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Phi losophie
Marc Halévy
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EYROLLES PRATIQUE
Philosophie
CITATIONS DE SPINOZA ~
EXPLIQUEES
Accessible, précis et complet, ce livre propose 100 citations extraites
de l'œuvre de Baruch Spinoza. Organisées par thèmes, elles abordent
successivement la joie, Dieu, le désir, la liberté ... Pour chacune, vous
trouverez:
> le contexte de sa rédaction ;
> ses différentes interprétations;
> l'actualité de son message.
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Marc Halévy
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DE SPINOZA
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EYROLLES
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Éditions Eyrolles
61, bd Saint-Germain
75240 Paris Cedex 05
www.editions-eyrolles.com
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ê;: En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiel-
8 lement le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l'éditeur ou du
Centre français d'exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
© Groupe Eyrolles, 2016
ISBN: 978-2-212-56365- 8
SOMMAIRE
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Partie 10 Les affects ...•............................. 127
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w Partie 11 La vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
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u V1 Index des notions . ........................................ 145
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w Index des noms de personnes ............................. 147
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~ Glossaire ................................................ 149
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«Il est certain qu'à la base de tout travail scientifique un peu
délicat se trouve la conviction, analogue au sentiment religieux,
que le monde estfondé sur la raison et peut être compris. [ .. }
Cette conviction est liée au sentiment profond de l'existence
d'un esprit supérieur qui se manifeste dans le monde et dont
l'expérience constitue pour moi l'idée de Dieu; en langage
courant on peut l'appeler "panthéisme" (Spinoza). »
Albert Einstein, Comment Je vois le monde
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INTRODUCTION
L'HOMME, L'ŒUVRE
,
ET LES IDEES
L'homme ...
En 1650, Spinoza a dix-huit ans. Il est à la charnière entre judaïsme
orthodoxe et libre-pensée. Il connaît les textes hébreux et découvre
les écrits grecs et latins. Il sent confusément que son judaïsme de la
lettre (le judaïsme talmudique et halakhique de la « loi » tatillonne
et omniprésente) n'est que l'apparence d'un message bien plus vaste,
bien plus profond: celui du kabbalisme mystique et naturaliste. Il ne
croit déjà plus en 1'essence révélée de la Torat Moshé (les cinq livres du
Pentateuque qui sont le socle foncier de la pensée juive). Il découvre
alors la libre-pensée hollandaise et les philosophies antiques. Il est
en porte-à-faux. Sa communauté tranchera et prononcera son 'hérèm
(son « excommunication » au sens étymologique, c'est-à-dire son
expulsion hors de la communauté « portugaise » d'Amsterdam, qui
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n'a rien de commun avec les excommunications éternelles et univer-
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0 Spinoza en lieu sûr. Il les publiera dès 1677, avec l'aide de ses amis
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w Ludovic Meyer et Lambert van Velthuysen.
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le discours. Ce n'est pas le cas en géométrie ; ce n'est pas le cas pour ::J
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l'Éthique de Spinoza. . . Cela n'en facilite pas la lecture car il y a là @
1. Il ne faut pas confondre« exégèse» et« herméneutique». L'exégèse est l'étude historique QJ
et areligieuse des textes au regard de leur époque d'écriture, du contexte religieux et politique e>,
w
qui les porte et des caractéristiques de leur auteur. L'herméneutique (du nom d'Hermès QJ
Q_
Trismégiste, dieu des sciences secrètes et des connaissances occultes), quant à elle, est l'effort ::J
En synthèse ...
Spinoza construit le premier système cohérent et complet de la
philosophie moderne. La Monadologie de Leibniz le suivra et l'imi-
tera. Ensuite, viendront Kant et Hegel.
À 1'encontre de toute la tradition philosophique européenne depuis
Parménide d'Élée, la doctrine de Spinoza comme, avant lui, celle
d'Héraclite d'Éphèse, et après lui, celles d'Hegel, de Nietzsche, de
Bergson ou de Teilhard de Chardin, se définit au départ par une
métaphysique du Devenir (Dieu vit, se construit et advient) contre
les métaphysiques de l'Être (Dieu est, immuable, parfait, éternel).
L'homme y appartient totalement à la Nature, corps et âme, en
Vl
opposition radicale avec la vision dualiste de l'homme qu'avait
Q)
2. À signaler la très belle édition bilingue de ]'Éthique réalisée par Bernard Pautrat et parue
dans la collection« Essais» chez Points aux Editions du Seuil (2010).
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«L'amour est la joie accompagnée de l'idée d'une cause
extérieure. »
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3. Selon mon habitude, j'attribue une majuscule aux concepts métaphysiques (car la Joie,
dans le système spinoziste est bien plus qu'un simple ressenti joyeux ou jubilatoire) qui
forment le cœur de la doctrine de notre philosophe.
4. « Spinozien » est l'adjectif qui se rapporte à la personne de Baruch Spinoza, alors que
« spinoziste » est relatif à sa doctrine : le spinozisme.
La Joie l 19
«La Béatitude n'est pas le prix de la vertu, mais la vertu
elle-même.»
Éthique, V, 42.
Spinoza se révolte, ici, contre cette idée*, aussi rabbinique que chré-
tienne, qui pose que la Béatitude récompense le bien que 1'on a fait.
C'est la doctrine sotériologique5 de la rétribution. Spinoza s'insurge
en se rappelant un texte du Pirqey Abot (« Traités des Pères ») inclus
dans la Mishnah 6 , qui dit ceci, au troisième verset : « Antigone de
Soko, disciple de Siméon le Juste, disait : Ne soyez pas comme des servi-
teurs qui servent leur maître en vue du salaire ; mais soyez comme des
serviteurs qui servent leur maître sans attendre aucune rémunération, et
soyez pénétrés de la crainte de Dieu. » Le mot traduit ici par « crainte »
évoque plutôt l'humilité que la terreur.
Spinoza, parce qu'il a suivi assidûment, jusqu'à ses dix-huit ans,
les leçons de 1'école juive (Talmud Torah et Yéshivah) connaissait
parfaitement ce texte. Il rejette ainsi catégoriquement la théorie de
la rétribution du Bien. Il fait un pas de plus : la Béatitude n'est pas
une récompense, elle est la vertu même (en latin : virtus désigne le
courage, la force, le potentiel); elle n'est pas au bout du chemin, elle
est ce chemin même, celui de la vie sainte ; elle est à la fois volonté
et état d'esprit ou d'âme. La Joie ne se reçoit pas, elle se construit.
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·c 5. L a sotériologie est la branche de la philosophie et de la théologie qui étudie l'idée du
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a. «salut» et de ses modalités.
