Du Tibet à la Russie, de la Chine à l'Inde, légendes et textes sacrés se recoupent sur l’existence d’un royaume
luxuriant enclavé dans les contreforts himalayens abritant des hommes et des femmes de grande sagesse.
Shambhala existe-t-il réellement ?
MYTHE
On l’appelle Djang Shambhala ou Shambhala du Nord. Plusieurs générations de religieux tibétains ont confirmé
l’existence de cette vallée d’une grande beauté, ceinturée de montagnes enneigées, aux confins du Tibet et de la
Mongolie. Au cours du XIX° et du XX° siècle, plusieurs équipes d’exploration séjournant dans l’Himalaya ont
rapporté avoir campé auprès de sources d’eau chaude alimentant une végétation luxuriante dans des endroits
autour desquels il n’y avait que désolation, roche et glace. Cependant, la localisation de cet endroit énigmatique
alimente toujours la spéculation.
Et pour cause, Shambhala entant que lieu saint sur Terre semble demeurer inaccessible aux voyageurs
inexpérimentés et dépourvus d’un certain entraînement spirituel. Cet article propose d’explorer le mystère de
Shambhala selon différentes approches. Il ne s’agit pas ici de privilégier une interprétation du mythe, mais plutôt
d’en faire partager la déroutante saveur. Que ce soit les récits et la peinture de Nicholas Roerich ou l’étude de la
littérature sacrée tibétaine, chaque approche prodigue detroublants éclairages. En croisant les perceptions,
ressentis et expériences des uns et des autres, nous essaierons d’effleurer au plus près le mystère de la Terre de
Shambhala.
1- Quand l’Occident rencontre l’Orient
Les premières mentions du royaume de Shambhala dans la littérature occidentale remontent à la fin du XIX°
siècle. À l’époque, le nouvel Empire des Indes suscite l’engouement de riches Occidentaux et de chercheurs en
quête d’exotisme. En traduisant et en vulgarisant différents corpus de textes sacrés, ces derniers vont permettre au
public occidental de se saisir des principaux mythes et philosophies légués par l’Orient.
Shambhala fait partie de ces mystères qui ont été l’objet de convoitise et de bon nombre de spéculations en
Occident. Pendant des décennies, des explorateurs et des chercheurs se sont aventurés sur les hauts plateaux
himalayens pour tenter de localiser cet illustre royaume. Si toutes les explorations connues à ce jour se sont
soldées par des échecs, certaines ont contribué à étoffer notre connaissance sur les manifestations du mystère de
Shambhala. C’est à ce titre que nous nous pencherons sur l’œuvre de Nicholas Roerich (1874-1947), peintre,
écrivain et explorateur russe. Roerich, qui a consacré sa vie à la compréhension de cet Orient si complexe et
subtil, nous lègue à travers ses écrits et ses toiles un patrimoine rare et d’une grande beauté.
Un jour, vers midi, quatre d’entre nous roulaient en voiture sur une route de montagne.
Soudain, notre chauffeur a ralenti. Sur la route étroite, nous avons vu une litière portée par
quatre hommes en gris. Dans la litière était assis un lama avec de longs cheveux noirs et une
courte barbe noire, ce qui est absolument inhabituel chez les lamas. Il portait une couronne
sur la tête. Ses vêtements rouges et jaunes étaient d’une propreté étincelante. La chaise à
porteurs est passée toute près de nous et le lama nous a souri et nous a salués de la tête
plusieurs fois. Nous avons poursuivi notre route, non sans conserver longtemps une vive
impression del’étrange lama. Plus tard, nous avons essayé de le retrouver, mais à notre grand
étonnement, les lamas locaux nous ont informés qu’iln’y avait pas de lama de ce genre dans
tout le district. Ils nous ont dit que les litières ne servent à porter personne d’autres que le
Da-laï Lama, le Tashi Lama et les morts de haut rang, et que la couronne n’est utilisée que
dans le temple. Les lamas nous ont dit tout bas : “Vous avez probablement vu un lama de
Shambhala!
Dans Le cœur de l’Asie, Nicholas Roerich retranscrit un autre événement marquant survenu en Chine, lors du
passage de son expédition près du Mont Humboldt (6 343 mètres).
