – Principe des techniques combinées


biologie-membranes

milieu. Des rétrolavages périodiques, à partir du perméat produit,


Tableau 5 – Membranes en boucle externe assurent le décolmatage.
et membranes immergées Dans le procédé Biosep, les membranes utilisées sont de type
organique, constituées de fibres creuses dont le seuil de coupure est
Membranes de 200 000 Daltons.
Procédé Boucle externe
immergées
Les fibres sont assemblées en modules eux-mêmes associés par
Bioréacteur................................. Dimensionnement et conditions cassettes. Ce sont ces cassettes qui sont directement immergées
d’opérations identiques dans la boue activée (tableau 6).
Membranes et type de module Tubulaire Fibres creuses
immergées
Filtration : Tableau 6 – La boue activée à membrane de Smartville
— méthode ............................... sous pression extraction
Hambach (57) (document OTV Industries)
avec recyclage à pression Membrane immergée (procédé Biosep - OTV)
négative
Effluent mixte domestique + industriel
— pression de filtration ....(bar) 2à5 – 0,2 à – 0,4 (automobile) ..........................................2 700 équivalents habitants
— vitesse tangentielle ...... (m/s) 3à5 brassage à l’air Débit traité ............................................................................. 230 m3/j
Volume total de l’unité ........................................................... 190 m3
— débit de recyclage....(Qr /Qe ) 20 à 60
Influent Niveau requis Effluent
Paramètre
L’eau est filtrée de l’extérieur vers l’intérieur des fibres sous l’effet (mg/L) (mg/L) (mg/L)
d’une différence de pression inférieure à 1 bar créée par une pompe. DCO ................. 1 320 150 50
La maîtrise du colmatage du système s’appuie sur une utilisation
extensive des membranes (faible pression transmembranaire et fai- DBO5 ............... 704 25 < 10
bles flux) et par la mise en œuvre de conditions opératoires adap- MES................. 180 30 <1
tées au traitement.
NGL ................. 52 15 < 10
Une agitation des fibres par de l’air permet de réduire l’effet de
colmatage tout en contribuant à l’agitation et à l’oxygénation du PT ..................... 59 2 <1

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5. Techniques physiques L’efficacité de la filtration dépend de nombreux paramètres :


épaisseur de la couche filtrante, forme et granulométrie du matériau,
et physico-chimiques taille des particules en suspension dans l’eau, vitesse de filtration.
En filtration tertiaire aval d’une boue activée, les granulomé-
tries utilisées sont de 1 à 3 mm et les vitesses appliquées de 5 à
20 m3/(m2 · h). Les performances habituelles sont 60 à 80 % de
5.1 Filtration sur matériau granulaire rendement sur les matières en suspension avec élimination des
pollutions particulaires associées (titrant en DCO, DBO, azote
Dans cette technique, également appelée filtration en profondeur, organique, P). Les œufs d’helminthes (20 à 140 µm), forme para-
l’effluent traverse une masse poreuse (sable, graviers, anthracite, sitaire la plus contrôlée, sont efficacement retenus.
matériaux divers naturels ou synthétiques) qui retient une fraction
des particules en suspension dans l’eau. Le processus se fait à flux
ascendant ou à flux descendant dans des filtres ouverts gravitaires
ou des filtres fermés sous pression. La masse filtrante est constituée 5.2 Filtration membranaire
de matériau uniforme ou de matériau multicouche (plusieurs granu-
lométries et densités) pour accroître la capacité de rétention du fil- La filtration y est réalisée sous pression sur des membranes qui
tre. La taille des particules en suspension retenues est en général retiennent en surface les particules de granulométrie supérieure à
nettement inférieure à celle des pores du filtre du fait d’une filtration leur seuil de coupure. Avec le temps, du fait de l’accumulation des
complémentaire à travers la masse de matières en suspension rete- particules qui crée une résistance supplémentaire, le débit de filtra-
nues. La filtration se double en plus d’un affinage sur les pollutions tion décroît jusqu’à une valeur limite pour laquelle un nettoyage de
solubles biodégradables dû au développement d’une biomasse la membrane est effectué. La qualité du filtrat obtenu est plus
dans le filtre. L’addition de floculants (polyélectrolytes, sels métalli- constante qu’en filtration classique. L’écoulement du fluide à traiter
ques), qui agglomèrent les fines particules en flocons volumineux par rapport à la membrane filtrante est soit frontal, soit tangentiel. Il
plus faciles à retenir, permet d’améliorer les performances. existe une grande variété de membranes assemblées en modules
L’accumulation des matières retenues dans le filtre entraînant son qui diffèrent par :
colmatage, des lavages doivent être effectués. Ils sont générale- — le seuil de coupure : certaines membranes peuvent retenir des
ment réalisés périodiquement en fonction du degré de colmatage particules bien plus fines que ne le ferait un filtre ; selon le pouvoir
du filtre. Le fonctionnement du filtre est alors discontinu avec alter- de coupure elles se classent en microfiltration (0,1 à 10 µm), ultrafil-
nance de périodes de filtration et de périodes de lavage. Dans certai- tration (0,001 à 0,1 µm), nanofiltration (0,0005 à 0,005 µm) ;
nes technologies, le lavage du matériau est permanent et réalisé — la nature de la membrane : organique ou minérale ;
simultanément à la filtration, ce qui permet un fonctionnement — l’arrangement des modules : plans, spiralés, en fibres creuses
continu. ou tubulaires.

