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I. Le concept de théologie
Le fait de présenter un livre comme un ouvrage de théologie indique d’emblée son contenu,
son accent et ses limites. Le mot «théologie» se compose des mots theos, qui signifie Dieu,
et logos, qui désigne une expression rationnelle. Il renvoie donc à l’interprétation rationnelle
de la doctrine religieuse. La théologie chrétienne consiste à exprimer la foi chrétienne de
façon rationnelle.
Cette conception générale de la théologie implique au moins trois éléments:
1. La théologie est intelligible. L’esprit humain peut la saisir de façon ordonnée et
rationnelle.
2. La théologie requiert une explication. Celle-ci fait appel à l’exégèse et à la
systématisation.
3. La foi chrétienne ayant sa source dans la Bible, la théologie chrétienne consiste dans
une étude fondée sur la Bible. La théologie est donc la découverte, la systématisation
et la présentation des vérités relatives à Dieu.
A. La théologie historique
La théologie historique se concentre sur ce que les personnes qui ont étudié la Bible ont
pensé de ses enseignements, aussi bien d’un point de vue individuel que communautaire
(comme dans les déclarations des conciles ecclésiastiques). Elle montre comment l’Eglise a
formulé la vérité et dénoncé l’erreur, et guide le théologien dans sa propre compréhension
et dans sa propre formulation de la doctrine. Celui qui étudie la Bible parviendra à une
meilleure compréhension de la vérité s’il a connaissance des contributions et des erreurs
survenues au cours de l’histoire de l’Eglise. Chaque fois que je le jugerai opportun, j’inclurai
dans cet ouvrage un peu d’histoire de la doctrine.
B. La théologie biblique
Bien que l’expression «théologie biblique» ait été utilisée de différentes façons, elle sert à
préciser l’accent spécifique sur lequel porte l’étude de la théologie. Dans un sens non
technique, elle peut désigner la théologie piétiste (par opposition à la théologie
philosophique), la théologie fondée sur la Bible (par opposition à celle qui fait appel aux
penseurs contemporains) ou la théologie exégétique (par opposition à la théologie
spéculative). Certaines théologies bibliques actuelles, abordées dans une perspective
libérale, entrent dans la catégorie de la théologie exégétique, bien que leur exégèse ne
corresponde pas fidèlement à l’enseignement biblique. Les ouvrages publiés ne
représentent souvent qu’un commentaire au fil du texte biblique envisagé sous un angle
particulier, comme le royaume ou l’alliance de Dieu, dans le cas de la théologie biblique de
l’Ancien Testament, ou en termes de catégories, comme les enseignements de Jésus, de
Paul ou du christianisme primitif, dans le cas de la théologie biblique du Nouveau
Testament.
Dans un sens technique, la théologie biblique vise un objectif plus précis: elle aborde de
façon systématique les progrès de la révélation de Dieu dans la Bible au cours de l’histoire.
Cette définition entraîne quatre caractéristiques.
1. Les résultats de l’étude de la théologie biblique doivent être présentés sous une forme
systématique. De ce point de vue, elle ne diffère pas des autres domaines de l’étude
biblique et théologique. Le système ou schéma dans lequel sera présentée la
théologie biblique ne fait pas forcément appel aux mêmes catégories que celles
utilisées par la théologie systématique. Elle ne cherche ni à s’en servir ni à les éviter.
2. La théologie biblique prête attention au cadre historique dans lequel la révélation de
Dieu s’est opérée. Elle s’intéresse à la vie des auteurs humains de la Bible, aux
circonstances qui les ont poussés à écrire et au contexte historique des destinataires
de leurs écrits.
3. La théologie biblique étudie la révélation au fur et à mesure qu’elle s’est faite. Elle
reconnaît que la révélation ne s’est pas faite par un acte unique de Dieu, mais au
cours d’une série d’étapes successives mettant en scène une grande variété de gens.
La Bible est le récit des progrès de la révélation; c’est précisément à cet aspect que la
théologie biblique s’intéresse surtout. La théologie systématique, quant à elle,
considère la révélation en tant que «tout» complet et définitif.
4. La théologie biblique puise son matériau dans la Bible. En fait, la théologie
systématique orthodoxe le fait également. Cela ne signifie pas que la théologie
biblique et la théologie systématique ne puisent pas de matériau ailleurs ou qu’elles ne
puissent pas le faire. Mais la théologie ou la doctrine elle-même ne repose sur rien
d’autre que sur la Bible.
C. La théologie systématique
La théologie systématique rassemble les informations de la révélation biblique en un tout
pour donner un portrait complet et systématique de la révélation que Dieu a donnée de lui-
même.
La théologie systématique peut s’appuyer sur un travail historique, apologétique et
exégétique, mais son objectif est de présenter l’architecture globale de la doctrine biblique.
En résumé, la théologie est la découverte, la systématisation et la présentation des vérités
relatives à Dieu. La théologie historique le fait en insistant sur ce que d’autres ont dit de ces
vérités au cours des siècles. La théologie biblique le fait en étudiant la manière dont la
vérité divine a été peu à peu révélée. La théologie systématique présente la révélation
complète et achevée.
2. Quelques postulats
I. Le postulat de base
Consciemment ou non, chacun opère sur la base de certains postulats. L’athée qui déclare
que Dieu n’existe pas doit croire cette présupposition de base. Ensuite seulement il porte
sur le monde, l’humanité et l’avenir un regard différent de celui du théiste. L’agnostique
n’affirme pas seulement qu’on ne peut pas connaître Dieu, mais il doit le croire, car c’est la
base de son jugement sur le monde et la vie. S’il est possible de connaître le vrai Dieu, tout
le système de l’agnostique s’écroule. Le théiste croit en l’existence de Dieu, et il avance des
preuves en faveur de sa croyance, mais fondamentalement, il croit.
Le trinitaire croit en la trinité divine. Il puise cette croyance dans la Bible. Il croit donc que la
Bible est vraie.
C’est le postulat fondamental. Si la Bible n’est pas vraie, le trinitaire est dans l’erreur, et
Jésus-Christ n’est pas ce qu’il a affirmé être. Ni la nature ni le raisonnement humain ne
peuvent nous enseigner quoi que ce soit au sujet de la Trinité ou de Christ. Et à moins de
croire que notre source, à savoir la Bible, est précise dans ce qu’elle dit, nous ne pourrions
être certains de ce qu’elle déclare à propos du Dieu trinitaire. C’est pourquoi la foi en la
fiabilité et en la véracité de la Bible constitue le postulat fondamental. Nous y reviendrons
quand nous aborderons la question de son inspiration et de son inerrance.
A. Il doit croire
Certes, les non-croyants peuvent étudier la théologie et publier des ouvrages de théologie,
mais le croyant possède une perception et une vision de la vérité divine qui font défaut à
tout non-croyant: c’est l’Esprit de Dieu qui révèle les choses profondes concernant Dieu; or
l’incroyant n’a pas l’Esprit saint (1 Corinthiens 2:10-16).
Les croyants doivent aussi s’appuyer sur la foi, car certains aspects de la révélation divine
échappent à notre esprit limité.
B. Il doit réfléchir
Le croyant doit raisonner en théologien; il doit cultiver un raisonnement exégétique
(comprendre le sens exact), systématique (associer minutieusement les faits), critique
(évaluer les priorités dans les preuves avancées) et synthétique (regrouper et présenter
l’enseignement comme un tout).
La théologie et l’exégèse doivent toujours réagir l’une par rapport à l’autre. L’exégèse
n’apporte pas toutes les réponses, et quand elle propose plus d’une solution valable, la
théologie choisira celle qui est préférable. Certains passages pourraient, ou non, être cités
en faveur de la sécurité éternelle du croyant. C’est le système théologique choisi qui
tranchera. Mais aucun système théologique ne doit être rigide au point de refuser toute
modification ou tout perfectionnement qu’entraînerait une exégèse plus pointue.
D. Il doit adorer
L’étude de la théologie ne se limite pas à un simple exercice intellectuel, même si elle l’est
aussi. C’est une expérience qui transforme, convainc, élargit la vision, stimule et aboutit à
une révérence plus profonde pour Dieu. Adorer, c’est reconnaître la valeur de celui auquel
on rend un culte. Comment un être mortel pourrait-il se lancer dans l’étude de Dieu sans
gagner en prise de conscience de la majesté divine?
3. La question de l’autorité
La question de l’autorité est fondamentale dans l’étude de la théologie. Tous ceux qui se
situent à l’intérieur du concept large de théologie «chrétienne» admettent sans doute
l’autorité de Dieu comme norme suprême de la vérité. Mais la manière dont cette autorité
est conçue et exprimée diffère beaucoup à l’intérieur du christianisme.
A. La raison
La raison a toujours occupé une place prépondérante dans la pensée libérale. C’est
évidemment dans la sphère de la raison que s’élaborent les concepts qui servent de base
pour la communication entre des personnes. La raison est le canal nécessaire pour délivrer
et recevoir la vérité, et les évangéliques l’admettent. Mais le libéralisme a certainement
érigé la raison humaine en juge de la vérité, et souvent même en créatrice de la vérité. La
raison devient autonome, n’est soumise à aucune autorité supérieure ou extérieure, mais
elle est aussi sérieusement limitée par sa finitude et sa faillibilité.
B. Les sentiments
En réaction au rationalisme, Schleiermacher (1768-1834) développa sa théologie du
sentiment. Il mit l’accent sur l’analyse de l’expérience religieuse et fonda la religion sur le
sentiment de dépendance ou la conscience subjective. Sa théologie devint de
l’anthropologie et de la psychologie. C’est pour cela que Karl Barth considérait
Schleiermacher comme le champion du libéralisme religieux.
C. La conscience
Cette forme de libéralisme met en avant la conscience comme siège de l’autorité. Notre
connaissance est peu fiable et limitée; ce sont donc les instincts moraux fondamentaux de
l’âme humaine qui sont le fondement de l’autorité. Emmanuel Kant (1724-1804) fut le chef
de file de ce courant de pensée. Chez lui aussi, la théologie est devenue de l’anthropologie.
Dans toutes les formes de libéralisme, la nature humaine est, sous un aspect ou un autre, la
source de la vérité religieuse. La Bible est alors considérée comme le fruit de
raisonnements humains et comme contenant les pensées de l’homme à propos de Dieu, de
lui-même et du monde. Elle relate le développement historique des expériences et des
croyances religieuses humaines et n’est pas, contrairement à ce que les conservateurs
croient, le compte rendu d’un message émanant d’un Dieu transcendant qui a fait irruption
dans le cours de l’histoire.
A. Le catholicisme conservateur
Dans le catholicisme romain, l’autorité suprême réside dans l’Eglise elle-même. Certes,
l’Eglise croit ce que la Bible dit, mais c’est elle qui l’interprète. En outre, à côté de la Bible,
les traditions ecclésiastiques sont elles aussi source de révélation divine. Les conciles
œcuméniques et les papes ont parfois fait des déclarations qui sont considérées comme
infaillibles et qui s’imposent à tous les membres de l’Eglise.
L’Eglise d’Orient adopte la même attitude quant à l’autorité suprême: elle la trouve dans la
tradition, dans l’Eglise elle-même et dans la Bible. Même s’ils rejettent l’autorité de la
tradition, les évangéliques doivent reconnaître que, contrairement à l’enseignement des
libéraux, le catholicisme ne fonde pas l’autorité sur l’homme.
B. Le protestantisme conservateur
L’adjectif «conservateur» indique le rejet des bases humanistes et subjectives du
libéralisme comme fondement de l’autorité, le terme «protestantisme» le rejet de l’Eglise
comme base de l’autorité. On pourrait donc affirmer que «l’orthodoxie est la branche de la
chrétienté qui fait de la Bible le seul fondement de l’autorité religieuse»2. Les Ecritures
contiennent la révélation objective de Dieu et constituent donc le roc de l’autorité pour le
protestant conservateur.
Pour bien comprendre la révélation de Dieu dans la Bible, il lui faut avoir recours au travail
rationnel d’un esprit régénéré, exercer la foi dans les domaines non révélés ou incompris,
dépendre du ministère d’enseignement du Saint-Esprit, posséder une conscience pure
devant Dieu et avoir un aperçu des leçons de l’histoire.
Il arrive que, dans la pratique et contrairement à leur position théorique, certains
conservateurs nient à la Bible son rôle de seule autorité.
1. Dans les faits, certaines traditions ou dénominations accordent à leur confession de foi
une autorité égale à celle de la Bible. Or, si les confessions de foi peuvent donner des
formulations exactes et utiles de la vérité, elles ne peuvent jamais avoir l’autorité pour juger
la vérité; il faut donc toujours les reconnaître comme faillibles, susceptibles d’être révisées
et soumises à l’autorité de la Bible.
2. Dans les faits, certains milieux accordent à la tradition et aux pratiques admises une
autorité conjointe à celle de la Bible. Or, si l’Eglise a le devoir de donner des directives qui
font autorité à ses membres (Hébreux 13:7, 17), celles-ci sont faillibles, et elles doivent être
périodiquement révisées et toujours soumises à l’autorité de la Bible.
3. Dans les faits, certains mouvements conservateurs confèrent l’autorité suprême à
l’expérience religieuse. Or, si une saine expérience est le fruit de la soumission à l’autorité
biblique, toutes les expériences doivent être guidées, contrôlées et protégées par la Bible.
Rendre l’expérience normative et la revêtir de l’autorité suprême, c’est commettre la même
erreur que le libéralisme en remplaçant un critère objectif par l’existentialisme subjectif.
Examinez le tableau qui suit. Chaque fois qu’on attribue des compléments à l’autorité
objective, qu’on la compromet ou qu’on l’abandonne, le théisme est affaibli ou supprimé.
1 L. Harold DeWolf, The Case for Theology in Liberal Perspective, Philadelphie, Westminster,
1959, p. 17.
2 Edward John Carnell, The Case for Orthodox Theology, Philadelphie, Westminster, 1969,
p. 13.
Section II
Le Dieu vivant et vrai
4. La connaissance de Dieu
I. La possibilité de connaître Dieu
La connaissance de Dieu est indiscutablement désirable; les aspirations religieuses de
l’humanité le prouvent. Mais est-elle possible?
Les Ecritures affirment deux faits: Dieu est incompréhensible tout en étant connaissable. A
cause de l’incompréhensibilité de Dieu, l’esprit humain ne peut le connaître. Mais dire qu’il
est connaissable, c’est déclarer qu’il peut être connu. Les deux affirmations sont vraies,
mais aucune dans un sens absolu. Dire que Dieu est incompréhensible, c’est reconnaître
que l’homme ne peut pas tout connaître de lui; dire qu’il est connaissable, ce n’est pas
affirmer que l’homme pourrait tout connaître de lui.
Les Ecritures énoncent les deux vérités. Des passages comme Job 11:7 et Esaïe 40:18
évoquent son incompréhensibilité; des passages comme Jean 14:7; 17:3 et 1 Jean 5:20
affirment qu’il est connaissable.
A. Sa source
Dieu est lui-même la source de la connaissance que nous avons de lui. Certes, toute vérité
est la vérité de Dieu. Mais il convient de formuler et d’utiliser ce cliché avec plus de soin
qu’on ne le fait généralement: seule la véritable vérité vient de Dieu, car depuis que le
péché est entré dans le cours de l’histoire, l’homme a créé ce qu’il appelle «vérité» mais qui
ne l’est pas. De plus, il a faussé, émoussé, dilué et corrompu ce qui était originellement
l’authentique vérité venue de Dieu. Aujourd’hui, pour nous, la Parole écrite de Dieu est la
seule règle infaillible permettant de connaître la vérité. En effet, bien qu’elle révèle certains
attributs de Dieu, la nature est limitée, et l’esprit humain peut mal l’interpréter. Quoique
brillant dans certaines de ses réalisations, il souffre de limitations et d’obscurcissement.
Quant aux expériences humaines, même religieuses, elles manquent de fiabilité pour être
des sources de véritable connaissance de Dieu, à moins d’être conformes à la Parole de
Dieu.
Il va de soi que la connaissance de la vraie religion doit venir de Dieu. Au cours de la
dispensation passée, le judaïsme était la vraie religion révélée par Dieu. Aujourd’hui, il ne
l’est plus; seul le christianisme peut revendiquer ce statut. C’est Christ et les apôtres qui ont
apporté la véritable connaissance du christianisme. L’un des buts de l’incarnation du
Seigneur était de révéler Dieu (Jean 1:18; 14:7). La promesse de la venue de l’Esprit après
l’ascension de Christ comportait celle d’une révélation supplémentaire concernant le Fils et
le Père (Jean 16:13-15; Actes 1:8). Le Saint-Esprit éclaire les Ecritures au croyant pour qu’il
puisse mieux connaître Dieu.
B. Son contenu
Connaître vraiment Dieu, c’est connaître les faits le concernant et connaître sa personne. Si
l’on a connaissance de faits sur quelqu’un sans connaître cette personne, on a un savoir
limité; si l’on connaît quelqu’un sans connaître les faits qui le concernent, on a un savoir
superficiel. Dieu a révélé de nombreux faits le concernant, et tous sont importants pour
rendre notre communion personnelle avec lui intime, intelligente et utile. S’il avait révélé des
faits à son sujet sans que nous puissions le connaître personnellement, cette connaissance
factuelle aurait une utilité moindre et certainement pas éternelle. Le phénomène est
identique à celui des relations humaines: on ne peut commencer à tisser une relation entre
le divin et l’humain sans connaître un minimum de vérités relatives à la personne divine. La
relation personnelle ainsi tissée suscite ensuite le désir de connaître davantage de faits; à
son tour, cette connaissance factuelle approfondit la relation, et ainsi de suite. Tous ceux
qui étudient la théologie devraient faire cette expérience en boucle, dans laquelle une
certaine connaissance de Dieu approfondit notre relation avec lui, laquelle, à son tour,
accroît notre désir d’en savoir plus sur son compte.
D. Ses buts
1. Amener les humains à posséder la vie éternelle (Jean 17:3; 1 Timothée 2:4).
2. Stimuler la croissance chrétienne (2 Pierre 3:18) grâce à une connaissance doctrinale
accrue (Jean 7:17; Romains 6:9, 16; Ephésiens 1:18) et à un meilleur discernement
dans la vie (Philippiens 1:9-10; 2 Pierre 1:5).
3. Avertir du jugement à venir (Osée 4:6; Hébreux 10:26-27).
4. Favoriser le culte rendu à Dieu (Romains 11:33-36).
A. A travers la création
1. Argument. Pour l’exprimer de façon simple, l’argument cosmologique en faveur de
l’existence de Dieu souligne que l’univers qui nous entoure est un effet qui nécessite une
cause adéquate.
2. Présupposés. Ce type de raisonnement suppose trois postulats de base: (a) tout effet a
une cause; (b) l’effet dépend de la cause pour son existence; (c) la nature ne peut se créer
elle-même.
3. Développement. Ce qui existe actuellement (le cosmos) vient soit du néant, soit d’une
réalité éternelle. Dans le dernier cas, cette réalité éternelle pourrait être le cosmos lui-
même, le hasard comme principe éternel ou Dieu comme être éternel.
Dire que le cosmos vient de rien signifie qu’il s’est créé lui-même. C’est une contradiction
logique; en effet, pour qu’une chose se crée elle-même, il faudrait qu’elle soit à la fois
existante et non existante. En outre, l’autocréation n’a jamais été démontrée ni observée
scientifiquement.
Il existe une variante de cette théorie qui défend l’éternité de la matière; c’est la théorie dite
de l’état constant, qui affirme que la matière est constamment produite près du centre de
l’univers et détruite en quantité égale sur le périmètre extérieur de l’espace. Mais cette
thèse ne repose sur aucune preuve; si elle était vraie, elle contredirait la loi de la
conservation de la masse et de l’énergie.
Peut-on appliquer la relation de cause à effet à Dieu? N’est-il pas un effet qui exige une
cause? Non, car Dieu n’est pas un effet (un effet étant par définition quelque chose qui
nécessite une cause), du fait qu’il est éternel.
Si le cosmos ne s’est pas engendré lui-même, il a bien fallu que quelque chose d’éternel
soit la cause de son existence. Une première option consiste à penser que le processus
cosmique lui-même est éternel. Mais c’est un point de vue que très peu de gens défendent;
la plupart admettent que l’univers a eu un commencement, même si celui-ci remonte à la
nuit des temps.
Une deuxième explication consiste à supposer l’existence d’un principe éternel de hasard,
ou d’une intelligence aveugle. Ce point de vue exige une grande dose de foi. En effet, on
peut démontrer mathématiquement que le hasard est incapable de produire ce que nous
observons aujourd’hui dans l’univers. Et quand bien même le hasard aurait produit des
molécules et des atomes, c’est-à-dire le matériau de l’univers, un principe non vivant
pourrait-il aussi être à l’origine de l’âme et de l’esprit de la vie humaine?
La troisième option est l’explication théiste: Dieu est l’être éternel qui est la cause du
cosmos. Cela ne signifie pas que l’univers révèle tous les détails de la nature de cet être
éternel, mais qu’un être vivant, puissant et intelligent est la cause première de l’univers. Il
est vivant, car la non-vie ne peut produire la vie; puissant, à cause de la nature même de ce
qui a été formé; intelligent, compte tenu de l’ordre et de l’agencement du cosmos, qui ne
peuvent être le fruit du hasard.
4. Message de l’Ecriture. Deux passages clés de l’Ecriture montrent que la création est un
canal de révélation.
a. Psaume 19:2-7. Dans ce Psaume, David parle premièrement de la continuité de la
révélation par le moyen de la création (Psaume 19:2-3). Les verbes évoquent une action
continue, indiquant que les cieux, l’étendue, le jour et la nuit célèbrent continuellement la
gloire de Dieu. Deuxièmement, le psalmiste présente l’univers, les cieux et la terre comme
le centre ou l’arène de la révélation (Psaume 19:5). Troisièmement, la nature de cette
révélation est claire, bien que non verbale (Psaume 19:4). Quatrièmement, cette révélation
s’étend partout et à chacun (Psaume 19:5-7). Elle couvre la terre entière, et tout être
humain peut la connaître. La plupart des gens peuvent voir le lever et le coucher du soleil;
même les aveugles peuvent sentir sa chaleur (Psaume 19:7). Cette révélation devrait
pousser les gens à se poser des questions: D’où vient cette chaleur? Qui a fait le soleil?
Cinquièmement, le contenu de cette révélation est double: elle renseigne sur la gloire de
Dieu et sur sa grandeur.
b. Romains 1:18-32. Ce passage clé insiste sur la révélation de la colère de Dieu du fait que
l’humanité a rejeté ce qu’elle aurait pu connaître de lui par le canal de la création.
1. La révélation de la colère divine (Romains 1:18). Dieu manifeste sa colère contre tous
ceux qui éliminent la vérité et font preuve d’impiété. Les versets (Romains 1:24-32)
montrent comment cette colère se révèle.
2. Les raisons de la colère divine (Romains 1:19-23). Dieu a une double raison d’être en
colère: alors qu’on peut connaître quelque chose de lui, au lieu d’accepter cette vérité, les
hommes ont rejeté la révélation et l’ont même pervertie. «Ses ouvrages» (Romains 1:20),
c’est-à-dire le cosmos, révèlent clairement (depuis le commencement de la création) le
pouvoir et la divinité de Dieu. En d’autres termes, en observant l’univers, l’humanité tout
entière devrait savoir qu’un être suprême existe. Elle a préféré nier cette vérité et se
fabriquer des idoles qu’elle peut dominer.
3. Les résultats de la colère divine (Romains 1:24-32). Comme l’homme a rejeté la
révélation générale, Dieu l’a «livré» à lui-même (Romains 1:24, 26, 28). Certains pensent
qu’il s’agit d’un abandon permissif de la race humaine pour qu’elle subisse les
conséquences rétributives de son péché. Mais aux versets (Romains 1:24, 26, 28), le verbe
est à la voix active. D’autres interprètent le verbe dans un sens privatif: Dieu aurait privé
l’homme de l’œuvre de la grâce commune. Pour d’autres encore, le verbe désigne un acte
positif et judiciaire de Dieu qui livre les hommes au jugement. Cette interprétation inclut le
sens privatif précédent, mais elle va plus loin que le point de vue permissif: elle maintient la
responsabilité des hommes quant à leurs actions coupables (Ephésiens 4:19 utilise le
même verbe). L’être humain est condamné à juste titre parce qu’il n’a pas accepté ce que
Dieu lui dit de lui-même par le moyen de la création.
A. L’amour
1. Signification. Comme beaucoup d’autres termes chrétiens, l’amour est plus souvent
discuté que défini. Même le dictionnaire est de peu d’utilité. L’amour fait intervenir l’affection
et la correction. Les enfants sont câlinés et corrigés; ces deux actions sont d’authentiques
expressions de l’amour parental. De plus, les parents les pratiquent en croyant sincèrement
qu’ils font ce qui est le mieux pour l’enfant à ce moment-là. L’amour recherche le bien de
l’objet aimé. En quoi cela consiste-t-il? Chez Dieu, c’est la perfection de la sainteté et tout
ce que cela implique. L’amour incite Dieu à rechercher le bien suprême et la gloire de ses
perfections. Contrairement aux êtres humains, l’amour de Dieu est exempt de tout égoïsme.
2. Message de l’Ecriture. La Bible déclare clairement que «Dieu est amour» (1 Jean 4:8).
L’absence de l’article défini «le» devant «amour» (le verset ne dit pas que Dieu est l’amour)
indique que l’amour est la nature de Dieu. Et la présence de l’article défini «le» devant Dieu
(littéralement «le Dieu est amour») montre que la proposition n’est pas réversible: on ne
peut pas dire: «L’amour est Dieu» (contrairement à ce qu’affirme la Science chrétienne).
3. Applications. Comme chaque personne de la Trinité possède tous les attributs, il doit
exister une certaine interaction d’amour au sein de la Trinité (inconcevable pour les êtres
humains).
Dieu, qui est amour, se permet d’aimer des gens pécheurs. C’est la grâce (Ephésiens 2:4-
8).
Dieu a répandu cet amour dans le cœur des croyants (Romains 5:5).
Au sein de leurs épreuves, Dieu témoigne son amour envers ses enfants (Hébreux 12:6).
4. Quelques termes associés. Certains mots sont étroitement associés à l’amour. Mentionnons
la bonté, la miséricorde, la patience et la grâce. Les distinctions établies entre ces termes
ne sont pas rigoureuses. On peut définir la bonté de Dieu comme son souci bienveillant
envers ses créatures (Actes 14:17). La miséricorde est l’aspect de son amour qui pousse
Dieu à avoir pitié et compassion (Ephésiens 2:4; Jacques 5:11). La patience évoque la
retenue de Dieu devant la provocation (1 Pierre 3:20; 2 Pierre 3:15). La grâce est la faveur
imméritée que Dieu témoigne à l’homme, principalement dans la personne et l’œuvre de
Jésus-Christ. Tous ces concepts sont liés à l’amour de Dieu qui est amour, et en découlent.
5. Une hérésie. L’universalisme est une hérésie qui provient d’une conception faussée des
attributs divins. D’après cette doctrine, comme Dieu est amour, il finira par sauver tout le
monde. Or, l’amour de Dieu n’opère pas indépendamment de ses autres perfections,
notamment sa sainteté et sa justice. C’est pourquoi l’amour ne peut court-circuiter la
sainteté pour sauver ceux qui rejettent Christ et meurent dans leurs péchés. En outre,
l’universalisme ne définit pas correctement l’amour, car il ne considère que son aspect
«affection» et non celui de «correction». Enfin, l’universalisme contredit des affirmations
claires de l’Ecriture (cf. Marc 9:45-48).
B. L’éternité
1. Signification. Cet attribut signifie que l’existence de Dieu n’a pas de fin. Elle s’étend
indéfiniment en amont et en aval du temps tel que nous le concevons, sans aucune
interruption ni limitation provoquées par la succession des événements. En rassemblant ces
idées, Berkhof définit l’éternité comme «la perfection par laquelle Dieu s’élève au-dessus de
toute limite temporelle et de toute succession de moments et possède la totalité de son
existence dans un présent indivisible»8.
L’éternité et l’auto-existence de Dieu sont des concepts liés entre eux. Certains ouvrages de
théologie utilisent le terme aséité pour indiquer que Dieu existe par lui-même. Le terme
«aséité» est construit à partir des mots latins a se, «par soi». Si Dieu existe indéfiniment, il
n’est jamais venu à l’existence ni n’a jamais été appelé à l’existence. Il existe par lui-même,
sans commencement ni fin.
2. Message de l’Ecriture. L’éternité de Dieu est affirmée au Psaume 90:2 «D’éternité en
éternité tu es Dieu» et en Genèse 21:33 où l’expression El Olam, le Dieu éternel, vient d’une
forme originale qui signifie «le Dieu de l’éternité».
3. Question. Quel rapport Dieu entretient-il avec la succession des événements? En tant
qu’être éternel, il voit le passé et l’avenir aussi clairement que le présent; de plus, il doit les
voir comme incluant la succession des événements, mais il n’est pas lié par cette
succession. Nous en voyons une illustration dans la scène céleste décrite en
Apocalypse 6:9-11, où le Seigneur répond à la question des martyrs concernant le temps
qu’ils doivent encore attendre avant d’être vengés. Il leur affirme que certains événements
doivent encore se produire sur la terre.
4. Une implication. L’éternité de Dieu entraîne une conséquence réconfortante: comme il n’a
jamais cessé et ne cessera jamais d’exister, nous sommes assurés de sa maîtrise
providentielle sur toutes choses et sur tous les événements.
C. L’immutabilité
1. Signification. L’immutabilité de Dieu signifie qu’il est immuable, c’est-à-dire qu’il ne change
pas. Il ne faut pas assimiler cette perfection à de l’immobilisme ou de l’inactivité; elle indique
que Dieu n’est jamais incohérent, qu’il ne croît pas et ne se développe pas.
2. Message de l’Ecriture. Malachie 3:6 et Jacques 1:17 parlent d’immutabilité. Notons que le
premier de ces passages garantit la préservation d’Israël.
3. Problème. Si Dieu est immuable, comment peut-il se repentir (Genèse 6:6; Jonas 3:10)?
S’il y avait vraiment du changement en Dieu, il ne serait ni immuable, ni souverain, ni les
deux. La plupart des commentateurs expliquent cette expression comme étant un
anthropomorphisme, c’est-à-dire une description en termes humains de ce qui n’est pas
humain. Si le déroulement du plan divin semble présenter des changements, ce n’est que
sous l’angle humain, car les desseins éternels de Dieu sont immuables, comme lui-même.
L’expression du repentir peut aussi simplement vouloir dire que Dieu était peiné ou attristé,
ce qui élimine la notion d’un quelconque changement.
4. Implications en rapport avec Dieu lui-même. «Si l’auto-existence devait changer, elle
deviendrait une existence dépendante; l’éternité deviendrait le temps, la perfection
l’imperfection, et Dieu non-Dieu.»9 L’immutabilité nous donne l’assurance qu’aucune des
perfections de Dieu ne change.
5. Implications en rapport avec nous. L’immutabilité procure l’assurance, qui est aussi un
réconfort, que Dieu tiendra ses promesses (Malachie 3:6; 2 Timothée 2:13). Elle nous
rappelle que Dieu ne change pas d’attitude, notamment à l’égard du péché. Dieu ne peut
donc jamais être amené à changer ou à se compromettre.
D. L’infinité
1. Signification. L’infinité signifie que Dieu n’a ni frontières ni limites. Il n’est pas limité par
l’univers, ni par les dimensions spatio-temporelles. Mais il ne faut pas en déduire qu’il serait
en quelque sorte diffus dans tout l’univers, un peu ici et un peu ailleurs. «Il faut concevoir
l’infinité de Dieu plutôt comme intensive que comme extensive…»10
2. Message de l’Ecriture. Salomon reconnut l’infinité de Dieu lors de la dédicace du temple
(1 Rois 8:27), et Paul s’appuya sur cet attribut pour opposer Dieu aux fausses divinités des
Athéniens (Actes 17:24-28).
3. Observation. On attribue parfois à cette perfection le nom «immensité». Elle se différencie
de l’omniprésence. En effet, l’infinité souligne la transcendance de Dieu (il n’est pas limité
par l’espace), tandis que l’omniprésence insiste sur son immanence (il est présent partout).
E. La justice
1. Signification. Bien que liée à la sainteté, la justice constitue cependant un attribut divin
distinct. La sainteté de Dieu renvoie au fait qu’il est séparé de tout, sa justice parle de sa
droiture. Elle a trait à la loi, à la morale et à la droiture. Dieu est juste en rapport avec lui-
même; autrement dit, rien dans sa nature n’enfreint quelque loi que ce soit, que ce soit dans
son être ou dans son œuvre. Il est juste vis-à-vis de ses créatures, c’est-à-dire qu’il ne
prend aucune initiative qui viole quelque code de morale ou de justice que ce soit. On
distingue parfois ces deux aspects de sa justice en parlant d’une justice absolue (vis-à-vis
de lui-même) et d’une justice relative (vis-à-vis de la création).