Une matinée ensoleillée et sans nuage. Le ciel bleu brille. Au-dessus de notre camp vole un
énorme vautour noir. Nous le regar dons avec nos Mongols. Soudain, un des lamas bouriates
désigne un point du ciel bleu : “Qu’est-ce que c’est ? Un ballon blanc ? Un avion ? Nous
voyons un objet brillant, volant très haut, du nord-est vers le sud. Nous prenons dans les
tentes trois paires de puissantes jumelles pour observer cet énorme corps sphérique qui
resplendit à côté du soleil. Il se détache nettement sur le fond bleu du ciel et avance à très
grande vitesse. Nous le voyons ensuite changer brusquement de direction, passant de sud à
sud-ouest. Puis il disparaît derrière la chaîne Humboldt aux pics enneigés. Tout le camp a
Dans son livre Magie et Mystère au Tibet, A. David-Néel décrit Shambhala comme étant un royaume « non
amarré au temps et à l’espace comme nous le sommes ».
Citons également ans les écrivains français Daniel Meurois et Anne Givaudan qui, dans Le Voyage à Shambhalla,
proposent une interprétation du rôle du Royaume et de ses habitants auprès de la terre et des hommes. Les pages
qui composent ce livre sont le fruit d’un travail de projection de conscience hors du corps physique, et sont donc
par défnition invérifables scientifquement. Néanmoins, les informations qu’elles nous délivrent présentent
l’intérêt de questionne rnotre condition d’humain. Comme le précisent ses auteurs, Le Voyage à Shambhalla n’est
« rien d’autre qu’un appel de l’Homme à l’homme ».
7- AUX ORIGINES DU MYTHE: Le tantrisme tibétain
l’origine retranscrit par le Roi de Shambhala, le Tantra de Kalachakra a été diffusé en Orient
à partir du XI° siècle de notre ère. Appelant à la compassion et à l’amour de tous les êtres, le Tantra de Kalachakra
prophétise également la fin prochaine d’un cycle, de notre cycle. Lors de cet événement funeste, le royaume de
Shambhala et notre univers terrestre seront appelés, unenouvelle fois, à se rencontrer…
Shambhala se cacherait aux confins de la Mongolie, du Tibet et du désert de Gobi
Le mythe de Shambhala plonge ses racines dans la tradition tantrique du bouddhisme tibétain. Il est lié à
l’énonciation par le Bouddha historique Shakyamuni d’un tantra bien particulier, le Tantra de Kalachakra, terme
signifiant « Roue du Temps » en sanskrit. Le dépositaire
de l’enseignement de Kalachakra par le Bouddha n’est autre que le souverain de Shambhala en personne, le roi
Suchandra, Seigneurde la lune parfaite en sanskrit.
Selon Sofia Stril-Rever, auteur du Tantra de Kalachakra, le Livre du corps subtil « le Tantrade Kalachakra s’ouvre
avec une strophe dans laquelle le roi Suchandra présente sa requête de l’enseignement au Bouddha. Et dans
plusieurs strophes, à des points différents du développement de l’enseignement, le Bouddha s’adresse au roi et
l’interpelle. »
L’enseigne-ment de Kalachakra ayant été réalisé par le Bouddha de son vivant, le Tantra de Kalachakra s’inscrit
donc dans une époque historiquement déterminée.
Le roi Suchandra constitue donc notre lien initial avec le royaume de Shambhala. Néanmoins, comme le précise
Sa Sainteté le Dalaï Lama, la singularité de l’enseignement de Kalachakra réside dans le fait qu’il a été transmis
par Bouddha à des êtres se trouvant dans un état mystique de karma et de perception purs .
Kalachakra
Le royaume du roi Suchandra n’étant pas à proprement parlé un lieu terrestre, Shambhala n’est ni archivé dans
nos chroniques, ni identifiable dans un atlas de géographie. La situation d’énonciation étant reliée à un espace-
temps dont les coordonnées nous échappent, l’inscription temporelle de l’énonciation de Kalachakra demeure
donc incomplète.
Pour les bouddhistes tibétains, l’enseignement de Kalachakra est karmiquement relié au royaume de Shambhala.
Et c’est avec la transmission du Tantra de Kalachakra que, comme l’indique Sofia Stril-Rever, notre monde a
touché le monde de Shambhala, que notre histoire a touché l’histoire de Shambhala et que notre karma humain a
touché le karma de la société des Éveillés de Shambhala.
