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Traité De L’Émanation Gauche

Traité de l’Émanation Gauche partie 1 par Rabbi Isaac ben Jacob ha-Kohen
« Silence  ! Tel est le décret  !  »
Introduction
Ce traité a été écrit dans la première moitié du 13e siècle et semble, avec les écrits du frère de R.
Isaac, avoir exercé une grande influence sur Moïse de Léon, l’auteur présumé du Zohar.
Isaac ben Jacob ha-Kohen est né à Soria dans la première partie du 13e siècle, dans l’Espagne
musulmane. Il a étudié la Kabbale à Ségovie sous l’influence de hassidim ashkénazes, puis dans
le sud de la France avec son frère. Il est entré en contact avec les derniers membres du cercle de
kabbalistes à l’origine du Sepher ha-Iyyun (le Livre des Spéculations) et prétendit avoir reçu
certains de ses enseignements sous forme de visions accordées par l’ange Métatron. Le système
kabbalistique de Jacob est ainsi teinté de mystères visionnaires dissimulés par des jeux
numériques et combinatoires (guematria et tserouf).
Selon G. Scholem, Isaac ben Jacob fut, avec son frère l’un des piliers du courant gnostique au
sein de la Kabbale – il les surnommera ainsi les « gnostiques de Castille », ce que réfute
Mopsik[1].
Son principal disciple fut Moïse ben Salomon ben Siméon de Burgos. Isaac ben Jacob précède
directement le mouvement des kabbalistes zohariques.

Il mourut, à Bézier, vers 1270-1280.

Les œuvres principales de Jacob sont un commentaire sur la forme des lettres de l’alphabet
(Madda’ei ha-Yahadut, Provence, 1270) ; un commentaire aujourd’hui perdu sur le Sepher
Yetsirah  ; un commentaire sur la Vision du Char d’Ezéchiel ; le Sepher ha-Orah  (Livre des
Illuminations) contenant les révélations données par l’ange Métatron, des explications des Noms
Divins et de l’alphabet ; et enfin le Traité de l’Emanation Gauche dont nous donnons aujourd’hui la
traduction française.
Les textes qui ont servi de base pour cette présente traduction sont : G. Scholem, Mada’ei ha-
Yahadut  (1927) et M. Idel et J. Dan,  Early Kabbalah.
Le Traité développe le système des Sephiroth du monde maléfique, les 10 répliques antithétiques
des 10 Sephiroth de Sainteté de la Kabbale, auxquelles sont associées des hiérarchies
démoniaques constituant ainsi une angélologie négative.
Suivant Scholem et Mopsik, ce Traité est original, car il est le premier à développer une théorie
séphirotique d’une émanation du « côté gauche » de la Divinité dont procéderaient les forces
maléfiques agissant dans la Création.
Il ne peut être réduit à ces éléments, car il décrit également certains aspects de la Kabbale
pratique – au travers des maîtres du Nom et de la manière d’acquérir les dons de prophétie.

1.

J’ai pris note de ton désir irrépressible de gravir l’échelle de la sagesse, d’en percer les énigmes
et de maîtriser les ingénieuses méthodes des Anciens Sages, les maîtres des lettres[2], ceux qui
ont exposé les secrets de l’âme. Et ayant remarqué que le Seigneur Dieu, béni soit-Il, t’a gratifié
d’un cœur attentif et intelligent, j’ai décidé avec beaucoup de tendresse de répondre à tes
questions et de satisfaire à tes demandes.
Je vais le faire, bien que cette voie ne soit pas, ainsi que tu en es parfaitement conscient, à suivre
sauf pour « deux, trois olives, au haut de la cime  » (Esaïe, 17, 6) – qui sont les anciens sages, les
lettrés d’Espagne qui ont fouillé le palais de Samaël (SMAL — ‫)סמאל‬. Il s’agit d’une voie longue et
profonde et elle échappe à tous les sages qui ne veulent pas descendre dans les profondeurs de
la sagesse de l’émanation occulte, « l’abysse du bien et l’abysse du mal  » (Sepher Yetsirah, 1, 4).
Elle n’est connue que de ces rares individus solitaires, « les réchappés que l’Éternel appellera  »
(Joël, 2, 32). En outre, du mieux de mes capacités, mes pas ne s’écarteront pas de la voie[3] afin
de répondre à tes souhaits et étancher ta soif. Que Son Amour me soit en aide dans Sa
Miséricorde et Sa tendre Affection.
2.

Tu as déjà travaillé sur les racines de l’émanation des degrés, du sommet de la Couronne
Suprême (kether ‘elyon) jusqu’au secret de la Bénédiction (sod ha-berakha) de la vie éternelle[4]. Il
est à présent temps d’être éveillé au secret de l’émanation rayonnant à partir d’eux, une
émanation des degrés comme l’image des corps l’est aux âmes, avec des noms donnés par les
anciens Sages et selon le livre de Rabbi Hamaï[5]. Je n’ai pas vu ce livre en Provence, si ce n’est
des copies appartenant à trois pieux. L’une était à Narbonne chez un vieux rabbi. Ce saint et
vénérable rabbi m’a certifié qu’Élie, que sa mémoire soit bénie, lui apparaissait à chaque Yom
Kippour[6]. Les deux autres copies sont à Arles, une grande ville.
La première émanation – telle l’image d’une entité spirituelle – correspond à l’émanation
(atziluth) première[7]. Son nom est Sabi’el (SBYAL — ‫ )סביאל‬et nous l’appelons le prince des
Hauteurs Exaltées.
La seconde émanation est celle de la Sagesse. Son nom est Peli’i’iel (PLYAL — ‫)פליאל‬. Il est le
prince des merveilles (pela’oth) de la Sagesse. À son sujet, nous avons reçu une tradition selon
laquelle le nom par lequel son émanation est révélée est Zequni’el (ZQVNYAL — ‫)זקוניאל‬. Son nom
est encore Sagasgel (SGSGAL — ‫ )סגסגאל‬dont la valeur numérique équivaut à « tu honoreras la
face d’un vieil homme  » (Lévitique, 19, 32)[8]. Il est la plantation de la Sagesse, « une plantation de
l’Éternel, pour servir à sa gloire » (Esaïe, 61, 3). Son signe est « et comme un jardin fait pousser
(tesagsegi) ses semences » (Esaïe, 61, 11). Le Samekh (‫ )ס‬et le Sin (‫ )ש‬sont interchangeables, car
ils dérivent du même son.
La troisième est le prince qui rayonne de l’émanation du Repentir dont les trésors cachés sont
offerts à tous ceux qui connaissent l’Intelligence et ont une grande crainte (yir’ab). Son nom est
Yerui’el (YRVAYAL — ‫)ירואיאל‬.
Les Écritures mentionnent ces trois émanations dans un verset : « tu te lèveras devant les
cheveux blancs, et tu honoreras la personne du vieillard » (Lévitique, 19, 32). Ces trois-là sont
considérées comme les corps des âmes, chacune reliée aux autres comme une flamme à une
braise, intériorité à intériorité.
Les sept autres ont également sept degrés qui rayonnent comme les corps des âmes, et elles
sont également spirituelles. Le nom de la première est Meyeriron (MYRYRVN — ‫)מירירון‬, prince de
l’Affection et il est associé à l’eau.

