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DOCTRINALIA HERACLITEA III : ÂMES, FLEUVES ET EXHALAISONS (Notes de lecture)


Author(s): Serge Mouraviev
Source: Revue de Philosophie Ancienne, Vol. 26, No. 2 (2008), pp. 40-77
Published by: EURORGAN s.p.r.l. - Éditions OUSIA
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/24358790
Accessed: 05-03-2016 04:39 UTC

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40 Serge Mouraviev

DOCTRINALIA HERACLITEA III :


ÂMES, FLEUVES ET EXHALAISONS
{Notes de lecture)

Avant-Propos
Cet article fait suite à « Doctrinalia Heraclitea I et II. Âme du monde
et Embrasement universel »1 et complète en même temps ma vieille
étude (restée inédite entre 2003 et 20082) sur le contexte (T 271) du
fragment F123. Il est le fruit de la lecture, hélas ! un peu tardive, d'un
article qui, comme ceux que j'ai examinés dans «DH» I et II (2008),
occupera sans conteste une place digne de lui dans la reconstruction
de la physique et de la psychologie héraclitéennes. Si l'article

1. Cf. Phronesis 53, 2008, p. 315-358. Mes notes de lectures intitulées


« Doctrinalia Heraclitea » («DH» suivi d'un chiffre romain) reflètent l'état
actuel de mes premières tentatives de récapituler les fruits de quarante ans de
commerce passif avec les textes héraclitéens. Par souci d'économie je leur
confère la forme de comptes rendus de travaux récents où je découvre des
idées proches des miennes, et elles déboucheront, j'espère, sur une reconstruc
tion active de la doctrine d'Héraclite, reconstruction que je destine au vol.
III.3.C des Heraclitea (infra, n. 3). Cf. l'avant-propos de «DH I & II» (p. 316).
2. Mais reproduite supra, p. 3-39 et désigné infra «F 12».
3. Les numéros précédés d'un sigle (T, M, D ou F) renvoient aux textes
de l'édition (en cours) des Heraclitea : Τ aux sources héraclitéennes réunies
dans Traditio (= vol. II.A. 1-4, 1999-2003), M aux témoignages sur la vie et le
livre rassemblés dans Memoria (= vol. III. 1, 2003), D au témoignages sur la
doctrine regroupés dans Placita (= vol. III.2, 2008) et F aux citations éditées
dans Fragmenta (= vol. III.3.B/i-iii, 2006 ; je conserve la numérotation de
Diels - Kranz, I, ch. 11, B, avec des ajouts). Cf. Serge Mouraviev (= SM),
Heraclitea. Édition critique complète des témoignages sur la vie et l'œuvre
d'Héraclite d'Éphèse et des vestiges de son livre, 10 volumes parus (Sankt
Augustin, Academia Verlag, 1999-2008...). Je m'excuse de ne renvoyer sou
vent qu'aux numéros des textes de cette édition, sans préciser les coordonnées
des sources, mais, primo, ces coordonnées figurent dans l'édition au début de

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DOCTRIN ALI A HERACLITEA III 41

d'Aryeh Finkelberg (1988)4, en ouvrant, enfin, le dossier de la confla


gration et de la cosmogonie, m'a permis de rajouter aux siens mes
propres arguments en faveur de l'une et de l'autre ; si l'article de
Gâbor Betegh (2007)5, en posant, enfin, clairement la question de l'â
me du monde, de sa nature physique et de la présence de l'air dans
l'univers d'Héraclite, m'a fourni l'occasion, notamment, de défendre
l'authenticité des fragments « Β 76 » de DK (= F 76a, F 76b et F 77e),
de montrer l'existence chez l'Éphésien de quatre exhalaisons diffé
rentes au lieu de la seule que les modernes lui accordaient et d'ébau
cher une reconstruction de son Ambiant, l'article de Thomas
Buchheim (2005)6 me permet de revenir sur le fragment F 12 et son
contexte, mais aussi et surtout d'aborder par le biais du témoignage
insolite d'Aristote sur l'âme-exhalaison-et-principe (T 189) les ques
tions, intimement liées entre elles, du cycle des âmes, du flux et du
feu. Compte tenu du caractère essentiellement spéculatif (au sens
philosophique du terme) de l'article de Buchheim et du matériel
essentiellement aristotélicien qu'il utilise, je n'exposerai que les
conclusions et les grandes lignes de son argumentation, en renvoyant

chaque texte juste après le numéro et, secundo, un des buts de l'édition était
précisément de réunir toute l'information pertinente sur un espace restreint et
dispenser le lecteur de la nécessité d'aller chercher les textes originaux dans
des dizaines de livres.
4. Finkelberg Aryeh, « On cosmogony and ekpyrosis in Heraclitus »,.
American Journal of Philology 119 (1998) 1-34 (infra : Finkelberg 1998);
cf. SM «DH» I-II, 337-356.
5. Betegh Gâbor, « On the physical aspect of Heraclitus' psychology »,
Phronesis 52 (2007) 3-32 (infra : Betegh) ; cf. SM «DH» I-II, 318-337.
6. Buchheim Thomas, « Feuer und Flüsse. Überlegungen zum Prinzip des
Lebens nach Heraklit » : Rechenauer Georg (cur.), Frühgriechisches Denken
(Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 461 p.) 174-202 (infra : Buchheim). II
ne sera toutefois pas question ici de son ch. 4 qui ne répond pas de par son
contenu au principal critère de sélection des «DH» (idées proches des mien
nes). Il ne sera pas non plus question ici, pour la raison que j'indiquerai plus
loin (infra, n. 26), de l'article de Roman Dilcher, « Im-Fluss-sein (Heraklit,
Β 12) » publié dans le même recueil, p. 203-216. [Ces notes de lecture, com
muniquées à Th. Buchheim quatre mois avant la lecture des épreuves (décem
bre 2008), n'ont suscité aucune réaction de sa part : qui tacet consentit ?]

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le lecteur à l'original pour les détails et en insérant, entre crochets,


mes développements, doutes ou objections chaque fois que nécessai
re. En principe j'approuve tacitement toute opinion citée sans discus
sion, mais mes silences peuvent aussi n'être parfois que de banales
suspensions de jugement.

0.1 L'article de Thomas Buchheim s'intitule « Feu et fleuves. Réfle


xions sur le principe vital selon Héraclite ». Il se compose d'une
introduction sans titre (174-176) et de quatre chapitres: 1. άναθν
μίαοις chez Aristote (176-179) ; 2. Rapports probables ou certains
avec Héraclite ( 179-184) ; Le fleuve de l'alimentation (184-190); et 4.
Feu petit et grand (190-202). Le sujet qu'il traite dans les trois pre
miers chapitres rejoint par un côté celui que Betegh abordera deux ans
après lui dans le troisième chapitre de l'article à propos duquel je me
suis déjà exprimé7.
Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais signaler
quelques particularités importantes de ce travail et notamment ses
principaux écarts, en bonne et en mauvaise part, par rapport à ce qui,
aujourd'hui encore, est considéré dans certains milieux universitaires
comme une norme sacro-sainte.
Buchheim est un des rares modernes à n'avoir presque pas été
contaminé par le virus de suspicion généralisée vis-à-vis des té
moignages d'Aristote sur les présocratiques, un préjugé qui s'est
répandu au moins depuis 1935" et qui règne encore pratiquement sans
partage. C'est là une qualité précieuse. Il en oublie même de remettre
en question la légitimité de l'application à Héraclite du concept aris
totélicien de « principe ». C'est là, par contre, un défaut regrettable.
Si la première attitude marque un réjouissant retour à la normale (cf.
par ex. supra, «Fl 2» § 2), la seconde trahit une certaine déficience de

7. Betegh 18-24; cf. «DH» I-II (2008) 321-323. 11 est évident que. tout
comme moi, Betegh ne connaissait pas en 2006 l'article de Buchheim.
8. Année de parution de: H. Cherniss, Aristotle's criticism of presocratic
philosophy (Baltimore). Cf. la saine réaction de K.W.C. Guthrie, « The
Characteristics and effects of Presocratic philosophy ». Journal of tlte History
of Idecis 12. 1951, 319-45 = D.J. Furley & R.E. Allen (cur.). Stiulies in
Presocratic philosophy, I (London/NewYork, 1970) 1-28.

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 43

sens historique : bien que le terme même ίΐ'άρχή 'principe' fût proba
blement attesté depuis Anaximandre (cf. 12 Β 1 DK), le concept
d'« élément premier et substrat matériel » qu'il implique et recouvre
chez Aristote ne semble pas être apparu au mieux avant Anaximène et
n'avoir été clairement utilisé que par Diogène d'Apollonie9. Il est
donc dangereux de l'attribuer à Héraclite without qualifications.
D'autant plus que selon Buchheim lui-même le mot 'feu', tant chez
Héraclite que chez Aristote, aurait désigné non une matière (ein Stoff),
mais un processus de transformation (de combustion) des autres
matières sous l'effet du chaud, lequel serait le vrai feu-élément
d'Aristote, celui de sa sphère du feu.
Plus généralement, Buchheim est enclin à faire confiance aux
sources, et s'il est parfois obligé soit d'accepter sans examen critique
des conclusions sceptiques antérieures, soit de recourir, pour en prou
ver la fausseté, à des démonstrations philosophiques abstrues et poin
tues - et partant peu convaincantes - que j'omettrai, c'est souvent,
qu'il leur fasse ou non confiance, à cause de ses collègues philologues
et philosophes qui mettent systématiquement en doute les données
philologiques les plus évidentes - telles que la fiabilité foncière de
l'information de Théophraste sur les exhalaisons d'Héraclite ou le
Zusammenhang des deux phrases de F 12 - et se privent ainsi, en
détruisant les textes mêmes sur lesquels ils s'appuient, de la possibili
té d'accéder au sens. Malheureusement - et c'est là sans doute le
défaut principal qui hypothèque dangereusement la fin de son article
- il ne semble pas non plus se rendre assez compte du profond fossé
en matière de catégorisation conceptuelle qui sépare Aristote d'Héra
clite et du danger que présente toute « rétrojection » without qualifi
cations, à un siècle et demi de distance, des opinions du second sur la
doctrine du premier. Car, soulignons-le, la source principale de
Buchheim c'est Aristote.

Il n'en reste pas moins que son article marque un formidable pas
en avant des recherches héraclitéennes, en montrant combien grande
peut avoir été la dette contractée par le Stagirite vis-à-vis de l'Éphé

9. Cf. Daniel Graham. Explaiiiing tlw Cosmos (Princeton. 2006). C'est la


thèse centrale du livre.

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sien et combien révélatrice peut s'avérer être l'analyse des rencontres


(habituellement perçues comme fortuites) entre lui et Héraclite.

