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LA LETTRE DE ZINGARO # 15
29zingaro@gmail.com – samedi 22 novembre 2014

EDITORIAL
Depuis notre retour à Juan Lacaze, nous n’avons pas navigué un mille, même pas un demi-mille.
Zingaro est resté tranquillement amarré à l’avant sur ses deux bouées et à l’arrière sur le quai. Par
contre nous avons fait des kilomètres à pied, nous avons pris le bus pour le nord de l’Argentine. En
touristes.
Mon professeur de français m’avait pourtant appris à l’école que l’introduction ne se faisait qu’à la
fin, après avoir terminé le devoir. La lettre de Zingaro étant rédigée par petits bouts, au fur et à
mesure de l’inspiration de l’un ou de l’autre, du temps nécessaire pour la rédaction, la saisie sur
l’ordinateur, la relecture, la correction, le sable s’est écoulé entre le début et la fin, et le début est
obsolète avant même le point final.
Depuis le premier paragraphe, nous avons repris la mer, nous attendons un vent favorable pour
poursuivre notre route vers le sud et nous profitons de ce moment pour terminer notre lettre, qui
est avant tout votre lettre.

Livre de bord – Bénédicte


Mercredi 19 novembre 2014

Nous sommes arrivés hier en début de nuit à Montevideo après une grande journée de navigation
sur le Rio de la Plata, ventée, très ensoleillée, très chaude (33°) et aujourd'hui, il pleut, il fait froid
(22°), le vent est passé au sud juste face à la route qui nous mènera à Mar Del Plata!

Voilà un mois que nous sommes revenus en Uruguay, le temps est passé très vite, entre la remise en
route du bateau, et notre voyage en Argentine.
Nous avons eu beaucoup de mal à nous « arracher » de Puerto Sauce (Juan Lacaze) où nous avons
apprécié (et c'est peu dire) l'extrême gentillesse de ses habitants.
El señor Pico vend des fruits et légumes, nous fait la bise au bout de 2 jours et veut absolument
apprendre quelques mots de français, Luisiana, la caissière de chez Ta-Ta s'enquiert toujours de
savoir si tout va bien, Luz et Margarita,les secrétaires du port, attentives, faisant tout pour nous
faciliter la vie, Sillo, le patron du bar El Pancho, le roi du cochon de lait « a las brasas » nous
chouchoute tous les dimanches midi.
Je pourrais continuer la liste de toutes ces petites joies quotidiennes qui ont fait de notre séjour à
Juan Lacaze un moment inoubliable.

Début novembre, les préparatifs ont bien avancé, et notre peinture n'étant toujours pas arrivée de
France, nous avons décidé de faire un peu de tourisme en Argentine.
D'abord une halte à Colonia del Sacramento à 1 heure de bus de Juan Lacaze.
C'est une ville au bord du Rio de La Plata fondée par les portugais au milieu du 17ème siècle, juste
en face de Buenos Aires où étaient installés.....les espagnols! S'en suivent des batailles innombrables
et à la fin du 18ème siècle, Colonia devient espagnole.
Face à Buenos Aires qui développe son commerce avec l'Europe, Colonia est vite oubliée dans son
coin et dans son « jus » pour notre plus grand bonheur aujourd'hui.
Le long des petites rues au pavage parfois d'origine, s'alignent de belles vieilles demeures aux
façades peintes de toutes les nuances d'ocre, aux patios croulant sous les bougainvilliers, hibiscus
et lauriers roses en fleurs.
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Bien sûr, nous avons visité les musées installés dans des vieilles maisons du 18ème, mais nous
avons surtout été ravis de nous perdre dans toutes ces petites rues et c'est encore mieux le matin
sans touristes, les boutiques et les bistrots ouvrent doucement, doucement leurs portes, tout
s'anime tranquillement. Superbe!

