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Revue économique

Équilibre général appliqué et environnement : de nouveaux


comportements pour le consommateur et le producteur
Madame Katheline Schubert, Monsieur Olivier Beaumais, Monsieur Paul Zagamé

Abstract
Applied general equilibrium and environment : new behaviours for consumer and producer

The aim of this paper is to describe the structure of a general equilibrium model applied to environment. It emphasizes the
way environmental variables are introduced. Consumer's behaviour is affected by variations in an environmental index
which both modifies his utility and his preferences, whereas producer's behaviour is driven by a particular treatment of
wastes, and a distinction between green and non-green production. Prior tax distorsions are taken into account, so that the
model can address a wide range of questions related to environment, fiscality and marketable permits.

Résumé
Equilibre général appliqué et environnement. De nouveaux comportements pour le consommateur et le producteur

Cet article expose les spécifications retenues pour un modèle d'équilibre général appliqué à l'environnement. Il met surtout
l'accent sur la façon dont les variables environnementales sont introduites. Celles-ci interviennent à la fois dans le
comportement du consommateur, un indicateur de dégradation de l'environnement venant modifier son bien-être et ses
préférences, et dans le comportement des producteurs, par le biais d'une différenciation secteurs standards/secteurs
verts. La description de la structure des prélèvements obligatoires ouvre des perspectives d'analyse de diverses options
de taxation à finalité environnementale.

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Schubert Katheline, Beaumais Olivier, Zagamé Paul. Équilibre général appliqué et environnement : de nouveaux
comportements pour le consommateur et le producteur. In: Revue économique, volume 45, n°3, 1994. pp. 905-916;

doi : https://doi.org/10.3406/reco.1994.409581

https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1994_num_45_3_409581

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Équilibre général appliqué

et environnement

De nouveaux comportements
pour le consommateur et le producteur

Olivier Beaumais
Katheline Schubert

Cet article expose les spécifications retenues pour un modèle d'équilibre


général appliqué à l'environnement. Il met surtout l'accent sur la façon dont les
variables environnementales sont introduites. Celles-ci interviennent à la fois dans
le comportement du consommateur, un indicateur de dégradation de
l'environnement venant modifier son bien-être et ses préférences, et dans le comportement
des producteurs, par le biais d'une différenciation secteurs standards/secteurs
verts. La description de la structure des prélèvements obligatoires ouvre des
perspectives d'analyse de diverses options de taxation à finalité environnementale.

Le changement d'échelle et de nature des politiques de l'environnement, en


particulier celles portant sur les phénomènes globaux (ozone stratosphérique,
effet de serre additionnel), a accentué les besoins de quantification des effets
économiques induits par leur mise en œuvre. Principalement, deux familles de
modèles ont été utilisées dans ce but (Zagamé [1993]) : les modèles
macro-économétriques néokeynésiens et les modèles d'équilibre général appliqué (Méga).
Si les premiers ont dû être aménagés pour pouvoir apporter des réponses
pertinentes aux questions posées, les seconds ont, en revanche, souvent été
spécifiquement construits pour l'étude d'un point précis : taxation du carbone, de
l'énergie, marchés de droits à polluer, ou encore commerce international et
contraintes environnementales. Ainsi, la plupart des travaux réalisés sur ces
thèmes aux États-Unis se sont appuyés sur le développement et l'utilisation de
Méga (Hoeller et al. [1992]). Cela tient à la nature de ces modèles, qui en fait
des outils particulièrement adaptés à l'analyse des problèmes
environnementaux contemporains. En effet, les mécanismes de prix y occupent une place
centrale, la demande et l'offre y sont traitées symétriquement et, enfin, ils ménagent
un rôle essentiel à des variables habituellement occultées dans les modèles
néokeynésiens : ressources naturelles, progrès technique, démographie (Beau-
mais-Schubert [1993a]).

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Revue économique — N° 3, mai 1994, p. 905-916.


Revue économique

Nous présentons ici les spécifications retenues pour la maquette agrégée


représentative du modèle d'équilibre général calculable Megeve1. Ce modèle
doit permettre de saisir de façon quantifiée les liens entre environnement,
énergie et économie au niveau européen et selon une nomenclature très désagrégée
(25 secteurs). La maquette du modèle ne décrit qu'un pays et adopte une
nomenclature plus agrégée (6 secteurs) pour alléger la première phase de
construction et constituer un outil maniable de test des propriétés à venir du
modèle complet.