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u 6. La Mishnah juive est un commentaire halakhique (légal) à caractère normatif, visant les V)
modalités de la mise en pratique des 613 mitzwot («recommandations ») qui sont éparses QJ
dans la Torah et qui forgent l'éthique, le comportement et la vie quotidienne des Juifs e>,
w
observants. Les commentaires et discussions des prescriptions de la M ishnah, forment la QJ
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Guémarah (qui a pris, historiquement deux colorations : l'une, courte dite de Jérusalem, ::J
l'autre bien plus longue, dite de Babylone). L'ensemble de la Mishnah et d'une Guémarah 2
(.')
forment un Talmud. @
La Joie 1 21
«Le désir qui naît de la joie estplusfort, toutes choses
égales d'ailleurs, que le désir qui naît de la Tristesse. »
Spinoza fait, ici, la différence entre le désir, direct et positif, qui est
« pour » et le désir, indirect et négatif, qui est « contre ». Le désir
pour la Joie est plus fort que le désir contre la Tristesse.
Le désir« pour» libère alors que le désir« contre» aliène. Compre-
nons bien cela, car on retrouve cette même logique en matière
d'identité ou de militance, par exemple : se définir « pour » est plus
fort et plus durable que se définir « contre ». De même, militer
« pour » est infiniment plus puissant que militer « contre ».
Pourquoi ? Prenons l'exemple de la militance écologique tellement
au cœur des enjeux de notre époque folle. On comprend immédia-
tement que militer «pour une vie plus saine, plus simple etplusjoyeuse»
ouvre infiniment plus de possibles et de richesses de vie que militer
«contre l'énergie nucléaire». Il ne s'agit pas, ici, de discuter des avan-
tages ou inconvénients de 1'énergie nucléaire, il s'agit de bien voir
que le positif ouvre un éventail de possibles et un spectre d'actions
incroyablement plus large et plus durable que le négatif qui est aussi
relatif et éphémère que sa cible même.
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La Joie 1 23
«L'amour d'une chose éternelle et infinie nourrit l'âme
d'unejoie sans mélange et sans Tristesse. »
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La Joie 1 25
«La Tristesse est une passion par laquelle !'Esprit passe à
une moindre perfection. »
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La Joie 1 27
«La haine est la Tristesse, accompagnée de l'idée d'une
cause extérieure. »
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Et si l'on se prenait à rêver et à imaginer que chaque homme décide,
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w un beau matin, de se consacrer à son Conatus, à son accomplisse-
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deviendrait, illico, un astre de joie ...
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«Par Dieu,j'entends un être absolument infini, c'est-à-
dire une substance consistant en une infinité d'attributs,
dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. »
Éthique, I, définition 6.
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Dieu 1 31
«Il ny a rien de contingent dans la nature des choses; elles
sont au contraire déterminées par la nécessité de la nature
divine à exister et à opérer d'une manière certaine. »
Éthique, I, 29.
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Éthique, 1, appendice.
Dieu ne veut rien. Croire que Dieu veut, n'est que l'expression de
l'ignorance où 1'on est, des causes des phénomènes. Dire : « Dieu le
veut!», est équivalent à dire : «]'ignore quelle en est la cause. »
Mais, en réalité, Dieu ne veut rien ; il n'y a pas de volonté divine.
Dieu ne veut pas, Dieu est et devient en suivant son propre Conatus,
en suivant sa propre logique, en toute liberté.
Car vouloir aliène. Schopenhauer le confirmera. Nietzsche le niera :
« Vouloir libère. » Immense débat.
Le vouloir est-il la conséquence mécanique d'un inaccomplissement
qui restreint et aliène (c'est la version spinozienne et schopenhaue-
rienne) ou, au contraire, le vouloir est-il le moteur désirable de l'ac-
complissement qui permet de s'échapper de la prison des inaccom-
plissements (c'est la version nietzschéenne) ?
Au fond, ce débat pourrait être oiseux s'il ne posait le problème en
termes d'optimisme (Nietzsche) ou de pessimisme (Schopenhauer
et, peut-être, Spinoza).
La volonté est-elle volonté« pour» (optimisme) ou volonté« contre»
(pessimisme) ? Volonté vers la Joie ou volonté contre la Tristesse ?
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Dieu 1 33
« L 'Esprit humain a une connaissance adéquate de
/'essence éternelle et infinie de Dieu. »
Rappelons une idée précédente : Dieu est un être qui possède, infi-
niment et éternellement, tous les attributs possibles dont chacun
devient une essence en lui, c'est-à-dire une capacité à exister. Toute
essence, au sens métaphysique, est une possibilité latente qui attend
de venir à l'existence (Platon dirait une Idée). Donc, lorsque l'on
parle de 1'essence de Dieu, on parle d'une latence, d'un possible pour
ce Dieu en devenir qui s'accomplit dans le monde. De plus, comme
Dieu possède tous les attributs et contient donc toutes les essences,
l'essence de Dieu est, précisément, l'ensemble de toutes ces essences
qu'il contient. Autrement dit, plus simplement, Dieu est le siège
infini et éternel de tous les possibles du monde.
Et, ajoute Baruch Spinoza, 1'esprit humain, parce qu'il participe de
!'Esprit divin, peut atteindre à la connaissance de tous ces possibles
du monde. Il atteint alors la clairvoyance.
Cela rappelle 1'exclamation extraordinaire d'Albert Einstein : « j e
veux connaître les pensées de Dieu: tout le reste n'est que détails. » On
comprendra ainsi combien Einstein était spinoziste au point qu' ail-
leurs, il déclara qu'il croyait en Dieu à condition que ce fût celui de
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Dieu 1 35
« L 'Esprit humain ne peut pas être absolument détruit
avec le corps, mais il en demeure quelque chose d'éternel. »
Éthique, V.
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chose que pythagoriciens ou bouddhistes ne renieraient guère.
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Dieu 1 37
«En parlant de Dieu : "Par la simplicité de sa volonté."»
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Court traité, 1, 2, 17
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« Le tout et la partie
ne sont pas des êtres réels, mais
seulement des êtres de raison et, par conséquent, il ny a
dans la Nature ni tout ni partie. »
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Un. C 'est vers ce point ultime que converge toute sa métaphysique.
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« Rien
n'existe en dehors de Dieu {qui} est une cause
immanente. »
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Court traité. 1. 2. 27
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«La Nature ne peut être considérée que dans sa totalité,
comme infinie et souverainementparfaite. »
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« Dieu est cause immanente et non transitive, en tant qu'il
agit en lui et non hors de lui, puisque rien n'existe hors de
lui. »
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« L 'Esprit humain a une connaissance adéquate de
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authentique, quels que soient son lieu, son époque, sa tradition, son
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w école.