0.2 Quel est le sujet que traite Buchheim ? Ni le titre de son article,
ni son propre énoncé (p. 174-175) ne sont assez explicites. La liste
des sujets abordés dans chaque chapitre (p. 176) est plus éloquente
(cf. § 0.4, mais n'est qu'une énumération. Je le définirais comme
ceci : L'anathymiasis, principe vital (âme chez l'un, mécanisme du
métabolisme organique chez l'autre) chez Héraclite et Aristote. Et ce
que cela impliquerait pour les notions de fleuve, d'âme et de feu et
l'interprétation de F12 chez ce dernier.
Partant du fameux et négligé passage d'Aristote sur Yanathymia
sis ou âme, principe d'Héraclite [T 189, D 24, D 97] Buchheim le
compare à tout ce qu'Aristote nous apprend sur son propre concept
correspondant et aboutit aux conclusions suivantes - conclusions que,
selon les cas, j'accepte sans réserve, ou dubitativement, ou qui susci
tent en moi des objections sérieuses : (1) Aristote avait de bonnes rai
sons de qualifier l'âme d'Héraclite d'exhalaison ou de principe : il en
faisait lui-même un grand usage ; (2) Aristote avait lui-même emprun
té cette notion à l'astrométéorologie et à la psychologie d'Héraclite et
l'avait systématiquement appliquée à sa propre météorologie sublu
naire, en l'étendant de surcroît à son interprétation des phénomènes
biologiques ; (3) L'exhalaison héraclitéenne [Buchheim n'en reconnaît
qu'une] et les exhalaisons aristotéliciennes étaient identiques [une
identité qu'à mon avis il serait dangereux d'absolutiser] ; (4) Ce que
nous savons des secondes permet de confirmer l'unité et l'appartenan
ce à Héraclite des deux phrases de F 12 et d'expliquer tant ce frag
ment d'Héraclite que les réminiscences dont il fait l'objet dans les
Météorologiques, les Parties des animaux et le De la jeunesse et de la
vieillesse; (5) Le concept d'exhalaison désignait en fait chez Aristote,
et donc chez Héraclite aussi, un flux de matière gazeuse à la fois mû

10. Aristot. De an. I, 2, 405a25-29 και Ηράκλειτος δέ τήν αρχήν


ειναί φησι ψυχήν, ειπερ τήν αναθυμίασιν, έκ ής τάλλα συνίστησιν και
άσωματώτατόν τε καΐ ρέων αεί- τό δέ κινούμενον κινουμένφ γινώ
σκεσΟαι- έν κινήσει δ'είναι τά δντα κάκεΐνος φετο και οί πολλοί.

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et métamorphosé sous l'effet de la chaleur (du feu), un flux (fleuve)


que, contrairement à Héraclite, Aristote n'identifiait pas à l'âme [et
qu'Héraclite, contrairement à Aristote, utilisait aussi pour expliquer le
feu des astres], mais en lequel il voyait, comme Héraclite [ceci me
paraît douteux], le mécanisme de la combustion (vive ou lente) du feu
et de la quasi-totalité des phénomènes météorologiques de l'espace
sublunaire, resp. de l'ambiant, et le principe vital du métabolisme
organique des êtres vivants
Telles sont les thèses fondamentales que Buchheim argumente
dans ses trois premiers chapitres.

0.3 L'article dans sa totalité prête en outre le flanc à quatre reproches :


(1) Buchheim ne dit pas un seul mot ni pour, ni contre la thèse de
l'embrasement universel " ; (2) Il ne dit presque rien non plus sur le
sens de cette partie capitale du contexte de F 12 que sont les mots
νοεραι άεί γίνονται (qu'il traduit immerfort gewahrend entstehen) ;
(3) Il accepte l'opinion erronée [admise depuis Kirk] sur la prétendue
unicité des exhalaisons héraclitéennes (cf. infra, n. 13) ; (4) Il se livre
à des interprétations pour le moins hasardeuses - que, comme je l'ai
dit, je n'examinerai pas ici - d'un grand nombre de fragments héracli
téens sans disposer d'une conception générale tant soit peu dévelop
pée de l'ensemble de sa doctrine physique.
Les trois premières omissions s'expliquent facilement. C'est un
effet de perspective. Buchheim étudie Héraclite à partir d'Aristote,
ce qui lui permet de reconnaître chez Héraclite ce que celui-ci avait
eu de précieux et d'utile à transmettre au Stagirite. Mais comme ce
dernier a renoncé à toute alternance cyclique des mondes qui péris
sent et renaissent12 ; comme Aristote a renoncé aussi à l'identification
âme = exhalaison ; comme, enfin, ses deux exhalaisons sont diffé
rentes des quatre héraclitéennes 13 (elles ne nourrissent ni les astres,

11. C'est un sujet qu'il n'ignore pas puisqu'il cite (p. 198, n. 49) l'article
de Finkelberg qui lui est consacré (Finkelberg [1998]).
12. Une alternance qu'Aristote connaît bien et reconnaît notamment chez
Héraclite et Empédocle (De caelo A 10, 279bl 2-17 = Τ 170. D 31), mais dont
il n'a cure.

13. Identifiées dans SM «DH» 1-11 (2008) p. 330-333, et Heraclitea III.2

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ni les âmes, mais veillent seulement à leur propre survie ; la seule


distinction qu'Aristote a empruntée à Héraclite et développée, entre
exhalaison sèche et exhalaison humide, est masquée, dans la doxo
graphie héraclitéenne, par l'opposition entre exhalaisons brillantes et
exhalaisons obscures... sans parler des lacunes de la tradition) ; alors
à moins de changer de perspective et de s'abstraire d'Aristote, Buch
heim n'avait aucun moyen de remarquer ces problèmes situés hors
du champ éclairé par le projecteur aristotélicien.

0.4 L'introduction s'ouvre avec le passage indiqué d'Aristote sur


l'exhalaison ou âme, principe d'Héraclite [T 189, D 24, D 97] l4.
Selon Aristote {De an. Introd.) les traits fondamentaux de l'âme
étaient, pour la majorité des philosophes antérieurs, soit le mouve
ment, soit la Cognition, soit les deux, aussi choisissaient-ils pour elle
le matériau le plus mobile et le plus subtil, ou celui-là même qui leur
servait de principe [cf. SM H III.2, Placita D 93-D 96], en allant
parfois jusqu'à proclamer principe l'âme elle-même. Et c'est cela
que notre passage est appelé à illustrer. Il s'ensuit pour Héraclite : 1)
qu'il « expliquait la constitution du cosmos [...] à partir d'une
αναθυμίασις ou [...] d'un état des choses qu'Aristote pouvait avoir
clairement identifié comme étant une άναθυμίασις ; 2) qu'il y avait
chez Héraclite des indices de ce que cet état des choses était iden
tique à la façon dont Aristote comprenait ψυχή chez Héraclite ; et 3)
que cela à quoi l'âme est apparentée (ähnlich) et qui est une
άναθυμίασις est quelque chose de particulièrement incorporel et en
flux perpétuel » (174). [Cf. H, Placita D 24, n. 1.]
Buchheim voit dans ce texte le Grundstein de la doxographie
héraclitéenne, selon laquelle Héraclite aurait tout [?] expliqué en ter
me d'Aufsteigung (sublimation), ou d'exhalaison, ou d'Aushauchung

(2008) 156-158 + tableau. Ce sont: I) la brillante et sèche provenant de la ter


re, 2) la brillante, humide et pure provenant de la mer, 3) la brillante, humide
et impure provenant des eaux douces et 4) l'obscure provenant du sous-sol
(?). qui nourrissent respectivement: (1) les étoiles. (2) le soleil. (3) la lune et
(4) la partie obscure et froide de l'ambiant (?).
14. Cité supra, n. 10

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 47

(expiration). [Conclusion un peu trop rapide, tant qu'elle ne s'appuie


que sur ce témoignage !] Comme l'âme est aussi souffle de vie
(Lebenshauch), le problème est de voir dans quelle mesure la tradi
tion doxographique héraclitéenne est indépendante d'Aristote, et cré
dible 15.

Plan adopté pour ce faire : (1) montrer ce qu'Aristote entendait


par άναθυμίασις ; (2) démontrer qu'il s'agit d'un concept trouvé par
Héraclite pour expliquer toute combustion, phénomènes célestes et
processus vital inclus ; (3) concentrer son attention sur ce dernier pro
cessus tant chez Aristote que chez Héraclite pour montrer que l'inter
prétation aristotélicienne permet de comprendre F 12 en tant que cita
tion sensée et cohérente (einheitliches) ; et (4) montrer qu'« Héraclite
avait compris la vie des âmes séparées sur le modèle de
Γάναθυμίασις »(176)
[Ces promesses, Buchheim ne les remplit qu'à moitié : en mon
trant que les conceptions aristotéliciennes concernées sont transféra
bles chez Héraclite et y manifestent une certaine capacité explicative,
mais sans recourir à la doxographie héraclitéenne. Mon problème à
moi, s'agissant de Τ 189, sera un peu différent. En affirmant que
pour Héraclite l'âme est principe puisqu'elle est exhalaison, Aristote
dément ses propres et nombreux témoignages attribuant le rôle de
principe au feu (Τ 171-T 184). Chose plus curieuse, il ne nomme
jamais Héraclite quand il parle de « ceux qui identifient l'âme au
feu » (Τ 185-T 188). Certes, on peut poser, comme la plupart des
modernes l'ont fait, l'équation exhalaison = sorte de feu. Mais cela

15. Curieusement, en fait de doxographie héraclitéenne de l'exhalaison


Buchheim ne mentionne que Théophraste dans Diogène Laërce IX, 8-11
(tout en récusant la distinction entre les exhalaisons claire et obscure) et
ignore totalement la doxographie des Placita philosophorum d'« Aétius » et
des sources secondaires. Or s'il y a des sources qui méritaient d'être citées
sur son sujet, c'est bien Dox. (« Aétius ») IV, 3 (Nemesius) = Τ 462 (D 105
et D 106) et IV, 7, 2 = Τ 464 (D 109) où il est question de l'identité âme du
monde = exhalaison et de l'homogénéité (consubstantialité) âme du monde:
âmes individuelles, et [Arist.] Probt. 908a30 = Τ 32 (D 150) qui fait état
d'exhalaisons internes du corps. Cf. encore H 111.2 Placita, Index rerum.
p. 200. s. Exhalaison(s).

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48 Serge Mouraviev

n'explique pas la spécificité de l'âme qui, d'une part, lui vaut d'être
appelée exhalaison, mais, d'autre part, ne lui interdit pas pour autant
d'être identifiée ou substituée au principe feu. Nous verrons toutefois
plus loin que Buchheim, sans la donner, nous rapproche peut-être de
l'explication cherchée.]

