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3/7/2016 L’adaptation 

pour le sous­titrage

Cinémas d’Amérique latine
20 | 2012 :
Varia
Les métiers du cinéma

L’adaptation pour le sous­titrage
PASCALINE ROSNET
p. 74­81

Traduction(s) :
La adaptación en subtitulación

Résumés
Français Español
Rapide  tour  d’horizon  du  monde  du  sous­titrage  pour  présenter  les  différentes  facettes  de  la
profession, les principaux enjeux et difficultés d’une traduction qui doit faire cohabiter le texte
avec les dialogues originaux. Le but étant de faire prendre conscience au public cinéphile et aux
différents acteurs du monde de l’image de l’importance de l’adaptation cinématographique.

Vuelo de pájaro sobre el mundo del subtitulado con el objeto de presentar las diferentes facetas
de la profesión, los principales riesgos y dificultades de una traducción forzada a la convergencia
del texto con los diálogos originales. Como objetivo, la toma de conciencia del público cinéfilo y de
los  diferentes  protagonistas  del  mundo  de  la  imagen  de  la  importancia  de  la  adaptación
cinematográfica.

Entrées d’index
Mots­clés : sous­titrage, traduction audiovisuelle, adaptation cinématographique, transfert
linguistique, relation texte­image, registres de langue, exigence de lisibilité, règle de discrétion
Palabras claves : subtitulado, traducción audiovisual, adaptación cinematográfica,
transferencia lingüística, relación texto­imagen, registros lingüísticos, exigencia de legibilidad,
regla de discreción

Texte intégral

https://cinelatino.revues.org/503 1/7
3/7/2016 L’adaptation pour le sous­titrage

1 Les  cinématographies  d’Amérique  latine  présentent  une  grande  diversité  de  genres,
de styles, mais aussi linguistique. En effet, elles nous offrent un aperçu des multiples
variantes  de  la  langue  espagnole  parlées  dans  le  monde,  ainsi  que  des  expressions,
tournures idiomatiques et références culturelles propres à chaque pays. La diffusion de
ces  œuvres  hors  de  leur  espace  linguistique  d’origine  impose  donc  de  recourir  à  des
modes de traduction audiovisuelle tels que le sous­titrage ou le doublage. Le sujet étant
très  vaste,  cet  article  traitera  exclusivement  de  la  pratique  du  sous­titrage,
particulièrement  prisée  par  les  festivals  ou  les  cinémathèques,  et  plus  spécifiquement
du  sous­titrage  interlinguistique1,  dans  lequel  s’opère  le  passage  d’une  langue  à  une
autre.
2 Bien que le sous­titrage se soit considérablement développé ces 20 dernières années,
les métiers de la traduction cinématographique demeurent peu connus, sinon ignorés,
et aujourd’hui la majorité des professionnels expriment leur inquiétude. C’est pourquoi
j’aimerais rappeler à quel point une adaptation peut aussi bien “servir” un film que lui
porter  préjudice,  mais  aussi  mettre  en  lumière  les  conditions  indispensables  à
l’élaboration de sous­titres au service de l’œuvre originale.

De l’invisibilité du sous­titrage
3 Rencontre intime entre l’oral, l’écrit et l’image, le sous­titrage présente de nombreux
défis  et  contradictions  lors  de  son  élaboration.  De  par  leur  nature,  les  sous­titres
doivent en premier lieu répondre à certaines règles de temps et d’espace. Même si cela
semble  évident,  rappelons  que  l’objectif  du  sous­titrage  est  de  permettre  à  tout
spectateur,  indépendamment  de  son  âge  et  de  sa  capacité  de  lecture,  de  saisir  le
message tout en pouvant suivre le déroulement de l’action, sans être gêné par les sous­
titres.  Sans  entrer  dans  des  détails  techniques,  rappelons  juste  que  pour  respecter
l’intégralité de l’image, la vitesse de lecture moyenne (estimée entre 12 et 15 caractères
par seconde) implique l’omission d’éléments du message original (une perte minimale
de  10  à  20  %),  puisqu’il  faut  respecter  la  synchronie  spatiale,  c’est­à­dire  l’espace
disponible à l’écran (qui varie généralement entre 32 et 40 caractères par ligne, sur un
maximum de deux lignes).
4 Un bon sous­titrage doit donc tendre vers une subtile harmonie entre image, son et
parole, de sorte qu’on ne le remarque pas, qu’on ait l’impression de suivre le film sans le
lire.  Les  sous­titres  doivent  disparaître  pour  se  fondre  à  l’image.  En  général,  on  ne
remarque  les  sous­titres  que  pour  en  signaler  les  erreurs.  Par  ailleurs,  ces  limitations
d’espace  et  de  temps  génèrent  souvent  une  certaine  frustration  pour  l’adaptateur.

