religieuses
Brun Jean. Un missionnaire protestant : Henry Corbin. In: Revue d'histoire et de philosophie religieuses, 59e année n°2,1979.
pp. 187-200;
doi : https://doi.org/10.3406/rhpr.1979.4477
https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1979_num_59_2_4477
HENRY CORBIN
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JEAN BRUN, UN MISSIONNAIRE PROTESTANT : HENRY CORBIN 189
l'humanité en Christ : « L'humanité est laissée là, seule [...] ce que cela
fut, aucun homme ne le comprend sur la terre, aucun homme ne peut y
atteindre par des mots [...] car être abandonné par Dieu, cela est plus
cruel que la mort ». Corbin ajoute que « de cette angoisse de l'humanité
rejetée, délaissée, nous percevons un écho [...] à l'heure actuelle même,
dans le leitmotiv heideggerien de ' l'existence pour la mort Mais il y a
ici le paradoxe chrétien : l'homme évangélique, condamné à cohabiter
avec son péché en l'abhorrant de toute son âme, acquiert devant l'hom¬
me antique l'exceptionnelle grandeur de « l'homme tendu », selon l'ex¬
pression de Kassner. [...] Cette humanité délaissée, humiliée, telle que
nous la voyons en Christ, c'est elle qui est la voie ». Et Corbin cite à
nouveau Luther : « Qui veut sainement monter à l'amour et à la connais¬
sance de Dieu, qu'il écarte les règles humaines de métaphysique concer¬
Christ
nant la» divinité
6. à connaître, et qu'il s'exerce d'abord dans l'humanité du
C'est pourquoi Henry Corbin souligne fortement que Christ n'a rien à
à voir avec l'Etre que découvre la spéculation, il ne se rencontre pas au
terme d'un itinéraire dont nous prendrions l'initiative ; la foi ne rejoint
pas la dialectique de la raison car c'est Christ qui s'adresse à nous « au
cœur mis à nu, là où jaillit le feu qui transfigure » 7. Aussi Henry Corbin
s'attache-t-il à Kierkegaard 8 que, grâce à P.-H. Tisseau et à Jean Wahl,
on commençait de découvrir en France. Il voyait, en effet, dans la révolte
kierkegaardienne contre Hegel, le refus d'édifier un système de l'Etre, il
y découvrait la passion de l'existence maintenant le paradoxe chrétien
contre toute médiation et tout optimisme.
Ainsi donc, si la Révélation a bien eu lieu dans l'histoire, il faut tout
de suite ajouter que, par elle-même, l'Histoire n'est nullement révélatrice,
comme voudraient nous le faire croire les hégéliens et les théologiens
s'abreuvant de Feuerbach. Si la Révélation s'adresse à l'homme, il ne
faut pas oublier que l'Humanité n'est pas, par soi, révélatrice et qu'elle
ne peut que dévoiler ce qui lui manque et qu'elle ne saurait être. C'est
pourquoi H. Corbin fait le procès des théologies affirmatives rationnelles
qui aboutissent à une rationalisation des mystères divins et contribuent
finalement à ériger ces nouvelles idoles qui fourmillent tout au long des
démarches de sécularisation. La théologie négative, au contraire, corrode
toutes les affirmations rationnelles ; c'est elle que l'on trouve au cœur de
la mystique rhénane, chez un Me Eckhart par exemple, puis, d'un point
de vue bien différent, chez Jacob Böhme. Mais c'est elle également que
l'on découvre au centre de la mystique shî'ite, aussi bien duodécimaine
qu'ismaélienne, on la désigne en persan et en arabe par le mot tanzîh.
On pourrait dire qu'une telle mystique et une telle théologie procla¬
ment essentiellement que le principe initial ne doit rien être de ce qu'il
s76 H. Corbin,
Corbin op.
« A cit.
propos
cit. p.
p. 291.
292.
de Luther », in Le Semeur, 1er mars 1932, p. 289.
190 REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES
doit expliquer mais que, pourtant, il doit posséder, en même temps, tout
ce qu'il faut pour l'expliquer. Dans un des derniers textes qu'il ait écrits,
Corbin insistait sur l'importance de cette théologie négative, de cette via
negationis, en qui il voyait « l'antidote du nihilisme auquel succombe la
théologie, quand elle se sécularise en sociologie. C'est elle seule qui situe
et justifie toute théologie affirmative possible, s'exprimant en symboles,
précisément à l'Orient des pèlerins abrahamiques » 9.
L'articulation de la théologie négative à la théologie affirmative n'est
possible que par une médiation ; car, si l'on se borne à parler du Dieu
créateur et de la créature, on ne surmontera pas ce dualisme. Il est néces¬
saire d'introduire un moyen terme unissant l'un à l'autre ; alors le mys¬
tère de l'Acte créateur s'amplifie en mystère de la Présence divine en
ce monde, monde dont Dieu ne s'est pas complètement retiré. Le mystère
de la Création est donc une tragédie humaine et une tragédie divine ; car,
il y a, à la fois, le désir de l'homme pour Dieu et un désir divin de créer.
L'Incarnation et la doctrine de la Sophia comme Shekhina dans la Kab-
bala, constituent autant de moments de ce mystère essentiel pour nous
et face auquel l'herméneutique historiciste, si à la mode de nos jours, ne
peut que rester aveugle : la vision par les « yeux de chair », s'exerçât-elle
dans l'histoire, n'a rien à voir avec la vision par les « yeux de feu ». Dans
une formule condensée et d'une extraordinaire richesse, H. Corbin écrit
d'une manière décisive : « La conception régnante de nos jours est de se
représenter l'homme comme étant dans l'histoire », à cette conception il
oppose celle qui « considère que c'est l'histoire qui est dans l'homme » 10 .
A partir de là, nous comprendrons en quel sens Corbin peut parler
de « philosophie comparée » et de α recherche de spiritualité comparée ».
Ces expressions n'invitent nullement à fonder une discipline nouvelle qui,
à partir de schémas chronologiques, se proposerait de relever des ressem¬
blances et des différences ou qui se mettrait à construire une philosophie
de l'histoire. Un œcuménisme spirituel ne peut être cherché par la voie
exotérique d'une confrontation des dogmes et des institutions ; il faut une
recherche ésotérique approfondissant le sens de Fintériorisme. L'escha-
ton révélé par la Parole de Dieu n'est pas à la fin du temps, il est la fin
du temps ; par conséquent, pour le croyant, l'horizon du temps devient
horizon de résurrection. Loin des érudits bien intentionnés qui sont sou¬
vent la proie d'improvisateurs sans discernement, il faut redécouvrir le
trésor des traditions spirituelles souvent enseveli dans des bibliothèques,
lui seul pourra faire redécouvrir à un Occident « désorienté » le sens de
la vocation de l'homme.
Telles sont les raisons pour lesquelles H. Corbin fait le procès de ces
théologies sécularisées qui ont donné naissance à des idéologies politi¬
ques. « L'agnosticisme a converti l'Eglise de Jean en un messianisme
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D'HENRY CORBIN
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