1. Le chapitre 1 décrit le concept d'ctva0upiaoiç chez Aristote et son


rôle dans sa philosophie de la nature. Aristote en fait un « usage tout
à fait excessif » et s'en sert pour expliquer pratiquement tous les phé
nomènes météorologiques. C'est toujours un « processus de flux
continu » au cours duquel le chaud (= le feu) transforme des maté
riaux initiaux (Ausgangstoffe) en des produits finaux (Produktstoffe).
Trois particularités essentielles: (1) la durabilité du processus avec ali
mentation continue en matériau, d'où sa comparaison au courant d'un
fleuve ; (2) cette comparaison est toutefois mise en défaut du fait que
la matière qui coule n'est pas invariante, mais subit en outre, pendant
son écoulement, une transformation, un devenir : partant d'une entité
homogène, elle aboutit à une entité autre, elle aussi foncière
ment homogène ; (3) un apport de chaud est toujours nécessaire pour
effectuer cette transformation de matière, qui aurait pour paradigme
évident la combustion du feu (das Brennen von Feuer). [Autrement
dit, άναθυμίασις supposerait : un cadre spatio-temporel fixe, un
apport de chaleur externe, un flux de matière homogène à travers ce
cadre, une direction du flux, une différence entre l'état de la matière
afférente et celui de la matière efférente, le mot ό'άναθυμίασίζ pou
vant sans doute être appliqué soit au processus lui-même, soit à la
matière afférente (d'origine), soit, enfin, à la matière efférente (résul
tante) l6.]
Aristote est conscient que le feu n'est pas une matière du genre
de l'eau et de la terre. C'est un « Agens par excellence » qui doit son
existence au fait qu'il exerce une action sur les autres matières, grâce

16. Ainsi que nous verrons à la fin (§ 4.2 pt. A), cette dernière et fréquen
te façon d'utiliser le mot est source de confusion.

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 49

à quoi se produit ce qui se produit toujours quand il brûle. Ce qui


s'échauffe se modifie partiellement ; le chaud se libère et s'envole
vers le haut, vers son lieu de résidence naturel : la sphère du feu. En
montant, le feu ou le chaud engendre des états intermédiaires
(Zwischenstufen) entre ce qu'il est (tel que concentré dans son lieu de
résidence naturelle), d'une part, et l'eau et la terre au centre du mon
de, d'autre part; à savoir: l'air, le vent et divers gaz inflammables
qui constituent l'atmosphère avec ses processus et phénomènes et qui
enveloppent notre terre. L'atmosphère située entre l'eau et la terre en
bas et le feu qui borde en haut la zone astrale, est une gigantesque
άναθυμίασις, englobant les effets atmosphériques produits de haut
en bas et de bas en haut par la chaleur du soleil. Cette analyse est
corroborée par les textes cités juste après : Arist. Meteor. I, 3,
340b19-29; 341a5-9; 4, 341b5-22 (avec en note citations de, ou réfé
rences à, de nombreux autres textes du De gen. et corr., des Meteor.
et du Deiuv.). (176-178).
[Ces textes sont en effet concluants, même s'ils posent de nomb
reux problèmes relatifs à la façon (souvent inconséquente) dont
Aristote se sert des termes de feu, flamme, chaud etc., et aux places
respectives qu'il accorde au feu-élément et au feu-processus, au feu
visible et au feu invisible, au feu-ardeur et au feu-flamme etc. dans
son système, problèmes dont nous n'avons pas à nous occuper ici. Il
n'en demeure pas moins clair que le « vrai feu », celui qui occupe la
sphère du feu, n'est pas flamme, mais plutôt chaleur, ardeur pure
libérée par le processus d'àvaOupiaotç. Cette dernière reste pourtant
ambiguë : d'un côté, c'est effectivement un processus, l'exhalation,
pourrait-on dire, le fait d(e s)'exhaler ; de l'autre, c'est le résultat de
ce processus, l'exhalaison, ce qui est exhalé". S'agissant de Τ 189,
c'est le second sens qui semble le mieux convenir, mais pourquoi
Aristote évite-t-il alors le mot πΰρ ? Ne serait-ce pas simplement par
ce qu'Héraclite η 'a nulle part identifié l'âme au feu, mais seulement à
une exhalaison ?

17. Abstraction faite d'un facteur sémantique dont Buchheim n'a pas
conscience : que chez Héraclite le verbe (άνα)Ηυμιάσθαι dénote ou connote
non l'e.v-halation. mais Γόι-halation, l'absorption de matière volatile ascen
dante. Cf. «F 12» § 6 (supra, p. 22).

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50 Serge Mouraviev

Autre particularité frappante de cette définition de Γάναθυμίασις


aristotélicienne : la description de toute l'atmosphère sublunaire com
me d'une gigantesque exhalaison, description qui rappelle étrangement
celle proposée par Betegh pour la masse Âme = air et feu qu'il prête à
Héraclite (Betegh 2007 22-24, cf. «DH» Ι-Π 321-323) et ma propre
description de son περιέχον (ibid., 335-336) Ces rencontres non
préméditées renforcent évidemment l'hypothèse, émise par Buch
heim, d'un emprunt direct par Aristote du concept héraclitéen d'àva
θυμίασις.]

2.1 Dans son second chapitre, Rapports probables et certains avec


Héraclite, Buchheim se propose de démontrer que Γάναθυμίασις est
de toute probabilité un concept trouvé par Héraclite pour expliquer
toutes les combustions (Brennvorgänge) y compris les phénomènes
célestes et les processus de la vie. [Ici aussi, comme pour presque
toutes les thèses de cet article, Buchheim s'appuie non sur les textes
héraclitéens, mais sur le témoignage indirect d'Aristote.] Aristote ne
revendique pour lui-même que la découverte de Y innere Differen
zierung de Γαναθυμίασις [opinion que je contesterai infra, § 2.3 A]
et en attribue le concept même, et donc la possibilité de concevoir un
devenir stable (stabile... Werden), à des auteurs antérieurs non spéci
fiés. Dans les textes cités et nombre d'autres, il parle de « ce que l'on
appelle habituellement feu et qui n'en est pas » et explique (enthüllt)
la flamme comme étant une άναθυμίασις. Nous devons donc voir,
dans le témoignage d'Aristote affirmant que le principe de toutes les
choses pour Héraclite était le feu, une confirmation de plus (weitere
Bestätigung) de ce qu'Héraclite avait effectivement interprété le pro
cessus d'àvafiopiaoïç comme le principe de toutes les choses et de
son cosmos. [À condition, primo, qu'un processus en tant que tel
puisse servir de « principe », secundo, qu'Héraclite ait eu besoin

18. Répondant à la question « Quelle est la nature physique de l'âme? »


Betegh (2007) p. 19-21 - pour qui l'âme est une masse physique semblable à
l'eau et à la terre (cf. F 36) - citera le même texte pour affirmer que l'âme
n'est ni feu, ni air, mais exhalaison, continuum reliant la terre au ciel, passant
de l'air humide en bas, au ras du sol, au feu sec à proximité des cieux. (Cf.
SM «DH» Ml [2008] 321).

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 51

d'en avoir un, et tertio, qu'il n'ait pas fait de distinction entre πυρ et
άναθυμίασις, autant de questions que Buchheim n'aborde pas ; cf.
infra, § 2.4 B.] En effet, selon Aristote, ce qu'en appelle feu durable
0andauerndes Feuer) est en réalité de 1'άναθυμίασις. Or Aristote
identifie le principe d'Héraclite à 1'άναθυμίασις. Donc c'est Héra
clite qui aurait découvert et expliqué avant Aristote que le feu est une
άναθυμίασις ou fonctionne anathymiastisch, et qu'Aristote le savait.
De là la conclusion probable que lorsqu'Héraclite parle de feu, il
sous-entend non une matière (ein Stoff), mais une combustion réelle
{ein effectives Brennen) [à condition, encore une fois, qu'il ait eu
conscience de la distinction], (179-180)
Le feu visible et la flamme ne sont pour Aristote que des cas par
ticuliers d'àvaOupiaoïç en écoulement, et leurs causes (flambantes
ou éteintes) sont ce qui crée et entretient l'ordre des sphères globales
[= terre et mer ?] et la vie. [Suit citation de Meteor. II, 3,
357b24-358a3, texte décrivant les transformations réciproques des
éléments, qui n'en conservent pas moins chacun sa forme, et conte
nant une réminiscence indéniable de F 12 : άεί άλλο καΐ άλλο
γίγνεται... καθάπερ τό τών φεόντων υδάτων ; cf. D 202.] Si on
applique les mêmes définitions à Héraclite, alors on est obligé de
comprendre les πυρός τροπαΐ de Β 31 non comme des transforma
tions de la matière feu {Feuerstoff), mais comme une "transforma
tion" mutuelle active des autres matières que le feu suscite [en note
12: cf. Β 64] pour se libérer in anathymiastischer Form (τροπή peut
avoir un sens actif, cf. n. 13). Héraclite aurait donc supposé un feu
actif {ein Agieren von Feuer) partout où il y a transformation produi
te par la chaleur [mais cf. infra, § 2.4 C], Ce qui suggère qu'Aristote
fut effectivement le premier à distinguer entre divers types
d'àvaôupiaotç. [À condition d'accepter tout ce qui précède, de reje
ter le témoignage de la doxographie et de réduire les αναθυμιάσεις
au seul feu, cf. infra. § 2.3 Α.] (180-181)
Aristote a réduit tous les processus analogues {gleichmäßigen) de
transformation dans l'atmosphère (entre air et feu, chaud et froid,
nuages et éclair, brouillard et rosée, vents secs et humides) à ses
deux formes d'àvaôupiaoïç [la sèche et l'humide, ou « vapeur » :
άτμίς, cf. Mete. 340b27] et construit des cycles d'échange de matiè
re et de chaleur permettant à la chaleur dispensée par le soleil de

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52 Serge Mouraviev

rejoindre sa source (ihren Weg nach Hause [nehmen]). [Suit une cita
tion de Mete. 346b23-347a8, concernant les cycles de la « vapeur »,
notamment celui de l'eau, et contenant une réminiscence de l'image
du fleuve et de F 60 ώσπερ ποταμόν ρέοντα κύκλψ άνω και κάτω ;
cf. D 88, D 205]. Aristote corrigerait donc la tradition doxographique
qui fait des deux chemins vers le haut et vers le bas [de F 60] un cycle
de transformations incluant le feu et appliquerait ce cycle à 1'άνα
θυμίασις sous l'action du feu (181-182).

