Porter
1- La stratégie de domination par les coûts
La stratégie de domination par les coûts consiste à atteindre des coûts inférieurs à
ceux des concurrents. C’est une alternative stratégique qui consiste à surpasser les
concurrents par l'efficience plutôt que par la qualité du service ou du produit.
À travers cette stratégie, l’entreprise vise à obtenir un avantage concurrentiel fondé
sur les coûts en s’adressant à une cible large.
AVANTAGES :
- Provenir des économies d'échelle : elle consiste à baisser les prix des produits
en profitant des économies d’échelle (production importante).
- Procurer des marges bénéficiaires plus importantes qui peuvent être
réinvesties en équipements neufs et en installations modernes, destinées à
renforcer la domination obtenue au niveau des coûts.
- L’augmentation des parts de marché donc des ventes : Cette stratégie permet
d’accroître le chiffre d’affaires, d’augmenter les parts de marché et d'améliorer
la rentabilité.
- La suppression des concurrents dont les coûts sont supérieurs : L’existence de
coûts faibles permet d'éliminer du marché ou d'affaiblir les concurrents qui ne
peuvent pas pratiquer les mêmes prix et constituer une barrière à l'entrée pour
de nouvelles entreprises.
LIMITES :
- Si la concurrence est vive, cette stratégie peut conduire à la guerre des prix qui
peut s’avérer néfaste pour le développement de l’entreprise sur le long terme et
dommageable pour toutes les entreprises du secteur.
- Pour être rentable, l’entreprise doit donc accroître ses ventes, ce qui la rend
sensible aux variations du marché et aux cours d’achat de ses matières
premières.
- Elle nécessite des investissements importants dans le domaine de la
production ce qui réduit la capacité d’innovation, l’entreprise n’est plus
capable à percevoir les évolutions de son environnement, qu’elles soient
relatives à la technologie ou aux attentes des clients.
- Risque d’excès d’offre par rapport à la demande.
EXEMPLES :
Cas de l’entreprise Yue Yuen :
Yue Yuen est une entreprise chinoise qui fabrique les chaussures de sport. Cette
entreprise emploie plus de 300 000 personnes pour un chiffre d’affaires qui dépasse
3 milliards d’euros et réalise l’essentiel de ce chiffre d’affaires en assurant la sous-
traitance des grands équipementiers mondiaux (Nike, Adidas, etc.). Dans le secteur
des équipementiers sportifs, la création de valeur pour le client final réside
principalement dans les étapes de conception et de marketing ; c’est la raison pour
laquelle ces entreprises externalisent la fonction production en privilégiant le critère
de prix. Pour satisfaire cette exigence, Yue Yuen met en place une stratégie de
domination par les coûts qui s’appuie :
– Sur un volume très important de production qui lui donne un fort pouvoir de
négociation auprès de ses fournisseurs de matières premières et lui permet de réaliser
des économies d’échelles importantes ;
– Sur un coût de main-d’œuvre réduit du fait du différentiel de salaires entre la Chine
et les pays de l’OCDE (L'Organisation de coopération et de développement
économiques) dont sont originaires les équipementiers.
Cas de Ryan Air :
Dans le secteur du transport aérien, Ryan Air apparaît souvent comme l’exemple
typique de la réussite d’une stratégie de domination par les coûts. Le modèle
économique de cette première compagnie aérienne européenne en volume est de:
proposer des vols fréquents de faible distance en court ou moyen-courriers et sur un
réseau « point à point », en supprimant la majorité des services traditionnellement
attachés à l’offre des compagnies « classiques ». Ainsi, à chaque étape de la chaîne de
valeur, l’entreprise parvient à réduire ses coûts.
-Au niveau des achats, le choix des aéroports secondaires permet de limiter les taxes
et réduire les retards et les temps d’immobilisation de l’avion du fait de l’absence de
saturation de ces aéroports.
Au niveau de la production, la suppression de nombreux services périphériques au
transport tel que les repas à bord, salons d’attente, transport des bagages, gestion des
correspondances, sièges attribués, etc, génère également des économies notables ; de
même, les contrats de droit irlandais du personnel limitent les charges de personnel
en permettant des temps de travail plus élevés et des salaires plus faibles.
L’optimisation des taux de remplissage et le choix d’avions à forte densité de sièges
réduisent les coûts d’exploitation.
Enfin, au niveau de la commercialisation, la non existence de points de vente
physiques et le choix d’une distribution exclusivement en ligne permettent une baisse
des coûts de structure.
