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EPUIS les attentats terroristes du 11 septembre Pourquoi l’hawala s’est-elle développée?
2001, les systèmes informels de transfert de fonds Initialement, les systèmes de transfert informels ont été créés
suscitent un intérêt accru. C’est vrai en particulier pour financer les échanges. Il s’agissait alors de pallier le danger
de l’hawala, que l’on soupçonne d’avoir joué un que représentait le transport d’or et autres moyens de paie-
rôle dans le financement illégal d’activités terroristes, paral- ment sur des routes peu sûres. Le système était communément
lèlement à sa fonction traditionnelle de transfert de fonds utilisé en Chine et dans d’autres pays d’Asie de l’Est, où il existe
entre individus ou familles de nationalités souvent diffé- encore sous divers noms : Fei Ch’ien en Chine, Padala aux Phi-
rentes. Les gouvernements et les organismes internationaux lippines, Hundi en Inde, Hui Kuan à Hong Kong, Phei Kwan en
s’efforcent donc de mieux comprendre ce système, d’en éva- Thaïlande. Très répandue de nos jours, l’hawala reste histori-
luer l’impact sur l’économie et de trouver la réponse à y ap- quement associée à l’Asie du Sud et au Moyen-Orient. À
porter sur le plan réglementaire. l’heure actuelle, elle est utilisée surtout par les membres des
Les systèmes de transfert de fonds informels sont utilisés communautés expatriées en Europe, dans le golfe Persique ou
dans diverses régions du monde pour déplacer des capitaux en Amérique du Nord pour envoyer des fonds à leur famille
au sein d’une économie ou d’un pays à l’autre. L’hawala est restée sur le sous-continent indien, en Asie de l’Est, en Afrique,
l’appellation que prend ce système dans certaines régions du en Europe de l’Est, etc. Les travailleurs migrants ont relancé et
monde. Il faut cependant distinguer le système du terme ha- revigoré ce système. Si l’hawala est utilisée pour des transferts
wala lui-même, qui signifie «transfert» ou «télégramme» dans de fonds tout à fait légitimes, son caractère anonyme et ses for-
le jargon bancaire arabe. Dans l’acception retenue ici, l’hawala malités réduites au minimum en font un instrument privilégié
désigne un réseau informel de transfert de fonds d’un lieu à pour ceux qui veulent détourner le système pour transférer des
un autre par le biais de courtiers — les hawaladars —, quels fonds destinés au financement d’activités illicites.
que soient la nature de la transaction ou les pays impliqués. Si L’attrait de l’hawala s’explique par des facteurs écono-
ce type d’opération est engagé le plus souvent par des tra- miques et culturels. Le système est moins onéreux, plus ra-
vailleurs qui ont émigré dans un pays développé, il sert aussi à pide, plus sûr, plus pratique et moins bureaucratique que le
envoyer des fonds à partir d’un pays en développement, même secteur financier formel. Les hawaladars se rémunèrent en
si le but du transfert est en général différent (voir encadré). prélevant une commission ou en jouant sur la marge d’inter-
3. Code
d'identification
Travailleur Famillle
émigré au pays A restée au pays B
(CA) (CB)
1. Espèces 5. Espèces
3. Code 3. Code
versées reçues par
d'identification d'identification
à HA la famille
Hawaladar Hawaladar
opérant dans le pays A Téléphone, opérant dans le pays B
(HA) fax ou e-mail (HB)
Espèces Espèces
Code d'identification
médiation. Les commissions qu’ils prélèvent sur ces opéra- 24 heures par un correspondant qui peut se rendre rapide-
tions sont moins élevées que celles pratiquées par les banques ment dans des localités difficiles d’accès. Documentation et
ou d’autres institutions de transfert de capitaux, car leurs frais comptabilité sont réduites à leur plus simple expression, et
généraux sont réduits au minimum et les hawaladars, qui l’absence de procédures bureaucratiques réduit le temps né-
gèrent souvent d’autres petites entreprises, échappent aux cessaire aux transferts.
coûts de la réglementation financière. Pour encourager les ex- Outre ces facteurs économiques, les liens de parenté, l’appar-
patriés à transférer des devises par leur intermédiaire, les ha- tenance ethnique ou les relations personnelles entre hawaladars
waladars les exonèrent souvent de commissions. En revanche, et travailleurs expatriés rendent le système plus commode et en
ces dernières sont, semble-t-il, plus élevées pour ceux qui uti- facilitent l’utilisation. Les expatriés apprécient la souplesse des
lisent le système afin de contourner le contrôle des changes horaires pratiqués par les hawaladars et leur proximité, tandis
ou des mouvements de capitaux ou d’autres restrictions ad- que ces derniers, pour répondre aux besoins de leurs clients, de-
ministratives. Ces commissions plus élevées couvrent alors mandent parfois à leur contrepartie de verser les fonds au béné-
souvent la totalité des dépenses des hawaladars. ficiaire sans attendre que le travailleur expatrié ait procédé au
Le système est plus rapide que les transferts financiers offi- paiement correspondant. D’autres considérations, d’ordre cul-
ciels en raison de l’absence de formalités administratives et de turel, incitent les travailleurs expatriés et les membres de leur fa-
la simplicité des opérations : les instructions sont données à mille restés au pays à utiliser ce système pour leurs transferts de
des correspondants par téléphone, télécopie ou courrier élec- fonds. Beaucoup de communautés expatriées sont exclusive-
tronique, et les fonds souvent livrés en mains propres dans les ment masculines, les épouses et les autres membres de la famille