Vous êtes sur la page 1sur 10

24-130-C-10

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 24-130-C-10

Troubles de l’équilibre hydrosodé


T Petitclerc

Résumé. – La régulation du bilan hydrique s’effectue de manière à assurer la stabilité de l’osmolalité efficace.
La régulation du bilan sodé s’effectue de manière à assurer la stabilité de la volémie efficace. La régulation du
bilan hydrique n’affecte pas celle du bilan sodé : en conséquence, les troubles primitifs du bilan hydrique sont
purs. En revanche, la volémie efficace interagit sur la régulation du stock hydrique, expliquant la fréquence
des troubles du bilan hydrique secondaires à un trouble du bilan sodé.
Les troubles du bilan hydrique affectent l’hydratation cellulaire. Lorsqu’ils sont primitifs, les troubles du bilan
hydrique sont des troubles simples, sans retentissement clinique sur la volémie efficace ni sur l’hydratation
extracellulaire, et donc à l’origine d’un trouble pur de l’hydratation cellulaire.
Les troubles du bilan sodé affectent l’hydratation extracellulaire. Ils peuvent être simples, sans retentissement
sur l’osmolalité efficace ni sur la natrémie : ils n’affectent alors pas l’hydratation cellulaire et correspondent à
une surcharge ou à un déficit sodé isotonique. Mais les troubles du bilan sodé sont le plus souvent complexes,
affectant alors à la fois l’hydratation extracellulaire et l’hydratation cellulaire. On distingue les troubles
primitifs du bilan sodé, responsables d’une altération de la volémie efficace, et les troubles du bilan sodé,
secondaires à une altération de la volémie efficace.
En pratique médicale courante, le médecin dispose d’une part d’arguments cliniques pour apprécier
l’hydratation extracellulaire et la sévérité du trouble du bilan sodé, d’autre part de la natrémie, reflet de
l’osmolalité efficace, pour apprécier l’hydratation cellulaire et en déduire la nature du trouble du bilan
hydrique. En présence d’un trouble de la natrémie, l’appréciation de l’osmolalité efficace et celle de l’état
d’hydratation extracellulaire permettent de préciser la nature du trouble du bilan hydrique et/ou celle du
trouble du bilan sodé afin d’en déduire la conduite thérapeutique la mieux adaptée. En présence d’un
syndrome polyurodipsique, la démarche diagnostique consiste à établir si la polyurie est responsable de la
polydipsie ou au contraire conséquence de celle-ci.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction Régulation du bilan osmotiques d’eau assurent constamment


l’égalité de l’osmolalité efficace dans tous les
hydrosodé compartiments liquidiens de l’organisme.
Un trouble de l’hydratation cellulaire et/ou
extracellulaire résulte d’un trouble du bilan Toute variation de l’osmolalité efficace dans
L’équilibre du bilan hydroélectrolytique en un compartiment provoque donc un
hydrique et/ou du bilan sodé, ce qui justifie
général et hydrosodé en particulier est
le terme d’« équilibre hydrosodé ». mouvement d’eau à travers la membrane
obtenu grâce à l’existence de boucles de
La régulation du bilan hydrique, basée sur cellulaire à l’origine d’une variation du
régulation.
le contrôle de l’osmolalité efficace, et celle volume cellulaire. Cette variation du volume
du bilan sodé, basée sur le contrôle de la cellulaire entraîne, au niveau des récepteurs
v o l é m i e e ffi c a c e , s o n t l a r g e m e n t RÉGULATION DU BILAN HYDRIQUE thalamiques, une modification de la tension
indépendantes : il est ainsi logique de définir exercée sur la membrane cellulaire,
Elle s’effectue de manière à assurer la
les troubles simples du bilan hydrique, modification qui représente probablement le
stabilité de l’osmolalité efficace. Ce terme
n’affectant pas la volémie efficace de manière représente la concentration globale de tous signal détecté : ainsi, la régulation du bilan
cliniquement perceptible, et les troubles les solutés qui, du fait de leur inégale hydrique assure en réalité la stabilité de
simples du bilan sodé, n’affectant pas répartition entre les secteurs cellulaire et l’hydratation cellulaire, fondamentale pour
l’osmolalité efficace. Cependant, l’existence extracellulaire, jouent un rôle dans les l’homéostasie.
d’interactions entre la régulation de transferts osmotiques d’eau entre ces deux Toute variation primitive du bilan hydrique
l’osmolalité efficace et celle de la volémie secteurs. En pratique, l’osmolalité efficace tend à faire varier l’osmolalité efficace dans
efficace explique la fréquence des troubles peut être estimée dans le plasma par la le sens opposé. L’inhibition ou la stimulation
associant un trouble du bilan hydrique et un différence entre l’osmolalité totale (mesurée résultante des centres de la soif et de la
trouble du bilan sodé. par cryoscopie) diminuée de la concentration sécrétion d’hormone antidiurétique (ADH)
molaire de l’urée. Elle est normalement permet de rétablir l’équilibre hydrique en
comprise entre 270 et 290 mOsm/kg. adaptant les apports et l’excrétion urinaire
Thierry Petitclerc : Professeur des Universités, praticien hospitalier,
service de néphrologie, groupe hospitalier Pitié- Salpêtrière, 83,
Dans la mesure où la membrane cellulaire d’eau libre : une variation importante de
boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. est librement perméable à l’eau, les transferts l’osmolalité efficace est ainsi évitée (fig 1).

Toute référence à cet article doit porter la mention : Petitclerc T. Troubles de l’équilibre hydrosodé. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Néphrologie-Urologie, 18-034-A-10,
Urgences, 24-130-C-10, 2000, 10 p.
24-130-C-10 Troubles de l’équilibre hydrosodé Urgences

Le bilan sodé n’est pas le seul déterminant


Osmolalité
1 Régulation du bilan hy-
de la volémie efficace : les déterminants de
drique.
efficace la volémie efficace sont le stock sodé, mais
ADH : hormone antidiuré-
tique. aussi la fonction ventriculaire gauche, la
valeur des résistances artérielles
périphériques et la pression oncotique du
Centres
de la plasma. Une diminution de la pression
Stock hydrique soif oncotique du plasma (syndrome
ADH néphrotique), une diminution des résistances
périphériques (cirrhose hépatique) ou une
diminution du débit cardiaque (insuffisance
cardiaque) peuvent être responsables d’une
Apports hydriques diminution de la volémie efficace : dans ce
cas, la rétention sodée ne parvient pas à
restaurer la volémie efficace et l’organisme
Excrétion urinaire se trouve en situation de surcharge sodée
d'eau libre importante, secondaire à l’hypovolémie
efficace.