Cet article met surtout l'accent sur la façon dont des variables
d'environnement peuvent être introduites dans ce type de modèle, afin d'offrir une
description assez riche des interactions entre environnement et économie qui, trop
souvent, ne sont modélisées qu'à travers l'énergie2.

La maquette n'est pas calibrée, et nous ne présentons donc pas ici de résultats
numériques associés à des simulations de politique économique. Il va de soi que
cela constitue l'étape ultérieure du travail.

LE CONSOMMATEUR

On considère un consommateur représentatif à durée de vie infinie qui


maximise son utilité sous contrainte budgétaire intertemporelle. Les prévisions sont
parfaites. Un indicateur de qualité de l'environnement est introduit, qui
intervient à deux niveaux dans le comportement d'optimisation du ménage.

- À un premier niveau, cet indicateur apparaît comme un paramètre exogène


pour le ménage (mais calculé de manière endogène par le modèle complet) dont
les variations agissent sur le bien-être. En l'absence d'un tel mécanisme (ce qui
est presque toujours le cas dans les modèles appliqués disponibles actuellement,
à l'exception de Piggott-Whalley [1991], Bergman [1993]) la dégradation de
l'environnement n'a aucun effet en termes de bien-être, ce qui conduit sans
doute à surestimer les effets négatifs de mesures (fiscales par exemple)
destinées à améliorer la qualité de l'environnement.

- À un second niveau, l'indicateur de qualité de l'environnement intervient


dans le choix que fait le ménage entre produits standards et produits verts.

1. Megeve est un modèle européen en cours de construction, financé par la DG XII de


la Commission des Communautés européennes et la CCIP. Un autre modèle, Mégères,
financé dans le cadre du programme Eclat (ministère de l'Environnement, Ademe)
procède du même esprit mais est plus détaillé dans le domaine de l'énergie.
2. On trouvera dans Beaumais-Schubert [1993b] une description technique détaillée
de la maquette.

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Olivier Beaumais, Katheline Schubert

Le modèle

Le consommateur représentatif, à durée de vie infinie, maximise donc sa


fonction d'utilité sous contrainte de budget intertemporelle. La population
totale dans l'économie est Nt à la date t, croissant au taux exogène et constant n.
Soit ct la consommation totale par tête à la période t et lt la demande de loisir.
Soit Er un indicateur de dégradation de l'environnement. La fonction d'utilité
intertemporelle s'écrit :
1-1
u =
1-- ,= i (1 + 8)

Yo étant l'élasticité de substitution intertemporelle de l'utilité, 6' le taux de


préférence pour le présent, a un paramètre positif indiquant le poids de la variable
d'environnement dans la fonction d'utilité. L'utilité du ménage est donc
affectée par les variations de la qualité de l'environnement mesurée par l'indicateur
Et. Celui-ci est exogène pour le ménage, mais calculé de manière endogène par
le modèle. Il s'agit d'une externalité négative. D'autres formulations sont
envisageables, notamment celles qui feraient intervenir directement la qualité de
l'environnement dans la fonction d'utilité instantanée et considéreraient
l'indicateur de qualité de l'environnement comme une variable de contrôle du
ménage. Dans ce dernier cas, il serait possible de décrire des substitutions entre
consommation, loisir et qualité de l'environnement.
La fonction d'utilité instantanée s'écrit :

i-l

u(ct,lt) =

yl étant l'élasticité de substitution de la consommation au loisir et ß un


paramètre de préférence pour le loisir.
La consommation totale par tête à chaque date, c est elle-même composée
d'une consommation de produits standards cst et d'une consommation de
produits verts cv, le choix du consommateur entre ces deux catégories de produits
dépendant de leur élasticité de substitution y2 et d'un paramètre de préférence
pour les produits verts a (Er) fonction de l'indicateur de dégradation de
l'environnement :

1
i-l i-!"1
c. =

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Revue économique

La forme retenue pour le paramètre de préférence pour les produits verts en


fonction de l'indicateur de dégradation de l'environnement est la suivante :
Em-E
a(Ef) =-

(Xq et ocj étant des paramètres positifs ou nuls, et Em le niveau maximal de


dégradation de l'environnement tolerable (réglementaire ou subjectif).

La contrainte budgétaire intertemporelle du ménage s'écrit classiquement :


f-i
Pft = Or
'0

(1)

avec r0 = 0, a0 étant l'actif initial du ménage, pt et wt respectivement le prix de


la consommation totale toutes taxes comprises et le taux de salaire brut, rt le
taux d'intérêt à la date t, x™ le taux des cotisations sociales à la charge des
salariés, T^ le taux de l'impôt sur le revenu et ief le taux de l'impôt sur les revenus
du capital.

