Vous êtes sur la page 1sur 6

c  


  
 c   


DEUXIEME SECTION


 c   


d 


ARRÊT

STRASBOURG

9 juillet 2002






  


c

 c !"#


$%
 !"#
à Cour européenne des Droits de l'Homme (deuxième section), siége nt en une ch mbre composée
de :
MM. J.-P. COSTA, ",
A.B. BAKA,
GAUKUR JÖRUNDSSON,
à. àOUCAIDES,
C. BIRSAN,
M. UGREKHEàIDZE,
Mme A. MUàARONI, &',
et de M. T.à. EARà, '&,
Après en oir délibéré en ch mbre du conseil les 10 octobre 2000 et le 25 juin 2002,
Rend l' rrêt que oici, dopté à cette dernière d te :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'  ire se troue une requête (n° 34992/97) dirigée contre l Roum nie et dont un
ressortiss nt de cet Et t, M. Alex ndru B s copol (« le requér nt »),  it s isi l Commission
européenne des Droits de l'Homme (« l Commission ») le 12 érier 1997 en ertu de l' ncien rticle 25
de l Conention de s ueg rde des Droits de l'Homme et des àibertés ond ment les (« l
Conention »).
2. àe requér nt est représenté de nt l Cour p r M tre C. Dinu, oc t à Buc rest. àe
gouernement roum in (« le Gouernement ») est représenté p r son gent, Mme C.I. T rce .
3. àe requér nt se pl ign it en p rticulier de ce qu'en nnul nt le jugement du 29 septembre 1994, l
Cour suprême de justice l'  it prié de s propriété, s ns que cette pri tion it poursuii un but d'utilité
publique et s ns qu'il se oie octroyer un dédomm gement, en iol tion de l' rticle 1 du Protocole n° 1 à
l Conention.
4. à requête été tr nsmise à l Cour le 1er noembre 1998, d te d'entrée en igueur du Protocole
n° 11 à l Conention ( rticle 5 § 2 du Protocole n° 11).
5. à requête été ttribuée à l première section de l Cour ( rticle 52 § 1 du règlement). Au sein de
celle-ci, l ch mbre ch rgée d'ex miner l'  ire ( rticle 27 § 1 de l Conention) été constituée
conormément à l' rticle 26 § 1 du règlement.
6. P r décision du 10 octobre 2000, l ch mbre décl ré l requête rece ble.
7. T nt le requér nt que le Gouernement ont déposé des obser tions écrites sur le ond de l'  ire
( rticle 59 § 1 du règlement).
er
8. àe 1 noembre 2001, l Cour modiié l composition de ses sections ( rticle 25 § 1 du
règlement de l Cour). à présente requête été ttribuée à l deuxième section insi rem niée ( rticle
52 § 1).

EN FAIT

I. àES CIRCONSTANCES DE à'ESPÈCE

9. àe requér nt est un ressortiss nt roum in, né en 1926 et résid nt à Buc rest.


10. En 1936, l mère du requér nt chet un bien immobilier sis à Buc rest, composé de deux
bâtiments et du terr in érent.
11. En 1950, le bien ut réquisitionné p r le p rti communiste, l  mille du requér nt en y nt été
expulsée.
12. En 1963, l'Et t conisqu le bien, en se pré l nt du décret n° 218/1960.
  "$%&'%

13. En 1994, le requér nt, en t nt qu'héritier, introduisit de nt le tribun l de première inst nce du
4ème rrondissement de Buc rest une ction en reendic tion immobilière à l'encontre de l'entreprise
d'Et t R., dministr trice de logements d'Et t, et de l m irie de Buc rest. Il  is it  loir que l'Et t s'ét it
pproprié busiement le bien dont il  it hérité.
14. P r jugement du 29 septembre 1994, le tribun l retint tout d' bord qu'il ét it compétent pour
ex miner l lég lité des ctes norm tis qui  ient constitué le ondement de l conisc tion de
l'immeuble litigieux, à s oir les décrets nos 218/1960 et 712/1966. Il estim ensuite que ces décrets
ét ient contr ires ux dispositions de l Constitution en igueur à l d te de leur doption, insi qu' ux
dispositions du Code ciil, de l Décl r tion unierselle des droits de l'homme et de l' rticle 1 du
Protocole n° 1 à l Conention. Il juge dès lors que l'Et t n'  it p s cquis le droit de propriété
lég lement et que, p r conséquent, le requér nt ét it le propriét ire légitime du bien.
15. Bien que susceptible d' ppel, le jugement du 29 septembre 1994 ne ut p s tt qué, de sorte qu'il
deint déiniti, ne pou nt plus être remis en c use p r les oies de recours ordin ires.