Volémie efficace 2 Régulation du bilan


INTERACTIONS
sodé.
La régulation du bilan hydrique et celle du
bilan sodé sont largement indépendantes.
Stock sodé Un trouble du bilan hydrique affecte
l’osmolalité efficace mais non la volémie
efficace dans la mesure où la boucle de
Système Filtration Facteur régulation du bilan sodé fonctionne
rénine-angiotensine-aldostérone glomérulaire natriurétique correctement. De manière analogue, un
auriculaire trouble du bilan sodé, dans la mesure où la
boucle de régulation du bilan hydrique
fonctionne correctement, devrait être associé
à une variation adaptée du stock hydrique
Natriurèse tendant à rendre isotonique la surcharge ou
le déficit sodé afin d’assurer la stabilité de
To u t e d i m i n u t i o n ( a u - d e s s o u s d e efficace (hypervolémie efficace) provoque l’osmolalité efficace et donc de l’hydratation
2 7 0 m O s m / k g d é fi n i s s a n t l ’ é t a t une excrétion rénale du sodium, une cellulaire.
hypotonique) ou augmentation (au-dessus d i m i n u t i o n d e l a v o l é m i e e ffi c a c e L’indépendance entre la régulation du bilan
d e 2 9 0 m O s m / k g d é fi n i s s a n t l ’ é t a t (hypovolémie efficace) provoque une hydrique et celle du bilan sodé n’est
hypertonique) pathologique de l’osmolalité rétention rénale du sodium. Les variations cependant pas totale. En stimulant la
efficace traduit un trouble de la régulation de la volémie efficace sont détectées par les sécrétion d’angiotensine (puissamment
hydrique. Un trouble primitif du bilan modifications de la tension pariétale dipsogène) et d’ADH, l’hypovolémie
hydrique survient lorsque les capacités de engendrées par les variations de la pression efficace, quand elle est suffisamment
régulation sont dépassées ou lorsqu’il existe sanguine au niveau des barorécepteurs, en importante, interfère avec les mécanismes de
une anomalie au niveau d’un élément de la particulier sinocarotidiens et juxtagloméru- régulation du bilan hydrique : elle augmente
boucle de régulation. Il en résulte alors une laires rénaux, du système artériel à haute les apports liquidiens en liaison avec la soif
variation de l’osmolalité efficace : une pression, mais aussi au niveau des et diminue l’élimination rénale d’eau libre
surcharge hydrique diminue l’osmolalité volorécepteurs, en particulier de l’oreillette du fait de l’augmentation de l’ADH. Il en
efficace ; un déficit hydrique l’augmente. gauche, du système à basse pression. résulte une surcharge hydrique dont
Toute variation primitive du bilan sodé tend témoigne la diminution de l’osmolalité
Le bilan hydrique n’est pas le seul
à faire varier le volume extracellulaire et efficace.
déterminant de l’osmolalité efficace : les
déterminants de l’osmolalité efficace sont donc la volémie efficace dans le même sens.
représentés par le stock hydrique mais aussi Il en résulte une variation de même sens de
par le stock d’osmoles osmotiquement la filtration glomérulaire et une stimulation Troubles primitifs
efficaces. Ainsi, une charge osmotique ou une inhibition du système rénine- du bilan hydrique
importante (hyperglycémie importante, angiotensine-aldostérone et du facteur
perfusion de mannitol, etc) tend à natriurétique auriculaire qui permettent de Un trouble du bilan hydrique affecte
augmenter l’osmolalité efficace plasmatique. rétablir l’équilibre sodé en adaptant la l’hydratation cellulaire. Le diagnostic repose
Cependant, les urines restent abondantes en natriurèse : une variation importante de essentiellement sur la mesure de la natrémie.
dépit de la stimulation de l’ADH parce que l’hydratation extracellulaire et de la volémie Les troubles du bilan hydrique (surcharge
la polyurie est nécessaire pour éliminer la efficace est ainsi évitée (fig 2). ou déficit hydrique) sont le plus souvent
charge osmotique. Toute variation pathologique de la volémie secondaires à un trouble du bilan sodé
efficace traduit un trouble de la régulation (cf infra). Dans le cas contraire, le trouble du
sodée. Un trouble primitif du bilan sodé bilan hydrique est « primitif ». Les troubles
RÉGULATION DU BILAN SODÉ survient lorsque les capacités de régulation primitifs du bilan hydrique n’ont pas de
Elle s’effectue de manière à assurer la sont dépassées ou lorsqu’il existe une retentissement sur la régulation du bilan
stabilité de ce qu’il est convenu d’appeler la anomalie au niveau d’un élément de la sodé : en conséquence la volémie efficace et
« volémie efficace ». Ce terme désigne un boucle de régulation. Il en résulte alors une l ’ h y d r a t a t i o n e x t r a c e l l u l a i re re s t e n t
volume sanguin, en réalité mal identifié, variation de la volémie efficace : une cliniquement normales ; le tableau clinique
dont les variations agissent sur le bilan surcharge sodée augmente la volémie est donc celui d’un trouble isolé de
sodé : une augmentation de la volémie efficace ; un déficit sodé la diminue. l’hydratation cellulaire.

2
Urgences Troubles de l’équilibre hydrosodé 24-130-C-10

Sur le plan biologique, la variation de


l’osmolalité efficace induite par un trouble Tableau I. – Affections le plus fréquemment associées à un syndrome de sécrétion inappropriée
d’hormones antidiurétiques (SIADH).
primitif du bilan hydrique se traduit
seulement par une variation de la natrémie, Tumeurs malignes Cancer bronchopulmonaire
et parallèlement de la chlorémie, car, à Cancer du duodénum ou du pancréas
Cancer de la prostate ou des voies urinaires
l’exception de la natrémie et de la chlorémie, Lymphomes
la concentration des solutés osmotiquement
efficaces habituellement dosés est régulée de Affections pulmonaires Tumorales : cancer bronchopulmonaire
Infectieuses : pneumopathies infectieuses, tuberculose, abcès du poumon
manière indépendante : un trouble primitif Autres : fibrose pulmonaire, asthme, ventilation à pression positive
du bilan hydrique se traduit biologiquement
Affections du système Infectieuses : encéphalite, méningite, abcès cérébral
par une hypo- ou une hypernatrémie. Vasculaires : hémorragie méningée, thrombose du sinus caverneux, accident vascu-
nerveux central
La variation du poids, de l’osmolalité laire cérébral
efficace et de la natrémie est proportionnelle Autres : traumatisme crânien, hydrocéphalie, atrophie cérébrale, tumeurs cérébrales,
syndrome de Guillain-Barré, delirium tremens
à l’intensité du trouble hydrique. Cependant,
la variation du poids est souvent difficile à Affections endocriniennes Myxœdème
Hypocortisolisme
déterminer car le poids initial n’est pas Panhypopituitarisme
toujours connu : c’est donc la mesure de la
natrémie qui reste en réalité essentielle pour Médicaments Analogues de l’ADH : desmopressine (Minirint), ocytocine (Syntocinont)
Clofibrate (Lipavlont)
confirmer le diagnostic. Vincristine (Oncovint), vinblastine (Velbét)
Le trouble primitif du bilan hydrique étant Carbamazépine (Tégrétolt), phénothiazines
Nicotine
diagnostiqué, il est fondamental, pour en
déterminer l’étiologie et le traitement, Situations diverses Suites postopératoires
Psychose aiguë
d’apprécier l’osmolalité urinaire afin
d’établir si celle-ci est adaptée ou non à
l’osmolalité efficace plasmatique. La mesure – les causes rénales : la capacité de dilution ¶ Diagnostic étiologique
de la seule natriurèse ne présente aucun des urines est altérée. On distingue les
causes rénales intrinsèques (insuffisance Devant la constatation d’une surcharge
intérêt dans cette situation où il n’existe pas
rénale chronique) et extrinsèques (syndrome hydrique primitive diagnostiquée sur
de trouble du bilan sodé : elle est très
de sécrétion inappropriée d’ADH [SIADH]). l’existence d’une hyponatrémie reflétant
variable et est seulement un reflet des
Le tableau I indique les circonstances les l’état hypotonique sans modification
apports.
plus fréquentes dans lesquelles survient un appréciable de l’hydratation extracellulaire,
L’osmolalité totale P du plasma peut être il importe en premier lieu de réaliser un
mesurée par cryoscopie (normale : 275- tableau de SIADH, mais on ne retrouve
parfois aucune cause (SIADH idiopathique). ionogramme urinaire avec dosage de l’urée.
295 mOsm/kg), mais dans cette situation de
Une situation clinique et biologique Une osmolalité urinaire faible
trouble hydrique primitif, elle peut être plus
identique à celle du SIADH est observée (urinaire/plasmatique : U/P < 1) est adaptée
facilement estimée par la formule :
chez certaines personnes âgées, sans que l’on à la surcharge hydrique : elle traduit un
P = 2 (Na + K) + glycémie (mmol/L) + urée mette en évidence un trouble de la sécrétion apport liquidien trop important. Le dosage
(mmol/L) (la valeur normale est de de l’ADH. Cette situation correspond au de l’ADH (qui serait effondrée) n’est pas
290-310 mOsm/L) reset osmostat des Anglo-Saxons. Enfin, une utile.
L’osmolalité efficace Peff peut être calculée déplétion potassique majeure peut être Une osmolalité urinaire inadaptée (U/P > 1)
par : responsable d’une déshydratation cellulaire témoigne d’un défaut d’élimination rénale
Peff = P – urée = 2 (Na + K) + glycémie à l’origine d’une stimulation de la sécrétion (diminution de la capacité de dilution des
L’ionogramme urinaire sur échantillon avec d’ADH. urines). Si le contexte ne le permet pas à lui
dosage de l’urée permet d’apprécier seul, le dosage de l’ADH permet de trancher
¶ Diagnostic positif
l’osmolalité urinaire U suivant la formule : entre une diminution extrinsèque de la
Les signes cliniques permettant d’évoquer capacité de dilution des urines (ADH
U = 2 (Na + K) + urée (mmol/L)
une hyperhydratation cellulaire sont peu normale ou élevée, inadaptée à
à laquelle il convient d’ajouter spécifiques : dégoût de l’eau, voire nausées l’hyponatrémie, signant le SIADH) et une
éventuellement la concentration urinaire en et/ou vomissements. La prise de poids est diminution intrinsèque (ADH effondrée).
glucose (mmol/L). constante, mais pas toujours facile à affirmer.
Les signes neurologiques, également peu ¶ Traitement
spécifiques (troubles de la conscience ou du
SURCHARGE HYDRIQUE PRIMITIVE Les hyponatrémies en rapport avec une
comportement, convulsions, coma),
Elle se traduit par un tableau d’hyperhydra- n’apparaissent qu’en cas d’hyperhydratation surcharge hydrique primitive sont le plus
tation cellulaire cliniquement pure. sévère. Le diagnostic d’hyperhydratation souvent chroniques et donc généralement
cellulaire est en réalité essentiellement bien tolérées. Le traitement consiste à
¶ Physiopathologie biologique et repose sur la constatation imposer au patient dans la mesure du
d’une hyponatrémie. possible une restriction hydrique modérée,
Une surcharge hydrique primitive s’observe afin d’éviter le risque principal, à savoir la
dans toutes les situations où le rein est L’absence de signes cliniques patents
d’hyperhydratation et de déshydratation décompensation aiguë : celle-ci peut être
incapable de diluer suffisamment les urines. provoquée par exemple par la prescription
On en distingue différentes étiologies : extracellulaire atteste de l’absence de trouble
associé du bilan sodé et donc du caractère d’un traitement diurétique (pour
– les causes extrarénales : la capacité de « primitif » de la surcharge hydrique. Tout hypertension) ou d’une cure de diurèse
dilution des urines, par ailleurs correcte, est au plus, la très légère augmentation du (pour infection urinaire, etc) ou lors d’une
dépassée du fait d’un excès d’apports volume extracellulaire explique-t-elle hospitalisation durant laquelle la pose d’un
liquidiens. C’est la classique « intoxication l’aspect parfois infiltré des téguments (mais soluté glucosé isotonique d’ « attente » est
par l’eau » en rapport avec l’absorption de sans œdèmes véritables car il n’y a pas de parfois abusivement systématique.
grandes quantités de bière ou avec une signe du « godet ») et la possible et légère Dans les cas de poussée aiguë d’hypona-
potomanie responsable d’un syndrome diminution de l’urée, de la créatinine et trémie mal tolérée sur le plan neurologique,
polyurodipsique (cf infra) ; surtout de l’acide urique. lorsque la restriction hydrique, même sévère,

