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LE GRIBOUILLAGE » - INTRODUCTION - AUX ORIGINES DE LA PEINTURES : 2 ARTISTES : APELLE ET


PROTOGÈNE, 2 GESTES

• Apelle de Cos, est un célèbre peintre grec qui a vécu au ive siècle av. J.-C.

• Protogène ou Protogénès est un peintre grec de la seconde moitié du ive siècle av. J.-C.

TEXTE : PLINE L’ANCIEN, HISTOIRE NATURELLE LIVRE XXXV, TRAITANT DE LA PEINTURE ET DES
COULEURS.

Apelle admirant un tableau de Protogène d'un travail immense et d'un fini excessif, il dit que tout était égal
entre lui et Protogène, ou même supérieur chez celui-ci; mais qu'il avait un seul avantage, c'est que
Protogène ne savait pas ôter la main de dessus un tableau : mémorable leçon, qui apprend que trop de
soin est souvent nuisible.

[19] On sait ce qui se passa entre Protogène et lui : Protogène résidait à Rhodes; Apelle, ayant débarqué
dans cette île, fut avide de connaître les ouvrages d'un homme qu'il ne connaissait que de réputation; sur
l’heure il se rendit à l'atelier. Protogène était absent, mais un grand tableau était disposé sur le chevalet
pour être peint, et une vieille femme le gardait. Cette vieille répondit que Protogène était sorti, et elle
demanda quel était le nom du visiteur: "Le voici," répondit Apelle; et, saisissant un pinceau, il traça avec de
la couleur, sur le champ du tableau, une ligne d'une extrême ténuité. Protogène de retour, la vieille lui
raconte ce qui s'était passé. 

[20] L'artiste, dit-on, ayant contemplé la délicatesse du trait, dit aussitôt qu'Apelle était venu, nul autre
n'étant capable de rien faire d'aussi parfait. Lui-même alors, dans cette même ligne, en traça une encore
plus déliée avec une autre couleur, et sortit en recommandant à la vieille de la faire voir à l'étranger, s'il
revenait, et de lui dire : "Voilà celui que vous cherchez." Ce qu'il avait prévu arriva : Apelle revint, et,
honteux d'avoir été surpassé, il refendit les deux lignes avec une troisième couleur, ne laissant plus possible
même le trait le plus subtil. Protogène, s'avouant vaincu, vola au port chercher son hôte. On a jugé à
propos de conserver à la postérité cette planche admirée de tout le monde, mais surtout des artistes. 

[21] J'entends dire qu'elle a péri dans le dernier incendie qui consuma le palais de César sur le mont
Palatin. Je me suis arrêté jadis devant ce tableau, ne contenant rien dans son vaste contour que des lignes
qui échappaient à la vue, paraissant comme vide au milieu de plusieurs excellents ouvrages, mais attirant
les regards par cela même, et plus renommé que tout autre morceau.

[22] Apelle avait une habitude à laquelle il ne manquait jamais : c'était, quelque occupé qu'il fût, de ne pas
laisser passer un seul jour sans s'exercer en traçant quelque trait.

Le geste de Protogène : Il y a dans ce tableau un chien fait dune manière singulière, car c'est le hasard qui
l'a peint: Protogène trouvait qu'il ne rendait pas bien la bave de ce chien haletant, du reste satisfait, ce qui
lui arrivait très rarement, des autres parties. 

[39] Ce qui lui déplaisait, c'était l'art, qu'il ne pouvait pas diminuer et qui paraissait trop, l'effet s'éloignant

de la réalité : c'était de la peinture, ce n'était pas de la bave. Il était inquiet, tourmenté; car, dans la peinture
il voulait la vérité, et non les à peu près. Il avait effacé plusieurs fois, il avait changé de pinceau, et rien ne le
contentait; enfin, dépite contre l'art, qui se laissait trop voir, il lança son éponge sur l'endroit déplaisant du
tableau : l'éponge replaça les couleurs dont elle était chargée, de la façon qu'il souhaitait, et dans un
tableau le hasard reproduisit la nature.

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