La seconde est Geviriron (GBYRYRVN — ‫)גבירירון‬, il est le prince de la Force (Guebourah)


impressionnante et invincible.
Le nom de la troisième est Yedideron (YDYDRYRVN — ‫)ידידרירון‬, il est le prince de la Miséricorde,
l’aimé (yedid) de Dieu.
Le nom de la quatrième est Satriron (SThRYRVN — ‫)סתרירון‬, il est le prince du Fondement du
monde qui est enclos et occulté (nitsar) dans le Pilier du Milieu et est appelé le lieu secret du Très
Haut (seter ‘elyon). Ainsi « celui qui demeure sous l’abri du Très Haut Repose à l’ombre du Tout
Puissant » (Psaumes, 91, 1). Cela devrait suffire à ceux qui sont éclairés.
Le nom de la cinquième est Natsi’hiriron (NTs’HYRYRVN — ‫)נצחירירון‬, il est le prince du Triomphe
et de la Victoire (netsach) d’Israël.
Le nom de la sixième est Hodiriron (‘HVDYRYRVN — ‫)חודירירון‬, il est le prince rayonnant de
l’émanation de la Majesté (hod).
Le nom de la septième est Seforiron (ShPYRYRVN — ‫)שפירירון‬, il est le prince rayonnant de la
dernière (sof) émanation de tous les degrés.
Celles-ci sont les noms des Anciennes Puissances. Nous avons reçu l’enseignement quel es trois
premières ont leur nom finissant en « el » (‫ )אל‬et les autres en « ron » (‫)רון‬, car les trois premières
tirent leur puissance des forces émanant de la puissance de la grande et puissante Volonté,
dominant sur tout : la Cause de toutes les causes et la Raison de toutes les raisons ; tandis que
les sept sont comme des chandelles allumées, chacune allumant sa propre bougie (nero) à partir
des sept bougies intérieures. Elles correspondent à l’image des âmes intérieures et des corps
spirituels.
3.

À ce sujet nous avons encore reçu ceci : l’attribut du Royaume possède encore trois autres
courants. Ce sont comme trois piliers lui[9] faisant face, accomplissant ses œuvres et montant la
garde autour et près du Trône, dans la crainte, tremblant et en silence, d’une émanation à l’autre
jusqu’au Bien-aimé de Dieu qui l’embrase et l’embrasse au moyen du Fondement du Monde. À ce
point, les princes de l’Affection et de la Force La reçoivent dans une grande et glorieuse crainte et
tremblants et en un silence profond. Alors l’Affection et la force – qui sont des émanations
intérieures – La reçoivent et tournoient tels d’impétueux torrents d’eau et « des ardeurs de feu  »
(Cantique des cantiques, 8, 6). Elle demeure occultée et enclot au sein de toutes les émanations
jusqu’à ce qu’approche le Prince de l’Intelligence accompagné de ses troupes. Ils La reçoivent
avec une peur incompréhensible, avec crainte et silence, jusqu’à ce qu’ils approchent du trône qui
est près du Trône de Gloire qui est associé au Repentir. De là une multitude de ses guerriers
apparaissent. Celui qui les gouverne est le Prince de la Sagesse. Ils s’agenouillent alors aux pieds
du Trône, tremblants de terreur et ébranlés au sein de l’Antique Sagesse qui l’accepte Elle par la
proclamation : « viens ma bien-aimée  » (Cantique des cantiques, 7, 7). Il joue avec Elle comme un
père avec sa fille unique parmi de nombreux fils. Les Hauteurs Exaltées jaillissent de Sa
bénédiction sur Elle par le Père (la Sagesse), car il est impossible pour aucune émanation de
comprendre ou de percevoir des visions spirituelles ou des perceptions supérieures si ce n’est
par la méditation de la Sagesse et de l’Intelligence.
Après que la Bénédiction ait été acceptée, et après que les Délices se soient courbés et
prosternés devant le Trône de Gloire sublime et puissant, le Trône du Royaume, grâce à ces
princes uniques, tourbillonne et tournoie involutivement émanation après émanation vers son
origine qui repose entre les deux chérubins que sont Ses bras[10].
Ce grand épanchement – une joie pour les âmes intérieures et un délice pour les corps spirituels
– était une réalité lorsque le pays d’Israël était habité et que le peuple saint y résidait. Le Temple
terrestre est reflété par le Temple céleste et le Grand-Prêtre est reflété par le Grand-Prêtre de
Sainteté et de Pureté, chacun tremblant dans la crainte, sachant parfaitement comment diriger la
juste méditation vers les Émanations extérieures et intérieures, sachant comment user du secret
des Saints Seraphim et éveiller le Saint Esprit[11] par la beauté de la poésie et de la musique. Les
chantres du Temple, chacun selon sa position et sa perception, se concentrent par leurs doigts
caressant les cordes de la harpe et par les tons qui éveillent la chanson et le chant. Ils dirigent
leur cœur vers l’Omniprésent ; alors la Bénédiction est donnée et la Divine Présence réside en eux,
chacun selon son adoration et sa perception. Alors la Jérusalem et le Temple terrestres
exhaussent tous les désirs et sont un délice pour les nations, et la peur et la trépidation pour Ses
habitants emplissent ceux qui La voient ou L’écoutent[12]. Ainsi qu’il est écrit : « Tous les peuples
verront que tu es appelé du nom de l’Eternel, et ils te craindront » (Deutéronome, 28, 10). Heureux
l’œil qui contemple cela !
4.

