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Raisonnement par récurrence

1 Une histoire de plomberie

Imaginons un immeuble (mathématique) très vétuste dans lequel il 0


peut y avoir des problèmes de fuite d’eau.
Cet immeuble a un nombre infini d’appartements situés les uns en- 1
dessous des autres, et l’appartement le plus en haut a pour étage 0.

···
L’immeuble est tellement vétuste que les parois séparant deux appar-
tements successifs sont poreuses et, si un appartement a une fuite n
d’eau, alors celui d’en-dessous aussi (la fuite se répercute à l’apparte-
n +1
ment de dessous). Appelons cette propriété la porosité.
On se demande si tous les appartements ont une fuite d’eau.

···
Notons, pour n ∈ N, P n la propriété "l’appartement de l’étage n a une fuite d’eau".

On sait que si un appartement n quelconque a une fuite d’eau alors, par porosité, l’ap-
partement n + 1 a aussi une fuite d’eau (mais attention : rien ne nous permet d’affirmer
que l’appartement n a effectivement une fuite d’eau, c’est juste que si c’est le cas, alors
l’appartement n + 1 d’en-dessous aura aussi une fuite d’eau).
On dit que la propriété P n est héréditaire : la réalisation de P n entraine la réalisation de
P n+1 , c’est-à-dire ∀n ∈ N , P n ⇒ P n+1 .

Regardons maintenant l’appartement 0 :


On envoie un plombier dans l’appartement 0 et il constate (malheur ! !) qu’il y a effective-
ment une fuite d’eau.
Autrement dit P 0 est vraie , on dit que la récurrence est initialisée.

Concluons :
L’appartement 0 a une fuite d’eau (P 0 est vraie).
Donc, par hérédité, l’appartement 1 aussi (P 1 est vraie).
Donc l’appartement 2 aussi (P 2 est vraie)...
...etc...
Au final, tous les appartements ont une fuite d’eau : ∀n ∈ N , P n est vraie .
C’est ça le principe de récurrence (exemple à méditer longuement...).

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2 Principe de récurrence
Le raisonnement par récurrence est un nouveau type de raisonnement qui est très puis-
sant pour démontrer des propriétés qui portent sur des nombres entiers naturels.
En effet l’ensemble N des entiers naturels a trois propriétés fondamentales (axiomes de
Peano) :
1) N admet un plus petit élément : 0
2) Tout entier n ∈ N admet un unique successeur : n + 1
3) Si un ensemble contient 0 et les successeurs de chacun de ses éléments, alors cet
ensemble est N.
Ces propriétés permettent d’obtenir tous les entiers naturels :
On part de 0 (le plus petit entier).
0 a un successeur : 0 + 1 = 1.
1 a un successeur : 1 + 1 = 2.
2 a un successeur : 2 + 1 = 3.
etc... à partir de chaque entier n trouvé, on peut construire le suivant :
n a un successeur : n + 1.
En répétant cette opération indéfiniment, on obtient tous les entiers.
Le principe de récurrence est basé sur cette idée :

Propriété 2.1 (Principe de récurrence)


On cherche à démontrer que, pour tout n ∈ N, une propriété P n (qui dépend donc de la
valeur de n) est vraie.
Si :
• P 0 est vraie (initialisation)
• ∀n ∈ N , P n ⇒ P n+1 (hérédité)
Alors, d’après le principe de récurrence, ∀n ∈ N , P n est vraie.
Remarque 2.1
• En fait, lorsqu’on doit montrer une propriété P n pour tout n ∈ N, on doit montrer une
infinité de propriétés : P 0 , P 1 , P 2 ,...
• On n’est pas obligé d’initialiser la récurrence à 0. Tout entier n 0 peut convenir.
• Le principe de démonstration par récurrence suit toujours le plan suivant :
On note, pour n > n 0 , P n la propriété qu’on cherche à démontrer.
1) Initialisation : on montre que P n0 est vraie.
En principe c’est immédiat et demande très peu de calculs, encore faut-il le faire...
2) Hérédité : on suppose que P n est vraie pour un certain n > n 0 quelconque (c’est
l’hypothèse de récurrence, HR) et on montre qu’alors P n+1 est vraie.
C’est l’étape délicate, il faut trouver un lien qui permet de passer de P n à P n+1 .
3) Conclusion : on conclue en utilisant le principe de récurrence.
• On pensera à utiliser une démonstration par récurrence lorsqu’un énoncé débute par :
"Montrer que pour tout n ∈ N,..."