Puis, nous prenons le ferry pour Buenos Aires (1 heure de traversée), c'est un jour de grand vent
sur le Rio et dans la boutique duty free située au milieu du bateau, les bouteilles de whisky, de
champagne, de parfum se retrouvent en vrac sur le sol dans un grand bruit de verre mais pas de
casse!!!
La transition est rude, on arrive dans une très grande ville, ça circule et à première vue les
argentins n'ont pas l'air avare sur l'utilisation du klaxon!
Nous avions réservé un hôtel par internet et à l'adresse indiquée, aucune enseigne, aucune
mention. A tout hasard, on sonne à l'interphone et oui, c'est bien là.
Le réceptionniste vient nous ouvrir et on se retrouve dans une vieille maison du 19ème avec
escalier en bois et parquets cirés, toute rénovée, chaleureuse.
Nous sommes dans le quartier de San Telmo, où les premiers découvreurs s'étaient installés très
près du Rio de la Plata, et non loin de la célèbre Plaza de Mayo, là où se sont déroulés les principaux
évènements de l'histoire de Buenos Aires dont les plus récents sont les défilés des mères des
disparus pendant la dictature (on les appelait les « Folles de Mai », elles ont défilé pendant 25 ans
tous les jeudis après-midi), les manifestations des partisans de la guerre des Malouines, les
manifestations après des matchs de foot victorieux.
Aujourd'hui, il y a encore un campement occupé par les partisans de la guerre aux Malouines!
Cette place, c'est le cœur de la ville, là où se trouvent également le palais du gouvernement, un
ancien bâtiment de l'époque coloniale, bâtiment administratif jusqu'au 19ème transformé en
musée, la mairie, une cathédrale où se trouve le mausolée du général San Martin, le libérateur,
gardé par 2 plantons et là ça ne rigole pas du tout!
A Buenos Aires, nous avons beaucoup marché, visité les musées, fréquenté les très grands et beaux
bistrots anciens classés, été séduits par les très belles librairies, traîné au marché San Telmo, petit-
déjeuné, déjeuné à « Las Mazorcas » en écoutant « Je t'écris » chanté par Hélène et Jean François
(oui, ils sont passés par là avant nous).
A la « Confiteria Ideal », pâtisserie-confiserie-bar, il y a un espace réservé au milieu de la salle pour
les danseurs de tango.
Nous nous y sommes arrêtés en fin d'après-midi, des danseurs d'âge mûr habillés très chic
occupent cet espace et à partir de 18h, des jeunes femmes arrivent en tenue de ville avec un petit
sac à dos, s'installent à une table, disparaissent aux toilettes avec leur petit sac et reviennent
quelque temps plus tard, pomponnées, habillées d'une robe et chaussées de sandales à hauts talons.
Pour les hommes c'est plus simple mais ils ont ce même petit sac dans lequel se trouvent les
chaussures adéquates.
Tout ce petit monde s'installe et les femmes attendent que les hommes leur fassent signe, tout se
passe dans le regard, pas de geste superflu et la danse commence. Il y a du style, comme dirait notre
ami G. grand danseur breton devant l'Éternel ! Nous n'aurons malheureusement pas le temps de
prendre de cours.
Nous nous sommes assez rapidement sentis à l'aise dans cette ville mais il faudrait beaucoup plus
de temps, d'autant que les argentins rencontrés nous ont paru curieux, ont envie de parler même si
c'est pour râler contre leur vice-président mis en examen pour corruption, contre la dévaluation de
leur monnaie, contre Cristina (la présidente) qui ne fait rien, contre les lois qui ne sont pas
respectées.

Et enfin, après 18 heures de bus, nous avons rejoint Puerto Iguaçu pour aller voir les fameuses
Cataratas.
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C'est évidemment grandiose, 200 chutes sur un front de près de 3km, des milliers de mètres cubes
d'eau qui se déversent dans un grondement assourdissant.