2. Message de l’Ecriture. Le Psaume 11:7 affirme la justice absolue de Dieu: «Car l’Eternel
est juste» (cf. Daniel 9:7). David mentionne aussi sa justice relative (Psaume 19:10; cf.
Actes 17:31).
F. La liberté
1. Signification. La liberté de Dieu signifie qu’il est indépendant de ses créatures et de sa
création.
2. Message de l’Ecriture. Quand le prophète Esaïe demande qui a inspiré l’Eternel, qui lui a
enseigné quoi que ce soit ou qui l’a instruit, il sous-entend la réponse «personne», parce
que Dieu est libre, indépendant de ses créatures (Esaïe 40:13-14).
3. Question. Comment concilier la liberté de Dieu avec les contraintes qu’il s’impose? On dit
généralement que la liberté de Dieu est limitée par sa propre nature; par exemple, sa
sainteté l’empêche de pécher. Mais comment même utiliser le terme de «restriction» en
rapport avec la perfection? La perfection ne connaît pas de restrictions.
4. Une application. Etant libre, Dieu n’a aucune obligation envers nous, sauf s’il décide de sa
propre initiative de se faire notre obligé. Il n’est pas tenu de faire quoi que ce soit en notre
faveur, à moins qu’il ne décide souverainement de le faire. Il ne nous est donc jamais
redevable de quoi que ce soit.
G. L’omnipotence
1. Signification. L’omnipotence de Dieu signifie qu’il est tout-puissant et capable d’accomplir
tout ce qui s’accorde avec sa nature. Si en réalité il n’a pas décidé d’accomplir tout ce qui
serait conforme à sa nature, c’est pour des raisons connues de lui seul.
2. Message de l’Ecriture. Le mot «Tout-Puissant» n’est utilisé que pour Dieu seul dans la
Bible; il revient cinquante-six fois et sert d’appui au concept d’omnipotence. Dieu s’est
révélé comme le Tout-Puissant à Abraham (Genèse 17:1), à Moïse (Exode 6:3), aux
croyants (2 Corinthiens 6:18) et plusieurs fois à Jean dans (Apocalypse 1:8; 19:6).
3. Une question. L’omnipotence a-t-elle des limites? Oui, dans deux domaines: il y a des
limitations naturelles et des limitations que Dieu s’impose. Les premières incluent ce que
Dieu ne peut pas faire parce que c’est contraire à sa nature: il ne peut pas mentir (Tite 1:2),
il ne peut être tenté par le péché (Jacques 1:13), il ne peut se renier lui-même
(2 Timothée 2:13). Les secondes comprennent ce qu’il n’a pas décidé d’inclure dans son
plan mais qu’il aurait pu y inclure, dans la mesure où ce n’était pas contraire à sa nature: il
n’a pas décidé d’épargner son Fils; il n’a pas décidé de sauver tout le monde; il n’a pas
choisi toutes les nations dans l’Ancien Testament; il n’a pas choisi Esaü; il n’a pas choisi
d’épargner Jacques (Actes 12:2). Il aurait pu accomplir tout cela sans aller à l’encontre de
son omnipotence, mais dans son plan il a décidé de ne pas le faire.
Des questions comme: «Dieu pourrait-il faire en sorte que 2 + 2 = 6» n’impliquent aucune
déficience dans son omnipotence. Cette question particulière est du domaine de
l’arithmétique, et non de la puissance. On pourrait tout aussi bien demander si une
explosion nucléaire peut faire que 2 + 2 = 6. Ce qui est plus important, c’est que Dieu ne
peut jamais faire que le mal soit bien.
4. Implications. Par le passé, Dieu a démontré son pouvoir dans la création (Psaume 33:9),
dans la préservation de toutes choses (Hébreux 1:3), dans la délivrance de l’esclavage en
Egypte accordée au peuple d’Israël (Psaume 114). Mais la plus grande manifestation de sa
puissance a été la résurrection de Christ d’entre les morts (2 Corinthiens 13:4). Pour le
croyant, la puissance divine est liée au service de l’Evangile (Romains 1:16), à sa sécurité
(1 Pierre 1:5), à son espérance d’une résurrection du corps (1 Corinthiens 6:14) et à sa vie
de tous les jours (Ephésiens 1:19).
H. L’omniprésence
1. Signification. L’omniprésence de Dieu signifie que son être tout entier est présent partout
et toujours.
2. Message de l’Ecriture. David se demanda s’il y avait un seul endroit où l’on pourrait
échapper à la présence de Dieu (Psaume 139:7-11). La réponse est négative, car Dieu
n’est pas limité par l’espace (Psaume 139:8), pas intimidé par la vitesse (Psaume 139:9), ni
affecté par l’obscurité (Psaume 139:11-12).
3. Quelques précisions. Comme nous l’avons fait remarquer à propos de la définition de
l’infinité, il ne faut pas penser que Dieu serait en quelque sorte diffus dans tout l’univers, un
peu ici et un peu ailleurs. Tout son être est en tout lieu; sa présence dans chaque chrétien
en est d’ailleurs une belle illustration.
Le fait que Dieu est omniprésent ne veut pas dire que l’impact de sa présence ne varie pas.
Sa présence sur son trône (Apocalypse 4:2), dans le temple de Salomon (2 Chroniques 7:2)
ou dans le croyant (Galates 2:20) diffère certainement, de ce point de vue, de sa présence
dans l’étang de feu (Apocalypse 14:10). Même si, dans l’étang de feu, les perdus seront
«loin de la face du Seigneur» (2 Thessaloniciens 1:9, prosôpon), ils ne seront jamais
séparés de celui qui est omniprésent (Apocalypse 14:10, enôpion). Ils ne jouiront
évidemment pas de la présence-communion qui existe lorsque Dieu demeure dans le
croyant (car il détournera sa face des méchants jetés dans l’étang de feu).
L’omniprésence diffère du panthéisme qui identifie l’univers à Dieu. C’est le déiste anglais
John Toland (1670-1722) qui forgea ce terme quand il déclara en 1705 que «Dieu est
l’esprit ou l’âme de l’univers». Cette hérésie néglige de distinguer le créateur du créé, une
distinction qu’enseignent les premiers versets de la Bible.
L’omniprésence ne doit pas non plus être assimilée au panthéisme des adeptes de la
théologie du «process»11, qui prônent que l’être divin imprègne tout l’univers mais ne se
limite pas à lui. Certes, le Dieu omniprésent est présent partout, mais il ne se diffuse pas
dans l’univers et ne le pénètre pas. Par ailleurs, contrairement aux allégations de la
théologie du process, Dieu n’est pas en train de se développer.
4. Quelques implications. Personne ne peut se soustraire à la présence de Dieu. C’est là un
avertissement pour les incroyants et une pensée réconfortante pour les croyants qui
peuvent faire l’expérience de sa présence dans toutes les circonstances de la vie.
I. L’omniscience
1. Signification. L’omniscience de Dieu signifie qu’il connaît aussi bien et sans effort tout ce
qui est effectif que ce qui est possible. A. W. Tozer écrit:
Dieu connaît instantanément et sans effort toute matière et tout domaine, toute
âme et toute opinion, tout esprit et toute disposition, tout ce qui existe et tous
les êtres, toute création et toute créature, toute individualité et toute pluralité,
toute loi et toute règle, toute relation, toute cause, toute pensée, tout mystère,
toute énigme, tout sentiment, tout désir, tout secret inexprimé, tout trône et
toute domination, toute personnalité, toute chose visible et invisible dans le ciel
et sur la terre: mouvement, espace, temps, vie, mort, bien, mal, cieux, enfer.
Puisque Dieu connaît toutes choses parfaitement, il ne connaît rien mieux que
le reste, mais tout également bien. Il ne découvre jamais rien. Il n’est jamais
surpris, jamais étonné. Il ne s’émerveille jamais de rien, il ne cherche aucune
information et ne pose aucune question (sauf en vue de faire parler les
hommes pour leur propre bien).12
2. Message de l’Ecriture. Dieu connaît toutes ses œuvres depuis le commencement
(Actes 15:18). Il dénombre les étoiles et leur donne des noms (Psaume 147:4). Le Seigneur
a fait preuve de son omniscience quand il a révélé ce qui arriverait aux villes de Tyr et de
Sidon (Matthieu 11:21). Dieu sait de quoi notre vie sera faite avant même notre naissance
(Psaume 139:16).
3. Applications.
a. Omniscience et sécurité. Rien de ce qui arrive dans la vie du croyant ne peut surprendre
Dieu ni l’amener à le rejeter. «Aucun rapporteur ne peut l’informer sur nous, aucun ennemi
ne peut maintenir une accusation, aucun fantôme oublié ne peut surgir d’un placard secret
pour nous confondre et révéler notre passé, aucune faiblesse insoupçonnée de notre
caractère ne peut être exposée pour détourner Dieu de nous, puisqu’il nous connaissait
complètement bien avant que nous le connaissions et qu’il nous a appelés à lui dans la
connaissance parfaite de tout ce qui était contre nous.»13
b. Omniscience et sensibilité. Toute mise en garde divine procède d’un être omniscient; c’est
pourquoi nous devrions être extrêmement sensibles à ses avertissements. Il ne nous met
pas en garde sur la base de ce qui pourrait peut-être nous arriver; il sait exactement ce qui
nous menace.
c. Omniscience et consolation. Quand nous faisons face à des circonstances inexplicables
dans la vie, nous cherchons systématiquement refuge dans le Dieu omniscient et trouvons
notre consolation en lui. Non seulement il sait ce qui nous arrive réellement, mais il sait
aussi ce qui aurait pu nous arriver. Il connaît toujours le bien et la gloire qui surgiront
d’événements que nous ne comprenons pas.
d. Omniscience et tempérance. Sachant qu’ils doivent comparaître un jour devant le Dieu qui
sait tout (Hébreux 4:13), tous devraient faire preuve de modération en tout.
J. La sainteté
1. Signification. Habituellement définie de façon négative et par rapport à une norme relative
et non absolue, la sainteté dans la Bible désigne la séparation d’avec ce qui est profane ou
souillé. Dans le cas de Dieu, elle signifie non seulement qu’il est séparé de tout ce qui est
impur et mauvais (aspect négatif), mais qu’il est aussi pur et distinct de tous les autres
(aspect positif).
Une analogie permettra de comprendre ce concept. Qu’est-ce que la bonne santé? C’est
non seulement l’absence de maladie, mais aussi la présence d’énergie à profusion. La
sainteté, c’est l’absence du mal et la présence positive du bien. Chez Dieu, elle désigne la
pureté de son être et de sa nature ainsi que de sa volonté et de ses actions.
2. Message de l’Ecriture. Dans l’Ancien Testament, Dieu tenait particulièrement à être connu
par sa sainteté (Lévitique 11:44; Josué 24:19; Psaume 99:3, 5, 9; Esaïe 40:25;
Habakuk 1:12). Dans le Nouveau Testament, la sainteté apparaît dans des affirmations
sous forme d’attributs ou d’épithètes (Jean 17:11; 1 Pierre 1:15), dans des louanges
(Apocalypse 4:8) et dans la métaphore de la lumière appliquée à Dieu (1 Jean 1:5).
3. Applications. A cause de la sainteté absolue et innée de Dieu, les pécheurs doivent être
séparés de lui, à moins de trouver un moyen qui les rende saints. C’est précisément l’un
des bienfaits des mérites de Jésus-Christ.
Une conception juste de la sainteté de Dieu rend le pécheur plus conscient de son propre
péché (Esaïe 6:3, 5; Luc 5:8).
La sainteté de Dieu constitue la référence pour le croyant, dans sa vie et dans sa conduite
(1 Jean 1:7). Ce principe devrait mettre fin à toutes les discussions, souvent stériles, à
propos de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas dans la vie chrétienne. Pour savoir
quelle est la conduite qui convient, il suffit de se poser la question: «Est-ce saint?» Telle est
la règle à laquelle se plie le croyant. Même s’il ne parvient pas toujours à s’y conformer, il
ne doit jamais en rabaisser les exigences.
K. La simplicité
1. Signification. La simplicité de Dieu signifie qu’il n’est pas un être composite ou combiné.
Cet attribut a trait à son essence, de sorte qu’il ne contredit pas la révélation de la Trinité.
Toutefois, lorsque nous considérons Dieu comme un être trinitaire, il nous rappelle qu’il
n’est ni divisible ni formé de multiples parties ou substances.
2. Message de l’Ecriture. «Dieu est Esprit (ou esprit)» (Jean 4:24). Les hommes, eux, sont
esprit et matière. Certes, lors de l’incarnation, notre Seigneur s’est fait chair, mais la divinité
du Dieu-homme était toujours Esprit et rien qu’Esprit.
3. Implications. La simplicité de Dieu souligne le fait qu’il existe par lui-même (car il n’y avait
aucune cause antérieure pour former un être composé), nous donne l’assurance que Dieu
ne sera jamais autre chose qu’Esprit et nous rend capables de l’adorer en esprit, et non par
des moyens matériels.
L. La souveraineté
1. Signification. Le terme de souveraineté désigne le fait d’être le principal, le chef, celui qui
est au-dessus de tout. Il précise d’abord la position de Dieu (il est le chef de l’univers), puis
sa puissance (il exerce le pouvoir suprême dans l’univers). L’Ecriture révèle comment il
exerce ce pouvoir. Un souverain peut se conduire en dictateur (ce n’est pas le cas de Dieu);
il peut aussi renoncer à l’exercice de ses pouvoirs (ce n’est pas le cas de Dieu). En fin de
compte, Dieu maîtrise parfaitement toutes choses, même s’il décide de laisser certains
événements suivre le cours des lois naturelles qu’il a établies.
2. Message de l’Ecriture. Dieu a un plan (Actes 15:18) qui inclut tout (Ephésiens 1:11); il
l’exécute (Psaume 135:6); ce plan intègre le mal, bien que Dieu ne puisse le commettre
(Proverbes 16:4), et il aboutit à la louange de sa gloire (Ephésiens 1:14).
3. Le problème. La souveraineté de Dieu semble s’opposer à la liberté et à la responsabilité
effective de l’homme. Pourtant, l’Ecriture affirme clairement la souveraineté de Dieu; nous
ne devons donc pas la nier sous prétexte que nous ne parvenons pas à la concilier avec la
liberté ou la responsabilité humaines.
Par ailleurs, si Dieu est souverain, pourquoi y a-t-il tant de mal dans la création? L’homme a
été créé avec une véritable liberté, mais en l’exerçant pour se révolter contre Dieu, il a fait
entrer le péché dans la race humaine. Bien qu’étant le concepteur du plan, Dieu ne porte
absolument aucune responsabilité dans le mal commis d’abord par Satan, puis par Adam.
Tout en haïssant le péché, il permet sa présence pour des raisons qui nous sont inconnues.
D’une certaine manière, le péché doit être inclus dans le plan de Dieu (sinon celui-ci ne
serait pas souverain) sans pour autant qu’il en soit l’auteur (sinon il ne serait pas saint).
La souveraineté et la liberté constituent une antinomie («une contradiction réelle ou
supposée entre deux principes valables apparemment égaux, ou entre les déductions
correctement tirées de ces principes»). Dans la Bible, les antinomies ne sont toutefois que
des contradictions apparentes, et non réelles. On peut accepter les vérités d’une antinomie
et s’en accommoder en acceptant par la foi ce qu’on ne peut concilier; on peut aussi tenter
de résoudre les contradictions apparentes, ce qui conduit inévitablement à insister sur une
vérité au détriment de l’autre, voire à nier cette autre vérité. La souveraineté ne doit pas
supprimer le libre arbitre, et celui-ci ne doit jamais atténuer la souveraineté.
M. L’unité
1. Signification. L’unité signifie qu’il n’y a qu’un seul Dieu, indivisible.
2. Message de l’Ecriture. L’unité de Dieu était l’une des révélations majeures de l’Ancien
Testament, comme le résume la célèbre profession de foi traditionnelle d’Israël (le shema,
d’après son premier mot hébreu qui signifie «écoute», dans Deutéronome 6:4). Ce verset
peut se traduire de plusieurs façons: «L’Eternel, notre Dieu, est un», ce qui met en avant
l’unité de Dieu, ou: «L’Eternel, notre Dieu, est le seul Eternel», ce qui souligne son unicité
(son caractère unique), excluant tout autre dieu et s’opposant aux dieux des païens. En plus
de sa claire révélation de la Trinité, le Nouveau Testament affirme l’unité de Dieu
(Ephésiens 4:6; 1 Corinthiens 8:6; 1 Timothée 2:5). Il s’ensuit que les personnes de la
Trinité ne sont pas des essences séparées à l’intérieur d’une essence divine unique. Dieu
est un en nombre et en unicité.
N. La vérité
1. Signification. La vérité peut se définir comme «un accord avec ce qui est représenté»; elle
inclut les notions de véracité, de fiabilité et de logique. Dire que Dieu est vrai et véridique,
c’est affirmer dans le sens le plus large qu’il est cohérent avec lui-même, qu’il est tout ce
qu’il doit être, qu’il s’est révélé tel qu’il est, que lui-même et sa révélation sont parfaitement
fiables.
2. Message de l’Ecriture. Dieu est le seul vrai Dieu (Jean 17:3); il ne peut donc mentir
(Tite 1:2) et il est toujours digne de confiance (Romains 3:4; Hébreux 6:18).
3. Implications. Comme Dieu est véridique, il ne peut rien faire qui soit en contradiction avec
lui-même. Il ne peut annuler ses promesses ou ne pas les accomplir (cf. 2 Timothée 2:13);
de plus, la Bible, qui est sa Parole, est vraie et exempte d’erreur.
Concluons cet exposé des perfections de Dieu par une remarque importante. Ces attributs
décrivent le seul vrai Dieu qui existe. L’homme a créé ses faux dieux qu’il peut manipuler et
assujettir. Il arrive aussi que des chrétiens se fassent une idée pervertie ou défectueuse de
Dieu pour la même raison: ils veulent pouvoir le manipuler ou ne pas devoir faire face au
Dieu vivant et vrai. Mais le seul Dieu qui existe réellement est celui qui s’est révélé d’abord
dans la Bible et qui se révèle par les attributs, ou les perfections, de son être que nous
avons indiqués plus haut. Pour connaître ce Dieu vivant et vrai, il ne faut rien moins qu’un
miracle, celui d’une révélation de lui-même par pure grâce. Tous ceux qui le connaissent
partagent le privilège de marcher avec le Dieu vivant et vrai et de l’adorer.
8 L. Berkhof, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1978, p. 60.
9 Gordon H. Clark, «Attributes, the Divine», dans Baker’s Dictionary of Theology, Grand
Rapids, Baker, 1960, pp. 78-79.
10 Berkhof, Systematic Theology, p. 59.
11 Théologie du process: mouvement d’origine anglo-saxonne pour lequel aucune
appellation française ne s’est imposée. Certains ont parlé de théologie du devenir, d’autres
de théologie du processus, d’autres encore de théologie de l’évolution. Le terme «process»
désigne un courant de pensée qui considère que les êtres et les choses ne sont pas des
substances fixes, immuables, stables ni permanentes, et qui estime que la réalité est
essentiellement fluide et mouvante, faite d’événements et de mouvements. (N.d.E.)
12 A. W. Tozer, La connaissance de l’Eternel, éditions Farel, 1997, p. 80.
13 Ibid., p. 81.
7. Les noms de Dieu
Les nombreux noms de Dieu dans l’Ecriture complètent la révélation de sa personne. Ils ne
correspondent pas à de simples titres que les hommes lui auraient assignés mais, dans la
majeure partie des cas, à ses propres descriptions de lui-même. Ils dévoilent ainsi des
aspects de sa personne.
Même en l’absence de tout nom particulier, les occurrences de l’expression «le nom de
l’Eternel» révèlent quelque chose du caractère divin. Invoquer le nom de l’Eternel équivaut
à adorer Dieu (Genèse 21:33). Prendre le nom de l’Eternel en vain, c’est le déshonorer
(Exode 20:7). L’Eternel assimile le refus d’observer la loi à une profanation de son nom
(Lévitique 22:2, 32). Son nom garantit la pérennité de la nation (1 Samuel 12:22).
I. Elohim
A. Les occurrences du nom
L’Ancien Testament emploie environ 2570 fois le terme elohim à propos des divinités en
général. Dans 2310 cas environ, il désigne le vrai Dieu. On le trouve pour la première fois
dans le premier verset de l’Ecriture. Il décrit les faux dieux dans Genèse 35:2, 4;
Exode 12:12; 18:11; 23:24.
B. La signification du nom
Le sens du nom elohim dépend de la racine à laquelle on le rattache. Certains le font dériver
d’une racine qui signifie «peur»; le nom indiquerait alors qu’il faut craindre, révérer ou
adorer la divinité. D’autres l’associent à une racine ayant le sens de «force»; le vocable
évoquerait alors une divinité de grande puissance. Bien qu’on ne puisse trancher de façon
catégorique, il semble cependant que le deuxième sens soit plus plausible. Appliqué au vrai
Dieu, il indique qu’il est le Fort, le chef puissant, la divinité suprême.
II. Yahvé
Le deuxième nom fondamental de Dieu est son nom personnel, YHWH, l’Eternel ou Yahvé.
C’est celui qui revient le plus souvent dans l’Ancien Testament (5321 fois).
A. L’origine du nom
Le nom Yahvé dérive apparemment de la racine hawa, qui signifie soit l’existence (comme
celle d’un arbre à l’endroit où il tombe, Ecclésiaste 11:3), soit le développement (comme
dans Néhémie 6:6). Les deux idées peuvent se combiner dans la signification du nom de
Dieu pour le présenter comme celui qui agit et existe par lui-même.
B. La révélation du nom
Ce nom fut utilisé par Eve (Genèse 4:1), par les hommes de l’époque de Seth
(Genèse 4:26), par Noé (Genèse 9:26) et Abraham (Genèse 12:8; 15:2, 8). Mais c’est
Moïse qui reçut la révélation de sa signification profonde. Dieu déclara que, bien qu’il soit
apparu aux patriarches, ceux-ci ne le connurent pas sous son nom Yahvé (Exode 6:3). La
portée de ce nom ne leur était pas connue dans son sens le plus large et le plus profond.
Moïse en eut la pleine révélation dans l’épisode du buisson ardent, où Dieu se présenta à
lui comme: «Je suis celui qui suis» (Exode 3:14). La notion principale, c’était celle de sa
présence aux côtés du peuple d’Israël.
D. La signification du nom
On peut discerner plusieurs facettes au nom Yahvé.
1. Il souligne l’immutabilité de l’auto-existence de Dieu. Cette constatation découle de
l’étymologie du nom et de la manière dont le Seigneur cite Exode 3:14 dans Jean 8:58
pour revendiquer son existence éternelle absolue.
2. Il assure le peuple de la présence de Dieu. Voir Exode 3:12.
3. Il est étroitement lié à la puissance de Dieu au service de son peuple et au respect de son
alliance avec lui. C’est ce qu’illustre et confirme l’émancipation du peuple d’Israël de
son asservissement en Egypte (Exode 6:6).
III. Adonaï
Comme Elohim, Adonaï est un pluriel de majesté. Au singulier, le mot désigne un seigneur,
un maître, un propriétaire (Genèse 19:2; 40:1; 1 Samuel 1:15). Il appartient au langage
relationnel des hommes (relation entre un maître et son esclave, par exemple, Exode 21:1-
6). Appliqué à Dieu dans ses rapports avec les hommes, il inclut l’idée d’autorité absolue.
Josué reconnut l’autorité du chef de l’armée de l’Eternel (Josué 5:14), et Esaïe se soumit à
l’autorité du Seigneur, son Maître (Esaïe 6:8-11). L’équivalent néotestamentaire de ce nom
est kurios, «seigneur».
V. Seigneur (kurios)
A. Les occurrences du nom
La plupart des occurrences du mot kurios dans le Nouveau Testament se trouvent sous la
plume de Luc (210 fois) et de Paul (275 fois), car tous deux écrivaient à des personnes de
culture et de langue grecques.
B. La signification du nom
Kurios souligne l’autorité et la suprématie. Il peut être simplement l’équivalent de notre
«monsieur» (comme en Jean 4:11) ou bien désigner un propriétaire (Luc 19:33) ou un
maître (Colossiens 3:22); il s’applique aussi à des idoles (1 Corinthiens 8:5) ou aux maris
(1 Pierre 3:6). Utilisé pour Dieu, il «exprime tout particulièrement son rôle de créateur, son
pouvoir révélé dans l’histoire, et sa juste domination sur l’univers»15.
VII. Père
Une des révélations qui caractérise le Nouveau Testament, c’est celle de Dieu comme Père
d’individus. Si l’Ancien Testament applique quinze fois seulement le titre de «Père» à Dieu,
le Nouveau Testament le présente 245 fois comme tel. En tant que Père, il donne à ses
enfants grâce et paix (une formule de salutation fréquente dans les épîtres, par exemple
Ephésiens 1:2; 1 Thessaloniciens 1:1), de bonnes choses (Jacques 1:17) et même des
commandements (2 Jean 4). C’est à Dieu le Père que nous adressons nos prières
(Ephésiens 2:18; 1 Thessaloniciens 3:11).
Résumons: dans les temps bibliques, le nom ne se limitait pas à identifier une personne; il
la décrivait en révélant parfois certaines de ses caractéristiques. «Eternel, notre Seigneur!
Que ton nom est magnifique sur toute la terre!» (Psaume 8:2, 10).
14 Akkadien: c’est-à-dire du pays d’Akkad, une région de la Mésopotamie centrale.
L’akkadien est la plus ancienne des langues sémitiques. (N.d.E.)
15 H. Bietenhard, «Lord» dans The New International Dictionary of New Testament Theology,
ed. Cohn Brown, Grand Rapids, Zondervan, 1976, 2:514.
16 S.E. Johnson, «Lord (Christ)» dans The Interpreter’s Dictionary of the Bible, New York,
Abingdon, 1976, 3:151.
17 William G. T. Shedd, Romans, New York, Scribner, 1879, p. 318.
8. La tri-unité de Dieu
Le mot «Trinité» ne se trouve pas dans la Bible. Les mots tri-unité, trinitaire, substance,
essence n’y figurent pas non plus. Nous les utilisons cependant, et souvent très utilement,
pour essayer d’exprimer une doctrine particulièrement complexe. Celle-ci n’est d’ailleurs
pas explicite dans le Nouveau Testament, même si certains prétendent qu’elle est implicite
dans l’Ancien Testament et explicite dans le Nouveau. Le Petit Robert définit ainsi l’adjectif
explicite: «Qui est réellement exprimé, formulé… qui est suffisamment clair et précis… qui
s’exprime avec clarté sans équivoque.» On ne peut manifestement pas l’appliquer à la
doctrine de la Trinité! Elle découle pourtant des Ecritures; c’est donc un enseignement
biblique.
A. L’unité de Dieu
Le célèbre Shema de Deutéronome 6:4, qui devint la confession de foi fondamentale du
judaïsme, affirme l’unité et l’unicité de Dieu. Le texte peut se traduire de plusieurs façons:
«L’Eternel notre Dieu est le seul Eternel»; «l’Eternel notre Dieu, l’Eternel est un»; «L’Eternel
notre Dieu, l’Eternel est unique»; «L’Eternel est notre Dieu, le seul Eternel». Cette dernière
traduction souligne davantage l’unicité de Dieu que son unité, mais en indiquant qu’il n’y a
qu’un Dieu, elle exclut le polythéisme. D’autres passages comme Exode 20:3;
Deutéronome 4:35; Esaïe 45:14; 46:9 insistent sur la loyauté d’Israël au seul Dieu.
C. L’ange de l’Eternel
L’expression «ange de l’Eternel» peut s’appliquer à n’importe quel ange de Dieu
(1 Rois 19:7; cf. 1 Rois 19:5), mais parfois cet ange est assimilé à Dieu tout en étant distinct
de lui (Genèse 16:7-13; 18:1-21; 19:1-28; Malachie 3:1). Ce fait milite en faveur d’une
distinction de personnes au sein de la divinité. Comme l’ange est appelé Dieu, il ne peut
pas représenter seulement un prophète qui aurait exercé son ministère avant la période
prophétique (selon la suggestion d’Edmond Jacob dans Theology of the Old Testament18).
A. Un seul Dieu
Comme l’Ancien Testament, le Nouveau déclare avec insistance qu’il n’y a qu’un seul Dieu.
Les passages comme 1 Corinthiens 8:4-6; Ephésiens 4:3-6 et Jacques 2:19 ne laissent
planer aucun doute à ce sujet.
B. Trois personnes
1. Le Père est reconnu comme Dieu. Personne ne le met en doute, et de nombreux textes
bibliques l’affirment (Jean 6:27; 1 Pierre 1:2).
2. Jésus-Christ est reconnu comme Dieu. Jésus s’attribue lui-même des perfections que seul
Dieu possède, comme l’omniscience (Matthieu 9:4), l’omnipotence (Matthieu 28:18) et
l’omniprésence (Matthieu 28:20). Il accomplit des choses que seul Dieu est capable de faire
(et la plupart de ses contemporains le reconnurent, parfois à contrecœur), comme l’acte de
pardonner les péchés (Marc 2:1-12) ou de ressusciter les morts (Jean 12:9). Par ailleurs, le
Nouveau Testament attribue à Christ des œuvres que seul Dieu peut opérer, comme le
soutien de toutes choses (Colossiens 1:17), la création (Jean 1:3) et le futur jugement de
tous (Jean 5:27).
Les derniers mots de Jean 1:1 confèrent la divinité pleine et entière à la Parole (Christ). La
meilleure traduction en est: «La Parole était Dieu.» Une exégèse logique interdit la
traduction adoptée par les Témoins de Jéhovah: «La Parole était un dieu.» Le mot «Dieu»
n’est pas précédé d’un article; s’il fallait le comprendre comme précédé de l’article indéfini
(«un dieu» au lieu de «le Dieu»), ce serait la seule fois où Jean s’exprimerait ainsi dans son
Evangile. Par conséquent, pour des raisons grammaticales, il est hautement improbable
que l’auteur ait songé à un article indéfini. Dans son prologue, Jean n’aurait pas pu trouver
une manière plus précise pour exprimer les vérités que la Parole était Dieu et qu’elle était
en même temps distincte du Père.
3. Le Saint-Esprit est reconnu comme Dieu. L’Esprit est appelé Dieu (Actes 5:3-4), il possède
les attributs de Dieu, comme l’omniscience (1 Corinthiens 2:10) et l’omnipotence
(1 Corinthiens 6:19); c’est lui qui régénère les hommes (Jean 3:5-6, 8), œuvre exclusive de
Dieu.
C. Les mentions de la Trinité
Matthieu 28:19 affirme l’unité de Dieu en trois personnes en les associant toutes dans l’acte
du baptême et en ne leur attribuant qu’un seul nom. D’autres passages comme
Matthieu 3:16-17 et 2 Corinthiens 13:13 associent également les trois personnes mais ne
soulignent pas leur unité d’une façon aussi forte que Matthieu 28:19.
Le schéma ci-dessus, courant, permet d’illustrer la divinité dans son unité tout en montrant
que chaque personne est distincte et Dieu.
On peut aussi mentionner le cas de l’eau qui conserve sa composition chimique aussi bien
à l’état solide qu’à l’état gazeux ou liquide. Il existe un point où l’eau liquide, la vapeur d’eau
et la glace peuvent coexister en équilibre. Tous les composants sont de l’eau, mais ils sont
distincts les uns des autres.
B. L’arianisme
Arius, un prêtre antitrinitaire d’Alexandrie (vers 250-336), distinguait le Dieu éternel du Fils,
engendré par le Père et ayant donc un commencement. Il enseignait aussi que le Saint-
Esprit était la première chose créée par le Fils, puisque toutes choses ont été créées par lui.
Il trouvait un appui biblique à ses idées dans des passages qui semblent présenter le Fils
comme inférieur au Père (Matthieu 28:18; Marc 13:32; 1 Corinthiens 15:28).
Arius eut comme adversaire Athanase (vers 296-373) qui, tout en maintenant l’unité de
Dieu, distinguait trois natures essentielles en Dieu et insistait sur le fait que le Fils était de
même substance que le Père. Il enseignait que le Fils était bien engendré, mais que cet
engendrement était un acte éternel et interne à Dieu; Arius, lui, rejetait l’engendrement
éternel.
Quand le concile de Nicée fut convoqué pour mettre fin à la querelle, Athanase et ses
disciples voulurent que soit affirmé le fait que le Fils est de même substance (homoousios)
que le Père; un groupe important de participants, plus modérés, suggérèrent que ce terme
soit remplacé par l’adjectif omoiousios («de substance semblable»). Pour les partisans
d’Arius, le Fils était de substance différente (heteroousios). Finalement, l’empereur
Constantin prit le parti d’Athanase; le symbole de Nicée affirme clairement et sans aucune
ambiguïté que le Christ est de même substance que le Père (homoousios, consubstantiel).
