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DOCUMENTATION
03/10/2008

Management stratégique
des projets d’innovation
par François ROMON
Professeur émérite
Université de Technologie de Compiègne

1. Rappel. Définition et mise en œuvre de la stratégie


de l’entreprise ............................................................................................. AG 2 230 – 2
1.1 Concept de stratégie de l’entreprise............................................................. – 2
1.2 Contenu de la stratégie de l’entreprise ........................................................ – 3
1.3 Démarche générale et outils méthodologiques .......................................... – 3
2. Stratégies de l’entreprise et projets d’innovation............................ – 8
2.1 Typologie des stratégies d’entreprise .......................................................... – 8
2.2 Stratégies d’entreprise basées sur l’innovation : enjeux et actualité ........ – 9
2.3 Stratégies basées sur l’innovation : mise en œuvre ................................... – 10
2.4 Typologie des projets d’innovation.............................................................. – 10
3. Management des projets d’innovation dans une perspective
stratégique ................................................................................................... – 11
3.1 Gestion intégrée de l’innovation .................................................................. – 11
3.2 Génération des idées novatrices .................................................................. – 12
3.3 Évaluation et sélection des projets d’innovation ........................................ – 14
3.4 Définition et réalisation des projets d’innovation ....................................... – 15
4. Conclusion : les trois facteurs clés de succès des projets
d’innovation ................................................................................................. – 16
4.1 Pertinence stratégique des projets d’innovation......................................... – 16
4.2 Gestion des compétences ............................................................................. – 17
4.3 Efficience de l’instrumentation ..................................................................... – 18
Pour en savoir plus ............................................................................................. Doc. AG 2 230

’ingénieur d’étude mais aussi l’ingénieur de production ou l’ingénieur com-


L mercial ne peuvent plus ignorer les enjeux et les conséquences des choix
stratégiques de leur entreprise : d’abord parce qu’ils participent quotidienne-
ment à l’élaboration des technologies qui sous-tendent ces choix, ensuite
parce que l’entreprise devant innover en permanence, ils sont de plus en plus
souvent impliqués dans des projets d’innovation qui sont la mise en œuvre
concrète des décisions stratégiques prises.
Nous rappelons en introduction, dans le premier paragraphe, la définition de
1 - 2008

la stratégie de l’entreprise et la démarche générale de mise en œuvre de la


stratégie choisie, en indiquant pour chacune des différentes étapes quels outils
méthodologiques employer.
Le deuxième paragraphe fait le lien entre la stratégie de l’entreprise et
l’ensemble des projets d’innovation qu’elle est amenée à lancer et à mener à
bien. Il expose d’abord une typologie des stratégies possibles de l’entreprise.
AG 2 230

Les enjeux, l’actualité et les modalités de mise en œuvre des stratégies d’entre-
prise basées sur l’innovation sont ensuite rappelés, avant que ne soit proposée
une typologie des projets d’innovation mettant en valeur les modes de mana-
gement spécifiques qui doivent leur être appliqués.

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MANAGEMENT STRATÉGIQUE DES PROJETS D’INNOVATION ________________________________________________________________________________

Le troisième paragraphe précise, pour chaque phase d’un projet, quelles sont
les méthodes à suivre et les outils à employer pour mener à bien les projets
d’innovation.
En conclusion, le quatrième paragraphe ouvre les perspectives d’améliora-
tion future du management stratégique des projets d’innovation, en proposant
trois points clés de réussite : la pertinence stratégique des projets, l’articulation
du management des projets avec le management des compétences et l’effi-
cience de l’instrumentation du management à l’heure du développement
rapide des technologies numériques.

Glossaire

Compétence
La compétence se définit d’abord au niveau de chaque salarié : c’est la capacité pour
un individu de mettre en œuvre ses connaissances, et de valoriser son savoir-faire dans
un cadre professionnel.
C’est au niveau intermédiaire entre l’individu et l’entreprise que se construit ensuite la
compétence collective, par interaction entre professionnels réunis dans le même service,
le même atelier, la même équipe projet pour une réalisation commune.
Innovation
(Manuel de Frascati publié par l’OCDE). L’innovation est la transformation d’une idée en
un produit vendable nouveau ou amélioré, ou en une nouvelle méthode de service. Elle
couvre toutes les activités scientifiques, techniques, commerciales et financières nécessaires
pour assurer le succès du développement et de la commercialisation de produits manufac-
turés nouveaux ou améliorés ou pour introduire une nouvelle méthode de service.
Projet
(Afnor, norme X 50-105). Un projet est une action spécifique, nouvelle, qui structure
méthodiquement et progressivement une réalité à venir, pour laquelle on n’a pas encore
d’équivalent.
Technologie
Ensemble de sciences, méthodes, procédés, savoir-faire techniques et de gestion
constituant, à un moment donné, le fonds commun de connaissances nécessaires à la
conception, la réalisation, la commercialisation de produits ou de services.
Valeur pour le client
La valeur est la somme que les clients sont prêts à payer pour le produit que leur
propose l’entreprise, c’est donc un critère d’évaluation synthétique de toutes les activités
de l’entreprise.

1. Rappel. Définition et mise La stratégie de l’entreprise ne peut se concrétiser que lorsque sa


politique est préalablement définie. Une stratégie s’exprime
en œuvre de la stratégie toujours en termes de choix parce qu’aucune des actions possibles
ne peut s’imposer comme la seule adéquate, et parce que ses
de l’entreprise ressources étant toujours limitées, l’entreprise ne peut pas mener
plusieurs actions simultanément.
Dans notre exemple, Renault choisira d’être présent dans tous les
segments de marché, en déclinant une gamme de véhicules très
1.1 Concept de stratégie étendue et en lançant en permanence de nouveaux modèles pour sui-
de l’entreprise vre l’évolution de la demande.
La gestion est la conduite des activités qui découlent des choix
1.1.1 Politique, stratégie et gestion stratégiques.
de l’entreprise Pour Renault, par exemple, il s’agira de développer des outils de
production de masse tout en veillant à la diversification (au moins telle
La politique d’une entreprise se définit en termes très généraux que peut le percevoir le client) de ses produits : gestion par projets,
de but à atteindre : « satisfaire ses clients », « faire du profit », phasage, spécialisation et adaptabilité des chaînes de production, etc.
« accroître ses parts de marché », ou « garder son autonomie ».

Par exemple, l’entreprise Renault se fixe comme but de se mainte- 1.1.2 De la stratégie de l’entreprise
nir dans les cinq premiers constructeurs mondiaux. au management stratégique de ses activités
On entend trop souvent employer le qualificatif « stratégique » à
La stratégie est le fait pour l’entreprise de choisir l’action qui lui propos de toute fonction ou activité dans l’entreprise : « stratégie
semble lui donner le plus de chances d’atteindre ce but, compte technologique », « stratégie commerciale », « stratégie financière »,
tenu des ressources dont elle dispose pour la mener à bien. etc.

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Pourtant, on ne peut admettre que le service Recherche et Déve-


NIVEAUX ÉTAPES OUTILS
loppement (R&D), le service marketing ou le service financier
D'INTERVENTION DE LA DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUES
conduisent de façon autonome leurs relations avec les partenaires STRATÉGIQUE
extérieurs de l’entreprise, encore moins avec les autres services de
l’entreprise. Nous réserverons donc le qualificatif stratégique à la
Veille stratégique
démarche du seul acteur au niveau duquel peut être définie une POLITIQUE DE OBSERVER
politique, et qui a la capacité de choisir la façon de la réaliser avec L'ENTREPRISE PRÉVOIR Étude de marché
ses propres ressources, c’est-à-dire à l’entreprise elle-même.
Ainsi, pour exprimer le fait que l’entreprise se donne les moyens SE CONNAÎTRE
dans la gestion quotidienne de ses activités d’atteindre ses objec- Audit interne
SOI-MÊME
tifs, il serait plus exact de parler de gestion stratégique de la R&D,
de gestion stratégique du marketing ou de gestion stratégique des Diagnostic
finances. ANALYSER stratégique
COMPRENDRE
S’agissant des projets d’innovation, leur gestion ne peut être
Modèles
que stratégique : comme nous le verrons ci-dessous, l’innovation de représentation
n’est pas pour l’entreprise une fin en soi, mais l’un des moyens stratégique
d’atteindre ses objectifs stratégiques.
Pour mieux souligner que la gestion est stratégique, on préfé- STRATÉGIE DE CHOISIR Évaluation
rera le terme de management, qui recouvre à la fois des activités L'ENTREPRISE DÉCIDER multicritères
de définition et de mise en œuvre de la stratégie.
PLANIFICATION
FAIRE FAIRE
STRATÉGIQUE
1.2 Contenu de la stratégie
de l’entreprise
GESTION
STRATÉGIQUE CONTRÔLER Tableau de bord
1.2.1 La stratégie exprime une dynamique, DES FONCTIONS
elle incarne une volonté de changement
En choisissant sa stratégie, l’entreprise décide des domaines
d’activité dans lesquels elle souhaite s’engager ou rester leader, et Figure 1 – Démarche générale et outils méthodologiques
effectue, en conséquence de ces décisions, des arbitrages dans de la définition et du déploiement de la stratégie de l’entreprise
l’utilisation de ses ressources.
Igor H. Ansoff [1], l’un des principaux théoriciens de l’entreprise, Dans le modèle classique d’organisation de l’entreprise, le soin
insiste sur la dimension volontariste de la stratégie de l’entreprise : d’effectuer les choix stratégiques revient à ce qu’Henry Mintzberg
« Dans ses activités quotidiennes, l’entreprise interagit avec un [13] appelle le « sommet stratégique ». Selon les configurations de
certain nombre de partenaires dans son environnement : clients, l’entreprise, il s’agit de l’entrepreneur lui-même, d’un directeur qui
concurrents, etc. Lorsque l’entreprise se contente d’exploiter sans a reçu délégation de pouvoirs en ce domaine, ou d’un organisme
les modifier les relations établies entre elle et ses partenaires, on de direction permanent (conseil d’administration, directoire).
dira qu’elle fonctionne sur le mode opérationnel ; mais lorsque
l’entreprise veut changer profondément ces relations, on dira Deux conceptions opposées du fonctionnement en mode straté-
qu’elle fonctionne sur le mode stratégique ». gique sont théoriquement possibles :
– réfléchir à toutes les options puis agir ;
– ou agir et, au vu de l’expérience, s’adapter.
1.2.2 La stratégie se joue à l’interface
de l’entreprise et de son environnement La meilleure façon de faire se situe certainement entre les deux,
et doit être appréciée en fonction des situations spécifiques de
Alfred D. Chandler [5] définit la stratégie de l’entreprise comme l’entreprise : on ne peut jamais attendre d’avoir toutes les informa-
« la démarche d’adaptation du potentiel d’une entreprise à son tions pour agir, et lorsqu’on agit, il faut être prêt à en assumer tou-
environnement ». tes les conséquences.
De même, Michael E. Porter [16] définit la stratégie de l’entre- La figure 1 reprend les étapes d’une démarche stratégique
prise comme « l’art de se construire des avantages durablement complète, étant bien entendu que des itérations sont non seulement
rentables par rapport à son environnement ». possibles mais encore souhaitables entre ces différentes étapes.
Pour chaque étape sont indiqués sur la figure 1 les niveaux de
management impliqués, ainsi que les principaux outils
1.3 Démarche générale et outils méthodologiques utilisés.
méthodologiques
Une stratégie d’entreprise peut être délibérée, formalisée dans 1.3.1 Observer et prévoir
un plan... mais aussi improvisée [25]. Observer son environnement est évidemment la condition sine
Dans les petites entreprises, le propriétaire est en même temps qua non d’existence même d’une démarche stratégique. Il s’agit de
le dirigeant, il définit lui-même sa politique, choisit sa stratégie, et connaître non seulement ses clients et ses concurrents, mais aussi
gère directement les moyens qui lui appartiennent. ses fournisseurs, l’évolution technologique, l’environnement nor-
Dans les grandes entreprises, les propriétaires peuvent être loin matif, réglementaire, social, culturel de son marché.
non seulement de la gestion mais même de la stratégie de l’entre- La principale difficulté réside dans l’anticipation indispensable à
prise, se contentant d’en définir la politique générale et de nom- l’élaboration d’une stratégie. Plusieurs configurations possibles de
mer le ou les dirigeants à qui il reviendra d’effectuer les choix l’évolution de l’environnement peuvent être élaborées sous forme
stratégiques permettant d’atteindre les objectifs fixés. de scénarii alternatifs, dans une démarche prospective.