Quelques heures de bus supplémentaires pour aller à San Ignacio, voir les ruines d'une des
Missions Jésuites fondée au début du 17ème siècle.
On était tout seul dans cette fin d'après-midi au milieu de ce qui avait été une « reduccion » où
vivaient 4500 personnes, indiens guaranis et pères jésuites, impression de sérénité au milieu de ces
pierres ocres, juste le chant de la multitude d'oiseaux colorés (pics, petits perroquets verts).
En 1549, les jésuites arrivent au Brésil pour évangéliser les Amérindiens asservis par les
conquistadors.
Suite à des révoltes indiennes au Paraguay et à l'opposition de l'Église au servage, un décret finit
par abolir le servage.
Puis, le supérieur général des Jésuites obtient du roi d'Espagne l'autorisation de créer un état
autonome dans la région du cours supérieur des fleuves Parana et Paraguay (régions aujourd'hui
en Argentine, au Brésil et Paraguay).
A partir de ce moment, les jésuites vont mettre sur pied les misiones ou reducciones.
Ce sont de sont de véritables villages construits suivant des plans en damier : une large place
bordée de maisons et ateliers sur trois côtés et sur le quatrième l'église, le cimetière et l'école.
A proximité se trouve aussi une prison.
Les jésuites soignent, enseignent, protègent les indiens contre les colons et mettent en place un
système d'échange, de partage et d'autogestion. Nous sommes fin 17ème début 18ème!!!!
Ces reducciones sont très prospères et l'État espagnol est très agacé par le pouvoir et
l'indépendance de ces territoires.
A la suite d'un changement de roi en Espagne, tout se termine très mal, les jésuites sont chassés de
partout, leur ordre est dissous par le pape, les indiens massacrés, déportés, les reducciones
finalement détruites.
Aujourd'hui, les guaranis que nous avons vus, vivent dans de misérables cases en bois non loin des
sites touristiques, mendient, font mendier leurs nombreux enfants. Pitoyable!

Et nous avons fait le chemin inverse (1100kms) dans un bus « super cama » : fauteuil très large,
inclinable presque en couchette, une hôtesse, un repas chaud et un petit-déjeuner avant l'arrivée à
Buenos Aires.
A l'attention d’E. : il faudrait peut-être en parler à C. pour le voyage de KKK aux Européades!!!Nous
avons finalement retrouvé Zingaro à Juan Lacaze et les bateaux copains qui, comme nous, sont en
préparatifs. Une grande nouvelle nous attendait : Zacharie, notre petit-fils tout neuf est arrivé à
Quimper le 7 novembre, il est beau !!!! On s’est bien sûr empressé d’arroser ça. Puis, un dernier
apéro de départ, un dernier repas de départ, une escapade à la campagne pour assister à une
jineteada, un...., une..., non, non, il faut vraiment qu'on y aille!

Chronique atlantique – Nicolas


Sudestada

Le Sudestada est une spécialité argentine. C’est un vent. « A la fois inconstants et réguliers, les vents
semblent obéir au caprice de quelque divinité qui les tient sous sa coupe. Ils sont toujours prêts à jaillir
de leurs demeures terrestres ou aériennes, situées le plus souvent aux extrémités de la terre… Les Vents
sont figés pour l’éternité dans leur fonction d’êtres souffleurs, les uns brutaux, les autres doux »
(Dictionnaire amoureux de la Mythologie – Jacques Lacarrière – p 534)

Le Sudestada se range dans la catégorie des êtres souffleurs brutaux.