3
24-130-C-10 Troubles de l’équilibre hydrosodé Urgences

reste insuffisante, le principe du traitement ¶ Diagnostic positif ¶ Traitement


consiste à obtenir un bilan hydrique négatif
en forçant la diurèse et en compensant Cliniquement, la soif est un signe majeur : Il repose sur la réhydratation, réalisée autant
l’excrétion urinaire de sodium (par des présente dès la phase d’installation de la que possible par voie orale. La
apports sodés nettement plus concentrés en déshydratation, elle devrait permettre de déshydratation cellulaire ne survient
sodium que les urines) : l’éviter. La sécheresse des muqueuses (en cependant que chez le sujet incapable de
particulier de la face interne des joues) est ressentir ou de satisfaire sa soif. Elle
– la perfusion de chlorure de sodium un signe classique et important. La perte de s’accompagne souvent de troubles de la
hypertonique ou même simplement poids est constante, mais est difficile à conscience et nécessite alors une
isotonique (à 9 g/L), à raison de 0,5 g/h de quantifier si le poids antérieur n’est pas réhydratation par voie parentérale à base de
chlorure de sodium sans dépasser 15 g le connu avec précision. En cas de soluté glucosé iso- ou hypotonique (1 L en
premier jour, peut suffire pour provoquer déshydratation sévère apparaissent les 6 heures puis 1 à 2 L/j) remplacé dès que
une diurèse abondante et peu sodée, ce qui autres signes cliniques, en particulier possible par des apports hydriques per os.
permet une correction progressive de neurologiques, qui en font toute la gravité : La relation suivante :
l’hyponatrémie. Cependant, le risque t r o u b l e s d e l a c o n s c i e n c e , fi è v r e , V(L) = 0,6 × poids (kg) (1-140/natrémie
d’induire une surcharge sodée n’est pas nul convulsions... Des hématomes intracéré- [mmol/L])
chez l’insuffisant rénal chronique et chez le braux, notamment chez le nourrisson,
sujet âgé (chez qui la filtration glomérulaire dont la démonstration est basée sur une
peuvent compliquer les formes les plus valeur du volume apparent de distribution,
est physiologiquement diminuée) ; graves. Biologiquement, l’hypernatrémie, encore dénommé volume de distribution
– la prescription d’un diurétique de l’anse reflet de l’hypertonie, permet d’affirmer le osmotique, du sodium égale à l’eau totale
(par exemple 40 à 80 mg/j de furosémide), diagnostic. (60 % environ du poids corporel en l’absence
sous contrôle de la natriurèse (de façon à Les déshydratations cellulaires sont parfois de trouble de l’hydratation), permet
compenser les pertes sodées) et de la associées à un trouble du bilan sodé (cf d’apprécier le déficit hydrique et donc
kaliémie, permet d’augmenter la diurèse infra). C’est l’absence de signes cliniques d’estimer le volume V de solution à
aqueuse et donc la rapidité de la correction patents d’hyperhydratation et de apporter. En réalité, c’est la surveillance
de l’hyponatrémie, sans risque de surcharge déshydratation extracellulaire qui atteste de rapprochée de la natrémie, toutes les 4 à 6
sodée. Le but est de remonter la natrémie l’absence de trouble associé du bilan sodé et heures, qui permet d’adapter au mieux le
entre 125 et 130 mmol/L en 5 à 8 heures : donc du caractère « primitif » du déficit traitement et de prévenir une diminution
toute normalisation rapide doit être proscrite hydrique. trop rapide : la natrémie ne doit pas
afin d’éviter une gravissime myélinolyse diminuer de plus de 2 mmol/L/h.
centropontine. L’adjonction d’insuline (environ 4 unités
¶ Diagnostic étiologique
Dans le cas d’un SIADH, il a été proposé d’insuline ordinaire pour 10 g de glucose)
d’utiliser les sels de lithium (10 à 20 mEq/j Devant la constatation d’un déficit hydrique peut être utile pour éviter l’apparition d’une
de lithium, soit 1 à 2 comprimés/j de primitif diagnostiqué sur l’existence d’une diurèse osmotique gênant la réhydratation.
Téralithe LPt) qui empêchent l’action de hypernatrémie sans modification appréciable Les déshydratations cellulaires en rapport
l’ADH sur le tube collecteur, mais l’efficacité de l’hydratation extracellulaire, il importe en avec un diabète insipide peuvent justifier un
en est inconstante. La déméclocycline premier lieu de pratiquer un ionogramme traitement spécifique (cf infra).
(Ledermycinet) est intéressante, car elle a urinaire avec dosage de l’urée.
un effet antagoniste de celui de l’ADH, mais Une osmolalité urinaire élevée (U >
cet antibiotique de la famille des
tétracyclines n’est plus commercialisé en
600 mOsm/L) est adaptée. Elle témoigne Troubles du bilan sodé
d’une capacité correcte de concentration des
r a i s o n d e s e s e ff e t s s e c o n d a i r e s urines et signe un apport liquidien trop U n t r o u b l e d u b i l a n s o d é a ff e c t e
(photosensibilité) et de ses risques chez faible. l’hydratation extracellulaire (fig 3). Le
l’insuffisant rénal chronique et chez le sujet
Une osmolalité urinaire inadaptée témoigne diagnostic repose essentiellement sur
porteur d’une hépatopathie. Dans la mesure
d’un excès d’élimination rénale d’eau par l’examen clinique. Il n’y a aucune corrélation
du possible, le traitement sera étiologique,
défaut de concentration des urines (diabète entre la natrémie et la natriurèse : la
fonction de la cause du SIADH.
insipide). Le dosage de l’ADH permet de natrémie ne renseigne en aucune façon sur
trancher entre un diabète insipide d’origine le stock sodé.
DÉFICIT HYDRIQUE PRIMITIF centrale (ADH basse ou normale, en tout cas Un trouble du bilan sodé est « simple »
Un déficit hydrique primitif se traduit par inadaptée à l’hypertonicité) et un diabète lorsqu’il n’affecte pas l’osmolalité efficace. Il
un tableau de déshydratation cellulaire insipide néphrogénique (ADH élevée). témoigne alors d’un déficit ou d’une
cliniquement pure. L’épreuve de restriction hydrique est inutile surcharge hydrosodée isotonique. En
et dangereuse en présence d’une conséquence, un trouble simple du bilan
¶ Physiopathologie déshydratation cellulaire (hypernatrémie). sodé n’entraîne pas de variation de la
Un déficit hydrique primitif peut être en
rapport :
Déficit sodé 3 Troubles du bilan sodé.
– avec une insuffisance d’apports en eau :
– soif non ressentie (adipsie idiopathique Déficit sodé Déshydratation Pli cutané
ou plus souvent secondaire à un accident extracellulaire Hypovolémie efficace
vasculaire cérébral) ;
Surcharge sodée hypervolémique (ou primitive)
– soif non satisfaite (carence en eau, très
jeune âge, handicap, grand âge) ; Surcharge sodée Hyperhydratation Œdèmes
– avec un excès d’élimination rénale extracellulaire Hypervolémie
(diabète insipide) ou plus rarement
Surcharge sodée hypovolémique (ou secondaire)
extrarénale (pertes respiratoires), mais la
déshydratation n’apparaît que si cet excès
n’est pas, ou pas suffisamment, compensé Hypovolémie Surcharge sodée Hyperhydratation Œdèmes
efficace extracellulaire
par une polydipsie.