2- La stratégie de différenciation
La stratégie de différenciation consiste à offrir un produit ou un service qui soit perçu
comme différent ou unique de ceux des concurrents, ce qui justifie un prix plus
élevé. La différenciation peut porter sur plusieurs aspects :
Les caractéristiques du produit : fiabilité, qualité, sécurité, technologie et
innovation…
Les services liés au produit : conseils personnalisés, service après-vente…
Le mode de distribution
Le conditionnement des produits
L’entreprise ne joue plus sur les prix mais sur les spécificités de ses produits et/ou
services.
La différenciation peut prendre deux orientations :
LIMITES :
- Cette stratégie peut être difficile à mettre en place (risque que la différence ne
soit par perçue par les consommateurs…) Les clients doivent percevoir
nettement la différence entre l’offre de l’entreprise et l’offre des concurrents.
- Elle est relativement longue à porter des fruits (il faut beaucoup de temps et
d’argent pour constituer une image de marque et des coûts additionnels pour
créer un avantage concurrentiel).
- Il y a également le risque, pour n’importe quelle différenciation, d’être copiée
par des concurrents. L’entreprise doit pouvoir préserver sa position unique en
rendant ses facteurs de différenciation difficiles à imiter.
- La différenciation peut souvent empêcher l’entreprise de conquérir une part de
marché importante.
EXEMPLES :
Cas d’Hermès :
Hermès (dont l’activité est concentrée principalement sur la maroquinerie, les
accessoires et les textiles) fait figure de « petit poucet » dans le secteur du luxe
dominé par de grands groupes internationaux (LVMH, Richemont et Kering).
Pourtant, la rentabilité d’Hermès le place parmi les entreprises les plus performantes
de ce secteur, voire la plus performante (avec 32 % de marge opérationnelle,
l’entreprise se situe par exemple très au-dessus de LVMH qui présente une marge
opérationnelle de l’ordre de 20 %). Cette performance exceptionnelle, Hermès la doit
notamment à une stratégie de différenciation particulièrement efficace. Cette
stratégie s’appuie sur des compétences et des ressources déployées tout le long de la
chaîne de valeur, au niveau des achats ; des matières premières sélectionnées auprès
de producteurs de peau rare et de qualité, de la production avec une orientation très
prononcée sur l’artisanat d’exception et une production essentiellement réalisée en
France, de la commercialisation assurée par des magasins détenus en propre et le
choix d’une distribution exclusive, mais aussi au niveau de la formation du personnel
avec des centres de formation dédiés permettant de conserver et de développer les
compétences d’artisanat d’art. Enfin, l’entreprise s’appuie sur son image forte,
alimentée par des événements marquants, tel Grace Kelly (star de Hollywood
devenue princesse de Monaco) dissimulant sa grossesse naissante en 1956 derrière
un sac à main Hermès créé en 1930 et qui deviendra le sac Kelly.
Cas d’Apple :
Le cas de l’iPhone, lancé en juin 2007, constitue l’illustration d’une stratégie de
différenciation qui a réussi à mettre en œuvre ces trois étapes de manière
exceptionnellement efficace. En effet, en faisant du téléphone mobile un objet de
loisir (téléphone, lecteur multimédia, outil de navigation Web, appareil photo, etc.),
Apple a trouvé une source de création de valeur révolutionnaire que le client a
valorisée au-delà de toute espérance. L’entreprise est partie de l’idée que le problème
des téléphones existants était lié à la méthode de saisie (les touches physiques
permettaient de taper mais leur utilisation rendait beaucoup trop compliquée une
navigation visant à élargir les fonctionnalités au-delà des appels ou des messages
écrits ; de même, les écrans tactiles existants nécessitaient la manipulation d’un
stylet, mobilisant les deux mains, et rendaient leur utilisation contraignante. Avec
l’innovation du clavier tactile, Apple a résolu le problème de l’interface, apportant
ainsi une proposition de valeur beaucoup plus élevée que ses concurrents aux
consommateurs qui peuvent ainsi utiliser leur téléphone pour des usages multiples,
similaires à ceux d’un véritable ordinateur. Non seulement les usages sont enrichis,
mais le produit offre une très grande facilité d’utilisation, particulièrement intuitive,
permettant de rassurer les clients et de viser une clientèle très large. Cette offre de
valeur s’appuie évidemment sur des éléments techniques particulièrement élaborés, à
la fois en termes de système d’exploitation et de matériel, qui permettent le contrôle
de l’appareil : le défilement à impulsion, le pincer/zoomer, l’effet élastique, le «
double tap», etc. Ces innovations ont fait l’objet de centaines de brevets et ont émergé
grâce aux connaissances technologiques et aux compétences de design présentes chez
Apple, mais aussi grâce à une culture de la poursuite de l’excellence et à l’impulsion
d’un dirigeant visionnaire. Une fois l’offre de valeur définie et les défis techniques
relevés, il restait à s’assurer que le client perçût la différenciation ainsi créée. Les
ressources marketing d’Apple ont largement contribué à atteindre cet objectif en
ayant recours à plusieurs techniques: la création d’événements marquants
(lancement dans la boutique Orange des Champs-Élysées en novembre 2007 de la
première version de l’iPhone), la mise en place d’un marketing viral (alimentant les
rumeurs et les légendes), la tenue régulière de «keynotes» par Steve Jobs, la
couverture intensive de ces événements par les différents médias, l’existence de
phénomènes de pénurie à chaque lancement (matérialisés par des files d’attente
interminables dès la veille de la commercialisation). Enfin, Apple s’est appuyé sur des
« effets de réseau », qui font en sorte que l’utilité d’une offre augmente avec la
quantité des utilisateurs, en raison notamment de la facilité des échanges ou des
apprentissages liés à cette offre. Ce phénomène aussi appelé « rendement croissant
d’adoption », décrit la situation dans laquelle une technologie (ou un produit) devient
dominante du fait qu’elle est la plus adoptée.
