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UE

Droit social 113

2019
2020

Corrigé du devoir 3

Auteur : Denis Sibony

EXERCICE 1 CAS PRATIQUES (12 POINTS)


Cas n° 1 (4 points)

Résumé des faits


Une entreprise de 223  salariés a enregistré une baisse de son activité sur un mois. Son
employeur vous demande s’il peut engager une procédure de licenciement économique.

Problème juridique
À quelles conditions un employeur peut-il licencier pour motif économique ?

Règle de droit
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En droit, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un


employeur pour une ou plusieurs cause(s) non inhérentes à la personne du salarié résultant
d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié,
d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés éco-
nomiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à
la sauvegarde de sa compétitivité ou à la cessation d’activité de l’entreprise.
La suppression ou transformation d’emploi, la modification, refusée par le salarié, d’un élé-
ment essentiel de son contrat de travail doivent être consécutives, notamment, à des diffi-
cultés économiques. Celles-ci sont caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins
un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des
pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploita-
tion, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la
durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au
moins égale à :
∙ 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
∙ 2  trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11  salariés et de moins de
50 salariés ;

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∙∙3 300 salariés ;
trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50  salariés et de moins de

∙∙4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.


La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un
élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Application
En l’espèce, la baisse des ventes n’a eu lieu que sur un mois. L’entreprise comportant
223  salariés, il conviendrait d’attendre 3  trimestres consécutifs avant de pouvoir engager
une procédure de licenciement économique.

Cas n° 2 (4 points)

Résumé des faits


Un salarié qui n’a pas perçu son salaire depuis 2 mois a quitté son entreprise en signifiant par
écrit à son employeur qu’il prenait acte de la rupture de son contrat par ce dernier. L’em-
ployeur lui ayant répondu qu’il le considérait comme démissionnaire, le salarié se demande
si sa demande de réparation au conseil de prud’hommes a des chances d’aboutir.

Problème juridique
Qu’est-ce qu’une prise d’acte ?

Règle de droit
En droit, la rupture du contrat de travail par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son
employeur constitue une prise d’acte de la rupture du contrat.
Ce mode de rupture produit les effets :

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∙∙ soit d’un licenciement injustifié ;
∙∙ soit, dans le cas contraire, d’une démission.

La prise d’acte peut être envisagée lorsque le salarié reproche à l’employeur des manque-
ments suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Elle peut être
justifiée, par exemple, dans les cas suivants :
∙∙ discrimination ou harcèlement commis par l’employeur ;
∙∙ non-paiement de tout ou partie du salaire ;
∙∙ modification du contrat de travail sans l’accord du salarié ;
∙∙ défaut d’organisation des visites médicales obligatoires (sauf si l’absence de visite
médicale est due à une simple négligence de l’employeur).

Aucun formalisme n’est imposé au salarié. Toutefois, il importe pour le salarié de prévenir
l’employeur par un courrier écrit listant les reproches faits à l’employeur et justifiant la prise
d’acte.
La prise d’acte entraîne la cessation immédiate du contrat de travail. Le salarié n’est pas tenu
d’effectuer un préavis.

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Le salarié saisit le conseil de prud’hommes pour obtenir réparation des reproches à l’origine
de la prise d’acte. L’affaire est alors directement portée devant le bureau du jugement, qui
statue dans un délai d’un mois suivant sa saisine.
Le juge décide :
∙∙ soit que la prise d’acte est justifiée par des manquements suffisamment graves pour
empêcher la poursuite du contrat de travail. La prise d’acte produit alors les effets d’un
licenciement injustifié. Dans ce cas, l’employeur verse au salarié les indemnités de
licenciement, l’indemnité compensatrice de congés payés et de préavis, l’indemnité pour
licenciement injustifié ;
∙∙ soit que ces manquements ne sont pas suffisamment graves pour justifier la prise d’acte,
auquel cas elle produit les effets d’une démission et le salarié verse à l’employeur une
indemnité compensatrice de préavis.

Application
En l’espèce, M. Braque n’a pas perçu son salaire depuis 2 mois. Il a écrit à son employeur
pour lui signifier qu’il prenait acte de la rupture du contrat par celui-ci. S’il saisit le conseil de
prud’hommes, le juge considérera certainement que la prise d’acte est justifiée et cela pro-
duira les effets d’un licenciement injustifié.

Cas n° 3 (4 points)

Résumé des faits


Un délégué syndical a utilisé son crédit d’heures en dehors de son horaire de travail et en
réclame le paiement en heures supplémentaires. L’employeur refuse.

Problème juridique
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Comment sont payées les heures de délégation ?