 !!%

16. A une d te qui n' p s été précisée, le procureur génér l de l Roum nie orm , conormément à
l' rticle 330 du code de procédure ciile, un recours en nnul tion contre ce jugement. D ns son
mémoire de nt l Cour suprême de justice, il  is it  loir qu'en ex min nt l lég lité du décret n°
218/1960, les premiers juges  ient outrep ssé leur compétence d' ttribution et empiété sur celle du
pouoir législ ti. P r conséquent, il dem nd it à l cour de rejeter l' ction du requér nt.
17. P r rrêt du 10 octobre 1996, l Cour suprême de justice ccueillit son recours, c ss le
jugement du 29 septembre 1994 et, sur le ond, rejet l' ction en reendic tion du requér nt. Elle juge
que l' pplic tion du décret n° 218/1960 ne pou it p s être contrôlée p r les juridictions et que, dès lors,
les premiers juges  ient empiété sur les ttributions du pouoir législ ti en const t nt que le requér nt
ét it le érit ble propriét ire du bien litigieux. à cour soulign enin que, de toutes m nières, de
nouelles lois ll ient préoir des mesures de rép r tion pour les biens que l'Et t s'ét it pproprié
busiement.

c %%%!%'(!)**+,*--.

18. En oût 1996, le requér nt introduisit uprès de l commission dministr tie pour l' pplic tion de
l loi n° 112/1995 (ci- près « l commission ») une dem nde de restitution du bien.
19. A une d te qui n' p s été précisée, l'Et t endit le bien ux loc t ires, en ertu de l loi n°
112/1995.
20. P r décision du 8 décembre 1997, l commission estim qu'il n'ét it p s loisible u requér nt
d'obtenir l restitution en n ture du bien et lui octroy un dédomm gement.
21. àe requér nt contest cette décision de nt le tribun l de première inst nce du 4e
rrondissement de Buc rest. àe 13 m i 1998, il renonç à l poursuite de l'ex men de s contest tion,
 it consigné p r un jugement  nt dire droit du 18 m i 1998.
22. Selon les inorm tions ournies p r les p rties, le requér nt n' p s enc issé de
dédomm gements à l suite de s dem nde ondée sur l loi n° 112/1995.

 '!/$"%&'%

23. àe 2 m i 1997, le requér nt introduisit à l'encontre des conseils loc l et génér l de Buc rest une
nouelle ction en reendic tion du bien de nt le tribun l de première inst nce du 4e rrondissement de
Buc rest. Il  is it  loir qu'il en  it été illég lement dépossédé.
24. P r jugement du 25 juin 1997, le tribun l rejet son ction en r ison de l' utorité de l chose
jugée. Il estim qu'un litige entre les mêmes p rties et ec le même objet  it déjà été ex miné p r les
juridictions compétentes, qui l'  ient rejeté p r l' rrêt déiniti de l Cour suprême de justice du
10 octobre 1996.
25. Sur ppel du requér nt, ce jugement ut conirmé p r une décision déinitie du tribun l
dép rtement l de Buc rest du 27 j nier 1998.

II. àE DROIT ET àA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

26. à' rticle III du décret n° 218 du 1er juillet 1958 est insi libellé :
« àe droit de dem nder l restitution en n ture ou p r équi lent d'un bien entré s ns titre en
possession de l'Et t  nt l d te de l public tion du présent décret (...) est prescrit d ns un dél i
de deux ns à compter de l d te à l quelle le bien est entré en possession de l'Et t. »
27. à' rticle 1 du décret n° 712 du 1 septembre 1966 dispose :
er

« àes biens qui répondent ux exigences de l' rt. III du décret n° 218 du 1er juillet 1960 (...) et qui
sont détenus p r des org nis tions soci listes sont considérés comme propriété de l'Et t à compter
de l d te à l quelle ils sont rentrés en possession de l'Et t. »
28. àes utres dispositions lég les et l jurisprudence internes pertinentes sont décrites d ns l' rrêt
%(  % ([GC], n° 28342/95, CEDH 1999-VII, pp. 250-256, §§ 31-44).