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– le taux de croissance est faible ;


ENTRANTS – les coûts fixes sont élevés ;
POTENTIELS – les barrières à la sortie sont élevées (les équipements et les
compétences requis sont très spécifiques du secteur et ne peuvent
Investissement, pas être facilement redéployées dans d’autres secteurs).
alliances offensives, Le pouvoir de négociation des clients est d’autant plus à crain-
innovation produit
dre qu’ils ont la capacité de faire baisser les prix d’achat, ou d’exi-
ger une qualité supérieure.
Regroupement, CONCURRENTS Regroupement, Le pouvoir de négociation des fournisseurs réside dans leur
innovation DU SECTEUR innovation capacité à augmenter leurs prix de vente, à diminuer la qualité des
FOURNISSEURS
procédé procédé biens ou des services qu’ils procurent à l’entreprise. Il dépend de
CLIENTS
Rivalité entre leur degré de concentration relative par rapport au secteur, à la
les entreprises spécificité du produit fourni, à l’imbrication des processus de
existantes production.

1.3.2 Se connaître soi-même


Innovation
produit C’est l’étape la plus difficile de la démarche stratégique. Les diri-
geants en charge de la stratégie doivent être sans complaisance
SUBSTITUTS pour les faiblesses éventuelles de leur propre entreprise (ce qui
nécessite parfois des remises en cause douloureuses). Ils ont besoin
d’une connaissance en profondeur de son potentiel, qui ne leur est
Figure 2 – Grille d’analyse de Porter des forces concurrentielles
et de leurs menaces généralement pas accessible par les moyens de contrôle de gestion
habituels conçus pour la gestion opérationnelle des activités. D’où
Il s’agit ici de faire appel au marketing amont, par opposition au l’intérêt de faire faire spécialement un audit de l’entreprise par un
marketing opérationnel [23]. expert extérieur pour obtenir une meilleure objectivité.
L’étude du marché à travers la grille d’analyse des forces ■ Audit de l’entreprise
concurrentielles de Porter schématisée figure 2, permet de
L’audit porte d’abord sur les produits de l’entreprise, non plus
n’oublier aucune des variables susceptibles d’influencer le marché
seulement du point de vue du marché (courbe de vie des produits,
de l’entreprise sur le long terme comme sur le court terme.
voir plus haut), mais aussi du point de vue de la maîtrise par
Cette grille peut être également utilisée pour analyser un marché l’entreprise de leur renouvellement par le lancement de projets
nouveau dans lequel on envisage de rentrer : il suffit de se placer d’innovation.
du point de vue des entrants potentiels ou du point de vue du lan-
cement d’un produit de substitution à ceux qui servent actuelle- Plusieurs méthodes sont utilisables à ce stade, telles l’analyse de
ment le marché. l’impact concurrentiel des technologies et la chaîne de valeur de
Porter.
• La protection vis-à-vis de nouveaux entrants consiste à élever
des barrières à l’entrée dans le secteur : Différents outils méthodologiques, tels que la typologie des
technologies en fonction de leur impact concurrentiel mise au
– protection juridique par la propriété intellectuelle ; point par la Société de conseil en management Arthur D. Little [2],
– économies d’échelle (pratiques observées par exemple dans présentée dans le tableau 1, permettent d’évaluer les technologies
l’informatique) ; dont dispose l’entreprise.
– image de marque, fidélité du consommateur (par exemple
dans les cosmétiques, les services aux entreprises) ; Pour être utile au diagnostic stratégique, l’audit ne doit pas se
– courbe d’expérience ; borner à l’analyse séparée des produits et des technologies, mais
– accès aux canaux de distribution ; s’attacher aussi plus globalement à l’étude de toutes les activités
– politique publique (normes). de l’entreprise qui contribuent à la positionner sur ses marchés.
• La rivalité entre concurrents dans un même secteur est Ainsi, la « chaîne de valeur » est une méthode proposée par Por-
d’autant plus forte que : ter (voir figure 3), pour aider l’entreprise à s’évaluer globalement
– les marges sont faibles ; du point de vue de ses clients actuels ou potentiels.

Tableau 1 – Impact concurrentiel des technologies d’Arthur D. Little


Types de technologies Impact concurrentiel

Technologies qui ont le potentiel de modifier toute la base de la concurrence, mais qui n’ont
Technologies émergentes pas encore été mises en application dans un produit ou un procédé
Ces technologies se développent souvent en technologies clés

Technologies les plus importantes pour le succès concurrentiel parce qu’elles offrent une pos-
Technologies clés
sibilité d’une différenciation significative de procédé ou de produit

Bien que leur maîtrise soit nécessaire et essentielle, ces technologies offrent peu de possibi-
Technologies de base lité d’avantage concurrentiel
Ces technologies sont généralement répandues et partagées

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Le modèle de l’Université de Harvard ou modèle LCAG (du nom


Infrastructure de l'entreprise de leurs auteurs Learned, Christensen, Andrews et Guth [12]) ou,
en français, EMOFF (Environnement, Menaces, Opportunités, For-
ACTIVITÉS Gestion des ressources humaines ces, Faiblesses) est très simple d’emploi, d’où son succès.
DE La méthode à suivre est la suivante.
SOUTIEN Développement technologique MARGE
• À partir du diagnostic externe :
Approvisionnements 1) recensement des opportunités O1, O2, O3, etc.,
Logistique Logistique 2) recensement des menaces M1, M2, M3, etc.
Production Vente Services
interne externe

ACTIVITÉS PRINCIPALES • À partir du diagnostic interne :


3) recensement des forces F1, F2, F3, etc.,
Figure 3 – Chaîne de valeur de Porter
4) recensement des faiblesses f1, f2, f3, etc.

La méthode de la chaîne de valeur de Porter consiste à classer • Pour toutes les activités de l’entreprise :
les différentes activités de l’entreprise en fonction de leur contribu- 5) synthèse en établissant le bilan des forces et des faiblesses
tion relative à créer de la valeur pour ses clients. Porter classe les avec une notation simple du type :
activités en deux grandes catégories pour faire cette évaluation :
++ force particulièrement utile pour saisir l’opportunité ou
– activités principales ; pour écarter la menace,
– activités de soutien.
+ force permettant d’espérer saisir l’opportunité ou utile pour
Chaque activité est ensuite analysée, ainsi que les liaisons entre minimiser la menace,
les activités.
– – faiblesse grave interdisant de saisir l’opportunité ou aggra-
La méthode de la chaîne de valeur n’est pas d’un usage facile. vant la menace,
On peut discuter du classement par exemple de la logistique
comme activité principale, ou, en sens inverse, du classement des – faiblesse rendant l’opportunité difficile à saisir ou la
approvisionnements comme activité de soutien. Mais la démarche menace difficile à écarter.
générale mérite d’être retenue pour effectuer une analyse straté- Exemple du diagnostic stratégique de l’entreprise Perret [8]
gique (éventuellement adaptée à chaque secteur d’activité) parce Le modèle de diagnostic de Harvard montre qu’il y a pour l’entre-
que plus synthétique que d’autres méthodes telles que l’analyse prise de décolletage Perret (voir tableau 2) une opportunité à saisir du
de la valeur [24] ou le Quality Functional Deployment (QFD). fait de l’impartition par les grands donneurs d’ordre de la fabrication
de petits équipements industriels (O4), et en même temps une
1.3.3 Analyser et comprendre menace sur ses marges bénéficiaires du fait de la concurrence sur les
prix de revient entre ces mêmes donneurs d’ordre (M1).
■ Diagnostic externe La principale force de l’entreprise est sa réputation de qualité (F3) à
Le diagnostic externe est essentiellement tourné vers la connais- la fois pour résister à la menace sur les prix de vente sur son marché
sance du client, de ses besoins et de ses attentes [23], dans toutes actuel, et pour pénétrer le nouveau marché de son nouvel équipe-
ses dimensions [26] pour mieux orienter les développements des ment industriel. Sa principale faiblesse pour saisir cette opportunité
produits à venir. étant son manque de compétence disponible en interne (f5).
Porter un diagnostic externe ne consiste pas seulement à avoir
une connaissance de l’environnement, il faut aussi mettre cette
connaissance en perspective pour discerner dans les changements Tableau 2 – Exemple d’application du diagnostic
stratégique de Harvard (entreprise Perret)
à venir les menaces et les opportunités qui permettront finalement
de faire les choix stratégiques. Opportunités Menaces
■ Diagnostic interne O1 O2 O3 O4 O5 M1 M2 M3 M4
Le diagnostic interne consiste à rechercher les bases de la com-
pétitivité actuelle et future de l’entreprise : F1 + + ++ + + + +
– financières (fonds de roulement, fonds propres, capacité de F2 + + + + + + +
remboursement, rentabilité, solvabilité, capacité d’emprunt) ;
– commerciales (position des produits, notoriété commerciale, F3 ++ ++ ++ ++ ++ + +
Forces

parts de marchés) ;
– techniques (équipements, brevets, compétences, qualifica- F4 + + ++ +
tions, qualité et fiabilité des partenariats) ; F5 + + + ++ + +
– organisationnelles et humaines : différenciation des tâches,
délégation des décisions, intégration et formation des salariés, F6 + + ++ + +
portefeuille de projets d’innovation).
F7 + + ++ +
■ Synthèse : le diagnostic stratégique
f1 – – –
Le diagnostic stratégique de l’entreprise s’établit par le rappro-
chement du diagnostic externe et du diagnostic interne. Il s’agit de f2 –– –– – ––
Faiblesses

se poser la question suivante : en quoi les forces de l’entreprise lui


permettent-elles, et en quoi ses faiblesses l’empêchent-elles, de f3 – ––
saisir les opportunités et de conjurer les menaces qui apparaissent
dans son environnement ? f4 –– – – –– –

Un bon outil d’aide à l’établissement de cette synthèse entre dia- f5 – – –– – –


gnostic interne et externe est le Modèle de diagnostic stratégique
de Harvard. f6 – – – –– –– ––

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ACTIVITÉS FRAGMENTÉES ACTIVITES SPÉCIALISÉES

TRI TRI
******
NOMBREUSES
******
******

NOMBRE
DE FAÇONS PM PM
D'ATTEINDRE
L'AVANTAGE
ACTIVITÉS IMPASSE ACTIVITÉS VOLUME
CONCURRENTIEL
TRI TRI
PEU
NOMBREUSES

PM PM

FAIBLE GRANDE
IMPORTANCE DE L'AVANTAGE CONCURRENTIEL

Figure 4 – Matrice du portefeuille d’activités du BCG

■ Définition des options stratégiques


Il s’agit de représenter les différentes options identifiées grâce FORT Suivi Innovation Innovation
IMPACT
au diagnostic stratégique, de la façon la plus discriminante possi- CONCURRENTIEL
ble pour pouvoir, dans l’étape suivante, les évaluer. DES MOYEN Acquisition Suivi ou niche Innovation
Il existe de nombreux modèles de représentation permettant de TECHNOLOGIES
comparer entre elles les différentes options stratégiques. FAIBLE Recentrage Alliance Créneau