En ce qui concerne le Saint-Esprit, le symbole déclare simplement: «Je crois au Saint-
Esprit.» Mais dans son enseignement, Athanase maintenait que l’Esprit, tout comme le Fils,
est de même essence que le Père. Après le concile de Nicée, de nombreux documents
circulèrent au quatrième siècle; l’arianisme restait très populaire du fait de l’influence de
Constance II, fils et successeur de Constantin, qui était un ardent partisan d’Arius.
Dans la seconde moitié du quatrième siècle, trois théologiens de la province de Cappadoce,
dans la partie orientale de l’Asie Mineure, donnèrent sa forme définitive à la doctrine de la
Trinité et signèrent la mort de l’arianisme. Il s’agissait de Basile de Césarée, de son frère
Grégoire de Nysse et de Grégoire de Naziance, un ami intime de Basile. Ils contribuèrent à
la clarification de la doctrine trinitaire en utilisant les termes ousia pour désigner l’essence
unique de la divinité et hypostasis pour désigner les personnes. Leur insistance sur les trois
natures essentielles au sein du Dieu unique fit disparaître le soupçon de sabellianisme28
que les modérés faisaient peser sur le symbole de Nicée. Ils se révélèrent également
d’ardents défenseurs de la consubstantialité (homoousios) du Saint-Esprit.
B. L’urim et le thummim
Le pectoral que le souverain sacrificateur portait dans l’Ancien Testament était un double
carré fait de matériaux de grande beauté. Les deux parties étaient attachées entre elles par
des cordons; l’une couvrait la poitrine, l’autre le dos. Il était enchâssé de douze pierres
précieuses sur lesquelles étaient gravés les noms des douze tribus d’Israël. L’urim et le
thummim étaient peut-être deux pierres précieuses placées à l’intérieur d’une sorte de
bourse; on s’en servait pour connaître la volonté de Dieu (Exode 28:30; Nombres 27:21;
Deutéronome 33:8; 1 Samuel 28:6; Esdras 2:63).
C. Les rêves
Dieu s’est manifestement servi des rêves comme moyens de communication en de
nombreuses occasions à l’époque de l’Ancien Testament, et il le fera de nouveau lors de la
seconde venue de Christ (Genèse 20:3, 6; 31:11-13, 24; 40-41; Joël 2:28). Dieu s’est révélé
par des rêves aussi bien à des non-croyants qu’à des croyants (Genèse 20:3; 31:24). Tout
en constituant une expérience très répandue, les songes ont été un moyen spécial utilisé
par Dieu pour révéler la vérité.
D. Les visions
Celui qui a une vision est surtout frappé par ce qu’il entend, alors que celui qui fait un rêve
l’est par ce qu’il voit. Il semble aussi que l’être humain est davantage actif dans le cas d’une
vision (Esaïe 1:1; 6:1; Ezéchiel 1:3).
E. Les théophanies
Avant l’incarnation, les théophanies (apparitions divines) étaient associées à l’apparition de
l’ange de l’Eternel qui transmettait le message divin aux hommes (Genèse 16:7-14;
Exode 3:2; 2 Samuel 24:16; Zacharie 1:12).
F. Les anges
Dieu s’est aussi servi d’anges créés pour porter son message aux hommes (Daniel 9:20-21;
Luc 2:10-11; Apocalypse 1:1). (Notons que dans Apocalypse 19:17, Dieu se sert d’un ange
pour s’adresser aux oiseaux!)
G. Les prophètes
Les prophètes de l’Ancien Testament transmettaient le message de Dieu à l’humanité
(2 Samuel 23:2; Zacharie 1:1), comme le firent les prophètes du Nouveau Testament
(Ephésiens 3:5). Ils parlaient avec autorité parce qu’ils communiquaient la Parole du
Seigneur. Le prédicateur ou l’enseignant d’aujourd’hui ne peut être assimilé à un prophète,
car il ne fait que proclamer ou expliquer la Parole de Dieu déjà communiquée et écrite.
H. Les événements
Dieu se révèle aussi par son activité dans le déroulement de l’histoire. D’après Michée 6:4,
la délivrance accordée au peuple d’Israël pour lui permettre de sortir d’Egypte révélait la
justesse des interventions de l’Eternel. Les actes de jugement révèlent qui est Dieu
(Ezéchiel 25:7). L’incarnation de Christ fut évidemment la révélation spéciale suprême de
Dieu (Jean 1:14). Ces événements doivent être historiques et réels pour être des moyens
de communication de la vérité divine. Or, aujourd’hui, certains placent la foi existentielle
avant la foi historique. Autrement dit, ils tentent de créer une révélation indépendante des
faits historiques, ou trouvent une signification aux faits historiques tout en niant que les
événements concernés se soient réellement produits. Les auteurs bibliques, quant à eux,
ne se sont jamais appuyés sur une historiographie existentielle.
Il faut non seulement que les événements soient historiques, mais de plus qu’ils soient
interprétés par une inspiration divine, si nous voulons en saisir la signification exacte. Ainsi,
beaucoup d’hommes furent crucifiés; comment savoir alors que seule la crucifixion de Jésus
de Nazareth a enlevé les péchés du monde? La Parole de la révélation spéciale éclaire et
interprète correctement les ténèbres qui masquent le sens des événements.
I. Jésus-Christ
L’incarnation de Jésus-Christ est incontestablement un aspect primordial de la révélation
spéciale. Il a fait connaître le Père (Jean 1:14), révélé la nature de Dieu (Jean 14:9), la
puissance de Dieu (Jean 3:2), la sagesse de Dieu (Jean 7:46), la gloire de Dieu (Jean 1:14),
la vie de Dieu (1 Jean 1:1-3) et l’amour de Dieu (Romains 5:8). Notre Seigneur l’a fait à la
fois par ses actes (Jean 2:11) et par ses paroles (Matthieu 16:17).
J. La Bible
La Bible est en fait le plus complet de tous les canaux de la révélation spéciale, car elle
inclut une grande partie des autres. Bien que Dieu ait certainement accordé des visions,
des rêves et des messages prophétiques qui ne sont pas rapportés dans la Bible, nous n’en
connaissons aucun détail. De même, tout ce que nous savons de la vie de Christ est
consigné dans la Bible, même s’il est évident que l’Ecriture ne rapporte pas tout ce qu’il a dit
et fait (Jean 21:25). La Bible ne représente cependant pas seulement le compte rendu des
autres révélations accordées par Dieu; elle contient aussi une vérité additionnelle qui n’avait
pas été révélée par les prophètes ni même pendant la vie terrestre de Christ. Elle constitue
donc à la fois le récit de certains aspects de la révélation et une révélation en soi.
La révélation de la Bible n’a pas seulement un aspect inclusif, malgré son caractère partiel,
elle est aussi exacte (Jean 17:17) et progressive (Hébreux 1:1), et elle poursuit un but
(2 Timothée 3:15-17).
Il existe deux approches quant à la crédibilité de la révélation scripturaire. Pour les fidéistes,
l’Ecriture et la révélation qu’elle contient s’authentifient elles-mêmes; elles réclament notre
confiance (elles sont «autopistiques», de autos, «soi» et pistis, «foi» en grec). On doit et on
peut présupposer l’infaillibilité de la Bible parce que l’Ecriture se déclare inspirée et que
l’Esprit l’accrédite. Les empiristes, quant à eux, insistent sur la crédibilité intrinsèque de la
révélation biblique pour la juger digne de foi. Le fait que la Bible revendique une autorité
n’est pas en soi une preuve de son autorité; ce sont plutôt des preuves factuelles et
historiques qui constituent la lettre d’accréditation de la Bible et qui valident la véracité de
son message. J’ai personnellement le sentiment que les deux approches contiennent une
part de vérité. On peut et on doit donc se servir des deux.
B. 2 Pierre 1:21
Ce verset explique mieux que n’importe quel autre comment Dieu s’est servi des auteurs
humains pour produire la Bible. Le Saint-Esprit les a poussés ou portés tout au long du
processus. L’emploi du même verbe dans Actes 27:15 nous aide à mieux comprendre dans
quel sens l’Esprit a «poussé» les auteurs bibliques. Juste avant d’accoster sur l’île de Malte,
le navire qui amenait Paul à Rome fut pris dans une violente tempête. Bien
qu’expérimentés, les matelots ne parvinrent pas à le diriger, si bien qu’ils durent
abandonner au vent le soin de les mener où il voulait. Il en est de même de l’inspiration.
Tout comme le vent poussa, dirigea et entraîna le bateau, Dieu a poussé et dirigé les
auteurs humains dans la rédaction des livres de la Bible. Même si le vent était la cause
puissante qui faisait avancer l’embarcation, les matelots n’étaient pas endormis ni inactifs.
De même, le Saint-Esprit fut la force qui guida les auteurs, mais ceux-ci jouèrent un rôle
actif en rédigeant les Ecritures.
Le verset met un autre point en exergue: Pierre déclare que ce n’est pas la volonté de
l’homme qui a présidé à la rédaction de l’Ecriture. Le même verbe «poussés» ou «portés»
se trouve aussi à la fin du verset. La prophétie n’est donc pas née de la volonté de l’homme.
Elle est le produit du Saint-Esprit, et non de la volonté humaine. Cette affirmation entraîne
des conséquences incalculables sur la question de l’inerrance de la Bible. Ce n’est pas la
volonté de l’homme, capable de commettre des erreurs, qui est la source des Ecritures;
c’est le Saint-Esprit, incapable de se tromper, qui en est l’auteur. Certes, les écrivains
humains furent actifs, mais ce qu’ils écrivaient était canalisé, non par leur propre volonté
capable d’erreur, mais par le Saint-Esprit, véridique et infaillible.
B.B. Warfield insiste bien sur ce point dans son commentaire de 2 Pierre 1:21:
Dans cette affirmation étonnamment précise et riche de sens, plusieurs choses
méritent un examen attentif. Il y a tout d’abord l’affirmation emphatique que la
prophétie – terme que l’on peut généraliser à l’Ecriture dans notre cas de
figure – ne doit pas son origine à l’initiative humaine: «Ce n’est pas par une
volonté d’homme qu’une prophétie a jamais été apportée.» Il y a ensuite la
déclaration non moins emphatique que la prophétie prend sa source en Dieu.
Certes, la Parole a été prononcée par des hommes, mais ceux-ci «ont parlé de
la part de Dieu». L’auteur insère ici une clause remarquable sur laquelle il
insiste; il indique comment des hommes qui parlaient pouvaient le faire de la
part de Dieu: ils ont parlé parce qu’ils étaient «poussés» (verbe traduit par
«apporter» au début du verset) «par le Saint-Esprit». Puisqu’ils étaient ainsi
placés sous l’influence prépondérante du Saint-Esprit, ce qu’ils disaient ne
venait pas d’eux, mais de Dieu.33
Pour résumer: 2 Pierre 1:21 déclare que Dieu s’est servi d’hommes pour nous donner une
Bible totalement digne de confiance.
C. 1 Corinthiens 2:13
Paul affirme que la révélation de Dieu nous est venue sous la forme de mots et de discours.
Il s’oppose ainsi à ceux qui prétendent que l’inspiration concernerait seulement les pensées
que Dieu voulait nous faire connaître, mais pas les mots utilisés pour les exprimer. Une telle
conception éloigne de la notion d’inerrance du texte. Elle signifie, en effet, qu’on pourrait
posséder des pensées authentiques (celles de Dieu), mais communiquées en des termes
erronés (ceux de l’homme). Or, Paul défend vigoureusement le principe que le message de
Dieu nous est parvenu par les mots du texte.
Le fait que l’apôtre mentionne ici ses «discours» ne signifie évidemment pas qu’il exclut ses
écrits du même principe de l’inspiration divine. Notons d’ailleurs que Pierre déclare que Paul
«parle» dans ses écrits (2 Pierre 3:16). On peut donc étendre aux discours écrits le principe
de l’inspiration que Paul revendique dans ses discours parlés.
Résumons: d’après ce verset, les mots mêmes de la Bible sont inspirés.
D. Un ensemble de données
Les informations suivantes montrent la diversité du matériau que Dieu incita les auteurs
humains à inclure dans la Bible.
1. Du matériau directement donné par Dieu. C’est le cas des deux tablettes de pierre sur
lesquelles étaient gravés les dix commandements (Deutéronome 9:10).
2. Des recherches personnelles. Si certaines parties de la Bible jaillirent spontanément de la
plume des auteurs humains (comme certaines lettres de Paul), d’autres, en revanche,
firent l’objet de recherches minutieuses avant d’être écrites. L’Evangile selon Luc en
est un exemple. Luc n’était pas témoin oculaire des événements de la vie de Christ. Il
fallait donc que Dieu lui accorde une révélation spéciale pour qu’il puisse rédiger son
Evangile ou que Luc entreprenne des recherches afin de découvrir les faits qu’il tenait
à relater. Dans son prologue (Luc 1:1-4), Luc déclare (a) avoir consulté des témoins
oculaires de la vie et du ministère de Christ, (b) s’être servi d’écrits existants
concernant certaines parties de son ministère, (c) avoir vérifié l’exactitude de ses
sources, (d) avoir voulu présenter le résultat de ses investigations de manière
ordonnée, et (e) avoir été guidé par le Saint-Esprit, de sorte que sa narration est
exacte et digne de foi.
3. Le matériau prophétique. Lorsque la Bible fut écrite, environ un quart de son contenu
était prophétique (depuis, une partie de ces prophéties s’est réalisée). La véritable
prophétie ne peut procéder que du Dieu vrai et omniscient. Aucun auteur humain
n’aurait pu écrire une prophétie sûre à cent pour cent.
4. Le matériau historique. Une grande partie de la Bible rapporte le déroulement de
l’histoire, et elle le fait de façon exacte. La plupart des sections historiques ont été
écrites par des hommes qui ont personnellement vécu les événements rapportés (c’est
le cas de Luc, qui fut le compagnon de voyage de Paul lors de certains de ses
voyages missionnaires, Actes 16:10-13; 20:5–21:18; 27:1–28:6; de Josué, qui fut
directement impliqué dans la conquête de Canaan et consigna ses mémoires par
écrit). Il fallut évidemment que Dieu révèle certains récits historiques comme celui de la
création, puisqu’il n’y avait aucun témoin oculaire humain; Dieu l’a révélé à Moïse
longtemps après que les faits s’étaient produits.
5. Autres matériaux. La Bible rapporte aussi des choses fausses, comme les mensonges
de Satan (Genèse 3:4-5), mais elle les rapporte fidèlement. Elle contient des citations
de personnages non sauvés (Tite 1:12). On y trouve encore des passages fortement
teintés d’émotion personnelle (Romains 9:1-3). Mais toute cette diversité de matériaux
est fidèlement rapportée.
Résumons: Dieu a parfois révélé certaines choses de façon surnaturelle et directe; à
d’autres moments, il a permis aux auteurs humains de rédiger son message en utilisant leur
liberté d’expression. Mais c’est lui qui a inspiré le produit dans sa totalité, en guidant les
auteurs de multiples façons, pour qu’ils nous livrent son message dans les paroles de la
Bible.
I. L’inspiration naturelle
Les défenseurs de l’inspiration naturelle considèrent les auteurs de la Bible comme de
grands génies qui n’avaient pas besoin d’une aide surnaturelle pour s’acquitter de leur
tâche. Parmi les conséquences de cette doctrine erronée, mentionnons-en quatre:
(a) Les auteurs ont conçu eux-mêmes ce qu’ils écrivaient; Dieu n’a pas inspiré leurs
paroles.
(b) Ce type d’inspiration peut s’appliquer à d’autres livres que la Bible. «Mais la ligne de
démarcation entre elle [la Bible] et d’autres écrits religieux… n’est pas assez précise ni
assez définitive pour qu’on puisse établir une différence qualitative entre tous les autres
écrits et n’importe quelle partie des Ecritures canoniques.»34
(c) Si telle est la juste conception de l’inspiration, pourquoi des génies actuels n’écriraient-ils
pas des livres qui seraient aussi inspirés que la Bible?
(d) Une telle notion de l’inspiration n’implique évidemment pas l’infaillibilité du produit.
I. L’importance de l’inerrance
A. L’affirmation de son importance
Peut-on prétendre être évangélique et nier en même temps le plein concept de l’inerrance?
Oui, tout simplement parce que certains évangéliques le font! Strictement parlant,
l’évangélique est celui qui croit à l’Evangile. Peut-on revendiquer la qualité de chrétien et ne
pas accepter le concept de l’inerrance? Bien sûr! Indiscutablement beaucoup de chrétiens
entrent dans cette catégorie. Etre chrétien, c’est entretenir une juste relation avec Christ.
Peut-on être attaché à la Bible et nier l’inerrance? Pas si la Bible enseigne sa propre
inerrance.
Cette doctrine est donc de la plus haute importance. Si elle découle d’un enseignement
biblique, la rejeter, c’est rejeter du même coup une partie de la fiabilité de la Bible.
Réfléchissons bien: si la Bible contient des erreurs, qu’elles soient nombreuses ou non,
comment être sûrs que sa présentation de Christ est correcte? Après tout, il se pourrait
qu’une de ces erreurs concerne justement un aspect de sa vie. Qui nous garantit que cette
erreur ne concerne pas un domaine aussi crucial que la mort ou la résurrection de Jésus?
Qu’adviendrait-il alors de notre christologie? Elle pourrait en être affectée au point qu’il n’y
ait plus de foi chrétienne!
Supposons que l’enseignement biblique sur le Saint-Esprit soit inexact. Cela aurait des
conséquences pour la doctrine, qui est centrale, de la Trinité, et par répercussion des
conséquences incalculables sur d’autres doctrines comme la christologie, la sotériologie et
la doctrine de la sanctification. Même si les erreurs sont supposées n’affecter que des
questions «mineures», toute erreur rend la Bible suspecte sur d’autres points qui pourraient
ne pas être aussi «mineurs» que cela. La négation de l’inerrance entraîne la négation
d’autres doctrines.
Si on rejette le principe de l’inerrance, on peut s’attendre à de sérieuses remises en
question dans des domaines doctrinaux et pratiques.
Du point de vue doctrinal, nier l’inerrance de la Bible peut amener à:
1. nier l’historicité du récit de la chute d’Adam;
2. nier le caractère historique et véridique des expériences du prophète Jonas;
3. nier certains miracles de l’Ancien et du Nouveau Testaments;
4. nier que Moïse soit l’auteur du Pentateuque;
5. attribuer la rédaction du livre d’Esaïe à deux auteurs différents, voire plus;
6. faire bon accueil, voire adhérer, à la théologie de la libération avec sa nouvelle
définition du péché (social plutôt qu’individuel) et du salut (politique et temporel plutôt
que spirituel et éternel).
Le rejet de la doctrine de l’inerrance peut aussi avoir de graves répercussions sur le style de
vie. Il peut, par exemple, entraîner:
1. une conception plus laxiste de l’adultère,
2. une conception plus laxiste de l’homosexualité,
3. une conception plus laxiste du divorce et du remariage,
4. une réinterprétation «culturelle» de certains des enseignements de la Bible (par
exemple l’enseignement biblique sur les femmes ou sur l’obéissance civile),
5. une tendance à examiner la Bible à travers les lunettes de la psychologie moderne.
L’inerrance est une doctrine fondamentale; son déni ou même son atténuation peuvent
déboucher sur de graves erreurs en matière de doctrine ou de vie.
B. La femme de Caïn
La question de savoir où Caïn trouva sa femme laisse de nombreux partisans de l’inerrance
biblique indifférents. En revanche, les adversaires de cette doctrine se servent souvent de
cette question pour démontrer qu’on ne peut se fier aux affirmations de la Bible: comment
peut-elle dire qu’Adam et Eve, les deux premiers êtres humains, eurent deux fils, dont l’un
tua l’autre, et déclarer que nos premiers parents furent à l’origine d’une race nombreuse? La
Parole de Dieu dit effectivement et clairement qu’Adam et Eve furent les premiers êtres
humains créés. Le Seigneur le confirme dans Matthieu 19:3-9. La généalogie de Christ
remonte jusqu’à Adam (Luc 3:38). Pour Jude, Hénoc fut bien le septième depuis Adam
(Jude 14). Il peut difficilement s’agir du septième homme de la race humaine: cette
interprétation ne serait nécessaire que si Adam n’était pas un individu précis, ce que
prétendent d’ailleurs certains. La Bible relate le meurtre d’Abel par Caïn, mais aussi la
naissance de nombreux descendants d’Adam et Eve. Où Caïn trouva-t-il sa femme?
Nous savons qu’Adam et Eve eurent d’autres fils et filles, en plus d’Abel, de Caïn et de Seth
(Genèse 5:4). S’il n’y avait qu’une seule famille à l’origine, les premiers mariages durent se
faire entre frères et sœurs. Ces mariages consanguins ne furent pas gênants au
commencement. L’inceste est devenu dangereux parce que les gènes mutants qui
entraînent des enfants infirmes, chétifs ou débiles se retrouvent plus facilement chez les
enfants lorsque les deux parents les transmettent. Il est certain qu’Adam et Eve, sortis de la
main créatrice de Dieu, ne possédaient aucun gène mutant. Les mariages entre frères et
sœurs, ou entre cousins et cousines, n’étaient pas dangereux dans les deux générations
postérieures à Adam et Eve.
B. La graine de moutarde
Dans sa parabole de la graine de sénevé ou de moutarde, le Seigneur déclare que cette
semence est la plus petite de toutes les semences (Matthieu 13:32). S’est-il vraiment
trompé? En effet, il est manifeste que ce n’est pas la plus petite des graines. Avant de nous
précipiter vers cette conclusion, rappelons que cette phrase a été prononcée par Jésus-
Christ, et que s’il a dit un mensonge, il peut difficilement être reconnu sans péché. Il ne
s’agit pas d’une simple imprécision occasionnelle; si l’affirmation est erronée, elle révèle
quelque chose de grave au sujet de celui qui l’a prononcée, et cela pose un sérieux
problème doctrinal. On ne peut séparer ce récit historique de ses prolongements doctrinaux.
Comment comprendre alors les paroles du Seigneur? Il y a de nombreuses années, Trench
a déclaré ceci: «Cette semence, une fois jetée en terre est ‘la plus petite de toutes les
semences’, un propos qui a souvent troublé les commentateurs, étant donné que d’autres
semences, comme la graine de pavot ou de rue, sont plus petites. Il ne vaut cependant pas
la peine de s’appesantir sur ce genre de difficultés. Il suffit de savoir que l’expression ‘aussi
petit qu’une graine de moutarde’ était proverbiale parmi les Juifs pour désigner quelque
chose de très petit (cf. Luc 17:6). Dans son enseignement populaire, le Seigneur se servait
du langage populaire.»50
Précisons encore que l’adjectif «la plus petite» est en fait un comparatif et non un superlatif;
il devrait donc être traduit par «plus petite» et non par «la plus petite». Autrement dit, le
Seigneur ne prononçait pas une déclaration absolue (la graine de moutarde est vraiment la
plus petite de toutes), mais il range cette graine dans la catégorie des plus petites.
On peut sans doute combiner les deux explications. Jésus a placé, d’un point de vue
technique, la graine de moutarde parmi les plus petites et s’est appuyé sur un proverbe
pour accentuer l’idée qu’elle ne représentait pratiquement rien. En tout cas, il n’a pas
commis d’erreur d’ordre agronomique ou scientifique.
D. Le père de Zacharie
Dans Matthieu 23:35, il est dit que Zacharie (un sacrificateur, et non le prophète du même
nom) est fils de Barachie, alors que dans 2 Chroniques 24:20, il est présenté comme le fils
de Jehojada. Il faut savoir que le terme «fils» ne désigne pas nécessairement la génération
qui suit immédiatement. C’est dans un sens beaucoup plus large qu’il est employé, par
exemple, par Laban qui considère ses petits-enfants comme ses fils et ses filles
(Genèse 31:28), ou dans le cas de Christ, décrit comme fils de David et d’Abraham
(Matthieu 1:1). Il est probable que Jehojada était le grand-père de Zacharie et qu’il est cité
dans le livre des Chroniques à cause de sa notoriété.
E. Zacharie ou Jérémie?
La citation de l’Ancien Testament présente en Matthieu 27:9-10 est tirée pour l’essentiel de
Zacharie 11:12-13, mais Matthieu semble l’attribuer à Jérémie. N’est-ce pas une erreur
évidente?
Avant d’en arriver à cette conclusion, sachons que Jérémie était placé en tête des écrits
prophétiques de l’Ancien Testament dans le Talmud babylonien. Matthieu a donc très bien
pu se servir du nom de Jérémie pour désigner toute cette section de l’Ancien Testament,
d’où est tirée la citation de Zacharie. C’est comme si nous disions: «Dans un livre de
Gallimard, Durant dit…». En fait, Durant écrivit un livre édité par Gallimard. (Attention
toutefois: nous ne sommes cependant pas en train d’affirmer que Jérémie aurait édité les
prophéties de Zacharie.) Cette même préférence accordée à Jérémie s’observe aussi dans
Matthieu 16:14, où il est le seul prophète nommément désigné, alors que d’autres sont
sous-entendus.
C’est probablement l’explication la plus plausible. D’autres pensent que Matthieu avait
surtout à l’esprit les événements qui se déroulèrent dans la maison du potier (Jérémie 18–
19), d’où la mention de ce prophète.
F. Esaïe ou Malachie?
Les versets de Marc 1:2-3 posent problème, car les mots «selon ce qui est écrit dans Esaïe,
le prophète», sont immédiatement suivis d’une citation de Malachie, puis d’une autre tirée,
elle, d’Esaïe. Certains voient là une erreur manifeste, même si elle ne porte pas à
conséquence. Il faut toutefois comprendre que le chapitre est construit de manière à
présenter le «commencement de l’Evangile» en soulignant le ministère de Jean-Baptiste
dans le désert. Cela explique que, dans l’esprit de Marc, la citation d’Esaïe était la
principale, puisque c’était lui qui avait prédit l’activité du précurseur dans le désert. Son
attention étant focalisée sur la prophétie d’Esaïe, cela explique pourquoi il ne mentionne
que ce prophète à Marc 1:2.
G. Abiathar ou Achimélec?
Marc 2:26 indique que, lorsque David mangea les pains de proposition, le souverain
sacrificateur se nommait Abiathar; or, l’Ancien Testament parle d’Achimélec
(1 Samuel 21:1-6). L’incident se produisit effectivement alors qu’Achimélec était le
souverain sacrificateur en exercice, mais celui-ci fut mis à mort peu après et remplacé par
Abiathar. Ce dernier exerçait déjà le sacerdoce, et sa renommée fut supérieure à celle de
son prédécesseur. Marc ne dit pas qu’Abiathar était souverain sacrificateur lorsque David
prit les pains; il situe simplement l’événement à son époque. Quelqu’un pourrait, par
exemple, parler d’un événement survenu alors que Charles de Gaulle était président du
Conseil en disant «sous de Gaulle…», alors que celui-ci n’était pas encore président de la
République, mais allait seulement le devenir.
Ces exemples tirés de l’Evangile selon Marc montrent bien que celui qui aborde la Bible
avec l’arrière-pensée d’y trouver des erreurs trouvera de quoi alimenter son idée préconçue.
En revanche, celui qui l’aborde en la pensant inerrante s’efforcera de trouver des
explications plausibles; et même s’il n’en trouve pas ou ne peut en toute honnêteté accepter
celles proposées, il peut continuer de croire que la Bible est exempte d’erreur et que nous
ne disposons pas d’assez de données pour résoudre les difficultés apparentes.
H. La mort de Judas
Dans Actes 1:18, Pierre décrit la mort de Judas en ces termes: «Cet homme… est tombé,
s’est rompu par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues.» Matthieu
relate que Judas se pendit (Matthieu 27:5). Les deux récits sont vraisemblablement
authentiques: Judas s’est pendu, mais quelque chose a fait que son corps est tombé et
s’est éventré. Telle est l’explication qui est donnée depuis l’époque d’Augustin.
La comparaison des deux récits présente une autre difficulté: Matthieu affirme que c’est le
souverain sacrificateur qui acheta le champ du potier, alors que Pierre en attribue
l’acquisition à Judas. La solution la plus simple consiste à penser que les deux récits sont
vrais: les sacrificateurs ne pouvaient pas reprendre l’argent que Judas voulait leur restituer;
ils acquirent donc le champ en son nom, car ils ne voulaient pas être compromis par cet
argent.
I. Le discours d’Etienne
Sans contredire la doctrine de l’inerrance, on peut admettre qu’Etienne ait dit quelque chose
d’erroné dans son discours d’Actes 7, à condition que Luc l’ait rapporté fidèlement. Mais
l’interprète sérieux aimerait toutefois bien savoir ce qu’Etienne a bien voulu dire. Une
difficulté surgit au verset d’Actes 7:6 où Etienne fixe à 400 ans la durée du séjour d’Israël en
Egypte, alors qu’Exode 12:40 parle de 430 ans. Par ailleurs, dans Galates 3:17, Paul écrit
que la loi fut donnée 430 ans après la promesse faite à Abraham. Ces chiffres mettent deux
difficultés en évidence: (a) la différence entre 400 et 430 ans; (b) l’erreur apparemment
monumentale de Paul, car le temps qui s’est écoulé entre Abraham et le don de la loi est
bien supérieur à 430 ans.
Beaucoup considèrent simplement que la différence entre 400 et 430 ans est due à une
approximation: 400 ans, c’est 430 ans arrondis.
En ce qui concerne les 430 ans de Galates 3:17, ils ne renvoient pas au laps de temps
écoulé entre Abraham et le don de la loi (Genèse 12–Exode 20), mais couvrent plutôt la
période qui s’étend de la fin de la période patriarcale (Genèse 31:11-12) au don de la loi
dans Exode 20.
D’autres considèrent que les 400 ans marquent la durée de l’esclavage en Egypte et que
les deux autres mentions de 430 ans renvoient au temps écoulé entre la dernière
confirmation à Jacob de la promesse abrahamique et le don de la loi. Reconnaissons
humblement que nous n’avons pas assez de faits pour tirer une conclusion décisive. C’est
donc l’attitude a priori qui est déterminante: nous pouvons croire qu’il y a des erreurs ou
penser que si nous avions suffisamment de faits connus, les difficultés se résoudraient
facilement.
Le verset d’Actes 7:14 soulève un autre problème. Il y a en effet une contradiction entre les
chiffres. Etienne indique une famille composée de soixante-quinze personnes, alors que
Genèse 46:27 n’en compte que soixante-dix. Etienne suit la traduction de la Septante, qui
inclut cinq personnes supplémentaires (le fils et le petit-fils de Manassé ainsi que deux fils
et un petit-fils d’Ephraïm). Le compte rendu de la Genèse ne les mentionne pas. Quoi qu’il
en soit, les deux nombres indiqués ne concernent qu’un groupe restreint de personnes, car
la famille de Jacob était déjà beaucoup plus nombreuse si on compte les épouses des fils et
des petits-fils de Jacob, ainsi que les maris de ses filles et de ses petites-filles. Quiconque
voudrait dresser la liste des membres d’une famille si étendue arriverait facilement à
plusieurs nombres sans qu’ils se contredisent forcément.
Telles sont les principales difficultés que le Nouveau Testament contient. Tout au long de
l’histoire de l’Eglise, des hommes se sont servis de certains de ces problèmes pour
démontrer que la Bible contient des erreurs. Parallèlement, d’autres hommes, convaincus
de l’inerrance biblique, ont proposé des explications raisonnables. Quelques difficultés ont
été montées en épingle plus récemment. Sur la base de chacune de ces contradictions
apparentes, on peut certes conclure que la Bible contient des erreurs, mais on peut aussi
faire confiance aux explications plausibles avancées.
Il suffit d’une erreur pour que la Bible ne soit plus inerrante. Il peut s’agir d’une «petite»
erreur, une erreur sans conséquence, une erreur historique ou doctrinale, mais dès lors que
la Bible contiendrait une seule erreur, nous n’aurions plus un texte inerrant.
43 H.C. Leupold, Exposition of Genesis, Columbus, Wartburg, 1942, pp. 112-113.
44 Ray Summers, «How God Said It», dans The Baptist Standard, 4 février 1970, p. 12.
45 Robert Mounce, «Clues to Understand Biblical Accuracy», dans Eternity, juin 1966,
p. 18.
46 Ibid.
47 Daniel P. Fuller, «Evangelicalism and Biblical Inerrancy», non publié, pp. 18-19.
48 Berkeley Mickelsen, «The Bible’s Own Approach to Authority», dans Biblical Authority,
ed. Jack B. Rogers, Waco, Texas, Word, 1977, p. 86.
49 Stephen T. Davis, The Debate About the Bible, Philadelphie, Westminster, 1977, p. 106.
50 R.C. Trench, Notes on the Parables of Our Lord, New York, Revell, s.d., p. 91.
15. Le canon
Traiter du canon, c’est traiter du nombre de livres que contient la Bible. Le canon désigne
donc la liste, une liste qui fait autorité, des livres qui font partie des Ecritures. Certes, ces
livres furent écrits sur une longue période et par différents auteurs humains. Comment
furent-ils rassemblés, et qui décida de ceux qui devaient être inclus dans le canon?