https://cinelatino.revues.org/503 2/7
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Souvent  il  doit  renoncer  à  la  formule  “parfaite”  pour  une  autre  plus  synthétique,  ou
choisir entre deux informations en cas de simultanéité de dialogues.
5 Ces  contraintes  de  forme,  conjuguées  à  d’autres  exigences  de  lisibilité  (relatives  au
découpage des sous­titres, au respect des changements de plans, etc.), nous amènent à
considérer  la  traduction  cinématographique  davantage  comme  une  adaptation  que
comme  une  traduction.  Il  ne  s’agit  pas  uniquement  de  transcrire  littéralement  des
dialogues,  mais  aussi  de  les  remanier,  les  adapter,  pour  les  rendre  lisibles.  Le  terme
d’adaptation  risquant  toutefois  de  prendre  une  connotation  péjorative  et  d’alimenter
les  critiques  de  la  part  de  non­initiés  la  considérant  dès  lors  comme  un  transfert
linguistique  déficient,  on  préférera  employer  celui  d’“adaptation  audiovisuelle”,  qui
présente l’avantage de prendre en compte la dimension sémiotique de la traduction.
6 L’un des grands défis de l’adaptation audiovisuelle consiste à restituer les dialogues
le plus fidèlement possible, tout en respectant les contraintes déjà évoquées. Bien que
l’adaptation  mérite  d’être  plus  largement  développée,  soulignons  juste  quelques­unes
de  ses  particularités,  qui  constituent  ses  principales  difficultés.  La  principale
caractéristique du sous­titrage est de passer d’un langage oral à un langage écrit, avec le
plus de naturel possible et tout en respectant le registre de langue. Le traducteur doit
restituer l’oralité du discours, sans pour autant tomber dans le style télégraphique ni
alourdir  le  texte  par  un  excès  de  tics  de  langage,  d’interjections  ou  de  formules
argotiques. La traduction audiovisuelle se distingue aussi d’autres modes de traduction
par  la  diversité  terminologique  abordée,  qui  exige  du  traducteur  une  vaste  culture
générale  et  une  certaine  élasticité  mentale.  Il  va  par  exemple  passer  de  la  traduction
d’un  documentaire  sur  le  Candombe  à  l’adaptation  de  poèmes  de  Pablo  Neruda,  ou
encore au parlache colombien2. Le traducteur est donc constamment amené à effectuer
des recherches, à changer de registres, à puiser dans des jargons spécifiques.
7 Une  autre  caractéristique  de  l’adaptation  audiovisuelle  réside  dans  la  difficulté
inhérente aux transferts de références culturelles. L’humour, les proverbes, les allusions
à  des  personnages  célèbres,  les  jeux  de  mots  et  autres  tournures  idiomatiques,  sont
autant  d’éléments  d’identité  culturelle  particulièrement  résistants  à  la  traduction  qui
sollicitent l’imagination et tous les neurones du traducteur. Contrairement à d’autres
modes de traduction, le sous­titrage ne permet pas de recourir aux notes du traducteur3
et  contraint  celui­ci  à  apporter  des  solutions  concrètes  et  immédiates.  Dans  certains
cas, il doit même se résoudre à “perdre” des nuances, des subtilités, ou des références
culturelles qui se révèlent intraduisibles.
8 Véritable  spécialiste  du  jonglage  langagier,  le  traducteur­adaptateur  est  alors
confronté  à  divers  défis  :  non  seulement  trouver  des  solutions  d’équivalence  se
rapprochant  des  intentions  de  l’auteur,  mais  aussi  traduire  des  émotions,  des
sensations. Pour cela, il doit se détacher de sa propre langue afin de s’imprégner de la
réalité culturelle (géographique, sociale, idéologique) qui enveloppe de film. Il ne suffit
pas  de  l’aborder  de  façon  purement  linguistique,  il  faut  explorer  tout  ce  qui
l’accompagne,  tout  ce  qui  prolonge  les  dialogues.  Ce  n’est  qu’en  appréhendant
pleinement  ce  contexte  qu’il  parvient  à  entrer  dans  la  peau  des  personnages  pour
trouver la réplique qui sonnera le plus juste. Il doit également s’appuyer sur la valeur
sémiotique de l’image, ce qui lui permet de supprimer le superflu (répétitions, tics de
langage, etc.) pour alléger au maximum l’écrit. Il est de mise de ne pas traduire ce que
l’image explicite.
9 La  spontanéité  et  la  fluidité  des  dialogues  sont  conditionnées  par  les  choix  du
traducteur­adaptateur et sa capacité à prendre en compte les évolutions sémantiques,
les  emprunts,  dans  un  souci  permanent  de  cohérence.  Ses  partis  pris,  ainsi  que  son
intelligence de l’image, s’avèrent à la fois délicats et décisifs, puisqu’ils contribuent en
grande partie à la réception du film sous­titré.
10 Enfin, comme dans toute démarche traductive, l’adaptateur remplit le rôle de porte­
parole  de  l’auteur,  au  point  d’être  considéré  par  certains  comme  son  co­auteur,
indépendamment  de  ses  goûts  personnels.  Par  déformation  professionnelle,  un
traducteur a rarement une vision objective d’un film qu’il a traduit ; il l’évalue en termes
de difficulté de traduction ou d’adaptation.