2.2 Mais [Buchheim ouvre ici une parenthèse] pourquoi Aristote ne


nomme-t-il pas Héraclite ?
« Il apparaît qu'Aristote ne se soit soucié (bevorzugt) de nommer
les auteurs <de ses thèses> que lorsqu'il adoptait une attitude critique
vis-à-vis de doctrines différentes de la sienne. Pour Aristote la vérité
appartient pour ainsi dire au domaine public (ist... Allgemeinbesitz),
seules les thèses fausses ont besoin de garants (Gewährsleute) pour
être réfutées ». (182) S'agissant d'âvaOopiaoïç, Aristote se démarque
de deux erreurs, commises par « certains » : de l'opinion que le pro
cessus 4'άναθυμίασις serait une auto-alimentation de l'igné ("Sich
Nahrung" des Feurigen) [Mete. 354b33] et de la thèse que les astres,
notamment le soleil, doivent être inclus dans ce processus [355all].
Suit (182-184) une démonstration laborieuse par Buchheim de ce que
les deux opinions critiquées sont bien héraclitéennes [thèse correcte
qu'un simple renvoi à la doxographie - D 69, D 72, D 75 - aurait
suffi à étayer], avec référence à Platon [T 134] (RP 497 E-498 Β : le
soleil d'Héraelite qui s'éteint et se rallume) et à Aristote lui-même,
ibid. [Τ 190] (Mete. 354b23-355a21 : le soleil nouveau chaque jour),
passage où Héraclite est nommé, mais à propos d'autre chose. [Bref,
en simplifiant un peu - et c'est une observation capitale - quand
Aristote emprunte, il ne se sent pas obligé d'indiquer ses sources;
quand il modifie la théorie empruntée, il critique des anonymes; il ne
nomme que lorsqu'il rejette.]

2.3 [Cela reconnu, il est utile de mentionner quelques unes de mes


Auseinandersetzungen avec Buchheim à propos du ch. 2.
A. J'ai déjà dit plus haut que ce qu'on trouve en réalité chez
Héraclite c'est quatre exhalaisons : trois brillantes et une obscure

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 53

(cf. note 13). Aristote ne pouvait donc pas revendiquer légitimement


la paternité de cette Differenzierung du concept ύ'άναθυμίασις, il ne
pouvait revendiquer que sa paternité d'une Differenzierung différente
de celle d'Héraclite. Buchheim ne fournit pas les coordonnées du ou
des texte(s) où cette revendication figure. Mais on peut les trouver
chez Kirk le premier moderne à avoir nié l'attribution à Héraclite
de la distinction entre exhalaisons claires et exhalaisons obscures
(que lui prête Théophraste chez Diogène Laërce IX, 8-11), et imité
en cela par pratiquement tous les critiques, y compris Betegh (2007,
p. 19-20) et Buchheim (175 η. 2, 179, 181). Voici ces passages. En
Mete. 349a15 Aristote déclare: « Nous n'avons rien trouvé <sur les
vents, les cours d'eau, la mer> dans ce qu'on dit qui ne puisse l'avoir
été par le premier venu » : Aristote pouvait-il assimiler Héraclite au
premier venu? En 341b7 Aristote mentionne sans les nommer ceux
qui n'acceptent qu'une exhalaison simple à partir de la terre20: n'est
ce pas à Héraclite qu'il fait allusion ? En 359b29 Aristote indique que
l'exhalaison humide a un nom, άτμίς, alors que la sèche n'en a pas :
n'est-ce pas un indice clair qu'on n'en connaissait qu'une ? Enfin
Kirk cite un passage où Aristote aurait pu mentionner les deux exha
laisons d'Héraclite, mais ne l'a pas fait : 355a5. Mais, primo, Buch
heim nous a déjà expliqué (cf. § 2.2 supra) la répugnance qu'avait

19. G.S.Kirk, Heraclitus. The cosmic fragments (Cambridge, 1954 ;


21962) 271, 273-4.
20. Réparons ici une erreur commise à la suite de Betegh (SM «DH» I-II,
p. 321-322 ; Betegh 19-20). En 34 lb6-10 Aristote, parlant de l'origine de ses
deux exhalaisons, les fait provenir toutes deux de la terre. Juste après il distin
gue l'exhalaison « venteuse » de la « vaporeuse », l'une, sèche, venant de la
terre elle-même, et l'autre venant de l'humidité qui est dans et sur la terre
(c'est-à-dire des eaux souterraines et terrestres et de celles de la mer qui, elles
aussi, sont έπί τή γη). Betegh a donc tort d'opposer l'une à l'autre l'exhalai
son héraclitéenne venant de l'eau ou de la mer à l'exhalaison humide aristoté
licienne venant de la terre, autrement dit de comprendre ici la terre d'Aristote
comme désignation de l'élément TERRE, alors qu'elle ne désigne que le globe
terrestre avec les eaux qui en occupent le sous-sol et en recouvrent une bonne
partie de la surface. Et j'ai eu tort de reproduire le texte de Betegh sans le cor
riger.

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54 Serge Mouraviev

Aristote à nommer ceux avec qui il était d'accord, puisqu'il s'agissait


de vérités du domaine public (connues du « premier venu ») ; secun
do, une exhalaison simple semble avoir été reconnue, bien avant
Héraclite, par Thalès, Anaximène, Xénophane (cf. antécédents cités
ad D 67)2I, et rien n'atteste qu'Héraclite ait été du nombre; tertio,
Aristote non plus n'a pas lui-même donné d nom à sa deuxième
exhalaison et s'est contenté d'utiliser άναθυμίασις en deux sens :
l'un général, désignant les deux, et l'autre particulier, seulement pour
désigner la sèche. Conclusion : rien chez Aristote n'exclut qu'Héra
clite ait parlé de deux ou quatre exhalaisons, et cela d'autant moins
que la distinction héraclitéenne principale (brillante : obscure) ne
coïncide pas avec l'aristotélicienne (sèche : humide).
B. Le seul fait qu'Aristote attribue deux principes différents à
Héraclite, l'exhalaison dans le De anima et le feu partout ailleurs,
suffit pour invalider l'applicabilité du concept aristotélicien ά'άρχή à
la doctrine héraclitéenne. Cela n'exige toutefois pas que le feu
d'Héraclite ait été pour lui un élément au même titre que l'eau ou la
terre, - le rôle privilégié qu'il joue est trop bien attesté par les sour
ces, y compris plusieurs fragments -, mais cela exclut qu'il ait pu
remplir une fonction de substrat matériel de toutes les choses - a for
tiori s'il est interprété comme un processus. À cette réserve près, il
semble en revanche parfaitement possible (et certains modernes l'ont
déjà suggéré avant nous22) que le rôle du feu a pu justement consister
à servir en quelque sorte à la fois de modèle et de moteur du flux des
autres matières - et de garant de la stabilité (toute relative) de leurs
identifiants, peut-être appelés âmes... Je n'en dirai pas plus ici, car je
manque d'indices, mais il semble bien que Buchheim ait raison de

21. Thaies ap. Dox. I, 3, 1 (omis dans DK), Anaximen. 13 A 7 (5), Xenoph.
21 A 38 Les éditeurs et commentateurs d'Aristote (Webster, Louis) renvoient,
eux, à Platon (Tim. 56 D), mais c'est une erreur : Platon y parle d'émanations
provenant de Y élément terre et non du globe terrestre (cf. n. préc.).
22. Cf. par exemple David Wiggins, « Heraclitus' conceptions of flux,
fire and materia! persistence» : Malcolm Schofield & Martha Craven
Nussbaum (cur.), Langtiage and logos (Cambridge, 1982) 15-16. Wiggins
nomme Gregory Vlastos. Charles Kahn et J.L. Mackie en tant que pré
curseurs.

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 55

suggérer un fonctionnement anathymiastisch du feu héraclitéen,


c'est-à-dire un feu héraclitéen perçu et compris non comme une
matière, mais comme une combustion réelle. Ceci permettrait en
effet de régler la contradiction entre D 12-D 23 (« principe » = feu)
et D 24 (« principe » = exhalaison). Le fait qu'il ait tiré cette concep
tion de nul autre qu'Aristote n'en est que plus paradoxal !
C. Toutefois cette approche de Buchheim semble ne mener nulle
part pour F 3123 même compte tenu de sa note 13. Si πυρός τροπαί
a un sens actif (les transformations provoquées par le feu...) alors 1)
nous ignorons Y Ausgangstoff, 2) les θαλάσσης <τροπαί>, exigées
par le parallélisme syntaxique des deux segments, devraient aussi
avoir un sens actif, et il faudrait donc également postuler un fonc
tionnement anathymiastisch de la mer héraclitéenne (les transforma
tions provoquées par la mer...), et là aussi sans Ausgangstoff ; et si
nous ignorons ce parallélisme, alors 3) le deuxième segment ne parle
ra plus de transformations, mais de la composition de la mer. Je
demeure donc persuadé que F 31 décrit un processus cosmogonique
(«DH» I-II p. 346-351) commençant par le feu en l'absence de tout
autre Stoff, et que celui-ci est donc à la fois son propre Ausgang
stoffel son propre Agens.

3.1 Le chapitre 3, Le fleuve de la nutrition, doit démontrer que l'ex


halaison est un concept trouvé par Héraclite pour expliquer toute
combustion, phénomènes célestes et processus vital inclus, un
concept que Platon (idée que Buchheim ne développe pas, cf. sa note
8) et Aristote lui auraient emprunté et qu'ils auraient développé. Pour
Héraclite tout ce qui se nourrit demeurerait un et le même, préserve
rait son identité, tant qu'il se nourrit, alors que pour Aristote toute
capacité de perdurer (Selbsterhaltung) suppose la présence d'une
âme, d'une forme existant réellement dans chaque chose concernée

23. Déjà analysé dans SM «DH» I-II (2008) 346-349. Je ne tiens pas
compte des explications que Buchheim donne dans sa note 15 en raison de
mon incapacité à les comprendre: « Une conception active des τροπαί en
tant que tournants effectifs non régis (nicht erlittene) [= spontanés ?] du feu,
atténuera la discordance ( ?) si on comprend que là, comme pour les solstices,
il s'agit des trajectoires des astres et des points où ils font demi-tour ».

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56 Serge Mouraviev

et dans son écoulement. Tout comme Platon, Aristote voyait comme


un défaut dans la belle image du fleuve : c'est à tort qu'Héraclite
croyait que son άναθυμίασις suffisait pour expliquer ce que sont
l'âme et la vie. A titre d'exemple, Buchheim cite De part. anim. II 7,
652b6-653a8, un passage consacré au cerveau en tant que siège de
l'âme, intégrateur de l'être vivant et régulateur de la nutrition, mais
dont l'action est décrite sur le modèle de Yanathymiasis et comparée
au cycle des eaux. Bref, à l'âme près, Aristote accepte ce modèle
avec reconnaissance et le transpose même dans le domaine du micro
cosme humain et animal (cf. description détaillée dans : De somno 3),
tout en rejetant l'identification de l'âme avec le feu {De an. 405a5-7
[non-attribuée à H.]) ou avec Γαναθυμίασις (405a25-29). Il accepte
1'άναθυμίασις en tant que forme modérée de combustion, en tant
littéralement que processus vital (mais non en tant que matière de
l'âme). Dans le De iuu. il précise, en 474b10-13, que les autres
facultés de l'âme ne peuvent exister sans la faculté nutritive, ni celle
ci sans le feu naturel, auquel la nature a confié la faculté de consu
mer (consommer) la nutrition, et il compare, en 480a2-10, la nutri
tion sanguine de notre corps à un fleuve qui coule en permanence
(έπιρρεϊ γαρ αεί τό ύγρόν συνεχώς, cf. F 12 !). Une troisième cita
tion (De gen. et corr. 321 b22-28) ajoute que tout organisme vivant
croît selon la forme et non selon la matière et qu'il faut donc en
interpréter la nutrition (par le truchement du sang dans les vaisseaux
sanguins) comme on mesurerait de l'eau au moyen d'une même
mesure : car ce qui se forme (τό γιγνόμενον) est toujours autre et
autre [αεί γαρ άλλο και άλλο, autre réminiscence de F 12 ; sous
« mesure » il faut sans doute entendre la forme et/ou section géomé
trique du cours d'eau = du vaisseau].

