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Colloque de Recherche

Les Médias au Service de l’Emprise du Politique: le framing de la


campagne référendaire sur le TCE[1] en France

Résumé

La médiatisation est un défi pour la démocratie moderne, elle implique une


réaction aux changements de préférences[2]. Les avancements, dans les
conceptions de représentation et légitimation, ont conduit à de nouvelles
dynamiques. La démocratie du public (Manin 95) lance le lien entre les théories
de la démocratie et les théories de l’espace public, celui-ci comme système
ouvert de communication (Neidhart 91) ou comme réseau de communication
(Habermas 92), qui relit les citoyens au système institutionnel. Cette interaction
est aussi fortement ouvrage des médias, ouvriers d’un espace public
institutionnalisé[3]. À un moment donné de l’évolution des démocraties
occidentales, la liaison entre les médias et les acteurs politiques acquis de
nouvelles formes. Si auparavant ceux-ci avaient un contrôle sur ceux-là, sous
différents et plusieurs moyens, maintenant se sont les médias qui décident de
leur transparence, leur responsabilité et cadrent les enjeux politiques. Détenteurs
de la doxa, les médias valident ou invalident les points de vue d’autres acteurs; ils
apprennent aux gens comment penser et non simplement quoi penser. Ils sont
conscients de leur pouvoir et jouent le rôle d’acteur politique. Certains auteurs
notent la méfiance du public face aux médias, les accusant d’instrumentaliser
l’opinion publique[4]. Il s’agit ici de faire une approche au framing des médias
écrits (Le Figaro, Le Monde, Libération) dans leurs éditoriaux pendant la
campagne référendaire de mai 2005. À l’aide d’une analyse interprétative du
discours, j’essaierai de mettre en évidence les arguments et stratégies
discursives de ces médias vers un cadre de lecture/lectures donnée à leurs
lecteurs. L’enjeu, en occurrence, est le référendum français sur la rectification du
Traité Constitutionnel Européen en mai 2005. Le choix pour cet enjeu entour
plusieurs angles, mais dans ce travail je propose d’identifier les voies du cadrage
éditorial. J’entends par voies les biais cognitifs donnés de façon plus ou moins
consciente, implicite ou explicite sur l’enjeu. Dans quelle mesure les éditoriaux
défendent des positions « pour » ou « contre », quels arguments sont utilisés
(économiques vs. identitaires / national vs. communautaire) et aussi très
important, quelle est leur cohérence[5]. Il ne s’agit pas de surélever l’efficacité,
c’est-à-dire l’effet du framing sur les attitudes des lecteurs/électeurs. On
présuppose que la façon dont les médias présentent les enjeux joue un rôle
important dans les choix individuels.

Nous proposons que les médias, plutôt favorables à la rectification, aient


maximisé le jeu national au détriment de l’enjeu européen, ont essayé
d’instrumentaliser leur rôle politique. Et, même s’ils se sont présentés
favorablement face à l’enjeu, on suppose que du au fait que les journaux qui font
l’objet d’analyses sont «elite politically oriented» (Hallin/Mancini 2004 :67) le
framing change en vertu de sa position dans l’axe gauche/droite et que la
saillance[6] de la campagne varie aussi selon cet axe.

Mots-clefs : U.E., France, référendum, média, cadrage, clivages, intégration,


appartenance, coûts, bénéfice, gagnants, perdants, partis politiques,
gouvernement, gauche, droite, identité nationale, modèle communautaire.

1. Introduction

À l’issue d’une votation populaire du 29 mai 2005 en France, 54,67% des français
ont dit ‘Non’ à la question : Approuvez-vous le projet de loi qui autorise la
ratification du traité établissant une Constitution pour l'Europe ? Un élevé taux de
participation (69,37%) donne toute légitimité à la décision populaire. Dans notre
travail, on prétend aborder le rôle d’un autre acteur au-delà des partisans du
« pour » et du « contre ». Il s’agit de mettre en évidence l’acteur clef de l’espace
public, les médias[7], dans les débats sur l’Europe. Leur action a été décrite dans
cette campagne référendaire. Les opposants au texte se sont élevés contre la
façon dont la presse abordait les questions. Il semble que, dans leur ensemble, les
principaux médias français ont adopté une ligne éditoriale favorable au « oui »[8],
ce qui n’a pas empêché le rejet du projet.