La maximisation de l'utilité sous la contrainte budgétaire


intertemporelle donne les conditions du premier ordre, qui s'écrivent, dans le cas où
l'on ne bute pas sur la borne imposée à 1 pour la demande de loisir, et si l'on
note <ùt = wt ( 1 - x^)(l-xf):

h = ct (2)

ct = c t-i 't-\

Pt-l
-yn
Pt
(3)
Pt-l

Ici, l'effet de la variable E est tel que quand l'environnement se dégrade entre
les périodes t - 1 et t, la consommation diminue de façon transitoire, toutes
choses égales par ailleurs.

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Olivier Beaumais, Katheline Schubert

Notons qu'à long terme, sur un sentier de croissance équilibrée, les prix sont
constants et la consommation et le loisir par tête stationnaires. Dans ce qui suit,
nous supprimons pour alléger les notations l'indice temporel.
Les consommations de produits standards et de produits verts valent,
connaissant la consommation totale,

ps et pv étant respectivement le prix toutes taxes comprises des produits


standards et des produits verts. La relation existant entre le prix de la consommation
totale et ces derniers est la suivante :

p= (p]y^a(E)\lh)h (5)
elle se déduit simplement de l'égalité en valeur :
PC = PsCs+PvCv
La désagrégation de la consommation de produits standards et de produits
verts en différents types de produits est effectuée par un système d'allocation
LES (Linear Expenditure System).
Les produits retenus sont l'alimentation, l'énergie électrique, l'énergie non
électrique, les transports et télécommunications, les autres produits intensifs en
énergie et les autres produits non intensifs en énergie. Chaque produit de chaque
catégorie peut provenir du territoire national ou être importé, selon une
spécification à la Armington [1969]. À ce niveau élémentaire, on distingue prix toutes
taxes comprises et prix hors taxes, des taxes spécifiques sur l'énergie étant
appliquées.

Les déchets issus de la consommation

Les déchets issus de la consommation des ménages peuvent être de deux


sortes :
- les déchets valorisables qui sont, par définition, ceux qui réentrent dans le
processus de production comme inputs des branches décrites par le modèle ; il
s'agit à la fois de matériaux réutilisables, après traitement, pour produire de
nouveaux biens (papiers, verres, aluminium ...) et de détritus incinérés dans le
but de produire de l'énergie (valorisation énergétique des déchets) ;
- les déchets ultimes. La partie solide de ces derniers doit être conditionnée
et mise en décharge. On considère dans ce cas que la production de ce type de
déchets se traduit par une dégradation de l'environnement qui peut être modulée
par l'évolution des technologies de conditionnement. Les émissions de
polluants atmosphériques associés à la combustion des énergies fossiles (partie
gazeuse) entrent également dans cette catégorie.

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Revue économique

Le passage des consommations des six produits standards et des six produits
verts distingués dans le modèle aux déchets de ces deux sortes issus de ces
consommations s'effectue grâce à un système de coefficients1 d'émission de déchets.

LE PRODUCTEUR

Dans chaque secteur j (alimentation, énergie électrique, énergie non


électrique, transport, autres entreprises grosses consommatrices d'énergie, autres
entreprises faibles consommatrices d'énergie) on considère une entreprise type
en situation de concurrence pure et parfaite qui maximise son profit, sous une
hypothèse d'absence de coût d'ajustement. La production dans sa totalité est
représentée par une structure arborescente (voir les tableaux 1 et 2 pour les
notations utilisées, et la figure 1 pour la représentation de l'arborescence dans le cas
des produits standards).

Tableau 1 . La stucture de production : le niveau supérieur

Mnémonique Interprétation
Y, Output produits standards
Yv Output produits verts
Dv Déchets valorisables
Dtt Déchets ultimes
K Capital
L Travail
E Énergie
M Consommation intermédiaires

Tableau 2. La structure de production : le niveau inférieur

Mnémonique Secteur
ALJ)V Alimentation

EL,,V Énergie électrique


NEJ>V Énergie non électrique

TR,,v Transport
GC5,v Autres gros consommateurs d' énergie

FC,,V Autres faibles consommateurs d'énergie

1. Ces coefficients associent n types de déchets aux six produits (verts ou standards)
consommés. Cette formulation offre l'avantage d'ouvrir les possibilités de formulation
de l'indicateur d'environnement, comme somme pondérée de diverses nuisances. Dans
une première approche le modèle se limite à quatre types de déchets i.e., détritus
ménagers, CO2, NOX, SO2.