Tableau 7 – Exemple de performance en nanofiltration (document OTV Industries)


Résultats d’essai pilote sur une eau résiduaire industrielle de production de pâte à papier à partir de pailles de céréales.
Filière : boues activées à membrane Biosep + nanofiltration.
Membrane de nanofiltration : pouvoir de coupure 0,001 µm.

Valeur moyenne avant


Valeur moyenne sortie
Paramètre Valeur moyenne eau brute nanofiltration
nanofiltration
(sortie Biosep)
DCO .................................................................... (mgO2/L) 16 110 1 045 25
DBO5 ................................................................... (mgO2/L) 6 520 24 < 10
indice phénols ........................................................ (mg/L) 0,6 < 0,1
+
N · NH 4 (1) .......................................................... (mgN/L) 13,5 6,25

N · NO 3 (1) .......................................................... (mgN/L) 19 <2

N · NO 2 (1) .......................................................... (mgN/L) 0,15 0,15
P · PO 3–
4 (1)...........................................................(mgP/L)
7,9 1,71 0,39
TAC .................................................................. (o français) 154 295 195
MS à 105 oC ............................................................... (g/L) 11,1 4,23 2,29
MS à 525 oC ............................................................... (g/L) 4,89 3,42 2,14
Couleur (visible à 460 nm)..................................... (cm–1) 1,507 0,012
Conductivité.......................................................(mS à oC) 4,15 à 23 oC 4,56 à 23 oC 2,99 à 23 oC
Salinité ................................................(équivalent gCl–/L) 2,216 1,549
+
(1) N · NH 4 : azote ammoniacal.

N · NO 3 : azote nitrique.

N · NO 2 : azote nitreux.
3–
P · PO 4 : phosphore des orthophosphates.

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Microfiltration, ultrafiltration et nanofiltration, toutes plus perfor- 5.4 Désinfection UV