Dans une première partie de notre travail, nous allons développer le concept du
cadrage. Son application dans la littérature et dans la recherche de la
communication politique. Après l’imbrication des médias avec l’espace et opinion
publiques, c’est-à-dire, avec les donnés des sondages et la recherche dans les
éditoriaux, formuler une hypothèse que puisse amener à des éléments
empiriques que susceptibles d’observer le couplage ou découplage entre l’opinion
dominante et l’opinion publié. Toujours dans cette partie du travail, nous
intéresse aussi la confrontation entre les différentes théories de la communication
politique[9].

Dans un deuxième temps, c’est la question du conflit entre les éditoriaux et la


rédaction. Aux États-Unis sont deux parties distinctes dans les journaux et,
apparemment, séparés sans influence dans les choix des enjeux et la saillance. En
Europe, le système de fonctionnement à l’intérieur de da presse écrite est plus
interactif et orienté (Hallin/Mancini 2004). Nous voulons présenter les différences
entre les différents cadres d’analyse proposés et essayer de le vérifier dans les
médias que nous avons choisis.

Troisièmement, on se concentre sur l’analyse des données empiriques. La


compréhension et interprétation du discours des médias, leurs voies mises en
avant et les arguments utilisés. La cohérence discursive, la cohérence envers
l’enjeu principal et la relation de celui-ci avec d’autres enjeux ‘moins’ saillantes et
moins populaires[10], seront aussi objet d’attention dans cette partie de la
recherche. La présentation en termes de gains et pertes, intérêt national et
intérêt européen, l’intégration et compétition, l’Europe et la mondialisation, sont
aussi importantes pour comprendre et interpréter les attitudes des électeurs.
Malgré la faiblesse des données, on propose que pour analyser la popularité de
l’enjeu on utilise les données quantitatives de la participation électorale. Pour
l’analyse de la saillance de l’enjeu européen et des enjeux nationaux ont utilise de
données de sondages publiés.

2. Cadre théorique

La forte saillance et popularité de la campagne référendaire qui peut-être


conceptualisée comme l’interaction entre les messages émis par les acteurs en
compétition, la couverture médiatique et les sondages[11], fournit des éléments
qui nous permettent de mettre en avant le paradoxe[12] de ce référendum. Selon
la littérature, les campagnes à forte saillance permettent à l’individu de faire ces
choix de façon plus sophistiqué, parce que l’information acquise le rend plus apte
à faire un choix éclairé. “… when the campaign salience is high, more information
is available to individual voters and they are thus more motivated and better
capable of making sophisticated judgements that are compatible with their
underlying attitudes.” (Hobolt 2005:89). Donc, ceci étant, les électeurs français
ont eu à leur disposition toute sorte d’information pour les rendre plus
compétents. Mais, ils ont révélé une faible compétence politique « interrogés 20
jours avant le scrutin (sondage CSA-Marianne des 7 et 11 mai 2005) sur le point
de savoir ce qui aura le plus d’influence sur leur décision du 29 mai, les électeurs
placent en dernière position la façon dont les médias relatent la campagne (16%),
et la façon dont les responsables politiques prennent position (27%) » (Gerstlé
2006). Ici on observe une contradiction patente avec l’explication de la
dynamique de la campagne référendaire qui a été fortement traitée par les
médias. Selon Gerstlé (2006), il s’agit d’une ‘ignorance pluraliste’, cette
expression provient de la sociologie de la communication et elle se définie comme
étant le signe qu’un grand nombre d’individu partage la même erreur cognitive
sur la formation du jugement politique. « Avec le temps, l’erreur se corrige peut-
être, comme le montre un sondage de janvier 2006 qui demande aux français si
les médias ont plutôt bien rendu compte ou plutôt mal rendu compte du
référendum sur le traité constitutionnel. Il s’en trouve 42% pour choisir la
première formule, 46% pour la seconde et 12% restent sans opinion (TNS-Sofres).
Dans une enquête réalisée du 16 au 23 janvier 2006, c'est-à-dire, 8 mois après le
référendum, 63% des français ne se sentent pas bien informés sur l’UE. Ils
indiquent que les hommes politiques (87%) et les médias (80%) devraient
davantage leur parler de l’UE. Par ailleurs, les français qui ont choisi le ‘non’ se
sentent moins bien informés que ceux qui se sont prononcés en faveur du projet
de constitution (-14 points de différence). On observa, et c’est un détail
important, qu’ils se sentent également moins informés sur la vie politique
française (écart de 14 également). En d’autres termes, il s’agit d’une population
marquée par une plus faible compétence politique. » (Gerstlé 2005 :29 ; ‘political
awareness’ de Zaller). Évidement, la faible importance accordée par les français
aux médias et l’explication de l’ignorance pluraliste n’empêchent pas de
confirmer que l’information disponible dans l’environnement de la campagne pèse
sur les critères de choix utilisés par les électeurs et que les individus dotés d’une
‘political awareness’ avaient tendance à s’appuyer davantage que les autres sur
leurs attitudes à l’égard de la construction européenne. Et que le autres, moins
informés et moins intéressés, se sont trouvés plus dépendants de l’information
immédiate délivrée par les médias et les ‘background news’. Alors, tenant en
appréciation la ligne de Zaller[13], on pourrait renforcer l’argument de Gerstlé, les
plus compétents et les moins compétents sont ceux qui souffrent le moins de
l’influence médiatique. D’autres études on révélé que quand l’information est
émit en quantité, les individus on d’énormes difficultés à la traiter. Les mêmes
études confirment que la saillance s’appui plutôt dans la quantité, cela ne signifie
pas une valeur ajouté au citoyen moins informé, ça lui complique sa décision à
prendre. L’information est multiple, dispersée, peu claire, mélangé avec d’autres
enjeux qui ne permettent pas de clarifier l’individu. En plus, dans notre cas
d’espèce, les cues des élites ou partisanes n’ont plus aidée. La raison est que le
clivage dans l’axe gauche/droite ne va pas vers un positionnement face à
l’Europe. En France, pendant la campagne, les voix concordantes et discordantes
vis-à-vis la rectification sortaient de tous les quadrants politiques. L’électeur
n’avait pas non plus de raccourcis.