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Un marché en explosion et
contradictions
11 Si le sous­titrage repose sur le traducteur, celui­ci n’est pas le seul créateur de sous­
titres ni le seul garant de leur qualité. Le terme sous­titrage, dans son acception la plus
large, désigne un ensemble d’opérations : le repérage, qui définit le temps d’affichage à
l’écran  de  chaque  sous­titre  ;  la  traduction  de  toute  information  d’intérêt  (dialogues,
mais aussi voix off, chansons, titres, pancartes, lettres…) ; l’adaptation, qui consiste à
ajuster  les  dialogues  traduits  au  nombre  de  caractères  autorisés  ;  la  relecture,  pour
vérifier l’orthographe, la frappe et l’adéquation de la traduction ; et enfin, la simulation
finale avec le client, avant l’incrustation dans l’image (s’il y a lieu), pour visualiser le
résultat et effectuer d’ultimes modifications.
12 En  théorie,  ces  tâches  se  succèdent  chronologiquement  et  correspondent  à  des
professions  distinctes.  En  réalité,  certaines  étapes  sont  omises  ou  volontairement
supprimées pour des raisons de délais ou de budget, ce qui se répercute sur la qualité de
la  traduction.  Il  arrive  par  exemple  qu’un  traducteur  (peu  consciencieux,  il  est  vrai)
traduise un film sans même l’avoir visionné. En outre, l’apparition de nouveaux outils
permet désormais au traducteur de gérer lui­même toutes les étapes du sous­titrage au
moyen  de  logiciels  sophistiqués.  Ce  qui  présente  l’avantage  de  réduire  le  nombre
d’intermédiaires et par conséquent, le coût du travail pour le client. Le traducteur, pour
sa  part,  bénéficie  d’une  large  marge  de  liberté  lui  permettant  de  transposer  plus
aisément le “vouloir dire” du réalisateur, en jouant avec le découpage. De même, pour
des  raisons  essentiellement  économiques,  l’intervention  d’un  relecteur  ou  correcteur
tend à disparaître, ce qui fait reposer d’autant plus de responsabilité sur les épaules du
traducteur.
13 Sans entrer dans les détails, soulignons juste que le sous­titrage électronique est une
modalité  à  part,  car  la  synchronisation  (étape  qui  consiste  à  faire  coïncider  les  sous­
titres  avec  l’énoncé)  s’effectue  en  instantané,  au  moment  de  la  projection.  Ce  procédé
présente  de  nombreux  avantages  sur  les  festivals  ou  événements  ponctuels,  car  plus
adapté  aux  situations  d’urgence  et  engendrant  de  moindres  coûts.  En  revanche,  il
représente  une  certaine  fragilité  du  fait  que  le  traducteur­adaptateur  dispose
généralement de délais plus courts, doit faire face à un rythme de travail accéléré et que
le sous­titreur4 est soumis aux aléas du direct.
14 Alors  que  l’on  assiste  à  l’essor  et  la  diversification  du  marché  de  la  traduction
audiovisuelle et à une familiarisation du public avec le sous­titrage, ce dernier soulève
de  nombreuses  inquiétudes  et  interrogations  liées  notamment  à  la  dégradation  des
conditions  de  travail  et  de  la  qualité  des  sous­titres  produits.  La  première
contradiction  est  la  suivante  :  tous  les  acteurs  du  secteur  (du  commanditaire  au
traducteur,  en  passant  par  les  prestataires  techniques  et  distributeurs)  aspirent  à
atteindre un résultat professionnel de qualité, en exigeant aux traducteurs/adaptateurs
rapidité d’exécution et bas tarifs.
15 Lorsque  des  sociétés  se  vantent  de  pouvoir  offrir  des  sous­titrages  de  qualité  à  des
prix défiant toute concurrence et dans des délais record, on peut se demander quel est
leur secret. Auraient­elles trouvé des perles rares ? Existerait­il des traducteurs qui ne
dorment pas et ne mangent pas ? Cette primauté de l’argument économique se ressent
également lors du lancement commercial d’un film. Celui­ci débute généralement par
une version sous­titrée pour le cinéma, suivie d’une autre pour la vidéo, pour le DVD, et
idéalement une autre pour la télévision. Les normes de chaque support sont légèrement
différentes,  notamment  en  raison  du  nombre  d’images  par  seconde  qui  varie
légèrement. Cependant, en raison du raccourcissement des délais de commande et par
souci  d’économie,  il  est  de  plus  en  plus  courant  d’utiliser  les  mêmes  sous­titres
indépendamment  du  canal  de  diffusion.  De  cette  façon,  le  rythme  de  lecture  est
accéléré, ce qui joue sur la lisibilité des sous­titres. De même, pour un film destiné à être
traduit  en  plusieurs  langues,  les  studios  ont  tendance  à  utiliser  le  même  découpage
pour  chacune  d’elles,  alors  que  certaines  (comme  le  chinois)  sont  beaucoup  plus
synthétiques que d’autres (comme le français ou l’espagnol). Il est également fréquent