mantes que la filtration tertiaire sur matériau, permettent d’éliminer
la totalité des matières en suspension et des pollutions particulaires
qui y sont associées. Selon leur seuil de coupure, ces membranes Le rayonnement ultraviolet (UV), situé entre le visible et les
éliminent en plus successivement : rayons X, fait partie du spectre électromagnétique. Il possède un
— en microfiltration, tout ou partie des bactéries et des colloïdes, effet bactéricide utilisé en désinfection d’eaux propres ou résiduai-
partiellement les virus ; res. Son pouvoir bactéricide est maximal pour les longueurs d’onde
— en ultrafiltration, tout ou partie des virus et certains composés comprises entre 250 et 280 nm (tableau 9).
organiques à haute masse molaire ; La destruction des micro-organismes tels que les bactéries et les
— en nanofiltration, d’autres composés organiques à masse virus s’effectue principalement par désactivation et dénaturation de
molaire plus faible, et partiellement des sels minéraux dissous biva- leur ADN, bloquant la division des cellules et donc leur capacité de
2– reproduction. Le rayonnement UV est fourni par des lampes à
lents (Ca2+, Mg2+, SO 4 ...).
vapeur de mercure basse ou plus récemment moyenne pression,
Un abattement significatif de la couleur est obtenu sur les colo- qui, plus puissantes, permettent de réduire d’un facteur 10 à 20 le
rants en dispersion colloïdale (tableau 7). nombre de lampes à installer. La dose d’irradiation nécessaire (en J/
m2), produit de l’intensité du rayonnement (en W/m2) par la durée
d’application (en s) est fonction de la nature des micro-organismes
et des caractéristiques physico-chimique de l’eau. La transmission
5.3 Osmose inverse du rayonnement dans l’eau à traiter est un paramètre fondamental
pour le dimensionnement de l’installation. Le rayonnement étant
L’osmose inverse fait partie des techniques membranaires. Elle peu pénétrant dans l’eau, les performances en désinfection sont, de
permet de retirer d’une solution une partie du solvant, générale- plus, fortement dépendantes de la technologie de la chambre d’irra-
ment de l’eau. C’est une technique de concentration qui condense diation (tableau 10).
dans un « rétentat » ou « concentrat » les substances initialement
solubilisées (molécules organiques de faible masse molaire, sels
dissous) et restitue dans le « perméat » un effluent traité en grande
partie débarrassé de ces substances dissoutes. Le pouvoir de cou-
pure se situe entre 0,0001 et 0,001 µm. L’application d’une pression
5.5 Floculation-clarification
supérieure à une valeur limite dite « pression osmotique » permet la
migration du solvant (eau) à travers la membrane. La pression Cette technique classiquement utilisée en étape primaire amont
osmotique dépend de la nature et de la concentration du soluté du traitement biologique peut également, en traitement tertiaire
(tableau 8). sur certains effluents épurés, apporter une élimination complé-
Dans la pratique, les pressions appliquées, nettement supérieures mentaire des pollutions. Elle agit sur les pollutions colloïdales et
à la pression osmotique, se situent dans la gamme 20 à 80 bar. Ini- particulaires résiduelles qui se trouvent agglomérées dans un floc
tialement utilisée en déminéralisation d’eau de mer, l’osmose hydroxyde métallique décantable généré par addition d’un sel
inverse appliquée en affinage des eaux usées permet une déminéra- métallique (généralement de fer ou d’aluminium). L’addition d’un
lisation qui rend l’eau traitée apte à la plupart des usages indus- polymère améliore l’efficacité de la floculation. La clarification aval
triels. La salinité initiale y est en général divisée par 10. dans un décanteur sépare ensuite les phases liquide et particu-
laire. Sur certains rejets industriels, cette technique peut permettre
un abattement significatif de la DCO et de la couleur résiduelle
(tableau 11).

Tableau 8 – Exemples de pression osmotique


Pression 5.6 Charbon actif
Concentration
Solution osmotique
(g/L)
(bar)
Le pouvoir adsorbant du charbon actif est utilisé en traitement
Eau de mer ................................... 35 25 d’affinage pour réduire DCO et couleur résiduelle. L’adsorption est
un phénomène physique de fixation de molécule sur une surface.
Eau saumâtre ............................... 2 1,5 La surface du solide accessible au soluté doit en conséquence
Eau + NaCl.................................... 1 0,7 être maximale. Dans les charbons activés, la surface d’adsorption
ou surface spécifique est de 1 000 à 1 700 m2 par gramme de
Eau + MgCl2 ................................. 1 0,67 charbon. Le phénomène d’adsorption est influencé par la struc-
Eau + sucre................................... 100 8 ture des molécules, leur solubilité, leur concentration et le pH du
milieu. Tous les corps dissous ne sont pas adsorbables ou le sont
Eau + sucre................................... 200 19 plus ou moins bien. Les quantités de produit adsorbé varient de
moins de 0,01 g à maximum 0,3 g par gramme de charbon. Le
phénomène d’adsorption permet de retenir des pollutions organi-
ques solubles et des métaux lourds. Les colorants métallifères et
acides sont bien éliminés, les colorants au soufre ou en disper-
Tableau 9 – Longueurs d’onde sion colloïdale ne le sont que moyennement. L’adsorption se pra-
du spectre électromagnétique tique par adjonction de charbon en poudre soit directement dans
le réacteur de boues activées, soit en traitement tertiaire en
λ > 400 nm lumière visible amont d’un filtre ou d’un décanteur. Le système fonctionne alors
315 à 400 nm UV A en charbon perdu. Elle se pratique également en traitement ter-
tiaire par filtration à travers un lit de charbon actif en grain. Le
280 à 315 nm UV B charbon doit alors posséder des propriétés, au niveau granulomé-
100 à 280 nm UV C trie, densité, résistance à l’abrasion, compatibles à son utilisation
en filtration. Après saturation, le charbon est récupéré et régé-
λ < 100 nm rayons X, rayons gamma néré (tableau 12).