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Il se réveille lorsque des Hautes Pressions se trouvent au-dessus de la Patagonie Centrale, au Sud
de Buenos Aires. Ces hautes pressions sont formées par des masses d’air froides maritimes et le
vent circule autour du centre des Hautes Pressions, dans le sens des aiguilles d’une montre.
Dans le même moment des Basses Pressions, caractérisées par de l’air chaud et humide, sont
centrées sur l’Ouest de l’Uruguay. Le vent y circule dans le sens contraire des aiguilles d’une
montre. Imaginez deux rouleaux tournant en sens inverse. Et le vent qui passe entre les deux
rouleaux, laminé, aplati, accéléré comme l’eau qui court sur les aubes du moulin.
Entre les Hautes Pressions du Sud et les Basses Pressions du Nord, il y a le Rio de la Plata. La
proximité des deux centres crée un vent violent de secteur Sud Est sur Buenos Aires et le Sud de
l’Uruguay, et compte tenu de la forte humidité et de la rencontre de masses d’air chaudes (celles du
Nord) et froides (celles du Sud) de très fortes précipitations et des orages.
Le dicton local résume la situation : « vent de l’est, pluie comme la peste »

La force du vent empêche les eaux du delta, résultat de la confluence du Rio Parana et du Rio
Uruguay, de s’écouler normalement. Et les pluies diluviennes viennent augmenter les masses d’eau
du delta. Le résultat est prévisible : des inondations dans tout le delta. Comme à Quimperlé quand
une grande marée, une tempête d’Ouest et de fortes pluies sur l’Isole et l’Ellé ont provoqué les
dernières grandes inondations de janvier 2014. Toutes proportions gardées bien sûr, car en
Argentine, la nature est violente.
L’eau monte de près de 4 mètres … (3m96 et 1993, 3m50 en octobre 2014) avec les conséquences
que l’on peut imaginer dans une zone fortement peuplée.
Le delta est aussi une région agricole. 140 000 veaux se sont noyés et les paysans ne peuvent
accéder à leurs exploitations, les 4x4 n’étant pas amphibies ! Alors, ils vont à cheval, constater les
dégâts car il n’y a rien à faire. Juste attendre que le vent et la pluie cessent et que l’eau reprenne son
cours normal.

En Argentine, il n’y a pas que la nature qui soit violente.

Les Guaranis sont des « indiens » de l’intérieur, dont les territoires recouvrent le nord-est de
l’Argentine, le sud-ouest du Brésil et le sud-est du Paraguay. En 1492 on estime qu’il y avait une
population de 1,5 à 2 millions de personnes, soit le double de la population du Portugal de l’époque.
En 2014 ils ne sont plus que 200 à 300 000. Ils vivent dans des conditions précaires.
Nous les avons croisés. Dans l’enceinte du parc argentin qui mène aux chutes d’Iguazu, ils sont
regroupés dans un local ouvert où ils vendent aux touristes des objets « artisanaux », des toucans
en bois, des arcs et des flèches, des tissus et des cuirs. A l’entrée de la mission jésuite de San Ignacio
Mini, ce sont des femmes qui vendent sur le trottoir des pousses d’orchidées sauvages. Des enfants
courent, pieds nus, vêtements déchirés. Ce n’est pas un spectacle et c’est triste. Pas de photos. La
misère. La patronne de l’hôtel n’a pas d’état d’âme. Les indiens ne font rien, sauf des enfants, ils ne
travaillent pas et quand on donne de l’argent à la femme, c’est l’homme qui va le boire. Les enfants
ne vont pas à l’école. Ils n’ont rien à manger et pour tromper la faim, ils boivent du maté. Mais
l’économie va mal, et s’il y a de l’inflation le prix du maté va augmenter. Alors …
Les guaranis, qui selon leur mythologie, étaient à la recherche de « la terre sans mal », sont, encore
aujourd’hui, expulsés de leurs terres ancestrales par des hommes de main au service de grands
propriétaires fonciers qui créent des exploitations de soja, de canne à sucre transformé en agro-
carburant, et au Brésil des fermes d’élevage.
A l’occasion de la dernière coupe du monde de football au Brésil, Coca Cola, sponsor officiel, a
utilisé dans une publicité la figure souriante d’un indien guarani alors qu’il s’approvisionne en
sucre auprès de Bunge, un géant de l’agroalimentaire américain, qui achète la canne à sucre
produite sur de terres spoliées aux guaranis. Ces derniers ont manifesté, mais rien n’est passé à la
télévision. Louis Dreyfus, société française bien connue, est propriétaire de 9 sites industriels dans
la région et n° 2 au Brésil pour la production de sucre et d’éthanol.
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Un leader charismatique guarani, Ambrosio Vihalva, a été assassiné l’année dernière.