Effectuée sur la base du Tantra, cette connexion n’a cessé d’évoluer au cours de notre histoire qui se trame en
parallèle à l’histoire de Shambhala.
D’après l’enseignement de Kalachakra, le roi Suchandra est un bodhisattva, c’est-à-dire un être qui a renoncé à la
libération (devenir bouddha) par ultime compassion afin d’aider tous les êtres à avancer sur la voie de la
délivrance. Les bodhisattvas sont une forme intermédiaire entre le Bouddha et les êtres humains. De manière
générale, les bodhisattvas ont un rôle spirituel, celui d’éveiller au respect du Dharma ou ordre cosmique naturel.
Ils n’interviennent donc pas directement dans la destinée des peuples. Lorsque cet ordre est gravement menacé, les
souverains de Shambhala manifestent dans l’histoire humaine leur puissance courroucée. Après avoir reçu
l’initiation de Kalachakra, Suchandra retourna dans son royaume afin de retranscrire les enseignements du
Bouddha. Il composa un Tantra-racine en sanskrit de 12 000 strophes, le Parama di buddhatantra, ou Tantra du
Bouddha primordial suprême . Suite à cela, il fit construire un grand mandala de Kalachakra au sud de sa capitale,
Kalapa, puis initia les habitants de Shambhala aux enseignements de Kalachakra. Cette transmission fut
déterminante pour l’évolution de la société de Shambhala.
8- La lignée des rois kalkin
À Suchandra succédèrent six rois dont nous ne connaissons rien sauf pour le dernier d’entre eux, Manjushri-
Yashas, appelé Manjukirti par les Tibétains.Sous le règne de Manjushri-Yashas, la société de Shambhala, alors
divisée en quatre castes, connutun schisme. L’une descastes de Shambhala,tentée par le brahmanisme, décida de
partir en Inde afin d’étudier le védisme pour le réintroduire ensuite à Shambhala. Mais le Manjushri-Yashas su
convaincre
les habitants de renoncer à leur projet et de recevoir de lui les enseignements deKalachakra. La société de
Shambhala en fut profondément transformée puisque les quatre castes furent fondues en une seule famille. Dès
lors, le roi Manjushri Yashas prit le nom de roi kalkin, rigden en tibétain, titre que portèrent également ses
successeurs.
S’intéressant aux origines de la race allemande, la société Thulé considère l’Asie centrale comme le berceau de la
race dite aryenne et une poignée de ses descendants directs vivraient encore dans une contrée reculée: le royaume
de Shambhala.
Entre 1926 et 1943, certaines sociétés occultes allemandes – dont la société Thulé – organisent plusieurs
expéditions au Tibet. La plus connue a eu lieu en 1938 sous l’égide de l’Ahnenerbe, institut de recherche nazi créé
en 1935 et dédié à l’étude du pangermanisme aryen.
D’après un rapport de Trevor Ravenscroft, militaire et écrivain britannique, le but de ces expéditions répétées
étaient d’établir et de maintenir un contact avec les habitants de Shambhala, afinde récupérer leur pouvoir et de le
détourner au profit de la création d’une super race aryenne.
D’après Ravenscroft, les êtres de Shambhala refusèrent d’apporter leur assistance.
Parmi les courants adeptes d’une version édulcorée du Shambhala bienveillant, Alexander Berzin cite la Société
théosophique fondée en 1875 par Héléna Blavatsky. Issuede la noblesse russe, Héléna Blavatsky (1831-1891) a
parcouru le monde à la recherche d’enseignements occultes et séjourna de nombreuses années sur le subcontinent
indien.
Entre 1867 et 1870, elle prétend avoir étudié le bouddhisme tibétain auprès de différents maîtres au monastère de
Tashilhunpo, au Tibet.
La connaissance des Européens de la culture tibétaine n’en étant qu’à ses balbutiements à l’époque, elle décide de
traduire les fragments de textes auxquels elle a eu accès et d’en expliquer les concepts de base en les mélangeant à
d’autres concepts issus de l’hindouisme et de l’occultisme. Blavatsky était convaincue que l’ensemble des
enseignements ésotériques des religions du monde entier ne formait qu’un seul et même corpus de connaissances
occul-es, d’où le syncrétisme qu’elle réalise dans ses écrits entre les différentes traditions. En 1888, Héléna
Blavatsky mentionne pour la première fois le nom de Shambhala dans son œuvre principale, La Doctrine secrète.