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que  la  traduction  pour  le  doublage  (qui,  rappelons­le,  doit  coïncider  avec  les
mouvements  des  lèvres)  soit  réutilisée  pour  le  sous­titrage,  d’où  les  incohérences
flagrantes  qui  peuvent  surgir.  L’économie  prend  le  dessus  sur  le  culturel  et  pour
répondre aux nécessités de la concurrence, certaines firmes installent des filiales dans
des pays à faible coût salarial, tels que l’Inde.
16 En  dehors  de  ces  considérations  d’ordre  économique,  notons  que  s’agissant  d’une
profession intimement liée à la technologie, les avancées sur ce terrain ont eu un impact
immédiat  sur  son  organisation  professionnelle.  L’apparition  de  nouveaux  outils  s’est
traduite par un gain de temps, la multiplication d’échanges entre traducteurs (forums,
plateformes),  ainsi  que  par  une  démocratisation  des  outils  de  sous­titrages.  Ces
évolutions,  a  priori  positives,  ont  néanmoins  affecté  le  marché  de  la  traduction
audiovisuelle dans la mesure où on demande de plus en plus au traducteur­adaptateur
d’effectuer lui­même la phase de repérage, voire d’incrustation (confiées auparavant à
un  technicien).  Cette  fusion  des  tâches  a  eu  pour  conséquence  l’application  de  tarifs
forfaitaires  (à  la  minute,  ou  au  film)  ne  rendant  compte  ni  du  nombre  de  sous­titres
(pouvant  varier  du  simple  au  double)  ni  du  degré  de  complexité  de  la  traduction.  Ce
mode de fonctionnement a également contribué à discréditer le travail de création du
traducteur.
17 Si la traduction audiovisuelle est contrainte de se plier aux aléas du marché, elle reste
un  petit  monde  passionnant  et  convoité,  où  les  possibilités  d’entrer  et  d’évoluer
demeurent réduites. La multiplication des formations en traduction et l’augmentation
des  personnes  bilingues  ont  conduit  à  une  réelle  professionnalisation,  garantissant  le
maintien  de  standards  de  qualité,  mais  aussi  à  une  dégradation  des  conditions  de
travail,  notamment  perceptible  au  niveau  des  tarifs  pour  les  traducteurs  travaillant
dans des combinaisons de langues très courantes. Par ailleurs, la démocratisation des
outils  de  sous­titrage  permet  désormais  à  toute  personne  disposant  d’un  programme
adéquat  de  “fabriquer”  des  sous­titres  comme  bon  lui  semble,  sans  avoir  pour  autant
appris  les  règles  du  métier.  C’est  ainsi  qu’on  peut  voir  des  sous­titres  “artisanaux”
complètement  illisibles,  mal  découpés,  ou  plein  de  fautes.  Internet  et  l’apparition  de
fansubs  (copies  de  films  ou  de  séries  sous­titrés  par  des  amateurs)  ont  participé  à  la
confusion du spectateur, qui tend à assimiler tous les types de sous­titrage. Tendance
qui contribue en partie au manque de reconnaissance dont souffre la profession. Bien
que  l’objectif  des  fansubbers  soit  louable,  puisqu’ils  rendent  accessibles  à  leur  public
des œuvres indisponibles dans leur pays, il faut souligner qu’ils traitent le sous­titrage
comme  un  passe­temps,  alors  que  pour  les  professionnels  de  la  traduction
audiovisuelle,  il  constitue  une  activité  à  part  entière,  un  art  exigeant  un  savoir­faire
linguistique, technique, ainsi qu’une certaine connaissance cinématographique.
18 Le  fait  que  l’adaptation  audiovisuelle  soit  considérée  bien  souvent  comme  une
traduction  imparfaite,  puisque  non  intégrale,  contribue  également  à  cette
dévalorisation  de  la  profession.  Se  substituant  à  une  traduction  littérale  rendue
impossible, l’adaptation donne l’impression d’une grande marge de liberté et, de ce fait,
n’est  pas  intellectuellement  reconnue  comme  une  vraie  traduction.  Alors  que  le
doublage  donne  l’impression  de  transmettre  plus  d’informations,  le  sous­titrage
confronte  en  permanence  le  spectateur  à  deux  sources  linguistiques  (langue  lue  et
langue  entendue)  et  l’effort  de  synthèse  du  sous­titrage  peut  être  perçu  comme  une
déficience.  Quel  que  soit  son  degré  de  compréhension  de  la  langue  source  (langue
originale du film), toute personne peut aisément remarquer la suppression de certaines
informations  dans  la  langue  cible  (celle  des  sous­titres),  qu’elle  aura  tendance  à
interpréter comme des lacunes de traduction. Alors que l’adaptateur se présente comme
le  trait  d’union  entre  l’œuvre  et  le  public,  il  est  invisible  et  son  activité  créatrice  est
souvent  perçue  comme  subalterne.  Pour  preuve,  son  nom  ne  sera  connu  que  par  les
quelques  cinéphiles  qui  scrutent  l’écran  jusqu’à  la  dernière  ligne  du  générique,  au
désespoir des projectionnistes.