Dans la cosmogonie guarani, Tupa, le dieu suprême, a créé les deux premiers humains, Rupave et
Sypave, qui ont eu fils, Marangatu, qui a eu une fille Kerana, qui s’est malheureusement éprise de
Tau, l’esprit du mal, dont elle a eu sept enfants. Six sont des monstres légendaires. Le septième est
Jasy Jaterei, le dieu de la sieste …

Vent de l’Est, pluie comme la peste.

Rubrique gastronomique
La cuisine ne connaît pas de frontières.

Deux argentins ont conquis Paris avec leurs


« empanadas chic »

L’histoire raconte que ces deux associés, un


ex photographe de mode et un ex chef de
Fast
Duck, se
sont
lancés
dans la

fabrication et la vente d’empanadas à Paris. Ils ont investi


170 000 €, sans l’appui des banques, et ils viennent de gagner
leurs premiers « deux millions d’euros ».
Ils ont ouvert 5 restaurants et une « roulotte ».

Ils veulent exporter leur savoir-faire sous forme de franchise en Russie, aux Etats Unis, en Hollande,
en Australie et en Grande Bretagne.

Pendant ce temps :

Un « maître crêpier » français s’installe à Buenos Aires.


La seule crêperie de Buenos Aires.
Nous ne savons pas si les crêpes sont au
blé noir et si elles sont bien kraz comme
chez nous.
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Par contre ce qui est vraiment très bon, ce sont les croissants aux amandes de Sarita !

que nous avons découvert au Marché San Telmo,


grâce à H et JF. Merci !

Météo

Je vous ai parlé du Sudestada


Nous avons connu une période très pluvieuse à Buenos Aires.
Il est tombé dans les trois premiers jours de novembre 120 mm d’eau, soit plus que la moyenne de
tout un mois de novembre (108 mm) et cela faisait suite à la journée record du 28 octobre avec 132
mm de pluie.

Mais tout est rentré dans l’ordre, le printemps est revenu. Juste un peu frais le matin.

Enfin, presque rentré dans l’ordre, car il a plu toute la journée hier avec un vent frais d’Est. Nos
projets de visite ont été annulés, et nous en avons profité pour terminer cette lettre. Ce matin, c’est
très couvert, le vent est passé au Sud, 18 ° dans le bateau, mais le soleil pointe le bout de son nez.
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Brèves de coursives

Buenos Aires

Argentina – Dominique Bona – Folio - page 51

« Une fois acquis les tampons des douanes et du bureau d’immigration, il partit à son tour d’un bon
pas sous l’averse. Des brumes mouvantes lui barraient l’horizon. Il alla au hasard des rues qui se
coupaient à angle droit, traversa des places où des palmiers paraissaient en exil, des artères
bordées de platanes qui rappelaient le Sud et dont les branches touchaient les premiers étages
d’immeubles aussi hauts gris et massifs que le ciel. Il se mêla aux porteños, adopta leur rapidité,
leur prestance. Les muscles de ses jambes engourdis par la vie à bord se dénouaient dans cet
exercice banal dont il avait perdu l’habitude, de marcher sans contraintes, sans rambarde, et sans
bout de pont, dans une ville. Buenos Aires était rectiligne, tracé au cordeau, mais Jean ne songeait
pas encore à en explorer la géographie. Il était libre et les trottoirs tanguaient comme si la ville
soulevait des vagues, comme s’il habitait encore le Massilia ou peut-être Roubaix, au temps des
bombardements de la guerre, quand le sol répercutait les secousses du front.
« Plus grand que Roubaix, bien plus grand… », se disait-il en admirant la largeur des rues. »

