Vous êtes sur la page 1sur 9

2010-2011

UE 112 – DROIT DES SOCIÉTÉS


Examen d’Essai : Semaine du Lundi 17 Janvier au Samedi 22 Janvier 2011

Durée de l’épreuve : 3 heures

Le corrigé comporte : 9 pages

CORRIGE
__________________________________________________________________________________________

Observation : Le respect de la méthodologie de la résolution des cas pratiques est indispensable pour réussir
l’épreuve de droit des sociétés des examens du DCG et du DGC. La notation tient compte du respect de cette
exigence. Dans le présent corrigé, les différentes étapes de cette méthodologie sont matérialisées par des
paragraphes distincts.

I – Cas SNC Crémerie du Vercors

Question n°1

A quelles conditions de fond et de forme la cession de parts sociales entre associés est-elle soumise ?

En droit, la cession de parts sociales d’une SNC est soumise au respect de conditions de fond et de
conditions de forme.

Au titre des conditions de fond, le Code de commerce pose une règle impérative : la validité de la cession de
toute part sociale est subordonnée à l’obtention d’un agrément de l’acquéreur, cet agrément devant être
donné à l’unanimité des associés. Toute clause contraire est réputée non-écrite.

S’agissant des conditions de forme, plusieurs obligations s’imposent.


D’une part, la cession doit impérativement être établie par écrit (acte authentique ou acte sous-seing privé).
D’autre part, cette cession doit être notifiée à la SNC, afin de lui être opposable. A cet effet, trois modalités
s’offrent au cédant :

- soit faire procéder à une notification par acte d’huissier,


- soit faire établir la cession de parts sociales par acte authentique notarié en y faisant intervenir le
gérant de la SNC afin qu’il prenne acte de cette cession,
- soit déposer au siège social de la SNC un exemplaire original de l’acte sous-seing privé de cession,
contre remise par le gérant d’une attestation de dépôt.
Enfin, pour rendre la cession opposable aux tiers, l’acte de cession doit, outre la notification à la société,
faire l’objet d’une publication au registre du commerce et des sociétés (RCS).

1
En l’espèce, une clause statutaire de la SNC Crémerie du Vercors prévoit que les cessions de parts sociales entre
associés sont libres. Or, cette clause contrevient à la règle légale impérative selon laquelle toute cession est
soumise à l’obtention de l’agrément du cessionnaire. Dès lors, nous devons considérer la clause de la SNC
Crémerie du Vercors comme réputée non écrite. Son irrégularité nous amène donc à en écarter l’application et à
retenir la règle légale de l’agrément obligatoire. Ainsi, Monsieur Janin et Mademoiselle Barbot ne pourront pas
réaliser la cession de parts sociales envisagée sans en informer les autres associés et sans obtenir leur accord.
Avant de procéder à cette cession de parts sociales, ils doivent notifier leur projet de cession à la SNC ainsi qu’à
chaque associé, afin qu’un vote des associés ait lieu pour statuer sur l’agrément de cette cession. Sans agrément
donné à l’unanimité des associés, la cession ne pourra pas valablement intervenir. Si l’agrément est obtenu à
l’unanimité, Mademoiselle Barbot et Monsieur Janin devront alors réaliser cette cession de parts sociales par
écrit (acte authentique ou acte sous-seing privé), puis en notifier l’existence à la société avant de la faire publier
au RCS.

Question n°2

Quelle est la conséquence pour la SNC de la perte de capacité commerciale affectant l’un de ses associés ?

En droit, tout associé de SNC doit avoir la capacité commerciale. Le Code de commerce prévoit que toute perte
de la capacité commerciale frappant l’un des associés entraîne la dissolution de la société, sauf si sa continuation
est prévue par une clause statutaire ou est décidée par les autres associés à l’unanimité.

En l’espèce, Mademoiselle Argant, associée de la SNC Crémerie du Vercors, est désormais inscrite à l’Ordre
des médecins. En tant que profession libérale réglementée, elle ne dispose donc plus de la capacité commerciale.
Dès lors, cette perte de la capacité commerciale entraîne en principe la dissolution de la SNC. Dans la mesure
où aucune clause statutaire ne semble envisager cette situation et prévoir la continuation de la société, seule une
décision émanant des autres associés à l’unanimité permet d’éviter la dissolution de la société. Ce n’est donc pas
le manque probable de disponibilité de Mademoiselle Argant qui est préjudiciable à la SNC, mais la perte de sa
capacité commerciale.

Question n°3

Un associé de SNC, au titre de son obligation aux dettes, peut-il voir sa responsabilité engagée par tous les actes
accomplis par le gérant de la société ?