4
Urgences Troubles de l’équilibre hydrosodé 24-130-C-10

natrémie, n’affecte pas l’hydratation cas de surcharge sodée importante. L’œdème natriurèse est variable, mais elle reste
cellulaire, et se traduit par un tableau a i g u p u l m o n a i r e e t l ’ i n s u ffi s a n c e inadaptée à la surcharge sodée. Le contexte
d’hyperhydratation ou de déshydratation ventriculaire gauche ne s’observent que dans clinique (présence ou non d’œdèmes) et
extracellulaire pure. les formes graves. biologique (kaliémie, créatininémie,
En réalité, les troubles du bilan sodé sont le L’intensité des signes d’hyperhydratation protéinurie, voire mesure du cortisol et de
plus fréquemment des troubles complexes, e x t r a c e l l u l a i re e s t e n re l a t i o n a v e c l’aldostérone plasmatique et urinaire et du
associant une variation de la volémie efficace l’importance de la surcharge sodée. En rapport aldostérone/rénine plasmatique)
et une variation de l’osmolalité efficace, revanche, la prise de poids (souvent permet de trancher entre une insuffisance
parce que la volémie efficace peut influencer importante) et la natrémie ne sont en aucune rénale, un syndrome néphritique, un
la régulation du bilan hydrique. Un trouble façon liées à l’intensité de l’hyperhydratation hypercorticisme ou un hyperaldostéronisme.
complexe du bilan sodé affecte donc à la extracellulaire. La natrémie est variable
f o i s l ’ h y d r a t a t i o n e x t r a c e l l u l a i re e t s u i v a n t l e c a r a c t è re h y p o - , i s o - o u ¶ Traitement
l’hydratation cellulaire. La sévérité du hypertonique de la surcharge sodée. Bien
que sa mesure ne présente aucun intérêt Le traitement symptomatique de
trouble de l’hydratation extracellulaire
pour le diagnostic positif ou étiologique de l’hyperhydratation extracellulaire est celui
renseigne sur l’importance du trouble du
l’hyperhydratation extracellulaire, elle est de la surcharge sodée : il consiste à diminuer
bilan sodé. La natrémie est variable, fonction
fondamentale pour préciser l’état les apports et à augmenter l’excrétion rénale
du trouble éventuellement associé du bilan
d’hydratation cellulaire et définir la conduite de sodium.
h y d r i q u e . E l l e re n s e i g n e s u r l ’ é t a t
d’hydratation cellulaire. à suivre en ce qui concerne les apports Le régime désodé doit être d’autant plus
hydriques. strict que les œdèmes et/ou l’ascite sont
Une natrémie normale traduit un ajustement importants. Un régime sans sel correctement
SURCHARGE SODÉE correct du stock hydrique assurant la suivi correspond à un apport de chlorure de
Une surcharge sodée se traduit par un stabilité de l’osmolalité efficace et donc une sodium inférieur à 2 g/j.
tableau clinique d’hyperhydratation hydratation cellulaire normale : il s’agit alors Le traitement diurétique est le traitement
extracellulaire. d’une hyperhydratation extracellulaire pure symptomatique de l’expansion du volume
en rapport avec une surcharge sodée extracellulaire, mais il convient de respecter
¶ Physiopathologie devenue isotonique du fait de la régulation certaines règles :
hydrique. C’est seulement dans ce cas que
Parce que les reins normaux peuvent – les diurétiques thiazidiques et ceux de
la prise de poids est proportionnelle à la
éliminer une quantité énorme de sodium en l’anse provoquent une augmentation de la
surcharge sodée (prise de poids de 1 kg pour
réduisant de quelques centièmes le taux de kaliurèse et nécessitent donc une
une surcharge sodée d’environ 150 mmol).
réabsorption du sodium, il n’y a pas de surveillance de la kaliémie et la prescription
Bien que la surcharge sodée puisse être
causes extrarénales de surcharge sodée. Les éventuelle d’une supplémentation
primitivement hypertonique, l’hyperna-
états d’hyperhydratation extracellulaire sont potassique ou l’association d’un diurétique
trémie est rare, car responsable d’une soif
toujours de cause rénale, en rapport avec hyperkaliémiant ;
intense et d’une stimulation de l’ADH à
une natriurèse inadaptée à la surcharge l’origine d’une rétention hydrique tendant à – la prescription de diurétiques
sodée. ramener la surcharge sodée à l’isotonicité et hyperkaliémiants (spironolactone,...) est
La surcharge sodée peut être la cause d’une la natrémie à une valeur normale. logique dans toute situation d’hyperaldosté-
hypervolémie (surcharge sodée hypervolé- L’hyponatrémie est fréquente en cas ronisme (primaire ou secondaire) ou en
mique) ou la conséquence d’une d’hypovolémie efficace (qui stimule la association avec un diurétique hypokalié-
hypovolémie efficace (surcharge sodée sécrétion d’angiotensine et d’ADH) ou en miant, mais elle est formellement contre-
hypovolémique). présence de tout autre facteur rendant le rein indiquée dans l’insuffisance rénale sévère en
Les causes des surcharges sodées incapable d’éliminer une quantité suffisante raison du risque d’hyperkaliémie ;
hypervolémiques sont : d’eau libre. Elle traduit une hyperhydra-
– les diurétiques de l’anse sont seuls
tation cellulaire qui aggrave la prise de
– rénales intrinsèques, en rapport avec une indiqués dans l’insuffisance rénale, car
poids liée à l’hyperhydratation
insuffisance rénale aiguë, une insuffisance classiquement les seuls efficaces. Leur
extracellulaire et requiert une restriction des
rénale chronique terminale, un syndrome efficacité diminue au fur et à mesure que
apports hydriques.
néphritique aigu ; l’insuffisance rénale progresse et leur dose
¶ Diagnostic étiologique doit donc être augmentée en conséquence ;
– rénales extrinsèques, en rapport avec un
hyperaldostéronisme ou un hypercorticisme. L’hyperhydratation extracellulaire, surtout – le traitement diurétique, parce qu’il
lorsqu’elle est majeure, est le plus souvent diminue le stock sodé, tend à diminuer la
Les causes des surcharges sodées volémie efficace et favorise donc l’apparition
hypovolémiques sont rénales extrinsèques. en rapport avec une surcharge sodée
hypovolémique dont les étiologies se d’une hyponatrémie. Une restriction
Ce sont celles de l’hypovolémie efficace qui hydrique modérée peut permettre de l’éviter.
en sont à l’origine : syndrome néphrotique, résument au syndrome néphrotique, à
l’insuffisance cardiaque et à la cirrhose En cas d’hyponatrémie franche, la restriction
insuffisance cardiaque ou cirrhose. hydrique devient indispensable jusqu’à sa
décompensées. Le contexte clinique permet
facilement de trancher. La natriurèse est disparition ;
¶ Diagnostic positif
faible, parfois quasi nulle et en tout cas – en présence d’une hypovolémie efficace,
Le diagnostic de surcharge sodée repose sur inadaptée, avec un rapport Na/K urinaire on associe dans la mesure du possible un
les signes cliniques d’hyperhydratation inférieur à 1 dans un contexte d’insuffisance traitement étiologique de manière à la
extracellulaire : hypertension et/ou œdèmes rénale fonctionnelle. corriger au mieux, car elle est à l’origine de
généralisés. L’hypertension peut traduire Plus rarement, l’hyperhydratation l’expansion du volume extracellulaire :
l’hyperhydratation du secteur vasculaire : extracellulaire est en rapport avec une
– amélioration de la fonction ventriculaire
elle est constante en cas de surcharge sodée surcharge sodée hypervolémique.
(par exemple par les inhibiteurs de
hypervolémique, mais elle est très peu L’hypertension artérielle est alors constante.
l’enzyme de conversion) en cas
s p é c i fi q u e . L e s œ d è m e s g é n é r a l i s é s L’hypervolémie est la conséquence de la
d’insuffisance cardiaque ;
prédominant aux points déclives traduisent surcharge sodée que le rein ne parvient pas
l’hyperhydratation du secteur interstitiel, à éliminer et doit faire rechercher une cause – arrêt de l’alcool et des médicaments
mais ne sont cliniquement décelables qu’en rénale extrinsèque ou intrinsèque. La hépatotoxiques en cas de cirrhose ;