Les médias choisis représentent les voix politiques axés vers un clivage de
politique traditionnelle. Le Figaro à droite, le Libération à gauche et Le Monde au
centre[14]. Mais, en ce qui concerne l’espace politique européen, ce clivage n’est
pas présent ou on l’observe rarement, même s’il y a plusieurs pays et chacun est
un cas. Pour l’instant, les clivages politiques traditionnels internes n'ont pas
transposé les frontières nationales. Néanmoins, cette constatation n’empêche que
les médias, politiquement orientés, n’aient pas un cadrage différent de l’enjeu[15].
Les grandes forces nationales sont plutôt favorables à l’intégration européenne,
ainsi que les élites. En France, les partis politiques qui dominent l’aréna ont été
dans le camp du ’oui’ (UMP, UDF, PS et radicaux, Verts), dans le camp du ‘non’
(FN, MPF, RPF, PCF) les plus faibles et plus extrémistes.

On suppose que ces nouveaux clivages apparaissent dans la sphère européenne


et qu’ils s’inscrivent dans le cadre proposé par Kriesi de gagnants/perdants,
ouverture/fermeture, choix affectif/choix rationnel. Dans le cas du référendum
français, en opposition avec la littérature du modèle des élections de second
ordre[16], Gerstlé insiste sur l’analyse du cadrage de l’information pendant les six
mois qui ont précédé le scrutin pour montrer de quelle façon l’accent placé sur
l’information a installé un climat politique négatif et de peur. En fait, la saillance
du caractère économique et social de la campagne n’a pu que résonner avec les
attentes des catégories sociales qui se sentaient les plus menacées par leur
perception de l’Union Européenne. Ces catégories sociales perpètrent un clivage
entre deux modèles qui structurent les opinions des européens en matière de
décisions politiques au sens large : d’une part le modèle de l’État-nation, encore
très présent ; d’autre part, le modèle communautaire qui s’impose à présent dans
les domaines qui ont de fortes conséquences et dimensions transnationales.
(Cautrès 2005).
3. Revue de littérature