En droit, la responsabilité pesant sur les associés d’une SNC est une responsabilité indéfinie et solidaire. Au titre
de son obligation aux dettes, l’associé est donc tenu de régler l’intégralité de la dette de la société, s’il est
sollicité par un créancier qui ne parvient pas à obtenir paiement de sa créance par la société. Avant de mettre en
œuvre l’obligation aux dettes des associés, les créanciers doivent d’abord mettre en demeure la SNC par acte
d’huissier. Si, à l’expiration d’un délai de huit jours, la mise en demeure se révèle infructueuse, les créanciers
peuvent alors solliciter les associés de leur choix.

Toutefois, cette obligation aux dettes ne concerne pas nécessairement tous les actes accomplis par le gérant de la
SNC ; elle ne concerne que les dettes strictement sociales, c’est-à-dire les dettes correspondant à des actes
entrant dans l’objet social et engageant ainsi la société à l’égard des tiers. Dès lors, si le caractère social d’une
dette est contesté (notamment parce qu’elle résulte d’un acte du gérant situé en dehors de l’objet social), le
principe de la responsabilité indéfinie et solidaire des associés ne trouve pas à s’appliquer.

Il convient de rappeler ici les règles définissant l’étendue des pouvoirs du gérant de SNC :

- D’une part, dans les relations du gérant avec les associés, c’est-à-dire dans l’ordre interne, le gérant peut
accomplir tous actes conformes à l’intérêt social, à moins qu’une clause statutaire vienne limiter
précisément ses pouvoirs ;
- D’autre part, dans les relations de la société avec les tiers, c’est-à-dire dans l’ordre externe, la société est
engagée uniquement par les actes du gérant entrant dans l’objet social. Les clauses statutaires limitatives

2
de pouvoirs sont inopposables aux tiers ; dès lors, la SNC est engagée à l’égard des tiers lorsque le gérant
a accompli un acte entrant dans l’objet social, même si cet acte lui était interdit par les statuts.

En l’espèce, la dette litigieuse résulte d’un acte accompli par la gérante de la SNC Crémerie du Vercors en
octobre 2010 : l’acquisition d’un voilier neuf. Aucune clause statutaire ne semble limiter les pouvoirs reconnus
par les associés à la gérante, Madame Charvolin. Nous devons donc en déduire que cette dernière peut, dans ses
rapports avec les associés, accomplir tous les actes conformes à l’intérêt social. Par ailleurs, nous savons qu’elle
ne peut engager la SNC que par des actes entrant dans l’objet social. Or, à l’évidence, l’acquisition d’un voilier
ne présente aucun lien avec l’activité de la SNC. Dès lors, cet acte n’engage pas la société car il se situe en
dehors de l’objet social. La dette en résultant ne peut donc pas être qualifiée de « dette sociale ». Par
conséquent, la responsabilité indéfinie et solidaire des associés n’est pas engagée par cette dette. Ni
Mademoiselle Barbot, ni aucun autre associé n’est donc tenu de payer le vendeur du voilier.

II – Cas SARL Chic&Graphic

Question n°1

La libération d’un apport en numéraire fait à une SARL peut-elle intervenir selon des modalités librement
déterminées par les associés ?

En droit, la libération des apports en numéraire faits à une SARL peut être progressive mais est strictement
encadrée par le Code de commerce. De plus, le dépôt des fonds correspondant aux apports en numéraire est
soumis à un régime juridique spécifique impliquant l’indisponibilité temporaire de ces fonds.
Le Code de commerce prévoit que les associés d’une SARL ne sont pas tenus de libérer intégralement leurs
apports en numéraire lors de la constitution de la société, mais seulement une fraction correspondant au moins à
1/5ème du montant de ces apports. Le solde de ces apports doit ensuite être libéré, au plus tard dans les cinq ans
suivant l’immatriculation de la société au RCS, en une ou en plusieurs fois, sur appel de fonds du gérant de la
SARL. Cette exigence légale d’une libération d’au moins 1/5ème du montant des apports en numéraire autorise
les statuts des SARL à être plus exigeants et à prévoir une fraction plus élevée.
Lors de la libération des apports en numéraire, les fonds correspondants doivent, dans les huit jours de leur
réception, être déposés pour le compte de la société en formation et par les personnes qui les ont reçus
(généralement le futur gérant), soit à la Caisse des Dépôts et Consignations, soit dans une banque, soit chez un
notaire. Les fonds ainsi déposés sont alors indisponibles jusqu’à l’immatriculation de la société au RCS. Le
retrait de ces fonds, et donc leur utilisation par la société, ne peut intervenir qu’après l’immatriculation.