5
24-130-C-10 Troubles de l’équilibre hydrosodé Urgences

– une perfusion d’albumine ne sera perte de poids (souvent modérée) et la Cette chlorurie basse permet de faire la
prescrite qu’en dernier recours en cas de natrémie ne sont en aucune façon liées à différence avec un déficit sodé d’origine
syndrome néphrotique avec hypovolémie l’intensité de la déshydratation rénale, et en particulier avec une intoxication
menaçante. extracellulaire. La natrémie est variable non avouée aux diurétiques, difficile
Dans le cas d’une insuffisance rénale s u i v a n t l e c a r a c t è re h y p o - , i s o - o u autrement à différencier de vomissements
oligoanurique ou préterminale, la surcharge hypertonique du déficit sodé. Bien que sa cachés car survenant souvent sur le même
sodée peut être réfractaire au traitement mesure ne présente aucun intérêt pour le terrain (jeune femme voulant maigrir) et
diurétique, même à dose importante diagnostic positif ou étiologique de la conduisant tous deux à une déshydratation
(furosémide jusqu’à 1 500 mg/j per os). Elle déshydratation extracellulaire, elle est extracellulaire avec natriurèse inadaptée,
impose alors une épuration extrarénale. fondamentale pour préciser l’état hypokaliémie et alcalose métabolique.
d’hydratation cellulaire et définir la conduite
à suivre en ce qui concerne les apports ¶ Traitement
DÉFICIT SODÉ hydriques.
Le traitement symptomatique consiste à
Il se traduit par un tableau clinique de Une natrémie normale traduit une
corriger le déficit sodé par l’apport de
déshydratation extracellulaire. adaptation correcte du stock hydrique
chlorure de sodium. En cas de choc
assurant la stabilité de l’osmolalité efficace
hypovolémique, les solutés macromolécu-
¶ Physiopathologie et donc une hydratation cellulaire normale :
laires peuvent être utiles pour rétablir
il s’agit alors d’une déshydratation
Parce que les reins normaux peuvent rapidement un état hémodynamique stable.
extracellulaire pure en rapport avec un
annuler la natriurèse en cas de nécessité, il déficit sodé devenu isotonique du fait de la L’apport de sodium peut être réalisé par
n’y a pas de déficit sodé par carence régulation hydrique. C’est seulement dans voie orale si le déficit est peu important et
d’apports. Les déficits sodés sont donc ce cas que la perte de poids est en dehors de tout trouble de la conscience.
habituellement dus à des pertes sodées. proportionnelle au déficit sodé (perte de Le plus souvent, il est réalisé par voie
Les pertes sodées peuvent être : poids de 1 kg pour un déficit sodé d’environ intraveineuse, car un apport important de
150 mmol). Une hypernatrémie est due au sodium par voie orale est souvent source de
– d’origine rénale, de cause intrinsèque au vomissements qui ne font qu’aggraver le
rein (insuffisance rénale aiguë en phase de caractère habituellement hypotonique des
pertes sodées, mais elle n’apparaît que si la déficit sodé. La quantité de sodium à
reprise de diurèse, néphropathie chronique, perfuser peut être calculée comme si l’apport
le plus souvent interstitielle, avec perte soif induite par l’hyperosmolalité ne peut
être satisfaite. Cette éventualité est plus de sodium se distribuait dans l’eau totale,
obligatoire de sel) ou extrinsèque c’est-à-dire dans environ 60 % du poids
(insuffisance surrénalienne, intoxication aux fréquente chez le sujet âgé. Elle correspond
à une déshydratation globale (à la fois corporel. Si la déplétion est d’origine
diurétiques) ; extrarénale, la réapparition d’une natriurèse
extracellulaire et cellulaire) et souvent grave.
– d’origine extrarénale : les pertes sodées En réalité, la natrémie est le plus souvent témoigne de la restitution du stock sodé.
sont le plus souvent digestives (diarrhée, diminuée, en dépit du caractère L’apport de sodium par voie intraveineuse
vomissements, fistule digestive), mais elles primitivement hypotonique du déficit, parce est le plus souvent effectué sous forme
peuvent être aussi en rapport avec la que l’hypovolémie stimule la sécrétion isotonique (chlorure de sodium à 9 g/L). En
c o n s t i t u t i o n d ’ u n t ro i s i è m e s e c t e u r d’angiotensine et d’ADH. Elle traduit une cas d’hyponatrémie associée, la restriction
(occlusio n intestinale) o u avec u n e hyperhydratation cellulaire qui masque la hydrique permet de ne pas aggraver
hypersudation profuse (fièvre intense et perte de poids associée à la déshydratation l’hyperhydratation cellulaire ; l’utilisation de
prolongée, température extérieure très extracellulaire et nécessite la prescription solutés hypertoniques en sodium n’est pas
élevée), des brûlures étendues, une d’un apport sodé hypertonique en nécessairement justifiée dans la mesure où
mucoviscidose. restreignant les apports hydriques. la boucle de régulation du bilan hydrique
fonctionne normalement, car elle peut être à
¶ Diagnostic positif ¶ Diagnostic étiologique l’origine d’une correction trop rapide de
Le diagnostic de déficit sodé repose sur les Devant un tableau clinique de déshydra- l’hyponatrémie. En présence d’une
signes cliniques de déshydratation tation extracellulaire, il importe en premier hypernatrémie témoignant dans ce contexte
extracellulaire. Le signe capital est le « pli lieu de mesurer la natriurèse sur un d’une déshydratation globale, les apports
cutané » : perte de l’élasticité normale de la ionogramme des urines de 24 heures. seront isotoniques jusqu’au rétablissement
peau, plus facilement constatée au niveau U n e n a t r i u r è s e b a s s e ( i n f é r i e u re à d’un état hémodynamique stable, puis
des régions sous-claviculaires et du dos de 15 mmol/j) avec un rapport Na/K inférieur ensuite hypotoniques en sodium de manière
la main. Il témoigne de la déshydratation du à 1 du fait d’un hyperaldostéronisme à corriger l’hypernatrémie et la
secteur interstitiel. La tachycardie, la secondaire à l’hypovolémie efficace, des déshydratation cellulaire. En cas d’acidose
sensation de fatigue avec malaises en urines rares et concentrées (urée associée (diarrhée aiguë), on remplace tout
position debout témoignant d’une U/P > 10) du fait de la stimulation de la ou partie du chlorure de sodium par du
hypotension orthostatique sont en rapport sécrétion d’ADH par l’hypovolémie efficace bicarbonate de sodium. Le traitement
avec l’hypovolémie. Les yeux sont cernés, traduisent un comportement rénal adapté et étiologique dépend de l’origine du déficit
enfoncés dans les orbites. L’hypotension signent l’origine extrarénale du déficit sodé. sodé.
p e r m a n e n t e , v o i re l e c o l l a p s u s , n e À l’opposé, une natriurèse supérieure à
surviennent qu’en cas de déficit sodé majeur. 15 mmol/j est inadaptée au déficit sodé et
Sur le plan biologique, l’hématocrite et la traduit habituellement un déficit d’origine Troubles de la natrémie
protidémie sont élevés, témoignant de rénale. Une exception en est l’existence de
l’hémoconcentration. Une élévation modérée vomissements importants responsables à la La natrémie désigne la quantité de sodium
des concentrations plasmatiques de l’urée, fois d’un déficit sodé et d’une alcalose présente dans 1 L de plasma. Elle est
de la créatinine et de l’acide urique est métabolique. La nécessité d’éliminer du normalement aux environs de 140 mmol/L.
fréquente, traduction d’une insuffisance bicarbonate pour contrôler l’alcalose peut Découvert sur la pratique d’un ionogramme
rénale fonctionnelle en rapport avec expliquer l’excrétion rénale de bicarbonate sanguin effectué à l’occasion d’un bilan
l’hypoperfusion rénale. de sodium en dépit du déficit sodé. Dans ce systématique ou d’un symptôme
L’intensité des signes de déshydratation cas, le rein bloque l’excrétion rénale de généralement non spécifique, un trouble de
e x t r a c e l l u l a i re e s t e n re l a t i o n a v e c chlorure de sodium afin d’épargner le la natrémie, défini par une natrémie en
l’importance du déficit sodé. En revanche, la sodium : la chlorurie est alors effondrée. dehors de l’intervalle 135-145 mmol/L,

