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M14 - Readings
Il est intéressant que Descartes se définisse en physicien (le physikoï qu’Aristote oppose
au philosphoï) et non plus en philosophe en ce qui concerne l’âme. Quoi qu’il ait été sans nul
doute lecteur (au moins de seconde main) des présocratiques, son souci est très certainement
plutôt de s’associer avec la science de son temps. Mais nous pouvons dire que la redécouverte
des différentes physiques antiques, et l’intérêt pour ses pensées dans la période pré-moderne à
laquelle appartient Descartes, accompagne une nouvelle physique, et dans une certaine mesure la
facilite. La connaissance plus complète des “matérialismes” de Démocrite, des Stoïciens héritiers
d’Aristote (quoique déjà présent dans des physiologies moins physiciennes comme celle de
Thomas d’Aquin, qui conçoit déjà les passions comme “esprits animaux”), permet une
passions dans le corps pour élaborer une médecine de l’âme plus complète.
L’importance que prend la science anatomique sur toute la période préclassique, est
soulignée par Van Delft dans son article Fragment et formes brèves, en ce qui concerne les
mathématique (la géométrie pour l’époque) qu’on voit informer le style du Traité des passions de
l’âme en cours articles agencée géométriquement, style qu’on retrouvera dans la structure more
La lettre à Chenut de Descartes, mentionnée par Anthony Levi dans The Topmost
Branch: Descartes's Traité des passions, (p. 262) et par Pierre Guenancia Passion et liberté chez
Descartes, nous révèle comment le progrès dans la morale reste le point central du projet
cartésien dans les Passions. Le détour par la physique est comme un défi venant de l’extérieur
alors même que nous pensons Descartes comme le bâtisseur d’une épistémologie qui doit servir à
la découvertes de vérités positives sur la nature. Nous voyons comment le projet cartésien n’est
pas si simple à hiérarchiser entre la fondation métaphysique de la connaissance, la constitution
du sujet et d’une éthique qui le constitue à la fois universellement et comme figure de la quête
des vérités(sujet pensant qui doit se rendre "maître et possesseur de la nature”, qui est dans une
cette méthode scientifique dans l’exploration des lois de la nature qui doit aboutir à des
découvertes que Descartes n’a pas manqué de faire (au moins dans le domaine des
Il semble bien que chaque partie de ce projet soit imbriquée d’une manière autrement
plus complexe que l’arbre de la connaissance décrite dans les Principes de la philosophie :
“toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines font la métaphysique, le tronc est la
physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à
plus parfaite morale, qui, présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le
dernier degré de la sagesse. Or comme ce n'est pas des racines, ni du tronc des arbres, qu'on
cueille les fruits, mais seulement des extrémités de leurs branches, ainsi la principale utilité de la
philosophie dépend de celles de ses parties qu'on ne peut apprendre que les dernières.” Cet arbre
Deleuze, est peut-être en ce sens plus rhizomien que Descartes lui-même nous induirait à penser.
Guenancia (Passion et liberté chez Descartes, p. 5-6) nous montre l’urgence d’une
résolution du problème du corps - comme objet d’un pâtir non volontaire - pour la constitution
du sujet libre, indispensable à l’édifice cartésien, tout en nous montrant qu’il s’agit bien pour
Descartes de fonder une interdépendance, qui restitue à la fois le corps comme lieu de jugements
et de volonté, et l’âme comme libre-arbitre malgré le déterminisme de sens qui agissent en elle.
La conséquence est non pas que l’âme se réhausse simplement dans un combat contre le corps -
où la liberté siège seulement dans les jugements moraux, à la manière d’un stoïcisme naïf - mais
dans une relation fusionnelle (quoique effectivement dualiste, disons “pinéalement” dualiste), qui
nous révèle la manière où nous pouvons agir avec le corps. Ainsi “le conflit ou le combat entre
les passions et les volontés n'oppose pas des personnages distincts, mais se ramène plutôt à un
rapport entre des forces que l'incommensurabilité résultant de leur origine différente n'empêche
pas d'agir l'une contre l'autre.” Ce qui revient à réduire drastiquement la radicalité du dualisme
pour l’infléchir vers une habitation de l’une en l’autre, ce qu’on pouvait déjà ressentir dans son
insistance à remarquer que ce n’est pas l’extinction de la chaleur de l’âme qui provoque la mort,
Dès l’article 32, cette épineuse question de la glande pinéale, et à travers toute la
première partie des Passions, ce qui nous semble remarquable c’est la manière dont Descartes est
si proche de basculer dans un monisme matérialiste… celui que Spinoza élaborera en poussant
particulier, un qui est un monisme modal de la substance, conception que Descartes n’aurait
Il est difficile de ne pas faire ses associations spinozistes, spinozisme qui résoudrait
radicalement le nœud du dualisme cartésien lorsque nous aboutissons à l’analytique des passions
dans la deuxième partie et la troisième partie du Traité. Le dernier article, 212, nous dit que “la
sagesse est principalement utile en ce point, qu’elle enseigne à s’en rendre tellement maître et à
les ménager avec tant d’adresse, que les maux qu’elles causent sont fort supportables, et même
qu’on tire de la joie de tous”, et Pierre Guenancia de commenter que “plus l'âme est émue et plus
elle se sent libre; et plus elle se sent libre, plus elle est émue ”. Cela ne manque pas de rappeler
l’Éthique où “la connaissance du bien et du mal n’est rien d’autre que l’affect de joie ou de
Cependant, la morale cartésienne est dans son fondement beaucoup moins rationaliste
que ne le sera l’Éthique. Il ne s’agit pas de connaître le fondement métaphysique du lien entre le
corps et l’âme que de mettre en lumière ce lien pour construire une morale plus humaine, en ce
sens le souci du corps de Descartes a plus à voir avec l’empirisme de Montaigne que la
que nous n’avons pas à craindre les passions si nous en faisons bon usage car “elles sont toutes
Montaigne.