En l’espèce, Loïc, un des futurs associés, réalise un apport en numéraire de 6 000 €. Il ne souhaite pas libérer
immédiatement l’intégralité de cet apport. Il se fonde alors sur une clause des statuts, qui exige que les apports
en numéraire soient libérés d’au moins 1/10ème de leur valeur immédiatement, lors de la constitution de la
société. Or, eu égard à la règle impérative définie par le Code de commerce pour la libération des apports en
numéraire, la libération de ces apports doit représenter au moins 1/5ème de leur valeur. Par conséquent, cette
clause statutaire n’est pas valable et doit être considérée comme réputée non écrite. Dès lors, Loïc doit
impérativement libérer des fonds représentant au moins 1/5ème de la valeur de l’apport souscrit, soit au moins
1 200 €.
Par ailleurs, cette libération partielle de son apport en numéraire ne pourra pas donner lieu à une utilisation
immédiate de ces fonds. En effet, suite à leur versement par Loïc, ces fonds devront être déposés, soit dans une
banque, soit chez un notaire, soit à la Caisse des Dépôts et Consignations. Ils seront alors indisponibles jusqu’à
l’immatriculation de la SARL au RCS, prévue pour le mois prochain. Ces fonds ne peuvent donc pas être
utilisés après-demain pour payer l’imprimeur.

Question n°2

Les associés d’une SARL peuvent-ils évaluer librement les apports en nature réalisés lors de la constitution de la
société ?

En droit, l’évaluation des apports en nature faits à une SARL est strictement encadrée par le Code de commerce.
Cette évaluation est indispensable pour chaque apport en nature et doit être mentionnée dans les statuts.
3
Le recours à un commissaire aux apports est, en principe, obligatoire. Désigné à l’unanimité des futurs associés
ou, à défaut d’unanimité, par ordonnance du président du tribunal de commerce, le commissaire aux apports
établit un rapport proposant une évaluation pour chaque apport en nature. Les propositions d’évaluation
contenues dans le rapport du commissaire aux apports ne s’imposent pas aux associés. Ces derniers déterminent
librement, au vu de ce rapport, la valeur de chaque apport en nature. S’ils retiennent une valeur supérieure à
celle proposée par le commissaire aux apports, ils seront responsables de cette valeur solidairement à l’égard des
tiers pendant cinq ans. Cette même responsabilité solidaire trouve à s’appliquer lorsque les apports en nature
n’ont pas fait l’objet d’une évaluation par un commissaire aux apports.
Une exception au principe existe. En effet, les associés peuvent décider de ne pas recourir à un commissaire aux
apports lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

- aucun apport en nature n’a une valeur supérieure à 7 500 €,


- la valeur totale des apports en nature non soumis à évaluation n’excède pas la moitié du capital social.

Lorsque ces deux conditions sont réunies, si les associés ne veulent pas recourir à un commissaire aux apports,
ils doivent le décider solennellement par un vote à l’unanimité.

En l’espèce, les quatre apports en nature ont été évalués par les associés sans que ceux-ci fassent appel à un
commissaire aux apports. Dans la mesure où chaque apport en nature est évalué à 1 000 € et que la somme de
ces apports en nature (4 000 €) est inférieure à la moitié du capital social (10 000 € / 2 = 5 000 €), les associés
pouvaient effectivement ne pas recourir à un commissaire aux apports. Toutefois, la réunion de ces deux
conditions ne suffit pas à les dispenser automatiquement de l’intervention obligatoire d’un commissaire aux
apports. Il faut encore que les associés le décident formellement, par un vote à l’unanimité dont la preuve écrite
doit pouvoir être apportée. Or, ils ne semblent pas avoir envisagé la question du commissaire aux apports lors de
leur discussion informelle ; a fortiori, ils n’ont donc pas décidé à l’unanimité de s’en passer. Par conséquent, à
défaut de vote unanime contraire, l’intervention d’un commissaire aux apports restait obligatoire dans le cas
présent. L’absence d’évaluation par un commissaire aux apports implique la responsabilité solidaire des associés
à l’égard des tiers pendant cinq ans, pour les valeurs retenues dans les statuts.

Question n°3

Dans quelle mesure une SARL peut-elle se trouver engagée par un acte accompli par un futur associé pendant sa
période de formation ?

Tant que l’immatriculation au RCS n’est pas intervenue, la société ne dispose pas de la personnalité morale. Dès
lors, elle ne peut accomplir aucun acte et seul un des futurs associés (voire un tiers) peut agir. Sur ce point, le
Code civil et le Code de commerce affirment le principe fondamental de la responsabilité personnelle de celui
qui a agi au nom d’une société en formation. Toutefois, les textes prévoient que la société peut, après son
immatriculation au RCS, reprendre l’engagement résultant de l’acte accompli en son nom et pour son compte
pendant sa période de formation.