En ce qui concerne la partie portant sur Shambhala, Blavatsky affirme ne faire que retranscrire des enseignements
qu’elle a reçus de ses maîtres par télépathie. On ignore donc dans quelle mesure Héléna Blavatsky a effectivement
étudié les textes du Tantra de Kalachakra.
D’après Alexander Berzin, La Doctrine secrète a joué un rôle majeur dans l’association, puis dans la confusion,
entre Shambhala et occultisme auprès du public occidental. De fait, Blavatsky, on le sait aujourd’hui, affabulait à
l’envi, mais son empreinte resta très forte, Roerich n’étant pas l’un de ses moindres lecteurs.
11- conclusion
A. Berzin poursuit son énumération des interprétations fausses du mythe de Shambhala en citant le cas d’Alice
Bailey (1880-1949). Cette théosophe britannique, médium de son état, prétendait capter des messages
télépathiques et recevoir des lettres d’un mystérieux maître tibétain. Après avoir brigué sans succès la présidence
du mouvement théosophique, elle fonde en 1920 The Lucifer Trust aux États-Unis. Ses lectures et ses écrits ont
par la suite donné naissance au mouvement New Age.
Dans Initiations humaine et solaire (1922), Lettres sur la Méditation Occulte (1922), Traité sur le Feu cosmique
(1925) et Traité sur la Magie Blanche(1934), Bailey écrivit abondamment sur la Force de Shambhala .
Cette dernière considérait le royaume comme le « siège du Feu cosmique ». Ce feu, qu’elle associait à Lucifer,
était une force destructrice mue par la volonté d’annihiler toutes formes d’enseignement dégénéré (comprendre «
autre que celui du Feu cosmique ») et l’établissement d’un Nouvel Âge pur. La Force de Shambhala, explique
Alice Bailey, est l’énergie hautement volatile qui constitue notre volonté. En soi, cette énergie peut être
extrêmement destructrice et être source du « Mal ». En revanche, les initiés, inspirés par la volonté divine, peuvent
exploiter cette force dans le but de réaliser le Bien ultime.
À Shambhala, une hiérarchie présidée par Maitreya est chargée de protéger la Force, et le moment venu, initiera
les plus avancés au Mystères des Âges, au Plan.Alexander Berzin déplore ici une interprétation à la fois
manichéenne et messianique du mythe de Shambhala, bien loin de l’enseignement prodigué par le Tantra
Kalachakra.
Shambhala reste donc drapée dans son mystère…
VIDEO PHOTOGRAPHIQUE
Peinture de Nicholas Roerich.
Sur la route de la soie, il existe de nombreuses légendes et récits mythiques ou historiques qui décrivent
l'existence d'un royaume de Paix et de Justice, nommé le royaume de Shambhala.
Dans l'initiation du Kalachakra où il est invoqué tout particulièrement, un tel royaume est souvent considéré
comme le coeur du monde, tant physiquement que spirituellement. Le sens de ce centre spirituel établi dans le
monde terrestre est de "conserver intégralement le dépôt de la tradition sacrée, d'origine non humaine
(apaurushêya), par laquelle la Sagesse primordiale se communique à travers les âges à ceux qui sont capables de la
recevoir.
L'évocation du Royaume de Shambhala a eu et a toujours une extraordinaire résonance dans toute l'Asie
bouddhique sous influence tibétaine. Apparaît alors l'image d'un pays mystérieux, sacré, centre exceptionnel de
spiritualité, sanctuaire mystique dont le prêtre-roi accorde une initiation très secrète; le rôle futur de ce pontife
dans le terrible cataclysme, qui secouera l'humanité à la fin de ce cycle, sera primordial puisqu'il en sera l'artisan.
Bodhisattva, compatissant et rempli d'amour pour tous les êtres vivants qu'il aide et soutient à tout instant, il est
également le grand justicier qui, sur son cheval blanc, à la tête de son armée invincible, viendra restaurer l'ordre,
le dharma, du monde.
Protégé par des rangées circulaires de hautes montagnes neigeuses, inaccessible aux pieds des humains, le Saint
Royaume de Shambhala demeure ainsi secret et intouchable pour les peuples dégénérés et décadents qui peuplent
actuellement la terre. Il est le site béni et privilégié que quelques rares élus ont pu et peuvent encore atteindre dans
leurs corps ou hors de celui-ci.....