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Tableau 10 – Exemple de désinfection UV (d’après L’eau, l’industrie, les nuisances 178)


La station d’épuration d’Outreau-Le-Portel :
— débit de pointe ............................................................................. 420 m3/h ;
— temps de contact.................................................................................. 12 s ;
— nombre de lampes UV basse pression ................................................ 176.
Avant UV Après UV

Escherichia coli Streptocoques fécaux


Éléments
Streptocoques
Escherichia coli
fécaux Teneur Teneur
Abattement Abattement
résiduelle résiduelle

Moyenne géométrique ....... 6,55 × 104/100 mL 2,34 × 104/100 mL 43/100 mL 3,2 u log (2) 42/100 mL 2,8 u log (2)
Minimum.............................. 4,76 × 103/100 mL 1,20 × 103/100 mL 9/100 mL 1,2 u log 9/100 mL 1,4 u log
Maximum............................. 5,49 × 105/100 mL 2,31 × 105/100 mL 1 770/100 mL 4,4 u log 1 350/100 mL 4,1 u log
% ech < 100 (1) .................... 66 76
% ech < 200 (1) .................... 79 83
% ech < 1 000 (1) ................. 97 98
% ech < 2 000 (1) ................. 100 100
Nombre d’échantillons ....... 54 55 58 57 58 58
er
Résultats de la désinfection UV (1 juin au 3 octobre).
(1) % ech < 100 : % d’échantillons dont la concentration est < 100 germes/100 mL.
(2) u log = unité logarithmique
nombre de germes avant traitement
abattement (u log) = log ------------------------------------------------------------------------------------------------------
nombre de germes après traitement

Tableau 11 – Exemple de coagulation-floculation tertiaire (document OTV)


Effluent mixte : urbain + industrie cosmétique ; coagulant : FeCl3
FeCl3 pur ......................................................... (mg/L) 0 20 40 60 80 100
DCO ................................................................. (mg/L) 103 96 87 61 46 30
MEST ............................................................... (mg/L) 11 8,5 7 6,5 4 3
Turbidité........................................................... (NTU) 5,75 5,2 5 5,2 3 3
Couleur................................... (mg/L échelle Pt - Co) 55 50 50 40 30 20
NTU : nephelometric turbidity unit.

Tableau 12 – Couplage charbon actif en poudre boues activées (document Metcalf et Eddy.Inc)
Eau résiduaire d’industrie textile
Charbon actif en poudre : WPX de Calgon Corporation
Charbon............................................................ (mg/L) 0 25 50 100 200 400
DCO totale........................................................ (mg/L) 70 54 48 38 32 25
DCO soluble ..................................................... (mg/L) 55 47 40 30 20 16
Couleur....................................(mg/L échelle Pt - Co) 120 70 50 33 20 20
Cuivre ............................................................... (mg/L) 0,048 0,03 0,025 0,02 0,012 0,012
Zinc ................................................................... (mg/L) 0,10 0,10 0,09 0,07 0,05 0,05

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6. Techniques d’oxydation Tableau 13 – Pouvoir oxydant comparé au chlore


chimique Potentiel
Activité
d’oxydo-
Oxydant oxydante par
réduction
rapport au chlore
6.1 Ozone (V/EHN)

Fluor ..................................... 3,06 2,25


L’ozone est parmi les oxydants l’un des plus puissants. Seul le
fluor présente un potentiel oxydant supérieur mais, producteur de Ozone ................................... 2,08 1,52
dérivés fluorés, n’est pas utilisé en traitement d’eau (tableau 13).
Peroxyde d’oxygène ........... 1,78 1,30
Selon les conditions d’utilisation, l’action de l’ozone est multiple :
— transformation de composés organiques difficilement dégra- Chlore................................... 1,36 1,0
dables en substrats plus faciles à décomposer par un traitement bio-
logique ultérieur ; Oxygène............................... 1,26 0,90
— oxydation totale de composés organiques ;
— décoloration par une action oxydante qui attaque préférentiel-
lement les molécules colorantes au niveau de leurs doubles
liaisons ;
— puissant effet désinfectant, même à dose relativement faible. Tableau 14 – Ozonation finale, station d’épuration du Prato
Une teneur résiduelle de 0,4 mgO3 /L pendant 4 min inactive bacté- (d’après L’industrie textile no 1278 juillet/août 1996)
ries et virus à un taux supérieur à 99,9 %.
L’ozone est un gaz qui se produit sur site par décharge électrique Effluent mixte : 70 % teintureries + 30 % urbain.
dans de l’air ou de l’oxygène. Le traitement d’ozonation se réalise Filière amont : coagulation-floculation + boues activées + coagula-
dans des colonnes de contact où circulent généralement à contre tion-floculation.
courant l’eau et le gaz ozoné (tableau 14). Taux de traitement............................................................. 32 gO3/m3
Temps de contact..................................................................... 55 min
Le pouvoir oxydant de l’ozone est accru dans le procédé d’ozona-
tion catalytique Catazone (OTV). Dans ce procédé, la colonne d’ozo- Paramètre Rendement
nation est un réacteur triphasique ascendant où sont injectés à la
base l’eau à traiter et l’ozone, le mélange traversant ensuite une DCO ............................................. 40 à 60 %
couche de catalyseurs composée d’oxydes métalliques. Le procédé
permet, à taux de traitement en ozone identique, une oxydation Couleur ....................................... 80 à 90 %
accrue de la matière organique et, en conséquence, une élimination Coliformes totaux ...................... 90 à 100 %
plus poussée de la DCO et de la couleur résiduelle (tableau 15).