Ces modèles se différencient essentiellement par la présence ou FAIBLE MOYEN FORT


non du critère de la technologie, nous en exposons ci-dessous DEGRÉ DE MAITRISE
quelques-uns parmi les plus utilisés. DES TECHNOLOGIES

• Modèle du portefeuille d’activités du Boston Consulting Figure 5 – Matrice des technologies d’Arthur D. Little
Group (BCG)
En ordonnée figure l’échelle de l’attrait du marché et en abscisse • Arbre des technologies et grappes technologiques
l’avantage concurrentiel que peut retirer l’entreprise de ce marché
(voir figure 4). Dans les entreprises à forte densité technologique (importance
relative de la R&D, taux d’innovation technique fort), la gestion
Les activités de l’entreprise sont ainsi classées en quatre types stratégique de la technologie est à la base du développement de
d’environnement : l’entreprise.
– fragmenté (exemple les restaurants) ;
Le groupe d’études GEST et la société de conseil en stratégie
– impasse (les entreprises sont peu rentables quelle que soit leur
Euroconsult ont développé un modèle d’analyse en « grappes
taille, par exemple l’acier) ;
technologiques », où chaque technologie générique ouvre sur des
– spécialité ;
familles de produits pouvant s’adresser à des marchés différents.
– volume (stratégies de domination par les coûts, par exemple
l’automobile), et à l’intérieur de chaque environnement, elles sont Adopter une stratégie de type arbre des technologies consiste à
évaluées en fonction du taux de rendement des investissements décliner de façon arborescente les technologies en applications,
(TRI) et de la part de marché détenue (PM). puis en produits (figure 6).
• Vecteur de développement d’Ansoff • Matrice atouts/attraits de McKinsey
Ansoff propose une perspective radicalement nouvelle dans La matrice de portefeuille d’activités de la société de conseil en
l’analyse stratégique en introduisant la variable technologique management McKinsey est basée sur la sélection des paramètres
dans les raisonnements. La méthode préconisée par Ansoff permet d’attraits du marché et des paramètres d’atouts de l’entreprise
de mesurer les risques des projets de différenciation et de diversi- pour exploiter ces marchés.
fication. Selon Ansoff, en effet, l’axe de développement ne peut La matrice de McKinsey permet de positionner les activités de
être une diversification qu’à la condition expresse qu’il y ait une l’entreprise dans les différents segments de marché proportionnelle-
synergie soit avec les technologies de l’entreprise, soit avec ses ment à leur importance dans l’entreprise (évaluation comparative des
marchés. Cette appréciation peut paraître trop prudente dans activités de l’entreprise comme avec la matrice du BCG), mais aussi
certains cas. de positionner l’entreprise par rapport à ses concurrents (figure 7).
• Matrice des technologies d’Arthur D. Little La matrice atouts/attraits de McKinsey est très utile pour une
Mis en regard du degré de maîtrise des technologies, l’évalua- première représentation d’options stratégiques simples. Elle a sur-
tion de leur impact concurrentiel permet de modéliser diverses tout l’intérêt de s’appliquer à toutes les configurations stratégiques
options stratégiques, comme le propose la société de conseil en possibles ; elle n’est cependant pas suffisamment discriminante
management Arthur D. Little (figure 5). pour des options plus nombreuses ou plus complexes.

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ATTRAIT DU MARCHE

PRODUITS

MARKETING
(COUPLES Option 2
PRODUITS/
MARCHÉS) ESPÉRANCE PRONOSTIC
0
DE RÉUSSITE D'AVANTAGE
LIGNES
TECHNOLOGIQUE CONCURRENTIEL
DE PRODUITS
Option 1

MARCHÉS

MARCHÉS EFFICIENCE INTERNE


POTENTIELS
Figure 8 – Représentation graphique d’évaluation multicritères de
deux options stratégiques
R&D ET MARKETING
(TECHNOLOGIES
D'APPLICATION) alors de hiérarchiser les différentes options ; mais ils peuvent aussi
vouloir débattre sans fixer par avance l’importance relative des
critères : une représentation graphique permet alors de visualiser
rapidement les avantages et inconvénients des options (figure 8).
■ Expression de la stratégie choisie
TECHNOLOGIES GÉNÉRIQUES
Il ne suffit pas d’avoir fait les choix pertinents pour qu’une stra-
tégie d’entreprise s’avère efficace, il faut aussi savoir la présenter
au personnel de l’entreprise qui sera chargé de gérer les activités
HUMUS SCIENTIFIQUE en fonction de cette stratégie. Les qualités requises de l’expression
d’une stratégie sont la quantification possible, l’expression simple,
la démultiplication des champs d’application pour qu’il y ait tou-
jours un niveau commun à plusieurs unités opérationnelles ou
R&D fonctionnelles.
(TECHNOLOGIES
GÉNÉRIQUES)
1.3.5 Faire faire
Figure 6 – Arbre des technologies (Euroconsult)
Chaque fonction de l’entreprise doit contribuer à la réussite de la
nouvelle stratégie, mais il faut tenir compte de la résistance de
toute organisation au changement.
La direction de l’entreprise qui a défini la stratégie doit mainte-
ÉLEVÉ A1 nant piloter sa mise en œuvre.
ATTRAIT
DU MOYEN A2 A3 ■ S’organiser pour mettre en œuvre la stratégie
SEGMENT L’organisation de l’entreprise peut favoriser ou au contraire
FAIBLE gêner la mise en œuvre de la stratégie qui a été adoptée.
FAIBLES MOYENS ÉLEVÉS Le découpage des grandes entreprises en Domaines d’Activités
Stratégiques (DAS) ou Strategic Business Units (SBU) pose ainsi
ATOUTS POUR LE SEGMENT
de redoutables problèmes à un fonctionnement de l’entreprise sur
un mode stratégique. Les DAS correspondent en effet à une seg-
Figure 7 – Matrice atouts/attraits de McKinsey mentation stratégique faite à un instant donné, et répondent à un
souci réel d’efficacité (donner les moyens d’agir à des entités suffi-
samment homogènes), mais qui se situent beaucoup plus dans le
1.3.4 Choisir et décider mode opérationnel que dans le mode stratégique, contrairement à
ce que leur nom peut laisser croire (c’est au moment de leur mise
Le choix de la stratégie de l’entreprise va s’effectuer entre plu- en place qu’elles sont stratégiques, mais pour être opérationnelles
sieurs options, en se référant à la politique de l’entreprise. ensuite), et des innovations de rupture ont pour conséquence la
■ Évaluation multicritères remise en cause des découpages existants en business units.

L’évaluation multicritères permet de comparer entre elles diffé- ■ Intégrer plan stratégique, plan opérationnel et budgets
rentes options stratégiques sur des critères non réductibles les uns La figure 9 montre l’enchaînement des différentes étapes qui
aux autres. permettent de passer de la définition des objectifs au contrôle de
Les responsables de la stratégie de l’entreprise peuvent décider leur réalisation via la planification stratégique et opérationnelle et
a priori d’une pondération des critères : un simple calcul permet les budgets.

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2. Stratégies de l’entreprise
OBJECTIFS DE L'ENTREPRISE et projets d’innovation
Détermination et évaluation des stratégies possibles
Choix de la stratégie

2.1 Typologie des stratégies d’entreprise


PLAN STRATÉGIQUE ■ La classification en trois catégories de Porter des stratégies pos-
Déclinaison de la stratégie d'entreprise en objectifs sibles pour une entreprise est la plus utilisée :
opérationnels et fonctionnels – domination par les coûts ;
– différenciation des produits offerts ;
– focalisation.
PLAN OPÉRATIONNEL
Coordination des actIons • Stratégies de domination par les coûts
Évaluation des moyens
Chiffrage des résultats prévisionnels Ce sont des stratégies pertinentes lorsque l’entreprise est en
mesure de faire des économies d’échelle, et lorsqu’elle bénéficie
déjà d’un effet d’apprentissage important.
BUDGETS Deux risques cependant sont liés à ce type de stratégie :
Détermination de la mission – les concurrents peuvent suivre la même voie jusqu’à aboutir à
Affectation des ressources
une guerre des prix dommageable pour toutes les entreprises du
Responsabilité de l'exécution
secteur ;
– il peut y avoir une rupture technologique qui remette en cause
le fonctionnement du marché lui-même, par exemple les progrès
CONTRÔLE spectaculaires des capacités de numérisation et de télé-
Analyse d'écarts et mesures correctives
transmission, appliqués à la musique.
Contrôle des hypothèses et de la pertinence
des méthodes • Stratégies de différenciation des produits offerts
Les stratégies de différenciation visent la qualité du produit et
du service associé offerts au client, soit pour éliminer les concur-
Figure 9 – De la définition des objectifs au contrôle de
leur réalisation rents, quitte à se contenter d’un marché plus petit, soit pour répon-
dre à une offensive d’un concurrent.
Elles s’appuient sur les technologies de l’entreprise, qui cherche
■ Décliner la stratégie de l’entreprise en gestion stratégique des ainsi à se développer par ses forces propres.
activités
• Stratégies de focalisation sur une « niche de marché »
La définition d’une stratégie claire au niveau de l’entreprise doit
permettre à chaque fonction, à chaque métier, de prendre les Une stratégie de focalisation peut être adoptée par de petites
décisions de gestion des activités qui sont de sa responsabilité. entreprises qui ne souhaitent pas venir concurrencer des entrepri-
Pour être efficace, chaque fonction doit disposer des ressources ses beaucoup plus importantes, et restent ainsi sur des créneaux
(humaines, techniques, financières) adéquates par rapport aux étroits et peu convoités, mais qui peuvent leur être très profitables
objectifs qui lui sont fixés, et de la capacité d’exploiter au mieux du fait de l’absence de concurrents.
ces ressources.
■ Mais l’entreprise peut aussi être amenée (par choix politique
propre ou par contingence due à l’évolution technologique ou éco-
Ainsi, par exemple, une gestion stratégique de la fonction
nomique de son environnement) à définir une stratégie de rupture
marketing consistera à définir la gamme des produits, leur tarifica-
avec son domaine de compétences, et décider de pénétrer des
tion, le choix des canaux de distribution, celui des moyens de com-
munication par référence à la stratégie de l’entreprise (différenciation marchés complètement nouveaux pour elle. Paul Millier [14] pro-
par la qualité ou domination par les coûts par exemple), à lui allouer pose une typologie des stratégies d’entreprise basée sur ce critère
les ressources nécessaires, et à s’assurer qu’elle a les compétences de marché :
pour les utiliser. – création de marché ou diversification ;
De même, la gestion stratégique de la fonction R&D consistera – prise de part d’un marché existant.
à choisir les modes d’accès aux technologies nouvelles (développer
soi-même ou acheter ou partager) en fonction des choix effectués au • Stratégies de diversification et de création de marché
niveau de l’entreprise. Les stratégies de diversification et de création de marché impli-
quent soit d’acquérir des compétences nouvelles (par exemple
pour pénétrer des marchés nouveaux avec les mêmes produits),
1.3.6 Contrôler
soit de lancer des produits radicalement nouveaux.
Il ne s’agit pas ici de contrôler le résultat prévu d’opérations, mais Quelques exemples de stratégies de diversification
la réalisation d’objectifs. Le tableau de bord du pilotage stratégique
de l’entreprise est donc nécessairement composite, c’est-à-dire qu’il • Gloria ne se définit pas seulement comme faisant des produits
comprend des éléments chiffrés et des éléments qualitatifs, des élé- laitiers, mais comme devant « satisfaire les besoins alimentaires des
ments de marketing et de production, de R&D et de finances. Il est êtres vivants dans la maison » d’où une stratégie de diversification
également gigogne en ce sens qu’il doit pouvoir donner à la direc- vers les produits alimentaires pour animaux domestiques.
tion de l’entreprise une vision globale de l’avancement de l’ensem- • Brochier fait du tissage de la soie depuis 1900. Devant la concur-
ble des actions entreprises, et, en même temps, il doit pouvoir être rence des faibles prix de revient étrangers dans ses marchés tradi-
décliné pour toutes les unités opérationnelles et fonctionnelles de tionnels, l’entreprise s’est redéployée à partir de son savoir-faire,
l’entreprise impliquées dans les projets nouveaux. dans le tissage de fibres artificielles pour l’aéronautique et l’espace.