6
Urgences Troubles de l’équilibre hydrosodé 24-130-C-10

Natrémie 4 Étapes du diagnostic étiologique d’une hyponatrémie.


< 135 mmol/L Urée U/P : rapport urée urinaire/urée plasmatique ; Osm
U/P : rapport osmolalité urinaire/osmolalité plasmatique ;
HTA : hypertension artérielle.
Hyponatrémie

Appréciation de
l'osmolalité efficace

- Hyperprotéinémie - Hyperglycémie (> 15 mmol/L)


- Hyperlipémie Osmolalité efficace diminuée - Soluté exogène (mannitol ...)
Osmolalité efficace normale Hyponatrémie hypotonique Osmolalité efficace augmentée
Hyponatrémie isotonique Hyponatrémie hypertonique

Appréciation du
volume extracellulaire

- Pli cutané - Œdèmes


- Hypotension orthostatique
Volume extracellulaire Volume extracellulaire
Volume extracellulaire cliniquement augmenté
cliniquement diminué cliniquement normal
Trouble hydrosodé :
Trouble hydrosodé : Trouble hydrique primitif :
surcharge hydrosodée
déficit sodé surcharge hydrique pure

Appréciation de Appréciation de Appréciation de


la natriurèse l'osmolalité urinaire la volémie efficace
(ionogramme urinaire) (ionogramme urinaire) (pression artérielle)

Na < 15 mmol/j Na > 15 mmol/j Osm U/P < 1 Osm U/P > 1 HTA Pas d'HTA
Na/K < 1
Urée U/P > 10 Défaut
Excès d'élimination Surcharge
Pertes sodées Pertes sodées d'apports rénale sodée Surcharge sodée
extrarénales rénales liquidiens de l'eau libre hypervolémique hypovolémique

nécessite d’apprécier à la fois l’état situation plus rare où l’osmolalité efficace dénommée « fausse hyponatrémie ») et
d’hydratation cellulaire et l’état est normale (hyponatrémie isotonique), voire hypertonique qui représentent moins de 5 %
d’hydratation extracellulaire afin d’en augmentée (hyponatrémie hypertonique) ? des hyponatrémies en milieu hospitalier, et
préciser le mécanisme et de déduire la probablement encore beaucoup moins en
conduite thérapeutique la mieux adaptée. Le – le volume extracellulaire du patient est-il
médecine de ville. L’hyponatrémie
traitement est en effet celui des troubles de à peu près normal, nettement diminué ou
hypertonique est due à une augmentation
l’hydratation extracellulaire et/ou cellulaire franchement augmenté ?
du stock hydrique en rapport avec
qui l’accompagnent. Ce traitement, envisagé De la réponse à la première question l’hypertonie. L’hyponatrémie hypertonique
précédemment, ne sera pas détaillé ici. dépendent l’état d’hydratation cellulaire du est suspectée sur une glycémie élevée
patient et la conduite à tenir quant aux (supérieure à 15 mmol/L) ou sur le contexte
apports hydriques. De la réponse à la clinique (diabète décompensé, perfusion de
DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE
D’UNE HYPONATRÉMIE
seconde question dépendent la valeur du mannitol ou de tris-hydroxy-méthyl-amino-
stock sodé et la conduite à tenir quant aux méthane [THAM], etc). L’hyponatrémie
Une hyponatrémie est définie par une valeur apports sodés et l’institution d’un traitement isotonique est le reflet d’une diminution de
de la concentration plasmatique du sodium diurétique. l ’ o s m o l a r i t é ( s a n s m o d i fi c a t i o n d e
inférieure à 135 mmol/L de plasma. Le l’osmolalité) en rapport avec une
traitement d’une hyponatrémie dépend de hyperprotidémie ou une hyperlipémie
son étiologie et nécessite donc avant tout de ¶ Appréciation de l’osmolalité
efficace importante. Elle est suspectée sur la biologie
r é p o n d re s u c c e s s i v e m e n t a u x d e u x
ou sur le contexte clinique (myélome non
questions suivantes (fig 4) : Le plus souvent, l’hyponatrémie est le reflet maîtrisé, contexte connu d’hyperlipémie
– l’osmolalité efficace du patient est-elle d’une diminution de l’osmolalité efficace majeure...). En cas de doute persistant, la
réellement diminuée (hyponatrémie (hyponatrémie hypotonique). Cependant, il mesure de l’osmolalité efficace (obtenue par
hypotonique) comme c’est le plus souvent le faut systématiquement éliminer les rares cas différence entre l’osmolalité totale mesurée
cas, ou bien se trouve-t-on dans une d’hyponatrémie isotonique (anciennement par cryoscopie et la concentration molaire

7
24-130-C-10 Troubles de l’équilibre hydrosodé Urgences

Hyponatrémie de surcharge hydrique pure 5 Différents mécanismes de l’hyponatrémie hypotonique.

Surcharge
Hyponatrémie
hydrique

Hyponatrémie de déficit sodé

Déshydratation Pli cutané


Déficit sodé
extracellulaire Rétention
Hypovolémie
hydrique Hyponatrémie
efficace