D. Les pseudépigraphes
Le terme de pseudépigraphes désigne les écrits juifs qui ont été exclus du canon de
l’Ancien Testament et n’ont pas trouvé place non plus parmi les apocryphes. La plupart
d’entre eux sont présentés comme ayant été écrits par des personnages célèbres
(Salomon, Job, Moïse, Hénoch), mais cela ne correspond pas à la réalité. Personne n’a
jamais pensé sérieusement que ces livres pourraient être inclus dans le canon de l’Ancien
Testament.
B. Les moyens
Deux passages principaux décrivent le ministère d’illumination de l’Esprit: Jean 16:12-15 et
1 Corinthiens 2:9–3:2. Ils enseignent les vérités suivantes à propos de l’illumination:
1. L’Esprit est l’enseignant, et sa présence dans le croyant garantit l’exercice de ce
ministère d’enseignement à tous les chrétiens.
2. Les incroyants ne peuvent donc pas compter sur ce ministère. Même s’ils parviennent
à une connaissance approfondie de la Bible, fondamentalement ils considèrent ce
qu’ils savent comme une folie.
3. L’enseignement de l’Esprit concerne «toute la vérité», y compris «les choses à venir»,
c’est-à-dire la doctrine chrétienne, prophétie incluse.
4. La nature charnelle du chrétien peut contrecarrer le ministère de l’Esprit.
5. En exerçant son ministère, l’Esprit cherche à glorifier Christ.
6. L’Esprit se sert de ceux qui ont le don de l’enseignement pour accomplir son ministère
(Romains 12:7; 1 Jean 2:27). Cela comprend les écrits de ceux qui, actuellement
décédés, ont couché sur le papier les résultats de l’œuvre de l’Esprit dans leur vie.
L’expérience de l’illumination n’emprunte pas le canal de la «révélation directe». Le canon
est clos. L’Esprit illumine la signification du canon, lui-même déjà complet, et il le fait par le
moyen de l’étude et de la méditation. L’étude fait appel à tous les outils permettant d’établir
le sens d’un texte. La méditation, elle, réfléchit aux faits authentiques du texte, elle les
associe en un tout harmonieux et les applique à la vie personnelle. Le but final du ministère
d’illumination de l’Esprit est de glorifier Christ dans la vie du chrétien ou de promouvoir une
saine doctrine, c’est-à-dire un enseignement qui procure la santé spirituelle dans la vie du
croyant. L’illumination ne concerne pas seulement la compréhension des faits, mais aussi
l’utilisation de ces faits pour produire la ressemblance à Christ.
51 F.W. Farrar, History of Interpretation, Londres, Macmillan, 1886, pp. 193-194, 196.
52 Robert Mounce, The Book of Revelation, Grand Rapids, Eerdmans, 1977, p. 349.
53 Ibid., p. 359.
54 Oswald T. Allis, Prophecy and the Church, Philadelphie, Presbyterian and Reformed,
1945, pp. 16-19.
55 Ibid., p. 18.
56 Ibid., pp. 28-30.
57 Daniel P. Fuller, «The Hermeneutics of Dispensationalism», thèse de doctorat, Northern
Baptist Theological Seminary, 1957, en particulier p. 188, et Gospel and Law: Contrast or
Continuum? Grand Rapids, Eerdmans, 1980.
58 S. Lewis Johnson, The Old Testament in the New, Grand Rapids, Zondervan, 1980, p. 51.
Section IV
Les anges: des esprits exerçant un
ministère
17. L’existence des anges
S’il est des domaines de la théologie qui sont dédaignés, celui des anges en est
assurément un, en tout cas dans la plupart des ouvrages de théologie classiques. Il suffit de
considérer la place réservée à l’angélologie dans le domaine théologique pour s’en rendre
compte. Les dernières années du vingtième siècle ont cependant vu un intérêt grandissant
pour le sujet des anges, de Satan et des démons. Des articles, des livres et des
programmes télévisés représentant des anges, généralement plus mielleux et flous que
théologiquement exacts, ont contribué à cet élan d’intérêt pour l’angélologie. Mais seule la
Bible nous fournit une information exacte sur eux.
Même Calvin aborda ce sujet avec une extrême prudence59. Le déni néo-orthodoxe de
l’existence objective des anges a été contrecarré par la large publicité faite autour des
démons et de leur activité. Même si les hommes peuvent nier, d’un point de vue
théologique, l’existence d’un ordre d’êtres supérieurs appelés anges (et démons), ils ont
beaucoup de mal à la nier sur le plan de l’évidence, tellement l’activité de ces créatures est
manifeste. Ainsi, d’un côté les préjugés de l’homme contre tout ce qui est surnaturel lui font
bannir de son esprit la notion d’existence des anges, mais d’un autre côté, leur activité qu’il
ne peut expliquer rationnellement rend leur existence nécessaire.
I. La connaissance humaine
L’homme ne dispose pas du savoir qui lui permettrait de porter un jugement sur la
composition de l’univers. Il n’a aucun moyen a priori de savoir si l’univers inclut ou non un
ordre de créatures telles que les anges. De plus, il n’a pas de prédisposition à supposer la
présence des anges, car il est naturellement enclin à nier le surnaturel. Par ailleurs, son
expérience ne l’incite pas à croire à leur existence possible, et la confiance qu’il place en
son intelligence le pousse à chercher d’autres explications aux phénomènes qu’il ne peut
saisir facilement.
Ramm a très intelligemment posé le doigt sur les limitations du savoir humain. «L’humanité
ne possède pas de manuel intitulé Guide de toutes les créations possibles. Elle ne dispose
d’aucune information sur la création, en dehors de celles que cette création elle-même lui
fournit.»60 En d’autres termes, la connaissance limitée de l’homme ne lui permet pas de
conclure qu’il n’existe pas de telles créatures qui seraient des anges.
D. Les chérubins
Les chérubins constituent un autre ordre d’anges, apparemment de rang supérieur puisque
Satan était un chérubin (Ezéchiel 28:14, 16). Ils semblent préposés comme gardiens de la
sainteté de Dieu; ce sont eux qui ont été désignés pour garder le chemin de l’arbre de vie
dans le jardin d’Eden (Genèse 3:24). La représentation de chérubins dans la décoration du
tabernacle et du temple peut confirmer ce rôle de gardiens (Exode 26:1; 36:8; 1 Rois 6:23-
29). Ils portent le trône en forme de chariot qu’Ezéchiel aperçoit (Ezéchiel 1:4-5; 10:15-20).
Certains exégètes identifient les quatre êtres vivants d’Apocalypse 4:6 à des chérubins,
tandis que d’autres voient dans ces créatures les attributs de Dieu. Le temple du millénium
comporte également des représentations de chérubins (Ezéchiel 41:18-20).
E. Les séraphins
Tout ce que nous savons de cet ordre d’êtres angéliques se trouve dans Esaïe 6:2-7.
L’ordre des séraphins semble être proche de celui des chérubins. Dans la vision d’Esaïe, ils
agissent comme gardiens du trône de Dieu et agents purifiants. Ils ont aussi pour mission
de célébrer Dieu. Leur description fait penser à un être de forme humaine avec six ailes. Le
nom «séraphin» dérive soit d’une racine qui signifie «brûler» soit d’une autre signifiant «être
noble».
E. L’ange de l’Eternel
Comme nous le verrons au chapitre 40, l’ange de l’Eternel est une christophanie, c’est-à-
dire une apparition de Christ avant son incarnation. Il parle comme Dieu, s’identifie à Dieu et
revendique des prérogatives de Dieu (Genèse 16:7-12; 21:17-18; 22:11-18; Exode 3:2;
Juges 2:1-4; 5:23; 6:11-24; 13:3-22; 2 Samuel 24:16; Zacharie 1:12; 3:1; 12:8). Les
apparitions de l’ange de l’Eternel ont cessé après l’incarnation de Christ, ce qui donne à
penser qu’il s’agissait bien de lui avant son incarnation.
62 «Alors Michel, Sariel (var. Ouriel), Raphaël et Gabriel jetèrent un regard depuis le
sanctuaire céleste» (9:1). «Le premier est Michel, l’ange miséricordieux et lent à la colère; le
second est Raphaël, préposé à toutes les maladies et à toutes les plaies des humains; le
troisième est Gabriel, préposé à toute puissance; le quatrième est préposé à la repentance
riche d’espérance pour ceux qui hériteront la vie éternelle, il se nomme Phanouël» (40:9).
63 «Voici les noms des anges des puissances: Ouriel, l’un des saints anges, est préposé
au monde et au Tartare. Raphaël, l’un des saints anges, est préposé aux esprits des
humains. Ragouël, l’un des saints anges, châtie le monde des luminaires. Michel, l’un des
saints anges, est préposé aux hommes de bien et au peuple. Sariel, l’un des saints anges,
est préposé aux esprits qui pèchent contre l’esprit. Gabriel, l’un des saints anges, est
préposé au paradis, aux dragons et aux Chérubins. Remiel, l’un des saints anges, est
chargé par Dieu du soin des ressuscités. Tels sont les noms des sept archanges.» Le livre
apocryphe de IV Esdras 4.36 mentionne l’archange Jérémiel (qui pourrait être assimilé à
Remiel).
64 «Je suis Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent devant la gloire du Seigneur et
pénètrent en sa présence.» (Traduction Œcuménique de la Bible)
21. Le ministère des anges
Les bons anges sont fondamentalement et essentiellement des serviteurs (Hébreux 1:14).
Dieu les envoie pour exercer un service ou apporter une aide (diakonia); dans leur service,
ils agissent comme des messagers sacerdotaux (leitourgika pneumata) dans l’univers-temple
de Dieu.
I. Vis-à-vis de Dieu
Vis-à-vis de Dieu, la première fonction des anges consiste à l’adorer et à le louer.
A. Ils le louent (Psaume 148:1-2; Esaïe 6:3).
B. Ils l’adorent (Hébreux 1:6; Apocalypse 5:8-13).
C. Ils se réjouissent de ses œuvres (Job 38:6-7).
D. Ils le servent (Psaume 103:20; Apocalypse 22:9).
E. Ils se présentent devant lui (Job 1:6; 2:1).
F. Ils sont les instruments de ses jugements (Apocalypse 7:1; 8:2).
B. Un ministère d’arrière-plan
Des anges sont intervenus dans la communication et la révélation du sens de la vérité, et
l’Eglise en tire profit aujourd’hui (Daniel 7:15-27; 8:13-26; 9:20-27; Apocalypse 1:1; 22:6, 8).
B. Un être spirituel
Satan appartient à l’ordre des anges appelé chérubins (Ezéchiel 28:14). Il était
apparemment l’ange le plus élevé dans la hiérarchie (Ezéchiel 8:12). C’est sans doute la
raison pour laquelle l’archange Michel a refusé de porter contre lui un jugement injurieux
(Jude 9) quand il lui disputait le corps de Moïse. On peut dire que Satan est l’archange de
tous les anges mauvais. Même dans son état présent de déchéance, il conserve un pouvoir
redoutable (cependant tributaire du bon vouloir de Dieu). C’est pourquoi il est appelé le dieu
de ce siècle et le prince de la puissance de l’air (2 Corinthiens 4:4; Ephésiens 2:2).
B. Satan, l’adversaire
En tant qu’adversaire, Satan accuse les croyants dans différents domaines et s’oppose à
eux. Il s’oppose à ce que nous rendions témoignage à l’Evangile en nous troublant lorsqu’il
sème l’ivraie parmi le blé (Matthieu 13:38-39), en ôtant la semence qui vient d’être semée
(Marc 4:15), en dressant les autorités gouvernementales contre les croyants
(1 Thessaloniciens 2:18) ou encore en faisant emprisonner les chrétiens, comptant ainsi
empêcher l’expansion de leur témoignage ou les apeurer pour qu’ils se taisent
(Apocalypse 2:10).
Satan met aussi en lumière nos péchés (Apocalypse 12:10). Il nous accuse devant Dieu
quand nous péchons, croyant ainsi nous faire perdre notre salut. Mais Christ, notre avocat,
défend notre cause et rappelle constamment au Père qu’il a payé pour tous nos péchés en
mourant sur la croix (1 Jean 2:1-2).
Enfin, Satan lutte contre le croyant en l’accablant de fardeaux qu’il est incapable de porter.
Nous en avons deux exemples dans le Nouveau Testament. L’un concerne le croyant mis
sous discipline dans 1 Corinthiens 5. Il semble que la mesure disciplinaire qui lui avait été
imposée ait porté ses fruits, et qu’il ait confessé son péché d’inceste. L’Eglise devait donc le
réintégrer en son sein. Apparemment, certains étaient favorables à son retour dans
l’assemblée, d’autres non. Paul exhorte l’Eglise à accueillir de nouveau le chrétien
repentant, non seulement pour empêcher le développement de toute division parmi eux,
mais afin que cet homme ne soit pas accablé par une tristesse excessive. Il avait besoin de
goûter au pardon de ses frères et sœurs (2 Corinthiens 2:5-11). Le refus de l’accueillir dans
l’Eglise aurait laissé l’avantage à Satan.
Le second exemple est celui des femmes devenues veuves à un jeune âge
(1 Timothée 5:14-15). Paul les exhorte à se remarier, à avoir des enfants et à mener une vie
utile, car quelques-unes avaient succombé à l’oisiveté, bavardaient à tort et à travers et
faisaient ainsi le jeu de Satan.
D’une manière générale, on peut dire que dans son rôle d’adversaire, le diable cherche à
paralyser le témoignage du croyant. Pour y parvenir, il rôde comme un lion rugissant
cherchant qui dévorer (1 Pierre 5:8). Le verbe «dévorer» est le même que celui qui décrit la
manière dont la mer Rouge a englouti les Egyptiens lancés à la poursuite des Hébreux
(Hébreux 11:29). Il dépeint de façon pittoresque le but ultime de Satan: anéantir
complètement le témoignage et l’utilité du croyant.
Comme je l’ai mentionné précédemment, le diable préfère certaines manières d’opérer à
d’autres, mais il fera tout pour faire réussir ses plans et réaliser ses programmes.
Rappelons-nous qu’il est puissant, qu’il a de l’expérience et qu’il peut compter sur des
légions de démons pour l’aider. C’est pourquoi le chrétien ne peut lui tenir tête
victorieusement qu’en s’appuyant sur la force et la puissance de Dieu qui demeure en lui.
Nous aborderons dans un chapitre ultérieur d’autres moyens de défense dont le chrétien
dispose.
73 S. Craig Glickman, Knowing Christ, Chicago, Moody, 1980, p. 41.
25. Le monde de Satan
Comme déjà signalé, Satan est appelé à la fois «le dieu de ce siècle» (aiôn,
2 Corinthiens 4:4) et «le prince de ce monde» (kosmos, Jean 12:31). Ce chapitre étudiera les
rapports de Satan et du chrétien avec le kosmos.
B. Permission et tolérance
Entre-temps, Dieu permet à la rébellion de subsister et au monde de s’épanouir. Son plan
laisse le mal se poursuivre, et grâce à sa patience, beaucoup viennent à la vérité
(Romains 2:4).
I. Le témoignage de l’Ecriture
L’Ecriture atteste sans le moindre doute de la réalité du monde démoniaque, même si tous
ceux qui professent la foi chrétienne ne considèrent pas comme valables les preuves
avancées. Notons que pour esquiver la force de quelques enseignements scripturaires,
certains font la pirouette suivante: «Les démons survivent souvent comme objets de
discours (par exemple les lutins) longtemps après avoir cessé d’être des objets de
croyance. Il s’ensuit que la mention du nom d’un démon dans un texte biblique n’est pas
automatiquement le témoignage d’une croyance réelle en son existence.»76
A. Le témoignage de Christ
Au cours de son ministère terrestre, le Seigneur a plusieurs fois eu l’occasion de chasser
des démons qui avaient pris possession de diverses personnes. Ces exemples confirment
évidemment qu’il croyait en leur existence réelle (Matthieu 12:22-29; 15:22-28; 17:14-20;
Marc 5:1-16). Il conféra aussi à ses disciples le pouvoir de chasser les démons. Et
contrairement à ce que certains prétendent, il ne l’a pas fait par condescendance pour leur
foi prétendument naïve en leur existence (Matthieu 10:1). Jamais le Seigneur n’a reproché à
quelqu’un sa croyance en l’existence des démons (Luc 10:17), alors qu’il n’hésitait pas à
reprendre tel ou tel pour sa théologie erronée.
Si nous n’acceptons pas le témoignage du Seigneur, nous sommes alors obligés de
conclure: (a) qu’il a menti, (b) qu’il adaptait son enseignement aux croyances erronées de
son public (ce qui le rend coupable d’avoir propagé l’erreur), ou (c) que ce sont les auteurs
néotestamentaires qui ont ajouté les parties relatives à ses enseignements sur les démons.
76 T.H. Gaster, «Demon», dans The Interpreter’s Dictionary of the Bible, New York,
Abingdon, 1976, 1:818.
77 G.H. Pember, Earth’s Earliest Ages, New York, Revell, vers 1900, pp. 72-73.
27. Que sont les démons?
Puisque les démons appartiennent à la même catégorie d’êtres que les anges et Satan,
toutes ces créatures ont beaucoup de choses en commun.
B. Leur intelligence
J’ai déjà évoqué l’intelligence supérieure des démons, mais une question subsiste:
connaissent-ils l’avenir? Ils peuvent évidemment comprendre le plan de Dieu pour l’avenir,
puisqu’il est contenu dans la Bible. D’après Actes 16:16, peuvent-ils vraiment prédire
l’avenir? Evidemment pas, car le verbe «deviner», qui n’apparaît qu’ici dans le Nouveau
Testament, doit se comprendre dans un sens négatif, c’est-à-dire «qui prétendait deviner
l’avenir». Lorsque la Septante l’emploie, c’est toujours en liaison avec les paroles des
prophètes de mensonge ou de ceux qui pratiquent les arts magiques interdits par la loi.
C. Leur présence
Les démons ne sont pas infinis; ils sont limités et ne sont que des créatures, mais des
créatures surhumaines. Ils ne sont apparemment pas présents partout en même temps; ils
ne connaissent cependant pas les mêmes barrières spatiales que les humains (Luc 8:30:
une légion de démons avait élu domicile dans un homme). Le simple fait qu’ils peuvent
pénétrer dans un corps humain ou animal montre qu’ils franchissent des barrières qui
arrêtent les hommes.
Le très grand nombre de démons peut faire croire qu’ils sont partout, mais tel n’est pas le
cas. Satan se sert cependant de ce grand nombre pour tenter d’imposer son plan partout.
Résumons. Les démons ne sont pas des êtres humains; ils ne sont pas Dieu non plus. Ce
sont des êtres surhumains dotés d’une intelligence supérieure et de grands pouvoirs; de
plus ils ont une vaste expérience. Nier l’existence des démons n’est pas faire preuve de
scepticisme, c’est faire preuve d’une grande ignorance. Et manquer de réalisme quant à
leur pouvoir, c’est se montrer bien téméraire.
78 Victor H. Ernest, I Talked with Spirits, Wheaton, Tyndale, 1970, p. 38.
28. Que font les démons?
I. En rapport avec Satan
Les démons agissent en général comme émissaires de Satan pour réaliser son plan, qui
consiste à contrecarrer celui de Dieu. Bien que Satan connaisse les limitations d’une
créature, les démons contribuent à étendre considérablement son champ d’action. Parfois,
on peut même avoir l’impression qu’il est omniscient et omnipotent, ce qu’il n’est
évidemment pas. Mais les démons prolongent si bien son action qu’on pourrait croire que
c’est Satan lui-même qui accomplit tout (Ephésiens 6:11-12).
B. Pervertir
Le fait que les démons sont aussi qualifiés d’esprits «impurs» montre que, quoi qu’ils
fassent, ils pervertissent ce qui est pur, noble et bien. Ils cherchent à pervertir les hommes
en les éloignant du plan de Dieu pour leur faire adopter celui de Satan. Ils le font parfois en
proposant aux hommes un système dénaturé de doctrine ou de conduite qui leur semble
bon (1 Timothée 4:1-3). A d’autres moments, ils parviennent à leur but en encourageant le
mal et des activités impures (Deutéronome 32:17; Psaume 106:37-39). L’immoralité des
Cananéens semble avoir été imputable à l’activité démoniaque (Lévitique 18:6-30;
Deutéronome 18:9-14).
C. Prendre possession
1. Définition de la possession. On appelle possession démoniaque le contrôle direct d’un
individu par un ou plusieurs démons qui résident en lui. Tout le monde, aussi bien les
croyants que les autres, subit l’influence de l’activité démoniaque et en est affecté à des
degrés divers, mais tous ne sont pas possédés par des démons. Pour établir une analogie,
l’influence démoniaque est à la possession démoniaque ce que la providence générale est
aux miracles spéciaux. Les individus possédés ne peuvent s’affranchir tout seuls du
contrôle démoniaque.
Le terme «démoniaque» (ou «sous l’emprise d’un démon», Bible du Semeur) revient treize
fois dans le Nouveau Testament, et uniquement dans les Evangiles (p. ex.
Matthieu 4:24; 12:22; Marc 5:15-18; Luc 8:36; Jean 10:21). Le même phénomène est
souligné par l’ordre «sors!» donné au démon et le résultat «le démon sortit» (Marc 1:25-
26; 9:25). Après la Pentecôte, seul le livre des Actes mentionne encore des cas de
possession démoniaque et d’exorcisme (Actes 5:16; 8:7; 16:16-18; 19:12). Le don spirituel
du discernement des esprits (1 Corinthiens 12:10) désigne très probablement la capacité de
savoir si la révélation surnaturelle, lorsqu’elle était communiquée oralement, était d’origine
divine ou démoniaque. Ce don ne concernait pas la possibilité de chasser les démons.
2. Caractéristiques de la possession. Les types de possession peuvent être aussi variés que
les activités des démons, et aller de la possession à peine perceptible à la possession
extrême accompagnée de comportements bizarres. Les cas de possession rapportés dans
les récits des Evangiles ne font pas état de beaucoup de symptômes, mais ils mentionnent
les anomalies physiques suivantes: la mutité, la cécité et les convulsions
(Matthieu 9:32; 12:22; Luc 9:39), des tendances à l’automutilation (Marc 5:5; Luc 9:42), la
folie (on croyait en tout cas que les démons pouvaient en être la cause, Jean 10:20), une
force surhumaine (Marc 5:3-4) et des pouvoirs occultes (Actes 16:16-18). Bien que les
démons puissent provoquer ces infirmités et ces comportements chez les êtres humains,
nous aurions tort de penser que toute maladie ou infirmité est leur œuvre. Luc, le médecin,
distingue nettement les maladies d’origine démoniaque de celles qui ont des causes
naturelles (Actes 5:16).
Voici une description d’un cas de possession vaudou en Haïti:
Le sujet entre dans ce qui ressemble à une transe (généralement après une
longue suite de convulsions), au cours de laquelle l’un des démons entre dans
son corps et le «chevauche». La personnalité humaine s’efface devant le
surhumain; les caractéristiques humaines sont remplacées par celles de l’esprit
(masculin ou féminin, bon ou mauvais, vieux ou jeune, rusé ou honnête); la
gorge de l’être humain profère les paroles du démon, dont certaines sortent
dans une langue totalement inintelligible. La possession peut durer des
minutes, des heures, et même plusieurs jours. Pendant tout ce temps, la
personne occupée par l’esprit se nourrit des aliments et des breuvages
préférés de l’esprit (qu’un être humain non possédé ne pourrait pas
consommer) et exécute ses distractions préférées. Au terme de cette crise,
l’être humain ne se rappelle rien de son comportement en tant que divinité.79
3. Responsabilité humaine. L’Ecriture est très peu explicite sur ce point. Les avertissements
nous invitant à être sur nos gardes et à résister aux attaques du diable donnent à penser
que toute négligence à cet égard nous expose à la possibilité d’une prise de contrôle par
Satan et ses démons. En cédant devant les assauts du diable, l’individu peut donc porter
une certaine responsabilité dans ce qui peut aboutir à une possession démoniaque.
Pourtant, le cas de l’enfant démoniaque depuis son enfance semble indiquer que le garçon
n’était nullement responsable de sa condition (Marc 9:21), et Paul n’était certainement pas
responsable de l’écharde dans sa chair; c’était Dieu qui se servait d’un démon pour l’affliger
(2 Corinthiens 12:7).
4. Etendue de la possession. La possession démoniaque ne concerne-t-elle que les incroyants
ou peut-elle également frapper les croyants? Autrement dit, un chrétien peut-il être sous
l’emprise d’un démon de nos jours? Le raisonnement avancé contre toute possibilité pour le
chrétien d’être possédé d’un démon repose sur la présence du Saint-Esprit en lui: puisque
l’Esprit habite déjà dans le cœur du croyant, il serait impossible que Satan ou un démon y
établissent aussi leur demeure. Le croyant ne pourrait être sous l’emprise simultanée de
l’Esprit et de Satan. Mais à cela on peut rétorquer: L’Esprit et la chair ne cohabitent-ils pas
dans le chrétien (Galates 5:16-17)? Si l’on se réfugie derrière le fait que le vieil homme a
déjà été jugé (Romains 6:6), sachons que Satan a lui aussi déjà été jugé (Jean 12:31). Par
conséquent, si l’Esprit et la chair, le vieil homme et l’homme nouveau peuvent être
simultanément présents dans le croyant, pourquoi l’Esprit et Satan (ou les démons) ne
pourraient-ils pas se trouver simultanément en lui?
Les versets cités à l’appui de l’idée d’une possible possession démoniaque des croyants
sont généralement les suivants: 1 Samuel 16:14; Luc 13:11-16; Actes 5:3;
1 Corinthiens 5:5; 2 Corinthiens 11:4; 12:7. Pourtant, un examen attentif de ces versets ne
prouve pas que les croyants peuvent être sous l’emprise d’un démon. Il convient donc de
formuler la question autrement: au lieu de nous demander si le croyant peut être
démoniaque, cherchons à savoir si Satan ou les démons peuvent agir sur le chrétien aussi
bien de l’intérieur que de l’extérieur. En d’autres termes, Satan peut-il lancer ses attaques
contre le croyant de l’intérieur comme de l’extérieur de celui-ci?
Le texte de 1 Samuel dit qu’un mauvais esprit tourmentait Saül, mais il ne précise pas d’où
partaient ses attaques. Par ailleurs, nous ignorons quelles étaient les dispositions de Saül
vis-à-vis de Dieu. Luc attribue l’infirmité d’une femme à un démon; or, Jésus qualifie cette
femme de «fille d’Abraham». Certains s’appuient sur cet exemple pour affirmer qu’un
démon peut prendre possession d’un enfant de Dieu. Reconnaissons toutefois que
l’expression «fille d’Abraham» ne signifie pas forcément «croyante». Elle peut tout
simplement indiquer que cette femme appartenait à Israël, le peuple élu de Dieu. En tout
cas, elle n’était pas chrétienne au sens que ce terme a pris après la Pentecôte.
Le frère coupable d’un grave péché dans 1 Corinthiens 5 avait été puni en étant livré à
Satan (voir aussi 1 Timothée 1:20). Mais il est difficile de savoir si cette sanction impliquait
que désormais Satan ou les démons pouvaient prendre possession de sa vie et agir de
l’intérieur de sa personne, ou si ce chrétien avait simplement été privé de la communion
fraternelle et de la protection de l’Eglise pour entrer dans le domaine de Satan. L’expression
«un autre esprit» en 2 Corinthiens 11:4 ne désigne pas davantage un démon que
l’expression «un autre Jésus» dans le même verset. Il s’agit d’un évangile différent, qui
asservit. Le texte de 2 Corinthiens 12:7 ne précise pas le lieu d’où opérait l’ange de Satan
(un démon) que Dieu envoya pour affliger Paul. L’expression «une écharde dans la chair»,
qui résulte de cette action satanique ne signifie nullement que le démon habitait en Paul.
Actes 5:3 affirme clairement que Satan avait rempli le cœur d’Ananias pour l’inciter à mentir
à l’Esprit. Le verbe «remplir» est le même que celui utilisé dans Ephésiens 5:18 à propos de
la plénitude de l’Esprit. Comme rien ne nous permet de penser qu’Ananias n’était pas un
croyant, nous avons là un exemple clair de la possibilité, pour Satan, de remplir le cœur
d’un chrétien. Il n’est pas parlé de démons ici, mais il va de soi que si Satan a pu remplir le
cœur d’un croyant, les démons auraient aussi pu le faire.
Quel poids accorder à cet exemple? Voici deux suggestions. Premièrement, rejetons les
expressions «possession démoniaque» ou «emprise démoniaque» dans le cas de croyants.
En effet, nous sommes alors enclins à y voir un parallèle avec la présence de l’Esprit, c’est-
à-dire une habitation permanente. Or, ni Satan ni les démons ne peuvent demeurer en
permanence dans le chrétien, ni avoir sur lui la victoire ultime, même s’ils peuvent
l’assujettir et le contrôler un certain temps. Un croyant peut être livré à Satan pour la
destruction de la chair, mais son esprit sera sauvé au jour du Seigneur Jésus
(1 Corinthiens 5:5). Quoi que Satan ou les démons puissent faire contre le croyant, et qu’ils
lancent leurs attaques contre lui de l’intérieur ou de l’extérieur de son être, leur emprise ne
peut être permanente et éternelle. Jean affirme clairement que le malin ne peut «toucher»
celui qui est né de Dieu (1 Jean 5:18). Le verbe «toucher» a ici le sens de nuire: Satan ne
peut nuire au croyant. Jean utilise ce verbe une seule fois ailleurs (Jean 20:17); là, il ne
signifie pas un contact superficiel, mais un geste fort qui consiste à saisir quelqu’un, à
l’empoigner, à s’accrocher à lui. Satan ne peut jamais s’accrocher au croyant au point de lui
faire du tort, car il appartient éternellement et irrévocablement à Dieu. Satan et les démons
peuvent l’affliger et exercer un contrôle temporaire sur lui, mais jamais de façon permanente
ou éternelle.
Deuxièmement, le manque d’indications précises du Nouveau Testament quant à la base
d’où les démons lancent leurs attaques contre les chrétiens et l’absence de
commandements directs (après la Pentecôte) en matière d’exorcisme peuvent constituer
des indices sur la manière dont nous devons nous y prendre pour combattre l’ennemi. Nous
ne devons pas considérer l’exorcisme comme la principale façon de lutter contre les
démons. Utilisons plutôt les armes normales dans notre guerre contre Satan et ses légions.
Le chrétien doit faire face aux maux que lui inflige le démon de la même façon qu’il lutte
contre les tentations ou les œuvres de la chair: s’examiner pour voir s’il y a en lui des
domaines dans lesquels il s’oppose à la loi ou à la volonté de Dieu, confesser tout péché
connu, s’appuyer sur la puissance de l’Esprit qui demeure en lui et qui est plus grand que
Satan (1 Jean 4:4) et se revêtir de toutes les armes de Dieu (Ephésiens 6:13-18).
Même si l’exorcisme se justifie dans certains cas extrêmes, l’exorciste ne peut empêcher
les démons de revenir à l’attaque contre la même personne, car aucun être humain ne peut
garantir être capable de lier les démons ou de les envoyer dans l’abîme. Paul rappelle que
nous luttons toute notre vie contre les puissances des ténèbres. C’est pourquoi le chrétien
doit être sur ses gardes (1 Pierre 5:8), se revêtir de toutes les armes de Dieu et mettre à
profit tout ce qui contribue à une saine spiritualité (Romains 12:2; 2 Corinthiens 10:5;
Philippiens 4:8). Un mot d’avertissement encore: les difficultés, les maladies physiques, les
troubles psychiques, les péchés n’ont pas tous pour cause les démons. Certaines de ces
choses ont des causes naturelles, d’autres résultent de la chair. Dans de tels cas, il ne sert
à rien de vouloir chasser les démons; en revanche, le chrétien a tout avantage à mener le
bon combat de la foi.
79 Carter Harman, «The West Indies», Life World Library, New York, Time, Inc., 1963,
pp. 53-54.
Section VII
L’homme: à l’image de Dieu
29. L’évolution et les origines
Aucun sujet n’est peut-être autant débattu aujourd’hui dans les nombreux forums que celui
de l’origine de l’homme. La veille du jour où j’ai écrit ces mots, notre télévision locale a
accordé plusieurs minutes de parole à deux créationnistes qui cherchaient à montrer que la
découverte de quelques ossements humains rendait impossible la théorie de l’évolution
naturelle. Les décisions des tribunaux à propos de l’enseignement du «créationnisme
scientifique» dans les écoles publiques aux Etats-Unis ont fait beaucoup de publicité à cette
question. Les débats concernant l’inerrance ont à juste titre inclus des discussions sur
l’historicité du récit de la Genèse à propos de la création. Plusieurs thèses rivalisent, même
parmi les évangéliques.
B. L’évolutionnisme théiste
Les partisans de l’évolutionnisme théiste maintiennent que Dieu a dirigé, utilisé et contrôlé
le processus de l’évolution naturelle pour «créer» le monde et tout ce qu’il renferme. Ce
point de vue assimile les jours de Genèse 1 à des ères et inclut la «création» d’Adam dans
le mécanisme de l’évolution; on considère que la terre et les formes préhumaines sont très
anciennes.