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« Dieu seul est la cause première et initiale. »
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« Cet Être éternel et infini que nous appelons Dieu ou
la Nature agit avec la même nécessité qu'il existe...
N'existant pour aucunefin, il n'agit donc aussi pour
aucune; et comme son existence, son action n'a ni principe
nifin. »)
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« Chose ou effet» . .. La chose est par soi, 1'effet est par la cause qui lui
est extérieure. Tout ce qui est dans la Nature est soit l'un, soit 1'autre.
Tout ce qui ne serait ni l'un, ni 1'autre n'existerait tout simplement
pas. Pascal, dans ses Pensées, écrivait : « Toute chose est causée ou
causante [ . .]. » L'idée est proche. Et, on l'a bien compris, la seule
« chose » qui existe par elle-même, sans cause extérieure, c'est Dieu
Lui-même ou, autrement dit, la Nature, le Tout-Un.
Cela posé, Spinoza s'attaque au problème éthique et moral par excel-
lence : 1'existence du Bien et du Mal Qe mets volontairement des
majuscules, ici, pour indiquer la caractère métaphysique du propos).
Spinoza, tout tranquillement, raisonne : le Bien et le Mal ne
peuvent pas être des « choses » en elles-mêmes car seul Dieu est par
Lui-même et il serait absurde d'identifier Dieu qui est au-delà de
toute distinction, à cette dualité irréductible du Bien et du Mal. Si,
comme le prônent certaines théologies, on identifiait Dieu et Bien,
alors il faudrait poser le Mal comme autre Dieu face à Dieu (ce
sera la Diable des monothéismes), ce que rejette vigoureusement le
Vl
Q) monisme de Spinoza. Le Bien et le Mal comme effets, alors ? Mais
0 effets de quelle cause qui, elle- même ne serait qu'un effet lointain de
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\D la cause sans cause : Dieu Lui-même. Selon cette hypothèse, le Bien
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N et le Mal seraient alors des produits de la Volonté divine ; que voilà
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.._, un Dieu bien pervers, bien cruel, bien sadique, si anthropomorphe
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·c qu'il en devient radicalement incompatible avec le Dieu de Spinoza.
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u La conclusion, alors s'impose, le Bien et le Mal, n'étant ni choses, ni
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effets, n'existent pas. Traduction: il existe bien une éthique comme
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construction de soi dans le monde, mais il n'existe pas de morale
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absolue et transcendante comme norme et juge de tout ce qui existe.
(.'.)
@ Spinoza devance Nietzsche - qui le reconnaîtra, d'ailleurs, sur le
tard, comme son prédécesseur:« Par-delà Bien et M al!»
Dieu 1 53
«Par réalité et par perfection j'entends la même chose.»
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'- Ainsi, à l'instant présent, en Dieu, perfection et réalité se confondent.
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Mais, perfection et réalité sont une seule et même chose dynamique,
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elles forment un seul et même processus en voie d'accomplissement.
@ La perfection et la réalité se surpassent elles-mêmes constamment.
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Éthique, 11 1, préface.
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PARTIE 3
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«Ce n'est pas parce que nous jugeons qu'une chose est bonne
que nous la désirons, mais c'est parce que nous la désirons
que nous la jugeons bonne. »
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Le désir 1 59
«Les hommes sont conduits plutôt par le désir aveugle que
par la raison. »
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Si le désir n'est pas libre, c'est donc qu'il est l'effet d'une cause. Or,
à la source de toutes les causes, il y a la cause sans cause, la cause
première et initiale qui est la Volonté divine, l'intention de Dieu.
Le désir, tout désir est donc effet de la Volonté divine. Et que veut
la volonté divine ? L'accomplissement et la réalisation du Conatus
de chaque existant afin que chacun contribue à 1'accomplissement
divin.
Tout désir authentique doit donc être désir d'accomplissement de
soi ou de ce qui dépend de soi. Hors d'un tel désir, il n'y a que
caprice puéril et nocif dont le seul fruit sera la Tristesse.
Ainsi, le seul désir qui vaille, se ramène au désir de réaliser son destin
propre, d'actualiser toutes les potentialités que chacun porte en soi.
Hors de là, point de Salut* ou, plus précisément, point de Joie ...
seulement de la Tristesse.
À bien y penser, on s'aperçoit qu'il n'est pas possible, à un être sain,
de désirer autre chose que 1'accomplissement de soi. On peut se
tromper sur la nature ou la voie de cet accomplissement, mais guère
sur le but poursuivi.
C'est aussi ce que Nietzsche appelait la « grande santé» ou, encore,
Vl
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le « grand oui à la vie ».
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w Le désir d'accomplissement de soi est universel et est le pur fruit
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de la Volonté divine. Il n'est effectivement pas libre . . . comme le
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@ suicide est une aliénation.
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Le désir 1 61
« De même qu'en traitant de la volonté nous avons montré
que la volonté n'estpas dans l'homme autre chose que tel
ou tel vouloir, de même aussi, le désir n'estpas en lui autre
chose que tel ou tel désir provoqué en lui par telle ou telle
idée. »
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Le désir 1 63
« La satisfaction
intérieure est en vérité ce que nous
pouvons espérer de plus grand. »
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«Les hommes se trompent en ce qu'ils se croient libres et
cette opinion consiste en cela seul qu'ils sont conscients de
leurs actions, et ignorants des causes qui les déterminent. »
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La liberté 1 67
« Est ditelibre la chose qui existe par la seule nécessité de sa
nature et se détermine par elle-même à agir. »
Éthique, 1, définition 7.
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qu'une manifestation temporaire. La vie est un concept métaphy-
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w sique qui dépasse, et de loin, celui d'existence individuelle.
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La liberté 1 69
«En cela consiste notre vraie liberté d ëtre et de demeurer
liés dans les chaînes aimables de l'amour de Dieu. »
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La liberté 1 71
«L'esclavage d'une chose est lefait qu'elle est soumise à une
cause extérieure ; au contraire, la liberté consiste non à y
être soumise, mais à en être affranchie. »
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La liberté 1 73
« L'hommejuste et libre est celui qui connaît la vraie
raison des lois. »
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La liberté 1 75
« S'il était aussifacile de commander aux âmes qu'aux
langues, il ny aurait aucun souverain qui ne régnât en
sécurité. »
Le tyran peut faire taire les langues mais, pour tuer la sédition, il
devrait faire taire les âmes ce qui est un tout autre projet.
On peut tuer la liberté de parole, mais jamais la liberté de pensée.
Chacun est parfaitement libre au-dedans de soi. Nulle prison, hors
la mort, ne peut brider un esprit qui pense. Et ce n'est pas parce que
1'on ne dit rien que 1'on ne pense pas. Bien au contraire : le silence
est le plus fertile ferment de la pensée.