Hyponatrémie de surcharge hydrosodée

Surcharge Hyperhydration Œdèmes


Hypovolémie sodée extracellulaire
efficace
Rétention Hyponatrémie
hydrique

de l’urée) permet d’établir le diagnostic diagnostic d’hyponatrémie de déficit sodé. la conscience, très jeune enfant) ou satisfaite
définitif du type de l’hyponatrémie. Lorsque les signes de déshydratation (handicap, carence en eau, âges extrêmes de
En raison de son caractère physiologique, extracellulaire ne sont pas francs, le dosage la vie).
l’hyponatrémie isotonique doit être de l’urée et de l’acide urique peut permettre L’hypernatrémie témoigne d’un ajustement
respectée : elle ne justifie aucun apport ni de distinguer l’hyponatrémie de déficit sodé insuffisant du stock hydrique. Ce déficit peut
restriction d’eau et de sodium. d’une hyponatrémie de surcharge hydrique être primitif, sans trouble associé du bilan
L’hyponatrémie hypertonique est associée à primitive : dans le premier cas, l’urée et sodé, et correspond alors à une
une déshydratation cellulaire. Les l’acide urique sont généralement élevés en déshydratation cellulaire pure. Le déficit
hyponatrémies isotoniques et hypertoniques raison de l’insuffisance rénale fonctionnelle hydrique peut également être secondaire à
disparaîtront spontanément lors de la induite par l’hypovolémie ; dans le second un trouble du bilan sodé, et dans ce cas
correction, quand elle est possible, du cas, ils sont généralement abaissés du fait de beaucoup plus souvent à un déficit qu’à une
trouble à l’origine de leur installation. la légère augmentation infraclinique de la surcharge sodée. Le traitement d’une
volémie. La conduite thérapeutique est la hypernatrémie dépend de son étiologie qu’il
Dans la majorité des cas cependant,
même que devant tout déficit sodé d’origine convient donc de préciser avant toute chose
l’hyponatrémie est hypotonique et alors
rénale ou extrarénale. en appréciant la volémie efficace sur la
responsable d’une hyperhydratation
cellulaire dont les conséquences À l’opposé, l’association d’une pression artérielle et l’état d’hydratation
neurologiques peuvent être graves si hyponatrémie et d’une hyperhydratation extracellulaire (fig 6). Cette appréciation
l’hypernatrémie et l’hyperhydratation sont extracellulaire fait poser le diagnostic repose sur des critères cliniques.
sévères et d’installation brutale. Il convient d’hyponatrémie de surcharge. L’hypona- L’absence de trouble cliniquement décelable
donc de prescrire une restriction hydrique trémie provient de l’association à la de la volémie efficace et de l’hydratation
d’autant plus stricte que l’hyponatrémie est surcharge sodée d’une rétention hydrique, extracellulaire témoigne d’un stock sodé
profonde, car tout apport d’eau tend à dont la prise de poids généralement rapide adapté. L’hypernatrémie est alors en rapport
aggraver l’hyperhydratation cellulaire et ses mesure l’importance. La conduite avec un déficit hydrique primitif.
conséquences neurologiques éventuelles. thérapeutique est la même que devant toute S’il existe des signes de déshydratation
Ainsi, à de rares exceptions près, en règle surcharge sodée : elle repose sur les extracellulaire associés à l’hypernatrémie,
facilement évoquées dans le contexte diurétiques, mais la présence d’une celle-ci est en rapport avec un déficit
clinique à condition de savoir y penser, une hyponatrémie exige de plus une restriction hydrosodé. La sévérité des signes de
hyponatrémie doit entraîner la prescription hydrique. L’hyponatrémie peut être déshydratation extracellulaire renseigne sur
réflexe d’une restriction des apports aggravée par le traitement diurétique qui l’importance du déficit sodé. L’importance
liquidiens. d e v r a a l o r s ê t re eff e c t u é e n m i l i e u de l’hypernatrémie renseigne sur la sévérité
hospitalier avec une surveillance de la de la déshydratation cellulaire. La perte de
natrémie toutes les 4 à 6 heures. poids, quand elle peut être estimée, mesure
¶ Appréciation du volume
extracellulaire L’absence de trouble cliniquement le déficit hydrique. Le patient est menacé à
perceptible de l’hydratation extracellulaire la fois par la déshydratation cellulaire et par
Une hyponatrémie hypotonique témoigne témoigne d’un stock sodé à peu près normal. la déshydratation extracellulaire : c’est le
d’une rétention hydrique (fig 5). Cette L’hyponatrémie est alors en rapport avec un tableau grave de la déshydratation globale
rétention peut être primitive, sans trouble déficit hydrique primitif. survenant plus fréquemment chez un sujet
associé du bilan sodé, et correspond alors à âgé.
une hyperhydratation cellulaire pure. La DIAGNOSTIC ÉTIOLOGIQUE L’association d’une hypernatrémie et de
rétention hydrique est plus fréquemment D’UNE HYPERNATRÉMIE signes cliniques d’hyperhydratation
associée à un déficit ou à une surcharge L’hypernatrémie est définie comme une extracellulaire est en faveur d’une surcharge
sodée. C’est pourquoi l’estimation du stock natrémie supérieure à 145 mmol/L. Elle est sodée hypervolémique (bien qu’une
sodé par l’appréciation du volume associée à un état hypertonique et donc à surcharge sodée soit rarement responsable
extracellulaire est indispensable devant toute une déshydratation cellulaire. Normalement, d’une hypernatrémie). Une hypernatrémie
hyponatrémie hypotonique pour en préciser toute hyperosmolalité efficace entraîne une modérée (entre 145 et 150 mmol/L) peut être
le mécanisme et adapter la thérapeutique. soif. En conséquence, la persistance d’une expliquée par l’élévation du seuil osmotique
Cette appréciation repose sur des critères hypernatrémie est toujours en rapport avec de la soif et par l’augmentation de
cliniques. le fait que la soif ne peut être exprimée l’excrétion d’eau libre en rapport avec
L’association d’une hyponatrémie et d’une (troubles de la soif correspondant à un seuil l’inhibition de l’angiotensine et de l’ADH
déshydratation extracellulaire fait poser le osmotique anormalement élevé, troubles de par l’hypervolémie. Une hypernatrémie

8
Urgences Troubles de l’équilibre hydrosodé 24-130-C-10

Natrémie 6 Étapes du diagnostic étiologique d’une hypernatrémie.


> 145 mmol/L Urée U/P : rapport urée urinaire/urée plasmatique ; Osm U :
osmolalité urinaire ; HTA : hypertension artérielle.

Hypernatrémie

Appréciation
de la volémie
(pression artérielle)

- Hypotension orthostatique Volémie normale et - HTA


- Pli cutané volume extracellulaire
Hypervolémie et cliniquement normal Hypervolémie
volume extracellulaire
cliniquement diminué Trouble hydrique primitif : Trouble hydrosodé :
Trouble hydrosodé : déficit hydrique pur surcharge sodée
déficit hydrosodé

Appréciation de Appréciation de
la natriurèse l'osmolalité urinaire
(ionogramme urinaire) (ionogramme urinaire)

Na < 15 mmol/j Na > 15 mmol/j Osm U > 600 mOsm/L Osm U < 600 mOsm/L
Na/K < 1
Urée U/P > 10
Défaut d'apports liquidiens Excès d'élimination
Pertes sodées Pertes sodées ou pertes extrarénales rénale de l'eau libre
extrarénales rénales d'eau libre