Cette reprise des engagements, de nature rétroactive, peut intervenir selon trois modalités.

D’une part, après l’immatriculation, c’est-à-dire une fois qu’elle a acquis la personnalité morale, la société peut
décider de reprendre les actes antérieurs à cette immatriculation. Il s’agit alors d’une reprise facultative pour la
société. Cette reprise résulte d’une décision prise par les associés, à la majorité (sauf clause contraire).

D’autre part, des dispositions réglementaires complètent cette possibilité de reprise facultative par deux
modalités de reprise automatique qui trouvent à s’appliquer lorsque les actes ont été accomplis au nom et pour le
compte de la société en formation. Cette reprise automatique et rétroactive peut intervenir :

- Pour les actes antérieurs à la constitution de la société, c’est-à-dire à la signature des statuts, à condition
qu’un état des actes accomplis au nom et pour le compte de la société en formation (avec indication pour
chacun d’eux de l’engagement qui en résulterait pour la société) soit présenté aux associés avant la
signature des statuts et annexé aux statuts ;
- Pour les actes devant être accomplis entre la signature des statuts et l’immatriculation de la société,
lorsque les associés ont donné mandat, dans les statuts ou par acte séparé, à l’un ou plusieurs d’entre eux
de prendre des engagements au nom et pour le compte de la société, à condition toutefois que le mandat
4
ne soit pas général (les engagements doivent être déterminés et les modalités doivent être précisées). La
jurisprudence a même précisé récemment qu’un mandat spécial (c’est-à-dire précis) donné après la
réalisation de l’acte et avant l’immatriculation au RCS est valable. Si le mandat est général, la reprise
automatique ne peut pas intervenir : seront alors engagés le mandataire (l’auteur de l’acte), mais aussi
le(s) mandant(s) par application de la théorie générale sur le mandat.

En dehors de ces trois hypothèses, il n’existe pas d’autre mode de reprise des engagements par la société.

En l’espèce, les statuts de la future SARL sont déjà établis et signés, mais l’immatriculation au RCS n’est pas
encore intervenue. Anne-Lucie aimerait accomplir un acte au nom et pour le compte de la SARL en formation,
sans en supporter personnellement les conséquences financières. Ne disposant pas encore de la personnalité
morale, la société ne peut conclure ce contrat de bail. La seule possibilité pour Anne-Lucie est donc
effectivement de conclure ce contrat en son nom, ce qui engagera sa responsabilité personnelle. Toutefois,
Anne-Lucie pourra être libérée de cet engagement si la SARL est bien immatriculée au RCS par la suite. En
effet, dans ce cas, la reprise par la société de l’engagement résultant du contrat de bail conclu par Anne-Lucie
pourra intervenir et ce, de deux manières :

- soit par une décision expresse des associés prise à la majorité après l’immatriculation au RCS ; mais cette
solution, aléatoire par définition, ne permet pas d’effacer les craintes d’Anne-Lucie et n’est donc pas à
privilégier ;
- soit, de manière automatique, si Anne-Lucie a accompli cet acte dans le cadre d’un mandat spécial (c’est-
à-dire précis) lui ayant été donné par l’ensemble des quatre autres associés ; l’automaticité de la reprise
lors de l’immatriculation au RCS est de nature à rassurer Anne-Lucie ; c’est dons dans ce type de reprise
que sa démarche doit s’inscrire.

Pour bénéficier d’une reprise automatique lors de l’immatriculation de la société au RCS, Anne-Lucie doit
conclure le contrat de bail en vertu d’un mandat spécial que les autres associés doivent lui donner. Il est donc
urgent pour elle de contacter les quatre autres associés et d’obtenir d’eux un mandat écrit, détaillant précisément
les caractéristiques de l’acte à accomplir (surface minimum et emplacement souhaité du local, montant
maximum du loyer…). Une fois dotée de ce mandat spécial, elle pourra alors conclure le contrat de bail sans
crainte, mais en prenant toutefois la peine de préciser qu’elle conclut ce contrat au nom et pour le compte d’une
SARL en formation (sans cette précision, la reprise automatique ne pourrait pas intervenir). Il ne lui restera alors
plus qu’à attendre l’immatriculation de la société au RCS pour avoir la certitude d’être pleinement libérée de cet
engagement.
Remarque : nous écartons volontairement l’hypothèse d’une reprise automatique obtenue grâce à l’annexion
aux statuts d’un état détaillé de l’acte accompli car l’énoncé nous précise que les statuts sont déjà signés.