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Quelques exemples de stratégies de diversification (suite) L’entreprise peut aussi décider d’entrer sur un marché complète-
• Matra a développé un savoir-faire de détection optique et infra- ment nouveau pour elle, grâce à l’innovation, par exemple en
rouge dans les activités aéronautiques, ce qui lui a permis de se redé- apportant aux clients une solution unique à un problème spécifi-
ployer sur de nouveaux marchés tels que l’informatique et les que.
télécommunications. Quelques exemples de stratégies basées sur l’innovation
• Gilette a choisi de valoriser la visite de ses représentants chez • 3M fait 32 % de son chiffre d’affaires avec des produits lancés il
ses clients de produits de rasage en vendant également des stylos et y a moins de 5 ans. Exemple d’innovation de 3M : le « post’it » qui
des briquets. nécessitait une démarche de rupture profonde de la logique R&D tra-
■ En réalité, les deux typologies de Porter et de Millier sont ditionnelle en l’orientant vers la satisfaction d’un besoin potentiel,
complémentaires. Nous proposons donc la typologie générale sui- puisque 3M a du développer « une colle qui ne colle pas ».
vante, tenant compte de la diversité des configurations dans les- • Rubbermaid a choisi de se fixer l’objectif stratégique de réaliser
quelles peut se trouver l’entreprise au fur et à mesure de son 30 % de ses ventes avec des produits de moins de 5 ans. Les idées
développement. nouvelles sont recherchées par tous les moyens, tous les produits
sont soumis à une analyse de la valeur systématique. Exemple
• Stratégies visant à prendre des parts supplémentaires dans le d’innovation de Rubbermaid : les chaises de jardin empilables.
marché actuel de l’entreprise :
• Hewlett Packard demande à ses chercheurs de passer 10 % de
– domination par les coûts ; leur temps sur des idées personnelles. Ils ont accès aux moyens de
– différenciation des produits offerts ; l’entreprise pour les développer. Exemple d’innovation de Hewlett
– focalisation (ou spécialisation). Packard : l’imprimante laser.
• Stratégie visant à pénétrer un marché nouveau pour Fernez-Walch, Gidel et Romon [6] ont cherché à caractériser
l’entreprise : l’importance relative du facteur innovation dans les choix straté-
– diversification (commerciale et/ou technologique). giques de l’entreprise avec un indicateur appelé « intensité straté-
gique de l’innovation ».
• Stratégie visant à développer une offre entièrement nouvelle :
L’intensité stratégique de l’innovation est définie comme la
– création de marché. synthèse des indicateurs suivants :
1) l’effort d’innovation consenti (mesuré par les dépenses de R&D
2.2 Stratégies d’entreprise basées sur en % du CA, les relations nouées par l’entreprise avec la recherche
institutionnelle, le nombre de brevets déposés) ;
l’innovation : enjeux et actualité 2) la part relative des nouveaux produits dans le CA et les résultats
opérationnels de l’entreprise ;
Toutes les entreprises ne sont pas convaincues de la nécessité
de faire des choix stratégiques. Les petites entreprises qui n’ont 3) le degré de formalisation du management de l’innovation.
que peu de marge de manœuvre peuvent penser que prévoir le Soit trois classes de configuration stratégique :
futur est trop aléatoire, et se contenter d’être prêtes à saisir les – entreprises pour qui l’innovation est un élément parmi d’autres
opportunités qui se présentent. de compétitivité (bâtiment et travaux publics par exemple) ;
À l’inverse, certaines grandes entreprises en situation de quasi – entreprises qui font de l’innovation une variable importante de
monopole peuvent estimer qu’elles contrôlent suffisamment leur l’offre : l’innovation est un facteur clé de succès important sur
environnement pour adopter un mode de fonctionnement opéra- leurs secteurs d’activité mais pas essentiel, qui peut être source
tionnel, et non un mode de fonctionnement stratégique. d’avantage concurrentiel ;
Mais la saturation des marchés traditionnels, l’ouverture des – entreprises pour lesquelles l’innovation est à l’origine de
frontières avec l’arrivée de nouveaux concurrents mais aussi de l’offre : l’entreprise considère l’innovation comme un élément
nouveaux clients, changent profondément le contexte de la com- structurant de son activité et s’organise en conséquence ; dans le
pétition économique : l’entreprise travaille aujourd’hui sur des secteur aéronautique par exemple, l’innovation est de plus en plus
marchés en perpétuelle évolution. Elle ne peut donc survivre qu’en à l’origine de l’offre. C’est le cas également d’entreprises qui ont
s’adaptant en permanence : elle doit être réactive et s’organiser fait le choix, même si leur environnement ne les y contraignait
pour mieux satisfaire les besoins de clients de plus en plus avertis pas, de fonder leur stratégie sur l’innovation.
et exigeants, dans un contexte de concurrence de plus en plus Les secteurs sur lesquels l’innovation n’est pas un facteur clé de
vive. succès sont de moins en moins nombreux.
L’accélération, dans le même temps, du rythme du progrès tech- Les stratégies basées sur l’innovation supposent pour
nique peut être une contrainte supplémentaire pour l’entreprise, l’entreprise :
comme elle peut être le moyen de répondre, par l’innovation, à ces
nouveaux défis du marché. – d’identifier son cœur de compétences ou de technologies clés.
Ce cœur de compétences doit être décomposé en une combinai-
Les exemples de réussites industrielles dues au succès d’un pro- son de savoirs et savoir-faire individuels, de technologies dites de
jet d’innovation abondent, mais les exemples d’échecs effective- base ou élémentaires qu’il s’agit de définir (voir § 3.4.2, les voies
ment dus à de mauvaises décisions de management de d’accès aux technologies) ;
l’innovation abondent, hélas, également : c’est tout l’enjeu des – de mettre en œuvre un management multi-projets pour gérer
stratégies d’entreprise basées sur l’innovation. globalement ses projets d’innovation en fonction du cœur de com-
Dans un contexte donné, l’innovation n’est pas perçue par tou- pétences, pour favoriser le partage des connaissances entre les
tes les entreprises de la même manière : certaines entreprises projets, par la mise en place de plates-formes technologiques com-
n’innovent que sous la contrainte, d’autres, au contraire, vont munes à plusieurs projets, de produits intermédiaires (demi-pro-
délibérément placer l’innovation au cœur de leur stratégie. duits), qui seront différenciés selon les besoins de ses clients (voir
Une stratégie basée sur l’innovation consiste à concevoir, déve- § 3.1, gestion intégrée de l’innovation).
lopper et réaliser de manière récurrente (en flux) des produits et Une stratégie basée sur l’innovation signifie également que si
des services nouveaux qui seront valorisés sur des marchés chaque projet d’innovation est, par définition, unique, le fait de
différents ; ceci en s’appuyant sur les technologies et les compé- lancer des projets, ne l’est plus : c’est devenu une activité perma-
tences clés de l’entreprise. nente de l’entreprise.

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2.3 Stratégies basées sur l’innovation : • Un projet d’innovation de rupture consiste à lancer un produit
ou à mettre en place un procédé radicalement nouveau, en
mise en œuvre déployant une technologie elle aussi complètement nouvelle.
L’entreprise cherche alors à changer à son profit les règles du jeu
Pour l’entreprise, une innovation est un processus qu’elle doit
concurrentiel sur son marché, ou à entrer sur de nouveaux mar-
piloter, avant d’être un produit qu’elle peut exploiter.
chés, voire à créer elle-même un nouveau marché. Ses gains peu-
La mise en œuvre des choix stratégiques de l’entreprise impli- vent être alors considérables, mais les risques sont eux aussi très
que toujours une démarche de changement, elle se traduit par le importants.
lancement de projets. Exemple de projet d’innovation de rupture : le procédé
Il faut donc que l’entreprise se dote d’une structure spécifique « float » de fabrication du verre plat de Pilkinton [Industries et
de pilotage de l’innovation, en tout premier lieu qu’elle dispose de technologies, 1998] [19]
chefs de projets compétents et qu’elle ait la capacité de mettre Quand Sir Alistair Pilkinton imagine, en 1959, de couler directement
rapidement sur pied des équipes projets. le verre fondu sur un bain d’étain lui-même en fusion, et qu’il décide
que son entreprise, pourtant solidement implantée (la Pilkington Bro-
■ Le chef de projet
ther’s Co. existe depuis 1826), produira désormais le verre plat avec
Le chef de projet est le maître d’œuvre du projet. Il a pour mis- ce procédé, il s’agit d’un projet d’innovation de rupture : non seule-
sion d’organiser le travail dans le projet (définition et répartition ment le verre est d’une qualité bien supérieure, mais surtout la nou-
des tâches, animation des réunions de résolution de problèmes et velle technologie permet des économies d’énergie et de
de coordination), et de négocier les moyens nécessaires à la consommables considérables.
réalisation des tâches (moyens humains et matériels auprès des Mais changer entièrement tout l’équipement de fabrication est un
responsables de ces moyens, négociation avec les fournisseurs, énorme investissement et les risques d’échec sont importants. Le
les sous-traitants). résultat est un succès, et aucun des concurrents mondiaux de Pilkin-
Il rend compte régulièrement auprès de la direction de l’entre- ton ne pourra survivre, à moins de se résoudre à exploiter le nouveau
prise de l’avancement du projet. procédé sous licence Pilkinton.