Tableau 15 – Comparaison ozonation simple, ozonation catalytique (document OTV Industrie)


Lixiviats de décharge traités par voie biologique :
— DCO ...............................................................................1 520 mg/L ;
— turbidité ...........................................................................27,7 NTU ;
— absorbance UV à 270 nm ...............................................7,7 do/cm.
Taux d’ozone appliqué
(en gO3/gDCO)

Caractéristiques 0,5 1 1,5


Ozonation Ozonation Ozonation
Catazone Catazone Catazone
simple simple simple
DCO ................................................................. (mg/L) 838 760 630 254 518 180
Turbidité ........................................................... (NTU) 16,6 13 11,1 2,1 5,8 0,5
Coloration UV à 270 nm............................... (do/cm) 4,4 2,9 1,6 0,5 1,1 0,3
NTU : nephelometric turbidity unit.
do/cm : densité optique/cm.

6.2 Techniques d’oxydation avancée — ozone/peroxyde d’hydrogène (O3/H2O2) ;


— ozone/ultraviolets (O3/UV) ;
— peroxyde d’hydrogène/ultraviolets (H2O2/UV).
Ces procédés d’oxydation sont plus puissants que l’ozonation L’ozonation catalytique est également applicable avec ces techni-
simple. La combinaison de deux oxydants ou d’un oxydant et un ques. Leur domaine d’utilisation est essentiellement en traitement
rayonnement UV génère des systèmes d’oxydation radicalaires très tertiaire d’affinage sur effluent dilué en vue de réduire la DCO réfrac-
performants. Les combinaisons utilisables sont : taire, les micropolluants et la couleur (tableau 16).

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Tableau 16 – Ozonation catalytique (Catazone) – H2O2 (document OTV Industries)


Centre d’enfouissement technique de Montreuil-sur-Barse :
— lixiviats de décharge traités par voie biologique ;
— O3 : taux de traitement 1,5 kgO3/kg DCO ; temps de contact 2,6 h ;
— ajout H2O2 à taux de 0,15 kg/kgO3 pour DCO > 2 200 mg/L.
Caractéristiques Lixiviat avant traitement Traitement biologique Catazone
DCO maximale................................................. (mg/L) 3 500 2 275 150
DCO moyenne ................................................. (mg/L) 2 200 1 430 100
DBO moyenne ................................................. (mg/L) 210 < 30 < 30
+ 700 < 10 < 10
N · NH 4 maximale.......................................... (mg/L)
+
N· NH 4 moyenne........................................... (mg/L) 500 <8 <8
Matières inhibitrices................................ equitox/m3 8,95 0

D’autres techniques d’oxydation sont applicables sur des rejets — l’oxydation catalytique à chaud et sous pression, H2O2 avec
plus concentrés, par exemple sur des rejets spécifiques ou sur les catalyseur à base de fer. Elle permet de traiter des DCO jusqu’à
boues ou concentrats issus des filières physiques ou physico- 20 g/L ;
chimiques : — la WAO (Wet Air Oxidation ), oxydation par voie humide à
— l’oxydation catalytique par un mélange H2O2/Fe2+ à pH acide l’oxygène à chaud (200 à 320 oC) et sous pression (50 à 200 bar) en
(connu sous le nom de réactif de Fenton). Elle permet une oxydation présence ou non de catalyseur. L’usage de catalyseur permet de
partielle de la matière organique et s’applique à des DCO jusqu’à baisser fortement la température d’oxydation et, par voie de consé-
2 000 mg/L. Elle présente l’inconvénient de produire de grosses quence, la pression appliquée. Cette technique permet de traiter de
quantités de boues d’hydroxyde ferrique ; très fortes concentrations en DCO jusqu’à 200 g/L.

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