III – Cas SA VIPvoyages

Question n°1

Le problème juridique porte ici sur les règles encadrant la prise de décisions collectives au sein des SA et
revient à poser deux questions précises : Les actionnaires peuvent-ils adopter une décision non prévue par
l’ordre du jour ? Quelles sont les règles de quorum et de majorité s’appliquant aux décisions collectives dans les
SA ?

En droit, une assemblée générale ne peut délibérer que sur les questions figurant à l’ordre du jour de
l’assemblée. Cet ordre du jour est établi par l’organe qui convoque l’assemblée et peut être complété par des
projets de résolutions déposés par des actionnaires remplissant certaines conditions. L’assemblée générale des
actionnaires ne peut pas adopter une décision qui ne serait pas prévue par l’ordre du jour. Toutefois, le Code de
commerce prévoit une exception : une assemblée générale d’actionnaires peut valablement décider la révocation
d’un administrateur ou d’un membre du conseil de surveillance, et procéder immédiatement à leur
remplacement, même si cette question ne figure pas à l’ordre du jour.

Les conditions de quorum et de majorité applicables à la prise de décision varient selon la nature de cette
décision.

5
Pour les décisions collectives ordinaires, c’est-à-dire celles qui n’entraînent pas de modification des statuts,
l’assemblée des actionnaires ne peut valablement se tenir et délibérer sur première convocation que si les
actionnaires présents et les actionnaires représentés possèdent ensemble au moins 1/5ème des actions ayant le
droit de vote. Dans les SA dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts
peuvent imposer un quorum plus important. Sur seconde convocation, aucun quorum n’est exigé.
Lorsque le quorum est atteint, l’assemblée peut se tenir et les actionnaires peuvent délibérer ; les décisions sont
prises à la majorité des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés.

Pour les décisions collectives extraordinaires, c’est-à-dire celles qui impliquent une modification des statuts,
l’assemblée des actionnaires ne peut valablement se tenir et délibérer sur première convocation que si les
actionnaires présents et les actionnaires représentés possèdent au moins ¼ des actions ayant le droit de vote. Sur
seconde convocation, le quorum exigé est d’1/5ème des actions ayant le droit de vote. Dans les SA dont les
actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les statuts peuvent imposer des quorums plus
élevés.
Lorsque le quorum est atteint, l’assemblée peut se tenir et les décisions se prennent à la majorité des 2/3 des
voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés.

En l’espèce, l’assemblée générale devant se tenir aujourd’hui a un ordre du jour organisé en deux points :
l’approbation des comptes annuels et la modification de la durée de la société. Il doit donc s’agir d’une
assemblée générale mixte, c’est-à-dire au cours de laquelle des décisions collectives de nature différente doivent
être prises. En effet, l’approbation des comptes annuels constitue une décision collective ordinaire, alors que la
modification de la durée de la société est une décision collective extraordinaire. Dès lors, l’approbation des
comptes annuels nécessitera le respect des conditions de quorum et de majorité applicables aux décisions
collectives ordinaires, alors que la modification de la durée de la société supposera le respect des conditions
applicables aux décisions collectives extraordinaires. Outre ces deux résolutions, prévues de longue date par
l’ordre du jour, les actionnaires souhaitent décider la révocation d’un administrateur, Hervé. Bien que non
prévue à l’ordre du jour, cette décision peut être adoptée par les actionnaires lors de l’assemblée générale,
conformément à l’exception prévue par le Code de commerce. Cette troisième décision s’analyse comme une
décision collective ordinaire. Dans le cas présent, les actionnaires s’apprêtent donc à prendre trois décisions :
l’approbation des comptes annuels, la révocation d’un administrateur et la modification de la durée de la société.
Nous savons que quatorze actionnaires sont présents et que deux sont représentés. Les seize votes exprimés
représenteront 1 650 voix. Il s’agit de la première convocation de cette assemblée. Le quorum est donc atteint
pour les deux décisions collectives ordinaires que sont l’approbation des comptes et la révocation d’un
administrateur (sur première convocation, le quorum requis est d’1/5ème ; 1/5ème de 7 500 droits de vote = 1 500
droits de vote). En revanche, le quorum exigé pour la modification de la durée de la société n’est pas atteint (sur
première convocation, s’agissant d’une décision collective extraordinaire, le quorum requis est d’1/4 ; ¼ de
7 500 droits de vote = 1 875 droits de vote). Par conséquent, les actionnaires ne pourront pas statuer sur la
décision de modifier la durée de la société.

Question n°2

En cas de démembrement de la propriété d’une action, le droit de vote correspondant revient-il à l’usufruitier ou
au nu-propriétaire ?