■ Le groupe de projet (équipe projet) Les projets d’innovation peuvent être caractérisés ensuite par
des critères intrinsèques, indépendamment des objectifs visés :
Les membres du groupe de projet sont des experts « métiers » ; projets d’innovation « induits » versus projets d’innovation
ils peuvent être détachés à plein temps de leur département métier « autonomes » [4], et projets de portée économique locale versus
ou bien intervenir, à temps partiel, tout en continuant à mener leur globale [7].
activité « métier » ; ils peuvent être mobilisés sur plusieurs projets
Les projets « induits » découlent d’une décision explicite de
à la fois, être membre d’un groupe de projet et, en même temps,
l’entreprise dans le cadre de sa stratégie, alors que les projets
chef d’un autre projet.
« autonomes » sont ceux dont l’initiative revient aux salariés.
La taille du groupe de projet varie selon les projets et le secteur Dans une grande entreprise multidivisionnelle, comportant des
d’activité. L’équipe projet peut être composée d’un noyau dur et activités relativement indépendantes les unes des autres, et consti-
d’intervenants ponctuels. Le noyau dur est présent pendant toute tuée d’entités disposant d’une large autonomie (« business
la période allant de la date de création à la date de dissolution du units »), on peut également différencier les projets d’innovation,
groupe de projet. selon que leur portée économique est locale ou générale pour
l’entreprise.
Exemple de différenciation des projets d’innovation selon leur
2.4 Typologie des projets d’innovation portée économique pour l’entreprise : GTM [7]
Il existe une grande variété de projets d’innovation, et il convient de En 1999-2000, ce groupe a des activités aussi différentes que l’ins-
bien les différencier car ils doivent être managés de façon spécifique. tallation de plates-formes de forage pétrolier off-shore, la mainte-
nance et l’ingénierie industrielle. Les différentes entreprises qui
Les projets d’innovation peuvent être caractérisés d’abord par la constituent le groupe GTM sont relativement indépendantes les unes
nature de l’objet résultant (nouveau produit ou nouveau procédé) des autres.
et par l’intensité de l’innovation technique mise en œuvre (innova-
tion d’application ou innovation de rupture), comme le montre le L’étude sur l’innovation réalisée pour la direction du groupe a per-
tableau 3. mis de montrer qu’une innovation radicalement nouvelle, s’appuyant
sur une technologie révolutionnaire, peut n’intéresser qu’une petite
• Un projet d’innovation d’application (ou d’innovation incré- partie de l’activité de l’entreprise : c’est une innovation locale, par
mentale) consiste à apporter une amélioration dans un produit ou exemple un ouvrage d’art exceptionnel. À l’opposé, une innovation
un procédé existant, sans nécessairement utiliser une technologie très simple peut amener à l’entreprise des gains de productivité con-
nouvelle. L’entreprise peut ainsi répondre à une demande explicite sidérables, à partir du moment où elle concerne une activité large-
d’un client ou tenter de se différencier de la concurrence. Elle ris- ment répandue dans l’ensemble de l’entreprise : c’est une innovation
que tout au plus un échec du lancement de son nouveau produit, globale, par exemple une base de données pour répondre plus vite
avec un investissement relativement modeste. aux appels d’offres (voir tableau 4).

Tableau 3 – Typologie des projets d’innovation selon des critères intrinsèques aux projets
Produit ou service Procédé

Innovation de rupture Innovation d’application Innovation de rupture Innovation d’application

Projet Lancement d’un produit Lancement d’un produit Mise en place d’un procédé Mise en place d’un procédé
d’innovation ou service radicalement ou service amélioré radicalement nouveau amélioré
nouveau

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Tableau 4 – Caractérisation des projets d’innovation selon leur portée économique


pour l’entreprise [7]
Portée
Produit ou service Procédé
économique

Innovation Lancement d’un produit ou service nouveau tou- Mise en place d’un procédé touchant des activités
globale chant une part importante des marchés de l’entre- récurrentes de l’entreprise
prise

Innovation Lancement d’un produit ou service nouveau margi- Mise en place d’un procédé nouveau touchant des activités
locale nal par rapport aux marchés de l’entreprise ponctuelles de l’entreprise

NIVEAUX DE MANAGEMENT ÉTAPES DE LA GESTION OUTILS MÉTHODOLOGIQUES


DES PROJETS D'INNOVATION

STRATÉGIE DE Veille commerciale


L'ENTREPRISE BASÉE Valorisation de la R&D
SUR L'INNOVATION
SUSCITER LES IDÉES
NOVATRICES
Stimulation créativité

Études de faisabilité

ÉVALUER LES Analyse des risques


CHOIX DES Évaluation mulicritères
PROJETS INNOVANTS
PROJETS INNOVANTS des projets innovants
POSSIBLES

Organisation matricielle
Gestion des compétences
PORTEFEUILLE
DE PROJETS
INNOVANTS
Conduite de réunions
Tableaux de bord

PROJETS GÉRER Définition du projet


INNOVANTS LES PROJETS Réalisation du projet
INNOVANTS

RESSOURCES Veille technoloqique


TECHNOLOGIQUES Propriété intellectuelle

Traçabilité
Bases de données

Figure 10 – Démarche générale de management des projets d’innovation

3. Management des projets Il importe donc de manager les projets d’innovation simultané-
ment sur les trois niveaux de management impliqués dans une
d’innovation dans stratégie basée sur l’innovation (voir figure 10) :
– le niveau de chaque projet ;
une perspective – le niveau de l’ensemble des projets d’innovation de l’entre-
prise, en les regroupant selon différentes modalités ;
stratégique – le niveau des ressources technologiques de l’entreprise.
La gestion intégrée de l’innovation ne signifie pas que l’on doive
raisonner de façon statique. Au contraire la principale difficulté de
3.1 Gestion intégrée de l’innovation la gestion de l’innovation réside dans les différences d’échelles de
temps propres à chacun des niveaux de cette gestion :
Au niveau de l’entreprise, les projets d’innovation ne sont que – échelle temporelle de chaque projet qui est bien délimitée
des moyens pour mettre en œuvre sa stratégie. (généralement quelques mois) ;

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– échelle temporelle du portefeuille de projets qui est rythmée • Collectifs de recherche en réseaux
par les exercices budgétaires (généralement annuels) et par la pla-
Les collectifs de recherche peuvent être constitués suite à une
nification des opérations et des projets de l’entreprise (générale-
demande et une incitation des pouvoirs publics (incubateurs,
ment programmes pluriannuels glissants) ;
PCRD européens, pôles de compétitivité) pour promouvoir une
– échelle temporelle de la constitution et de l’entretien des res- activité, répondre à une demande sociale (par exemple, dans le
sources technologiques, variable d’un secteur d’activité à l’autre domaine de la santé publique, de la protection de l’environnement,
(généralement plusieurs années). ou des transports). Ils peuvent également de l’initiative d’entrepri-
ses qui cherchent à partager des résultats de recherche.
PCRD : programmes cadres de recherche et développement
3.2 Génération des idées novatrices
Le collectif de recherche organisé en réseau peut déboucher par
la suite sur un partenariat pour offrir un service complet au mar-
3.2.1 Stimuler la créativité dans l’entreprise ché. Ou bien les entreprises du réseau utiliseront toutes le même
composant mais pour des produits et services différents.
Le seul fait de choisir une stratégie d’entreprise basée sur l’inno-
vation ne suffit évidemment pas pour innover effectivement : Exemple d’une entreprise ouvrant son centre de R&D à des
encore faut-il que l’entreprise ait des idées et dispose des techno- entreprises non concurrentes : le cas de Rank Xerox [Industrie et
logies qui lui permettent de les transformer en innovations. Pour technologies, 2004]
cela, elle doit s’organiser pour favoriser la créativité, et, suivre une En 2004, la R&D de Rank Xerox, entreprise spécialisée dans
méthode rigoureuse pour faire émerger les projets d’innovation l’impression, emploie 6 000 personnes réparties dans 7 centres de
qui auront le plus de chances d’aboutir. recherche, dont le Palo Alto Research Center (PARC), qui compte un
Quelques exemples d’organisations mises en place pour sti- effectif de 240 personnes. Rank Xerox dépense 6 % de son CA en
muler l’innovation R&D, et détient en 2004 un portefeuille de 50 000 brevets.
• 3M soutient les propositions les plus inattendues venant de ses Les capteurs thermosensibles ont été développés par Rank Xerox
salariés et leur reconnaît le droit à l’erreur. Le promoteur d’un projet pour contrôler avec précision l’impression couleur ou le mouvement
innovant est appelé à le développer lui-même et a une promotion s’il du papier dans les imprimantes. Mais ils intéressent aussi beaucoup
réussit. d’industriels de différents secteurs d’activité, qui ont besoin de cap-
• Smoby, leader européen du jouet, a créé la Maison du jouet de teurs très sensibles pour déclencher leurs automatismes en fonction
Moirans, où les enfants sont invités à jouer avec des maquettes de des températures atteintes par les produits en cours d’élaboration.
jouets qui n’existent pas encore et où leur comportement avec les C’est pourquoi, en 2002, le PARC a été transformé en société indé-
jouets existants est observé scientifiquement. pendante pour s’ouvrir à tous les industriels, même les concurrents
de Rank Xerox. Ce réseau d’entreprises a permis à Rank Xerox un
• France Telecom a mis en place une Direction de l’Innovation et transfert de technologie dans une dizaine d’applications autres que
des Nouveaux Usages (DINU) chargée d’encourager les propositions l’impression et dans une vingtaine d’entreprises ; il lui a permis en
du personnel, notamment des commerciaux, en dehors de tout pro- même temps de mieux connaître les besoins de ses clients indus-
gramme de R&D. triels en impression.
■ Les dispositifs organisationnels destinés à favoriser la créativité • Communautés de pratiques
Au-delà des classiques partenariats entre l’industriel et ses sous- Les communautés de pratiques sont des regroupements sponta-
traitants, et même entre industriels concurrents au niveau de la nés de personnes appartenant ou non à la même entreprise, qui
R&D (cas par exemple du système PAX de Michelin, ouvert dès le communiquent entre elles afin d’échanger sur des pratiques pro-
stade du projet aux autres manufacturiers du pneumatique comme
fessionnelles qu’elles ont en commun, sans pour autant appartenir
aux constructeurs automobiles), quatre types de dispositifs sont en
à une même forme organisationnelle de type métier, ni être mem-
train d’émerger, notamment dans les grandes entreprises, et
bre d’un même groupe projet.
devraient se répandre rapidement : les forums thématiques, les
plates-formes technologiques, les collectifs de recherche en Ce qui unit les membres d’une communauté de pratiques, c’est
réseaux et les communautés de pratiques [8]. un langage, une culture commune et la conviction qu’ils ont
besoin les uns des autres pour atteindre leurs objectifs. Par exem-
• Forums thématiques ple, une communauté de pratique est créée pour faire avancer les
Les forums thématiques sont organisés le plus souvent à l’initia- connaissances médicales, ceci afin de combattre une maladie rare.
tive des directions générales ou des directions de la R&D et de
À géométrie variable, les communautés de pratiques sont cons-
l’innovation des entreprises. Ils servent à pérenniser et à enrichir
tituées sur la base du volontariat et de la cooptation, les individus
les connaissances de l’entreprise sur un thème donné, transverse
y sont reliés par des complémentarités cognitives et non par des
par rapport aux technologies et aux projets.
relations hiérarchiques ou marchandes.
• Plates-formes technologiques
■ Une méthode en trois points pour faire émerger un projet
Les plates-formes technologiques réunissent des personnes d’innovation
autour de moyens techniques (par exemple simulations, réalité vir-
tuelle, bases de données, prototypage rapide) en vue de la créa- 1) Analyser les besoins potentiels des clients (market pull)
tion de demi-produits et de produits de différenciation dans le Plusieurs moyens peuvent être mis en œuvre pour y parvenir :
cadre du management multi-projets.
– partir des problèmes génériques de la société, relatifs par
Les plates-formes technologiques peuvent être internes à l’entre- exemple à la préservation des ressources naturelles qui devien-
prise ou associer des représentants de partenaires de l’entreprise nent rares (eau), à des problèmes de santé publique ou au respect
aux experts de l’entreprise. Elles diffèrent des plates-formes de pro- de l’environnement au sens large ;
jets (voir § 4.1) en ce qu’elles n’ont pas pour vocation de conduire – associer les clients pilotes, particulièrement motivés, mais
les projets d’innovation mais plutôt de les faire émerger. aussi particulièrement inventifs au processus d’émergence des
Exemple : Orange a ainsi développé OrangeLab, plate-forme tech- projets, car ils peuvent être de très bonnes sources d’idées inno-
nologique ouverte aux partenaires de l’entreprise pour faciliter l’inté- vantes directement issues de leur expérience avec les produits
gration des différents composants d’une offre nouvelle globale aux existants (moyen très utilisé dans le domaine des logiciels, et, plus
clients. largement, des services offerts sur le web) ;