Règle de droit
En droit, les représentants du personnel et des syndicats dans l’entreprise disposent, sous
certaines conditions, d’un crédit d’heures, dites « heures de délégation », leur permettant
d’exercer leur mission.
Sauf accord plus favorable passé avec l’employeur, les délégués syndicaux bénéficient de
(art. L. 2143‑13 du Code du travail) :
∙∙ 12 heures par mois dans les entreprises employant de 50 à 150 salariés ;
∙∙ 18 heures par mois dans les entreprises de 151 à 499 salariés ;
∙∙ 24 heures par mois dans les entreprises d’au moins 500 salariés.

Ce temps peut être dépassé en cas de circonstances exceptionnelles.


Les heures prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, doivent
être payées en heures supplémentaires (Cass. soc., 17 nov. 2004, n° 01‑40576 D ; Cass. soc.,
12 fév. 1991, n° 88‑42353, BC V n° 67). L’employeur peut contester l’usage fait des heures de
délégation, mais seulement après paiement, en saisissant la juridiction compétente d’une
demande en remboursement.

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Application
En l’espèce, l’employeur devra payer les heures de délégation en heures supplémentaires. En
cas de contestation, il pourra ensuite saisir la juridiction compétente.

EXERCICE 2 ANALYSE DE DOCUMENT (4 POINTS)


Il s’agit d’une lettre de convocation à un entretien disciplinaire.

Problème juridique
Quelles sont les conditions de validité d’une convocation à un entretien disciplinaire ?

Règle de droit
En droit, avant de sanctionner un salarié, l’employeur doit le convoquer par écrit à un entre-
tien disciplinaire. La lettre doit obligatoirement être adressée en recommandé avec AR (ou
remise en main propre). Elle doit comporter l’objet, la sanction envisagée, la date, l’heure, le
lieu de l’entretien ainsi que la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne
de son choix dans l’entreprise ou bien par un conseiller du salarié en l’absence de représen-
tants du personnel dans l’entreprise. La date d’entretien doit respecter un délai de 5 jours
ouvrables à partir de la date de présentation de la lettre.

Application
En l’espèce, la convocation n’est pas valable.
Le délai de 5 jours ouvrables à partir de la première présentation de la convocation n’est pas
respecté. Il faut reporter la date de l’entretien.
La mention relative à l’assistance du salarié n’est pas indiquée. La convocation doit préciser
que le salarié a le droit de se faire assister.

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EXERCICE 3 COMMENTAIRE D’ARRÊT (4 POINTS)
Faits
Une salariée, engagée en qualité de femme toutes mains à temps complet, a été embauchée
le 1er août 2008 par M. Y…, exploitant un fonds de commerce de bar, meublé et restauration
rapide. Son contrat a été rompu le 3 avril 2009, en vertu d’un document signé des deux par-
ties. Elle a saisi la juridiction prud’homale pour faire juger que cette rupture s’analysait en
un licenciement injustifié et demander le paiement de diverses sommes dues au titre de sa
rémunération et d’indemnités.

Procédures
En première instance, la salariée (demandeur) assigne son employeur (défendeur) au conseil
de prud’hommes. La décision est inconnue.
Un appel est interjeté. La cour d’appel rend un arrêt en faveur de la salariée le 30 juin 2011.
L’employeur se pourvoit en cassation.

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Demandes et arguments
Pour la cour d’appel, la signature, le 3 avril 2009, par les deux parties, d’un document ayant
pour objet de mettre un terme d’un commun accord au contrat de travail ne pouvait pro-
duire les effets d’une rupture amiable en raison du non-respect des exigences définies par
les articles L. 1237‑12 à L. 1237-14 du Code du travail. Cette rupture s’analysait par consé-
quent en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour l’employeur, le contrat de travail peut prendre fin par rupture amiable d’un commun
accord entre les parties sans que le respect du formalisme institué par les articles L. 1237-11
et s. du Code du travail ne constitue une condition de validité dès lors que les parties n’expri-
ment pas leur volonté de se soumettre au régime de la rupture conventionnelle. Par ailleurs,
la remise en cause d’un accord amiable de rupture du contrat de travail est subordonnée à la
constatation que le consentement du salarié a été vicié par dol, erreur ou violence, ce qui n’a
pas été vérifié.

Problème de droit
Une rupture amiable du contrat de travail d’un commun accord entre les parties, en dehors
du cadre légal de la rupture conventionnelle, est-elle valable ?

Réponse en droit
Pour le juge de cassation, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut
intervenir que dans les conditions prévues par l’article L. 1237-11 relatif à la rupture conven-
tionnelle.

Réponse en l’espèce
Le juge de cassation rejette le pourvoi. La rupture du contrat de travail de la salariée et le
document signé d’un commun accord entre les parties ne satisfont pas aux exigences de
l’article L. 1237-11 du Code du travail. Cette rupture doit par conséquent s’analyser en un
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licenciement sans cause réelle et sérieuse.

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