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Séance 07 : La neutralisation et l’archiphonème.

Objectifs de la séance :
- Comprendre les notions de neutralisation et d’archiphonème ;
- Trouver et expliquer des exemples dans le domaine consonantique et dans le domaine
vocalique.
- Transcrire phonologiquement une chaîne parlée.
Définition : «On appelle neutralisation phonologique le fait que, dans certaines positions de la
chaîne parlée, une opposition phonologique (…) n’est plus pertinente » (dictionnaire de linguistique
et des sciences de langage Marcellesi et alii, p323). Autrement dit, dans ces positions (ou
distributions), les phonèmes de l’opposition ne permettent pas de créer des paires minimales.
Quelques exemples :
Dans le domaine consonantique : l’opposition /s/ ~/z/ est pertinente dans certaines positions ; elle
permet de créer des paires minimales : seau [so]/zoo [zo], crisse [kᴙis]/crise [kᴙiz], etc. Mais dans
certaines distributions, cette opposition ne permet pas de créer des paires minimales ; elle se
neutralise dans ces positions. On relève deux cas :
- Premièrement, cette opposition se neutralisent parce que, dans certaines distributions, un des
termes ne peut jamais se produire pour des raisons de conditionnements phonétiques, ce qui rend
l’opposition impossible. Exemple : devant une consonne sourde, en position implosive (fin de
syllabe), le [z] ne peut jamais se réaliser : espoir, estime, esprit, etc., ne peuvent se prononcer
qu’avec un [s]. Ainsi, dans ce contexte l’opposition /s/ ~/z/ est impossible.
- Deuxièmement, dans certaines distributions, la réalisation de l’un ou de l’autre terme de
l’opposition est possible, mais cela ne change pas de signification aux unités linguistiques crées :
exemple : généralement devant une consonne sonore : svelte, Israël : [s] ou [z] sont possibles, mais
le mot ne change pas de sens donc l’opposition n’est pas pertinente.
Dans le domaine vocalique :
Dans le français standard :
- l’opposition /e/~/ɛ / est pertinente en syllabe ouverte finale : exemple les [le]/ lait [lɛ] ;
pré/près ; [pᴙe]/[pᴙɛ]. Mais en syllabe finale fermée, on ne trouve que la voyelle ouverte
[ɛ], la voyelle fermée [e] est impossible : bel, [bɛl], terre [tɛᴙ], messe [mɛs], pierre
[pjɛᴙ], miel [mjɛl], ciel [sjɛl], etc. Il est donc impossible d’avoir dans ce cas une
opposition /e/~/ɛ /. Cette opposition se neutralise.
- l’opposition /o/~/ɔ/ : elle est pertinente dans des syllabes accentuées fermées par
certaines consonnes. Ex : saute/sotte [sot]/[sͻt], pomme/paume [pͻm]/[pom]. Mais en
syllabe finale ouverte on ne peut trouver que la voyelle fermée [o]. Ex : beau [bo], saut
[so], seau [so], tableau [tablo], tôt [to], etc. En syllabe fermée par la consonne [ᴙ], seule
la voyelle [ɔ] est possible ; port, corps, carnivore, porter, endormir, etc. On parle dans le
cas de ces deux derniers contextes phonétiques, de neutralisation de l’opposition /o/~/ɔ/,
car dans ces contextes elle ne permet pas de créer des paires minimales, elle n’est pas
pertinente.
L’archiphonème : Quand une opposition se neutralise, elle donne lieu à un archiphonème. C’est
« une unité abstraite qui est définie par l’ensemble des particularités distinctives communes » aux
deux phonèmes dont l’opposition est neutralisée (Marcellesi, et alii, p48.). Ainsi, pour l’opposition
/s/~/z/, la sonorité n’étant plus distinctive, on obtient un archiphonème qui est défini par les traits
pertinents communs au /s/ et /z/ ; l’archiphonème «est l'ensemble des particularités distinctives qui
sont communes aux deux phonèmes » (Troubetzkoy, Principe de phonologie,) donc pour cet
archiphonème, on néglige le trait voisement puisque ce trait, qui oppose le /s/ au /z/, devient non-
pertinent du fait de la neutralisation de cette opposition. De même, l’opposition /ɛ/~/e/ étant
neutralisée, le degré d’aperture n’étant plus pertinent, on obtient une unité qui coiffe les deux unités
(Martinet) et qui est définie par les traits pertinents communs aux deux phonèmes ; c’est
l’archiphonème.
Phonétiquement, l’archiphonème est réalisé par l’un des sons qui réalise l’un des phonèmes de
l’opposition neutralisée ou par un son autre (généralement, un son intermédiaire entre les deux sons
qui réalise les deux phonèmes de l’opposition) (Garric, Nathalie, 2007, p71).

La notation de l’archiphonème et la transcription phonologique: Conventionnellement, on note


l’archiphonème par une majuscule. Pour la neutralisation de /ɛ/~/e/, on choisit la majuscule /E/.
Ainsi, bel sera transcrit phonétiquement [bɛl] étant donné que dans la transcription phonétique, nous
devons tenir compte de tous les traits phonétiques, pertinents et non pertinents. Mais,
phonologiquement, bel sera transcrit /bEl/, car dans la transcription phonologique, on ne prend en
considération que les traits pertinents. Et, dans cette distribution, ce seront ceux de l’archiphonème
du fait de la neutralisation de l’opposition /e/~/ɛ/. Pour les consonnes, on choisit la majuscule du
terme non-marqué de l’opposition, c'est-à-dire le terme qui ne présente pas le trait distinctif (plus
précisément, la marque), car pour l’archiphonème ce trait n’est pas pertinent : pour la neutralisation
de l’opposition /s/~/z/, on choisit la majuscule /S/. Ainsi, on aura pour le mot espoir la transcription
phonétique suivante : [ɛspwar] puisque phonétiquement, c’est ce qui est concrètement réalisé, mais
phonologiquement on aura la transcription suivante /ɛSpwar/, car, en se neutralisant, l’opposition
/s/~/z/ donne lieu à l’archiphonème /S/ pour lequel le trait voisement (ou non-voisement) n’est pas
pertinent.

Remarque : Pour les phonèmes qui ne s’opposent dans aucune distribution, on ne parle pas de
neutralisation ni d’archiphonème : il faut qu’il y ait au moins un contexte phonique dans lequel
l’opposition est pertinente pour qu’on puisse parler de neutralisation et d’archiphonème. Ex : pour
le français, l’opposition /r/~/R/ n’est jamais distinctive ou pertinente : elle est non-pertinente dans
toutes les distributions ; donc on ne parle pas de neutralisation ni d’archiphonème. Dans certains
parlers régionaux en France (notamment dans le sud), l’opposition /ɛ/~/e/ n’est jamais pertinente
même en syllabe ouverte finale, donc là aussi, on ne parle pas de neutralisation pour ce système
phonologique.

Bibliographie:
- Garric, Nathalie, Introduction à la linguistique, Hachettes, Paris, 2007. Chapitre 02.
- Christiane Marcellesi, Jean Baptiste Marcellesi, Jean Pierre Mevel, Dictionnaire de
linguistique et des sciences du langage, Larousse, Paris.
- Troubetzkoy, Principes de phonologie, KLINKCSIECK, Paris, 1986.
- Lire aussi le cours de André Thibault, semaine 04.

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