3.2 Rien d'étonnant donc après cela, s'exclame Buchheim, que chez
Héraclite « l'anathymie des âmes » soit comparée à des fleuves en
écoulement, comme dans F 12. Suivent : une présentation du frag
ment, une traduction de la totalité de Τ 261, une brève mais pertinen
te analyse (cf. en particulier les notes 22, sur l'ambiguïté syntaxique
de la citation, et 23, contre Tarân sur l'objet de la comparaison entre
Héraclite et Zénon, leurs points communs et leurs divergences) qui
aboutit à la conclusion : (a) les deux phrases de la citation doivent

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 57

exprimer des pensées originales d'Héraclite, même si ce ne sont pas


des citations directes ; (b) il manque dans la première un tertium
comparationis, et c'est évidemment l'âme qui doit assumer ce rôle,
comme l'indique le contexte; (c) que les deux phrases aient formé un
tout ou aient été tirées de contextes différents ne change rien ; (d) tous
les arguments modernes contre l'une ou l'autre et contre la continuité
(Zusammenhang) des deux sont d'une faiblesse extrême24. La premiè
re phrase de F 12 implique les âmes en tant que tertium comparatio
nis en vertu de sa forme même : l'enchaînement des datifs est tel que
« les mêmes » peut s'appliquer aussi bien aux fleuves qu'à ceux/celles
qui y entrent (avec, en notes, renvoi à Arist. Τ 142 [ambiguïté de
la syntaxe d'Héraclite] et une critique partiellement injuste de
Mackenzie (1988) 3-4)25.
[Etc., etc. J'ai sciemment abrégé le début et j'omets délibérément
le reste de toute cette argumentation-interprétation - parfaitement
légitime et intéressante dans le cadre d'une analyse détaillée du conte
nu du fragment, mais très discutable dans sa concrétude, en raison
surtout de la familiarité insuffisante de l'auteur avec la problématique
héraclitéenne, et tout à fait redondante en tant que preuve de l'authen
ticité et de l'unicité du texte, sujet auquel je reviendrai sous peu.

24. Cf. citations et critique de Kirk (1954) 368-72 et Tarân 22-29


(Tarän Leonardo, « Heraclitus : the river-fragments and their implications » :
Elenchos 20 [1999] 9-52) dans les notes 25-26 de Buchheim.
25. Mackenzie Mary Margaret, « Heraclitus and the art of paradox »,
Oxford Studies in Ancient Philosophy 6 (1988) 1-37. Mackenzie ne tient pas
compte de la deuxième phrase, et son interprétation (les fleuves sont les
mêmes, les eaux sont différentes) rendrait inutile la mention des entrants. La
première critique est incontournable, la seconde manque son but, car pour
Mackenzie F 12 est la solution des paradoxes de F 91a et F 49A où le verbe
έμβαίνειν figure en bonne place : It is impossible to step twice in the same
river, <So, when we think we step in them.> we both step and do not step, we
are and are not in the same rivers : to those wlio step into the same rivers,
différent and différent waters flow... Ce développement logique paraît si
convaincant qu'il serait tout indiqué de le mettre à l'épreuve de l'interpréta
tion plus restrictive dictée par le contexte et la deuxième phrase, d'une part, et
par la plurivocité syntaxique, d'autre part. Et idem pour l'analyse de cette
plurivocité par Dilcher (cf. n. suiv.)

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58 Serge Mouraviev

Pour moi, cette preuve a déjà été faite au moins trois fois dans ce
qui précède. Mais avant de l'énoncer, j'aimerais récapituler ce que
nous avons acquis grâce à Buchheim et ce qui malgré lui demande
vérification.]
3.3 Si Buchheim a démontré irréfutablement quelque chose, et une
chose très importante, c'est qu'il existe un rapport direct étroit entre
les exhalaisons d'Héraclite et d'Aristote. Il est désormais à peu près
certain que la météorologie (sublunaire) aristotélicienne a une origi
ne héraclitéenne, sinon dans ses explications concrètes (nous
connaissons mal celles d'Héraclite), du moins dans sa « mécanique »
fondamentale : les phénomènes célestes sont provoqués par les exha
laisons qui montent des eaux et de la terre (et la chaleur qui descen
dent du feu céleste [?]). Buchheim a également montré qu'Aristote
avait étendu ce mécanisme à sa biologie. Comme, dans l'un et l'autre
cas, le Stagirite fait appel à l'image héraclitéenne du fleuve en des
termes qui rappellent clairement F 12, il confirme aussi par là l'exis
tence, chez Héraclite, d'un rapport étroit entre les fleuves et les
exhalaisons. Cela seul suffit déjà pour conforter - aux yeux de ceux
qui en douteraient - l'unité des deux phrases de F 12.
Aristote a toutefois rejeté les exhalaisons en tant qu'explication -
qu'aliment - du feu des astres : pour lui, leur incandescence résulte
rait du frottement, dû à la rotation de leurs sphères respectives dans
la zone astrale, entre eux et l'air immobile qui se trouve sous eux.
Aristote n'a pas non plus accepté l'identification héraclitéenne âme
= exhalaison dont il nous informe lui-même dans son De anima.
Mais le seul fait qu'il nous signale cette identification suffit pour
conforter - aux yeux de ceux qui en douteraient - la pertinence du
contexte non-aristotélicien de F 12 qui lui aussi prête la même iden
tification à Héraclite.
Cela dit, je ne pense pas qu'à elle seule l'analogie entre les exha
laisons d'Héraclite et d'Aristote, voire le lien génétique qui les unit,
nous autorise à transposer telle quelle la notion aristotélicienne d'ex
halaison chez Héraclite et à affirmer, comme le fait Buchheim, que
(1) l'exhalaison héraclitéenne et les exhalaisons aristotéliciennes
étaient identiques, (2) que le concept d'exhalaison désignait en fait
chez Aristote, et donc chez Héraclite aussi., un flux de matière gazeu
se à la fois mû et métamorphosé sous l'effet de la chaleur (du feu),

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 59

c'est-à-dire un processus de combustion (vive ou lente) qui (a) était à


l'œuvre dans la quasi-totalité des phénomènes météorologiques de
l'espace sublunaire, resp. dans l'ambiant, et (b) constituait le princi
pe de vie du métabolisme organique des êtres vivants... Faute d'élé
ments corroboratifs sérieux, ce genre d'extrapolations depuis une doc
trine postérieure vers une doctrine bien antérieure, est très aléatoire et
entraîne presque automatiquement une modernisation non avérée de
cette dernière.
Le moment est venu néanmoins de féliciter et remercier Buchheim
pour sa précieuse contribution et de revenir à F 12.

II

4. Je vais essayer maintenant de reformuler nos acquis compte tenu


tant du travail de Buchheim que de ma propre analyse du contexte du
fragment dans «F 12». Ce qui suivra n'aura donc plus qu'un rapport
assez distant avec l'article examiné jusqu'ici, mais en aura un plus
étroit avec mon analyse du texte-source d'Eusèbe - Arius - Cléanthe
- qu'on aura lue ci-dessus, p. 1-26. Π sera brièvement question suc
cessivement : des preuves de l'unité des deux phrases de F 12 (§ 4.1) ;
de l'interprétation de cette partie de la doctrine telle qu'elle se pré
sente spontanément, sans rien approfondir, après tout ce qui a été dit
jusqu'ici (§ 4.2) ; du contenu profond, non apparent du fragment tel
que le suggère une analyse structurelle plus poussée de son contexte
et de sa polyphonie (4.3) ; et, enfin, de la légitimité ou illégitimité
des équations âme = exhalaison, âme = principe = feu (§ 4.4).

4.1 À mon sens, l'unité de F 12 découle de façon univoque de chacun


des trois raisonnements suivants.
A. Elle découle de la présomption d'innocence à laquelle ont droit
toutes nos sources jusqu'à preuve du contraire. Le découpage entre
contexte et citation est limpide. Le contexte de F 12 est cohérent, il
concorde segment à segment, terme à terme avec le texte de F 12 (cf.
schéma de la p. 62). Toute séparation des deux phrases l'une de l'aut
re non seulement détruit la citation, mais en démembre également le
contexte. Soit cette source est irréprochable, soit c'est une contrefa
çon géniale à la fois de la citation et de son contexte. Personne n'a

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60 Serge Mouraviev

encore fourni la moindre preuve de contrefaçon ou de contradiction,


fût-elle interne ou externe. Le seul reproche qu'on puisse faire à cette
source est qu'elle est extrêmement difficile à interpréter. Mais à qui
la faute ?
B. L'unité de F 12 découle ensuite de Yanalyse concrète du
contexte de la citation et de sa confrontation avec Τ 189. Le contexte

nous informe du sujet général (âme = exhalaison) et du sujet particu


lier (l'accession des âmes à l'intelligence ou à la conscience) de la
citation, de la procédure rhétorique suivie (comparaison des âmes à
des fleuves), sujets et procédure qui exigent chacun (ou chacune) la
présence des deux phrases et leur appartenance à une même citation.
Et Τ 189 confirme l'identification âme = exhalaison et la pertinence
de l'image des fleuves (τήν αρχήν είναί φησι ψυχήν, εΐπερ τήν
άναθυμίασιν εκ ής τδλλα συνίστησιν· και άσωματώτατόν τε και
φέων αεί...).
Et toujours en vertu de ce contexte, la première phrase de F 12
décrit la relation ambiguë qui s'établit entre les âmes = les « eaux » et
leurs « fleuves » et la seconde explicite la direction du « fleuve »
des âmes intelligentes (?)> : de bas (από) en haut (ανά) ; les deux
phrases sont donc toutes les deux pertinentes et doivent être exami
nées ensemble.
C. L'unité de F 12 découle enfin de la confrontation de Τ 261
avec les résultats de l'enquête menée par Buchheim. Celui-ci a identi
fié le grand contexte héraclitéen de ces deux phrases et établi les
façons similaires dont Héraclite et Aristote font usage de la notion
d'exhalaison, au point d'utiliser pour elle la même comparaison flu
viale : ensemble, dans le domaine de la météorologie, et séparément,
Héraclite dans son astronomie et sa psychologie et Aristote dans sa
biologie. Encore une fois l'image du fleuve (cf. F 12a) va de pair avec
le concept d'exhalaison (cf. F 12bb).

Ces trois démonstrations sont triplement suffisantes pour confirmer


tant l'authenticité que l'unité du fragment. Elles fournissent nombre
d'éléments utiles à l'établissement de son sens héraclitéen. Elles
rétrécissent considérablement le champ des interprétations superféta
toires possibles et elle offrent une riche matière à réflexion.