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– observer le comportement de groupes sociaux « pionniers », forcément à son métier de base, il peut s’agir du maillon man-
grâce à la sociologie de l’usage qui étudie les corrélations entre quant qui fera effectivement la différence avec les concurrents.
l’appartenance à un groupe social adoptant un mode de vie nou-
veau d’une part et les préférences pour tels ou tels types de pro- • Les six fonctions du Management des Ressources Technologi-
duits d’autre part. ques (MRT)
2) Développer les fonctionnalités potentielles des inventions Morin [15] propose d’intégrer les méthodes et outils développés,
(technology push) comme nous l’avons vu, de façon séparée (veille, protection ou
capitalisation des connaissances) dans six fonctions génériques.
Des entreprises qui maîtrisent particulièrement bien certaines
technologies, déploient systématiquement les applications possi- 1) Inventorier
bles de leur savoir-faire, en autant de produits potentiels, dans une Il s’agit de caractériser l’ensemble des technologies qui exercent
démarche de création de nouveaux marchés. C’est le cas des une influence sur le ou les métiers de l’entreprise, sur sa chaîne de
entreprises déployant une stratégie d’offres innovantes telles 3M valeur.
ou Air Liquide.
2) Évaluer
3) S’appuyer sur la capacité d’innovation des salariés (innovation
participative) L’évaluation du patrimoine technologique de l’entreprise résulte
d’une comparaison (benchmark) avec les technologies mises en
L’entreprise cherche ici à favoriser l’émergence de projets œuvre par ses concurrents.
d’innovation en provenance non seulement des services spéciali-
sés de R&D et de marketing, mais aussi de l’ensemble des salariés 3) Enrichir
de l’entreprise. Ainsi, parce qu’ils sont directement concernés par La R&D interne est, bien entendu, le principal vecteur d’enrichis-
les moyens de production, les ouvriers peuvent avoir des idées de sement du patrimoine technologique de l’entreprise. Mais l’entre-
nouveaux procédés. De la même façon, les commerciaux de prise doit envisager les autres modes d’enrichissement possibles
l’entreprise, directement en contact avec les clients sont particuliè- que sont l’achat ou le partage avec d’autres entreprises. Les
rement bien placés pour trouver des idées de nouveaux produits. modes d’enrichissement qui s’offrent ainsi sont résumés dans la
Aujourd’hui, une entreprise comme Michelin par exemple, a insti- formule « Make or buy or share », la valorisation de certaines tech-
tutionnalisé « l’innovation participative », qui a même fait l’objet nologies dans les projets d’innovation ne nécessitant pas que
d’un accord entre la direction de l’entreprise et les représentants l’entreprise en soit la propriétaire exclusive.
syndicaux des salariés. 4) Sauvegarder
La propriété industrielle est ainsi une arme stratégique pour
3.2.2 Les voies d’accès aux technologies l’innovation, mais il faut aussi que chaque détenteur d’une partie
du patrimoine de l’entreprise puisse le rendre transmissible et
La maîtrise des technologies par l’entreprise est tout aussi
accessible à quiconque y est autorisé par l’entreprise, et le proté-
importante pour la construction d’offres innovantes que le choix
ger contre tout ce qui pourrait menacer son intégrité et sa capacité
de son positionnement stratégique : c’est l’objet du Management
à être un facteur de différenciation.
des Ressources Technologiques (MRT).
5) Surveiller l’environnement
Suivant Morin [15], nous appellerons Ressources Technologi-
ques (RT) d’une entreprise « les technologies dont elle dispose, ou Se prémunir contre une attaque en contrefaçon, repérer l’utilisa-
qui lui sont accessibles, pour concevoir, produire, commercialiser tion illicite par un concurrent d’une innovation protégée, mais
ses produits et services, et mettre en œuvre ses procédés ». Le aussi savoir détecter à temps les menaces ou les opportunités en
management des ressources technologiques (MRT) se définit alors émergence sont autant d’enjeux que l’entreprise ne peut espérer
comme « l’ensemble des activités et processus qui visent à conver- remporter qu’avec une veille technologique efficace.
tir en avantages concurrentiels et en atouts économiques décisifs, 6) Valoriser le patrimoine technologique
les savoirs et savoir-faire disponibles dans l’entreprise ou qui lui
sont accessibles ». Le patrimoine technologique de l’entreprise étant constitué et
géré, il s’agit de valoriser au mieux les ressources qu’il contient,
Arthur D. Little [2] a proposé une classification en RT émergen- en exploitant toutes les possibilités de différenciation qu’elles
tes (elles le sont pour toutes les entreprises), RT clés et RT de offrent : amélioration de la compétitivité sur les activités existan-
base, une ressource technologique pouvant être clé pour une tes, développement de nouvelles activités par « transfert » de tech-
entreprise et être de base pour une autre (voir tableau 5). nologies ou par combinaison de plusieurs technologies,
C’est donc à l’entreprise qu’il revient d’identifier les RT qui sont exploitation sur tous les marchés des droits de propriété indus-
clés pour ses projets d’innovation : elles ne correspondent pas trielle détenus.

Tableau 5 – Typologie des ressources technologiques selon leur impact concurrentiel [2]
Types de technologies Impact concurrentiel

Technologies émergentes Technologies qui ont le potentiel de modifier toute la base de la concurrence donc de conquérir de
nouveaux marchés ou même d’en créer de nouveaux, mais qui n’ont pas encore été mises en application
dans un produit ou un procédé.
Si ces technologies sont développées correctement, elles peuvent devenir des technologies clés.

Technologies clés Technologies les plus importantes pour le succès concurrentiel parce qu’elles offrent une possibilité
d’une différenciation significative de procédé ou de produit pour l’entreprise.

Technologies de base Technologies largement présentes dans la mise en œuvre d’une activité ; elles sont disponibles et les
différents concurrents peuvent en avoir une maîtrise équivalente.
Leur impact concurrentiel n’est donc pas décisif mais leur maîtrise est indispensable pour que l’entre-
prise soit présente et se maintienne dans son domaine d’activité actuel.

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3.3 Évaluation et sélection des projets projets d’innovation non anticipés, voire refusés par les managers,
qui devinrent des triomphes commerciaux et, inversement, des
d’innovation décisions d’investissements, parfois très lourds, qui ne se transfor-
mèrent jamais en un nouveau produit ou un nouveau procédé.
3.3.1 Le problème de l’évaluation de la rentabilité À l’heure où l’entreprise fait de l’innovation une activité
de l’innovation récurrente et stratégique, lui consacrant de plus en plus de res-
sources, il n’existe pas d’instrument d’évaluation vraiment fiable,
Évaluer la rentabilité de l’innovation, c’est évaluer ce que coû-
tant de ce qu’elle coûte, que de ce qu’elle rapporte (ou plutôt
tent les projets d’innovation à l’entreprise, mais également ce
rapportera) [17].
qu’ils lui rapportent.
■ Trois modes d’évaluation des performances de l’innovation lar- ■ Deux pistes à explorer pour une évaluation pertinente des
gement pratiqués et leurs limites performances de l’innovation

Nous présentons trois modes d’évaluation des performances de • Estimation des effets de l’introduction d’une innovation [18]
l’innovation, en fonction du type d’indicateur utilisé et du périmè- Frédéric Tomola ouvre une nouvelle piste pour apprécier, a
tre d’évaluation. Bien que très pratiqués par les entreprises, nous priori, la performance d’un projet d’innovation. Il propose d’éva-
soulignons les limites de ces modes d’évaluation. luer l’ensemble des effets de l’innovation (produit ou procédé nou-
1) Mesure des capacités d’innovation d’une entreprise, d’une veau) tout au long de son cycle de vie ; ceci en termes de coût, de
entité de l’entreprise, d’un portefeuille de projets d’innovation valeur apportée et de risque. L’appréciation, à défaut de se faire
On utilise ici des indicateurs de performances quantitatifs : par calcul, peut être réalisée par des experts.
– parts de marchés gagnées imputables aux produits innovants Cette méthode de type « ingénierique » s’apparente aux métho-
ou à fort contenu technologique ; des utilisées en sûreté de fonctionnement (arbre des causes et des
– nombre de brevets déposés, valorisés à l’extérieur ; défaillances). Elle s’inspire des principes de l’analyse de risques de
– dépenses de R&D ramenées au CA dégagé par des produits type AMDEC.
nouveaux des x dernières années ou mois ;
• Le « management optionnel » [11]
– mesure d’une satisfaction client, fondée sur le nombre de pro-
duits livrés dans les délais, le taux de retour en exploitation, etc. Dominique Jacquet propose quant à lui de manager les projets
d’innovation comme un portefeuille d’options financières.
Ces indicateurs « indirects » sont rassurants, car ils sont basés
sur des données qui ont le mérite d’être vérifiables, mais leur per- L’idée est de créer des « options », c’est-à-dire d’ouvrir des por-
tinence est limitée : tes prometteuses tout en investissant peu de ressources au départ.
– par la trop grande part de subjectivité qui rentre dans leur Il faut être prêt par contre à intensifier l’effort financier dès que
définition (Qu’est-ce qu’un produit nouveau ? Qu’est-ce qu’un pro- l’on identifie une réelle opportunité. Cela revient à tester beaucoup
duit à fort contenu technologique ? Que met-on dans une dépense de projets potentiels pour n’en retenir que quelques-uns.
en R&D ?) ; Le raisonnement en « options » est habituel chez les investis-
– par l’arbitraire qui préside souvent au choix de l’indicateur seurs financiers. Il l’est beaucoup moins chez les gestionnaires, qui
(pourquoi x produits nouveaux à lancer plutôt que y ?) ; préfèrent des projets définis dès avant leur démarrage, du début
– par le fait qu’ils mesurent des résultats ex post, et ne sont jusqu’à la fin.
d’aucun secours pour la décision de management ex ante, la plus
cruciale : quel projet d’innovation lancer ?
3.3.2 Critères d’évaluation des projets
2) Mesure de la performance des activités d’exploitation futures d’innovation
résultant des projets d’innovation
Ce mode d’évaluation est basé sur des indicateurs de type finan- Un projet d’innovation est d’abord pour l’entreprise un investis-
cier (business plan, valeur actualisée nette). Il est très utilisé, sement avant d’être une source d’activité nouvelle et/ou d’amélio-
notamment par les entreprises qui font appel aux Progiciels de ration de la rentabilité, et donc de gain. Cet investissement est de
Gestion Intégrée (PGI), ou Evaluation Review Planning (ERP). plus en plus lourd, du fait d’une part de la sophistication crois-
sante des technologies à mobiliser, et d’autre part de l’évolution
Avec de tels indicateurs, les managers ont l’impression de pren-
permanente des marchés à conquérir. Il faut donc arbitrer entre les
dre des décisions de façon rationnelle. Mais comment donner des
différents projets potentiels pour ne retenir que les meilleurs
valeurs en euros, en nombre d’unités, à des activités dont on ne
projets.
sait même pas si elles pourront être mise en œuvre, et sous quelle
forme ? Pour y parvenir, l’entreprise essaye d’évaluer pour chaque projet
3) Estimation qualitative des avantages futurs attendus des pro- d’innovation, non seulement sa rentabilité potentielle, comme
jets d’innovation nous l’avons vu (cf. § 3.3.1), mais aussi sa faisabilité technique, et
sa pertinence par rapport au marché.
Dans ce mode d’évaluation, on renonce, au contraire de l’évalua-
tion des performances, à mesurer de façon quantitative des activi- ■ Évaluer les risques d’un projet d’innovation potentiel
tés encore à venir. La première étape est celle de l’identification des risques : il
On définit, au moment où se pose la question de son lancement, s’agit de dresser une liste aussi exhaustive que possible des évé-
ce qu’attend l’entreprise du projet d’innovation potentiel en termes nements perturbateurs éventuels et des conséquences qu’ils
qualitatifs : impact commercial, capacité d’enrichissement du patri- entraîneraient.
moine technologique de l’entreprise, effet d’image sur l’ensemble
La deuxième étape consiste à quantifier les risques : tous les
des activités de l’entreprise, etc.
dangers ne sont pas à prendre en compte avec la même
On attribue ensuite une valeur au projet sur chacun de ces critè- considération ; il convient donc de les classer en fonction de leur
res. Les décisions seront prises dans le cadre d’une évaluation criticité.
multicritères, sans agrégation ni pondération (voir § 4.3 efficience
de l’instrumentation). ■ Choisir les projets à lancer
Les exemples d’erreurs d’appréciation commises par les mana- La décision de lancement d’un projet d’innovation appartient à
gers face aux décisions à prendre sur les projets futurs abondent : la direction de l’entreprise.