Spinoza regarde son monde et y dénombre les tyrannies des États
et des rois, des despotes, éclairés ou non. Il constate que tous les
régimes autoritaires - que 1'on appellera, plus tard, avec Hannah
Arendt (1906-1975) totalitaires - pratiquent, sans vergogne, le
contrôle des langues. Il ne fait pas bon parler trop en ce xvne siècle
qui condamna Galilée et dont Spinoza lui-même évita les foudres
grâce aux puissants frères de Witt.
Il est curieux que les tyrans, jusqu'à nos jours, n'aient toujours pas
compris que le scellement des langues attise, au centuple, la rage des
âmes.
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La libert é 1 77
«La liberté de philosopher ne menace aucuneferveur
véritable ni la paix au sein de la communautépublique. »
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LA VERITE
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«Toute idée qui en nous est absolue, autrement dit
adéquate et parfaite, est vraie. »
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«Une idée vraie doit s'accorder avec l'objet qu'elle
représente.»
Éthique, 1, axiome 6.
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La vérité 1 83
«La vérité est norme d'elle-même.»
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interprétatives par lesquelles on affirme l'adéquation d'une structure
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w connue à une expérience vécue.
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La vérité 1 85
«L'idée vraie [ .. }est quelque chose de distinct de son
objet.»
Le nom grec dont dérive le mot « idée » est eidos qui signifie « la
forme ». L'idée d'une chose est la forme que l'on se figure pour
ladite chose. Elle est sa représentation. Elle en décrit les apparences
phénoménales, mais ne peut atteindre sa réalité nouménale. Spinoza
préfigure, ici, les analyses de Kant dans sa Critique de la raison pure.
Le sujet ne peut atteindre la réalité de l'objet. Il ne peut s'en faire
qu'une« idée ».
La représentation n'est pas la chose. La carte n'est pas le territoire,
dirait-on de nos jours.
En posant ce distinguo entre la chose et son idée, Spinoza fonde ce
qui deviendra la gnoséologie moderne. Mais il le fait sans tomber
dans le piège du platonisme qui fit de l'Idée (avec majuscule) un
absolu immuable et définitif dont 1'objet n'est qu'une tentative
imparfaite de réalisation. Spinoza récuse tout idéalisme. L'idée de
1'objet ne préexiste pas à 1'objet mais elle se forme, a posteriori, à
partir de 1'objet ou, plutôt, à partir de ses apparences tangibles.
De plus, nous dit Spinoza, l'idée que 1'on se fait d'un objet peut être
vraie ou fausse selon que cette idée soit née ou pas d'une tentative
Vl
Q) de « fusion » avec la réalité de l'objet au-delà des apparences qu'il
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>- présente.
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La vérité 1 87
« L'ordreet la connexion des idées est le même que l'ordre et
la connexion des choses. »
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«Nous sentons et éprouvons que nous sommes éternels. »
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« [ ..}Toute la penséequ'il [l'homme} possède n'est que
mode de l'attribut pensant que nous avons reconnu à
Dieu.»
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Car la connaissance claire tire son origine d'ailleurs que des hommes ;
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w elle est divine, elle participe du Divin. Elle relève donc, de la Provi-
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dence ou de la bienveillance divines. Mais Spinoza se refuse à parler
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de révélation. Tout au contraire. En pleine cohérence, il sait que la
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..c connaissance claire naît de 1'effort de 1'esprit dans !'Esprit.
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L'Esprit 1 93
«Les passions naissent de l'erreur de l'opinion. »
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L'Esprit 1 95
« Le bien suprême de /'Esprit est la connaissance de Dieu ;
et la vertu suprême de !'Esprit est de connaître Dieu.»
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Éthique, 11 1, 9.
Comme dit déjà dans le prologue ci-dessus, Spinoza est fasciné par
l'idée de !'Esprit ; il tente de fonder, quelque deux cent cinquante ans
avant les premiers psychologues modernes, une science de 1'esprit,
une psychologie au sens étymologique et propre, loin des errements
psychanalytiques et psychothérapeutiques que nous connaissons.
Qge dit-il ? Qge « !'Esprit s'efforce de persévérer dans son être» : c'est-à-
dire que !'Esprit, comme tout ce qui existe, est habité par un Conatus
( « effort», en latin) qui lui est propre et qui tend à le faire s'accomplir
en plénitude. Cet accomplissement plein correspond à la connais-
sance de Dieu, on 1'a vu.
Qge cet effort persévère «pour une durée indefinie », c'est dire que
la connaissance absolue, la gnose donc, la connaissance suprême de
Dieu, surviendra quand elle veut, de façon imprévisible et indéfinie,
parfois subite, parfois longue à apprivoiser.
Qge !'Esprit « est conscient de cet effort », c'est dire que !'Esprit est
conscience de soi, conscience de lui-même, qu'il sait qu'il pense et
persévère vers la connaissance suprême ; même s'il ne sait ni pour-
quoi, ni comment, il sait qu'il sait qu'il pense. C'est bien cela la
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Q) conscience.
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«L'objet de l'idée constituant !'Esprit humain est le corps,
autrement dit un mode de ! 'étendue existant en acte et rien
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PARTIE 7
LECONATUS
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« Chaque chose fait par elle-même un effort pour
se maintenir dans le même état et s'élever à un état
meilleur. »
Court traité, 1, 5, 1.
Cette citation est cruciale car elle bat en brèche la vulgate spinoziste
du déterminisme absolu et radical. Relisons (c'est moi qui souligne) :
« Chaque chose fait par elle-même un effort pour se maintenir dans le
même état et à s'élever à un état meilleur. »
« Fait par elle-même un effort [ . .} » : auto-détermination, donc ; 1'ef-
fort est fait par la chose elle-même, d'elle-même, hors toute déter-
mination ou contrainte externes. Effort sous-entend désir de faire,
volonté de faire, donc liberté de faire. Oh, certes, il ne s'agit pas
de cette liberté existentialiste réputée infinie ; il s'agit plutôt d'une
liberté très restreinte, limitée aux quelques possibles offerts, mais
liberté tout de même.
Mais « liberté pour quoi faire », interrogerait Nietzsche ? Pour « se
maintenir dans le même état » au moins ou, mieux, pour « s'élever à
un état meilleur». Toute 1'éthique spinozienne tient dans cette idée
profonde et simple que tout existant a pour mission de persévérer
dans son être et de mettre tout ce qui est possible en œuvre, pour
s'accomplir en plénitude.