Pendant toute la première partie du 20 siècle, et surtout depuis les travaux


ème

Lazarsfeld, les études sur l’influence des médias dans le choix électoral
démontrent que la presse n’a aucune influence sur ce choix, bien au contraire, la
presse ne faisait que renforcer leurs prédispositions. C’est le modèle sociologique
du vote qui prédomine. La persuasion était directe et massive, les effets linéaires
et homogènes. La campagne renforçait au lieu de convertir. À partir des années
60/70, on assiste au tournant cognitif, effets variés, dépendant du contexte et des
caractéristiques des individus. « the press may not to be successful much of the
time in telling people what to think, but it is stunningly successful in telling its
readers what to think about » (Cohen 1963); la presse se présente comme
indépendante à l’égard de la politique, autonome et surtout comme un
intermédiaire entre la politique et l’individu. L’importance du type de média joue
un rôle croissant et le décalage entre le pouvoir des médias écrits et les
audiovisuels est évident. Quand-même, la capacité des médias écrit met en
évidence certains enjeux, leurs exploitations, leurs opinions à propos, comme
aussi bien, leur capacité de persuasion, qu’on ne peut négliger. C’est à partir de
cette approche que nous induisons que les médias écrits proposés dans cette
étude ont joué un rôle significatif, sois dans les contours présentés de l’enjeu
européen, sois dans la prise de position auprès d’un public-ciblé. Pour soutenir
l’utilisation du cadre proposé, je vais faire recours aux niveaux macro et micro de
l’analyse sociologique du cadrage. Selon la perspective macro, la sélection de
certains aspects d’un enjeu induit à une interprétation particulière de l’objet ; au
niveau micro, la façon de présenter l’information a un effet sur le traitement de
l’information et les jugements individuels ; la mise en évidence des déterminants
cognitifs et psychologiques du choix individuel dans un contexte de gains et de
pertes. « The concept of framing refers to the effects of presentation on
judgement and choice … that individuals’ choices vary dramatically depending
upon whether the options are presented as potential gains or losses. » (Shanto
Iyengar, 1996, p.61), s’agissant d’un enjeu thématique, selon mon interprétation.
Les possibilités d’en faire un usage plus vaste et abstrait augmentent, dans la
mesure que le contexte est aussi plus favorable. La responsabilité des médias
augmente parallèlement aux possibilités mises en avant par le contexte.

L’option de prendre les éditoriaux comme objet d’analyse a déjà été annoncé
précédemment. Néanmoins, il faut exploiter les contours de l’absence de
consensus autour de la pratique journalistique et l’impartialité des éditeurs. Un
des éléments d’une presse impartiale est l’impénétrabilité du mur qui sépare
l’éditorial de la rédaction. Le point de vue de l’éditeur est supposé ne pas
intervenir dans le choix des reportages. Selon les normes journalistiques,
l’information doit être objective, libre et sans pression ou direction de personne
(Kim Kahn and Patrick Kenney, 2002, p.381) “According to the executive editor of
the Washington Post, Leonard Downie, Jr., the news departement at the Post
follows the paper’s formal ethics policy that ‘the separation of news columns from
the editorial pages … is solemn and complete’ ”(Seib 1994 cité par Kim et
Kenney, p. 381). Selon l’éditeur du réputé journal américain la frontière entre
l’éditorial et le choix des nouvelles, les enjeux, reportages et leurs saillances est
infranchissable. Mais Kim Kahn et Patrick Kenney assurent qu’aux États-Unis, les
journaux n’ont jamais été totalement dissociés des ‘cues’ partisanes et qu’ils sont
toujours une source de propagande politique. Selon eux, les préférences
politiques sont manifestement visibles dans les pages de l’éditorial. Et que,
contrairement aux affirmations de l’éditeur du Post, ils ajoutent « The editorial
influence on news coverage has electoral ramifications. In particular, the
endorsement decisions of newspapers, reflected in the news coverage, may affect
citizens’ attitudes about competing candidates. » (Idem, p.382) Acceptant ces
propositions on pourrait faire un parallélisme avec les clivages, situant les
journaux dans l’axe gauche/droite. On suggère cette proposition de Kim Kahn et
Kenney simplement pour renforcer l’idée de l’importance des éditoriaux dans la
prise en relevance d’une affaire ou d’un enjeu et sa saillance. Ce qu’on veut
mettre en lumière c’est la voie du message et du discours. Défendre l’idée que
“models of persuasion … suggest that people who are highly involved with an
issue are likely to process relevant messages in detail. They are thought to rely on
careful scrutiny of message content and their knowledge of the merits of the issue
to judge the validity of an advocacy. Accordingly, under high involvement, how
people combine or integrate message-relevant information into a unitary attitude
plays an important role in persuasion.”(Petty, Cacioppo, and Schumann, 1983).
Plusieurs études confirment que l’influence des médias dans l’opinion public est
évidente, et que cette influence est encore plus directe quand il s’agit de la
préférence de vote « The contemporary view is that media influences are
primarily the cognitive effects of agenda-setting and framing how events and
candidates are perceived (Iyengar and Kinder, 1987, McLeod et al. 1994) . At the
same time, other researchers have continued to explore the medias’ potential for
persuasion. Robert Erikson (1976) found that a newspaper’s editorial
endorsement was significantly related to county-level voting patterns. John
Robinson (1974) and Steven Coombs (1981) also documented a direct
relationship between newspaper endorsements and the voting patterns of
readers. Noelle-Neumann (1984) claimed that the media can have a strong
influence on voting preferences when their message is clear and consistent. Larry
Bartels (1993) showed that measurement error may significantly attenuate
estimations of media effects, and he argued that the direct influence is much
stronger than previously recognized. John Zaller (1996) provided new evidence
that media content can affect policy preferences and political evaluations.”
(Citation de Dalton, Beck and Huckfeldt, 1998, p.112). La plupart de cette
littérature est d’origine anglo-saxonique où le modèle libéral prédomine et le
bipartisme domine dans l’aréna politique. En Europe, des États coordonnés et
directives régulatrices, le jeu des médias acquière d’autres dimensions. Le rôle
des éditoriaux est très différent, mais la littérature aussi très peu développée, ce
qui nous a amené à raisonner sur le cadre en introduisant les études faits à
propos de l’importance des éditoriaux et leurs positions dans le champ politique,
renforçant l’idée que les éditoriaux reflètent l’orientation rédactionnelle.