Rentabilité versus qualité
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19 Au  vu  de  toutes  les  contraintes  énumérées,  des  rémunérations  à  la  baisse,  des
conditions de travail précaires et de la dévalorisation constante du métier, on peut se
demander  quelles  sont  les  perspectives  d’avenir  pour  les  traducteurs  du  monde  de
l’image et comment préserver la qualité des sous­titres.
20 Même si une traduction parfaite n’existe pas et qu’aucun traducteur n’est infaillible,
en revanche, le sous­titrage parfait existe : c’est celui qui donne au public l’impression
d’avoir compris le film dans sa langue originale, grâce à la fluidité de l’adaptation. La
qualité d’un sous­titrage est conditionnée par des éléments aussi simples que logiques.
Son  créateur  doit  dans  un  premier  temps  disposer  de  bons  outils  (et  savoir  en  tirer
profit),  de  délais  corrects  lui  permettant  d’effectuer  les  recherches  nécessaires,  de
prendre un minimum de recul et de laisser libre cours à sa curiosité. Parfois confronté à
un  doute  terminologique,  le  traducteur  méticuleux  ira  consulter  un  spécialiste  du
domaine  en  question.  Or  cette  démarche  méthodologique  n’est  pas  toujours  possible
pour des questions de temps. Enfin, aussi évident que cela puisse paraître, “quatre yeux
voient mieux que deux”, c’est pourquoi la relecture devrait être une étape indispensable.
21 Cependant,  la  réalité  est  bien  loin  de  ces  conditions  idéales.  Le  statut  des
traducteurs­adaptateurs reste précaire ; la plupart sont des travailleurs indépendants.
Souvent  amenés  à  travailler  la  nuit,  les  week­ends,  à  rester  concentrés  des  heures
durant devant un ordinateur, ils réalisent un travail de fourmi qui sera sous­payé. De
fait,  peu  d’entre  eux  parviennent  à  se  consacrer  exclusivement  à  la  traduction
audiovisuelle  et  la  profession  se  retrouve  quelque  peu  désertée  par  des  gens
extrêmement  compétents  qui  cherchent  ailleurs  une  rémunération  plus  juste  et  un
minimum  de  reconnaissance.  Nombreux  sont  ceux  qui  envisagent  aujourd’hui  de  se
reconvertir, de faire du sous­titrage comme passe­temps ou comme activité secondaire.
22 Pour continuer d’exercer cette activité de façon sereine, le traducteur­adaptateur doit
tenter  de  contribuer  à  la  revalorisation  de  sa  profession  et  de  son  propre  travail.  Le
premier pas est de savoir refuser des projets “non rentables” et de privilégier les clients
misant avant tout sur la qualité, quitte à moins travailler. Pour cela, il doit faire valoir
son  expérience,  ses  compétences  particulières.  Car  la  traduction  audiovisuelle  permet
non  seulement  à  un  “produit”  de  traverser  les  frontières,  d’être  compris  et  apprécié  à
juste titre, mais elle lui procure une véritable valeur ajoutée, qui repose sur la créativité
du traducteur. C’est pourquoi une adaptation audiovisuelle doit être considérée comme
un  travail  de  création  intellectuelle  et  son  auteur  comme  un  artisan  au  savoir­faire
exceptionnel transmis par des “maîtres” expérimentés et exigeants.
23 Malgré l’existence d’associations qui tentent de fédérer les traducteurs­adaptateurs,
d’assurer des conditions de travail décentes, une rémunération correcte et une certaine
homogénéisation  du  sous­titrage,  le  secteur  n’est  régi  par  aucun  contrôle  de  qualité.
Bien  qu’on  observe  des  disparités  suivant  les  supports  et  les  pays,  ce  manque  de
réglementation menace sérieusement la profession, encourage les pratiques amateurs et
nuit à la qualité du sous­titrage. C’est pourquoi il est important de sensibiliser tous les
acteurs  du  monde  du  cinéma  pour  leur  fournir  les  outils  d’analyse  et  de  critique
constructive afin de continuer à défendre la qualité, le respect de l’œuvre et du public.