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Olivier Beaumais, Katheline Schubert

Les produits standards

On considère, pour chaque secteur y = ALS, ELy, NES, TRS, GCy, FC^ (voir
tableau 2) une entreprise type qui maximise son profit. Au plus haut niveau de la
structure arborescente de production, la forme fonctionnelle retenue est une
CET-CES :

i-JL
i--L i-1"1
a Y,y. "v+(l-a ,.)YDVJ.

i~L i-J- i-JL"1


a2.KL5, (6)

avec £/ = 2 cxr = 1, Y la production de produits standards, YDvy la


production de déchets valorisables, KL^ le facteur composite capital-travail, EM^ le
facteur composite énergie-consommations intermédiaires, DM, les déchets
ultimes solides.
Le choix de la forme CET-CES s'explique par le rôle particulier que le
modèle fait jouer aux déchets. D'une part, les déchets valorisables sont traités
comme une production jointe. D'autre part, bien que les déchets ultimes soient
issus, tout comme les déchets valorisables, du processus de production, ils
représentent un coût à supporter pour les entreprises puisque celles-ci doivent
assurer leur conditionnement. Lors de la résolution de son programme,
l'entreprise type peut arbitrer entre les différents facteurs de production de façon à
produire plus ou moins de déchets ultimes. Ces derniers peuvent donc être
considérés comme un input, qui a un coût (taxation, coût total de mise en
décharge) et qui correspond en définitive à une consommation intermédiaire
d' environnement.
Aux niveaux inférieurs de la structure arborescente de production (fig. I), on
procède à une répartition des facteurs composites (KL, EM, E, M, etc.) en
considérant que chacun d'eux est obtenu en combinant les produits qui le
composent à l'aide d'une CES.
Le travail et le capital sont rémunérés de la même façon dans les différents
secteurs (hypothèse de mobilité parfaite) aux prix co(l+x') (x1 étant le taux
(ô*
de cotisations sociales employeurs) et r + 6 étant le taux de dépréciation)
respectivement.

Sur les déchets ultimes solides issus du processus productif


Une des activités de l'État sera de fixer de manière exogène l'offre de
déchets ultimes solides à travers la fixation de normes et de réglementations.

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Revue économique

Cela correspond en fait à la limite haute des possibilités de mise en décharge. Le


prix de celle-ci variera alors en fonction de la demande de conditionnement des
déchets ultimes (i.e. la consommation d'environnement) émanant des
entreprises, telle qu'elle découle de leur programme d'optimisation (£. = jD ) , et de
celle émanant des ménages.
Figure 1 . La structure arborescente de production : les produits standards
CES

CES

Les produits verts

On considère dans ce cas, pour chaque secteur j = AL^ ELy, NE^ TRy, GCy,
FCy, que la production est obtenue selon un procédé propre (i.e. sans production
de déchets ultimes et sans production de déchets valorisables). Par contre, les
déchets valorisables produits dans les secteurs standards interviennent ici
comme inputs. Un produit issu du recyclage de déchets valorisables est donc, a
priori, classé dans les produits verts.
La fonction de production s'écrit :

1- —
1- — 1 1--
Y„KLW ?3i +V F) (7)

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Olivier Beaumais, Katheline Schubert

avec2.= 1y. = 1.

La désagrégation des facteurs composites est obtenue suivant le principe


défini pour les produits standards.

Le commerce extérieur

Les importations

La spécification retenue est celle de Armington [1969]. Les consommations


intermédiaires (énergie et autres) importées sont considérées comme des
substituts imparfaits à leur équivalent domestique. Soit, là encore à titre d'exemple
(catégorie i, secteur) quelconque) :

1
1--
8' AL'
p«/+(1-5')AL; (8)

où AL^y représente la consommation en produits ij du secteur agro-alimentaire


standard, respectivement ALL et AL! pour les composantes domestique et
ij ij
étrangère. Sous l'hypothèse de minimisation du coût de fourniture d'un panier
composite, on obtient alors les demandes optimales :

P AL.
(9)
Pi,

Pal,

et la relation entre les prix (avec des notations évidentes) :

Tout comme pour la consommation, on distingue, à ce niveau élémentaire,


les prix TTC des prix hors taxes.