Le Code de commerce envisage la question de l’exercice du droit de vote attaché à une action dont la propriété
est démembrée et prévoit, en la matière, une règle supplétive de volonté spécifique aux sociétés anonymes : le
droit de vote appartient à l’usufruitier pour toutes les décisions collectives ordinaires, et au nu-propriétaire pour
toutes les décisions collectives extraordinaires. Toutefois, les statuts peuvent aménager cette règle et prévoir une
autre répartition du droit de vote.

En l’espèce, une clause statutaire organise la répartition du droit de vote attaché à une action dont la propriété
est démembrée. Cette clause attribue le droit de vote à l’usufruitier uniquement pour les décisions d’approbation
des comptes, et au nu-propriétaire pour toutes les autres décisions. Cette clause est donc parfaitement valable
dans la mesure où elle s’inscrit dans la liberté statutaire admise par le Code de commerce. Par conséquent,
Yazid et sa mère ont raison de vouloir se présenter tous les deux à l’assemblée générale d’aujourd’hui. En effet,
dans la mesure où cette assemblée est mixte car devant se prononcer à la fois sur des décisions collectives
ordinaires et extraordinaires, chacun a vocation à voter : Yazid sur la révocation de l’administrateur et sur la
modification de la durée de la société et sa mère sur l’approbation des comptes. Toutefois, le quorum requis
6
pour les décisions collectives extraordinaires n’étant pas atteint (voir question n°1), Yazid ne votera finalement
que sur une seule décision : la révocation de l’administrateur.

Question n°3

Un actionnaire peut-il emprunter une somme d’argent à la société anonyme ?

En droit, les conventions conclues entre la SA et l’un de ses dirigeants, l’un de ses administrateurs ou l’un de
ses actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote font l’objet d’une règlementation stricte fondée sur une
classification tripartite : conventions interdites, conventions libres et conventions réglementées.
Constituent des conventions interdites les emprunts, découverts et garanties (destinées à garantir des
engagements personnels à l’égard de tiers) accordés par la SA à l’un de ses administrateurs personnes
physiques, à son directeur général, à l’un de ses directeurs généraux délégués, ou à un représentant permanent
d’un administrateur personne morale. Cette interdiction s’étend également aux conjoint, ascendants et
descendants de toutes ces personnes, ainsi qu’à toute personne interposée. Dès lors, un emprunt accordé par la
SA à un actionnaire qui n’assure aucune fonction de direction ou d’administration (et qui n’est ni le conjoint, ni
un ascendant, ni un descendant d’un administrateur ou d’un dirigeant, ni un représentant permanent d’un
administrateur personne morale) ne constitue pas une convention interdite.
La notion de convention libre fait référence aux conventions conclues entre la SA et l’un de ses administrateurs,
l’un de ses dirigeants ou l’un de ses actionnaires détenant plus de 10 % des droit de vote, et qui portent sur une
opération courante pour la société conclue à des conditions normales. Ces conventions libres ne sont pas
soumises à une quelconque procédure d’autorisation et de contrôle. Toutefois, si elles s’avèrent représenter des
engagements significatifs pour l’une des parties au moins, elles devront être révélées au président du conseil
d’administration qui se chargera de les communiquer aux administrateurs et au commissaire aux comptes.
Lorsqu’une convention conclue entre la SA et un de ses administrateurs ou un de ses dirigeants n’est ni une
convention interdite, ni une convention libre, elle doit être qualifiée de convention réglementée et être soumise à
une procédure de double contrôle. De la même manière, lorsqu’une convention conclue entre la SA et un de ses
actionnaires détenant plus de 10 % des droits de vote n’est pas une convention libre, elle doit être qualifiée de
convention réglementée et être soumise à la procédure de double contrôle.
La procédure applicable aux conventions réglementées implique un contrôle a priori ainsi qu’un contrôle a
posteriori de la convention. Dans un premier temps, l’actionnaire concerné (ou l’administrateur, ou le dirigeant,
selon le cas) doit informer le conseil d’administration de son projet de convention réglementée et lui demander
l’autorisation de la conclure. Si le conseil d’administration n’approuve pas le projet de convention, celle-ci ne
pourra pas être conclue. Dans un deuxième temps, si l’autorisation a été délivrée par le conseil d’administration,
l’actionnaire concerné (ou l’administrateur, ou le dirigeant, selon le cas) conclut la convention avec la SA. Dans
un troisième temps, le président du conseil d’administration doit informer le commissaire aux comptes de la
société dans le mois suivant la conclusion de cette convention, afin que ce commissaire puisse établir un rapport
spécial destiné à informer les actionnaires de l’existence de cette convention. Enfin, lors de l’assemblée générale
suivante, les actionnaires statuent sur la convention réglementée afin de l’approuver ou de la désapprouver, étant
précisé que l’actionnaire intéressé ne participe pas au vote (ses actions ne sont donc pas prises en compte pour le
calcul du quorum et de la majorité).