Vl
Q)
Tout repose sur l'idée spinozienne de Conatus (ce qui naît en même
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>-
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temps que soi : son destin propre, en somme) : chaque existant
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M possède au plus profond de lui, une potentialité de Devenir qu'il
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lui faut accomplir. On peut parler de destin immanent à accomplir.
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Le Conat us l 103
«La providence universelle est celle qui produit et
maintient chaque chose, en tant qu'elle est une partie de la
Nature totale. »
Court traité. 1, 5. 2.
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Spinoza retrouve, ici, le fondement le plus intime de toute la spiri-
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Court traité. 1, 5. 2.
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Le Conatus l 1os
«Nous sommes en vérité les serviteurs,je dirais même les
esclaves de Dieu.»
Le mot hébreu utilisé pour ce verbe « servir » donne aussi les mots
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«serviteur, servant» et« esclave». Tout se tient. Et au beau milieu
'-
>-
w de ce jardin d'Eden qui symbolise la Nature de Baruch Spinoza, il
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y a 1'arbre de Vie et, non loin de là, 1'arbre de la Connaissance du
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bon et du mauvais (les notions de bien et de mal n'existent pas en
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..c hébreu) .
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PARTIE 8
LA VERTU
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«La paix n'est pas l'absence de guerre, c'est une vertu, un
état d'esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de
justice. »
Traité politique, V, 4.
La paix est bien plus que la non-guerre. Sans chercher outre mesure
le paradoxe, on pourrait même affirmer qu'il est possible de vivre en
paix, même en période de guerre. En effet, la paix est affaire inté-
rieure : paix avec soi-même, paix avec le monde, paix avec les autres
qui sont proches.
Le sage solitaire est toujours en paix parce qu'il est sage, parce qu'il
est seul.
Mais s'il veut sortir de sa solitude et partager la vie des hommes tout
en gardant sa profonde paix intérieure, il doit apprendre à cultiver
trois vertus, nous dit Spinoza : la bienveillance, la confiance et la
justice.
La bienveillance : ne pas regarder, chercher et voir d'abord le
mauvais . ..
La confiance : ne pas considérer 1'autre, d'emblée, comme un ennemi
potentiel. ..
La justice: ne pas léser, ne pas blesser, ne pas tromper, ne pas accu-
Vl
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ser. . .
0
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>- Curieuse approche : Spinoza établit trois vertus positives dont il est
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bien difficile de parler sans passer par le négatif de leur contraire . . .
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@ Au fond, ces trois vertus n'en forment qu'une : la bonté ! Mais pas
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..c de cette bonté mièvre et un peu gâteuse ou niaise, proche de cette
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>- « bravitude »que certains évoquent. Non, il s'agit d'une bonté virile,
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ferme, courageuse, volontaire.
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La vert u l 111
«C'est un défaut commun aux hommes que de confier aux
autres leurs desseins. »
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Dieu est Tout. Tout est Dieu. Dieu est en tout. Tout est en Dieu.
L'équation est limpide et la conséquence est immédiate : tout se
rapporte à Dieu.
Mais Spinoza nous dit plus. Il ne dit pas seulement que tout se
rapporte à Dieu, mais qu'ilfaut tout rapporter à Dieu. Ce « il faut »,
sous-entendu dans la forme latine impérative, sonne comme un
impératif catégorique, aurait dit Kant, comme un devoir moral,
comme un immense phare éthique.
Comment la vulgate spinoziste du déterminisme absolu peut-elle
bien comprendre ce « il faut » qui pointe vers le choix d'exécuter ou
non ce devoir impérieux?
« Tout rapporter à Dieu » : voilà bien la devise la plus mystique de
toute 1'œuvre de Spinoza. Elle est sans doute, d'ailleurs, le plus belle
définition de la plus haute Mystique, de la plus sublime des ascèses
mystiques.
Dieu est l'aune de tout ce que l'on vit, de tout ce que l'on pense,
de tout ce que l'on ressent, de tout ce que 1'on fait. Ce message
fonde une sorte de sacerdoce universel et intégral. Il clive l'huma-
nité en deux avec, d'un côté, les aveugles narcissiques et nombrilistes
Vl
Q)
éblouis par un orgueilleux humanisme, et, de l'autre côté, les esprits
0
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>-
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mystiques qui comprennent que l'homme ne prend sens et valeur
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M qu'en Dieu, que par Dieu, qu'au service de Dieu - c'est-à-dire, ne
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l'oublions pas, de la Nature, du Tout-Un.
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PARTIE 9
L'AMOUR
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«L'amour n'est autre chose que la jouissance d'une chose et
/'union avec elle. »
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0 Tout pour être en phase et en harmonie avec lui, mais le Tout est
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. et ne sen
toutes ses parties ' soune . guere
' .
que par except10n.
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Spinoza a posé l'amour comme une Joie dont la cause est extérieure
au sujet aimant ou amoureux. Il pousse alors les feux et hisse l'amour
à son plus haut niveau au point de devoir lui donner une majuscule
tant son objet est le plus digne d'amour : Dieu, c'est-à-dire, selon
les mots d'Aristote, le « moteur immobile » immanent qui fait se
mouvoir tout ce qui existe.
Aimer Dieu, dit Spinoza, est la voie du Salut qui est synonyme de
béatitude (la joie suprême semblable à l'extase) et de liberté (puisque
l'homme n'est libre que s'il participe à la liberté divine par fusion
avec le divin). Lorsque cet amour est constant et qu'il est devenu
autre chose qu'un éclair mystique incandescent mais furtif, l'âme
atteint le niveau suprême et permanent d'extase, de béatitude et de
liberté.
Comprenons bien que la non liberté vient du rapport de soi avec
le monde alentour qui oppose ses résistances à la réalisation de nos
intentions et que, si le soi rejoint pour s'y dissoudre le Tout qui est
Dieu (panthéisme), il n'y a plus rien d'extérieur, il n'y a donc plus de
contraintes et la liberté est absolue, mais elle est celle du Tout, celle
Vl
Q)
de Dieu qui est de se soumettre à ses propres lois.
0
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L'amour l 123
« La haine doit être vaincue par l'amour et la générosité. »
Rappelons que, pour Spinoza, la haine est une Tristesse qui porte
sur un objet extérieur, comme l'amour qui est une joie qui est son
inverse.
Et toute Tristesse est une descente dans l'échelle de la perfection de
soi. Il faut donc, si l'on veut combattre la haine, procéder en deux
mouvements: compenser la perte de perfection qu'induit la Tristesse
par 1'exercice de la générosité (qui n'est ni pitié, ni charité, mais don
d'énergie et posture d'exigence) et relancer la démarche vers le haut,
vers la Joie par 1'exercice de 1'amour (qui est plus amitié personnelle
qu' amour anonyme du prochain, qui vise, par rayonnement, par
exemplarité, à montrer la voie ascensionnelle de la perfection de soi).