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Pour pouvoir comparer les projets d’innovation entre eux et 3.4.2 Construire le référentiel de gestion
choisir les projets à lancer, le comité de direction développe des du projet
outils d’aide à ce type de décision plus ou moins formalisés, allant
de la simple Check List aux logiciels capables de traiter des quanti- La décision de lancer le projet est prise. Le chef de projet est
tés importantes de données à l’aide de modèles de type financiers nommé, le groupe de projet constitué.
probabilistes et reposant sur des méthodes d’évaluation multicritè- C’est à ce moment-là que le chef de projet construit le référentiel
res et de scoring. de gestion du projet, qui se compose de trois éléments [10] :
Ce n’est pas forcément le projet qui présente en moyenne le – la clarification et la structuration du projet ;
plus d’avantages (et le moins d’inconvénients) qui sera retenu par – le planning prévisionnel du projet ;
le comité de direction. En effet, selon que l’entreprise, par exem- – le budget prévisionnel du projet.
ple, sera dans une situation financière critique ou non, le critère de
rentabilité sera plus ou moins important dans la décision. De ■ Clarifier et structurer le projet
même, selon que l’entreprise est leader ou challenger sur son mar- Le chef de projet doit d’abord clarifier la mission qui lui est con-
ché, le critère d’avantage stratégique concurrentiel n’aura pas le fiée, en termes :
même poids par rapport aux autres critères. – de responsabilités et de marges de manœuvre ;
– d’objectifs à atteindre ;
– de contraintes pesant sur le projet ;
3.4 Définition et réalisation des projets – de moyens mis à sa disposition.
d’innovation Pour répondre à ces questions, tout au moins pour y apporter
les réponses connues au moment de démarrer le projet, le chef de
À partir du moment où les projets d’innovation à lancer ont été projet établit un document, la note de clarification du projet.
choisis par la direction générale de l’entreprise, il s’agit d’appliquer Les éléments figurant dans la note doivent être connus de tous
à chaque projet innovant les techniques de gestion de projets [20]. les acteurs du projet, dès son lancement. Ne doivent pas figurer
dans une note de clarification des anticipations, encore moins des
3.4.1 Définir et lancer le projet d’innovation souhaits personnels du chef de projet qui ne seraient pas validés
par tous les acteurs, et, en tout premier lieu, par le commanditaire
■ Élaboration du cahier des charges du projet.
Le cahier des charges d’un nouveau produit, ou d’un nouveau Les principales méthodes de structuration de projet sont les
procédé, est l’outil indispensable de pilotage des phases de suivantes :
conception et de réalisation qui suivent le lancement du projet. – l’Organigramme du Produit (OP) ou Product Breakdown Struc-
Il donne la description la plus précise possible que l’on puisse ture (PBS) ;
faire, à ce stade, du futur produit ou procédé finalement retenu. Il est – le Processus de Déroulement du Projet (PDP) ;
d’autant plus important que les intervenants dans le projet sont – l’Organigramme des Tâches (OT) ou Work Breakdown Struc-
nombreux, a fortiori s’ils appartiennent à des entreprises différentes. ture (WBS) ;
– l’Organigramme Fonctionnel du Projet ou Organisation
■ Nomination du chef de projet et constitution de l’équipe projet Breakdown Structure (OBS).
Un projet commence comme un défi, qui prend forme parce ■ Préparer le contrôle des délais : construction du planning pré-
qu’une personne, ou un groupe de personnes, a été capable de visionnel
persuader la direction générale de son intérêt. Mais il ne devient
Le planning prévisionnel sert à définir le référentiel qui permet-
un résultat d’innovation (nouveau produit ou nouveau procédé) tra au chef de projet de contrôler l’avancement du travail. C’est
que parce que d’autres personnes se mobilisent pour le réaliser l’élément de base pour le contrôle des délais, pour la planification
concrètement : le chef de projet et son équipe. des ressources et également pour le contrôle des coûts puisqu’en
Le chef de projet doit coordonner le travail de l’équipe projet. Il est déduite la courbe budgétaire prévisionnelle du projet.
est responsable de l’atteinte des objectifs du projet et du respect L’établissement du planning prévisionnel comporte les opéra-
de ses contraintes : qualité du produit résultant, budget, délais. tions suivantes :
Il est possible que le chef de projet choisisse lui-même les mem- – estimer les durées des tâches ;
bres de l’équipe projet, mais il est plus fréquent qu’il soit amené à – définir les contraintes d’enchaînement entre les tâches telles
négocier avec les responsables métiers la mise à disposition des que définies par l’Organigramme des Tâches (OT) ainsi que les
ressources humaines dont il a besoin. Dans certains cas, le risque principaux jalons du projet ;
de non-disponibilité des compétences requises, pourtant présentes – définir et dater les jalons importants pour le projet (elles mar-
dans l’entreprise, le conduira à préférer la sous-traitance. quent une prise de décision par le commanditaire, un événement
pouvant remettre en cause la suite du projet comme une autorisa-
Dans la majorité des cas, le chef de projet n’a pas d’autorité hié- tion administrative à obtenir) ;
rarchique directe sur les membres de l’équipe ainsi constituée. Il
– définir les ressources disponibles avec la durée et le calendrier
doit faire admettre ses décisions en développant des qualités de leur disponibilité ;
d’écoute, d’animation, de négociation. – affecter les ressources aux tâches ;
Le chef de projet informera les membres de l’équipe des objec- – contrôler la compatibilité entre le calendrier de disponibilité
tifs à atteindre et des contraintes à respecter. Avoir un même des ressources et l’enchaînement et la durée des tâches du projet,
niveau d’information pour tous les membres de l’équipe est une éventuellement réaménager l’enchaînement des tâches et/ou rené-
condition de la réussite future du projet. gocier leur durée.
Pour fixer un cadre de travail commun, il convient aussi de défi- Les deux outils les plus utilisés pour la construction du planning
nir des règles du jeu qui devront être respectées par tous, en d’un projet sont :
matière de circulation de l’information, de mode de prise de déci- – les réseaux PERT (Program Evaluation and Review
sion, de suivi, et d’évaluation de la contribution de chaque mem- Technique) ;
bre de l’équipe au projet. – le diagramme à barres ou diagramme de Gantt.

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■ Préparer le contrôle des coûts : élaboration du budget du projet Dans un projet d’innovation, les conflits sont inévitables, compte
Le coût du projet correspond à la valorisation financière de tenu de la pression exercée, de l’engagement de chacun et de la
l’engagement des ressources sur le projet. Le budget du projet diversité des profils.
résulte de l’imputation sur chacune des tâches du projet (voir ci- ■ Capitaliser les acquis à la clôture du projet
dessus structuration du projet) des ressources internes à l’entre-
prise qu’il consommera (coûts calculés), et des achats qu’il Les principales tâches à la charge du chef de projet à cette der-
nécessitera à l’extérieur (devis des fournisseurs et sous-traitants). nière phase du pilotage sont :
– la préparation et la diffusion d’un rapport d’évaluation et d’un
rapport de gestion des avantages à tirer du résultat du projet,
3.4.3 Mener à bien et clôturer le projet l’objectif étant de retirer tous les enseignements utiles à d’autres
■ Vérifier le bon avancement du projet : le contrôle des délais, de projets par la suite ;
la qualité et des coûts – l’archivage de la documentation sur le projet, en ménageant
plusieurs voies d’accès aux documents du projet.
Tout au long de la réalisation du projet, le problème du chef de
projet est de faire en sorte que le triptyque d’objectifs délai/qualité/ La capitalisation sur le produit du projet s’effectue à deux
coût soit respecté : niveaux : au niveau du projet lui-même, au niveau de l’entreprise.
– Le produit sera-t-il conforme aux exigences du L’expérience acquise peut être mise à profit en particulier pour
commanditaire ? affiner l’évaluation des délais et des coûts sur les projets ulté-
– Le délai fixé pour le projet sera-t-il respecté ? rieurs, pour dresser une liste des risques encourus sur laquelle on
– Les consommations de ressources seront-elles celles prévues pourra s’appuyer lors des futures analyses, etc.
dans le budget prévisionnel du projet ?
■ Contrôler les délais
Régulièrement, le chef de projet évalue le travail accompli. Il 4. Conclusion : les trois
demande aux responsables de tâches où ils en sont. Il mesure des
indicateurs et visualise l’avancement du projet sous la forme de facteurs clés de succès
tableaux, diagrammes, etc.
des projets d’innovation
■ Contrôler le respect de l’objectif qualité (gestion de la confi-
guration)
On peut classer les facteurs clés de succès des projets d’innova-
Le chef de projet doit vérifier tout au long de la réalisation du tion en trois grandes catégories :
projet : – la pertinence de la sélection des projets innovants par rapport
– que le produit a toutes les chances de satisfaire son utilisateur à la stratégie de l’entreprise ;
dans les conditions d’utilisation prévues ; – l’articulation de la gestion des compétences à la gestion de
– que le produit en cours d’élaboration est bien conforme aux l’innovation ;
exigences du commanditaire du projet. – l’adéquation des instruments de gestion des projets d’innova-
La gestion de la configuration d’un produit (ou d’un procédé) tion mis en œuvre.
vise à :
– documenter les états successifs du produit (procédé) en gesta-
tion dans le projet, de telle façon qu’il soit toujours possible aux 4.1 Pertinence stratégique des projets
différents intervenants du projet de s’y référer pour réaliser les d’innovation
tâches prévues ;
– renseigner les futurs clients et/ou usagers du produit (surtout Les entreprises doivent chercher à lancer des projets pertinents
lorsqu’ils sont maître d’ouvrage du projet) qui peuvent estimer d’un point de vue stratégique et réciproquement, à nourrir la
nécessaire de connaître en permanence la définition et les condi- réflexion sur leur politique de recherche, développement et d’inno-
tions d’emploi du produit ou du service. vation à partir des projets.
■ Contrôler les coûts Le tableau 6 reprend les différents types de stratégies que
l’entreprise peut adopter (voir § 2.1), et les projets d’innovation
Le chef de projet enregistre le coût des ressources consommées pertinents pour mettre en œuvre ces stratégies.
(humaines, matérielles, financières) sur le projet, les compare aux
prévisions (les référentiels de coût sont le budget prévisionnel et la Pour mieux articuler le management des projets d’innovation à
courbe budgétaire), constate et analyse les écarts, cible les causes la stratégie de l’entreprise, il convient que les managers aient en
de dérive et choisit les actions pour réagir. permanence une vision globale et structurée de l’ensemble des
projets d’innovation de l’entreprise. C’est pourquoi les groupe-
■ Réagir face aux dérives constatées, et aux aléas subis ments de projets deviennent des objets de gestion en eux-mêmes.
En cas de dérive constatée par rapport aux objectifs de coûts, de Le plus utilisé de ces groupements est le portefeuille de projets,
délais et de qualité, le chef de projet propose des mesures correc- mais les « plates-formes » de projets et les « trajectoires » (ou
tives. Lorsque le chef de projet constate une dérive par rapport à « lignées ») de projets commencent à être pris en considération
ses estimations de coûts et de délais, il doit analyser la cause de la par les managers [8].
dérive, projeter les effets dans le futur de ces dérives sur les objec- ■ Management des projets d’innovation en portefeuille
tifs (coût, délai, qualité), réévaluer régulièrement ses prévisions,
anticiper et prendre des décisions. Si nécessaire, le chef de projet Un portefeuille de projets est un ensemble constitué des projets
fait évoluer le référentiel de gestion du projet. d’une même entité (l’entreprise ou une subdivision de l’entre-
prise), ou présentant une ou plusieurs caractéristiques communes
■ Manager le groupe de projet (type de projets, état d’avancement des projets, etc.).
Le management du groupe de projet est un facteur clé de succès Le management des projets d’innovation regroupés en porte-
des projets. En plus des revues de projet prévues dans le cadre du feuille, permet de trier, de hiérarchiser les projets entre eux, et de
« reporting » au maître d’ouvrage, le chef de projet doit prévoir mieux équilibrer la répartition des ressources humaines et finan-
plusieurs types de réunions internes à l’équipe projet. cières entre les différents projets.