AVANTAGES :
- Limiter l’affrontement avec la concurrence et acquérir une position de leader
sur une niche.
- Pratiquer des marges très importantes, car l'offre est réduite, et la concurrence
faible.
- Mieux connaître les attentes des clients concernés, d’y répondre et de les
fidéliser.
- Occuper une importante part de marché dans son domaine plus étroit, voire
une certaine exclusivité.
LIMITES :
- La stratégie de focalisation implique parfois des limites dans la part de marché
à laquelle l’entreprise peut prétendre.
- Elle rend l'entreprise dépendante d'un segment qui peut s’avérer trop étroit et
sur lequel la demande peut décliner pour diverses raisons.
- Le segment étroit sur lequel l’entreprise intervient peut aussi être convoité par
d'autres entreprises du fait même de sa rentabilité.
- Sur certains créneaux intéressants, il faudra tout de même craindre les
nouveaux entrants qui chercheront à adopter parallèlement des stratégies
agressives.
EXEMPLES :
Cas d’Häagen-Dazs
Häagen-Dazs est une entreprise fabriquant des glaces de tout type (crème glacé, barre
glacée, sorbet et yaourts glacé) et opérant sur le marché de la glace de luxe (prix
supérieur de 30 à 40% par rapport aux autres concurrents). C’est leader incontesté de
la crème glacée. Häagen Dazs s’est intéressé à un segment spécifique pour pénétrer le
marché français et européen globalement. En effet, la marque avait plusieurs
avantages particuliers. Bien qu’elle n’ait pas une grande part de marché, Häagen Dazs
engrange des bénéfices. Une marque survit de manière rentable sur un marché sans
en détenir une part importante à condition de posséder une certaine spécificité qui lui
permet d’occuper une « niche ». C’est grâce à une révolution du conditionnement, le
pot de 500ml, (puis plus tard les mini-pots de 100ml) et des recettes spécifiques à
base d’inclusion de morceaux et de coulis, qu’Häagen Dazs a pu créer sa niche en
cautionnant un micro-marketing qui consiste à toucher des populations ciblées et /
ou réduites (l’intérêt d’une telle démarche étant de pouvoir vendre ses produits dans
une niche rentable).
Cas de Kinder :
Marque phare du groupe Ferrero, au même titre que Nutella, Ferrero Rocher, Tic Tac
et Mon Chéri, Kinder, commercialisé dans plus de soixante pays, est la première
marque de chocolat en Europe de l’Ouest. Avec près de 36 000 tonnes vendues
chaque année en France, Kinder est la marque la plus dynamique de la confiserie de
chocolat en 2007. Elle est présente sur trois marchés principaux : la confiserie pour
enfants tout d’abord, par laquelle Kinder s’est fait connaître et sur laquelle la marque
est leader. Sur ce segment, Kinder propose notamment Kinder Surprise et Kinder
Chocolat, ses deux marques piliers sur le pôle enfants. Elle est également présente sur
le marché des goûters et sur celui des barres chocolatées, où la marque est également
leader en valeur depuis trois ans. L’entreprise a choisi une stratégie de niche, fondée
sur des produits inimitables. Par sa stratégie de niche, elle a créé de nouveaux
segments de marché (oeuf surprise, gâteau individuel, gaufrette fourrée), en
proposant des recettes inégalées et en diversifiant les moments de consommation
ainsi que les cibles.