En l’espèce, Elise est actionnaire de la SA VIPvoyages dont elle détient 12 % du capital social. Elle n’est ni
administrateur, ni dirigeant de la SA. De plus, elle ne semble pas être représentant permanent d’un
administrateur personne morale, ni conjoint, ascendant ou descendant d’un administrateur ou d’un dirigeant. Il
ne semble pas non plus qu’elle soit une personne interposée, dans la mesure où elle est bien le bénéficiaire final
de l’emprunt. Par conséquent, le prêt que lui accorde la SA VIPvoyages ne peut pas être analysé comme étant
une convention interdite. De plus, eu égard à l’activité et à l’objet social de cette société, l’emprunt ne peut pas
constituer une opération courante pour cette société ; dès lors, il ne peut s’agir d’une convention libre. Par
conséquent, ce contrat de prêt doit être analysé comme constituant une convention réglementée. Elise ne peut
donc pas se contenter d’un simple accord verbal des actionnaires. Ce contrat doit être soumis à un double
contrôle, a priori et a posteriori. Elise doit, dans un premier temps, informer Damien, le président du conseil
d’administration, de son projet d’emprunt et solliciter l’autorisation préalable du conseil d’administration. Une
fois cette autorisation préalable obtenue, elle pourra signer le contrat de prêt avec la SA (représentée par Arthur,
le directeur général). Dans le mois suivant la conclusion de ce contrat, le président du conseil d’administration
(Damien) en informera le commissaire aux comptes afin que celui-ci établisse un rapport spécial présentant aux
actionnaires les caractéristiques de ce contrat de prêt. Enfin, lors de l’assemblée suivante, les dix-neuf
actionnaires statueront sur ce contrat pour l’approuver ou le désapprouver (Elise ne participera pas au vote et ses
actions ne seront pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité).
7
Question n° 4

Le problème juridique porte ici sur le thème du remplacement d’un administrateur décédé et revient à poser
deux questions précises : Le remplacement d’un administrateur décédé est-il obligatoire ? Quelles sont les
conditions à satisfaire pour pouvoir être désigné administrateur d’une SA ?

En principe, les administrateurs d’une SA sont désignés par les actionnaires réunis en assemblée générale
ordinaire. Toutefois, en cas de vacance par décès ou par démission d’un siège d’administrateur, le conseil
d’administration peut (ou doit, selon le cas) procéder à une cooptation : il désigne lui-même, à titre provisoire,
un nouvel administrateur dont la nomination devra ensuite être approuvée par la prochaine assemblée générale
ordinaire. Le Code de commerce envisage trois hypothèses en cas de décès ou de démission d’un
administrateur :

- Lorsque le nombre des administrateurs devient inférieur au minimum légal (3), la cooptation est
interdite ; les deux administrateurs restants doivent impérativement convoquer immédiatement
l’assemblée générale ordinaire afin que celle-ci complète l’effectif du conseil d’administration ;
- Lorsque le nombre des administrateurs devient inférieur au minimum statutaire mais sans être inférieur au
minimum légal, la cooptation est obligatoire : le conseil d’administration est tenu de procéder à des
nominations à titre provisoire afin de compléter son effectif et ce, dans le délai de trois mois à compter du
jour où est intervenue la vacance ;
- Lorsque le nombre des administrateurs diminue tout en restant égal ou supérieur au minimum statutaire,
la cooptation est facultative.

La cooptation d’un administrateur est toujours effectuée à titre provisoire. Elle doit être ensuite soumise à la
ratification de la plus prochaine assemblée générale ordinaire. À défaut de ratification par les actionnaires, la
nomination de l’administrateur coopté est annulée mais les délibérations prises et les actes accomplis
antérieurement par le conseil d’administration restent valables.
Lorsque la cooptation est obligatoire et que le conseil d’administration ne procède pas à une nomination
provisoire dans un délai de trois mois à compter de la vacance, tout intéressé peut demander en justice (auprès
du président du tribunal de commerce) la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée
générale des actionnaires pour qu’elle procède à la nomination du nouvel administrateur.

