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tension vers ce qu’elle n’est pas, une orientation vers un but, alors
la question est posée à l’éthologiste, au biologiste, au psychologue
de rendre compte de cette tension, de cette orientation au niveau
des organismes vivants complexes ; dans cette optique, les cher-
cheurs vont d’abord s’intéresser aux animaux, ensuite aux êtres
humains qui présentent une organisation comportementale beau-
coup plus élaborée. La réflexion appliquée aux organismes sociaux
viendra enfin et par un autre biais.
poser les jalons d’une purposive psychology sans pour autant parvenir
à la systématiser. Essayant d’élaborer un compromis entre Holt et
McDougall d’une part, Watson d’autre part, lui-même marqué par
les courants de la Gestalt Psychology que nous allons aborder,
Tolman considère le projet comme une variable intermédiaire.
Cette variable intermédiaire interne à l’organisme se trouve inter-
calée entre les variables indépendantes de situation et les variables
dépendantes de comportement. Tolman en reprend d’ailleurs le
terme à McDougall et s’accorde avec ce dernier pour voir dans le
projet la propriété d’une « persistance jusqu’à ce que » (persistence
until) le but soit atteint, c’est-à-dire la performance obtenue. Mais
il reproche au philosophe d’être resté a mentalist déduisant simple-
ment le projet de l’activité mentale, contrairement aux béhavio-
ristes qui associent comportement et projet. À ce sujet, très proche
de son contemporain Perry qui lui aussi valorise le purposive behavior,
Tolman (1925) voit dans le projet un phénomène beaucoup plus
fondamental que celui de l’apprentissage, pourtant cher aux béha-
vioristes ; le projet est nécessaire pour décrire tout comportement
qui est orienté vers un objet-but (goal-object). Tolman dans son
opposition au mentalisme de McDougall entend donc rester béha-
vioriste mais il ne veut pas pour autant se ranger à la conception
moléculaire (molecular definition) que J. B. Watson se fait du compor-
tement : dans cette conception, le comportement est assimilé à une
simple connexion stimulus-réponse. À cette perspective mécaniciste
du comportement, Tolman (1932) oppose une autre perspective
qu’il appelle molaire (molar definition) faisant du comportement un
acte (behavior-act). Le comportement en acte implique les proprié-
tés suivantes :
— un objet-but vers lequel se diriger ou un objet à éviter ;
— un ensemble de significations associées à l’objet-but ;
— une stratégie identifiée pour l’atteindre.
Ces propriétés renvoient à une conception molaire du compor-
tement à travers sa double dimension de comportement intention-
nel (purposive) et de comportement cognitif (cognitive). Une telle
conception molaire considère l’organisme comme une totalité (the
organism is a whole, répétera souvent Tolman). La double dimension
intentionnelle et cognitive du comportement a été définie par
R. B. Perry (1918) comme Docility. Nous aurons à revenir ultérieu-
rement sur ce problème important des liens entre projet et cogni-
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Ces quatre façons sont considérées par lui comme quatre niveaux
de projet :
— le retrait ou absence de projet personnel. Ce retrait mani-
feste le repli sur l’individualité et se traduit par une instabilité pro-
fessionnelle ;
— le projet individuel que l’on peut considérer comme le pre-
mier niveau de participation réelle. L’organisation est utilisée
comme instrument pour la réalisation du projet personnel ;
— le projet collectif qui lie l’individu, non pas à l’organisation
mais à un groupe concret (groupe professionnel par exemple)
considéré comme groupe d’identité ;
— le projet organisationnel ; il y a ici conscience d’appartenir
à l’organisation conçue elle-même comme une médiation entre
l’individu et le sujet historique. Ce niveau de participation le plus
élevé traduit surtout l’attachement à la fonction créatrice de l’orga-
nisation et manifeste le sujet personnel à travers l’acteur social en
mobilisant au mieux sa volonté de création sociale. Le projet orga-
nisationnel est assimilé par Touraine à la vocation dans la mesure
où un tel projet est le seul à posséder une charge subjectale directe,
c’est-à-dire liée aux orientations fondamentales du sujet historique.
En ce qui concerne le sujet historique lui-même, il se manifeste
dans sa double fonction de création et de contrôle, double fonction
contradictoire qui spécifie à travers le travail, ou mieux les relations
du travailleur à ses œuvres, la dialectique fondamentale du sujet
historique. Touraine insiste sur le fait que le projet personnel est
complémentaire du sujet historique ; c’est en participant à celui-ci
que le projet personnel porte en lui ses exigences fondamentales
de création et de contrôle.
Par-delà ces catégories psychologiques et sociologiques, le projet
nous apparaît ici comme un concept normatif avec toute l’ambiguïté
qui s’y attache ; un tel concept entend traduire un niveau élevé de
participation, ce que nous a enseigné la taxonomie des différents
niveaux de projets que nous venons à l’instant de passer en revue et
dont le niveau le plus élevé correspond à la vocation entrevue à la
fois comme volonté de contrôle collectif et exigence de création per-
sonnelle. Une telle conception du projet, pour une société prométhé-
enne sûre de son développement mais soucieuse de le maîtriser et de
le réorganiser, sera précisée quelques années plus tard par Touraine
dans Production de la Société. Ici le système d’action historique se substi-
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1. Ibid., p. 400.
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1. Ibid., p. 361-365.
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