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 61

4.2 À vol d'oiseau, de la confrontation entre F 12 (avec contexte) et


les témoignages, allusions et réminiscences d'Aristote, il semblerait
découler qu'Héraclite identifiait l'âme à une exhalaison ascendante
(sans doute à une des trois brillantes de son astronomie), qu'il affir
mait que leur ascention rendait les âmes intelligentes (équivalent non
préservé dans la citation), comparait les courants ascendants des
âmes à des fleuves, en suggérant sans doute à l'aide de cette image,
que tandis que les «fleuves» d'âmes demeurent fixes, leurs âmes se
renouvellent constamment.

Mais nous sommes encore loin de la solution finale... Nous igno


rons de quelles âmes il s'agit : certainement pas de l'âme du monde,
puisqu'elle est une, mais sont-ce les âmes des vivants, ou des morts,
ou des non-nés, ou des âmes transmigrantes ? Nous ignorons la nature
physique des fleuves d'âmes: vents, nuages, feux follets... Nous igno
rons le but de leur ascension...

4.3 II est grand temps de soumettre l'expression et la lettre de F 12 (et


même de sa source Τ 261) à une analyse structurelle, poétique et
sémantique en règle

F12

A. Rappelons et développons les conclusions de l'analyse de la source


(cf. supra, § 6 et ss., p. 31-39). Au niveau de la langue et du sens lin
guistique :

• le passage est superbement construit en anneau chiastique où à


chaque segment de la première moitié répond un segment de la
seconde avec inversion de l'ordre des segments (schéma p. 62) ;

• le contexte se passe de toute correction et est parfaitement sen


sé à condition de comprendre άναθυμιώμεναι comme signifiant
« qui se sustentent d'exhalaisons » (p. 33) ;

• la citation correspond au contexte à condition :


premièrement, qu'on comprenne άναθυμιώνται comme signi
fiant « se sustentent d'exhalaisons » (p. 34) et,
deuxièmement, qu'on néglige deux détails importants:

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62 Serge Mouraviev

(Ι)περίδέ ψυχής

(2) Κλεάνθης μέν

(3) τά Ζήνωνος δόγματα παρατιθέμενος


πρός σύγκρισιν την πρός τους άλλους φυσικούς

(4) φησίν ότι

(5) Ζήνων τήν ψυχήν λέγει <η> αΐσθησιν,


(6) η άναθυμίασιν, καθάπερ Ηράκλειτος

(7) <Ήοάκλειτος δέ>

(8) βουλόμενος γάρ έμφανίσαι ότι

(9) «αϊ ψυχαΐ άναθυμιώμεναι νοεραΐ άεΐ γίνονται»

(10) εΐκασεν αύτάς τοις ποταμοΐς

(11) λέγων οϋτως

(12) «ποταμοΐσι τοίσιν αύτοίσιν έμβαίνουσιν —


(13) έτερα και έτερα ύδατα έπιρρεΐ
( 14) και ψυχαί δέ < > άπό των υγρών άναθυμιώνται»

(15)1άναθυμίασιν1 μένούν
( 16)όμοίως τώι Ήοακλείτωι
( 17) τήν ψυχήν άποφαίνει Ζήνων

(18) αίσθητικήν δέ αυτήν είναι διά τούτο λέγει ότι... »

Schéma de la structure de Τ 261


Le grand rectangle délimite le texte emprunté par Eusèbe à Arius (segments 1 à 18), le
rectangle moyen, le texte de Cléanthe reproduit par Arius (segments 5 à 18), le petit rec
tangle, la citation d'Héraclite F 12 faite par Cléanthe (segments 12 à 14). Les rectangles
en pointillé signalent les thèses attribuées à Héraclite par Cléanthe (segments 5-6 et 15-17
« L'âme est une exhalaison », segment 8 «Les âmes qui se sustentent d'exhalaisons rede
viennent sans cesse intelligentes ». Les insertions entre crochets angulaires (segments 5 et
7) sont des conjectures qu'on est libre d'accepter ou de rejeter. Les lignes minces relient
entre eux les segments du texte de Cléanthe qui se répondent mutuellement : 5 et 18
(Zénon : I âme est sensation ), 6 et 15-17 (Zénon et Héraclite : l'âme est exhalaison), 8 et
14 (les âmes se sustentent d'exhalaisons...). 10 et 12 (les fleuves).

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 63

1) le segment νοεραί αεί γίνονται n'a pas d'équivalent dans


la deuxième phrase de la citation (malgré la correspondance
qu'on observe entre les segments 9 et 13) (p. 34-35) et

2) les έμβαίνοντες (ou -τα) n'ont pas l'air de figurer dans


le contexte (malgré l'équivalence des segments 12 et 10) (p. 35
n. 54, 35-36):

B. Rappelons les résultats de l'analyse poétique du fragment effectuée


ailleurs (cf. Heraclitea ΠΙ.3.Α, p. 353, 355-356 ; m.3.B/i, p. 43-45 ;
B/ii, p. 24-25 ; B/iii, p. 20-21) :
• selon la forme grammaticale qu'on attribue à έμβαίνουσιν (3e
pers. du plur. de l'indicatif présent ou datif masculin/neutre plur. du
participe présent) et selon le mot auquel on choisit de rattacher τοΐσιν
αύτοΐσιν, la première phrase se prête à trois interprétations syn
taxiques différentes26 :
Ils (/elles) entrent dans les mêmes fleuves ; d'autres et autres
eaux affluent
Vers ceux (/vers les choses) qui entrent dans les mêmes fleuves
d'autres et autres eaux affluent

26. De ces trois, la seconde est universellement admise et c'est elle que j'ai
utilisée en analysant la source du fragment ; la troisième a été identifiée par
Rivier (1952) 9-10 et Kahn (1979) 167-168 et reprise par Petit (1988) 209,
Sider David, « Word-order and sense in Heraclitus » : K. Boudouris (cur.),
Ionian philosophy (Athens, 1989) 365-366, et Buchheim (2005) 186 η. 22,
188 s.; j'étais le seul à avoir proposé la première (III.3.A, 2003, 355), avant
que Dilcher (2005) 212 ne la reprenne, mais seulement comme le fruit d'une
première lecture qui serait démentie par la suite du texte. L'ordre dans lequel
elles sont énumérées reflète l'ordre naturel de leur identification par un lecteur
attentif non prévenu. L'article tout juste mentionné de Dilcher (cf. supra, n. 6)
propose une très fine analyse (déjà amorcée par Sider, loc. cit.) de la structure
dialectique des multiples sens contradictoires créés par la plurivocité de la pre
mière phrase si on prend la peine de développer jusqu'au bout les implications
de chacune des interprétations possibles. Malheureusement, il ignore totale
ment la seconde phrase et le contexte de F 12 et croit avoir affaire non à un
texte dédié au flux et à la nutrition des âmes, mais au seul fragment héraclitéen
authentique attestant de la permanence du fleuve malgré le flux de ses eaux.

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64 Serge Mouraviev

Vers les mêmes (êtres/choses) qui entrent dans les fleuves d'aut
res et autres eaux affluent ;
Les modernes sont maintenant unanimes à voir là une ambiguïté
délibérée, c'est-à-dire une polyphonie.
• le rythme syllabotonique27 de la deuxième phrase est bancal : ο ο
XoooooXooooX

C. Comparons entre eux les résultats de ces deux analyses sur le plan
sémantique.
L'absence d'équivalent de νοεραι άεί γίνονται (segment 9) et
l'absence de rythme dans le segment 14 (cf. schéma) permettent de
supposer que l'une et l'autre absences sont le fruit d'un même acci
dent : l'omission d'un mot après δέ dans 14 : σοφαί, νοεραι ou,
dans un autre régistre, ξηραί. Mais comme νοεραι ne rétablirait pas
le rythme, mieux vaut choisir entre les deux autres (ou trouver un
troisième candidat). Cf. encore supra, p. 24 et Heraclitea III.3.B/Î et
ii ad fr.
L'identité des έμβαίνοντες demeure problématique. Le contexte
suggère fortement les âmes (le tertium comparationis identifié par
Buchheim). La première lecture syntaxique autorise deux genres - les
thymoi ou daimones (masc.), ou les psychai (fém.) - et exclut les
pneumata (n.). La seconde et la troisième, au contraire, excluent le
féminin et autorisent le neutre : alors daimones ou pneumata. Toutes
les trois lectures autorisent aussi, bien sûr, leur identification avec les
humains (porteurs d'âmes)
Mais s'il faut choisir entre les trois syntaxes et ces trois sujets, on
a l'embarras du choix. Autrement dit, on est très embarrassé. Et quoi
qu'on choisisse, on n'avance pas.
Or les ambiguïtés délibérées d'Héraclite sont presque toujours
polyphoniques, parlantes. Pour les comprendre, il faut les assumer
comme telles. Pour les assumer et les saisir en bloc, il faut les « dé
compresser », les analyser et les « recompresser » mentalement. Au
lieu de lire la phrase une fois, il faut la lire trois fois, et en l'intonant
chaque fois différemment. Et il faut disposer ces différentes lectures

27. Cf. SM. Heraclitea, III.3.A. Le langage de l'obscur (2002) 219-252.

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DOCTRINALIA HERACLITEA II] 65

dans un ordre déterminé : de la plus évidente à la moins évidente. Et il


faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'une seule et même phrase. Et il ne
faut pas trop chercher la petite bête, par exemple en essayant de dis
tinguer d'avance les datifs locatifs (vers, dans) des datifs d'intérêt
(pour), les présents itératifs (chaque fois qu 'ils entrent) des présents
progressifs (pendant qu'ils entrent). Le sens obtenu décidera. En fran
çais cela fait trois phrases différentes, mais qui en réalité n'en sont
qu'une:

1. Dans les fleuves les mêmes ils (elles) entrent. D'autres et aut
res flots affluent.
2. Pour les entrants, dans les mêmes fleuves, d'autres et autres
flots affluent.
3. Pour les fleuves, dans les mêmes entrants, d'autres et autres
flots affluent

Pareille superposition des sens révèle clairement à quoi Héraclite com


parait les âmes : aux flots qui affluent. Elle révèle aussi ce qu'il com
pare à des fleuves : les « courants d'exhalaisons ». Elle indique enfin
que les entrants ce sont ceux (âmes ou hommes) qui baignent dans ces
courants comme dans des fleuves. Du moins selon leur propre point de
vue. Car il y a aussi le point de vue des fleuves, et là « courants » et
entrants changent de places, et c'est dans ou à travers les entrants que
« d'autres et autres flots affluent ». Si nous déchiffrons ces trois phra
ses, voici à peu près ce que cela donnera :
Ils ou elles (âmes, démons, souffles, humains) entrent dans les
mêmes courants (d'exhalaisons). D'autres et autres âmes
affluent. Elles affluent pour ceux qui entrent dans ces mêmes cou
rants (d'exhalaisons). Elles affluent pour les courants (d'exha
laison) dans ces mêmes (âmes, démons...) qui entrent...
Stop. Il n'est pas possible d'aller plus loin avant d'avoir cerné de
beaucoup plus près le contexte original héraclitéen. Mais nous n'en
sommes encore pas là.