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Tableau 6 – Matrice d’articulation des projets d’innovation aux stratégies d’entreprise

Type de projet d’innovation

Produit ou service Façon de faire


Type de stratégie d’entreprise
Innovation Innovation Innovation Innovation
de rupture d’application de rupture d’application

Domination par Mise en place Mise en place d’une


les coûts d’une façon de façon de faire amé-
faire nouvelle liorée

Différenciation Lancement d’un Lancement d’un


Marché actuel
produit ou ser- produit ou service
de l’entreprise
vice nouveau amélioré

Focalisation Lancement d’un Mise en place d’une


produit ou service façon de faire
amélioré améliorée

Diversification Lancement d’un


produit ou ser-
vice nouveau
Marché nouveau
pour l’entreprise
Création de marché Lancement d’un
produit ou ser-
vice nouveau

■ Management des projets d’innovation en « plate-forme »


Pour augmenter la diversité des produits nouveaux qu’elle lance Connaissances Connaissances Connaissances Connaissances
sur le marché, tout en préservant ses gains de productivité obte- techno 1 techno 2 techno 3 techno 4
nus par les économies d’échelle et l’apprentissage, les entreprises
cherchent à utiliser un même composant dans de nombreux pro- T1
duits au lieu de le limiter à un seul produit. Ce partage de compo-
S1 Connaissances
sants entre les produits et, par conséquent, entre les projets
d’innovation, permet de diminuer les délais, les coûts de dévelop- de marché 1
pement (grâce à une réduction du nombre de prototypes par
exemple) et les coûts tout au long de la chaîne logistique. Connaissances
Il existe deux types de plates-formes [9] : de marché 2
– la plate-forme propriétaire qui est développée, utilisée et com-
S2T3
mercialisée par une entreprise ou un groupe d’entreprises dont les Connaissances
produits et services se complètent, et qui sont liées par des rela- de marché 3
tions de partenariat ;
– la plate-forme ouverte qui est développée par une entreprise,
qui devient leader de plate-forme, mais qui est utilisée par un Connaissances
de marché 4
réseau d’entreprises pour développer des produits dérivés et des
produits complémentaires.

■ Management des projets d’innovation en « trajectoires » ou Trajectoire linéaire de perfectionnement


« lignées » Trajectoire en pivot technologique et de marché
Selon Ben Mahmoud-Jouini [3], une trajectoire est « un ensem-
ble de projets de développement articulés selon les connaissances Figure 11 – La mise en œuvre des trajectoires [3]
qu’ils nécessitent ou qu’ils génèrent » (voir figure 11).
On distingue deux types de trajectoires :
4.2 Gestion des compétences
– les trajectoires linéaires de perfectionnement, dont les diffé-
rents projets nécessitent un même type de connaissances, que ces L’adaptation de l’entreprise à l’évolution des marchés comme à
connaissances soient relatives à un marché ou à une technologie l’évolution des technologies pose le problème de la valorisation
(trajectoires S1 et T1 sur la figure 11) ; des compétences de ses salariés. On voit bien que l’entreprise se
– les trajectoires à pivot de diversification, dont les projets doit de lancer des produits nouveaux si ses produits ne sont plus
s’appuient tour à tour sur des connaissances concernant l’espace demandés. Mais que se passe-t-il alors avec les salariés qui ont été
des marchés et/ou des technologies (trajectoire S2T3 sur la embauchés pour leurs compétences sur les produits devenus
figure 11). obsolètes ?

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Phase 0 Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase 4 Phase 5


Exploration Évaluation Acquisition Simulation Industrialisation Commercialisation
Jalon go/no go de la faisabilité des données de procédé Jalon go/no go
de base Jalon go/no go

Figure 12 – Schéma d’un « pipe-line » de projets d’innovation d’une entreprise de chimie de spécialités [10]

L’entreprise doit savoir sélectionner ses salariés en fonction de Par exemple, les entonnoirs (pipe-line, funnel) sont de plus en
leur aptitude à acquérir les compétences clés, les pousser ensuite à plus utilisés dans les grandes entreprises ayant à développer un
adapter constamment ces compétences pour satisfaire aux besoins grand nombre de projets d’innovation simultanément.
des projets d’innovation, puis à les transmettre aux autres salariés
Les entonnoirs permettent de visualiser l’ensemble des projets
de l’entreprise, dans le cadre de la gestion des activités métiers.
d’un groupement, en fonction de leur avancement dans le temps
La fonction gestion des ressources humaines perd trop souvent (voir figure 12). Les projets sont représentés par des bulles
de vue les salariés qui sont détachés provisoirement dans un pro- colorées, dont on peut faire varier la taille et la couleur en fonction
jet. Les relations entre les acteurs projet et les acteurs métiers ne des critères choisis par les managers (chiffre d’affaires ou profits
sont pas toujours bonnes, or c’est le plus souvent le supérieur hié- espérés de la réalisation du projet, type de projet, catégorie de
rarchique métier qui garde la maîtrise de l’évaluation individuelle risque encouru, etc.).
de tous les salariés.
L’apport des Technologies de l’Information et de la Communica-
Une bonne façon de faire serait de reconnaître les compétences
tion (TIC) à l’instrumentation du management de l’innovation, est
acquises pendant la pratique du projet soit directement par l’intro-
duction d’un critère projet dans les évaluations individuelles, soit considérable :
indirectement par une évolution plus rapide vers d’autres respon- – baisse des temps nécessaires pour traiter l’information ;
sabilités opérationnelles ou fonctionnelles. – extension des capacités de stockage de l’information ;
– possibilité de faire des simulations, ce qui permet des échan-
ges beaucoup plus fréquents entre les concepteurs, des itérations
4.3 Efficience de l’instrumentation plus nombreuses.
Les gains de productivité peuvent être considérables pour les
Il existe une grande variété d’outils de management disponibles.
entreprises. Le développement des TIC permet aujourd’hui de dis-
Certains ont été conçus spécifiquement pour le management de
l’innovation, soit pour le niveau des groupements de projets (por- poser de véritables systèmes d’information intégrant plusieurs des
tefeuilles, plates-formes, trajectoires), soit pour le niveau de cha- outils que nous venons d’évoquer, et peuvent être une aide pré-
que projet d’innovation. Certains concernent seulement telle ou cieuse dans au moins trois domaines du management des projets
telle phase de l’évaluation, du lancement, et de la réalisation des d’innovation :
projets, d’autres, au contraire s’appliquent à l’ensemble du proces- – la veille technologique et l’intelligence économique ;
sus d’innovation. – la gestion des connaissances (Knowledge Management) ;
Les autres outils sont, soit des outils non spécifiques mais très – le travail coopératif dans les équipes projets.
utiles au management des projets (analyse d’un segment de mar-
ché potentiel par exemple), soit des outils qui ont été adaptés à la ■ Les Systèmes de Veille et d’Information Stratégique (SVIS)
problématique particulière du management de l’innovation. Il s’agit de surveiller tous les événements actuels et, si possible,
Citons certains des outils les plus utilisés : en émergence (signaux faibles), susceptibles d’avoir une influence
– matrices atouts-attraits d’évaluation des compétences clés ; sur les positions actuelles de l’entreprise et dont l’analyse pourrait
– entonnoir pour un ensemble de projets (« pipe-line, funnel ») ; la conduire à innover [22].
– logiciel de gestion de projet (dont diagrammes de Gantt et L’activité critique d’un SVIS est la collecte de l’information :
PERT) ; celle-ci porte en effet sur des domaines très variés (scientifique,
– test d’excellence technologique [15] ; technique, socio-économique), et peut se trouver sous des formes
– TRIZ [21]. elles aussi très variées.

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________________________________________________________________________________ MANAGEMENT STRATÉGIQUE DES PROJETS D’INNOVATION

L’entreprise devra également veiller à se donner les moyens de La coordination dans une équipe projet peut ainsi prendre plu-
tirer profit de la veille effectuée par ses membres. sieurs formes : réunion, coprésence ; mais aussi, communication à
distance (vidéoconférence), courrier électronique, etc.
■ Les SI d’aide à la gestion des connaissances (Knowledge Mana-
gement) Le groupe de travail n’existe que de façon discontinue (pendant
les coprésences) mais, grâce aux technologies de la communica-
Les dispositifs de numérisation de l’information devraient appor- tion, des individus peuvent, en dehors des réunions ou des ren-
ter aux organisations des moyens extrêmement puissants de capi- contres « virtuelles », avoir des conversations à distance, échanger
taliser, de structurer, de partager et de diffuser les connaissances. des textes, des images, partager des documents de travail.
Il faut distinguer deux types de systèmes d’aide à la gestion des
Mais l’utilisation mal maîtrisée des dispositifs de traitement élec-
connaissances :
tronique de l’information comporte des risques de saturation
– les systèmes à base de données, pour lesquels la connaissance cognitive et/ou de déresponsabilisation des managers, et de stan-
est un objet susceptible d’être collecté, stocké, puis réutilisé par dardisation excessive pouvant nuire à la créativité.
d’autres que par son créateur ;
– les systèmes où la connaissance est un processus essentielle- D’où la nécessité de bien choisir l’instrument adéquat par rap-
ment social : le système se contente d’identifier les sources de port à la configuration de management des projets d’innovation
connaissances et de mettre en contact le détenteur et le deman- dans laquelle on se trouve au moment de faire les choix et de
deur de connaissance. prendre les décisions.
N’oublions pas pour conclure que l’outil n’est pas une fin en soi
■ Les SI d’aide au travail coopératif dans les projets d’innovation mais un moyen d’obtenir de l’information. La complexité de l’outil
Les groupes de projets peuvent utiliser des technologies numéri- d’une part et la difficulté pour l’utilisateur de s’approprier un rai-
ques d’information et de communication comme aide à la coopé- sonnement sous-jacent à l’outil d’autre part, sont des éléments à
ration et à la coordination entre leurs membres. prendre en compte dans la mise en œuvre des outils.

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