EN DROIT

I. SUR àA VIOàATION AààEGUEE DE à'ARTICàE 1 DU PROTOCOàE N° 1 A àA CONVENTION

29. àe requér nt estime que l' rrêt de l Cour suprême de justice porté tteinte à son droit u
respect de ses biens, g r nti p r l' rticle 1 du Protocole n° 1 à l Conention, qui est libellé insi :
« Toute personne physique ou mor le droit u respect de ses biens. Nul ne peut être prié de s
propriété que pour c use d'utilité publique et d ns les conditions préues p r l loi et les principes
génér ux du droit intern tion l.
àes dispositions précédentes ne portent p s tteinte u droit que possèdent les Et ts de mettre en
igueur les lois qu'ils jugent nécess ires pour réglementer l'us ge des biens conormément à l'intérêt
génér l ou pour ssurer le p iement des impôts ou d' utres contributions ou des mendes. »
30. àe Gouernement dmet que, d ns l présente  ire, il y eu tteinte u droit de propriété du
requér nt, ét nt donné qu'elle tr ite d'une situ tion de  it sembl ble à l'  ire %( précitée.
31. àe requér nt souligne que le Gouernement reconn t l iol tion de son droit de propriété. Il estime
que l' rrêt de l Cour suprême de justice, juge nt que son immeuble pp rten it à l'Et t et nnul nt le
jugement déiniti du 29 septembre 1994, constitue une pri tion de ses biens, qui ne poursuit p s un but
d'utilité publique.
32. à Cour r ppelle que le droit de propriété du requér nt sur le bien en litige  it été ét bli p r le
jugement déiniti du 29 septembre 1994 et relèe que le droit insi reconnu n'ét it p s réoc ble. àe
requér nt  it donc un bien, u sens de l' rticle 1 du Protocole n° 1 à l Conention (oir rrêt
%(précité, § 70).
33. à Cour relèe ensuite que l' rrêt de l Cour suprême de justice nnulé ce jugement déiniti et
dit que l'Et t ét it le propriét ire légitime du bien. Elle considère que cette situ tion est sinon identique,
du moins n logue à celle du requér nt d ns l'  ire %(. à Cour estime donc que l' rrêt
précité de l Cour suprême de justice eu pour eet de prier le requér nt de son bien, u sens de l
seconde phr se du premier p r gr phe de l' rticle 1 du Protocole n° 1 (oir l' rrêt %( précité,
§§ 73-74). Or, ucune justiic tion n' été ournie p r le gouernement déendeur qu nt à l situ tion
insi créée.
En outre, l Cour relèe que le requér nt se troue toujours prié de son bien depuis m inten nt plus
de cinqu nte ns. à Cour relèe ussi qu'il n' p s perçu d'indemnité relét nt l  leur réelle de celui-ci,
et que les eorts qu'il déployés pour recourer s propriété sont, à ce jour, demeurés  ins.
34. D ns ces conditions, à supposer même que l'on puisse démontrer que l pri tion de propriété it
seri une c use d'intérêt public, l Cour estime que le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt
génér l de l commun uté et les impér tis de l s ueg rde des droits ond ment ux de l'indiidu été
rompu, et que le requér nt supporté et continue de supporter une ch rge spéci le et exorbit nte.
P rt nt, il y eu et il continue d'y oir iol tion de l' rticle 1 du Protocole n° 1 à l Conention.

II. SUR à'APPàICATION DE à'ARTICàE 41 DE àA CONVENTION

35. Aux termes de l' rticle 41 de l Conention,


« Si l Cour décl re qu'il y eu iol tion de l Conention ou de ses Protocoles, et si le droit
interne de l H ute P rtie contr ct nte ne permet d'e cer qu'imp r itement les conséquences de
cette iol tion, l Cour ccorde à l p rtie lésée, s'il y lieu, une s tis ction équit ble. »