D. Et la seconde phrase dans tout cela ? «Quant aux âmes <sèches,


ou sages (?)>, elles se sustentent d'exhalaisons ascendantes venant
des <zones> humides <de la terre> » (Cf. peut-être : « Les âmes
5

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66 Serge Mouraviev

[humides, ou stupides (?)] se sustentent d'exhalaisons 28 dans


l'Hadès. » [F 98].)

4.2 Jusqu'ici on restait dans le vague. Les exhalaisons et les âmes, et


le principe, et les fleuves, et le feu sont-ils tous la même chose ? (et si
oui, dans quel sens ?) Ou sont-ce des aspects différents d'un même
phénomène ? On trouvera ci-dessous quelques éléments de réponse.

Âmes = exhalaisons ?

A. Faut-il, sur la foi de Τ 189 (D 97), du contexte de F 12 (T 261) et


de la deuxième phrase du fragment29, ajouter une cinquième exhalai
son, « psychologique » elle, aux quatre exhalaisons astrométéorologi
ques identifiées chez Héraclite (cf. supra, n. 10) ? La réponse n'est
pas évidente, mais elle a de fortes chances d'être négative. Aristote ne
précise pas de quelle exhalaison concrète il parle. Les commentateurs
d'Aristote Simplicius (T 955) et Philopon (Τ 972A) la définissent
comme sèche. La seule exhalaison sèche que nous connaissions chez
Héraclite est celle qui provient de la terre et alimente les étoiles (D
67, D 69), ce qui, soit dit en passant, concorde fort bien avec F 70A =
T 782,5 = D 133 affirmant que l'âme, pour Héraclite, est de nature
stellaire.

Cette concordance semble être également confirmée par F 118


(l'âme sèche est la plus sage et la meilleure).
Mais elle est infirmée par F 117 (l'âme humide de l'ivrogne),
F 77® (l'âme prend plaisir à devenir humide), F 36 (mort de l'âme =
sa transformation en eau, cf. 77® μή θάνατον). Mieux (ou pire), les
Placita philosophorum font provenir l'âme du monde d'Héraclite,
consubstantielle aux âmes individuelles, de l'humide: έκ τών...
υγρών (Τ 462, cf. Τ 464 = D 105, D 106, D 109). Et Héraclite lui

28. ϋυμιώνται. Cette leçon de F 98 est argumentée dans notre édition des
fragments H II1.3.B/i-iii (2006) ad fr.
29. Cf. aussi D 97 et D 98 où sont cités cinq commentaires de Τ 179 (de
Thémistius à Thomas d'Aquin) et deux témoignages, l'un de Piutarque et
l'autre de Sextus, qui nous fournissent un contexte eschatologique collant
parfaitement au texte et au contexte de F 12.

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 67

même, dans la seconde phrase de F 12, indique que les âmes (suppo
sément sages, ou sèches, accédant à l'intelligence) se nourrissent άπό
ton υγρών.
La solution s'impose: il faut distinguer les âmes des exhalai
sons. Celles-ci ne sont que la nourriture des âmes. L'âme indivi
duelle pouvait être elle-même humide ou sèche, sage ou stupide,
selon les cas, et se nourrir d'exhalaisons sèches ou humides. Mais à
proprement parler elle n'était pas elle-même exhalaison. Elle était,
disons, lumière (cf. F 118 αυγή , F 85A άστραπή, F 70A scintilla),
elle avait la même nature que le feu, 1'άναμμα νοηρόν, des astres
(D 72). Ce qui chez les astres dépendait des exhalaisons dont ils se
nourrissaient, de leur pureté ou impureté, c'était leur éclat. La nature
des âmes ne dépendait donc pas directement de leur nourriture, mais
aussi d'autre chose. Lorsque le doxographe (T 462, D 105) dit que
l'âme du cosmos est une exhalaison, lorsqu'Aristote dans le De anima
(T 189, D 97) dit la même chose de l'âme tout court, mais en son
geant certainement à l'âme du monde (sinon comment aurait-il pu
dire d'elle έξ ής τ&λλα συνίσησιν?)Μ, lorsque Cléanthe fait de même
dans le contexte de F 12, ils prêtent à Héraclite l'erreur qu'Aristote
critiquait lui-même dans son De part. anim. 652b13 (T 186) à propos
du feu : « Dire que l'âme c'est du feu revient à affirmer que la scie
ou la tarière sont le charpentier ou le métier de charpentier... ». Ou,
plus prosaïquement, ils ne distinguent pas clairement la matière initia
le du processus lui-même, ou le processus du produit final.
Héraclite n'a sans doute jamais dit de l'âme qu'elle était du feu,
sinon Aristote ne se serait pas abstenu de lui prêter cette opinion ;
mais il n'a sans doute jamais dit non plus qu'elle était une exhalaison.
Et il n'en a probablement nulle part défini la nature physique. Ce qu'il
a certainement dit c'est qu'elle se nourrissait d'exhalaison. Et que
tout l'espace entre le ciel et la terre, l'Ambiant, était sillonné par des
fleuves d'exhalaison alimentant les astres et les âmes. Point.

Âme = principe = feu = flux ?

30. Notez toutefois qu'il prend quand même la précaution de parler au


conditionnel : εΐπερ τήν άναθυμίασιν...

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68 Serge Mouraviev

Β. Après tout ce que nous avons établi, il semble indéniable que F12,
le seul « fragment du fleuve » auquel une majorité de modernes
concède un droit partiel à l'existence31, n'a que peu de choses à voir
avec la célèbre « théorie héraclitéenne du flux universel » et énormé
ment avec sa doctrine de l'âme. Et pourtant... Si Aristote dit de l'âme
d'Héraclite qu'elle pourrait avoir été son principe (ce à partir de quoi
tout provient, ce en quoi tout se résoud et ce de quoi tout consiste),
alors les « courants d'exhalaisons » pouvaient fort bien avoir eu une
portée universelle. Ou, pour le dire autrement, si Buchheim a raison
de croire qu'une exhalaison était, pour Héraclite comme pour
Aristote, un processus de transformation durable des matières sous
l'action du chaud (du feu), alors la comparaison avec les fleuves est
non seulement pertinente, mais s'applique encore pratiquement à la
totalité des changements observables dans l'univers... La question est
seulement de savoir dans quelle mesure pareille universalisation du
flux des exhalaisons est imputable à Héraclite lui-même ou a été
déduite de sa doctrine par d'autres... Sujet immense qui exige qu'on
prenne en considération toute la documentation existante et qu'il ne
nous appartient donc pas d'examiner ici.
Autre sujet connexe immense que nous ne pouvons qu'effleurer :
le rapport chez Héraclite entre exhalaison et feu. Quand il parle du
principe d'Héraclite en tant que tel, Aristote n'hésite pas à dire que ce
principe c'est le feu (T 171, Τ 172, Τ 182). Quand il parle du principe
d'Héraclite en tant que matière de l'âme, il suggère que ce principe
est exhalaison (T 189) et « oublie » de nommer Héraclite chaque fois
qu'il parle de l'âme en tant que faite de feu (Τ 185-T 188). Mais si, à
la suite de Buchheim, nous acceptons que l'exhalaison d'Héraclite
n'est pas un Stoff, mais un Prozess impliquant une action du chaud,
autrement dit d'une forme de feu, et si tout ce qui se produit dans le
monde peut être expliqué en terme d'Anathymierung, alors la contra

31. « Partie] » parce qu'amputé de la seconde phrase et coupé de son


contexte psychologique. Les autres « fragments du fleuve » (F 49A, F 91ab) et
du flux (F 3A, F 3B, F 8IB) et toute la doxographie connexe (D 187-D 239)
sont eux carrément écartés en tant que fruits de déformations et mésinter
prétations postérieures. Cf. par ex. Marcovich (1967) 206-214.

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DOCTRINALIA HERACLITEA III 69

diction peut facilement être levée : le feu agit par le truchement de


l'âme ; Γ âme-exhalaison universelle, l'âme du monde, gouverne tout
par le truchement du feu et, en ce sens, elle est feu en action. Aristote
sait parfaitement de quoi il parle, mais lorsqu'il est question des prin
cipes de ses prédécesseurs, il peut se permettre de simplifier, de vul
gariser, d'affirmer que « la scie c'est le charpentier » : Thalès dit eau,
Anaximène dit air, Héraclite dit feu. Ε basta ! S'agissant de l'âme,
les choses se compliquent. S'il dit que Yâme d'Héraclite est du feu,
d'abord il risque d'être contredit : l'âme chez Héraclite peut être
humide (F 117), or le chaud et humide c'est de l'air ; ensuite, il devra
quand même expliquer la spécificité de l'âme par rapport au feu ; et
surtout il devra faire passer l'instrument pour l'artisan, alléguer ce
qu'il sait pertinemment être une contre-vérité.

En guise de conclusion

5. Finalement, tout ce dont on peut être relativement sûr pourrait


être résumé ainsi. L'âme, à l'instar du feu des étoiles, du soleil et de
la lune, est une lumière (invisible ?) intelligente produite par une
exhalaison brillante (translucide ?) dont elle se nourrit, sèche ou
humide selon son niveau de conscience. Les exhalaisons brillantes

sont des courants de matière volatile provenant de la terre et de


l'eau, formés sous l'effet du feu céleste, qui s'élèvent de la terre
vers le ciel, accroissent ce feu, constituent l'Ambiant, l'atmosphère,
voire une «psychosphère». Leur action est contrebalancée par celle
des exhalaisons obscures qui, elles, accroissent l'humidité et le
froid. Ces courants, ou fleuves, sont en perpétuel mouvement et,
outre qu'ils alimentent les astres et les âmes et déterminent les mult
ples phénomènes astrométéorologiques (e. g. les éclairs et les fulgu
rations, D 90, D 91; les périodes calendaires, D 87 ; le froid noctur
ne et hivernal, D 85, D 86), ils expliquent aussi l'inconstance de la
plupart des terrestria et sont de ce fait à l'origine de l'impression
d'instabilité générale qui règne ici-bas : πάντα χωρεί και ουδέν
μένει (F 81Β), χωρεί... πάντα και θεία και, ανθρώπινα άνω και
κάτω αμειβόμενα (D 187). Les exhalaisons chez Héraclite seraient
donc le nœud névralgique où se rejoignent ce qu'on a pris l'habitude

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70 Serge Mouraviev

d'appeler sa physique, sa psychologie et sa théorie du flux univer


sel. Toutes les trois, autant que je puisse en juger, sont, d'une part,
confinées à sa cosmologie du monde organisé actuel tel qu'il s'est
constitué depuis la conflagration précédente et avant qu'il ne s'em
brase lors de la suivante, mais entretiennent aussi d'autre part un
rapport de contiguïté transitive avec son épistémologie et, via celle
ci, avec sa « métaphysique » (logos, harmonie, contraires...).