Revenons maintenant à notre point de départ, c’est-à-dire les trois princes qui sont les trois piliers
du Trône qui, à son tour, est exalté par les quatre campements de la Présence Divine. Le premier
est appelé Malki’el (MLKYAL — ‫)מלכיאל‬, car il dérive de l’attribut du Royaume (Malkhuth). Le nom
du second est ‘Aturi’el (AyTVRYAL — ‫)עטוריאל‬, car il dérive du grand Diadème (‘atara), telle l’image
de l’or qui est associée à l’attribut de la Sévérité. Le nom du troisième est Nishri’el (NYShRYAL —
‫)נישריאל‬, car il dérive du nom de l’Émanation qui est la colère et qui châtie ses enfants lorsqu’ils
échouent à se conduire correctement dans la voie devant leur Père Céleste. Mais lorsqu’ils
s’élèvent sur l’échelle vers le mérite par la repentance, alors ils ont la paix et la bienveillance
divine, et Elle a de la miséricorde pour ses enfants « pareil à l’aigle (nesher) qui éveille sa couvée  »
(Deutéronome, 32, 11). Et alors la « mère des enfants est joyeuse, s’allongeant sur son bien-
aimé  »[13].
Ces trois sont en fait trois piliers émanés du pouvoir de l’attribut du Royaume, chacun étant une
émanation selon son propre droit. Par conséquent, l’émanation est dérivée des treize branches
issues d’une même racine, car toute unité dépend d’elle. C’est pourquoi le verset « Dieu est Un »
(Deutéronome, 6, 4) a la même valeur numérique[14].
Une autre indication nous est donnée par Na’am’haron (NAyM’HRVN — ‫ )נעמחרון‬pour « la beauté du
Diadème de la Royauté » (‘hen ‘ateret malkhuth) ; « Ron » étant l’image du patriarche Jacob, la paix
soit sur lui, un homme simple, une forme inférieure reflétant la céleste. Il est relié aux cieux et à
Jacob. Une indication de ceci nous est donnée par « chantez (ranu), ô Cieux » (Esaïe, 44, 23) et
« chantez (ranu) avec joie pour Jacob  » (Jérémie, 31, 7). Ainsi l’union est complète[15].
Les treize sont des émanations totalement spirituelles et elles sont actives, et les treize attributs
divins mentionnés dans « et l’Éternel passa devant lui, et s’écria  : L’Éternel, l’Éternel, Dieu
miséricordieux et compatissant, lent à la colère, riche en bonté et en fidélité » (Exode, 34, 6) sont
activés par elles. Les activantes sont des causes, les activées sont des effets. Elles sont sans
limitation et il ne peut y avoir de perception de leur réelle origine, et nul ne peut connaître avec
certitude leur fin. Seul le Seigneur de tout ce qui est caché et occulté à Ses créatures, le peut. Et
même la pensée qui ne peut jamais être appréhendée est incapable de percevoir Sa réalité
ultime…
Ce sont les trois émanations enceintes dans la Couronne du Royaume, désignées et préparées
pour le pardon des transgressions et de ceux qui les commettent, qui ne sont rien d’autre que des
rebelles et des pécheurs. Ces trois émanations sont encloses dans un nom unique selon leurs
fonctions. « Et voici le nom dont on l’appellera  : L’Éternel notre justice » (Jérémie, 23,
6) : Na’am’haron – pardonner les transgressions, les rebellions et le péché (Nose’ ‘avon Mered
’Hata’ah) afin que la colère (‘haron af) de Dieu se détourne d’Israël et qu’Il pardonne et ait
miséricorde pour ceux qui se détournent de leurs péchés…
5.

Nous allons maintenant traiter du système des armées de l’accusation qui résident dans les
Cieux, celles qui furent créées et subitement annihilées. Lorsque j’étais dans la grande cité
d’Arles, un maître de cette tradition m’a montré un très vieux livret. Son écriture était crue et
différente de la nôtre. Il était transmis au nom d’un grand rabbi et gaon[16]. On y faisait référence
sous le nom de Rabbi Masliah. Notre vénérable Gaon, Rabbi Pelathia, était de la cité sainte de
Jérusalem et ce livret fut rapporté par un grand érudit et piétiste connu sous le nom de Rabbi
Gershom de Damas. Il vint s’établir à Arles pour deux ans, et les gens là-bas racontaient des
histoires à propos de sa grande sagesse et richesse. Il montra ce livret aux anciens sages de
cette génération. J’ai copié à partir de celui-ci des choses, choses que les gens de cette
génération pouvaient comprendre, car ils n’étaient pas aussi familiers avec ce type d’écriture que
l’étaient les sages des générations passées qui avaient étudié directement avec ce pieux érudit.
Je retournai alors à Béziers, une ville de sages, où mon pieux frère de mémoire bénie était tombé
malade. Je n’ai rien ajouté ni omis – pas même le moindre détail, si ce n’est le style – de ce que
mon frère m’expliqua. Il y a parfois de petites différences, mais le sens en est toujours le même.

Je vais à présent décrire le système des princes et de leurs forces, du premier jusqu’au dernier.
Ils furent tous créés à partir de la même Émanation s’écoulant de la puissance du Repentir. Cette
Émanation agit comme un écran, séparant l’émanation de tous les degrés saints dans lesquels il
n’y a aucune émanation étrangère. Chaque degré est spirituel, pur et raffiné et lumineux, empreint
du pouvoir de la Volonté du Seigneur. Cet écran séparateur, émané du pouvoir du Repentir, fut
originellement mis en place du fait que diverses émanations, certaines bonnes certaines
mauvaises, certaines éternelles et certaines horriblement disgracieuses, furent émanées. Nul ne
peut percer les secrets de ces mondes si ce n’est les degrés spirituels et les princes qui en
émanent. Il existait déjà une tradition, possédée par les Anciens Sages et étudiée par mon frère
de mémoire bénie, selon laquelle le nom du gouverneur de cette émanation est Masukhi’el
(MSVKYAL — ‫ )מסוכיאל‬puisqu’il est un écran séparateur (masakh).
La première émanation qui fut issue de lui contenait des âmes pures et splendides. Et de ces
âmes fut émané le parti des Anges – sauf ceux des quatre camps de la Présence Divine.

Ces âmes, qui sont des émanations angéliques, préexistaient au sein de l’Émanateur, occultées
de tous. Mais avant qu’elles soient amenées à l’existence, un autre monde fut émané de formes
étrangères et d’images destructrices. Le nom du gouverneur de cette émanation, le prince de
tous ses guerriers, était Qamti’el (QMTYAL — ‫)קמטיאל‬. Ce sont ces cruels qui commencèrent à se
rebeller et à confondre les émanations. Tout de suite une proclamation (keruz) fut émise par
Keruzi’el (KRVZYAL — ‫)כרוזיאל‬, le prince et la Voix du Repentir. Il dit : « Masukhi’el  ! Masukhi’el  !
Détruis ce que tu as créé et rassemble tes émanations, car ce n’est pas là la volonté du Roi des
rois, le Saint béni soit-Il, que ces émanations demeurent en ce monde  ».
Les émanations retournèrent alors à leur état primitif et furent détruites : comme elles furent
créées, ainsi furent-elles détruites. Les Sages de la tradition comparaient la matière à une mèche
imprégnée d’huile ; lorsque l’on désire éteindre la flamme, on immerge la mèche dans l’huile
même qui la maintenait incandescente. Ainsi, elle retourne à son état original et est éteinte ; ainsi
est-elle est annihilée.

Ensuite, un autre monde fut émané, constitué de formes étranges et d’images étrangères. Le nom
du gouverneur de cette émanation, le prince des guerriers, était Beli’el (BLYAL — ‫)בליאל‬. Ceux-ci
étaient encore plus maléfiques et perturbateurs des émanations. Un décret vint alors du Roi des
rois. Ils furent annihilés en un éclair, tout comme les premiers.

