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Introduction
Le dernier roman de Camus, « Le Premier Homme », est une autobiographie inachevée. Il a été
publiée en 1995, 35 ans après la mort de Camus. Dans ce roman, il devient clair ce que Camus veut
dire par le phénomène 'premier homme'. Dans cette dissertation, je me propose d'analyser dans quel
degré Meursault, le personnage principal du roman «l'Étranger », est un 'premier homme'. Puis, on
va regarder le rôle de plusieurs éléments dans les deux romans, comme l'histoire d'un individu, le
rôle de l'absurde et de la religion. Finalement, on compare les caractéristiques d'un 'premier homme'
et de Meursault pour répondre à la question principale.
Le roman : L'étranger
L'étranger est un roman que Camus a publié en 1942. Il raconte l'histoire de Meursault, un homme
qui vit en Alger. Au début de l'histoire, Meursault va à l'enterrement de sa mère. Toutefois, il ne
semble pas du tout être en deuil. Après l'enterrement, Meursault décide d'aller nager et il rencontre
Marie. Ils vont au cinéma et passent la nuit ensemble. Le lendemain, Raymond Sintès, son voisin
avec qui il a peu de contact, lui demande d'écrire une lettre concernent la dispute entre lui et sa
maîtresse arabe. La lettre est pour le frère de celle-ci. Cette lettre fait que Meursault se trouve mêlé
à la querelle entre Raymond, sa maîtresse arabe et son frère. Un dimanche, Meursault et Raymond
visitent la plage et rencontrent un groupe d'arabes dont le frère est le chef. Raymond et le frère
finissent par se frapper. Meursault ne participe pas mais il prend le revolver de Raymond pour
prévenir des accidents. Après ce combat, quand tout semble appartenir au passé, Meursault fait tout
seul et sans but un promenade sur la plage. Tout d'un coup, il voit un arabe qui tient un couteau, qui
s'est posé tranquillement à côté d'un rocher. Le couteau met des reflets de soleil dans les yeux de
Meursault. Sa main, avec laquelle il tient le revolver de Raymond, se crispe et accidentellement il
tire un coup de fusil. L'arabe tombe raide mort. Puis, Meursault tire encore quatre fois sur le corps.
Dans la deuxième partie, Meursault est en prison. Son avocat jeune ne comprend rien de son
explication peu conventionnelle pourquoi il a commet le crime. Au tribunal, Meursault est plutôt
jugé comme un fils dénaturé de sa mère, car son attitude à l'enterrement était particulier, que comme
meurtrier. Meursault est condamné à la peine capitale. Quand l'aumônier le visite pour qu'il puisse
s'excuser et demander pardon, Meursault réclame qu'il n'a pas de temps pour Dieu. À la fin,
Meursault meurt à cause de la chaise électrique.
Le Premier Homme
L'enfance est un élément essentiel de « Le Premier Homme ». C'est un paradis perdu qu'il faut
1 Gadourek, C. “Albert Camus, uitleg en aantekeningen bij zijn werken” Assen: Van Gorcum & Comp. (2000) p.137
reconquérir par l'art. L'enfance est la source de l'art et l'art est la voie pour y retourner. 2 Le geste de
retour se représente par le fait que Camus essaye de récrire son enfance. « En somme, je vais parler
de ceux que j'aimais. Et de cela seulement. »(p.312). Dans la préface il devient clair qu'il veut
laisser revivre les anciens mythes. Le mythe, qui est au centre de « Le premier homme » est le
mythe d'Adam. Camus avait d'abord envisagé d'appeler son roman Adam. Dans un entretien avec un
journaliste italien il dit : « En réalité chacun de nous, y compris moi, est d'une certaine façon le
premier homme, l'Adam de sa propre histoire. »3 En outre, le terme 'le premier homme' fait en effet
immédiatement penser à Adam. « Il est le premier encore en ce sens qu'il est responsable de toute la
lignée qui descend de lui. Sa primauté est d'ordre moral, naturel et ontologique : Adam est le plus
homme des hommes. »4 Selon Camus, on peut alors comparer Jacques et Adam parce que Jacques
ne sait pas sa propre histoire et ses racines, comme Adam.
L'Étranger
Meursault et l'absurde
Meursault éprouve le sentiment de l'absurde au quotidien. Sa vie quotidienne est baigné de codes.
Les lois et normes sociales entravent sa liberté. On peut dire qu'il est comme le chameau de
Nietzsche, il porte les charges de la société. Le juge d'instruction exige de Meursault une
acceptation de la valeur de ces codes : « Voulez-vous que ma vie n'ait pas de sens ? »(p.106).En
général, les lois doivent aider les gens à surmonter l'angoisse de l'existence, donner un sens à la vie,
mais pour Meursault, ces valeurs ne lui sont rien. Meursault est écrasé par leur poids sans qu'il ne
comprenne réellement d'où vient ce sentiment. Cette sensation est matérialisée par une sensibilité
pour la lumière. La lumière, qui symbolise le monde social, prive Meursault d'une vie personnelle et
intime. Il compare la douceur du soir à l'éclairage du jour. « Le soir, dans ce pays, devait être
comme une trêve mélancolique. Aujourd'hui, le soleil débordant qui faisait tressaillir le paysage le
rendait inhumain et déprimant. »(p.85). Meursault ne comprend pas encore ses sentiments, mais il
tente inconsciemment d'y échapper. Le moment du meurtre est le moment au lequel il échappe à la
lumière et le monde systématique autour de lui. « J'ai secoué la sueur et le soleil. J'ai compris que
j'avais détruit l'équilibre du jour, le silence exceptionnel d'une plage où j'avais été heureux. »(p.93).