Hasard des rencontres

Nous sommes dans le Nord de l’Argentine, San Ignacio, à plus de 1 000 km de Buenos Aires. Dans ce
petit village, il n’y a qu’un seul but touristique : la visite des « missions juives » et en particulier
celle de San Ignacio Mini. Au petit déjeuner de l’hôtel LA TOSCANA, nous sommes trois. Notre
voisin nous entend parler français et nous engageons la conversation classique : Vous venez d’où ?
Vous allez où ? Vous faites quoi ? Notre voisin est français et il habite une partie de l’année à
Quimperlé, rue Brémond d’Ars, à 15 km de chez nous …

Nous sommes à Buenos Aires, dans l’hôtel-boutique Arribo. En Argentine un hôtel s’appelle
« boutique » s’il s’agit d’un petit hôtel de charme de moins de 10 chambres. Le jeune réceptionniste
parle français, ce qui est assez rare pour être souligné. Il est déjà venu en France. Il a un ami qui
habite en France … à Douarnenez et il a participé à l’organisation du Festival du Film ….
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Nous sommes à Buenos Aires, dans le quartier de San Telmo, rue Chile. Nous recherchons la Poesia,
un vieux bistro-restau fréquenté par les poètes et les artistes il y a une trentaine d’années, et par les
touristes aujourd’hui. Nous sommes abordés dans la rue par un américain qui nous interpelle avec
un air hagard : « Vous savez qu’Obama est mort ? Air Force One, l’avion du Président a explosé !
C’est certainement un attentat ! » Après quelques mots, interloqués et malgré tout inquiets, nous
continuons notre chemin et nous dinons à La Poesia. Les touristes présents sont calmes, les
portables ne sont pas en ébullition, rien ne laisse présager la catastrophe. Nous aurons la
confirmation le lendemain matin qu’il s’agissait d’un bobard, le sujet principal des informations
étant les inondations. La Poesia …

Nous sommes à Juan Lacaze, nous allons faire nos courses. Nous sommes abordés par un homme
souriant, cheveux longs et barbe blanche, qui nous demande s’il peut nous aider. Evidemment, à
Juan Lacaze nous sommes les seuls touristes, et nos sacs à dos ne passent pas inaperçus. Non, tout
va bien, muchas gracias ! Les présentations faites, il nous fait la bise, et nous explique qu’il est le
Père Noël de Juan Lacaze, qu’il monte tous les ans quelques jours avant Noël, un spectacle gratuit de
trois heures pour tous les enfants de la ville avec des jeux, des chansons, des jouets, des cadeaux …
Il y a même une Mère Noël ! Pour financer cette fête, il démarche les commerçants et nous montre
son cahier. Sacré Père Noël !

Calculette

En Uruguay, il est possible de payer en pesos uruguayens ou en dollars et de retirer les deux
devises avec une carte au distributeur de la banque. A condition de viser la bonne banque, car
certaines banques n’acceptent pas nos cartes. A Juan Lacaze, 17 000 habitants, il n’y a qu’une
banque et deux distributeurs de billets. Il vaut donc mieux avoir la bonne carte et bien choisir son
jour !
Chez Tata, notre supermarché, il est possible de payer avec la carte bancaire. Chez Poncho on ne
peut payer qu’en pesos. Au Restaurante del Lago (restaurant du Lac, une grande mare avec une
petite île, des canards et des oies), pas de carte bancaire, mais on peut payer en pesos ou en dollars.
La monnaie n’est pas rendue en dollars mais en pesos. On convertit les pesos en dollars, puis les
dollars en pesos. Pour le cours du change, on consulte le journal.