Sur ce, un troisième monde fut créé, constitué de formes encore plus étranges que celles du
premier et du second monde. Le nom du gouverneur et prince des guerriers était ‘Iti’el (AyThYAL
— ‫)עתיאל‬. Ce sont les pires de tous. Dans leur désir et ambition de gouverner le Divin et de Le
détruire, décapitant l’arbre divin ainsi que ses branches. Un décret vint alors de la Volonté divine
afin qu’ils soient annihilés comme les autres. Un autre décret fut émis afin qu’aucune autre
émanation de ce type ne soient plus jamais émanée dans l’éther du monde. C’est au sujet de ces
mondes que nos Sages de mémoire bénie ont dit : « Il a construit des mondes et les a
détruit »[17].
[…] Passage manquant dans le traité.
Après la destruction de ces mondes, la Volonté divine eut le désir d’amener les âmes émanées de
leur état de potentialité à celui de réalité. Parmi elles étaient les myriades angéliques et leurs
campements, sept groupes en tout. Chacun des chefs de ces groupes n’était connu que de ceux
qui connaissent cette tradition. Par leur pouvoir, le firmament et les planètes – appelée les sept
étoiles mobiles selon les scientifiques – furent émanés. Si Dieu le veut, je vais maintenant en
parler.

Il y a bien d’autres noms qui ne devraient pas être écrits, car je ne suis pas certain de leur ordre, et
ce jusqu’à ce que je sois sûr de la manière de les écrire, ainsi que de leur émergence et de leur
rang. Je ne l’écrirai pas, car il se pourrait que je fasse une erreur, par la pensée ou sur le papier. Il
y a cependant une tradition selon laquelle à un moment précis et par une simple expression, sept
autres princes furent émanés avec leur suite et ceux-là sont parfaitement connus. Répondant à
une question d’un étudiant d’Avila, j’ai dû chercher leurs noms et les mettre en ordre, inspiré par
une certaine idée.

Mais avant de mentionner leurs noms, j’aimerais souligner au lecteur de ce livre que les sept
groupes de princes appartenant aux anges mentionnés ci-avant furent tous parés d’arcs pour une
bataille rangée. Cette guerre d’inimitié et de jalousie entre eux et les sept princes ne cessera
(ta’abor) jamais dans les Cieux, car leur objectif est le Seigneur de ceux qui les ont créés à partir
des racines des émanations selon Sa Volonté et Son Désir, à partir des puissances de
l’émanation du Repentir. Nous expliquerons cette grande jalousie et nous interprèterons ses
raisons. La source divine qui a créé ces êtres ne peut être saisie. Les raisons dérivent de la
manifestation des émanations. Le « secret des intercalations » (sod ha-‘ibbur) est un mystère
spirituel que nul ne peut embrasser ou comprendre. Le secret est dissimulé aux anges –
« Combien plus chez ceux qui habitent des maisons d’argile, qui tirent leur origine de la poussière,
et qui peuvent être écrasés comme un vermisseau  !  » (Job, 4, 19) – et même les allusions sont
trop impressionnantes pour l’homme, et le secret est l’un des aspects de la
proclamation : « Silence  ! Tel est le décret  !  ».
6.

Je vais maintenant donner les noms des princes de la jalousie et de l’adversité. Puisque leur
essence est pure et véritable, leurs langues sont libres et il n’y a nul mensonge ou traîtrise entre
eux.

Le premier prince et accusateur, le commandeur de la jalousie, est le démon Samaël (SMAL —


‫)סמאל‬, accompagné par ses suivants. Il est nommé « démon » non à cause de sa nature, mais à
cause de son désir de s’unir et se fondre avec une émanation qui n’est pas de sa nature, comme
nous l’expliquerons par la suite.

Le second prince est son député et son nom est Za’afi’el (ZAyPYAL — ‫ )זעפיאל‬accompagné de sa
suite.

Le troisième prince, troisième en commandement, est appelé Za’ami’el (ZAyMYAL — ‫)זעמיאל‬


accompagné de sa suite.

Le quatrième prince est Qaf’ai’el (QPAyYAL — ‫ )קפעיאל‬accompagné de sa suite.


Le cinquième prince est Ragzi’el (RGZYAL — ‫ )רגזיאל‬accompagné de sa suite.

Le sixième prince est ‘Abri’el (AyBRYAL — ‫ )עבריאל‬accompagné de sa suite.

Le septième prince est Meshul’hi’el (MShVL’HYAL — ‫ )משולחיאל‬accompagné de sa suite.

Ces derniers comptent dans leurs rangs les anges démoniaques.

Je vais à présent t’entretenir des raisons de l’existence de la jalousie entre ces princes et les
premiers princes des sept groupes de saints anges qui sont appelés les « gardiens des murs ».
Une forme destinée à Samaël a fait naître la jalousie et l’inimitié entre la délégation céleste et les
forces de l’armée supernelle. Cette forme est Lilith (LYLYTh — ‫ )לילית‬et elle est à l’image de la
forme féminine. Samaël revêtit la forme d’Adam et Lilith celle d’Ève. Tous deux étaient nés
spirituellement sous une forme unique, à la semblance des formes supérieures et inférieures
d’Adam et d’Ève : deux formes jumelles. Samaël et Lilith (appelée Ève la Matrone) – connue aussi
comme Celle du Nord – sont émanés de dessous le Trône de Gloire. C’était le péché qui causa
cette calamité, afin que sa honte et sa disgrâce détruisent sa progéniture céleste. Cette calamité
fut causée par Celle du Nord qui fut créée sous le Trône de Gloire et qui résultat en un
affaiblissement des pieds du Trône. Alors, par l’intervention de Gamali’el (GMLYAL — ‫[)גמליאל‬18] et
du serpent primordial Na’hashi’el (N’HShYAL — ‫[)נחשיאל‬19] leur parfum se mêla : celui du mâle
atteignant la femelle, et celui de la femelle atteignant le mâle. Depuis lors les serpents se sont
multipliés et ont pris la forme de serpents venimeux. Ainsi est-il écrit : « alors l’Eternel envoya
contre le peuple des serpents brûlants » (Nombres, 21, 6). Ceci requiert une explication exhaustive
qui sera donnée dans un autre traité, car le sujet est très vaste – personne ne peut le percer.

Notes

[1] Cabale et Cabalistes, Charles Mopsik, Albin Michel.


[2] C’est-à-dire les kabbalistes.
[3] Selon le Psaume 44, 19.
[4] La Sephirah Kether
[5] Rabbi Hamaï bar Hanina, le Livre des Spéculations.
[6] Jour du Grand Pardon où tous les péchés d’Israël sont remis.
[7] La Sephirah Kether.
[8] SaGaSGAL (‫ )סגסגאל‬vaut 157 qui équivaut à ZaQeN (‫)זקן‬, vieil homme.
[9] Ici le texte fait référence à une personne féminine qui doit être la Shekhinah, la Présence
Divine.
[10] Les bras de la Présence Divine, la Shekhinah, suivant la Tradition qui veut que Celle-ci repose
sur l’Arche d’Alliance, entre les deux chérubins ailés…
[11] Il s’agit de la Ruach ha-Kodesh.
[12] Il s’agit ici de la Shekhina, la Divine Présence.
[13] Référence au Cantique des cantiques, VIII, 5 : « Qui est celle qui monte du désert, Appuyée sur
son bien-aimé  ? »
[14] « YHVH Echad », où echad (A’HD) a pour valeur numérique 13 (Aleph=1 ; ‘Heth=8 et
Daleth=4). Les treize branches sont les 13 attributs de la miséricorde qui sont la Couronne
Supernelle, le Diadème (‘atara).
[15] Jacob est le symbole de la beauté et du royaume.
[16] Le Gaon est l’autorité juive halakhique des deux grandes académies talmudiques de
Babylonie, Soura et Poumbedita.
[17] Bereshith Rabba, 9, 2.
[18] De Gamel (‫)גמל‬, le chameau.
[19] De Na’hash (‫)נָחָׁש‬, le serpent.