Τ 261

SVFI nr. 141 = 519, FDS II fr. 423 (Hülser), ap. Ar. Didym. Ζήνωνος και
τών λοιπών Στω ικών δογμάτων έπιτομή, fr. 39 ( Dox. p. 470-1 Diels),
ap. Euseb. Praep. evang. XV, 20,2 (Όπως δοξάζουσιν ot Στωικοί περί
ψυχής) (II, p. 384,15 Mras, GCS VIII/1) [<- Τ 257-, ->T 324°, Τ 851°]

15 περί δέ ψυχής Κλεάνθης μέν, τά Ζήνωνος δόγματα παρατιθέμενος I


προς σύγκρισιν τήν πρός τους άλλους φυσικούς, φησίν ότι Ζήνων
τήν ψυχήν | λέγει αΐσθησιν, ή άναθυμίασιν καθάπερ 'Ηράκλειτος,
βουλόμενος γαρ έμφανί | σαι δτι αί ψυχαί άναθυμιώμεναι νοεραί άεί
γίνονται, εΐκασεν αύτάς τοις ποτα I μοΐς λέγων ούτως
20 « ποταμοϊσι τοΐσιν αΰτοΧσιν έμβαίνουσιν έτερα και έτερα I ύδατα
έπιρρεΐ. και ψυχαί δέ <»> άπό τών υγρών άναθυμιώνται.»
άναθυμίασιν I μέν οΰν όμοίως τώι Ήρακλείτωι τήν ψυχήν άποφαίνει
Ζήνων, αίσθητικήν δέ I αυτήν είναι δια τούτο λέγει δτι τυποϋσθαί γε
δύναται τό μέγεθος τό μέρος το ήγούμενον Ιαύτής άπό τών δντων καί
υπαρχόντων δια τών αίσθητηρίων καί παραδέχεσθαι I τάς τυπώσεις
ταύτα γαρ ΐδια ψυχής έστι.

Au sujet de l'âme, Cléanthe, qui pour comparaison, confronte les opinions de


Zénon à celles des autres philosophes de la nature, affirme que, selon Zénon,
l'âme est une perception <sensuelle>, ou une exhalaison comme <dit>
Héraclite. En effet, voulant montrer clairement que, lorsqu 'elles se sustentent
d'exhalaisons, les âmes deviennent toujours intelligentes, il [Héraclite] les a
assimilées à des fleuves en ces termes : « Vers ceux qui entrent dans les
mêmes fleuves d'autres et autres flots affluent. Et les âmes <*> elles aussi
se sustentent d'exhalaisons à partir de l'humide.» Zénon, comme Héraclite,
considère donc l'âme comme une exhalaison, et s'il la dit percevante, c'est
parce que sa partie directrice (par ordre d'importance), grâce aux organes
des sens, se laisse effectivement marquer par les essences et les substances et
est capable d'en retenir les empreintes. Car c'est cela le propre de l'âme.

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DOCTRIN ALI A HER ACLITEA III 71

17 αίσθησιν ή άναθυμίασιν, 20 άπό τών υγρών, 21 et 22-23 άναθυμίασιν...


αίσθητικήν] cf. SVF II nr. 778 (Schol. in II. II, 857) έκ τούτου και ol Στοϊκοί
όρίζονται τήν ψυχήν ψυχή έστι πνεύμα συμφυές και άναθυμίασις αισθητική έκ
των τού σώματος υγρών άναδιδο-μένη (= [Plut.] VHom. 127) I 18 αϊ ψυχαί
άναθυμιώμεναι νοεραί άεΐ γίνονται et 20 άπό τών ϋγρών] cf. SVF I nrr. 121
ήλιος άναμμα νοερόν έκ τού θαλάσσης άναθυμιάματος : 120 Ζήνων τόν ήλιόν
φησι και τήν σελένην και τών άλλων άστρων εκαστον είναι νοερόν και
φρόνιμον : 501 Κλεάνθης άναμμα νοερόν τό έκ θαλάττης τόν ήλιον : II nr. 650
τρέφεσθαι... τόν μέν ήλιον έκ της μεγάλης θαλάττης νοερόν δντα άναμμα κ.τ.λ. ;
677 σελένη άθροισθέν έξαμμα νοερόν έκ τού άπό τών ποτίμων υδάτων
άναθυμιάματος, σελένη άπό τών υγρών τών άπό τής γης τρέφεται 121 cf.
Doxogr. IV, 3, 12 (—> Τ 462) Ηράκλειτος τήν μέν τού κόσμου ψυχήν άναθυμία
σιν έκ τών έν αύτώι υγρών, τήν δέ έν τοις ζώιοις άπό τής έκτος καί τής έν
αύτοΐς άναθυμιάσεως, όμογενή

15 - 24 τυπώσεις] Schö p. 345 II 15 - 22 λέγει (δτι) ...] Mch 40α, Kirk


p. 367 115 - 21 Ζήνων] Mch 66/2 (breu.), Wzr ad Β 12, Byw ad 42 115 Κλεάνθης
- 20 άναθυμιώνται] Garcia Calvo p. 185, Kahn 113B 2 (breu.) 116 Ζήνων - 20
άναθυμιώνται] Diels Hl 12, H2 DK Β 12119 ποταμοΐσι - 20 άναθυμιώνται] · F
12; Conche 132, Mfd 3 93, Colli A 44, Diano 52, Mfd 2 92, Mfd 1 88 119
ποταμοΐσι - 20 έπιρρεΐ] Kahn 50, Ρου 41, Byw 42, Schu cf. 42, Mull 22, Lass
I p. 297, Sehl 21 (p. 360 = 32) 120 καί - άναθυμιώνται] Whe 44

[BON(D)V] 17 αίσθησιν ή codd., ret. Wismann «FH» (1970) IO3, llj alii :
αίσθητικήν Zeller PG 2ΙΠ/2 ( 1865) 1803 et Wellmann ( 1872) fere omnium consensu :
del. Serra ap. DS (1980) 155 : αΰστησιν (sic!) Garcia Calvo 118 νοεραί] νεαραί ci.
Meerwaldt «Cl» (1951) 53-4, acc. Marcovich alii: ετεραι ci. Diels (Dox. ad loc., conl.
<- Τ 189) : νοτεραί seu νεώτεροι ci. Lebedev : del. Serra [ νοεραί άεί] άεί νοεραί
transp. Festa (SA II, 120)1 τοις <έν τοΐς> ποταμοίς ci. Schleiermacher 118-19
ποταμοίς <έμβαίνουσιν> λέγων ci. Mansfeld «HSR» (1967) 16119 έμβαίνουσιν
del. Rivier EAA (1952) 9-39, acc. H. Frankel WF (1955) 78j, Bames «SCS» (1997)
80: έμβάλλουσιν Holwerda STH (1978) 89120 καί - άναθυμιώνται] de hac senten
tia non tractau. pler. recc. ante Dielsum, Heraclito trib. Diels (Dox, H, FVS) et alii, def.
Rivier, ut alteram Heracliti citationem non cum priore cohaerentem praeb. v. Arnim,
acc. Festa, Zenoni trib. Byw, Heraclito abrog. Zeller ZN 7972, Kirk p. 367-9,
Marcovich : I *] lac. hic suspicor I <άεί> άπό τών ci. CapelleW «H» (1924) 1214, acc.
Cleve GPP (1965) I 59: άπό <άπλή> των Holwerda 911 άναθυμιώνται <έτεραι καί
έτεραι> ci. Η. Gomperz ap. Diels (FVS4 I p. XXIII,32 & DK ad fr.) : άναθυμιώνται
<νεαραί> ci. Meerwaldt: άναθυμιώμεναι ci. J. Woltjer 141 (teste DK ad fr.), acc.
Fejta, aliter Wilamowitz «LF» (1927) 276122 γε codd. ret. Wismann: τε DielsΙτό
μέγεθος ut variant lectionem marginaliam del. Vigerus, ret. Wismann 113 παραόέ
χεσθαι codd.: περιέχεσθαι ci. Diels (Dox)

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Diels H. Dox = Doxographi Graeci (1879) fr. 39 (p. 570-1)
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fragmenta, I (1905) nr. 141 et 519 II Festa FS = I frammenti degli Stoici anti
chi I (1932) p. 49-50 (ad IV-V fr. 9), II (1935) 114-5,119-20 II Stolârov FRS
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p. 25 supra]

Éditions et traductions d'Héraclite (concordance)

Ne sont indiquées que les éditions (a) reproduisant une partie ou la tota
lité du contexte ou (b) contenant des leçons inédites et/ou des remarques
relatives à la critique du texte (citation incluse). Lorsque le n° du frag
ment n'est pas précisé, l'éditeur utilise la numérotation de Diels

Schleiermacher (1808), fr. 21 (p. 359-60 = 31-2) II Lassalle (1858) I p.


297-9 II Mullach (1865) fr. 22 II Schuster ( 1874) fr. 42 (p. 87-9) Il Bywater
(1877) fr. 42, cf. fr. 41 II Diels H (1901, 21910), FVS I (11902, 21906, 31912,
41922), DK (51935, 61954...) Il Snell (1929, 1940...) II Kranz ap. Diels DK
(51935, 61954...) II Walzer (1939) Il Wheelwright (1959) fr. 44, cf. 21 II
Winterhalder (1962) p. 84,, 125 II Marcovich ('1967, 2001 ; 21978) fr.
40α II Bollack - Wissmann (1978) Il Mansfeld (' 1975) fr. 88 = (21979) fr.
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DOCTRINALIA HERACLITEA III 73

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Autres ouvrages et articles

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Philologie 19 = Neue Jahrbücher für Philologie und Paedagogik
107/34 (1873) 435-490 (475158.9)
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Festbundel Prof. Bort 141 (cité ap. Diels F V/S3"4 [1912, 1922] = DK
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Parmenides und die Geschichte des griechischen Philosophie (Bonn,
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Gomperz H. (1922)
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DOCTRINALIA HERACLITEA III 77

II.C Traditio. La tradition antique et médiévale. Commentaire (en


préparation) ;
III.2 Recensio. Les vestiges. Placita : Thèses et doctrines attribuées
à Héraclite. Textes, traduction et commentaire (2008a)
III.3.A Recensio. Les vestiges. Fragmenta : Les fragments du livre.
Le langage de l'Obscur. Introduction à la poétique des fragments
(2002) cf. p. 427 (index) s. F12. [+ cd-rom H SE nr. 1]
III.3.B/i-iii Recensio. Les vestiges. Fragmenta : Les fragments du
livre. Édition critique des textes (3 vol., 2006)
III.3.C Recensio. Les vestiges. Fragmenta : Les fragments du livre.
Dossiers des fragments (en préparation)
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Serge Mouraviev

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