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Revue économique

Les exportations

La spécification retenue est celle explicitée par Wilcoxen [1988] d'après


Dixon et al. [1982] : pour chaque bien, la quantité d'exportation est déterminée
par une équation de demande de la forme (pour un secteur j quelconque de la
catégorie i) :

(H)
y-i
où Xy désigne les exportations du secteur j de la catégorie /, pY le prix de
production de ce secteur, peY le prix étranger correspondant en monnaie nationale,
où ß.. est une constante positive et où T)r est une élasticité négative.

LA DÉFINITION DE L'INDICATEUR DE DÉTÉRIORATION DE


L'ENVIRONNEMENT

Introduisons de nouveau l'indice temporel. Soit Dt un indice pondéré des


déchets ultimes (solides et gazeux) émis par les processus de consommation et
de production (E.= jD^ , auxquels il faut ajouter les émissions de polluants
atmosphériques issus de la combustion des énergies fossiles, calculées à partir
de l'utilisation de l'énergie non électrique), la pondération provenant de
résultats d'enquêtes sur la sensibilité des individus aux différents types de pollution
(Hope, Parker et Peake [1992]).

L'évolution de l'indicateur de détérioration de l'environnement est définie de


la façon suivante :

Cet indicateur est une grandeur totale et pas une grandeur par tête : son
évolution dépend de l'accumulation totale des déchets, soit DfNr. La variable %t
dépend du temps. C'est un taux de dépollution, qui suit une évolution
temporelle déterminée à la fois par le progrès technique induit par les variations de
prix et celui issu de la mise en place de réglementations et de nonnes.
À long terme, sur un sentier de croissance équilibrée, l'indicateur de
détérioration de l'environnement ne varie plus (Et +1 = Er), et les déchets par tête émis
par l'économie sont constants (D). On voit alors aisément comment évolue la
variable %t : elle croît au même rythme que la population. Elle peut donc
devenir supérieure à 1, ce qui signifie simplement que de nouvelles technologies
permettant de diminuer le stock existant de pollution sont apparues. Seule une
endogénéisation du progrès technique pourrait justifier rigoureusement ces
innovations.

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Olivier Beaumais, Katheline Schubert

LES UTILISATIONS DU MODÈLE

La structure retenue pour le modèle ouvre des perspectives d'analyse tant des
politiques d'environnement classiques (déchets, technologies propres ...) que
des stratégies définies pour résoudre ou réguler les phénomènes globaux de
pollution.
Dans le premier cas, il s'agira de donner une information quantitative sur les
implications économiques de la mise en œuvre de directives européennes
(recyclage ou valorisation énergétique des déchets, création d'un label vert, etc.) et/
ou de politiques nationales spécifiques dans ce domaine. La distinction produits
verts/produits standards permettra également de tenir compte de l'évolution
qualitative de la consommation des ménages et de l'évolution des préférences
individuelles pour des produits plus respectueux de l'environnement.
Dans le second cas, l'importance que doit désormais revêtir une politique de
lutte contre l'effet de serre additionnel, et donc de lutte contre les émissions de
CO2, à la fois sur le plan mondial (Convention sur le climat) et sur le plan
communautaire (proposition de taxe mixte CC^-énergie de la Commission des
communautés européennes) donne une place particulière à cette question dans
le champ des décisions publiques futures.
Une étude comparée des instruments économiques pour la régulation de
l'effet de serre sera ainsi menée. L'utilisation de ce modèle permettra de
quantifier les impacts économiques respectifs des taxes et marchés de droits à polluer
visant à réduire les émissions de CO2 ou à réaliser un objectif de dépollution, et
de définir plus précisément les conditions d'application et de bon
fonctionnement de l'un ou de l'autre de ces deux instruments incitatifs. En outre, la
description au sein du modèle de la fiscalité existante sur les ménages et sur les
entreprises rend possible l'analyse d'une réforme fiscale globale incorporant
des écotaxes et respectant le principe de neutralité fiscale (niveau de
prélèvements obligatoires inchangé). Enfin, le calcul endogène d'un indicateur de
détérioration de l'environnement et sa rétroaction sur le comportement et l'utilité
des consommateurs ouvrent la possibilité d'une véritable prise en considération
dans les résultats obtenus des phénomènes hors marché induits par les
politiques d'environnement. Au-delà des impacts purement marchands, on disposera
ainsi d'une évaluation des variations de bien-être des individus.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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915
Revue économique

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