Traité De L’Émanation Gauche (Partie 2) Par Rabbi Isaac Ben Jacob Ha-Kohen

7.
À présent je vais donner quelques indices selon la tradition transmise des anciens Sages aux
détenteurs de cette sagesse. Nous savons avec certitude que Rabbi Sherira[1] et Rabbi
Haï[2] reçurent et développèrent cette sagesse qui leur fut transmise de rabbi à rabbi, de sage à
sage, de gaon à gaon. Tous ont utilisé la connaissance secrète des Petits Palais (Hekhaloth) qui
est celle des démons, afin de pouvoir s’élever sur l’échelle de la prophétie.
Il est un fait bien établi que tous les philosophes[3] s’accordent à ce qu’il n’y ait aucune entité
corporelle au-dessus des sphères. Cependant, nous avons lu et vu que les érudits d’Israël
diffèrent sur ce point, certains approuvant et d’autres désapprouvant les philosophes. Mais selon
ce que nous avons reçu de Rabbi Sherira Gaon, et de son fils Rabbi Haï, et du vénérable
traditionaliste[4] Rabbi Joseph Ibn Abitur le Grand Gaon[5], et de Rabbi Isaac Ibn Ghayyat[6] de
mémoires bénies – ils tranchèrent selon ce qu’ils avaient reçu de leurs prédécesseurs, ancien à
ancien, gaon à gaon, remontant à la tradition des Tannaïm[7] et des Amoraïm[8]. Ils décidèrent
donc de publier selon ce qu’ils avaient reçu des anciens sages ; c’est-à-dire que ni dans les
émanations primordiales ni dans celles qui suivirent, il y eut quoi que ce soit de corporel. Il n’y
avait que des émanations spirituelles. Ainsi les anges créés – eux et leurs princes – et les
princes de la jalousie et leurs forces sont à l’image de la forme de l’homme créé à l’image du
grand feu. Même les formes des étalons de feu[9] sont des formes spirituelles, et leurs armures
et leurs chariots sont un feu dévorant, d’un feu qui n’est cependant pas le feu élémental.
9.
Les quatre camps de la Présence Divine[10] ne sont rien d’autre que des émanations spirituelles,
à l’image ni des corps ni des formes corporelles. Mais tous les anges ne sont pas ainsi : seuls
ceux du 10e degré[11] sont similaires aux fils de l’Adam tels que vus par les prophètes selon sa
stature. Tous agréent qu’ils ont une apparence bien trop imposante pour pouvoir être
appréhendés.
Le prophète et visionnaire voit les différentes puissances changer de forme jusqu’à ce qu’elles se
revêtent de la puissance de la forme qui lui soit visible. Ensuite elle (la puissance) prend la forme
d’un ange et cette forme change devant lui et il peut alors recevoir la force prophétique. Alors les
canaux spirituels sont gravés dans son cœur.

Lorsqu’il accomplit et remplit sa mission, le prophète est alors dépouillé de la puissance de la


forme révélée et investie de la puissance de sa forme première. Il rejette une forme et prend une
nouvelle forme. Alors tout est tissé ensemble, s’unissant et grandissant en force. Alors tous ses
pouvoirs corporels reviennent à leur état premier. Et là il parle et agit comme tout un chacun.
Voici donc la tradition de ces pieux hommes, puissent-ils être comptés parmi les justes.


10.
Une autre tradition qui a été transmise par les maîtres du Nom Divin[12] et selon laquelle ils ont
usés des éthers démoniaques afin d’acquérir une parcelle d’état prophétique. C’est l’utilisation de
l’éther de l’Unique, béni soit-Il.
Il y a encore ceux qui peuvent se transporter magiquement par l’utilisation de l’éther qui contient
la connaissance secrète des démons. Il y a un grand et sage traditionaliste que nous avons
rencontré à Narbonne et qui a avoué, avec d’autres, que Rabbi Éléazar de Worms, de mémoire
bénie, pouvait parfois voyager sous la forme d’un nuage magique vers des lieux éloignés
lorsqu’une bonne action l’y appelait. Parfois, cependant, il voyageait des jours entiers sur un
animal comme tout le monde. Un jour qu’il devait opérer une circoncision dans un lieu lointain, il
s’envola par le pouvoir de l’incantation habituelle. Mais il oublia quelque chose de nécessaire à
ceux qui, comme lui, ont maîtrisé la sagesse et il tomba de son nuage. Il boita et nul remède
terrestre ne put le soigner jusqu’au jour de son trépas.

11.
Selon la tradition que nous avons reçue, il existe trois éthers en haut. Le premier est gouverné par
le grand et saint prince dont le nom est Qedoshi’el (QDVShYAL — ‫)קדושיאל‬. C’est le prince des
armées et de sa puissance jaillissent des bataillons d’armées princières et tous les soldats
célestes, les anges des armées célestes et ceux des cieux au-dessus des cieux. Tous ceux-là
sont émanés d’eux et l’émanation de leurs émanations n’a ni image ni substance ni corporéité.

Le second éther est la connaissance secrète de la prophétie. C’est celui revêtu par les prophètes
et le Grand-Prêtre, et les autres prêtres et les Lévites et par tous ceux qui possèdent une âme et
une intelligence suprêmes. C’est le second éther.

Le troisième éther est celui de la connaissance secrète des démons. Il s’agit du texte du Sepher
ha-Melbosh.
12.
Nous allons à présent discuter du troisième éther. Les érudits de la tradition disent que la
tradition reçue de leurs pères veut que cet éther soit divisé en trois parties : une supérieure, une
médiane et une inférieure. La supérieure fut donnée à Asmodée (AShMDAY — ‫)אשמדאי‬, le grand roi
des démons. Hormis les lundis, il n’a pas la permission d’accuser ou de causer la confusion.
Nous nous étendrons, autant qu’il nous est possible, plus avant à ce sujet.

Même si Asmodée est appelé grand prince, il demeure soumis à Samaël. On l’appelle grand
prince à cause des émanations au-dessus de lui et roi des rois en référence aux émanations en
dessous de lui. Asmodée est gouverné par lui et lui est soumis.