La notion de générosité a été totalement dévoyée dès lors qu'elle
concerne des dons matériels. La générosité du porte-monnaie est
une bonne conscience achetée à bas prix ; elle ne résout aucun
problème, mais les déplace tous. Elle est contre-productive : elle
confirme et renforce les faiblesses en imposant une relation de
dépendance et d'assistanat.
La générosité productive, elle, est don de temps et d'énergie ; elle
formule une exigence et prend allure d'intransigeance. Elle exige
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Q) 1'effort et la volonté, le courage et la fermeté.
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Éthique, V, 36.
L'amour l 12s
« L'orgueil est le fait
d'avoir, par amour, une opinion plus
avantageuse que de raison sur soi-même. »
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LES AFFECTS
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« Toutes les actions auxquelles nous sommes déterminés
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indépendamment de cet affect. »
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Les étymologies sont frappantes: Satan vient de l'hébreu shatan qui
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\D signifie « obstacle », Diable vient du grec diabolon qui pointe « ce qui
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N divise» et Démon vient du grec daïmon qui désigne« le génie, l'âme,
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.._, l'esprit qui anime une chose ou un être». Les idées originelles sont
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·c abstraites et symboliques, mais elles ont été personnifiées afin de
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0 rencontrer les superstitions et mythologies populaires. C 'est contre
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cette personnification que s'insurge Spinoza. V)
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Les passions sont les pièges tendus par l'opinion, c'est-à-dire par
ces idoles artificielles que sont les fausses certitudes collectives. Elles
forment une boue parce quel'on s'y embourbe, s'y enlise, s'y enfonce
jusqu'à suffoquer.
Comme antidote à ce funeste enlisement Spinoza propose 1'amour
de Dieu c'est-à-dire, selon ses propres termes, la Joie en Dieu et
l'union avec Dieu.
Bien que ce mot n'apparaisse nulle part sous la plume de Spinoza
- mais ce mot était-il déjà usité au xvne siècle, j'en doute -, il faut
ici parler de mystique. Spinoza est un mystique. Il en a toutes les
caractéristiques : prééminence de l'intériorité sur 1'extériorité, goût
pour la solitude et le silence, ascèse de vie, cheminement rigoureux
et solitaire, amour de Dieu, Joie en Dieu, fusion avec Dieu ... 01ie
faut-il de plus ?Je crois que l'on n'a pas vu ou voulu voir que Spinoza
est un grand mystique, au prétexte de son rationalisme. Aux XIXe et
xxe siècles, positivisme et scientisme obligent, rationalité et mysticité
ont été présentées comme définitivement opposées l'une à l'autre,
Vl
Q) incompatibles, inconciliables. Tout le vedanta indien, Shankara en
0 tête, et toute la littérature upanishadique démontrent la profonde
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\D fausseté de ces assertions.
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PARTIE 11
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«Nous entendons donc par vie, laforce quifait persévérer
les choses dans leur être. »
La vie 1137
«La Tristesse est le passage de l'homme d'une plus grande
à une moins grande perfection de soi. »
Cette sentence est proche et parallèle d'une autre, déjà aperçue: «La
Tristesse est une passion par laquelle !'Esprit passe à une moindre peifec-
tion. »
L'accent peut être mis sur l'idée de« passage » d'un état intérieur à
un autre. La vie est un processus complexe qui suit une trajectoire
souvent chaotique dans ce que les physiciens appelleraient 1'espace
des états. Deux choses peuvent en être dites.
La première est que cet espace abstrait où se déploie la trajectoire
de vie de tout un chacun, est composé d'une quantité innombrable
de paramètres d'évaluation, tout comme 1'espace des états de santé
d'une personne unit des centaines de paramètres possibles (tempé-
rature, pouls, taille, poids, taux sanguins divers, pression arté-
rielle, etc.). Spinoza, au fond, n'en retient qu'un seul dont tous les
autres ne sont que des cas particuliers : la Joie (qui devient Tristesse
lorsqu'elle change de signe).
La seconde concerne le caractère plus ou moins chaotique de la
trajectoire de vie, avec des sautes fréquentes de hauts et de bas, de
joies et de tristesses, qui traduisent et trahissent le degré de sagesse
Vl
Q) qui imprègne cette vie : plus la sagesse est grande, plus la trajectoire
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>- est lisse.
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ÉPILOGUE
SPINOZA ET NOUS!
Spinoza et le spinozisme furent longtemps écartés des hauts chemins
de la pensée européenne. Trop vieux. Trop géométrique. Trop Juif.
On a fait, à tort, de Spinoza un simple disciple de Descartes dont,
pourtant, il récuse tout de l'essentiel, du «Je pense donc je suis » au
dualisme ontologique et au mécanicisme physique. Bref, Spinoza
a été « évacué » de l'histoire philosophique européenne. Même
Nietzsche ne le découvre que sur le tard. Et il le regrette amèrement
car il voyait en lui un génial précurseur.
Moses Mendelssohn qui le traite de « chien crevé » dans une lettre
à Lessing est pour beaucoup dans la disgrâce de Baruch Spinoza
au XIXe siècle, malgré l'admiration que lui voue Hegel (mais Hegel,
lui-même, fut autant conspué qu'adulé).
De plus, puisque Spinoza fonde l'État comme supercherie et mani-
pulation par les élites, il s'oppose au père fondateur de la démocra-
tie et de l'État moderne : le Jean-Jacques Rousseau de cette fiction
qu'est le Contrat social. Disgrâce, encore !
Un renouveau s'amorce dans les années 1960, au travers des travaux
ui
d'Alexandre Matheron et de Gilles Deleuze.
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Plus récemment, parce qu'il s'opposa radicalement au dualisme
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ontique entre le corps et l'esprit, comme l'avait posé Descartes,
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Spinoza est aujourd'hui reconnu comme le père d'une vision holis-
@ tique de l'homme dont corps et esprit ne sont que deux manifesta-
.......
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tions complémentaires : l'esprit pense par le corps et le corps agit par
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a. l'esprit. Le corps pense aussi. L'esprit agit aussi.
0
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~ Mais, indépendamment de ces versatilités de l'histoire de la pensée,
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w de ces soubresauts, de ces « je t'aime, moi non plus », Spinoza nous
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parle clairement de nous et de notre époque troublée.
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Bien sûr, son Deus sive Natura nous conduit tout droit à resacraliser
la Nature et à adopter - d'urgence - une philosophie et une éthique
écologues, sinon écologiques ou écologistes.