Par ailleurs, le Code de commerce énonce des conditions à respecter pour devenir administrateur d’une société,
qu’il s’agisse d’une cooptation ou d’une nomination par la voie classique (désignation par l’assemblée
générale).
Le Code de commerce contient une règle supplétive de volonté fixant une limite d’âge : sauf clause statutaire
contraire, le nombre des administrateurs ayant dépassé l’âge de soixante-dix ans ne peut pas être supérieur au
tiers des administrateurs en fonctions.
De plus, le Code de commerce n’impose plus aux administrateurs d’être actionnaires de la société mais il
prévoit que les statuts des SA peuvent valablement contenir cette exigence et imposer que chaque administrateur
soit propriétaire d’un nombre déterminé d’actions. Lorsque cette exigence de la qualité d’actionnaire est prévue
statutairement, les personnes titulaires de l’usufruit d’actions de la société ne peuvent pas devenir
administrateurs de cette société, la qualité d’associé ou d’actionnaire n’étant pas reconnue aux usufruitiers.
Par ailleurs, le Code de commerce encadre le cumul des mandats d’administrateurs et de dirigeants de sociétés
anonymes. Il prévoit qu’une personne physique ne peut pas exercer simultanément plus de cinq mandats
d’administrateurs dans des sociétés anonymes ayant leur siège social en France. De plus, cette limitation à cinq
mandats dans des sociétés anonymes englobe également les fonctions de directeur général, de directeur général
unique, de membre du conseil de surveillance ou du directoire. En revanche, cette limitation ne s’étend pas aux
mandats de gérants des SNC, SCS, SCA et SARL.
Enfin, il convient de souligner que le Code de commerce encadre le cumul d’un mandat d’administrateur et d’un
contrat de travail dans la même société anonyme. Si un administrateur ne peut pas conclure un contrat de travail
avec sa société, l’inverse est possible : un salarié d’une société anonyme peut être désigné administrateur de
cette société tout en conservant le bénéfice de son contrat de travail, à la double condition que le contrat de
travail corresponde à un emploi effectif et que le nombre des administrateurs liés à la société par un contrat de
travail ne dépasse pas le tiers des administrateurs en fonction.

8
En l’espèce, une clause des statuts de la SA VIPvoyages fixe le nombre minimum d’administrateurs à cinq.
Cette clause est parfaitement valable, le nombre des administrateurs devant se situer entre trois et dix-huit.
Pendant longtemps, le conseil d’administration de la SA VIPvoyages comptait six administrateurs. Hervé a
récemment démissionné, sans être remplacé, faisant ainsi chuter le nombre d’administrateurs à cinq, le
minimum statutaire. En raison du décès récent et brutal de deux administrateurs, le nombre de membres du
conseil d’administration de la SA VIPvoyages passe de cinq à trois. Il devient donc inférieur au minimum
statutaire, tout en restant égal au minimum légal. La cooptation de deux nouveaux administrateurs est donc
obligatoire, conformément aux règles du Code de commerce : le conseil d’administration dispose de trois mois à
compter du décès pour désigner, à titre temporaire, deux nouveaux membres dont la nomination devra être
ensuite entérinée par la prochaine assemblée générale ordinaire.
Deux personnes ont manifesté leur souhait de devenir administrateur : la mère de Yazid et Isabelle. Il convient
donc de déterminer si elles respectent les conditions requises pour être désignées à cette fonction.
Les statuts de la SA VIPvoyages contiennent, comme l’autorise le Code de commerce, une clause déterminant
une limite d’âge spécifique, différente de la règle légale : soixante-dix-neuf ans au plus. Cette condition ne pose
aucun problème, la mère de Yazid et Isabelle étant respectivement âgées de quarante-deux et soixante-six ans.
Les statuts de la SA contiennent également une exigence supplémentaire, qui est parfaitement valable dans la
mesure où elle s’inscrit dans la liberté statutaire définie par le Code de commerce : chaque administrateur doit
avoir la qualité d’actionnaire et détenir au moins vingt actions de la société. Or, l’usufruitier n’étant pas
considéré comme un actionnaire, nous pouvons constater que la mère de Yazid ne respecte cette exigence
statutaire et ne peut donc pas devenir administrateur de la SA.
Isabelle, quant à elle, est pleinement propriétaire de cinquante actions et respecte donc cette exigence.
Toutefois, la candidature d’Isabelle devra finalement être écartée, car elle atteint déjà la limite fixée par le Code
de commerce concernant le cumul des mandats d’administrateurs et de dirigeants de sociétés anonymes : elle est
membre de trois conseils d’administration (deux mandats d’administrateur et un mandat de président) et
directeur général de deux sociétés anonymes. Ayant déjà atteint la limite de cinq mandats, elle ne pourra pas être
désignée administrateur de la SA VIPvoyages.
Aucune de ces deux candidates ne peut donc espérer devenir administrateur de la SA.

* *

Vous aimerez peut-être aussi