Samaël, le grand prince et le grand roi des démons, cohabite avec la Matrone Lilith. Asmodée, le
roi des démons, cohabite avec la Lilith Inférieure (Petite Lilith). Les érudits de cette tradition
parlent de très nombreux détails horribles concernant la forme de Samaël et d’Asmodée et de
l’image de Lilith, l’épouse de Samaël, et de Lilith, la compagne d’Amodée. Heureux celui qui
mérite la connaissance de ces choses.
La partie médiane a été donnée au roi qui règne sur les esprits. Qafqafoni (QPQPVNY — ‫)קפקפוני‬
est son nom et sa jeune compagne est Tsar’ita (TzRAyThA — ‫)צרעתא‬, avec laquelle il cohabite
pendant six mois. Les six autres mois, il fornique avec une autre compagne dont le nom est
Sagrirta (SGRYRThA — ‫)סגריתא‬. Leurs rejetons prennent différentes formes. Ils ont des corps et
semblent avoir deux têtes, tandis que les rejetons de Tsari’ta prennent la forme de la lèpre.
Certains érudits de la tradition soutiennent que toutes les lèpres sont le résultat de cette
engeance. Les fils de Sagrirta ont des visages ulcérés et ils se livrent une féroce bataille entre
eux. Les esprits maléfiques abondent dans cet éther et toutes sortes d’orages et d’horreurs sont
causées par la puissance de cette bataille. Néanmoins, le gouvernement et la terreur d’Asmodée
leur sont imposés.

La troisième partie de l’éther est occupée par des démons créés et façonnés de diverses façons.
Certains sont des chiens créés par les péchés humains. Et les chiens formés par cette émission
maléfique se jettent sur les hommes et les mordent ; leurs morsures sont difficiles à guérir.
Parfois ils changent de forme pour en revêtir une autre. Ils aboient et hurlent et mordent encore
et encore et il n’existe aucun remède terrestre jusqu’à ce qu’ils meurent et soient transfigurés,
mêlés en cet éther avec le pouvoir de la forme. C’est une punition et une annihilation. À cause de
ce secret, il existe cette prière : « protège mon âme contre le glaive, ma vie contre le pouvoir des
chiens  !  » (Psaumes, 22, 20).
Certains prennent la forme de boucs et de chèvres. Parmi eux on trouve ‘Aza (AyVZA — ‫ )עוזא‬et
‘Aza’el (AyVZYAL — ‫)עוזיאל‬. Chacun, séparément, a la forme de l’image d’un véritable homme.
Lorsqu’ils ont chuté des Cieux – une part de l’éther dont nous avons parlé – ils ont revêtu la
puissance de cet éther juste au-dessus de nous et ils prirent le corps d’hommes. Alors la
puissance supérieure s’affaiblit et ils reçurent la puissance inférieure. Mais leur progéniture était
plus puissante que toute l’humanité.

D’autres prennent une autre forme, comme la forme d’un homme à sa naissance. Certains
prennent la forme d’hommes et d’autres de femmes. La seule différence est le mensonge et la
fausseté. Ils sont jaloux des hommes et ils cherchent à les tromper et à les combattre. Ils
auraient tout détruit si l’attribut du Royaume n’avait pas invoqué sa propre émanation. Yufi’el
(YVPYAL — ‫)יופיאל‬, le grand prince de la contenance, qui est le bien-aimé de la Divine Présence,
gouverne le roi de ce groupe pernicieux. Sans la puissance de cette émanation et la terreur dont il
les emplit, jamais ils ne laisseraient les créatures en paix et aucune créature terrestre ne pourrait
se lever contre eux. Le nom du roi qui les gouverne est Qaftsefoni (QPTzPVNY — ‫ )קפצפוני‬et le
nom de sa compagne est Mehetabel (MHYTBAL — ‫)מהיטבאל‬, fille de Mathred (MTRD — ‫[)מתרד‬13].
Leur progéniture saute d’un bord de l’éther à l’autre. Parfois, ils reçoivent l’autorisation de rectifier
les blessures qui ont causé la chute de l’homme et d’informer, sous forme humaine, les hommes
de leur avenir. Ils n’ont aucun pouvoir sur les mensonges et sur la fausseté. Ceux qui demandent
leur aide obtiendront leur réponse selon la volonté de Qafsefoni, selon les mérites de celui qui
pose les questions : celui qui n’a aucun mérite n’aura pas de réponse et ils ne lui apparaîtront que
par incantations ; mais ils lui répondront qu’ils n’ont pas la permission de lui répondre.

Notes
[1] Rav Sherira bar Ḥanina Gaon, dit le Rasha »g (‫ )רש״ג‬est un rabbin babylonien du 10e siècle. Il
dirigea l’académie talmudique de Poumbedita, il est l’auteur nombreuses responsa sur le Talmud
et la Haggada. Il fut nommé Gaon de Poumbedita en 968.
[2] Haï Gaon est un rabbin babylonien des 10e et 11e siècles, considéré comme le dernier grand
Gaon de Poumbedita.
[3] Les philosophes dont il est ici question sont les « sages » de tradition juive et non pas les
philosophes dans le sens habituel (voir J. Dan, « Samael, Lilith and the concept of evil »).
[4] Nous utiliserons ici le « traditionnaliste(s) » pour rendre le terme deha-mekubal ou ha-
mekubalim, kabbaliste(s).
[5] Ibn Abitur est un rabbi espagnol du 10e siècle auteur de commentaires de la Torah.
[6] Isaac ben Judah ibn Ghiyyat est un rabbi espagnol du 10e siècle, philosophe, commentateur
de la Torah et poète.
[7] Les tannaïm sont les sages de la Mishna de la période s’étendant du 6e siècle av. J.C. au 3e
siècle après J.C.
[8] Les Amoraïm désignent les docteurs du Talmud, qui opèrent entre la clôture de la Mishna (3e
siècle après J.C.) et la compilation des Talmuds (vers 400).
[9] Dans la Kabbale, les lettres de l’alphabet sont appelées des « chevaux de feu ». On retrouve
encore ces chevaux de feu dans le Char qui enleva Elie…
[10] Selon la Tradition des Sages nous apprenons que les camps des anges sont « Les Camps de
la Shekhinah ». Habituellement, on mentionne quatre camps tels que rappelés par le Qri’at Shema
al haMitah (prière de la nuit) : « Au Nom de YHVH, le Dieu d’Israël. a ma droite est Mikha’el, à ma
gauche Gavri’el, devant moi Uri’el, derrière moi Repha’el, et au dessus de ma tête se tient la
Shekhinat El ».
[11] Selon la Kabbale, la Présence Divine se dévoile en 10 degré dans chacun des quatre mondes
et ces 10 degré sont les Sephiroth ou les ordres angéliques dont le 10e est, selon chaque
tradition particulière, celui des Seraphim, des Erelim ou des Ishim. Il est probable qu’ici Jacob ben
Isaac parle des Seraphim.
[12] Les maîtres du Nom (Baalim Shem) sont des intercesseurs entre les êtres humains et Dieu.
Ce sont souvent des faiseurs de miracle, fabricants de talismans et usant de la magie afin d’aider
leurs semblables. On les appelle maîtres du Nom, car ils usaient des Noms divins pour leurs
opérations mystiques.
[13] « Baal-Hanan, fils d’Acbor, mourut; et Hadar régna à sa place. Le nom de sa ville était Pau; et le
nom de sa femme Mehéthabeel, fille de Mathred, fille de Mézahab  » (Genèse, 36, 39).