En Argentine, ça se complique. Le peso argentin a un cours différent du peso uruguayen. Et pour la


conversion des dollars en pesos argentins, il y a quatre cours : un cours officiel et trois autres cours
dont le « blue dollar » (le dollar bleu) qui s’échange dans la rue. Il est officiellement interdit, mais sa
cote figure dans les quotidiens ! Par exemple, le 4 novembre, le cours de change officiel était de 8,52
pesos argentins pour 1 US$. Alors que le « blue dollar » s’échangeait à 13,50 pesos argentins, soit
une différence de plus de 60 % ! Dans la rue Florida, la rue commerçante de Buenos Aires, nous
sommes interpelés par des jeunes gens : « cambio, cambio, cambio, cambio ». Nous choisissons une
jeune femme, et elle nous conduit vers un magasin de vêtements où le patron fait le change en
puisant dans son tiroir-caisse, après avoir discuté le prix : pour 100 US$ ce sera seulement 12 pesos
argentins pour 1 US$.
Suivant le cas, en Argentine on peut payer en espèces soit en pesos argentins, soit en dollars, ou
seulement en pesos argentins, ou avec la carte bancaire, mais pas partout, avec un coût
supplémentaire de 10 %. La plupart du temps, il n’y a pas de facture.

Dans le bateau qui fait la navette entre Colonia (Uruguay) et Buenos Aires (Argentine) il est
possible d’acheter des produits détaxés et de payer en pesos argentins, uruguayens, en dollars ou
avec la carte bancaire. Mais détaxés de quelles taxes ? La traversée dure une heure. A peine le
temps de sortir la calculette pour savoir s’il est avantageux d’acheter deux bouteilles d’un litre de
Jameson pour 49 dollars. Au fait, c’est combien chez nous ?
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Libertad

La Republica, le quotidien uruguayen de gauche, nous apprend dans son édition du 12 novembre
2014 que Pépé Mujica, le Président de la République, a inauguré le premier centre de soins installé
dans un centre pénitentiaire. Trois chambres d’hospitalisation, cinq cabinets de consultation dont
un de psychiatrie, une salle d’attente). Ce centre pénitentiaire regroupe 1 262 détenus et s’appelle
« Libertad » (Liberté). Le Président a dévoilé une plaque. Le centre de soins porte le nom d’Arturo
Dobra. Exercice banal pour un Président de la République, me direz-vous.

Sauf que pendant les années noires de la dictature, de 1973 à 1985, il s’agissait d’un centre de
détention et de torture qui était appelé La Isla (l’île). Arturo Dobra, ancien dirigeant des Tupamaros,
a été détenu et torturé dans cette prison où il a été détenu sous le numéro matricule 862 de 1972 à
1985.

Pépé Mujica a aussi été détenu pendant 13 ans, dont 9 ans de mise à l’isolement, 7 ans sans livres et
2 ans au fond d’un puits. Libération rapporte que pour survivre à un tel traitement Mujica a déclaré
à l’AFP qu’il « fallait être primitif dans le sens intelligent du terme, l’homme est un animal très
résistant ». Au bord de la folie, le salut est finalement venu de l’autorisation « de lire des ouvrages
scientifiques et d’écrire » (Libération 11 juillet 2014)

Sur le drapeau uruguayen à bandes horizontales rouge, blanc, bleu, il est écrit sur la bande blanche :
Libertad o Muerte (la liberté ou la mort)

Ephémérides
Nous avons pensé à vous tous les jours … mais en particulier :

- le 22 octobre pour la naissance d’Aelia


- le 25 octobre pour l’Oktober Flip, le fest noz, Chench’tu et le Collectif Nounitan
- le 30 octobre pour l’anniversaire de F
- le 6 novembre pour l’anniversaire de G
- le 13 novembre pour l’anniversaire de P

- et surtout le 7 novembre pour la naissance de Zacharie à 9h37 locales (Finistère). 3 kg 610


de plus sur la Terre, ça change tout !

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