Pour Darwin, l’évolutionnisme se dispensait de l’intervention du surnaturel. Le créationniste
insiste sur le fait que sa vision des choses exclut l’évolution naturelle. L’évolutionnisme
théiste enfourche donc deux chevaux à la fois: celui de l’évolutionnisme et celui du
créationnisme, mais ces deux montures vont dans des directions opposées!
La création d’Eve soulève un problème particulier pour les adeptes de l’évolutionnisme
théiste. Ils affirment qu’Adam résulte d’une forme préexistante dans laquelle Dieu insuffla le
souffle de vie, mais Eve ne procède pas d’une forme de vie préexistante. Elle résulte d’un
acte créateur particulier. On peut alors se demander: pourquoi pas Adam?
Pierre Teilhard de Chardin (1881-1955), un prêtre et paléontologue jésuite catholique
romain, a milité en faveur d’une synthèse entre la théorie évolutionniste et la théologie
chrétienne traditionnelle. La théorie de l’évolution constituait son thème central, bien que
ses idées s’apparentent aussi, par différents aspects, à la philosophie du process82.
A strictement parler, pour que l’évolutionnisme puisse arborer l’étiquette «théiste», il suffit
qu’un Etre surnaturel soit la force invisible qui a mis le processus de l’évolution en
mouvement. On retrouve cette conception parmi les penseurs catholiques romains,
chrétiens libéraux et néo-orthodoxes.
Beaucoup de ceux qui entrent dans la catégorie générale des évolutionnistes théistes
estiment cependant que Dieu n’est pas seulement intervenu au début du processus, mais
aussi à différents moments de son déroulement. Il serait intervenu pour créer aux grandes
phases de l’histoire géologique (par exemple les vertébrés, les oiseaux, les mammifères et
l’homme), mais il aurait aussi permis le déroulement du processus de l’évolution tout au
long des grandes périodes du temps géologique et s’en serait servi. Cette conception est
connue sous le nom de créationnisme progressif ou d’évolution par seuil; elle est souvent
associée à l’idée que les jours de Genèse 1 désignent en fait des ères géologiques. Bien
que je sois personnellement enclin à classer le créationnisme progressif dans la catégorie
générale de l’évolutionnisme théiste, certains évangéliques, qui préfèrent l’expression
«créationnisme progressif», objectent qu’il appartient au courant créationniste. Mais le type
d’évolution envisagé par le créationnisme progressif est naturaliste, et son étendue est très
vaste; voilà pourquoi, selon moi, il usurpe son titre. Je considère ce courant de pensée
comme une forme d’évolutionnisme théiste.
Ce courant s’appuie à la fois sur la Bible et sur la science.
C. Le créationnisme
En dépit de la diversité d’opinions que l’on note au sein du créationnisme, la principale
caractéristique de cette thèse est qu’elle ne s’appuie que sur la Bible. On considère que la
science peut faciliter notre compréhension des choses, mais qu’elle ne doit pas dicter ni
changer notre interprétation de l’Ecriture pour faire coïncider ses découvertes avec les
données bibliques. En ce qui concerne l’être humain, le créationnisme enseigne que Dieu a
créé le premier homme à son image à partir de la poussière de la terre et de son propre
souffle de vie (Genèse 1:27; 2:7). Il n’est pas question de créatures préhumaines ni d’un
processus évolutif.
Les créationnistes ont des opinions différentes quant à la durée des jours de la création,
mais pour revendiquer l’appartenance au mouvement créationniste, il faut nécessairement
croire que le récit biblique des origines relate des faits historiques et qu’Adam a été le
premier homme.
Certains créationnistes enseignent que le récit biblique de la création d’Adam et Eve ne
concerne que ce qui s’est déroulé dans le jardin d’Eden et ne dit rien de ce qui s’est passé
sur le reste de la terre. C’est pourquoi, si Adam résulte d’un acte créateur spécifique de
Dieu, dans d’autres parties de la terre, des créatures ont évolué au cours de longues
périodes. Autrement dit, Adam représente un îlot de créationnisme au milieu d’un océan
d’évolutionnisme. Je ne classe personnellement pas ce point de vue sous la rubrique
générale «créationnisme», puisque Adam n’est pas considéré comme le premier homme
d’où toute la race humaine descend.
B. Le mécanisme de l’évolution
Si l’on devait réduire le processus de l’évolution à une formule, celle-ci pourrait être: (M +
SN) x T = E, c’est-à-dire (mutations + sélection naturelle) x temps = évolution. Cette formule
exprime le mécanisme de l’évolution.
Les mutations constituent l’explication essentielle de l’évolution. Il s’agit de petites
modifications soudaines de l’ADN (code génétique) qui se transmettent à la descendance,
ce qui la rend différente des parents par des caractéristiques bien prononcées. Ainsi, un
petit changement dans l’organisme se transmet à la descendance. Au bout d’un certain
temps, et de manière fortuite, une autre modification se produit, et ainsi de suite. Si un
nombre suffisant de ces changements se produit et se conserve, l’organisme modifié
devient plus complexe et devient un organisme différent. C’est ainsi que toutes les formes
actuelles de vie tireraient leur origine d’un organisme monocellulaire originel. On ne saurait
trop souligner l’importance des mutations pour expliquer le mécanisme de l’évolution. Julian
Huxley écrit: «Ce n’est pas seulement l’agent efficace de l’évolution; c’en est le seul
agent.»84
La sélection naturelle désigne le mécanisme qui préserve les changements provoqués par
les mutations. Quand un changement se produit et qu’il est avantageux pour l’organisme, la
sélection naturelle le conserve, simplement parce qu’il est bénéfique. En revanche, elle ne
conserve pas les changements nuisibles; elle les élimine comme inutiles. (Une mutation
bénéfique est celle qui augmente la complexité de l’organisme.) Il importe de se rappeler
que la sélection naturelle est bien ce qu’elle prétend, c’est-à-dire naturelle. Il ne s’agit pas
d’une sélection opérée en laboratoire ou dans une serre. C’est un phénomène de la nature
qui élimine les mutations nuisibles et conserve les utiles. Moyennant assez de temps, ce
processus améliore la souche.
L’évolution a donc besoin de temps, et même de beaucoup de temps. Puisque les
mutations ne se produisent pas fréquemment, il faut un temps considérable pour que se
produisent assez de mutations avantageuses, puis que la sélection naturelle les préserve,
transformant ainsi des organismes simples en organismes plus complexes. Afin de réduire
l’échelle du temps, certains évolutionnistes parlent «d’explosions» de mutations qui se
seraient produites simultanément; elles auraient eu pour effet d’opérer presque
instantanément un nombre plus important de changement bénéfiques. Cette explication
permet de raccourcir le temps nécessaire pour que les changements puissent s’opérer.
B. Les faits
Seule la Bible dit la vérité concernant la création. Quelles que soient les vérités que la
science puisse découvrir, elles ne sauraient être acceptées comme vérité absolue. Les faits
que Dieu a révélés dans la Bible sont fiables, même ceux qui sont contenus dans les
premiers chapitres de la Genèse. Il s’ensuit que les événements ont pris place dans le
temps et l’espace une fois qu’ils ont été créés. En d’autres termes, la séquence des actes
de la création ainsi que les événements relatifs à la tentation et au péché d’Adam et Eve
s’inscrivent dans le temps et dans l’espace. Ils pourraient donc figurer sur un calendrier et
sur une carte de géographie. La Genèse relate des faits, et non des mythes ou des
légendes. D’autres passages bibliques le confirment (p. ex. Exode 20:9-11; Matthieu 19:4-
6).
C’est Moïse qui a consigné ces faits par écrit. Quelles que soient les sources dont il
disposait en plus de l’œuvre surnaturelle de Dieu qui surveillait ses écrits et lui révélait la
vérité, il était un homme instruit et capable. Certains nient que la révélation des événements
ait pu avoir lieu à des époques si reculées, car les récits nous auraient été communiqués
par des «sauvages» incultes. Cette accusation établit une confusion regrettable entre
primitif et sauvage et discrédite le pouvoir efficace de l’inspiration. Si les paroles de Moïse ne
signifient pas ce qu’elles disent clairement, même si elles concernent une période très
reculée de l’histoire, comment pouvons-nous faire confiance aux paroles de Christ
(Jean 5:47)?98
V. L’interprétation restitutionniste
A. Description
La théorie de l’intervalle (appelée aussi théorie de la reconstruction sur une ruine et théorie
restitutionniste) propose un moyen de concilier le récit de la Genèse avec les longues ères
que nécessite la géologie (une science apparue au début du dix-neuvième siècle). D’abord
popularisée par Thomas Chalmers d’Ecosse en 1814, cette théorie a été développée par
George H. Pember102, puis intégrée dans les notes de la Scofield Reference Bible (1909) et
défendue notamment par Eric Sauer103 et Arthur C. Custance104.
Selon cette théorie, la création originelle de Genèse 1:1 était non seulement parfaite et
splendide, mais elle était aussi recouverte de plantes et peuplée d’animaux (certains vont
même jusqu’à inclure des êtres humains pré-adamiques). Puis, dans l’intervalle qui sépare
les versets Genèse 1:1, 2, Satan s’est révolté contre Dieu, introduisant du même coup le
péché dans l’univers. Dieu a alors frappé la terre d’un déluge universel suivi d’une période
de ténèbres et d’une ère glaciaire durant laquelle toute vie végétale, animale et humaine (si
elle existait) a été détruite. Les fossiles que l’on trouve aujourd’hui proviennent de ce
jugement divin sur la création originelle à cause du péché de Satan. Le verset
Genèse 1:2 décrirait donc la situation qui a résulté du jugement. Les six jours de la création
décriraient en fait une recréation, une restauration ou une restitution, et non la création
originelle.
B. Appuis bibliques
1. Le texte de Genèse 1:2 pourrait être traduit «la terre devint informe et vide», ce qui
signifierait qu’elle le devint à cause du jugement catastrophique porté sur Satan.
2. L’expression «informe et vide» désigne une condition mauvaise qui ne pouvait être celle
de la création divine originelle parce que Dieu n’a pas fait la terre informe (Esaïe 45:18).
3. Les ténèbres ne peuvent pas être qualifiées de bonnes; Genèse 1:2 ne peut donc pas
décrire la création originelle faite par Dieu.
4. L’ordre divin adressé à Adam de repeupler la terre (compréhension possible de
Genèse 1:28) donne à penser que celle-ci était déjà habitée précédemment.
5. L’emploi du verbe bara dans Genèse 1:1 indique une création d’un autre type que celle
indiquée dans le texte biblique qui suit.
C. Faiblesses
1. Genèse 1:2 débute par ce qu’on appelle un waw disjonctif (signifiant «maintenant» plutôt
que «et»), qui introduit une proposition circonstancielle avec le verbe à l’imparfait:
«Maintenant, la terre était…» La traduction: «La terre était devenue informe et vide», avec
la conjonction waw introduisant une proposition séquentielle et traduit par «et» aurait exigé
un verbe au plus-que-parfait. Certes, la grammaire permet de traduire «était devenue» et
l’usage montre que le verbe «être» peut signifier «devenir» (comme dans Genèse 19:26;
Juges 11:39; 2 Rois 17:3), mais le verbe sert normalement de lien («être» et non
«devenir»), comme dans Genèse 2:25; 3:1 où il ne peut se traduire par «devenir». Le texte
semble requérir le waw disjonctif, car l’auteur attire apparemment l’attention du lecteur sur
ce qui va se produire sur la terre (»Or, la terre était informe et vide…»). On trouve d’ailleurs
une construction parallèle à celle de Genèse 1:2 dans Jonas 3:3 et Zacharie 3:1-3, où le
waw est disjonctif et traduit par «or», et où le verbe ne peut se traduire par «devenir».105
En fait, la théorie restitutionniste repose essentiellement sur une explication grammaticale
particulière et sur la traduction qui lui correspond; comme, dans le meilleur des cas, cette
interprétation est fragile, nous pouvons raisonnablement affirmer que la théorie est
dépourvue d’un solide fondement exégétique dans le texte.
La construction que soutient la théorie restitutionniste soulève aussi un problème de
logique. Si le verbe signifie «était devenue» (au plus-que-parfait), Genèse 1:2 voudrait dire
que la terre était devenue informe et vide avant la création mentionnée au verset
Genèse 1:1. Or, la théorie en question exige que la terre soit devenue informe et vide après
sa création.
2. L’expression «informe et vide» n’implique pas nécessairement qu’un jugement ait frappé
la création; elle ne sous-entend pas non plus quelque chose de mauvais en soi. Le terme
tohu (informe) est appliqué à l’espace (Job 26:7) et au désert (Deutéronome 32:10) sans la
moindre connotation négative. Mais pour les défenseurs de la théorie restitutionniste, la
condition «informe» de la terre ne saurait décrire l’état originel de la planète, puisque le
prophète Esaïe déclare que l’intention ultime de Dieu n’était pas que la terre soit informe et
vide (Esaïe 45:18). Autrement dit, Dieu aurait créé une terre informe et vide à l’origine, mais
comme cet état ne correspondait pas à son désir suprême pour elle, il aurait décidé de la
remplir d’êtres vivants, notamment de l’homme.
3. Il est vrai que les ténèbres sont souvent le symbole du jugement et du mal, mais s’ensuit-
il que l’obscurité soit intrinsèquement mauvaise? Je ne le pense pas. Elle a été créée pour
le bien de la création, au même titre que la lumière (Psaume 104:19-24). Le fait que Dieu a
déclaré la lumière «bonne» (Genèse 1:4) et ne dit rien à propos des ténèbres permet-il de
déduire que la nuit n’était pas bonne? Je ne le crois pas. Si nous insistons trop sur
l’argument du silence, nous devrons conclure que la création de l’étendue n’était pas bonne,
puisque Dieu ne la déclare pas telle de façon spécifique (Genèse 1:6-8).
4. Les défenseurs de la théorie restitutionniste déclarent que Dieu ordonna à Adam de
repeupler la terre (Genèse 1:28), ce qui sous-entendrait que la création initiale avait déjà été
peuplée. En réalité, cette interprétation repose sur une traduction erronée proposée par la
King James Version. Le verbe hébreu parle seulement de «remplir» la terre.
5. Rien ne permet d’échafauder une théorie sur la mention du verbe bara en Genèse 1:1,
ainsi que nous l’avons d’ailleurs signalé au point III.
6. Mentionnons encore un autre point faible de cette théorie: il n’existe aucune preuve
biblique que la chute de Satan ait entraîné le jugement de la terre. En revanche, la chute
d’Adam dans le péché a bien attiré le jugement divin sur notre planète (Genèse 3:17-19).
Résumons. La théorie dite «de l’intervalle» ne repose pas sur un fondement exégétique
solide. Le fait qu’elle est devenue populaire lors de l’apparition des sciences géologiques
donne à penser qu’elle a acquis du crédit parce qu’elle s’harmonisait bien avec la géologie
uniformitariste (l’actualisme).
B. La signification du concept
On a beaucoup écrit pour tenter d’expliquer ce que signifie être créé à l’image de Dieu.
Voici quelques-unes des explications avancées.
1. La conception de la ressemblance corporelle. Cette conception rapporte l’image de Dieu à la
totalité de l’être humain, y compris à son aspect corporel. A vrai dire, cette interprétation
inclut les éléments matériels et immatériels de son être, mais du fait qu’elle intègre le corps
matériel de l’homme dans l’image de Dieu, il est possible de l’intituler comme je l’ai fait.
L’homme est représenté par son être tout entier, car la pensée israélite
envisage toujours l’homme dans sa totalité, aussi bien dans son être physique
que dans ses fonctions spirituelles; d’ailleurs, s’il fallait opérer un choix entre
les deux aspects, nous pourrions dire que l’apparence extérieure est peut-être
plus importante que la ressemblance spirituelle. D’après L. Koehler, l’image de
Dieu peut désigner la position verticale de l’homme…, mais la solennité avec
laquelle l’auteur sacerdotal parle de l’imago Dei semble prouver qu’il ne la
limitait pas à ce seul aspect… C’est également vers un sens plutôt physique
que nous sommes orientés dans le passage de la Genèse qui associe l’image
de Dieu à la vengeance du sang (Genèse 9:6).112
Deux obstacles s’opposent à cette interprétation. (1) Puisque Dieu est esprit et n’a pas de
corps, comment l’image de Dieu selon laquelle l’homme a été créé pourrait-elle être
corporelle? (2) Les animaux possèdent un corps, mais ils ne sont pas décrits comme créés
à l’image de Dieu. Il n’est donc pas nécessaire de rattacher l’aspect corporel à l’image de
Dieu.
2. La conception de la ressemblance non corporelle. Cette conception rattache l’image de Dieu
aux facettes de la personnalité. Beaucoup d’auteurs présentent le jugement moral, la
domination, l’exercice de la volonté et les facultés intellectuelles (capacité de parler,
d’organiser, etc.) comme des aspects spécifiques de l’image non corporelle de Dieu.
3. Une conception qui combine les deux précédentes. Je suggère de combiner les deux
interprétations précédentes. Genèse 1:27 affirme que l’être humain, homme et femme, a été
créé à l’image de Dieu. Or, personne n’attribue un sexe à Dieu sur la base de ce verset.
Pourtant, la masculinité et la féminité indiquent le genre. De même, le fait que l’homme,
créé à l’image de Dieu, possède un corps, n’oblige pas à attribuer un corps à Dieu.
L’homme a manifestement été créé comme un être complet, à la fois matériel et immatériel;
et cet être entier a été créé à l’image de Dieu.
C’est pourquoi (1) le corps de l’homme est inclus dans l’image de Dieu.
Même si Dieu n’est d’aucune manière physique, dans un certain sens, le corps
de l’homme est inclus dans l’image de Dieu, car l’homme est un être unitaire
constitué d’un corps et d’une âme. Son corps est l’instrument adéquat pour que
l’âme, faite pour être en communion avec le Créateur, puisse s’exprimer; il est
également adéquat d’un point de vue eschatologique pour devenir un «corps
spirituel» (1 Corinthiens 15:44)… [Le corps] d’Adam n’était pas une entité
séparée de son vrai moi; il était essentiellement un avec lui.113
(2) Parce qu’il est créé à l’image de Dieu, l’homme est un être vivant. C’est ce que Paul
souligne dans son discours à l’Aréopage (Actes 17:28-29). Condamnant la croyance qui
veut que des idoles inanimées puissent représenter le Dieu vivant, il explique que, puisque
l’humanité est la postérité de Dieu et que les hommes sont des êtres vivants, Dieu lui-même
doit l’être.
(3) L’homme n’est pas seulement un être vivant, mais un être vivant qui ressemble à Dieu; il
est doté d’une intelligence et d’une volonté qui lui permettent de prendre des décisions et de
dominer sur le monde (Genèse 1:28).
(4) Adam n’était pas seulement un être vivant bien défini, intelligent et volontaire, il était
aussi capable d’entretenir avec Dieu une communion sans obstacle. Comment qualifier la
condition originelle d’Adam? Certains se servent de l’adjectif innocent, mais Adam était plus
qu’innocent, car cette vertu ne semble indiquer que l’absence de mal. Adam possédait une
sainteté positive, même si elle n’était évidemment pas égale à celle de Dieu, puisqu’elle
appartenait à l’ordre de la créature. Comme elle était sujette à la mise à l’épreuve, elle
n’était pas absolue. Elle lui conférait l’immortalité, car à moins d’un échec lors de la mise à
l’épreuve, il n’était pas soumis à l’inévitable loi de la mort à cause du péché.
Résumons. L’image de Dieu en laquelle Adam a été créé englobait la totalité de son être, à
savoir sa vie, son intelligence, sa volonté et son sens moral.
4. La conception catholique romaine. La conception catholique fait une distinction entre l’image
et la ressemblance. L’image est celle qui est naturelle et qui appartient à l’homme en tant
qu’être créé; elle inclut la spiritualité, la liberté et l’immortalité. La ressemblance désigne
l’image morale qui n’appartenait originellement pas à l’homme, mais qui lui fut très tôt et très
rapidement ajoutée. Cet ajout fut rendu nécessaire à cause de la concupiscence, le
penchant naturel vers les appétits inférieurs, même s’ils ne sont pas coupables en eux-
mêmes et par eux-mêmes. La ressemblance ajoute donc à l’homme la justice et la sainteté
originelles.
Lorsque l’homme pécha, il perdit la ressemblance mais conserva l’image. Par les
sacrements, l’Eglise romaine restaure la justice initiale perdue lors de la chute.
5. La conception néo-orthodoxe. Parmi les auteurs néo-orthodoxes, Brunner développe un
concept assez proche de celui de l’Eglise catholique romaine. Il enseigne que l’homme
possédait une image formelle qu’il ne pouvait pas perdre lors de la chute, car c’est elle qui
fait que l’homme est homme. Il conçoit aussi une image matérielle qui fut perdue lors de la
chute.
Barth rejeta l’idée d’une image formelle parce qu’il croyait l’homme totalement corrompu par
le péché.
A. La préexistence
Selon la thèse de la préexistence des âmes, au commencement Dieu créa toutes les âmes
humaines, qui furent confinées dans des corps physiques en guise de punition. Les âmes
passent par une succession d’incarnations au cours de l’histoire; dans ce processus, elles
deviennent pécheresses. Platon et les Grecs enseignaient cette transmigration des âmes;
dans les débuts de l’Eglise, Origène (env. 185-254 apr. J.-C.) partageait ce point de vue. De
nos jours, on retrouve cette doctrine dans la théosophie, l’hindouisme et chez le philosophe
F.R. Tennant. Le christianisme orthodoxe ne l’a jamais adoptée, car elle ne repose sur
aucune base biblique. En outre, l’aspect «réincarnation» de cette doctrine s’oppose
directement à l’enseignement biblique sur la vie éternelle – ou le châtiment éternel – qui
attend toute personne née en ce monde.
B. Le créationnisme
Tel qu’il est défendu par Charles Hodge, le créationnisme enseigne que Dieu crée l’âme
lors de la conception ou de la naissance et l’unit immédiatement au corps114. L’âme est
pécheresse, non en raison de sa création, mais à cause de son contact avec la culpabilité
qui se transmet à elle par le corps. Hodge présente trois arguments en faveur du
créationnisme. (1) Cette explication s’accorde avec des passages bibliques comme
Nombres 16:22 et Hébreux 12:9, qui déclarent que l’âme vient de Dieu (contrairement au
corps qui vient des parents). (2) Puisque l’âme est immatérielle par nature, elle ne peut pas
se transmettre par un engendrement naturel. (3) Chez Christ, l’absence de péché n’est
vraie que si son âme a été créée (et que, bien évidemment, elle n’a pas été unie à un corps
entaché de péché, condition pour que sa personne soit indemne de péché). Les catholiques
romains et de nombreux théologiens réformés privilégient le créationnisme.
C. Le traducianisme
Le traducianisme affirme que l’âme de l’enfant est engendrée par ses parents, comme son
corps. William G.T. Shedd cite trois arguments en faveur de cette thèse115. (1) Argument
scripturaire: Hébreux 7:10 fait état d’un acte rationnel et moral de la part de Lévi qui n’était
pas encore né; par ailleurs, Genèse 2:1-3 déclare que Dieu s’est reposé le septième jour,
une fois son œuvre de création achevée. Il n’est donc pas question de nouveaux actes tels
la création d’âmes; par ailleurs, Genèse 2:7 exclut que Dieu ait insufflé le souffle de vie en
qui que ce soit d’autre qu’Adam. (2) Argument théologique: le créationnisme oblige Dieu à
créer des âmes parfaites (sa nature ne lui permet pas d’en créer des pécheresses), puis les
faire chuter chaque fois qu’un enfant vient au monde. Le cas du Christ exempt de péché
représente une exception et ne constitue pas la règle dans ce domaine. (3) Argument
physiologique: l’homme est toujours envisagé comme l’union de l’âme et du corps; il vaut
donc mieux considérer que les aspects psychiques et physiques de l’être humain se
développent ensemble.
Il me semble, personnellement, que le traducianisme fournit une explication plus naturelle
que le créationnisme. Je partage l’opinion de J.O. Buswell qui déclare:
Pour trancher entre ces deux thèses, il me semble qu’on a négligé un fait
évident dans les discussions qui ont émaillé l’histoire: c’est l’uniformité et la
régularité parfaites de l’arrivée de l’âme chaque fois qu’une vie humaine
commence. Dans notre façon de penser habituelle, lorsque nous observons
une telle perfection d’uniformité et de régularité dans d’autres domaines, nous
en attribuons le résultat aux forces secondaires que Dieu a créées et qu’il
maintient par sa providence divine. Pour cette raison, et pour cette raison
seulement, je suis enclin à adopter le traducianisme, mais je ne pense pas
qu’on puisse le faire reposer fermement sur le terrain d’un enseignement
scripturaire explicite quelconque.116
109 Contrairement à A.H. Strong, Systematic Theology, Philadelphie, Judson, 1907, pp. 465-
476.
110 H.C. Leupold, Exposition of Genesis, Columbus, Wartburg, 1942, p. 135.
111 Addison H. Leitch, «Image of God», dans The Zondervan Pictorial Encyclopedia of the
Bible, Grand Rapids, Zondervan, 1975, 3:256.
112 Edmond Jacob, Theology of the Old Testament, New York, Harper & Row, 1958, pp. 168-
169. «Imago Dei» signifie «image de Dieu».
113 Ralph E. Powell, «Image of God», dans Wycliffe Bible Encyclopedia, Chicago, Moody,
1975, 1:832.
114 Charles Hodge, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1940, 2:70ss.
115 William G.T. Shedd, Dogmatic Theology, New York, Scribner, 1891, 2:7ss.
116 J. Oliver Buswell, A Systematic Theology of the Christian Religion, Grand Rapids,
Zondervan, 1962, p. 252.
32. Les facettes de l’homme
I. La nature de l’homme
A. Une unité bipartite
Quand Dieu a créé Adam, il a pris de la poussière du sol et lui a insufflé le souffle de vie
pour en faire un être vivant (Genèse 2:7). L’acte de création s’est déroulé en deux étapes,
mais le résultat en a été une personne vivante, unique et une. Les particules de terre ont
fourni le matériau, mais le souffle divin lui a donné vie. Le matériel et l’immatériel se sont
unis pour produire une entité bien définie. Le matériel recèle beaucoup de caractéristiques
(artères, cerveau, muscle, cheveux, etc.), et dans l’immatériel on peut ranger l’âme, l’esprit,
les sentiments, la volonté, la conscience, etc. Mais sans l’unité fusionnelle de l’être humain,
cette diversité ne pourrait pas fonctionner. «La conception biblique de l’homme le présente
dans une diversité impressionnante, sans jamais perdre de vue l’unité de l’homme tout
entier; au contraire elle la fait ressortir et l’accentue.»117
Il est indiscutable que l’homme est de nature bipartite. Il est une entité matérielle et
immatérielle, et ces deux aspects sont reconnaissables. La Bible décrit la mort physique
comme la séparation du corps et de l’esprit (Jacques 2:26). La dichotomie biblique diffère
de l’enseignement de Platon qui disait que le corps était périssable, mais que l’âme existait
dans le monde céleste de pures formes ou d’idées avant son incarnation dans un corps
humain; selon lui, elle était donc incréée et immortelle, et représentait une partie de la
divinité. C’est un fait avéré, la Bible n’enseigne pas que le corps serait la prison de l’âme ni
qu’à la mort l’âme retournerait dans le monde céleste ou se réincarnerait dans un autre
corps. La dichotomie biblique est radicalement différente du dualisme platonique.
A. L’âme
Dans son sens le plus fondamental, le mot hébreu nephesch signifie «vie». Il désigne
l’homme créé originellement comme un être vivant (âme, Genèse 2:7), mais aussi d’autres
formes de vie (Genèse 1:20-21, 24, 30; Lévitique 17:11; voir aussi Exode 21:23 et
Josué 2:13). Tel est le sens que revêt le mot âme pour désigner un individu.
Ce principe de vie quitte le corps au moment de la mort (Genèse 35:18; Jérémie 15:2).
Pourtant, le corps est aussi appelé âme (Lévitique 21:1-3; Nombres 6:6; 9:6). Dans l’Ancien
Testament, l’âme n’a pas d’existence en dehors du corps, ce qui souligne l’unité de l’être
humain. «Aussi riche et abondant que soit l’usage du mot nephesch (âme) pour désigner la
vie, force est de reconnaître qu’il ne désigne jamais la partie profonde et indestructible de
l’être humain, par opposition à la vie physique; par ailleurs, la nephesch n’a pas la capacité
de vivre lorsqu’elle est séparée de la vie physique.»118
L’âme est aussi le centre d’expériences spirituelles et émotionnelles variées de l’être
humain. Mentionnons la pitié (Job 30:25), l’abattement (Psaume 43:5), l’amertume
(2 Rois 4:27), la haine (2 Samuel 5:8), l’amour (Cantique 1:7; 3:1-4) et le chagrin
(Jérémie 13:17).
L’emploi du mot «âme» (psychê) dans le Nouveau Testament présente à la fois des
ressemblances et des différences par rapport à son usage dans l’Ancien. Il désigne l’être
individuel complet (Actes 2:41; 27:37), mais il s’applique aussi à la seule partie immatérielle
de l’homme (Matthieu 10:28). Il désigne encore l’être humain dans son état intermédiaire
entre la mort et la résurrection du corps (Apocalypse 6:9).
L’âme semble être l’objet principal de la rédemption (bien que le corps profite évidemment
aussi de ses effets). Remarquons en particulier les passages suivants:
Hébreux 10:39; 13:17; Jacques 1:21; 1 Pierre 1:9, 22; 2:11, 25.
Résumons en disant que l’âme peut désigner la personne tout entière, vivante ou après sa
mort; elle décrit la partie immatérielle de la personne avec ses multiples sentiments et
émotions; elle est enfin au centre de la rédemption et de la croissance spirituelles.
B. L’esprit
L’esprit (ruach et pneuma) ne désigne que la partie immatérielle de l’homme, contrairement à
l’âme qui peut désigner l’homme tout entier, avec ses composantes matérielle et
immatérielle. L’homme est une âme, mais il n’est jamais décrit comme étant un esprit: il
possède un esprit.
L’esprit procède de Dieu, et tout le monde en possède un (Nombres 16:22; Hébreux 12:9). Il
n’est pas biblique de prétendre que l’homme est dépourvu d’esprit aussi longtemps qu’il n’a
pas reçu le Saint-Esprit au moment de son salut (cf. 1 Corinthiens 2:11; Hébreux 4:12;
Jacques 2:26).
En tant que facette de la partie immatérielle de l’homme, l’esprit est le centre de
caractéristiques, émotions et activités diverses. Elles incluent notamment l’intelligence
(Esaïe 29:24), la réflexion (Psaume 77:8), l’humilité (Matthieu 5:3), l’amertume
(Genèse 26:35), le trouble (Jean 13:21), la jalousie (Nombres 5:14), l’arrogance
(Proverbes 16:18) et l’abattement (Psaume 34:19). Parce qu’il peut faire montre d’émotions
indésirables, il faut porter une grande attention à l’esprit dans la vie spirituelle
(Psaume 51:12; 2 Corinthiens 7:1).
Bien que l’âme et l’esprit puissent intervenir dans les mêmes activités et les mêmes
émotions, la pensée paulinienne semble faire une distinction entre eux. C’est ce qui ressort
de l’accent que l’apôtre fait porter sur le spirituel (1 Corinthiens 2:14; 3:1; 15:45;
Ephésiens 1:3; 5:19; Colossiens 1:9; 3:16). Pourquoi?
Lorsque Paul se convertit, l’expérience de Dieu en Christ devint le facteur
déterminant non seulement de sa conception de Dieu, mais aussi de tout.
Parce que Paul était juif, son rapport avec Dieu influençait et déterminait toutes
ses pensées. Dans l’expérience chrétienne, la psychê, la réalité qui décrit la
vitalité purement humaine, perd de son importance. Le pneuma, qui a son
origine en Dieu et a été donné à l’homme, est devenu central. L’emploi peu
fréquent du terme psychê chez Paul en facilite la compréhension… La
connaissance que Paul avait du Saint-Esprit sert de fondement à son
anthropologie, dans laquelle le pneuma assume un rôle dirigeant.119
Pour résumer, disons que l’esprit ne désigne pas toute la personne, mais uniquement sa
partie immatérielle avec ses fonctions et sentiments variés. Dans la pensée de Paul, il
occupe une place prééminente dans la vie spirituelle.
C. Le cœur
Le cœur est un concept très large, aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le
Nouveau. Utilisé environ 955 fois, il se présente comme le siège de la vie physique et de la
vie psychique. Il ne désigne l’organe physique que très rarement (2 Samuel 18:14;
2 Rois 9:24). Dans l’immense majorité des cas, il renvoie à l’homme intérieur, l’essence des
nombreuses facettes de sa personnalité.