Traité De L’Émanation Gauche (Partie 3) Par Rabbi Isaac


Ben Jacob Ha-Kohen.
14.
Ce prince gouverneur et tous ses guerriers sont soumis à Asmodée, le grand roi. Leur règne et la
force de leurs actions sont à la mesure du pouvoir de l’émanation qui les imprègne. Tout ce qui
est en haut et en bas est sujet au pouvoir de Samaël, le roi des rois. Son émanation et
l’émanation de ses chariots rejailliront sur toutes ses troupes. Tous les princes se presseront à
son commandement jusqu’au jour de l’avènement de la Volonté Divine qui se révélera au jour et à
l’heure de la vengeance qui est occultée en Son Cœur et scellée en Son Trésor. Il fera advenir
alors le règne du « rouge » (edom) ainsi qu’il est écrit : « j’ai détruit leurs fruits en haut, et leurs
racines en bas  » (Amos, 2, 9). Amen. Vite et de notre vivant !

15.
Nous allons maintenant en finir avec le sujet que nous avons commencé. Parfois, le prince dont
le nom est Qafsefoni peut, à la mesure du pouvoir qui lui est accordé, s’unir et cohabiter avec une
créature dont le nom est Lilita (LYLYThA — ‫)ליליתא‬. Elle est à l’image de Hagar l’Égyptienne selon
certains hommes de cette sagesse, bien qu’il y ait quelque désaccord sur ce point.

17.
Pour revenir à ce que nous disions sur les habits des armées démoniaques célestes et de leur
agencement du premier au dernier guerrier, ils furent tous créés d’une émanation issue du
pouvoir de l’émanation du Repentir. Ce sont les mots d’ouverture de ce traité.

Mais avant d’en terminer avec ce point, je te parlerai de quelque chose que tu dois savoir. Les
premières créations de l’Invisible, de la Cause des causes et de la Raison des raisons, étaient des
puissances qui étaient telles des couronnes devant Lui. Elles sont appelées « le monde spécial »
ou « monde isolé » et c’est un monde absolument bon. Il choisit seulement les bons afin que
seuls les bons méritent un monde entièrement bon. Ainsi Son incompréhensible Sagesse a choisi
de créer un monde entièrement maléfique afin de châtier ceux qui désobéissent. Puissent-ils
revenir à un repentir parfait afin d’en obtenir le mérite – sinon ce sera leur oblitération finale.
Concernant cela deux mots sont écrits : « Il fait la paix et crée le mal  » (Esaïe, 45, 7).

Le monde de la paix vient en premier lieu dans le verset, car il est avant le monde totalement
mauvais. Et bien qu’elle n’ait aucune part au monde entièrement bon, Sa première émanation
n’est pas de l’émanation maléfique. C’est ce qui est signifié lorsque nous disons qu’Il choisit
uniquement le bien. Et bien qu’Il ait formé le mal à partir de ce bien, nous ne pouvons comprendre
la profondeur de ce mystère occulté, car il est scellé.

Va et apprends tout ceci du premier homme qui ne fut pas l’enfant d’une femme, mais fut créé à
le semblance de la pureté de Dieu, pur de tout mal et de toute inclinaison au péché. Dieu lui a
commandé et mis en garde de conserver un commandement pour son bien afin qu’il puisse jouir
de la vie éternelle. Mais il a transgressé le premier commandement.

Nous ne croyons pas que le Créateur l’ait créé afin qu’il commette le péché ni qu’il décréta qu’il le
ferait. Il a simplement commandé le bien. C’est aussi le cas pour les autres personnes et pour les
pieux. Les patriarches servent d’exemple – d’eux sont issus Esaü et Ismaël, et Ezéchias et
Manassé et bien d’autres pécheurs. Du bien vient le mal, et Dieu n’a ni commandé ni demandé
cela. Tout cela tombe sous la catégorie du silence : ne t’étends pas sur lui, il est tellement
puissant que tu ne devrais pas l’examiner, tellement occulte que tu ne devrais pas le poursuivre.