parfois sévère peut être observée en


Tableau II. – Principales étiologies des diabètes insipides.
réanimation chez le patient insuffisant rénal
(avec une capacité limitée d’excrétion sodée) Diabète insipide central Formes idiopathiques ou familiales
en alimentation parentérale trop riche en (neurogénique) Tumorales : tumeurs hypophysaires ou hypothalamiques
Infectieuses : méningites, encéphalites
sodium et incapable de satisfaire sa soif. Les Vasculaires : thrombose ou anévrisme cérébral, syndrome de Sheehan
étiologies de ces hypernatrémies sont celles Granulomateuses : tuberculose, sarcoïdose
des surcharges sodées hypervolémiques. Le Autres : après traumatisme crânien ou hypophysectomie
traitement symptomatique repose sur les Diabète insipide Diabète insipide néphrogénique congénital
diurétiques, mais la présence d’une néphrogénique Insuffisance rénale chronique
hypernatrémie nécessite d’y adjoindre un Néphropathies interstitielles : pyélonéphrite chronique, néphropathie des analgési-
ques, uropathie obstructive
apport hydrique, si possible per os, sinon à Hypokaliémie, hypercalcémie, polyurie osmotique
l’aide de solutés glucosés, de manière à Médicamenteuses : lithium (Téralithet), amphotéricine B
réduire l’hypernatrémie et à corriger la Autres : drépanocytose, amylose, polykystose
déshydratation cellulaire.
supérieure à 200 mOsm/L ou un débit Un syndrome polyurodipsique peut
osmolaire supérieur à 50 mOsm/h. Le également être secondaire à une charge
Troubles de la diurèse s y n d ro m e p o l y u ro d i p s i q u e d e v i e n t osmotique dépassant la capacité de
responsable d’un trouble du bilan hydrique, concentration des urines, ce qui tend à
La diurèse est habituellement comprise entre et donc d’un trouble de l’osmolalité efficace, augmenter l’osmolalité plasmatique efficace.
1 et 2 L/j. Elle varie en fonction des apports seulement lorsque soif et polyurie ne Les conséquences en sont une diurèse
liquidiens. peuvent plus se compenser. osmotique (polyurie isotonique)
indispensable pour éliminer la charge
¶ Physiopathologie osmotique et une polydipsie en rapport avec
SYNDROMES POLYURODIPSIQUES Parfois, la polydipsie est primitive (apports la tendance à l’hypertonie plasmatique.
Le syndrome polyurodipsique est défini par l i q u i di en s i mp o r t an t s) : l a p o l yu r ie ¶ Diagnostic
l’association d’une polyurie (diurèse hypotonique (diurèse aqueuse) est la
supérieure à 3 L/j) et d’une soif intense conséquence logique de la tendance à Le diagnostic positif repose sur
(polydipsie). On distingue classiquement les l’hypotonie plasmatique. À l’opposé, dans le l’interrogatoire. Le diagnostic étiologique est
polyuries hypotoniques (diurèse aqueuse) diabète insipide, la polyurie est primitive : souvent difficile : il consiste à établir si la
définies par une osmolalité urinaire la polydipsie est la conséquence logique de polyurie est primitive et responsable de la
inférieure à 200 mOsm/L ou un débit la tendance à l’hypertonie plasmatique soif, ou si la soif est primitive et responsable
osmolaire inférieur à 50 mOsm/h et les secondaire à la diurèse aqueuse. Les de la polyurie.
polyuries isotoniques (diurèse osmotique) principales causes de diabète insipide sont La mesure de la natrémie est essentielle, car
définies par une osmolalité urinaire énumérées dans le tableau II. elle est un élément fondamental du

9
24-130-C-10 Troubles de l’équilibre hydrosodé Urgences

diagnostic lorsqu’elle met en évidence une En cas de polyurie secondaire à un excès insuffisance rénale, le plus souvent aiguë. En
perturbation de l’osmolalité efficace. Une d’apports, la réponse rénale est adaptée : la effet, l’insuffisance rénale chronique
hyponatrémie hypotonique traduit une restriction hydrique devrait toujours n’entraîne pas d’oligurie, mais plutôt une
polyurie secondaire à un excès d’apports provoquer une élévation de l’osmolalité polyurie osmotique, sauf en cas de
liquidiens (intoxication à l’eau). Une urinaire. Cependant, cette élévation est déshydratation surajoutée ou au stade
hyperosmolalité efficace (hypernatrémie ou souvent limitée en cas de polyurie chronique terminal nécessitant la dialyse.
hyponatrémie hypertonique) est en faveur du fait de la diminution de la capacité du L’insuffisance rénale aiguë peut être :
d’un diabète insipide ou d’une diurèse rein à concentrer les urines : en effet, le
– fonctionnelle, secondaire à une
osmotique, facilement différenciés par le gradient de concentration corticomédullaire
hypovolémie efficace, soit dans un tableau
contexte clinique et biologique, voire par nécessaire pour une concentration maximale
de surcharge hydrosodée conséquence de
l’appréciation de l’osmolalité urinaire. des urines ne se rétablit pas immédiatement.
l ’ h y p o v o l é m i e e ffi c a c e ( s y n d r o m e
Cependant, la natrémie reste le plus souvent L’étude de la sécrétion d’ADH sous
néphrotique, insuffisance cardiaque,
dans les limites de la normale, traduisant restriction hydrique et celle de la réponse
cirrhose), soit au contraire dans un tableau
une adaptation correcte entre polyurie rénale à la vasopressine, normales en cas de
de déficit sodé à l’origine de l’hypovolémie
et polydipsie. La mesure de l’osmola- polyurie secondaire à un excès d’apports,
efficace ;
lité urinaire est alors indispensable peuvent alors être utiles.
– organique.
p o u r d i ff é r e n c i e r d i u r è s e a q u e u s e
(U < 200 mOsm/L) et diurèse osmotique ¶ Traitement ¶ Diagnostic
(U > 200 mOsm/L).
Le diabète insipide d’origine centrale peut Le diagnostic positif est évident, mais il
Le diagnostic étiologique des diurèses nécessiter le traitement substitutif par un importe d’éliminer, d’une part une fausse
osmotiques est généralement facile. Le analogue de l’ADH (desmopressine) par oligurie (le patient ne se souvient plus
contexte clinique et la mesure de l’osmolalité voie nasale. Si le déficit en ADH n’est pas d’avoir uriné) par un dosage de la
urinaire permettent habituellement de total, le clofibrate (1,5 à 2 g/j, soit 3 à créatininémie qui objective l’absence
distinguer les situations en rapport avec un 4 gélules/j de Lipavlont) et la d’insuffisance rénale, d’autre part une
dépassement de la capacité (par ailleurs carbamazépine (200 à 600 mg/j, soit 1 à rétention d’urines sur l’absence d’envie
normale) de la concentration des urines 3 comprimés/j de Tégrétolt) ont pu être d’uriner et de globe vésical. En cas de doute,
(hyperglycémie importante, perfusion de utilisés avec succès, car ils semblent une échographie vésicale montre une vessie
mannitol, etc) et les situations en rapport potentialiser l’effet de l’ADH. vide.
avec une altération du pouvoir de Le diagnostic étiologique est celui d’une
Le diabète insipide d’origine néphrogénique
c o n c e n t r a t i o n ( i n s u ffi s a n c e r é n a l e insuffisance rénale aiguë. Des urines foncées
nécessite le traitement de la cause quand
chronique). avec un rapport urée U/P élevé (> 10), une
celui-ci est possible. L’association d’un
Le diagnostic étiologique des diurèses régime restreint en sel et de diurétiques natriurèse basse (< 15 mmol/j) avec un
aqueuses (excès d’apports ou diabète thiazidiques peut diminuer la diurèse rapport Na/K urinaire inférieur à 1 sont en
insipide) est souvent plus difficile. Le dosage aqueuse. Plus récemment, les inhibiteurs de f a v e u r d ’ u n e i n s u ffi s a n c e r é n a l e
de l’ADH permet le diagnostic de diabète la synthèse des prostaglandines fonctionnelle secondaire à une hypovolémie
insipide néphrogénique s’il revient élevé. (indométacine, ibuprofène) ont montré leur efficace dont il importe de rechercher la
Sinon, l’épreuve de restriction hydrique efficacité. cause. À l’opposé, des urines claires avec un
devient nécessaire pour différencier une rapport urée urinaire/urée plasmatique peu
polyurie secondaire à un excès d’apports OLIGURIE élevé (< 10), une natriurèse non bloquée
liquidiens et une polydipsie secondaire à un (> 15 mmol/j) avec un rapport Na/K
Elle est définie par une diurèse inférieure à
diabète insipide d’origine centrale. urinaire supérieur à 1 sont en faveur d’une
500 mL/j en l’absence de rétention aiguë
En cas de diabète insipide d’origine centrale, d’urines. insuffisance rénale organique.
il n’y a pas d’élévation franche de
l’osmolalité urinaire en réponse à la ¶ Physiopathologie Références
restriction hydrique. Il convient alors
d’arrêter à temps l’épreuve de restriction L’oligurie est toujours pathologique : le sujet
hydrique (qui doit donc être réalisée sous sain élimine toujours au moins 500 mL d’eau [1] Brenner BM, Coe FL, Rector FC. Renal physiology in health
and disease. Philadelphia : WB Saunders, 1987 : 57-111
surveillance en milieu hospitalier), sous par jour en raison de la production d’eau [2] Paillard M. Physiologie rénale et désordres hydroélectroly-
peine de voir apparaître une déshydratation endogène par le catabolisme glucidique et tiques. Paris : Hermann, 1992 : 99-151
de la nécessité d’éliminer la charge [3] Rose BD, Rennke HG. Physiopathologie des affections
et l’hypernatrémie correspondante qui rénales et des désordres hydro-électrolytiques : l’essentiel.
peuvent être sévères. osmolaire. L’oligurie est en rapport avec une Paris : Pradel, 1995 : 32-136

10

Vous aimerez peut-être aussi