1. Le cœur est le siège de la vie intellectuelle. Il reconnaît (Deutéronome 8:5), acquiert la
connaissance de la Parole (Psaume 119:11), il est la source des mauvaises pensées et des
mauvaises actions (Matthieu 15:19-20); il a des sentiments et des pensées (Hébreux 4:12);
il peut être tortueux (Jérémie 17:9).
2. Il est le siège de la vie émotionnelle. Il aime (Deutéronome 6:5); il fait des reproches
(Job 27:6), il se réjouit (Psaume 104:15; Esaïe 30:29); il est chagriné (Néhémie 2:2;
Romains 9:2); il a des désirs (Psaume 37:4); il peut s’aigrir (Psaume 73:21).
3. Il est le siège de la vie volitive. Il cherche (Deutéronome 4:29); il peut changer de
dispositions (Exode 14:5), s’endurcir (Exode 8:11; Hébreux 4:7), choisir (Exode 7:22-23); il
peut être circoncis (Jérémie 9:26; Actes 7:51).
4. Il est le siège de la vie spirituelle. L’homme parvient à la justice en croyant dans son cœur
(Romains 10:9-10). Dans le cas du croyant, le cœur est la demeure du Père (1 Pierre 3:15),
du Fils (Ephésiens 3:17) et du Saint-Esprit (2 Corinthiens 1:22). Le cœur du chrétien doit
être pur (1 Timothée 1:5; Hébreux 10:22) et circoncis (Romains 2:29).
D. La conscience
La conscience joue le rôle de témoin dans l’homme pour lui dire de faire ce qu’elle estime
juste et refuser d’accomplir ce qu’elle croit être mal. Elle ne dit pas ce qui est bien ou mal,
mais incite l’homme à faire ce qui lui a été enseigné comme étant bien. On peut commettre
le mal en toute bonne conscience, parce qu’on a été mal enseigné sur ce qui est bien et ce
qui est mal (Actes 23:1).
On ne trouve mention de la conscience que dans le Nouveau Testament. Les fonctions qu’il
lui attribue étaient assignées au cœur dans l’Ancien Testament (par exemple
1 Samuel 24:6; Job 27:6). Dans le Nouveau Testament, c’est Paul qui fait le plus souvent
allusion à elle. (Jean se sert du mot cœur pour désigner la même réalité, 1 Jean 3:19-21.)
La conscience d’une personne non régénérée peut être un bon guide (Jean 8:9;
Romains 2:15) ou non, même si elle semble le guider correctement (Actes 23:1;
1 Timothée 4:2; Tite 1:15; Hébreux 10:22). On peut la comparer aux freins peu fiables d’une
voiture. Par moments, elle accomplit bien son devoir, mais à d’autres, on ne peut pas
compter sur elle.
La conscience du chrétien l’incite à faire ce qui est bien dans les différents types de
relations qu’il cultive au cours de sa vie. (1) Elle l’exhorte à obéir au gouvernement du pays
dans lequel il vit (Romains 13:5). (2) Elle lui conseille de se soumettre à un employeur
injuste (1 Pierre 2:18-19). (3) Le frère fort doit tenir compte du fait que la conscience d’un
frère faible ne lui permet pas de manger de la viande d’animaux sacrifiés aux idoles
(1 Corinthiens 8:7, 10, 12). (4) La conscience peut être appelée à témoigner de la
profondeur et de l’authenticité d’un engagement spirituel (Romains 9:1-2;
2 Corinthiens 1:12; 4:2).
E. L’intelligence
Comme la conscience, l’intelligence est un concept plus spécifiquement néotestamentaire.
Dans l’Ancien Testament, c’est le cœur qui correspond le mieux à la notion d’intelligence.
L’intelligence inclut les facultés de perception et de compréhension; en outre, elle ressent,
juge et détermine. Phronein, nous et sunesis sont les principaux mots que le Nouveau
Testament utilise pour exprimer ce concept.
L’intelligence (l’entendement, le sens) de l’homme qui n’est pas sauvé est qualifiée de
réprouvée (Romains 1:28), vaine (Ephésiens 4:17), souillée (Tite 1:15), aveuglée
(2 Corinthiens 4:4) et obscurcie (Ephésiens 4:18). De plus, il est privé de la faculté critique
que représente la sunesis (Romains 3:11).
L’intelligence du croyant occupe une place de choix dans son développement spirituel. Dieu
l’utilise pour lui faire comprendre la vérité (Luc 24:45; 1 Corinthiens 14:14-15). La vie de
consécration implique une intelligence renouvelée (Romains 12:2). L’intelligence intervient
dans les décisions relatives aux choses incertaines (Romains 14:5), dans la poursuite de la
sainteté (1 Pierre 1:13), dans la compréhension de la volonté du Seigneur (Ephésiens 5:17),
dans notre amour de sa personne (Matthieu 22:37). Toute pensée doit être amenée captive
à l’obéissance de Christ (2 Corinthiens 10:5).
F. La chair
La chair désigne parfois les tissus (Luc 24:39) ou toute la partie matérielle de l’être humain
(1 Corinthiens 15:39; Hébreux 5:7). Quand le terme est employé pour parler d’une facette
de la nature immatérielle de l’homme, il désigne son penchant à pécher et à s’opposer à
Dieu (Romains 7:18; 1 Corinthiens 3:3; 2 Corinthiens 1:12; Galates 5:17; Colossiens 2:18;
2 Pierre 2:10; 1 Jean 2:16). Le croyant et l’incroyant possèdent tous deux cette capacité.
G. La volonté
La Bible parle davantage de la volonté de Dieu que de celle de l’homme, et ce qu’elle dit ne
suit pas un plan ordonné. Le croyant peut vouloir accomplir ce qui est bien ou ce qui est mal
(Romains 7:15-25; 1 Timothée 6:9; Jacques 4:4). La volonté peut correspondre davantage à
une expression de l’être humain par le biais des autres facettes de sa personnalité qu’à une
faculté distincte en soi.
Telles sont les parties immatérielles constitutives de l’être humain, grâce auxquelles il peut
rechercher sa propre gloire ou, au contraire, chercher à glorifier et servir son Seigneur.
117 G.C. Berkouwer, Man – The Image of God, Grand Rapids, Eerdmans, 1952, p. 200.
118 Hans Walter Wolff, Anthropology of the Old Testament, Philadelphie, Fortress, 1974,
p. 20.
119 W. David Stacey, The Pauline View of Man, Londres, Macmillan, 1956, pp. 126-127.
33. La chute de l’homme
Les opinions concernant la validité du récit de la chute de l’homme (Genèse 3) se classent
en trois catégories.
(1) Pour certains, il s’agit d’une légende; autrement dit, les faits ne sont pas vrais. «Le style
du récit montre à l’évidence que cette esquisse ne peut posséder la valeur d’une narration
historique. Il s’agit d’un tableau général de la religion et de la morale à la lumière d’une
époque ultérieure. Mais ce compte rendu n’est certainement pas dénué de toute valeur pour
nous communiquer une certaine connaissance de ces premiers jours.»120
(2) D’autres tiennent à préserver la «vérité» du récit sans devoir accepter sa fiabilité
historique. C’est pourquoi A.M. Hunter parle d’un «mythe vrai». «A moins d’être des
fondamentalistes irréductibles, nous savons que Genèse 3 doit être considéré comme un
‘mythe vrai’. Même si Eden ne figure sur aucune carte et si la chute d’Adam n’est
mentionnée dans aucun calendrier historique, ce chapitre témoigne d’une dimension de
l’expérience humaine qui est aussi présente aujourd’hui qu’elle l’était à l’aube de l’histoire, à
savoir que nous sommes des créatures déchues et que l’histoire d’Adam et Eve est votre
histoire et la mienne.»121
(3) Beaucoup, cependant, croient que ce récit est factuel et historique. «Le récit de la
création, ses débuts, ses étapes et son achèvement, tout porte la marque d’un document
historique, aussi bien dans sa forme que dans son fond, un document qui exige que nous
acceptions comme vraies non seulement la déclaration introductive selon laquelle Dieu créa
les cieux et la terre, avec tout ce qui vit et se meut sur la terre, mais aussi la description de
la création elle-même avec toutes ses étapes.»122
D’autres passages de l’Ecriture valident l’historicité de la chute. Notons en particulier
1 Corinthiens 15:21-22 et 1 Timothée 2:14. Mais remarquons plus spécialement l’insistance
de Paul sur l’historicité du péché d’Adam dans Romains 5:12-21. Il le met constamment en
parallèle avec l’œuvre de Christ sur la croix. Beaucoup de ceux qui considèrent Genèse 3
comme une légende, un poème, un mythe vrai, ou quoi que ce soit d’autre, ne nient pas
l’historicité de la mort de Christ (même s’ils ne sont pas d’accord sur sa signification). La
comparaison contrastée que Paul établit entre le péché d’Adam et la mort de Christ exige
que l’action d’Adam et celle de Christ soient vraies toutes les deux ou légendaires ou
mythiques toutes les deux. Si nous acceptons la mort de Christ comme un fait historique,
mais pas le péché d’Adam, nous rompons le fil du raisonnement de Paul dans ce passage.
C’est précisément ce que font les barthiens. Non seulement ils acceptent l’historicité de la
mort de Christ, mais ils la considèrent comme le point culminant de la révélation. En
revanche, ils n’acceptent pas l’historicité du récit de Genèse 3, tout en admettant la vérité et
la réalité du péché. Or, dans la logique de ce passage biblique, si Christ et son œuvre
appartiennent à la sphère du fait réel, il faut qu’Adam et son œuvre lui appartiennent aussi.
I. L’être à tenter
Quelles étaient la nature d’Adam et ses relations avec Dieu avant son péché?
A. Ses capacités
Nous savons qu’Adam possédait la faculté de comprendre et de raisonner. Elle lui permit de
donner des noms aux animaux et de préciser ses relations avec Eve (Genèse 2:19-23).
Dieu lui accorda aussi la capacité d’utiliser le langage, si bien qu’une communication put
s’établir entre eux (Genèse 2:16, 20, 23).
B. Sa nature morale
Quelle que soit la description que nous pouvons donner de la nature morale d’Adam avant
la chute, une chose est claire: il était sans péché. Pour certains, cela signifie qu’Adam
possédait une sorte de sainteté passive, puisqu’il était innocent de tout mal. La sainteté lui
permettait de jouir d’une communion parfaite avec Dieu. Il est peut-être exagéré de dire qu’il
possédait une sainteté positive, puisqu’il fut capable de choisir le péché. Je préfère décrire
la condition d’Adam de la façon suivante: il possédait une sainteté (car il était davantage
que simplement «innocent») de créature (car sa sainteté n’était pas la même que celle de
Dieu) non confirmée (car elle n’avait pas encore été mise à l’épreuve et ne s’était donc pas
encore révélée faillible).
Adam était doté d’un libre arbitre, et sa raison lui permettait de soupeser ses choix.
Ainsi Adam pouvait demeurer debout s’il l’eût voulu, vu qu’il n’est trébuché que
de sa volonté propre; mais parce que sa volonté était ployable au bien et au
mal, et que la constante de persévérer ne lui était pas donnée, voilà pourquoi il
est si tôt et si légèrement tombé. Toutefois il y a bien eu élection du bien et du
mal: et non seulement cela, mais il y avait tant en son intelligence qu’en sa
volonté une parfaite droiture; même toutes les parties organiques étaient
enclines et promptes à obéir chacune à tout bien, jusqu’à ce qu’en se perdant
et en ruinant, il a corrompu tous ses biens.123
C. Ses responsabilités
1. Dominer sur la terre (Genèse 1:26, 28). Pour les théonomistes124, ce «mandat culturel»
autorise l’homme à amener toutes les structures du monde sous la seigneurie de Christ et à
renverser toute forme d’opposition à Dieu. Les auteurs réformés partagent cette conception,
mis à part qu’ils n’insistent pas pour imposer à la société de nos jours la loi de l’Ancien
Testament dans tous ses aspects.
Remarquons cependant que l’ordre d’assujettir la terre ne fait pas partie du mandat confié à
Noé et à ses descendants (dont nous faisons partie) après le déluge (Genèse 9:1).
Précisons aussi que le verbe «assujettir» dans Genèse 1:28 vient d’une racine qui signifie
«pétrir» ou «fouler le sol», c’est-à-dire cultiver la terre pour que la race humaine puisse se
multiplier. Adam était chargé d’administrer la terre et ce qui y vivait (vie végétale et animale)
pour qu’elle puisse nourrir les gens qui la rempliraient. Tel était le contexte dans lequel il a
reçu l’ordre de cultiver et de garder le jardin d’Eden (Genèse 2:15). On peut penser que la
vie végétale et animale se serait multipliée de façon désordonnée si Adam n’avait pas
correctement pris soin du jardin.
2. Jouir des fruits des soins dispensés au jardin (Genèse 2:16-17).
II. Le test
La mise à l’épreuve, lors de la chute, consistait à savoir si Adam et Eve obéiraient à Dieu ou
non. Ils prouveraient leur obéissance en ne mangeant pas du fruit de l’un des arbres du
jardin, l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Dans un sens, cette interdiction était
minime, comparée au nombre d’arbres dont ils pouvaient manger les fruits. Mais dans un
autre sens, elle revêtait une importance énorme, puisque c’était le moyen pour eux de
prouver leur obéissance ou leur désobéissance à Dieu. Par rapport à eux, de combien de
façons pouvons-nous faire preuve de notre obéissance ou de notre désobéissance à Dieu
au cours d’une seule journée?
En incluant cette possibilité de test, Dieu montrait qu’il tenait à ce que les hommes
s’engagent volontairement à lui obéir et à le servir. Il ne voulait pas avoir affaire à des
automates.
III. Le tentateur
Satan se sert habilement d’une créature familière à Eve au lieu de se présenter
directement, ce qui aurait éveillé son attention et l’aurait mise sur ses gardes. Il se met dans
la peau d’un serpent réel, ce qui explique pourquoi, en plus de Satan, cette espèce de
reptiles a été maudite après la chute. Pour une raison qui nous échappe, Eve n’est pas
troublée par le fait que le serpent lui parle. «Le tentateur s’adressa lui-même à Eve,
probablement parce que la femme n’avait pas entendu personnellement l’interdiction de
Dieu, contrairement à Adam; voir Genèse 2:16-17.»125
IV. La tentation
A. La contrefaçon satanique
Une contrefaçon s’efforce évidemment de ressembler le plus possible à l’authentique, tout
en faisant l’économie de ce qui est le plus coûteux. Passé maître dans l’art de la
contrefaçon, Satan avait déjà voulu se faire l’égal de Dieu et ne plus être différent de lui
(Esaïe 14:14). Il aborde Eve en lui faisant croire que son plan est très proche de celui de
Dieu, mais qu’il ne requiert pas une obéissance totale. Quand il demande si Dieu leur a
interdit tous les arbres du jardin, Eve répond aussitôt qu’elle et Adam peuvent manger de
tous, à l’exception d’un seul. Et elle mentionne cette exception comme si cette pensée lui
était venue après coup. Satan a laissé entendre que Dieu leur avait imposé des restrictions
trop sévères, et Eve se met à cultiver cette idée.
Ensuite, Satan présente son propre plan qui ne comporte pas cette restriction. «La femme
agit en se disant que Dieu ne se montre pas amical envers eux, alors que Satan est animé
du désir de favoriser leur bien-être.»126 En somme, Satan cherchait à contrefaire la bonté
de Dieu.
On peut considérer cette tentation sous la forme d’un syllogisme. La prémisse majeure
déclare que les restrictions ne sont pas bonnes. Selon la prémisse mineure, le plan divin
prévoit une restriction. Par conséquent, le plan de Dieu n’est pas bon. A l’opposé, le plan de
Satan n’inclut aucune restriction; il s’agit donc d’un bon plan. La validité de cette conclusion
dépend de la vérité de la prémisse majeure. Or, dans le cas présent, elle n’est pas vraie: les
restrictions ne sont pas forcément mauvaises ni indésirables. Qui plus est, l’interdiction faite
à Adam et Eve dans le jardin d’Eden était bonne, puisque c’était pour eux le principal
moyen de prouver leur obéissance à Dieu. Le plan contrefait de Satan supprimait la
restriction et offrait à Eve l’espoir d’être comme Dieu si elle mangeait du fruit défendu.
B. Le raisonnement d’Eve
On peut imaginer qu’Eve a raisonné ainsi pour savoir ce qu’elle devait faire: en examinant la
proposition de Satan, elle se dit que le fruit serait bon à manger; or, sa responsabilité
d’épouse consiste notamment à donner de bonnes choses à son mari; de plus, il est
étonnant que Dieu leur interdise un fruit beau à voir, alors qu’il leur permet de jouir de tant
d’autres belles choses; Dieu serait certainement d’accord qu’ils acquièrent davantage de
sagesse; c’est pourquoi il est souhaitable, et même nécessaire, qu’elle mange de ce fruit. A
ce moment-là, l’interdiction de Dieu est sortie de sa tête. Oubliés tous les bienfaits qu’il leur
a accordés! L’esprit d’Eve semble suivre sa logique: le fruit renouvellera leurs forces
physiques, développera leurs goûts esthétiques et augmentera leur sagesse. Après avoir
ainsi justifié ce qu’elle est sur le point de faire, elle prend du fruit de l’arbre défendu et en
mange.
V. Les sanctions
A. Contre la race humaine (Genèse 3:7-13)
1. Un sentiment de culpabilité, comme le prouve la confection d’un vêtement de fortune
(Genèse 3:7).
2. La perte de la communion avec Dieu, mise en évidence par le besoin de se cacher loin de lui
(Genèse 3:8). Cette rupture de la relation avec Dieu a entraîné la mort spirituelle et
physique de la race humaine. La mort est toujours une séparation: Adam et Eve se sont
aussitôt rendu compte qu’ils s’étaient coupés l’un de l’autre, et ils ont aussitôt découvert le
mécanisme de dégénérescence et de décomposition de leur corps, qui devait aboutir à leur
mort physique (Romains 5:12).
B. Ra
Utilisé environ 444 fois, ce terme, qui équivaut à kakos et ponêros dans le Nouveau
Testament, a le sens fondamental de rupture ou de ruine. Il signifie souvent calamités et est
fréquemment traduit par «méchant». Il peut aussi bien indiquer quelque chose de nuisible
qu’une chose moralement fausse (Genèse 3:5; 38:7; Juges 11:27). Dans Esaïe 45:7, il est
dit que Dieu crée la lumière et les ténèbres, la prospérité et l’adversité (ra). Pour certains, ra
désigne ici les calamités, pour d’autres le mal. Dans ce dernier cas, le verset signifie que
tout, y compris le mal, est inclus dans le plan de Dieu, même si la responsabilité des péchés
commis incombe à la créature, jamais au Créateur.
C. Pescha
Le terme contient l’idée d’une rébellion, et il est généralement traduit par transgression. Voir
1 Rois 12:19; 2 Rois 3:5; Proverbes 28:21 et Esaïe 1:2.
D. Awon
Le terme associe les idées d’iniquité et de faute, souvent très proches en hébreu
(1 Samuel 3:13). Remarquons son emploi à propos du serviteur souffrant (Esaïe 53:6) et du
péché délibéré (Nombres 15:30-31).
E. Schagag
L’idée est celle d’errer ou de s’égarer, comme dans le cas d’une brebis, ou de chanceler,
comme dans le cas d’un homme ivre (Esaïe 28:7). Le mot évoque l’erreur dont l’auteur est
responsable. C’est pourquoi, la loi condamne celui qui, involontairement, s’écarte de ses
préceptes; elle l’estime responsable de son péché puisqu’il savait ce qu’elle ordonnait
(Lévitique 4:2; Nombres 15:22).
F. Ascham
Ce terme est exclusivement employé en relation avec les rites associés au tabernacle, puis,
plus tard, au temple (Lévitique, Nombres et Ezéchiel). Il s’agit principalement de culpabilité
vis-à-vis de Dieu. Il désigne aussi les sacrifices d’expiation et englobe la faute involontaire
aussi bien que la faute volontaire (Lévitique 4:13; 5:2-3).
G. Rascha
Rarement utilisé avant l’exil, ce mot revient souvent dans les Psaumes, chez Ezéchiel et
dans la littérature sapientiale. Il s’applique au méchant, le contraire du juste (Exode 2:13;
Psaume 9:17; Proverbes 15:9; Ezéchiel 18:23).
H. Taah
Ce terme signifie s’égarer, s’éloigner. Il s’agit d’un péché délibéré et non accidentel, même
si celui qui le commet n’est pas pleinement conscient de l’étendue de sa faute. Voir à ce
propos Nombres 15:22; Psaume 58:4; 119:21; Esaïe 53:6 et Ezéchiel 44:10, 15.
Cette étude des termes nous permet de tirer quelques conclusions concernant
l’enseignement vétérotestamentaire sur le péché:
1. Le péché peut prendre plusieurs formes; à cause de la variété des mots utilisés, l’Israélite
prenait mieux conscience de la forme particulière que revêtait son péché.
2. Le péché est ce qui est contraire à une norme; en fin de compte, il est désobéissance à
Dieu.
3. Bien que la désobéissance se caractérise aussi bien par son aspect positif que par son
aspect négatif, l’accent porte sur le mal commis, et pas simplement sur le bien omis.
Pécher, ce n’est pas simplement manquer le bon but, c’est aussi atteindre un mauvais but.
II. Dans le Nouveau Testament
Le Nouveau Testament utilise au moins une douzaine de mots fondamentaux pour décrire
le péché et sa sphère.
A. Kakos
Quand il est utilisé comme adverbe, le mot, qui signifie «mauvais», désigne parfois ce qui
est mauvais physiquement, c’est-à-dire la maladie (Marc 1:32), mais employé le plus
souvent comme adjectif, il s’applique au mal moral (Matthieu 21:41; 24:48; Marc 7:21;
Actes 9:13; Romains 12:17; 13:3-4, 10; 16:19; 1 Timothée 6:10).
B. Ponêros
Ce terme fondamental pour le mal concerne presque toujours le mal moral (Matthieu 7:11;
12:39; 15:19; Actes 17:5; Romains 12:9; 1 Thessaloniciens 5:22; Hébreux 3:12; 2 Jean 11).
Il désigne aussi Satan (Matthieu 13:19, 38; 1 Jean 2:13-14; 5:18; et peut-être Matthieu 6:13
et Jean 17:15), ainsi que les démons, appelés des esprits mauvais (Luc 11:26; Actes
19:12).
C. Asebês
Signifiant «impie», ce terme apparaît principalement dans 2 Pierre et dans Jude. Il
s’applique aux apostats. Ceux qui ne sont pas sauvés sont qualifiés d’impies
(Romains 4:5; 5:6). On le retrouve occasionnellement associé à d’autres termes décrivant le
péché (Romains 1:18; 1 Timothée 1:9; 1 Pierre 4:18).
D. Enochos
C’est un terme qui signifie «coupable» et qui s’applique généralement à quelqu’un dont le
crime mérite la peine capitale (Matthieu 5:21-22; Marc 14:64; 1 Corinthiens 11:27;
Jacques 2:10).
E. Hamartia
C’est le mot le plus fréquemment utilisé pour le péché; il revient environ 227 fois, sous
différentes formes. Quand un auteur voulait un terme qui englobe tous les péchés, il se
servait de celui-ci. La métaphore qui se cache derrière lui est celle d’une cible manquée;
mais, comme dans l’Ancien Testament, à la notion négative d’une cible manquée,
autrement dit d’un bien omis, s’ajoute la notion positive d’une autre cible atteinte, c’est-à-
dire d’un mal commis. Dans les Evangiles, il est toujours utilisé dans le contexte du pardon
ou du salut (Matthieu 1:21; Jean 1:29). Parmi les autres références instructives,
mentionnons Actes 2:38; Romains 5:12; 6:1; 1 Corinthiens 15:3; 2 Corinthiens 5:21;
Jacques 1:15; 1 Pierre 2:22; 1 Jean 1:7; 2:2; Apocalypse 1:5.
F. Adikia
Ce nom décrit toute conduite injuste, dans le sens le plus large. Il s’applique aux gens qui
ne sont pas sauvés (Romains 1:18), à l’argent (Luc 16:9), aux membres du corps humain
(Romains 6:13; Jacques 3:6) et aux actions (2 Thessaloniciens 2:10).
G. Anomos
Cet adjectif signifie étymologiquement «sans loi». Il caractérise la transgression de la loi
dans son sens le plus large (Matthieu 13:41; 24:12; 1 Timothée 1:9). D’un point de vue
eschatologique, il désigne l’Antichrist, l’impie par excellence (2 Thessaloniciens 2:8).
H. Parabatês
Signifiant «transgresseur», ce mot concerne des violations spécifiques de la loi
(Romains 2:23; 5:14; Galates 3:19; Hébreux 9:15).
I. Agnoein
Ce verbe peut désigner le culte offert par ignorance à quelqu’un d’autre que le vrai Dieu
(Actes 17:23; Romains 2:4), mais cette ignorance rend la personne coupable. De ce fait,
elle a besoin de l’expiation (Hébreux 9:7).
J. Planan
Ce verbe signifie «errer» de façon coupable (1 Pierre 2:25). Certains peuvent séduire les
autres en les égarant (Matthieu 24:5-6), mais ils peuvent aussi se séduire eux-mêmes
(1 Jean 1:8). Satan égare le monde entier (Apocalypse 12:9; 20:3, 8).
K. Paraptôma
Ce mot désigne l’offense, et dans la plupart des cas une offense volontaire. Paul l’utilise à
six reprises dans Romains 5:15-20.
L. Hypocrisis
Ce mot contient trois idées: interpréter faussement comme pourrait le faire un oracle, jouer
un rôle comme un acteur, accorder du crédit à une interprétation pourtant reconnue comme
fausse. Ces différents sens semblent se conjuguer dans le péché de Pierre que Paul
dénonce en Galates 2:11-21. Les faux docteurs de la fin des temps donneront de fausses
interprétations et se feront passer pour ce qu’ils ne sont pas, et beaucoup suivront leur
enseignement (1 Timothée 4:2). Les hypocrites se séduisent d’abord eux-mêmes en
changeant le bien en mal; ensuite, ils séduisent les autres. Telle est la terrible nature du
péché.
Nous pouvons tirer plusieurs conclusions de l’étude du péché dans le Nouveau Testament.
1. Le péché enfreint toujours une règle claire.
2. En fin de compte, tout péché est une révolte ouverte contre Dieu et une transgression de
ses normes.
3. Le mal peut revêtir une grande variété de formes.
4. La responsabilité de l’homme est certaine et clairement énoncée.
D. Le levain
Partout dans la Bible, le levain symbolise la présence de l’impureté ou du mal. La seule
exception pourrait être Matthieu 13:33, où il représenterait la croissance du royaume par la
puissance de l’Evangile. Quoi qu’il en soit, lorsque Christ met en garde contre le levain des
pharisiens, des sadducéens ou des hérodiens, il pense au mal.
1. Le levain des pharisiens. Ceux-ci cherchaient surtout à parader. En apparence, ils étaient
justes (Matthieu 5:20), ils étaient versés dans la connaissance des Ecritures
(Matthieu 23:2), ils s’acquittaient de la dîme (Luc 18:12), ils jeûnaient (Matthieu 9:14) et
priaient (Luc 18:11); en réalité, intérieurement, ils étaient impurs, et le Seigneur dénonçait le
levain de leur hypocrisie (Matthieu 23:14, 26, 29; Marc 8:15; Luc 12:1).
2. Le levain des sadducéens. C’était leur enseignement erroné. Leur croyances étaient fondées
sur leurs sens; c’est pourquoi ils ne croyaient pas à l’existence des anges ni à la
résurrection. Le Seigneur dénonçait ce péché moins souvent que celui des pharisiens, car
la fausse doctrine est en soi quelque chose qui est plus apparent, parce que plus difficile à
masquer (Matthieu 16:6).
3. Le levain des hérodiens. C’était leur matérialisme et leur mondanité. En tant que parti, ils
soutenaient Hérode et le gouvernement romain qui l’avait placé sur le trône d’Israël. Ils
utilisaient le pouvoir terrestre à des fins «spirituelles». Christ mettait en garde contre ce
piège (Marc 8:15).
Ces trois péchés – à savoir une piété uniquement extérieure, la fausse doctrine et les
méthodes mondaines – se retrouvent manifestement dans certains groupes de nos jours.
L’avertissement du Seigneur n’a donc rien perdu de sa pertinence.
B. Le monde
Le monde placé sous la coupe de Satan s’oppose au peuple de Dieu et accomplit les
desseins du diable. Le système du monde est donc une source de péché chaque fois que
l’on se conforme à lui (Jean 15:18-19).
C. Le cœur
Le Seigneur a souvent souligné le fait que le comportement extérieur d’un individu reflète ce
qu’il y a dans son cœur (Matthieu 15:19).
B. Le semi-pélagianisme
L’enseignement de Pélage s’opposait à celui d’Augustin, son contemporain, qui insistait sur
l’incapacité totale de l’homme d’atteindre la justice et sur son besoin de la grâce souveraine
seule. Le semi-pélagianisme se situe entre l’augustinisme (avec sa forte insistance sur la
prédestination et l’incapacité de l’homme) et le pélagianisme (avec son insistance sur la
totale capacité humaine). Il enseigne que l’homme possède une certaine liberté qui lui
permet de coopérer avec la grâce divine. La volonté humaine a certes été affaiblie par le
péché, et sa nature a été corrompue, mais pas totalement dépravée. Dans la régénération,
l’homme choisit Dieu, et celui-ci ajoute sa grâce. Le semi-pélagianisme correspond à
l’enseignement de l’Eglise catholique romaine et de certains groupes protestants. Pour eux,
l’eau baptismale ôte le péché originel.
C. Le socinianisme
Nommé d’après ses initiateurs, Lelio Sozzini (1525-1562 apr. J.-C.), dit Socin en français, et
son neveu Fausto, ce mouvement était annonciateur de l’unitarisme131. Il niait la divinité de
Christ, la prédestination, le péché originel, l’incapacité totale de l’homme et la substitution
pénale.
D. L’arminianisme
Les idées de Jacobus Arminius (1560-1609 apr. J.-C.) ne divergeaient pas tellement de
celles de la théologie réformée traditionnelle, mais celles de ses successeurs s’en
différencièrent de plus en plus. L’arminianisme enseigne qu’Adam fut créé innocent, mais
non saint, que le péché résulte des actes de la volonté, que nous héritons d’Adam la
pollution, mais non la faute ni une nature du péché, que l’homme n’est pas totalement
dépravé, que l’être humain a la capacité de vouloir le bien et de se conformer à la volonté
de Dieu durant sa vie, d’atteindre ainsi la perfection, et que la volonté humaine est l’une des
causes de la régénération. La théologie wesleyenne132, parfois qualifiée d’arminianisme
évangélique, partage ces idées en ce qui concerne le péché d’Adam et la capacité de
l’homme, mais elle s’en éloigne sur d’autres points.
E. La néo-orthodoxie
En général, la néo-orthodoxie prend le péché très au sérieux. Elle le définit comme l’attitude
centrée sur soi au lieu d’être centrée sur Dieu. Cependant, elle ne considère pas comme
historique le récit que Genèse 3 livre du péché d’Adam, autrement dit elle ne conçoit pas ce
péché comme un événement qui s’est produit à un moment donné dans un lieu donné. Pour
ce courant de pensée, Adam n’est pas un individu réel ayant vécu sur cette terre; il est
plutôt le type de l’homme aux différentes étapes de son développement. L’histoire de la
chute d’Adam est celle de notre propre chute. Cette notion de l’histoire biblique ne permet
évidemment pas d’établir un lien entre le péché d’Adam et sa postérité.
131 Le terme unitarisme désigne les doctrines qui récusent la doctrine de la Trinité. (N.d.E.)
132 Wesleyenne: de John Wesley (1703-1791 apr. J.-C.), pasteur issu de l’Eglise
anglicane et fondateur du méthodisme avec son frère Charles. (N.d.E.)
37. L’imputation du péché
I. La signification de l’imputation
Imputer, c’est attribuer quelque chose à quelqu’un, le mettre sur son compte, incriminer
quelqu’un, le charger (Petit Robert). Ce qui est donc au cœur du concept de l’imputation du
péché, ce n’est pas une influence, mais un acte objectif.
L’Ancien Testament présente plusieurs exemples d’imputation. Dans Lévitique 7:18; 17:4, il
est dit que l’absence de bénédiction était imputable aux Israélites qui avaient refusé de se
conformer aux rites prescrits pour les offrandes. Dans 1 Samuel 22:15 et 2 Samuel 19:19,
des hommes supplient de ne pas être chargés de leur iniquité. Au Psaume 32:2, David
parle du bonheur de celui à qui Dieu n’impute pas son péché. Dans tous ces exemples, il
est question d’une mesure concrète, et non d’un simple élan du cœur.
Le Nouveau Testament fait plusieurs fois allusion au principe de l’imputation pratiqué dans
l’Ancien Testament. Paul déclare que le péché n’est pas imputé comme une violation
spécifique d’une règle morale là où il n’y a pas de loi (Romains 5:13). Il cite aussi le cas de
la justice que Dieu a imputée à Abraham lorsque celui-ci a cru, ou celle dont Dieu a revêtu
David quand le roi a confessé son péché (Romains 4). De même, Jacques mentionne la
justice divine imputée à Abraham (Jacques 2:23). La mort de Christ permet à Dieu de ne
pas imputer aux hommes leurs péchés contre lui (2 Corinthiens 5:19).