J’ai expliqué tout ceci afin d’ôter tout doute et d’illuminer ta compréhension. Par amour, j’ai
essayé de dissimuler une partie de l’ensemble que je t’ai révélé. Tout d’abord, j’ai caché et scellé
en te donnant l’ordre des princes et de leurs forces, disant qu’ils furent tous créés à partir de la
même émanation. Je n’ai pas dit qu’ils avaient été créés par le pouvoir d’une unique émanation.
Ensuite, j’ai dit qu’ils furent créés à partir du pouvoir de l’émanation du Repentir, mais je n’ai pas
écrit qu’ils étaient de l’émanation du Repentir. Par cette méthode, il était de mon intention de
« révéler peu et ce cacher beaucoup ». « Heureux l’homme qui craint l’Éternel, qui trouve un grand
plaisir à ses commandements  » (Psaumes, 112, 1).
18.
Voici l’ordre de toutes les armées, un cercle au sein du cercle des Sephiroth. Elles sont au-dessus
de tout, entourant et influençant tout ce qui est spirituel  au moyen de leurs émanations. De
l’émanation du Repentir sont issues six puissances et de la sixième émanation – appelée
Keruzi’el (KRVZYAL — ‫[)כרוזיאל‬1] – l’émanation du septième prince appelé Masukhi’el (MShVKYAL
— ‫[)משוכיאל‬2] est tirée. Tous sont saints et Dieu est en eux. De la septième, et au-delà, dix groupes
de puissances opposées sont émanés, qui sont le reflet des dix Sephiroth. Les trois au sommet
n’ont pas d’existence et sont oblitérées. Les sept autres princes, avec leurs forces, instillent la
guerre avec les sept princes des couronnes pures et sacrées et, parfois, avec les sept princes
dont nous venons de parler. « Heureux l’homme qui craint l’Éternel, qui trouve un grand plaisir à
ses commandements  » (Psaumes, 112, 1). Dieu est en eux : Mitsvati’el[3], Hafsi’el, Me’odi’el[4] les
commandements sont bâtis sur des fondements d’or et ils furent émanés du pilier du milieu
appelé Tav[5]. C’est la signification de : « tu ne commettras point d’adultère, ne convoiteras pas la
femme de ton voisin » (Exode, 20,14) – c’est une description de « la beauté des jours » qui
correspond au pilier du milieu [6]. « La femme de ton voisin » – ce sont Samaël le maléfique et sa
compagne Lilith.
Hemdat’el, Ishti’el, Re’uvel : de ces trois princes furent émanées les interdits. Ils rayonnent de
l’émanation « Beauté de l’Eau ». Ô Hemdat’el, Saint d’Israël ! Accorde-nous le mérite de percevoir
et de saisir une connaissance parfaite des secrets de la Torah, aussi merveilleuse et précieuse
que l’or pur. Accorde-nous une vie dans le monde à venir[7]. Amen.
19.
Pour répondre à votre question concernant Lilith, je vais vous expliquer l’essence de la chose.
Concernant ce point, il y a une tradition reçue des anciens sages qui usèrent de la Connaissance
Secrète des Petits Palais, qui est la manipulation des démons et de l’échelle par laquelle on
atteint les niveaux prophétiques. Dans cette tradition, il est clair que Samaël et Lilith sont nés un,
similaires en la forme d’Adam et d’Ève qui sont aussi nés un, reflétant ainsi ce qui est au-dessus.
Ceci est le récit reçu de Lilith par les Sages en la Secrète Connaissance des Palais. Lilith est la
compagne de Samaël. Ils sont nés à la même heure à l’image d’Adam et d’Ève, imbriqués l’un
dans l’autre. Asmodée, le grand roi des démons a comme compagne la Petite (plus jeune) Lilith,
fille du roi dont le nom est Qafsefoni. Le nom de sa compagne est Mehetabel fille de Matred et
leur fille est Lilith.
Ceci est le texte exact de ce qui est écrit dans les Chapitres des Petits Palais comme nous l’avons
reçu, mot pour mot, et lettre pour lettre. Les savants en cette Sagesse possèdent une très
profonde tradition venue des anciens. Ils trouvent écrits dans ces Chapitres que Samaël, le grand
prince, devint jaloux d’Asmodée le roi des démons à cause de Lilith la Jeune. Elle a la forme d’une
belle femme de la tête jusqu’à la taille, mais à partir de la taille elle est un feu brûlant – comme
une fille, comme une mère. On l’appelle Mehetabel, fille de Matred et la signification (de son nom)
est quelque chose d’immergé (mahu tabal). Cela signifie que toutes ses intentions ne sont jamais
pour le bien. Elle ne cherche qu’à inciter à la guerre, à la guerre entre les démons et entre Lilith la
fille et Lilith la Matrone.
Ils disent que d’Asmodée et de sa compagne Lilith est né dans les cieux un grand prince. Il est le
chef des 8 000 démons destructeurs et est appelé « l’épée du roi Asmodée ». Son nom est
Alefpene’ash[8] et sa face brûle comme un feu ravageur (esh). Il est aussi appelé Gurigur, car il
combattit le prince de Juda, nommé Gur Aryeh Yehuda (le lionceau de Juda). De la même
« forme » qui a donné naissance à ce démon est né un autre prince dont les racines sont dans le
Royaume (malkhuth) et qui est né au sein des cieux. Il est appelé « l’épée du Messie » (Harba di-
Mashia’h). Lui aussi a deux noms : Meshi’hiel (MSh’HYAL – ‫ )משחיאל‬et Kokhviel (KVKBYAL —
‫)כוכביאל‬. Quand le temps viendra et quand Dieu le voudra, cette épée quittera son siège et les
versets de la prophétie seront véritables : « Car mon Épée sera ivre dans les cieux ; ainsi, elle
viendra sur Édom » (Esaïe 34:5). « Une étoile naît de Jacob » (Nombres, 24, 17). Amen. Puissions-
nous au cours de notre vie voir le Messie ; nous et tout notre peuple.

22.
Je vais maintenant vous donner une nouvelle merveilleuse. Vous savez déjà que les démons
Samaël et Lilith sont un couple sexuel qui, par un intermédiaire, reçoivent une émanation
maléfique et vicieuse et l’émettent à l’autre. Je vais vous expliquer ceci sous le jour d’une
explication ésotérique à partir du verset « En ce jour le Seigneur punira avec Sa grande, cruelle &
puissante épée Léviathan le serpent enlacée et Léviathan le serpent tortueux » — c’est Lilith — et
« Il tuera le dragon de la mer » (Esaïe 27:1). Comme il y a un pur Léviathan dans la mer qui est
appelé serpent, ainsi il y a un grand serpent dans la mer dans un sens littéral. Ceci est également
vrai dans un sens caché. Le serpent céleste est un prince aveugle, l’image intermédiaire entre
Samaël et Lilith. Son nom est Tanin’iver[9], les maîtres de la tradition disent que comme ce
serpent se déplace sans yeux, ainsi se déplace le serpent supérieur, à l’image de la forme
spirituelle sans couleur – ce sont « les yeux ». Les traditionalistes l’appellent une créature sans
yeux, c’est pourquoi son nom est Tanin’iver. Il est le lien, le parèdre et l’union entre Samaël et
Lilith. S’il avait été une créature entière dans la complétude de son émanation, il aurait détruit le
monde en un instant.

Lorsque la Volonté Divine arrivera et que l’émanation de Samaël et Lilith fera décroître
l’émanation achevée par le prince aveugle, ils seront annihilés par Gabriel, le Prince de la Force
qui insuffle la guerre entre eux avec l’aide du Prince de l’Affection. Alors le verset dont nous
avons déjà parlé se réalisera selon sa signification secrète.

24.
Je trouve dans un texte, attribué à un ancien traditionaliste et à un Hassid de mémoire bénie, que
Lilith est également Taninsam[10]. Ils disent que ce nom est basé sur le serpent qui est à l’image
d’un intermédiaire entre Lilith et son compagnon. Il boira le poison mortel des mains du prince de
la Force ; c’est un élixir de vie pour tous ceux qui les[11] vainquent. Ensuite il collabore avec
Michaël, le prince de l’Affection, afin de défaire les forces du mal sur terre comme au ciel. Ensuite
le verset deviendra réalité : « Car sa bonté pour nous est grande, Et sa fidélité dure à toujours.
Louez l’Éternel  ! » (Psaumes, 117, 2).
Le secret de l’assemblée du sel (melah) est le royaume du compagnon de la Beauté[12]. C’est
pourquoi ils ont occulté par des secrets le poisson salé (Leviathan – LVYThN – ‫ )לויתן‬pour nourrir
les justes des temps à venir. Heureux celui qui comprend ces choses telles qu’elles sont en
réalité.

Notes

[1] De karoz, crier.


[2] De masakh, rideau.
[3] De la racine mitsvah, commandement, loi rituelle.
[4] Sans doute de la racine me’od, grand.
[5] La Sephirah Tiphereth.
[6] La Beauté, Tiphereth, est sur le pilier du milieu tout comme la Sephirah Malkhuth (le
Royaume).
[7] Le monde à venir, olam ha-ba, est le monde après la mort.
[8] Ce nom est assez difficile à interpréter. On pourrait le décomposer en aleph penei esh, bœuf à
la face ardente.
[9] Littéralement : serpent aveugle. Terme issu de deux mots, Tanin, ‫תנין‬, dragon ; et de Yvver, ‫עיוור‬,
aveugle.
[10] Littéralement : serpent venimeux ou aveugle, de la racine suma.
[11] Lilith et Samaël.
[12] Malkhuth (‫ )מלכות‬Leviat (‫‘ )לביאת‬Hen (‫)ח״ן‬, Malkhuth compagne de la Beauté.

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