Notes
1  Contrairement  au  sous­titrage  intralinguistique,  qui  s’opère  au  sein  d’une  même  langue
(notamment pour les sourds et malentendants).
2 Argot qui s’est développé dans la banlieue de Medellín pour s’étendre à tout le pays.
3 Une note explicative qui figurerait sous le sous­titre.
4 Ici entendu comme le technicien qui projette les sous­titres.

Table des illustrations

URL http://cinelatino.revues.org/docannexe/image/503/img­1.jpg

https://cinelatino.revues.org/503 6/7
3/7/2016 L’adaptation pour le sous­titrage

Fichier image/jpeg, 193k

Pour citer cet article
Référence papier
Pascaline Rosnet, « L’adaptation pour le sous­titrage », Cinémas d’Amérique latine, 20 | 2012,
74­81.

Référence électronique
Pascaline Rosnet, « L’adaptation pour le sous­titrage », Cinémas d’Amérique latine [En ligne],
20 | 2012, mis en ligne le 17 avril 2014, consulté le 03 juillet 2016. URL :
http://cinelatino.revues.org/503

Auteur
Pascaline Rosnet
Titulaire d’une maîtrise de langues et littérature espagnoles et latino­américaines et d’un
master de traduction, elle se consacre depuis 2006 à l’adaptation audiovisuelle, tant pour le
cinéma que pour le DVD. Elle travaille également ponctuellement comme technicienne de
sous­titrage électronique sur des festivals pour le compte de FILA 13.

Droits d’auteur

Cinémas d’Amérique latine est mis à disposition selon les termes de la licence Creative
Commons Attribution ­ Pas d'Utilisation Commerciale ­ Pas de Modification 4.0 International.

https://cinelatino.revues.org/503 7/7

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