Mais c’est la lettre à Philémon qui contient ce qui est peut-être la plus belle illustration de
l’imputation. Paul invite Philémon, le maître d’Onésime, à porter sur son compte tout ce que
son esclave lui doit. Autrement dit, toutes les dettes qu’Onésime aurait pu contracter doivent
être portées au compte de l’apôtre, qui s’engage à les rembourser. Il en va de même pour
nous: nos péchés ont été portés sur le compte de Christ; il en a été chargé et a totalement
payé notre dette.
B. Leur manifestation
Les péchés personnels ne se limitent pas à ceux qui sont commis ouvertement; les péchés
de pensée en font également partie. L’immoralité, l’envie, la cupidité et l’idolâtrie sont des
exemples de péchés qui se commettent dans nos pensées (et qui peuvent ensuite se
traduire par des actes spécifiques). Voir Matthieu 5:27-28; 2 Corinthiens 10:5;
Colossiens 3:5-6.
En outre, les péchés par omission, qui ne sont donc pas manifestes, sont aussi coupables
que les péchés commis (Jacques 4:17).
C. Leur classification
Le Seigneur a jugé le péché de Caïphe, qui le livrait à Pilate, plus grand que le péché de
Pilate. Cela n’excusait cependant pas le gouverneur romain, car s’il existe des péchés plus
grands (celui de Caïphe), il y en a nécessairement de plus petits (celui de Pilate). En tant
qu’agent du gouvernement, Pilate ne pouvait accomplir que ce que Dieu permettait à son
gouvernement de faire. En tant que souverain sacrificateur, Caïphe bénéficiait de
davantage de lumière; sa responsabilité était donc plus grande.
L’Ancien Testament établit une distinction entre les péchés commis par ignorance et ceux
commis volontairement. L’Ecriture parle de ces derniers comme des péchés commis «la
main levée». C’est comme si le coupable dressait le poing contre Dieu et ses
commandements (Nombres 15:30-31). Le récit qui suit ce passage cite l’exemple d’un
homme qui viole la loi du sabbat en connaissance de cause, en ramassant du bois ce jour-
là. Il défie ouvertement le commandement divin. Les sacrifices d’expiation couvraient les
péchés commis involontairement, par faiblesse ou par égarement (Lévitique 4:2). Parmi ces
péchés figurent le refus de l’homme de dire ce qu’il a vu alors qu’il est sous serment comme
témoin, la souillure provoquée par le contact avec le cadavre d’un animal ou d’une
personne et l’incapacité d’accomplir un vœu hâtif (Lévitique 5:1-4).
Le Nouveau Testament, pour sa part, distingue les péchés commis par ceux qui ont
beaucoup de lumière de ceux commis par ceux qui ont peu de lumière (Luc 12:47-48).
Il est encore question du péché impardonnable (Matthieu 12:31-32) et d’un péché qui
conduit à la mort (1 Jean 5:16).
L’Eglise catholique romaine fait une différence entre les péchés véniels (pardonnables) et
les péchés mortels (méritant la mort). Un individu commet un péché véniel chaque fois qu’il
transgresse la loi de Dieu dans un domaine sans importance. Ce péché lui est facilement
pardonné, même sans confession. En revanche, seul le sacrement de la pénitence peut
accorder le pardon d’un péché mortel. Il va de soi que cet enseignement n’est pas
scripturaire.
Ceux qui croient que l’enfant de Dieu peut perdre son salut font, eux aussi, une distinction
entre les péchés qui ne sont pas très graves, que les chrétiens commettent souvent et qui
ne peuvent pas entraîner la perte du salut, et les péchés qui sont suffisamment graves pour
provoquer la perte du salut. Mais la définition des péchés qui entrent dans ces deux
catégories est généralement très subjective.
A. Le monde
Nous avons déjà abordé de façon détaillée le concept du monde dans la section consacrée
à Satan et à son activité. Le lecteur pourra s’y reporter (chap. 25). Contentons-nous
d’ajouter quelques détails.
1. Sa description. Satan est le chef et la puissance agissante du monde. Son arme de
prédilection est la contrefaçon. Il est toutefois prêt à se servir de tous les moyens pour
vaincre le croyant. Celui-ci a souvent beaucoup de mal à voir clair dans des questions
ambiguës et à prendre les bonnes décisions.
2. Notre moyen de défense. Le chrétien dispose de plusieurs armes pour déjouer les
contrefaçons du monde: l’armure de Dieu (Ephésiens 6:13-18), la connaissance des ruses
de Satan (2 Corinthiens 2:11), la sobriété, la vigilance (1 Pierre 5:8). Peut-être conviendrait-
il de placer la foi au sommet ou en bonne position sur cette liste. C’est en effet notre foi qui
triomphe du monde (1 Jean 5:4-5), la foi qui nous associe à l’œuvre de Christ sur la croix.
Comme tout croyant possède nécessairement cette foi, il possède un système de défense
approprié contre le monde. Mais il doit constamment l’exercer pour remporter la victoire
(1 Timothée 6:12).
B. La chair
1. Le concept. La chair désigne le principe du péché qui est en chacun de nous. Certains
identifient la nature pécheresse à la chair. Celle-ci produit des œuvres (Galates 5:19), se
caractérise par ses désirs et ses passions (Galates 5:24; 1 Jean 2:16), et peut asservir le
croyant (Romains 7:25). Il n’y a rien de bon en elle (Romains 7:18). La présence de la vie
nouvelle en Christ rend obsolète et inutile tout ce qui est associé à la chair. Cela inclut les
choses manifestement mauvaises, mais aussi ce qui est tout simplement amoral, et parfois
même ce qui semble bon mais ne procure aucun plaisir à Dieu parce qu’il s’agit d’œuvres
de la chair.
2. La maîtrise de la chair. Le chrétien ne peut maîtriser la chair qu’en vivant au jour le jour sa
condition de crucifié avec Christ. Nous avons crucifié la chair; notre identification à Christ
dans sa mort au péché nous a affranchis de sa domination (Galates 5:24). Nous remportons
la victoire, non en éradiquant la chair, mais en marchant dans la dépendance de l’Esprit.
Cette façon de vivre nous empêche d’accomplir les désirs de la chair (Galates 5:16).
C. Le diable
Comme nous avons déjà longuement examiné la personne et l’œuvre de Satan, je ne
rappellerai ici que quelques traits de ses attaques contre les croyants.
1. Sa stratégie est planifiée. Satan conçoit des méthodes, se sert d’artifices et utilise toute
l’habileté d’une créature surhumaine pour piéger le chrétien (2 Corinthiens 2:11;
Ephésiens 6:11).
2. Sa stratégie est tenace. Il rôde constamment autour du chrétien, guettant le moment
favorable pour fondre sur lui (1 Pierre 5:8).
3. Sa stratégie est puissante. Le chrétien est engagé dans un combat au corps à corps contre
Satan, et ne doit jamais sous-estimer sa puissance (Ephésiens 6:12; 1 Jean 4:4; Jude 9).
A. La Parole de Dieu
La Parole de Dieu dans notre cœur nous incite fortement à ne pas pécher, car elle nous
prodigue avertissements, rappels, encouragements, force et directives lorsque nous
sommes tentés de pécher (Psaume 119:11).
B. L’intercession de Christ
Le Seigneur vit éternellement pour intercéder en notre faveur (Hébreux 7:25). Il prie en
particulier pour que nous ne péchions pas. Le cas de Pierre dans Luc 22:32 et la
déclaration limpide de Jean 17:15 en sont la preuve. Nous ne saurons sans doute jamais
ici-bas tout ce que cela implique, et il se peut même que nous ne le sachions pas
complètement lorsque nous serons au ciel.
V. Le remède au péché
Un mot résume le remède que le chrétien doit utiliser pour son péché: la confession
(1 Jean 1:9). Il ne s’agit évidemment pas d’une simple confession des lèvres ni d’une
récitation machinale des fautes commises; il s’agit de voir ces péchés comme Dieu les voit.
Cette attitude suscite la repentance et le désir sincère de changer. Si les mêmes péchés
reviennent toutefois, le même remède s’impose.
B. L’importance de la préexistence
1. En lien avec la naissance. Si Christ est venu à l’existence lors de sa naissance, il n’existe
pas de Trinité éternelle.
2. En lien avec la divinité de Christ. Si Christ n’était pas préexistant, il ne pouvait pas être
Dieu, car parmi les attributs divins figure celui de l’éternité.
3. En lien avec la véracité de Christ. Si Christ n’était pas préexistant, il a menti, car il a affirmé
sa préexistence. On peut alors se demander avec raison s’il n’a pas menti dans d’autres
domaines.
C. Les indices de la préexistence
1. L’origine céleste de Christ. Les versets qui parlent de l’origine céleste de Christ attestent
qu’il existait avant sa naissance. C’est notamment le cas de Jean 3:13, 31.
2. Son œuvre de créateur. Si Christ était actif dans la création, il fallait évidemment qu’il existe
avant elle. Voir Jean 1:3; Colossiens 1:16 et Hébreux 1:2.
3. Sa relation avec Dieu. Christ a revendiqué l’égalité de nature avec Dieu (Jean 10:30). Il a
affirmé avoir possédé la même gloire que le Père avant le commencement du monde
(Jean 17:5). Paul aussi déclare que Christ possède la même nature que Dieu
(Philippiens 2:6). Tous ces passages prouvent en même temps l’éternité de Christ.
4. Ses attributs. Il a lui-même revendiqué la pleine divinité, et d’autres l’ont attestée. Nous
reviendrons ultérieurement plus longuement sur ces affirmations, mais contentons-nous
pour l’instant de rappeler Colossiens 2:9 qui déclare de la façon la plus nette possible que la
plénitude de la divinité habitait en Christ.
5. Ses rapports avec Jean-Baptiste. Bien que né avant Jésus, Jean-Baptiste a reconnu que
celui-ci existait avant lui (Jean 1:15, 30; littéralement, Jésus est «devant» Jean et «premier»
par rapport à lui, mais il y a là une allusion à la préexistence de Christ, car c’est elle qui
explique sa supériorité sur Jean).
B. L’importance de l’éternité
La négation de l’éternité entraîne les conséquences suivantes: (a) la Trinité n’existe pas,
(b) Christ ne possède pas la pleine divinité, (c) il a menti.
B. Les généalogies
Matthieu et Luc retracent tous deux la généalogie de l’enfant né d’une vierge. Matthieu
mentionne une sélection de quarante-deux noms, alors que Luc n’en cite que vingt-sept. Le
premier fait remonter la généalogie du Roi jusqu’à Abraham; Luc remonte jusqu’à Adam. On
considère généralement que Matthieu mentionne la lignée de Joseph, et Luc celle de Marie.
La question de savoir si la généalogie que Luc trace de Jésus passe par Marie, la mère, a
donné lieu à de nombreuses discussions. Alfred Plummer a soulevé l’objection suivante à
cette idée: «Il est probable qu’une solution aussi évidente, à savoir qu’une généalogie est
celle de Joseph et l’autre celle de Marie, aurait été remarquée d’emblée s’il y avait eu une
bonne raison de l’adopter. Or, personne n’en parle; il faudra attendre Amnnius de Viterbo,
qui la proposera vers 1490.»143
De son côté, F. Godet défend la généalogie qui passe par Marie; il s’appuie pour cela sur le
fait que Luc ne met pas d’article devant Joseph (Luc 3:23) et relie directement Jésus à Héli,
supprimant ainsi apparemment Joseph de la lignée généalogique.144
Différentes explications ont été proposées pour montrer que les deux généalogies passent
toutes deux par Joseph. On a ainsi prétendu que les noms Matthat et Matthan désignaient
la même personne; il s’ensuit que Jacob et Héli seraient des frères. Joseph serait le fils
d’Héli et le neveu de Jacob. Jacob mort sans héritier, ce serait son neveu Joseph qui serait
devenu son héritier, puisque Héli (en supposant que sa femme soit décédée) aurait épousé
la veuve de Jacob, conformément à la loi du lévirat.145
Mais ceux qui pensent que Luc fait remonter la généalogie de Christ par Marie disposent
d’un solide argument: la malédiction qui frappait Jojakin (ou Jéconias). Jérémie avait
annoncé que cet homme serait privé d’enfants (Jérémie 22:30), c’est-à-dire, comme le
précise la suite du verset, qu’aucun de ses descendants biologiques ne réussirait à
s’asseoir sur le trône de David. (Il eut bien sept fils, mais il se peut qu’ils aient été adoptifs,
1 Chroniques 3:17-18). Si Jésus avait eu dans les veines du sang de Joseph, qui était un
descendant de Jéconias, il n’aurait pas pu devenir roi (alors qu’il en avait le droit d’un point
de vue légal). La naissance virginale était donc nécessaire pour l’arracher à la lignée
maudite146. Toutefois, cette condition était aussi remplie si Jésus était rattaché à Joseph
(qui n’était évidemment pas son père naturel) grâce à une lignée généalogique passant par
Nathan plutôt que par Salomon (ce que Luc semble indiquer).
On a aussi suggéré que la malédiction qui pesait sur Jéconias avait été levée par le choix et
l’exaltation de Zorobabel par Dieu (Aggée 2:23). En faisant de lui «un sceau», Dieu lui
conférait une position d’autorité, et il le plaçait, avec sa famille, parmi les descendants de
David bénéficiaires de la promesse messianique. Le nom de Zorobabel figure à la fois dans
la généalogie de Luc et dans celle de Matthieu.
Quoi qu’il en soit, Luc a soigneusement évité de donner l’impression que Jésus serait le fils
naturel de Joseph; mais il a aussi préservé ses droits royaux en ne le rattachant pas
seulement à Marie, sa mère (la succession royale passait en effet par les hommes). Du
vivant de Jésus, jamais personne n’a contesté ses prétentions au trône de David.
140 Voir Edward J. Young, The Book of Isaiah, Grand Rapids, Eerdmans, 1964, 1:335-338.
141 Ibid., 1:289-291.
142 Ignace d’Antioche, Lettre aux Smyrniotes I.1, par exemple; voir aussi Hans von
Campenhausen, The Virgin Birth in the Theology of the Ancient Church, Studies in Historical
Theology, Naperville, Allenson, 1964, 2:10-20.
143 Alfred Plummer, A Critical and Exegetical Commentary on the Gospel According to Luke,
ICCC, Edimbourg, T. & T. Clark, 1910, p. 103.
144 F. Godet, Commentaire sur l’Evangile selon Luc.
145 Voir J.G. Machen, The Virgin Birth of Christ, New York, Harper, 1930, pp. 207-209.
146 Voir Robert Gromacki, The Virgin Birth of Christ, Grand Rapids, Baker, 1981, pp. 150-
159.
42. La personne du Christ incarné
Le christianisme orthodoxe considère comme définitive la doctrine formulée par le concile
de Chalcédoine (en 451 apr. J.-C.) concernant la personne de Christ:
Suivant donc les saints Pères, tous à l’unanimité, nous enseignons de confesser notre
Seigneur Jésus-Christ un seul et le même Fils, le même parfait en divinité et le même
parfait en humanité, vraiment Dieu et le même vraiment homme composé d’une âme
raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité et le même
consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous à l’exception du péché;
avant les éons, d’une part, engendré du Père selon la divinité, dans les derniers jours,
d’autre part, le même engendré, à cause de nous et de notre salut, de Marie la vierge, la
Mère de Dieu selon l’humanité; un seul et le même Christ, Fils, Seigneur, Unique, connu en
deux natures sans qu’il y ait confusion, transformation, division, séparation entre elles, la
différence des natures n’étant nullement supprimée à cause de l’union, mais la propriété de
chaque nature étant plutôt sauvegardée et concourant dans une seule personne et une
seule hypostase; aussi nous confessons un Fils non pas divisé ou séparé en deux
personnes, mais un seul et le même Fils unique, Dieu Verbe, Seigneur Jésus-Christ, selon
ce que, dès le commencement, les prophètes ont dit à son sujet, selon ce que Jésus-Christ
lui-même nous a enseigné et selon ce que le Symbole des Pères nous a transmis.147
D’une façon plus concise, on pourrait décrire la personne du Christ incarné comme l’union à
jamais en une seule personne de la pleine divinité et de la parfaite humanité, une union
sans mélange, ni transformation, ni division, ni séparation. Les composants clés de cette
description sont «pleine divinité» (aucune diminution de quelque attribut divin que ce soit),
«parfaite humanité» («parfaite» plutôt que «pleine» pour souligner l’absence de péché),
«une seule personne» (et non deux) et «à jamais» (car il continue de posséder un corps,
même s’il s’agit d’un corps ressuscité, Actes 1:11; Apocalypse 5:6).
B. L’ébionisme
Au deuxième siècle, l’ébionisme niait la divinité de Christ et considérait Jésus comme le fils
naturel de Joseph et de Marie, choisi pour être Fils de Dieu lors de son baptême. C’est à ce
moment-là qu’il aurait été uni au Christ éternel.
C. L’arianisme
Apparu au quatrième siècle, l’arianisme niait l’éternité de Jésus en tant que Logos. Pour
Arius, puisque Jésus avait été engendré, il avait dû avoir un commencement. Les ariens
soutenaient que la nature divine de Christ était semblable à celle de Dieu (homoiousios, de
semblable essence), mais non la même (homoousios, de même essence). Le concile de
Nicée condamna cette doctrine en 325 en affirmant que Jésus possédait la même nature
que Dieu.
D. L’apollinarisme
Apollinaire le Jeune (mort vers 390) chercha à éviter une séparation inutile entre les natures
de Christ. Il enseignait que Christ avait un corps humain et une âme humaine, mais qu’il
possédait le Logos divin à la place d’un esprit humain (ce qui suppose une vision
trichotomiste de l’homme). Ce Logos aurait eu préséance sur les éléments passifs humains,
à savoir le corps et l’âme. Cette erreur portait atteinte à l’humanité de Christ.
E. Le nestorianisme
Les nestoriens scindaient Christ en deux personnes (mais il n’est pas sûr que Nestorius lui-
même ait clairement enseigné cela). Le nestorianisme expliquait que Jésus-Christ était le
prosôpon (forme ou apparence) de l’union de deux natures. Selon lui, l’humanité avait la
forme de la divinité dont elle était recouverte, et la divinité avait revêtu la forme d’un
serviteur, ce qui avait abouti à l’apparence de Jésus de Nazareth. Dans cette conception,
les deux natures étaient séparées et débouchaient sur deux personnes. Cette hérésie fut
condamnée par le concile d’Ephèse en 431.
F. L’eutychianisme
Eutychès (vers 378-454) réagit contre le nestorianisme et enseigna qu’il n’y avait qu’une
seule nature en Christ. Cette erreur est aussi connue sous le nom de monophysisme. Selon
lui, la nature divine n’était pas pleinement divine, ni la nature humaine authentiquement
humaine. Le résultat était une nature unique mélangée. Le concile de Chalcédoine
condamna cette hérésie en 451.
Une fausse doctrine comparable se développa après Chalcédoine; elle enseignait que
Christ ne possédait qu’une volonté, même si les défenseurs de cette doctrine acceptaient
du bout des lèvres l’existence de deux natures. C’est la controverse monothélite. Le
monothélisme fut condamné au troisième concile de Constantinople en 680.
L’étude de ces erreurs permet de clarifier la vérité et nous rend plus prudents dans notre
façon de l’exprimer. La sémantique est très importante dans les affirmations théologiques.
B. Le débat
Si les conservateurs sont d’accord pour dire que Christ était sans péché, ils ne le sont plus
quand il s’agit de déterminer s’il aurait pu pécher. L’Ecriture affirme qu’il n’a pas péché; on
peut se demander s’il aurait pu pécher.
L’«impeccabilité», ou impossibilité de pécher (non posse peccare), signifie que Christ ne
pouvait pas pécher. La «peccabilité», ou possibilité théorique de pécher (posse non peccare),
exprime le fait qu’il aurait pu pécher, même si en réalité il ne l’a pas fait. Les libéraux sont
évidemment d’avis que non seulement Christ aurait pu pécher, mais qu’il l’a effectivement
fait. La peccabilité est ici liée à une nature pécheresse. Toutefois, le concept de peccabilité
n’implique pas forcément celui de nature pécheresse, et les conservateurs ne l’incluent pas.
D. Une illustration
Dès que j’ai commencé à enseigner au niveau universitaire, j’ai été décontenancé par le
nombre de fautes d’orthographe que j’ai découvertes dans les épreuves des étudiants. Au
début, je donnai à une classe d’une vingtaine d’étudiants un test qui comportait, entre
autres réponses, le mot Gethsémané. Que vous me croyiez ou non, les étudiants
orthographièrent ce mot de huit manières différentes! On aurait du mal à le faire exprès!
Parmi les autres mots mal orthographiés figuraient les termes divinité et millénium.
Rappelez-vous que les étudiants en question étaient pourtant des universitaires!
Lorsque je revins à la maison pour les premières vacances de Noël, je me retrouvai un soir
en compagnie d’enseignants de l’école publique. Pendant des années, ils avaient été les
élèves de mon père dans une classe biblique, et plusieurs d’entre eux avaient été mes
enseignants au début de ma scolarité. Ils furent évidemment curieux de savoir si je me
plaisais dans ma tâche d’enseignant. Lorsque je me plaignis de l’orthographe défectueuse
des élèves, je rencontrai chez presque tous beaucoup de sympathie. Je citai le cas du mot
Gethsémané, que les étudiants orthographiaient si mal. Eux se plaignirent de ce que leurs
élèves ne sachent plus écrire des mots beaucoup plus simples, des mots que les étudiants
en théologie ne sont jamais tentés de mal écrire. Les difficultés que mes étudiants
rencontraient se situaient dans le domaine théologique. Le type de mots concernés par
l’orthographe défectueuse dépendait du niveau des étudiants, mais le fond du problème
était le même: une mauvaise orthographe de mots que chaque groupe d’étudiants aurait dû
savoir correctement écrire. Comme nous étions devant le même problème, nous avons pu
sympathiser les uns avec les autres.
On pourrait dire que chaque étudiant de ma classe se trouvait devant une réelle tentation
quant à l’orthographe du mot Gethsémané. Ceux qui la connaissaient surmontaient
l’épreuve, mais tous étaient obligés de l’affronter. Nous avons un souverain sacrificateur qui
peut sincèrement compatir à nos faiblesses parce qu’il a vraiment été tenté, avec un niveau
de tentation adapté à sa qualité de Dieu-homme. Il n’a pas péché et ne pouvait pas pécher.
Il était et est saint, innocent, et sans souillure, l’agneau de Dieu sans défaut.
153 Charles Hodge, Systematic Theology, Grand Rapids, Eerdmans, 1960, 2:457.
154 William G.T. Shedd, Dogmatic Theology, New York, Scribner, 1891, 2:336.
155 Ibid., 2:333.
46. La résurrection et l’ascension de
Christ
I. La résurrection
A. L’importance de la résurrection de Christ
1. Pour sa personne. Si Christ n’était pas ressuscité d’entre les morts, il aurait été un menteur,
car il avait annoncé qu’il ressusciterait (Matthieu 20:19). Aux femmes venues au tombeau et
se demandant où il était passé, l’ange a déclaré: «Il n’est point ici; il est ressuscité, comme il
l’avait dit» (Matthieu 28:6). La résurrection confirme que Jésus était un vrai prophète. Sans
elle, tout ce qu’il a dit resterait sujet à caution.
2. Pour son œuvre. Si Christ n’était pas ressuscité, il n’aurait pas été vivant pour accomplir
ses œuvres postérieures à la résurrection. Son ministère aurait pris fin avec sa mort. Nous
n’aurions donc pas de souverain sacrificateur, d’intercesseur, d’avocat ou de tête de
l’Eglise. De plus, il n’y aurait pas de personne vivante qui demeure en nous et nous revête
de puissance (Romains 6:1-10; Galates 2:20).
3. Pour l’Evangile. Le passage classique de 1 Corinthiens 15:3-8 présente la mort et la
résurrection de Christ comme étant de première importance («avant tout»). L’Evangile
repose sur deux faits majeurs: un Sauveur est mort, et il vit. L’ensevelissement prouve la
réalité de sa mort: il ne s’est pas simplement évanoui pour reprendre conscience
ultérieurement, il est réellement mort. La liste des témoins prouve la réalité de sa
résurrection: il est mort et a été enseveli; il est ressuscité et a été aperçu. Dans
Romains 4:25, Paul insiste sur ces deux mêmes aspects: Christ a été livré pour nos
offenses, et il est ressuscité pour notre justification. Sans résurrection, pas d’Evangile.
4. Pour nous. Si Christ n’est pas ressuscité, alors notre témoignage est faux, notre foi sans
contenu significatif, et notre avenir des plus sombres (1 Corinthiens 15:13-19). Si Christ
n’est pas ressuscité, les croyants qui sont morts le sont dans le sens le plus absolu, sans
aucun espoir de résurrection. Et nous qui vivons, nous sommes la risée d’autrui pour avoir
cru que les morts ressusciteront un jour.
II. L’ascension
A. Les affirmations relatives à l’ascension
1. Dans l’Ancien Testament. Deux passages annoncent l’ascension du Messie
(Psaume 68:19, cité dans Ephésiens 4:8, et Psaume 110:1, cité dans Actes 2:34-35).
2. Dans les propos de Christ. Le Seigneur a parlé de retourner vers son Père
(Jean 7:33; 14:12, 28; 16:5, 10, 28); il a aussi clairement évoqué son ascension
(Jean 6:62; 20:17).
3. Dans les écrits du Nouveau Testament. La fin controversée de Marc rapporte l’ascension
(Marc 16:19); Luc en parle à deux reprises dans son Evangile (Luc 9:51; 24:51), mais sa
principale description de l’événement se trouve dans Actes 1:6-11. D’autres passages du
Nouveau Testament y font allusion (Ephésiens 4:10; 1 Timothée 3:16; Hébreux 4:14;
1 Pierre 3:22), et d’autres encore, qui décrivent l’exaltation présente de Christ, la
présupposent (comme Colossiens 3:1).
D. La portée de l’ascension
L’ascension a marqué la fin de la période d’humiliation de Christ et son entrée dans son état
d’exaltation. Même les quarante jours qui se sont écoulés entre sa résurrection et son
ascension s’accompagnaient de certaines restrictions. Ainsi, le Seigneur n’a pu manifester
sa gloire dans tout son éclat. Relevons aussi que les disciples n’ont pas particulièrement été
frappés par l’aspect de son corps de résurrection. Mais la vision que Jean a eue du Christ
déjà remonté au ciel l’a davantage impressionné, si l’on en croit la description qu’il en
donne.
L’ascension s’étant produite, Christ était désormais prêt à exercer d’autres ministères en
rapport avec son peuple et avec le monde.
156 Voir Leon Morris, Commentary on the Gospel of John, Grand Rapids, Eerdmans, 1971,
pp. 840-841.
47. Les ministères de Christ
postérieurs à son ascension
La résurrection et l’ascension de notre Seigneur ont marqué son entrée dans le ciel et le
début de nouveaux ministères de sa part. L’un est déjà accompli, les autres sont en voie
d’accomplissement durant la période qui s’étend de son ascension à son retour, d’autres
sont encore entièrement à venir. Nous survolerons brièvement ces ministères ici, car
plusieurs sont liés à d’autres domaines de la théologie.
I. La nécessité de la Passion
Etant donné son péché et son impuissance, il fallait que quelqu’un intervienne et aide l’être
humain pour qu’il puisse être accepté d’un Dieu saint et retrouver la communion avec lui. Le
péché a éloigné l’homme de Dieu, et il continue de le faire. A cause de sa dépravation,
l’homme ne peut absolument rien faire pour mériter ou gagner la faveur ou la considération
de Dieu en vue de son salut.
Je ne répéterai pas ce qui a déjà été souligné à propos de la doctrine du péché (chap. 34 à
39), mais il vaut la peine de souligner les points essentiels. Tout être humain qui vient au
monde est déjà condamné à cause (a) du péché d’Adam (Romains 5:12) et (b) de la nature
pécheresse avec laquelle il naît (Ephésiens 2:3). De plus, (c) tous pèchent, ce qui est le fruit
inévitable de la nature pécheresse (Romains 3:9-23). Ces faits justifient non seulement la
condamnation universelle, mais aussi le besoin universel d’un salut qui soustraie au
châtiment que mérite le péché.
Quiconque vient au monde est incapable de faire quoi que ce soit pour mériter la faveur
salvatrice de Dieu. Rappelons-nous: la dépravation ne signifie pas que l’homme soit
incapable d’accomplir des actions bonnes aux yeux des hommes et de Dieu, ou qu’il n’en
accomplisse pas; elle ne signifie pas non plus que l’homme soit dénué de conscience pour
juger entre le bien et le mal, ni que les êtres humains se complaisent dans tous les péchés,
ou qu’ils se vautrent avec délectation dans un péché particulier. Selon la doctrine de la
dépravation totale, l’homme est corrompu dans son être tout entier, si bien qu’il ne peut
jamais accomplir quoi que ce soit pour mériter la faveur du salut divin. Pour être sauvé, il a
besoin d’être secouru par quelqu’un qui n’a pas été atteint par la corruption, quelqu’un qui
soit sans péché.
A. Les procès
On situe généralement l’institution de la cène dans une chambre haute, à l’angle sud-ouest
de Jérusalem.
De là, le groupe de disciples a traversé la ville et s’est rendu au jardin de Gethsémané (sur
les pentes du mont des Oliviers, à l’est de Jérusalem) où le Seigneur a été trahi et arrêté, et
où il a guéri l’oreille de Malchus. Cela s’est produit vers trois heures du matin.
De retour dans Jérusalem, le Seigneur a été conduit dans la maison d’Anne pour y subir un
interrogatoire. Les maisons d’Anne et de Caïphe étaient toutes deux situées au sud-ouest
de la ville, pas très loin du lieu où le Seigneur et ses disciples avaient partagé le dernier
repas pascal.
Ensuite, la troupe s’est dirigée vers le tribunal qui se tenait dans la maison de Caïphe; une
partie du sanhédrin y était réunie et a condamné le Seigneur.
Le matin venu, le sanhédrin réuni dans sa totalité a confirmé la sentence prononcée
quelques heures plus tôt.
Le Seigneur a ensuite été présenté à Pilate, car les Juifs n’avaient pas le droit de procéder
à une exécution. Le tribunal du gouverneur romain était proche de l’angle nord-ouest du
temple, presque à l’opposé de la maison de Caïphe.
Il y a encore eu un interrogatoire devant Hérode, dont le palais se trouvait près du mur
ouest de Jérusalem. Une fois de plus, le Seigneur a dû traverser la ville.
De retour devant Pilate, après une nouvelle traversée de Jérusalem, le Seigneur a été
condamné à la crucifixion.
Le lieu de la crucifixion fait l’objet de désaccords. Les deux lieux traditionnellement retenus
sont l’Eglise du Saint-Sépulcre, à l’ouest du tribunal de Pilate, et le calvaire de Gordon, à
son nord-ouest. Quoi qu’il en soit, il fallait traverser de nouveau une bonne partie de la ville.
On évalue à 4 à 5 kilomètres la distance parcourue par le Christ, alors qu’il était déjà affaibli.
B. Le jour de la crucifixion
L’idée généralement acceptée que la crucifixion eut lieu un vendredi a tout en sa faveur et
rien pour la contredire. Les quatre Evangiles affirment que le lendemain de la crucifixion
était le sabbat (Matthieu 27:62; 28:1; Marc 15:42; Luc 23:56; Jean 19:31). Tous déclarent
que les femmes se rendirent au tombeau le lendemain du sabbat, c’est-à-dire le premier
jour de la semaine, le dimanche (Matthieu 28:1; Marc 16:2; Luc 24:1; Jean 20:1). La
pratique juive voulait que toute partie du jour ou de la nuit soit considérée comme un jour
entier (Genèse 42:17-18; 1 Samuel 30:12-13; 1 Rois 20:29; 2 Chroniques 10:5, 12;
Esther 4:16; 5:1). Pour accomplir les «trois jours et trois nuits» de Matthieu 12:40, il fallait
que le Seigneur soit dans le tombeau une partie du vendredi avant le coucher du soleil (1er
jour), toute la journée du samedi (2e jour) et la partie qui allait du coucher du soleil le samedi
jusqu’à la résurrection (3e jour). L’Ecriture affirme que le Seigneur est ressuscité «le
troisième jour» (1 Corinthiens 15:4).
A. L’enseignement vétérotestamentaire
Trois racines hébraïques constituent la base lexicale de la notion de rachat dans l’Ancien
Testament: g’l, pdh, et kopher.
L’idée première de g’l, c’est l’obligation familiale de payer le prix d’un rachat. Le plus proche
parent était responsable de racheter la propriété familiale qui avait changé de propriétaire et
d’épouser la veuve d’un frère décédé sans laisser de postérité, afin de susciter une
descendance au défunt. Lorsque celui-ci n’avait pas de frère, l’obligation incombait au plus
proche parent (Ruth 3:9).