Mais surtout, le concept de Conatus nous enjoint de nous remettre
en ligne avec nous-mêmes, avec le destin et la mission de l'huma-
nité ; à redéfinir la finalité humaine qui est 1'accomplissement de
l'humain en l'homme, en harmonie avec le monde et la Nature ; à
nous recentrer sur les idées de perfection et de liberté ; à nous libérer
de nos esclavages et servitudes artificiels, de nos assuétudes à 1'avoir
et au paraître, au consommer et au gaspiller.
Et surtout, à nous réconcilier avec l'idée d'effort au-delà de ce Dieu
factice et trompeur que la modernité nous a inoculé dans les veines :
lafacilité qui se décline de mille façons allant de la sécurité au confort
en passant par le moindre effort et le laxisme.
Qgel cadeau ! Qgel défi !
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Œuvres de Spinoza
Éthique de Spinoza, édition bilingue (traduction de Bernard Pautrat),
Éditions du Seuil,« Points Essais », 2010.
Éthique dans Œuvres complètes (édition de Rolland Caillois, Madeleine
Frances, Robert Misrahi), Éditions Gallimard,« Bibliothèque de la
Pléiade», 1955.
Éthique (traduction de Charles Appuhn), Éditions Garnier, 1929.
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J oie 20-28, 33. 35. 49. 61. 63, 64. 72. 83.
Béatitude 12,20.99.118. 121.157 106. 117. 120. 12 1. 123-125. 131. 138.
155. 156
c Juif 9. 10, 46. 50. 85. 141
Conatus 25. 26. 28. 33. 36. 47. 52. 61.
63. 73.96.97. 101. 103 -105. 112. 123. K
126. 133. 142. 153 -157 Kabbale 9. 13. 52. 154
D L
Destin 23. 61. 62. 70. 72 -74. 103. 105. Li berté 15. 26, 32. 33. 51. 54. 60. 65, 68.
133. 142 70-73. 75-78. 103. 121. 133. 14 2. 156.
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Dieu 7. 13. 15. 20. 24. 26. 2 7. 29. 3 1-35. 157
0 37 -39.42 -55.6 1.67. 70 -72,74. 75. Log ique 21, 22, 26. 33, 37. 39. 43, 51,
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w 84.9 1.92. 95 -99. 104 -107. 113. 11 7 -
55, 73.88.96. 104. 105. 119. 122. 129.
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121. 125. 129 -13 1. 139. 153 -158 155
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Esclavage 72. 118. 142. 155 Métaphysique 12. 14. 15. 19. 25. 34. 4 1.
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a. Esprit 25, 26. 32. 34. 36. 43. 46. 48. 63.
0
42. 49.50.52.53.63. 67. 69. 107. 132.
u 67. 71. 76, 85. 89. 92. 93. 96-99. 104. 137. 156. 157
1 11. 1 19. 125 . 126. 130, 132. 138. 139. Moralistes 55
141. 153 -157
Éthique 11. 12.14. 19 . 20. 22. 25 -28. 31-
36. 47-49. 51-55. 59. 63. 64. 67 -69.
73. 75 . 8 1 -84. 87. 88. 9 1, 93. 96-99,
N s
Nature 13. lS, 26, 32. 36. 39. 40. 42 -4 S. Salut lS. 20. 61. 98, 121. 1S7
4 7. so. S2 -SS. 74. 7S, 84, 9 1. 96. 98. Servitude 26. 142. lSS, 1S6
99. 104 - 107. 113. 119. 120. 129. 130.
137. 142. 1S3. 1S4 T
Théisme 46. 1 S4
p Tristesse 19. 22-24. 26. 28. 33. 49, 61.
Panenthéisme 31, 37. SS. 96. 1S4 123, 124, 138
Panthéisme 7. SS. 96. 121. 1S4
Perfect ion 2S. 26. 32. 44. 47. S4. 63. 7S. V
96. 124. 132. 138. 142, l SS, 1S7
Vérité 26, 64. 79, 81. 83 -8S. 87. 88. 93,
Pit ié 124. 133
106
Vertu 20, 96. 109. 111
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Raison 37.40.43.4S.60, 74. 78.83.126. 69, 71,72. 104. 106, 12S. 126. 129,
129. 133. 1S3. 1S4 . 1S7 131, 13S, 137. 138. 1S4. 1S6
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Aristote 9. 45. 50. 60. 121. 122. 137. 154 Marc-Aurèle 137
August in d 'Hippone 132 Meyer. Ludovic 11
Montaigne. Michel de 69
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Bergson. Henri 15. 139. 154 N
Nietzsche. Friedrich 15. 16. 33. 53. 61.
c 73, 103, 132. 133. 137. 139. 141. 154
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K Witt. Cornélis et Johan de 10. 76. 78
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Kant. Emmanuel 15. 86, 88, 93. 113. 139
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0 Leibn iz. Gottfried Wilhelm 9. 10. 15. 44.
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GLOSSAIRE
«Cause»
Une cause est une situation que la raison considère comme suffisante
pour expliquer 1'existence d'une autre réalité appelée effet ou consé-
quence. On appelle principe de causalité cette exigence permanente
de la raison humaine selon laquelle il ne peut y avoir d'effet sans
ui cause, c'est-à-dire sans raison : « causa sive ratio » (Éthique, I, 11).
(j)
0
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>-
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La cause par laquelle une chose existe peut-être en elle ou hors d'elle.
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..--! Pour Spinoza, la cause des êtres dénombrables leur est forcément
0
N
extérieure, mais la cause de Dieu, être unique, ne 1'est pas : Dieu (ou
@
.......
.c la Nature) est cause de lui-même, en même temps qu'il est la cause
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·c
>- de toutes choses. La recherche des causes conduit donc à connaître
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0 Dieu toujours mieux.
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e» « Conatus » (Effort pour s'accomplir en plénitude)
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0
.__ Spinoza construit tout son système sur une idée lumineuse et simple :
\.9
@ tout ce qui existe émane de Dieu (le Dieu immanent qui symbolise
!'Esprit de la Nature); et cette émanation a un sens, poursuit un but,
a sa raison d'être (!'Esprit de Dieu est rationnel). Ce but universel fut
appelé, par Aristote, 1'entéléchie : 1'accomplissement en plénitude de
soi (Nietzsche 1'appellera la volonté de puissance et Bergson 1'élan
vital). Fort de cette notion, Spinoza pose que tout ce qui existe est
habité par le un Conatus qui est 1'effort, l'intention, la volonté de
se réaliser pleinement. Ce Conatus est le travail intérieur, 1'énergie
intérieure, la force intérieure qui pousse chacun à« devenir ce qu'il
est déjà», en latence. Le Conatus devient ainsi le guide existentiel, la
référence de vie qui fonde toute éthique.
