Objet d’étude 3 : La poésie de l’Antiquité au XXI ème siècle

Parcours associés : Alchimie poétique : la boue et l’or

Lecture linéaire 2 – « L’Horloge », Baudelaire

Section « Spleen et Idéal »

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit : « Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
4 Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon

Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
8 À chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote : Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : « Je suis Autrefois,
12 Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde ! »

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !

(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
16 Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente ; souviens-toi !
20 Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,

Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !),
24 Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !
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Parcours associés : Alchimie poétique : la boue et l’or

Lecture linéaire 2 – « L’Horloge », Baudelaire

Section « Spleen et Idéal »

& Introduction

Dans ce poème formé de six quatrains d’alexandrins, Baudelaire trace la biographie banale
d’un humain ordinaire en trois époques qui apparaissent comme les trois actes d’une
tragédie : la saison du plaisir ; la saison de la paresse, représentée par une vie dépensée à ne
rien produire ; la saison des regrets d’avoir oublié́ les valeurs. Par sa composition même, le
poème est une image du temps : six quatrains d’alexandrins aux rimes embrassées qui
rythment régulièrement le poème. Ces vingt-quatre vers correspondent ainsi aux vingt-quatre
heures d’une journée, le poème fonctionnant donc comme une mécanique d’horloge.

& Problématique : Comment dans ce dernier poème de la section « Spleen et Idéal » le

poète représente-t-il le Temps qui passe ?

& Mouvements :
- mouvement 1 : strophes 1 + 2 à Le Plaisir
- mouvement 2 : strophes 3 à 5 à La Paresse
- mouvement 3 : strophe 6 à les Regrets

& Conclusion
Dans ce dernier poème de la section « Spleen et Idéal », la tradition poétique du memento
mori, « Souviens-toi que tu vas mourir » en latin, ressurgit pour inciter le poète ainsi que le
lecteur à profiter de l’instant présent. Sous forme de longue prosopopée, le poète met en
scène la fuite du temps au travers du « gosier de métal », l’amenant à hurler l’importance de
la vie. En mettant en avant l’importance du temps pour ne pas passer à côté de sa vie,
Baudelaire met en lumière la dimension tragique du combat entre l’homme et le temps,
combat qui prend une dimension philosophique et universelle puisque « l’Horloge » ne
s’adresse pas seulement au poète mais à tous les hommes. Après ce poème, la section
« Tableaux Parisiens » correspond à une volonté de revenir au réel.