""0"%(

36. àe requér nt sollicite l restitution en n ture de son immeuble. Subsidi irement, il dem nde
l'octroi d'une somme correspond nt à l  leur ctuelle de celui-ci.
37. àe Gouernement estime qu'il est loisible u requér nt de se oir octroyer un dédomm gement
pour les deux bâtiments qui composent l'immeuble, dont l  leur s'élèe, selon un r pport d'expertise
homologué p r le tribun l dép rtement l de Buc rest, à 50 838 doll rs méric ins (« USD »), soit 54 844
euros (« EUR »), et dont 1 459 USD, soit 1 505 EUR, représentent l  leur des tr  ux d' mélior tion
de l'immeuble ré lisées p r l'Et t. àe gouernement estime que le requér nt ne s ur it obtenir un
dédomm gement pour le m nque de jouiss nce de son bien, ni pour le terr in érent u bâtiment, c r il
n' p s proué être propriét ire dudit terr in. Subsidi irement, le Gouernement souligne qu'en ertu de
l jurisprudence const nte des org nes de l Conention, il ser it loisible u requér nt de se oir octroyer
un dédomm gement d'un mont nt inérieur à l  leur m rch nde de son immeuble.
38. àe requér nt estime que seul un dédomm gement correspond nt à l  leur ctuelle de son
immeuble le pl cer it, ut nt que possible, d ns une situ tion équi l nt à celle où il se trouer it si les
exigences de l' rticle 1 du Protocole n° 1 de l Conention n'  ient p s été méconnues.
39. à Cour estime que l restitution u requér nt de son immeuble le pl cer it, ut nt que possible,
d ns une situ tion équi l nt à celle où il se trouer it si les exigences de l' rticle 1 du Protocole n° 1
précité n'  ient p s été méconnues.
40. A dé ut pour l'Et t déendeur de procéder à p reille restitution d ns un dél i de trois mois à
compter du jour où le présent rrêt ser deenu déiniti, conormément à l' rticle 44 § 2 de l
Conention, l Cour décide qu'il der erser u requér nt, pour domm ge m tériel, l  leur ctuelle de
l'immeuble.
41. Compte tenu des inorm tions dont elle dispose sur les prix du m rché immobilier à Buc rest, l
Cour estime l  leur én le ctuelle des bâtiments et du terr in érent à 148 870 EUR.
àe mont nt des indemnités que le Gouernement der it p yer u requér nt s'élèer it insi à
148 870 EUR. Ce mont nt est à conertir en lei roum ins u t ux pplic ble à l d te du règlement.

""0"

42. àe requér nt sollicite ussi 80 000 USD, soit 86 304 EUR, pour le préjudice mor l subi du  it des
gr es sour nces que les utorités lui ur ient inligées, en le pri nt de son bien pend nt plus de
cinqu nte ns. Il  it  loir que s mère est décédée à l suite de l conisc tion du bien, près en oir
été ortement ectée, et que lui-même, en t nt que ils de « n tion lisé », été licencié.
43. àe Gouernement s'élèe contre cette prétention, en estim nt qu' ucun préjudice mor l ne s ur it
être retenu, le requér nt n' y nt p s démontré de lien de c us lité entre ses sour nces et les iol tions
lléguées de l Conention. De surcrot, le Gouernement est d' is que l' rrêt de l Cour pourr it
constituer p r lui-même une rép r tion équit ble.
44. à Cour considère que les éénements en c use ont entr né des ingérences gr es d ns le droit
du requér nt u respect de ses biens, pour lesquelles l somme de 6 000 EUR représenter it une
rép r tion équit ble du préjudice mor l subi. Ce mont nt est à conertir en lei roum ins u t ux
pplic ble à l d te du règlement.

c%'( 

45. àe requér nt récl me le remboursement des r is exposés.


46. à Cour obsere que le requér nt n' p s ét yé s dem nde, n' y nt ni qu ntiié, ni justiié les
r is dont il dem nde le remboursement. En conséquence, elle décide de ne p s lui llouer de
dédomm gement à ce titre.


%(1%"%

47. àes sommes ccordées ét nt libellées en euros, l Cour juge pproprié de ixer un t ux d'intérêt
mor toire de 7,25 % l' n.

PAR CES MOTIFS, àA COUR, À à'UNANIMITÉ,

1. V qu'il y eu iol tion de l' rticle 1 du Protocole n° 1 à l Conention ;



2. V que l'Et t déendeur doit restituer u requér nt son immeuble, d ns les trois mois à compter du
jour où l' rrêt ser deenu déiniti conormément à l' rticle 44 § 2 de l Conention ;

3. V qu'à dé ut d'une telle restitution, l'Et t déendeur doit erser u requér nt, d ns le même dél i de
trois mois, 148 870 EUR (cent qu r nte-huit mille huit cent soix nte-dix euros) pour domm ge
m tériel, à conertir en lei roum ins u t ux pplic ble à l d te du règlement ;

4. V que l'Et t déendeur doit erser u requér nt, d ns le même dél i de trois mois, 6 000 EUR (six
mille euros) pour domm ge mor l, à conertir en lei roum ins u t ux pplic ble à l d te du
règlement ;

5. V que les mont nts indiqués sous (3) et (4) seront à m jorer d'un intérêt simple de 7,25 % l' n à
compter de l'expir tion desdits dél is et jusqu' u ersement ;

6. & l dem nde de s tis ction équit ble pour le surplus.

F it en r nç is, puis communiqué p r écrit le 9 juillet 2002 en pplic tion de l' rticle 77 §§ 2 et 3 du
règlement de l Cour.

T.à. EARà J.-P. COSTA


Greier djoint Président

Vous aimerez peut-être aussi