Il insupporte le monde lumineux et systématique, ce qui fait qu'il est écrasé par son absurdité. 8
Pourtant, Meursault n'est pas encore capable de se laisser aller au sentiment de l'absurde. Même
dans la seconde partie du roman, il n'accepte pas encore totalement l'absurdité de la vie : « Quand je
suis entré, le bruit des voix qui rebondissaient contre les grands murs nus de la salle, la lumière crue
8 Hafner-Meister, U. “Une étude sur l'Étranger chez Saint-John Perse et chez Camus” Benziger Graphischer Betrieb
Einsiedeln. (1974). p.71-72
qui coulait du ciel sur les vitres et rejaillissait dans la salle, me causèrent une sorte
d'étourdissement. »(p. 159).
On peut dire qu'au début du roman, Meursault est à la fin du stade de la vie que Nietzsche
appelle 'le chameau'. Par le meurtre et par son indifférence, il commence à déchirer les normes et les
lois de la société. Quand il est questionné par le juge d'instruction, il devient clair qu'il a choisi son
propre chemin, il est devenu un lion. Il ne se soucie pas du tout aux lois et morales sociales. Pendant
la visite de l'aumônier il devient encore plus clair que Meursault s'est vraiment rendu compte de
l'absurdité de la vie. «Il (l'aumônier) n'était même pas sûr d'être en vie puisqu'il vivait comme un
mort. Moi, j'avais l'air d'avoir les mains vides. Mais j'étais sûr de moi, […] sûr de ma vie et de cette
mort qui allait venir. »(p.180-181). Cette citation explique en même temps l' air indifférent de
Meursault. Finalement, tout le monde est condamné à la mort. « Tout le monde était priviligié ». Il
faut alors donner du sens à la vie sans avoir des regrets et sans envisager l'avenir.
Meursault et le Christ
Camus a dit de Meursault : « Meursault est le seul Christ que nous méritions. » Il y a plusieurs
caractéristiques de Christ et de Meursault que l'on reconnaît dans le roman. Une citation importante
d'Évangile est « Ne jugez pas afin de ne pas être jugés ». Meursault sait que les autres voisins
n'aiment pas Raymond, néanmoins il se laisse guider par ce que Raymond lui raconte. Un soir, ils
mangent ensemble du boudin et ils boivent du vin rouge. En utilisant un peu d'imagination, on peut
voir la Cène dans cette scène. Raymond est la figure satanique qui séduit Meursault de dîner et
finalement d'écrire la lettre pour lui. Meursault s'attache de Raymond par la lettre, qui influencera
drastiquement sa vie.
Une autre scène qui donne des correspondances entre Christ et Meursault est quand
Meursault est au tribunal. Le juge d'instruction lui montre un crucifix d'argent, Meursault ne semble
pas touché par ce crucifix. Le juge lui dit : « Je n'ai jamais vu d'âme aussi endurcie que la vôtre. Les
criminels qui sont venus devant moi ont toujours pleuré devant cette image de la douleur. » (p.107).
C'est un truc psychologique pour laisser briser Meursault, et de lui laisser parler. Néanmoins,
Meursault se tait. Il ne répond pas aux questions importantes dans le cadre de la recherche, il se tait
tout le temps. Christ, qui était questionné par Pilate, a fait exactement la même chose, il se taisait.9
La comparaison
'Le premier homme' a selon Camus, comme on a vu dans l'analyse, plusieurs caractéristiques. Il est
important que le premier homme est un individu indépendant, il se développe lui-même sans être
influencé par ses racines. Jacques veut découvrir son identité en cherchant des traces de son père,
mais quand il visite sa tombe et se rend compte que son père était plus jeune que lui quand il
mourait, il se réalise qu'il doit suivre son propre chemin. L'attitude indifférente de Meursault à
l'enterrement de sa mère et pendant l'interrogation au tribunal n'est pas accepté par la société,
toutefois, elle montre que Meursault aussi est un individu indépendant qui cherche sa propre voie.
On peut alors dire que Meursault répond à cette caractéristique.
En outre, le premier homme est dans la dernière phase qu'un individu peut atteindre, que
Nietzsche appelle, l'enfant jouant. Il s'est rendu compte de l'absurdité de la vie et est libre, innocent,
il a donné du sens à sa vie. À la fin du livre, Meursault déclare qu'il a été heureux et qu'il est
conscient de l'absurdité de la vie. Néanmoins, il n'est pas totalement innocent. Il a eu un moment
d'inconscience et à ce moment, il a tué un homme. Quand il meurt, Meursault se trouve alors à la fin
de la phase de lion, car il n'a pas l'innocence de l'enfant et il n'est pas libre comme l'enfant, car il se
trouve en prison et il est puni par la société.
Selon Camus, Meursault est le seul Christ que nous méritions. Il a une fonction
d'exemple comme héros absurde. Dans 'Le premier homme' le mythe d'Adam joue un grand rôle. Le
Christ a un rôle exemplaire pour ses descendants. Adam n'a pas de racines, comme Jacques, et est
9 Sarocchi, J. “Le dernier Camus ou le Premier Homme” Paris: Librairie A.-G. Nizet. (1995) p.306-307
alors l'ultime premier homme. On peut dire qu'il sert aussi d'une sorte d'exemple pour ses
descendants. Dans ce cas, Meursault répond alors aussi à cet élément essentiel d'un premier homme.
Enfin, quand on regarde les éléments de l'histoire et des racines d'un individu, de
l'exemplarité et de la conscience de l'absurdité de la vie on peut dire que Meursault est pour la plus
grande partie un premier homme. Son seul défaut est qu'il n'est pas totalement innocent et libre, car
il est puni par la société et il a eu un moment d'inconscience.