Le sens de la racine pdh est celui du paiement d’une somme fixée, comme dans le cas
d’une transaction commerciale, sans aucune considération de liens familiaux (Exode 13:12-
13; Nombres 18:15-17). Ce terme a plus de connotation de grâce que g’l, tout simplement
parce que celui qui rachète n’est pas obligé de le faire.
Kopher renvoie à la somme versée pour le rachat d’une vie perdue (Exode 21:28; 30:12).
Tous ces mots parlent de délivrance par le paiement d’un prix. Les circonstances varient
selon qu’il s’agit d’un prisonnier de guerre, d’un esclave, d’un article en gage ou de la nation
d’Israël, mais il est toujours question d’un prix à payer.
L’Ancien Testament évoque peu le lien entre le rachat et le péché (voir cependant
Psaume 130:8; Esaïe 59:20). L’absence de déclaration formelle à propos de ce lien tient
certainement au fait qu’il est manifeste et constamment présent dans le système sacrificiel,
qui associe rédemption et péché. Comme il se voyait continuellement, il n’y avait aucun
besoin de le rappeler avec des mots.
B. La terminologie néotestamentaire
1. Agorazô. L’idée de base de ce verbe grec, c’est celle de fréquenter la place publique. Il
prit ensuite le sens d’y acheter ou d’y acquérir quelque chose. Le Nouveau Testament
utilise vingt-quatre fois ce terme dans le sens d’acheter (par exemple, Matthieu 13:44;
Luc 9:13). La Septante l’emploie dans le même sens, celui d’une simple transaction
commerciale (comme dans Genèse 41:57; 42:5, 7).
L’usage que le Nouveau Testament fait du verbe agorazô en rapport avec le salut inclut trois
idées fondamentales: (1) dans son œuvre de rédemption, Christ a payé le prix du rachat
pour toute l’humanité (2 Pierre 2:1); (2) le prix est clairement indiqué quant à sa nature: c’est
le sang de Christ (Apocalypse 5:9-10); (3) comme nous avons été rachetés à ce prix, nous
devons servir celui qui l’a payé (1 Corinthiens 6:19-20; 7:22-23).
2. Exagorazô. Ce verbe composé ajoute simplement au précédent l’idée d’acquérir quelque
chose en l’extrayant de la place publique. Deux passages où il figure sont particulièrement
significatifs. Galates 3:13 souligne bien la nature substitutive de la mort de Christ: nous
étions sous une malédiction, et il s’en est chargé; nous en avons donc été libérés. Dans
Galates 4:5, Paul déclare que les chrétiens ont été complètement affranchis de la tutelle de
la loi.
Signalons en passant un usage de ce verbe dans un texte qui ne traite pas du tout de
l’expiation. Il s’agit d’Ephésiens 5:16 où l’apôtre exhorte les croyants à racheter le temps,
c’est-à-dire à ne pas le consacrer à des activités futiles.
3. Peripoioumai. Ce verbe grec n’apparaît qu’une fois dans le contexte de l’expiation, dans
Actes 20:28. Il signifie «garder» ou «préserver». Utilisé dans ce verset à la voix moyenne, il
signifie «garder pour soi», «préserver pour soi», «s’acquérir» ou «conserver la possession
de». L’idée est la suivante: Dieu a acquis l’Eglise par le sang de son Fils au titre de
possession personnelle. Là encore, l’idée du prix est fortement soulignée: ce n’est rien
moins que la mort de Christ.
4. Lutroô. Dérivé de la racine luô, ce verbe était employé pour parler d’ôter des vêtements,
de détacher un animal ou de libérer un prisonnier, mais toujours dans le cadre d’un prix
payé comme exigence de libération. Il signifie donc libérer après le versement d’une rançon.
(a) Dans la Septante: avant la construction du tabernacle, le demi-sicle payé correspondait
à la valeur de rachat de tout Israélite âgé de vingt ans et plus (Exode 30:11-16). L’année du
jubilé s’accompagnait du rachat des terres (Lévitique 25:31-32). La différence entre le
nombre élevé de premiers-nés et celui, plus faible, de Lévites était compensée par le
paiement d’une somme de cinq sicles par premier-né excédentaire (Nombres 3:46-51).
Dans ces différents cas, la liberté dépendait du paiement d’une certaine somme.
(b) Dans le grec classique: dans tous les cas recensés, la libération était liée au paiement
d’une rançon. Le mot était souvent utilisé dans le contexte du rachat des esclaves et des
prisonniers de guerre.
(c) Dans le Nouveau Testament: le verbe lutroô apparaît dans Luc 24:21 (à propos de la
délivrance nationale d’Israël), dans Tite 2:14 et 1 Pierre 1:18-19 (à propos de la rédemption
individuelle). Notons dans ce dernier passage que le prix payé est celui du sang de
l’Agneau. Le substantif lutron («rançon») ne figure que dans Matthieu 20:28 et Marc 10:45.
Comme déjà souligné dans notre étude de la préposition anti, ce verset enseigne on ne
peut plus clairement la substitution, ainsi que le prix à payer, à savoir la mort de Christ.
Quant au mot lutrôsis («rachat»), il est utilisé à propos de la délivrance nationale d’Israël
dans Luc 1:68; 2:38. Dans Hébreux 9:12, où il est aussi employé, le système sacrificiel de
l’Ancien Testament sert d’arrière-plan au sacrifice de Christ offert une fois pour toutes, et le
prix est clairement précisé: «son propre sang».
Le mot composé apolutrôsis revient dix fois dans les écrits néotestamentaires: une fois pour
désigner la libération dans un contexte non chrétien (Hébreux 11:35), une fois dans le sens
général de la rédemption chrétienne (1 Corinthiens 1:30), trois fois en lien avec
l’eschatologie (Luc 21:28; Romains 8:23; Ephésiens 4:30) et cinq fois à propos de la
délivrance vécue par les nouveaux croyants (Romains 3:24; Ephésiens 1:7, 14;
Colossiens 1:14; Hébreux 9:14). A l’évidence, la mort de Christ en constitue le prix. Le cas
du mot antilutron (1 Timothée 2:6) a déjà été examiné dans la partie consacrée à la
substitution (partie I.B. 2 de ce chapitre). La mort de Christ a représenté le paiement d’une
rançon en substitution pour tous.
C. Un résumé de la doctrine
On peut résumer la rédemption en trois idées de base: (1) les êtres humains sont rachetés
de quelque chose, à savoir de l’esclavage du péché; (2) ils sont rachetés par quelque
chose, par le paiement d’un prix, à savoir le sang de Christ; (3) ils sont rachetés pour
quelque chose, à savoir pour être libres. Une fois libérés, ils sont invités à se rendre
esclaves du Seigneur qui les a rachetés.
I. La justification
La justification n’est pas seulement l’un des immenses bienfaits de la mort de Christ, elle
représente aussi une doctrine cardinale de la foi chrétienne, parce qu’elle fait de celle-ci une
«religion» caractérisée par la grâce et la foi. Grâce et foi constituent les pierres angulaires
de la doctrine de la justification.
A. La signification de la justification
Justifier, c’est déclarer juste. Les termes hébreu (tsadaq) et grec (dikaioô) signifient tous
deux annoncer ou prononcer un verdict favorable, déclarer juste. L’idée n’est pas celle de
rendre juste, mais de reconnaître quelqu’un comme tel. Il s’agit d’un concept juridique. Le
tribunal déclare que le prévenu est juste. Notez le contraste entre justifier et condamner
dans Deutéronome 25:1; 1 Rois 8:32 et Proverbes 17:15. De même que la décision qui
condamne une personne ne la rend pas mauvaise ou coupable, celle qui la justifie ne la
rend pas juste ou innocente. La condamnation et la justification indiquent simplement le
statut véritable et réel de la personne jugée. La personne mauvaise est déjà mauvaise au
moment où le tribunal prononce sa condamnation. De même, celle qui est juste est déjà
juste lorsque le tribunal la déclare juste.
B. Le problème de la justification
Comme il s’agit d’un terme emprunté au domaine juridique, la justification est liée au
concept de Dieu comme juge. Ce thème traverse toute la Bible. Abraham a confessé que
Dieu était juge de toute la terre et qu’il exerçait la justice (Genèse 18:25). Dans son
cantique, Moïse souligne que Dieu est juste et droit (Deutéronome 32:4). Paul qualifie Dieu
de juste juge (2 Timothée 4:8). L’auteur de l’épître aux Hébreux appelle Dieu le juge de tous
(Hébreux 12:23), et Jacques rappelle à ses lecteurs que le juge se tient à la porte
(Jacques 5:9).
Si Dieu, le juge, est exempt de toute injustice et parfaitement juste dans toutes ses
décisions, comment peut-il déclarer juste un pécheur? Et pécheurs, nous le sommes tous.
Face aux pécheurs qui se tiennent devant lui au tribunal, Dieu n’a que trois solutions: les
condamner, compromettre sa justice en les acceptant tels qu’ils sont ou les transformer en
justes. S’il peut choisir cette dernière solution, il peut les déclarer justes, et c’est
précisément en quoi consiste la justification. Mais toute justice reconnue au pécheur doit
être réelle et non fictive, authentique et non imaginaire, totalement acceptable selon les
critères divins et non entachée de la moindre imperfection. Si ces conditions sont remplies,
alors, mais alors seulement, Dieu peut justifier.
Job a bien posé le problème en soulevant la question: «Comment l’homme serait-il juste
devant Dieu?» (Job 9:2).
C. Le processus de la justification
Dieu a effectivement choisi la troisième solution: il transforme les pécheurs que nous
sommes en êtres humains justes. Comment? En nous faisant justice de Dieu en Christ
(2 Corinthiens 5:21), en rendant justes beaucoup d’hommes (Romains 5:19), en accordant
à ceux qui croient le don de la justice (Romains 5:17). Le passage central de Romains 3:21-
26 détaille les cinq étapes du processus de la justification.
1. Le plan. «Sans la loi est manifestée la justice de Dieu» (Romains 3:21). Le plan divin qui
vise à accorder la justice nécessaire est centré sur Jésus-Christ, il est indépendant de la loi.
Dans le texte original, le mot loi n’est pas précédé de l’article défini, ce qui indique que la
justification n’a rien à voir ni avec la loi de Moïse, incapable de procurer la justice
(Actes 13:39), ni avec aucune des prescriptions légales. La justice est manifestée (notons la
forme passive du parfait175) lors de l’incarnation de Christ, et les effets de cette importante
intervention dans l’histoire se prolongent. La loi et les prophètes, qui ont attesté la venue du
Messie, rendent constamment témoignage à cet événement (1 Pierre 1:11). Ainsi, le plan
divin se focalise sur une personne.
2. La condition. «…justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient»
(Romains 3:22). La justice s’obtient par la foi en Jésus-Christ, désormais révélé. Le
Nouveau Testament ne dit jamais que nous sommes sauvés à cause de la foi (ce qui
nécessiterait que la préposition dia soit suivie d’un accusatif), il fait de la foi le canal par
lequel nous recevons le salut (dia est alors suivie du génitif et signifie «à travers»). Il faut
évidemment que la foi soit placée dans le bon objet pour être efficace, et l’objet de la foi qui
sauve est précisément Jésus-Christ.
3. Le prix. «…ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui
est en Jésus-Christ. C’est lui que Dieu a destiné à être, par son sang pour ceux qui
croiraient, victime expiatoire» (Romains 3:24-25). Il est clair que le prix payé a été le sang
de Christ. Pour Dieu, le sacrifice a été des plus coûteux, pour nous les biens qui en
découlent sont «gratuits». Le même mot est traduit par «sans cause» dans Jean 15:25; on
ne peut trouver aucune raison en nous qui puisse expliquer la justification; elle est donc
bien le pur résultat de la grâce divine.
4. La position. Quand un individu accepte Christ, il est placé en lui, et c’est ce qui le rend
juste. Nous sommes faits justice de Dieu en Christ. Cette justice surmonte notre condition
pécheresse et désespérée et répond à toutes les exigences de la sainteté de Dieu.
5. La déclaration. «…de manière à être juste tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus»
(Romains 3:26). Non seulement la justice de Christ, qui nous est imputée, satisfait les
exigences de Dieu, mais elle exige à son tour que Dieu nous justifie. Nous sommes justes
de façon réelle et non virtuelle. C’est pourquoi le Dieu saint reste juste tout en justifiant celui
qui croit au Seigneur Jésus.
Plus personne ne peut donc accuser les élus de Dieu, car, en Christ, ils sont justes aux
yeux de Dieu. C’est la raison pour laquelle Dieu peut les justifier.
D. La preuve de la justification
La justification se démontre par la pureté personnelle. «Celui qui est mort est libre
(littéralement ‘justifié’) du péché» (Romains 6:7). Nous sommes quittes du péché, si bien
qu’il ne nous domine plus. La justification acquise devant le tribunal de Dieu se démontre
par une sainteté de vie ici-bas devant le tribunal des hommes. C’est ainsi que Jacques
envisageait les choses en écrivant que nous sommes justifiés par les œuvres
(Jacques 2:24). Une foi stérile n’est pas une foi authentique; c’est pourquoi, ce que nous
sommes en Christ se voit à ce que nous sommes devant les hommes. La foi et les œuvres
constituent un billet à deux coupons pour l’entrée au ciel: le coupon des œuvres n’est pas
valable pour l’entrée, et le coupon de la foi n’est pas valable s’il est détaché de celui des
œuvres.
Une dernière pensée: la justification nous vaut la paix avec Dieu (Romains 5:1). Nos
rapports avec lui sont justes, légaux et éternels. Cela suffit pour constituer un solide
fondement à notre paix avec Dieu.
A. La nature de la loi
La loi dont le Seigneur est la fin, c’est évidemment la loi de Moïse, à en juger d’après le
contraste souligné dans le passage lui-même. Pour pouvoir prendre toute la mesure de ce
bienfait de l’œuvre de Christ, il convient de relever quelques caractéristiques de la loi de
Moïse.
1. La loi de Moïse constituait une unité. On divise généralement la loi en trois parties: morale,
cérémonielle et juridique. Le décalogue constitue la partie morale (Exode 34:28). Les
jugements commencent dans Exode 21:2 et incluent une liste des différentes
responsabilités assorties des sanctions qui frappent le coupable. La partie cérémonielle est
exposée à partir d’Exode 25:1 et définit la vie religieuse en Israël. La théologie chrétienne
accepte presque universellement cette division de la loi en trois parties; les Juifs, eux, ne la
reconnaissaient pas ou, du moins, n’insistaient pas sur cet aspect. Ils étaient plutôt enclins
à diviser les 613 commandements de la loi en douze familles de commandements, elles-
mêmes divisées en douze familles de commandements positifs (ce qu’il fallait faire) et
douze familles de commandements négatifs (ce qu’il ne fallait pas faire). Les
commandements qui entraient dans ces différentes catégories étaient tirés de plusieurs
endroits de la loi, car celle-ci était considérée comme formant une unité.
Remarquons d’ailleurs que les sanctions liées à certains commandements soulignaient
l’unité de la loi. Lorsqu’un homme transgressa le sabbat (l’un des «commandements») en
ramassant du bois ce jour-là, la sanction qui le frappa fut la mise à mort par lapidation
(Nombres 15:32-36). Quand le peuple enfreignit le commandement concernant l’année
sabbatique pour le pays (l’un des «jugements»), Dieu le fit déporter en captivité où
beaucoup d’Israélites moururent (Jérémie 25:11). Quand Nadab et Abihu offrirent un feu
étranger à l’Eternel (l’une des «ordonnances»), ils furent frappés sur-le-champ et périrent
(Lévitique 10:1-7). Il est manifeste que ces commandements tirés des différentes parties de
la loi étaient contraignants et que la sanction qui frappait les contrevenants était la même.
La loi constituait un tout.
Jacques considère la loi comme une unité. Il dénonce la partialité parce qu’elle porte
atteinte à la règle de l’amour du prochain, qu’il faut aimer comme soi-même. La
transgression de ce seul commandement rend les hommes coupables de transgresser toute
la loi (Jacques 2:8). Il n’aurait pas pu tirer cette conclusion si celle-ci ne formait pas un tout.
2. La loi a été donnée à Israël. L’Ancien et le Nouveau Testaments sont unanimes à ce sujet
(Lévitique 26:46; Romains 9:4). D’ailleurs, Paul oppose les Juifs, qui avaient la loi, aux
païens, qui ne l’avaient pas (Romains 2:14).
V. L’adoption
Notre adoption dans la famille de Dieu constitue un autre bienfait apporté par la mort de
Christ.
A. La signification de l’adoption
L’adoption est l’acte divin qui place le croyant dans la famille de Dieu en tant qu’adulte. En
revanche, la notion de nouvelle naissance souligne le fait que le croyant entre dans la
famille de Dieu en tant que nouveau-né, et qu’il a besoin de grandir et de se développer
(Jean 1:12; 3:3). La notion d’adoption met davantage en avant l’idée de l’adulte et de ses
pleins privilèges dans la famille de Dieu. Avec elle vient la suppression de toutes les
relations et responsabilités dans les relations familiales d’autrefois. L’adoption et la nouvelle
naissance interviennent toutes deux au moment où l’individu place sa foi en Christ, mais
elles désignent des aspects différents de son rapport avec la famille de Dieu.
Récapitulation
Concepteur: Irénée (130-202)
Enseignement: Christ récapitula en lui-même toutes les étapes de la vie, y compris ce qui
nous appartient en tant que pécheurs. Son obéissance remplaça la désobéissance d’Adam;
cette substitution a pour effet de transformer notre vie.
Satisfaction
Concepteur: Anselme (1033-1109) Cur deus homo
Enseignement: L’homme pécheur priva Dieu de son honneur. Dieu récompensa la mort de
Christ en la considérant comme une oeuvre surérogatoire180, si bien qu’il peut nous
créditer de tous ses mérites. Mais la foi est indispensable pour leur appropriation.
Influence morale
Concepteur: Abélard (1079-1142), puis Schleiermacher, Ritschl, Bushnell
Enseignement: La mort de Christ n’expia pas le péché, mais représenta une communion à la
souffrance des créatures pour leur prouver l’amour de Dieu. Cet amour qui souffre devrait
provoquer chez le pécheur un amour en réponse et entraîner des changements éthiques en
lui. C’est ainsi qu’il sera libéré de la puissance du péché.
Valeur d’exemple
Concepteur: Socin (1539-1604)
Enseignement: La mort de Christ n’opéra pas l’expiation du péché, mais révéla la foi et
l’obéissance comme chemin d’accès à la vie éternelle et comme incitation à mener une vie
semblable à celle de Christ.
Nécessité gouvernementale
Concepteur: Grotius (1583-1645), puis Wardlaw, Miley
Enseignement: Le gouvernement divin exigeait la mort de Christ pour bien montrer à quel
point Dieu était irrité contre le péché. Christ ne subit donc pas le châtiment prévu par la loi,
mais Dieu accepta ses souffrances à la place de cette sanction.
Drame
Concepteur: Aulen (1879-1978)
Enseignement: Par sa mort, Christ remporta la victoire sur les puissances du mal.
Conception barthienne
Concepteur: Barth (1886-1968)
Enseignement: La mort de Christ fut principalement une révélation de l’amour de Dieu et de
sa haine envers le péché.
Substitution pénale
Concepteur: Calvin (1509-1564)
Enseignement: Le Christ exempt de péché prit sur lui le châtiment qui aurait dû frapper les
hommes et les autres.
Conclusion
On peut classer ces différentes conceptions dans trois grandes catégories: (1) celles qui
considèrent que la mort de Christ est une rançon payée à Satan (Origène, le Suédois
Gustav Aulen); (2) celles qui estiment que la mort de Christ constitue un puissant exemple
capable d’influencer les hommes (Abélard, Socin, le Hollandais Hugo de Groot dit Grotius,
Barth); (3) celles qui présentent la mort de Christ comme un châtiment réclamé par la justice
de Dieu et une substitution (peut-être Anselme, quoique son explication soit insuffisante, et
les réformateurs). Les interprétations qui n’incluent pas la substitution pénale peuvent être
partiellement vraies, mais il importe de rappeler que cette vérité, si elle existe, ne peut
sauver éternellement. Seule la mort substitutive de Christ peut procurer ce que la justice de
Dieu réclame et servir ainsi de base au don de la vie éternelle pour ceux qui croient.
180 Surérogatoire: c’est-à-dire allant au-delà de ce qui est dû. (N.d.E.)
54. La doctrine de l’élection
La doctrine de l’élection constitue l’une des bases du salut, sans toutefois être la seule.
D’autres doctrines, comme celles de la mort de Christ, de la foi, de la grâce efficace et de la
régénération peuvent aussi être considérées comme fondamentales pour le salut. Toutes
sont nécessaires pour l’aboutissement du plan de Dieu relatif au salut des hommes.
B. L’élection communautaire
Karl Barth a défendu une forme de cette théorie. Il enseignait que l’élection avait consisté
d’abord à élire Christ, puis la communauté, enfin les individus. Pour ce théologien, tous sont
élus en Christ, bien que les incroyants ne le sachent pas. C’est pourquoi, à cause de sa
doctrine de l’élection, Barth a été accusé d’universalisme182.
Selon une forme évangélique de ce même concept (influencée par Barth dans certains cas,
pas dans d’autres), l’élection correspondrait au choix, en Christ, d’un groupe, à savoir
l’Eglise, mais non à celui d’individus tant qu’ils ne sont pas devenus membres de ce groupe
par la foi. Cette forme évangélique ne suggère pas l’universalisme, bien que l’idée d’élection
communautaire soit partagée par les deux courants. Il n’est en tout cas pas question de
parler d’individus élus avant la fondation du monde; c’est l’Eglise qui a été élue en Christ
(Ephésiens 1:4). Lorsqu’un individu croit en Christ, il se place dans ce groupe et peut alors
affirmer être élu. «Qu’a donc choisi Dieu avant la fondation du monde? L’Eglise. Pas des
individus, mais le corps de Christ.»183
C. L’élection individuelle avant l’origine du temps
Pour les tenants de cette interprétation, l’élection est «l’acte éternel par lequel, selon son
bon plaisir souverain, Dieu choisit un certain nombre de personnes, chez lesquelles il ne
discerne aucun mérite prévisible, pour être les bénéficiaires de la grâce spéciale et du salut
éternel»184. L’élection est donc inconditionnelle (rien dans la créature ne conditionne le
choix de Dieu), prétemporelle (avant la fondation du monde), imméritée (opérée par pure
grâce) et constitue le fondement du salut. Les partisans de ce point de vue reconnaissent
que l’élection se fait en Christ, mais ils entendent par là qu’il est le fondement, la cause et le
garant de l’élection d’individus. Ils rejettent le concept d’une élection communautaire et
insistent plutôt sur le fait que Dieu élit des individus (mais pas en fonction de sa
connaissance anticipée de ce qu’ils feront ou seront) et qu’ensuite, ces individus élus
forment le groupe, l’Eglise.
A. La terminologie à l’arrière-plan
Certains termes et concepts forment la toile de fond sur laquelle s’inscrit l’élection.
1. Omniscience. Dieu a une connaissance innée de toutes choses, réelles ou possibles. C’est
pourquoi ses choix ont été faits avec la plus grande connaissance possible.
2. Décret, plan, dessin. Le décret de Dieu désigne son projet pour toutes choses. Un décret
en contient beaucoup d’autres. Décréter et prédestiner sont des concepts théologiques
synonymes, mais ils insistent manifestement davantage sur l’aspect de souveraineté que
sur celui de libre arbitre. Le terme «plan» a moins la connotation de souveraineté; quant au
mot «dessin», il revêt un sens assez neutre.
L’Ecriture enseigne clairement que le plan de Dieu inclut toutes choses (Ephésiens 1:11),
mais elle montre aussi que Dieu intervient dans le cours d’événements spécifiques de façon
plus ou moins forte et plus ou moins directe. Parfois il intervient de façon péremptoire
(Deutéronome 32:39; Actes 5:1-11), le plus souvent il agit par le biais des lois naturelles
qu’il a établies et n’en modifie pas le cours pour faire exception, même pour les croyants
(Philippiens 2:30). Parfois, il laisse les humains donner la pleine mesure de leur nature
pécheresse sans bornes (Romains 1:24, 26, 28), parfois il s’attend simplement à ce que
nous fassions certains choix en fonction de ce qui nous paraît juste ou selon nos désirs
(1 Corinthiens 10:27).
Compte tenu de cette gamme variée de possibilités, il me semble personnellement qu’un
autre mot que «décret» traduirait mieux l’ensemble de ces aspects. Le mot «plan» semble
mieux convenir. Le terme «dessin» est trop neutre et donnerait à penser que Dieu a en
quelque sorte fait l’ébauche, le travail initial, puis qu’il a confié la suite à d’autres. Le plan
présuppose un architecte, un concept fort utile dans l’élaboration de la doctrine de l’élection.
Dieu est l’architecte d’un projet qui inclut toutes choses, mais dans une grande variété de
relations entre elles. Les plans d’un architecte sont très détaillés, ceux de Dieu aussi. Dans
un projet de construction d’immeuble, les experts peuvent prédire combien d’ouvriers se
blesseront, et même statistiquement combien risquent de perdre la vie. De telles
statistiques sont incluses dans le plan de construction, mais cela ne nous permet pas de
tenir l’architecte pour responsable des blessures et des accidents mortels (en supposant
qu’il a pris toutes les mesures de sécurité). Les accidents ont généralement pour causes la
négligence des ouvriers, leur insouciance, le non-respect des règles. A qui la faute? A ceux
qui font preuve de légèreté et de négligence. Le plan de Dieu a été établi de telle sorte que
la responsabilité du péché incombe aux individus, même si Dieu a inclus en toute
connaissance de cause le péché dans son plan.
3. Souverain, libre. Ces synonymes ne peuvent s’appliquer qu’à Dieu dans leur sens absolu.
Lui seul est souverain et libre. Nous ne connaissons l’usage qu’il fait de cette souveraineté
et de cette liberté que par la révélation de son plan tel que nous l’avons examiné au
paragraphe précédent. Il va de soi que, lorsqu’il décide de lui-même de se limiter, il n’en
reste pas moins souverain et libre. Etre souverain, c’est être suprême; Dieu a toujours été,
est encore et sera à jamais le Souverain qui a librement choisi son plan.
B. La terminologie directe
1. Election. Le terme d’élection souligne le libre choix, effectué par Dieu, d’individus pour le
salut (nous ne considérons pas ici l’élection de Christ, d’Israël ou des anges). Quand Paul
utilise le verbe (eklegomai), il le fait à la voix moyenne185, pour indiquer clairement que le
choix de Dieu est libre et qu’il sert ses projets (1 Corinthiens 1:27-28; Ephésiens 1:4). Les
chrétiens individuels de Thessalonique avaient été choisis (2 Thessaloniciens 2:13);
beaucoup de ceux qui avaient été mis à part (antérieurement à leur conversion ) dans le
groupe de ceux qui auraient la vie éternelle ont cru (Actes 13:48); Paul était un instrument
choisi (pour le salut et pour le service, Actes 9:15; Galates 1:15); le nom de certains
individus n’a pas été écrit avant la fondation du monde dans le livre de vie
(Apocalypse 13:8; 17:8), ce qui doit signifier que le nom d’autres l’a été. L’élection est
inconditionnelle et personnelle.
Les élus de l’ère présente n’ont pas été choisis parmi les gens en vue de ce monde
(1 Corinthiens 1:27-28; Jacques 2:5). Ils l’ont été avant la fondation du monde
(Ephésiens 1:4), et parce qu’ils ont été choisis, ils sont tenus de mener une vie de sainteté
(Colossiens 3:12; 2 Pierre 1:10).
2. Prédestination. Prédestiner, c’est fixer d’avance la destinée. Le verbe proorizô signifie
délimiter d’avance. Dieu a prédestiné la mort de Christ et sa signification (Actes 4:28;
1 Corinthiens 2:7). Les élus de Dieu sont prédestinés à l’adoption (Ephésiens 1:5), à un
héritage (Ephésiens 1:11) et à la ressemblance finale à Christ (Romains 8:28-29).
Bibliquement parlant, la prédestination ne concerne que les élus et leur garantit à la fois leur
position présente et leur destinée future. Dans le langage théologique, le terme en est venu
à inclure pratiquement toutes choses et est en quelque sorte devenu synonyme du plan
global de Dieu. A partir de cette définition théologique il a été facile, pour une certaine forme
de calvinisme, de faire un pas de plus et de parler aussi de la prédestination de ceux qui
n’ont pas été élus. Cela a donné naissance à la doctrine de la double prédestination.
Sachons qu’il s’agit là d’une déduction logique qui ne repose pas sur des textes bibliques.
La Bible déclare formellement que les élus ont été prédestinés, mais elle ne suggère jamais
qu’un décret similaire élit certaines personnes à la condamnation. Les Ecritures semblent
laisser planer un voile de mystère sur cette question, n’essayons pas de le percer.
3. Prescience. Le verbe proginôskô est utilisé à propos (a) d’une connaissance antérieure d’un
point de vue temporel (Actes 26:5; 2 Pierre 3:17), (b) de la relation de Dieu avec Israël
(Romains 11:2), (c) du sacrifice de Christ (Actes 2:23; 1 Pierre 1:20) et (d) de la relation de
Dieu avec son peuple actuel (Romains 8:29; 1 Pierre 1:2).
Le débat s’articule principalement autour de la question: jusqu’où s’exerce la prescience?
Ce concept signifie-t-il que Dieu connaissait d’avance dans le sens qu’il prévoyait (pré-
voyait), mais sans qu’aucune relation ne soit rattachée à ce fait? Selon une variante de
cette idée, prévoyait-il la foi, mais non les personnes? Ou, comme l’affirme le calvinisme,
cette prescience signifie-t-elle que Dieu s’est lié à certaines personnes avant l’apparition du
temps, d’une manière telle que cette relation est causative et que la prescience signifie
pratiquement prédestination ou prédétermination? Manifestement, ce qui est connu d’avance,
c’est les êtres humains, pas leur foi (Romains 8:28-29). Manifestement aussi, la prescience
en tant que simple perception n’est pas le fondement de l’élection, car 1 Pierre 1:2 fait
intervenir une décision de Dieu. L’élection est en harmonie («selon», kata) avec la
prescience, et celle-ci inclut le mécanisme qui produit le choix. La notion d’une certaine
relation et/ou décision fait donc partie intégrante de la notion de prescience. Le
1 Pierre 1:20 comporte ces deux idées, sinon il ne dirait rien du sacrifice de Christ. On
retrouve cette note de décision et de certitude dans Actes 2:23 et Romains 11:2. Un usage
apocryphe du terme intègre aussi le caractère de certitude: «Tes jugements [sont] portés
avec prévoyance» (Judith 9:6, Bible de Jérusalem). Il est certain que le mot n’exprime pas
clairement l’idée d’élection, mais il ne peut se réduire à un concept neutre de simple
perception. Il comporte l’idée d’une décision qui implique une assurance découlant d’une
certitude.
C. La terminologie opposée
J’entends par l’expression «terminologie opposée» les idées présentes dans les concepts
de rétribution et de prétérition. La rétribution se définit comme le châtiment mérité, alors que
la prétérition, au sens théologique du terme, désigne l’omission de ceux qui n’ont pas été
élus au salut. Les deux termes évitent le concept, présent dans la double prédestination ou
dans la notion de réprobation, de la prédestination à la perdition. Aucun de ces vocables
n’apparaît dans l’Ecriture, bien que l’idée soit clairement enseignée dans Romains 9:18, 21;
1 Pierre 2:8 et Apocalypse 17:8. On peut donc dire que les Ecritures présentent une
doctrine de la prétérition, même s’il n’existe pas un décret en vue de la condamnation dans
le même sens qu’il existe un décret en vue de l’élection. A vrai dire, l’idée même d’élection
doit comprendre l’idée d’un grand nombre du milieu duquel les élus ont été choisis, et ceux
qui n’ont pas été élus ont certainement été ignorés.
Cela ne permet en aucun cas de penser que Dieu se réjouisse du sort des méchants, ni que
ceux-ci soient exclus contre leur volonté, ni que la doctrine de l’élection rende caduc le
«quiconque» de l’Evangile, ni qu’un individu puisse savoir qu’il n’est pas élu et que, par
conséquent, son rejet de Christ soit excusé. Dieu tient tous les êtres humains pour
responsables de leur attitude à l’égard de Christ.
F. Un objectif en vue
L’élection poursuit un but et n’est pas aléatoire. Le but de l’élection pour nous, c’est le
service et les œuvres bonnes (Jean 15:16; Galates 1:15-16; Ephésiens 2:10;
1 Thessaloniciens 1:4-10).
Pour Dieu, son but est la manifestation de la gloire divine (Ephésiens 1:6, 12, 14).
C’est pourquoi la doctrine de l’élection est très stimulante et ne devrait jamais former un
oreiller de paresse pour la vie spirituelle du chrétien (Colossiens 3:12).