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3 Exemples
Exemple 3.1 (Somme des n premiers nombres entiers non nuls)
Énoncé :
n
Soit, pour n ∈ N∗ , S n =
X
k = 1 + 2 + . . . + n.
k=1
n(n + 1)
Montrer que pour tout n ∈ N∗ , S n = .
2
Solution :
n(n + 1)
Soit, pour n ∈ N∗ , P n la propriété "S n = ".
2
1) Initialisation :
1(1 + 1)
Pour n = 1, P 1 est la propriété "S 1 = ".
2
X1 1(1 + 1) 1 × 2
On a : S 1 = k = 1 et = = 1.
k=1 2 2
1(1 + 1)
On a donc bien S 1 = et P 1 est donc vraie.
2
Donc la récurrence est initialisée.
2) Hérédité :
Supposons que pour un certain n ∈ N∗ , P n est vraie et montrons qu’alors P n+1 est
vraie :
n(n + 1)
HR : S n = 1 + 2 + . . . + n =
2
(n + 1)(n + 2)
À montrer : S n+1 = 1 + 2 + . . . + (n + 1) = (on remplace n par n + 1)
2
On a :
1 + 2 + . . . + (n + 1)=1 {z. . . + n} + (n + 1)
| +2+
par HR
z }| {
n(n + 1)
= + (n + 1) (on réinjecte l’hypothèse de récurence)
2
n(n + 1) + 2(n + 1)
= (petit calcul de fractions basique)
2
(n + 1)(n + 2)
1 + 2 + . . . + (n + 1)= (factorisation par (n + 1))
2
C’est ce qu’on voulait.
La propriété est donc bien héréditaire.
3) Conclusion :
• P 0 est vraie (la récurrence est initialisée).
• ∀n ∈ N∗ ,P n ⇒ P n+1 (la propriété est héréditaire).
Donc d’après le principe de récurrence, ∀n ∈ N∗ , P n est vraie.

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Exemple 3.2 (Étude d’une suite bornée)
Énoncé :
½
u 0 =0
Soit (u n ) la suite définie par : p
u n+1 = u n + 5 , pour n ∈ N
Montrer que, pour tout n > 1, 0 < u n < 3.
Solution :
Soit, pour n > 1, P n : "0 < u n < 3".
1) Initialisation
p :p p
u 1 = u 0 + 5 = 5 et 0 < 5 < 3.
On a bien 0 < u 1 < 3, donc P 1 est vraie.
La récurrence est donc initialisée.
2) Hérédité :
Supposons P n vraie pour un certain n > 1, et montrons que P n+1 est vraie :

HR : 0 < u n < 3
À montrer : 0 < u n+1 < 3
p
On a : u n+1 = u n + 5
Idée : on va chercher à reconstruire u n+1 à partir de u n
HR : 0 < u n < 3
⇒5 p< u np+ 5 < 8 p p
⇒ p5 < u n + 5p< 8 (car x 7→ x est croissante sur R+ )
⇒ 5< pu n+1 < 8 p p p
⇒ 0 < 5 < u n+1 < 8 < 3 (car 0 < 5 et 8 < 3)
⇒ 0 < u n+1 < 3
3) Conclusion :
On a vérifié l’initialisation et l’hérédité donc, d’après le principe de récurrence, P n
est vraie pour tout n > 1 : ∀n > 1 , 0 < u n < 3

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Exemple 3.3 (Étude d’une dérivée)
Énoncé :
Soit, pour n ∈ N∗ , f n la fonction définie sur R par f n (x) = x n .
Montrer que pour tout n ∈ N∗ , f n est dérivable sur R et que, pour tout réel x, f n0 (x) = nx n−1 .
Solution :
Soit, pour n ∈ N∗ , P n la propriété : " f n est dérivable et, pour tout x ∈ R, f n0 (x) = nx n−1 ".
1) Initialisation :
On a, pour tout x ∈ R, f 1 (x) = x 1 = x.
f 1 est dérivable et, pour x ∈ R, f 10 (x) = 1 = 1x 0 .
Donc P 1 est vraie.
2) Hérédité :
Supposons P n vraie pour un certain n > 1, et montrons que P n+1 est vraie :

HR : f n est dérivable et, pour tout x ∈ R, f n0 (x) = nx n−1


À montrer : f n+1 est dérivable et, pour tout x ∈ R, f n+10
(x) = (n + 1)x n

On a, pour x ∈ R, f n+1 (x) = x n+1 = x × x n = x f n (x).


La fonction x 7→ x est dérivable (de dérivée égale à 1) sur R et, par HR, f n est dérivable
sur R.
Donc par dérivation d’un produit, f n+1 est dérivable sur R et, pour tout x ∈ R :
0
f n+1 (x) = 1 × f n (x) + x × f n0 (x)
= x n + x × nx n−1 (par HR)
= x n + nx n
0
f n+1 (x) = (n + 1)x n
Donc, pour tout n ∈ N∗ , P n ⇒ P n+1 .
3) Conclusion :
On a vérifié l’initialisation et l’hérédité donc, d’après le principe de récurrence, P n
est vraie pour tout n ∈ N∗ .

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