0
« ce qui est en train de naître », ce qui émerge, ce qui émane du
'-
>-
w Mystère premier.
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..--!
0
N
Spinoza s'oppose au théisme, à cette croyance dualiste et idéaliste
@ qui pose Dieu face au monde, étranger à lui, d'une autre nature
.......
.c
O'l que lui, centre d'un monde céleste aux antipodes de notre monde
·c
>-
a. terrestre. Ce dualisme constitutif des théologies (mono )théistes lui
0
u est inacceptable ; il pose, face à lui, un monisme intransigeant et V)
QJ
radical: Tout est Un! Dieu est tout (panthéisme), Dieu est en tout e
>,
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(immanentisme), tout est en Dieu (panenthéisme). QJ
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2
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@
« Esclavage » ( Servitus)
La condition humaine restera tragique tant que les hommes reste-
ront esclaves de leurs passions, c'est-à-dire des affects qui travaillent
leurs âmes et leurs esprits, tant qu'ils ne se soumettront pas à la
logique de leur Conatus et qu'ils ne viseront pas 1'accomplissement
et la perfection de soi. La joie, dès lors, en toute cohérence, leur
restera étrangère et ils continueront à mener une existence misé-
rable et douloureuse. Spinoza, dans un chapitre de son Éthique,
liste et commente trente-sept affects qui conditionnent la servitude
humaine.
«Esprit» (Mens)
Comme chez Hegel, la notion d'Esprit est centrale : 1'esprit de
l'homme participe de !'Esprit divin et cet Esprit est, en latin, mens
qui n'est ni spiritus («souffle») ni anima(« âme»). Comme l'anima
ou le spiritus, la mens (qui donne« mental» en français et mensch -
l'humain - en allemand) est le principe immatériel qui anime, de
l'intérieur, tout ce qui existe, mais il inclut l'idée d'intelligence qui
est cruciale pour Spinoza. L'Esprit divin - dont 1'esprit humain n'est
qu'un infime reflet - est rationnel, c'est-à-dire cohérent et logique;
il est un Logos. C'est pour en parler correctement que Spinoza choi-
ui
sit le style « géométrique » et mathématique, seul digne de lui.
(j)
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« Éternité » (Eternitas)
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0 L'éternité est le caractère de ce qui est en dehors du temps, qui ne
N
@ comporte aucune idée de succession ni d'évolution. On ne devrait
.......
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O'l
pas la confondre avec l'intemporalité (qui concerne, par exemple, les
·c
>-
a. vérités mathématiques), ni avec l'immortalité (qui a un commence-
0
u Vl
ment dans le temps). Ce concept d'éternité est donc souvent réservé
~
e» à Dieu.
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Glossaire l 1s1
Selon Spinoza, nous ne pouvons attribuer aucune durée à Dieu,
dont 1'existence est 1'essence même : « C'est l'attribut sous lequel nous
concevons l'existence irifinie de Dieu» (Pensées métaphysiques IV).
Toutefois, notre esprit fini a accès à cette idée d'éternité : « Il est
de la nature de la raison de percevoir les choses sous une certaine espèce
d'éternité {sub specie aeternitatis} » car la nécessité des choses est la
nécessité même de Dieu (Éthique, II, 44, corollaire II).
«Idée»
Une idée est la représentation intellectuelle d'un objet, matériel ou
non. L'ensemble des idées constitue notre pensée.
Certaines idées viennent de 1'expérience, d'autres sont des concepts
produits par l'esprit seul. Pour Platon, les Idées sont les réalités
suprêmes, les essences métaphysiques dont les objets d'expérience
ne sont que les reflets.
Chez Spinoza, l'âme (ou esprit) est l'idée du corps. En tant qu'elle
est un mode de la substance divine, sa cause est Dieu comme chose
pensante. C'est pourquoi une idée claire est dite adéquate et ne peut
être que vraie: elle n'a pas besoin d'autre garantie qu'elle-même. (cf.
Lettre XIV à Schuller du 29 juillet 1675 et Éthique, II, définition III).
«Joie» (Laetitia)
La Joie est, à la fois, le symptôme et la récompense de tout effort
authentique d'accomplissement de soi. Puisque le seul but de toute
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0
(j)
une vie est de s'accomplir en plénitude et que le signe immédiat et
'-
>-
w prégnant de cet accomplissement est la joie, celle-ci devient, évidem-
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0
ment, le but ultime de la vie. Spinoza fonde ainsi un eudémonisme
N
@
radical (à ne pas confondre avec l'hédonisme qui est la recherche du
.......
.c plaisir des sens et non celle de la joie de l'âme et du cœur) .
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0 « Liberté » (Libertas)
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Bien sûr, la liberté est l'inverse de la servitude. Spinoza est d'une e
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radicale cohérence dans son système : si la servitude humaine est le QJ
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prix de l'ignorance du Conatus, la liberté, son contraire, est la consé- 2
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quence de l'accomplissement de soi : plus on s'accomplit, plus on @
«Ordre»
L'ordre caractérise la disposition et 1'arrangement réguliers d'êtres
ou d'idées selon des principes convenus. Pour notre raison, il est
indispensable de postuler 1'ordre du monde car c'est la condition de
son intelligibilité.
Mais Spinoza confirme cette nécessité en lui donnant un argument
métaphysique : les choses n'ont pas pu être produites dans un autre
ordre que celui qui est impliqué par la nature de Dieu. L'ordre du
monde est donc absolument nécessaire. (cf. Éthique, I, 33)
« Perfection » (Peifedio)
La Perfection est le nom que Spinoza donne au parfait accomplis-
sement de soi, issue victorieuse du Conatus. La perfection de soi est
ainsi la finalité universelle de toute existence.
«Salut»
Le Salut est 1'état d'un être qui est sauvé d'un péril ou de la mort, et
qui peut ainsi atteindre son plein accomplissement.
Ce concept, principalement religieux, concerne dans le christia-
nisme la rédemption de l'humanité pécheresse par Jésus-Christ.
Mais Spinoza lui a donné un sens philosophique : il s'agit de 1'ac-
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(j) complissement d'un être ( Conatus) qui atteint la béatitude hic et nunc
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>- grâce à 1'amour constant et éternel de Dieu.
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Dans la tradition philosophique, une substance est une réalité
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supportant les attributs ou qualités (accidents) des choses particu-
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e» Descartes dénombre deux substances: la substance pensante (l'âme)
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et la substance étendue (les corps). C'est le dualisme.
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Glossaire 1153
Spinoza, au contraire n'admet qu'une substance (Dieu) possédant
une infinité d'attributs. Mais, en raison de notre nature, nous ne
pouvons en connaître que deux: l'âme et le corps, à travers l'infinité
de leurs manifestations (modes).
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