La France s’inscrit dans le modèle pluraliste polarisé qui caractérise les pays de
l’Europe du sud. (Hallin/Mancini 2004). Il s-agit d’un modèle où les commentaires
des journalistes sont explicites dans la partie rédactionnelle « commentary-
oriented journalism ». Il s’inscrit dans la théorie de l’action. Dans le modèle du
journalisme partisan, les enjeux prennent l’importance et l’intérêt à la mesure des
médias. Néanmoins, l’influence sur la sélection peut-être inconsciente et implicite.
Il y a un rôle actif et stratégique des médias, surtout dans les pages éditoriales,
l’information n’est pas neutre, elle est explicitement orientée. L’opinion éditoriale
est clairement le miroir de la rédaction. Les journalistes instrumentalisent et sont
instrumentalisés, ils interagissent comme acteurs partisans.

4. Problématique

Cette recherche m’intéresse par deux raisons principales : a) la question du


framing des médias dans ce référendum ; b) comment un enjeu de deuxième
ordre[17] se transforme dans un événement populaire à forte saillance. Le
problème de fond, est résumé au fait que les médias ne sont pas arrivés à
convaincre l’opinion publique française. On ne peut pas affirmer que les médias
qu’on analyse s’inscrivent dans le ceux qui non pas réussi à transmettre leur
message. Mais on pense que, grosso modo, tous les médias on échoué dans cet
enjeu. On a été bien clair dans notre propos initial, on n’analyse pas les effets du
cadrage sur les lecteurs/électeurs. C’est une tâche impossible d’accomplir dans
cette recherche. Ce qu’on prend comme problème est le cadre que les médias
écrits ont présenté à leurs lecteurs, pas les conséquences. Celles-ci sont difficiles
à mesurer, même s’il y a quelques sondages qui nous pourraient aider à certaines
‘fiables’ mais ‘faibles’ conclusions.

Première hypothèse : Les médias écrits ont été favorables au traité


constitutionnel.

Deuxième hypothèse: Les médias écrits de référence ont primé les questions
nationales (game frame)[18] en détriment des questions européennes (issue
frame).

Troisième hypothèse : Selon leur localisation dans l’axe gauche/droite, le cadrage


de l’enjeu est fait tenant en compte l’issue ownership. Le média dit de gauche
met accent sur des prérogatives en matière d’État providence (chômage, santé,
sécurité sociale, culture, enseignement). Le média nommé de droite surélève les
prérogatives de l’État-nation (sécurité, économie, immigration, défense, politique
étrangère).

Quatrième hypothèse : a) La saillance de l’enjeu est due à l’opinion publiée plutôt


qu’à l’opinion dominante. b) La popularité de l’enjeu est due à l’opinion
dominante dans l’espace public français.

5. Méthode
À partir d’un champ empirique appuyé sur les éditoriaux et axé sur une recherche
qualitative[19] (Donati 92) de l’analyse de contenu et analyse interprétative.

À partir d’un champ empirique appuyé sur les éditoriaux et axé sur une recherche
qualitative, je vais chercher le cadrage communicationnel de l’enjeu. Pourquoi
cette méthode qualitative ? D’abord, parce qu’est très difficile dans le cadre de ce
travail d’en utiliser une autre, ensuite, parce que c’est la méthode que je trouve la
plus appropriée pour l’analyse en cause. Les avantages de l’analyse qualitative
pour ce travail sont: qu’il s’agit d’un enjeu qui a un rapport stricte avec une réalité
qui n’existe qu’en lien avec des êtres humains et c’est une réalité de
significations pour des individus, elle symbolise quelque chose pour eux. L’objet
de ma recherche repose sur un enjeu de ‘sens’, un événement particulier dans
une situation et un contexte donnés. C’est un objet élaboré, construit. À son
propos, on pourrait même parler de « réel ». Chercher ici consiste à comprendre
la signification que des acteurs politiques intermédiaires (journalistes) donnent à
un événement auquel ils ont été confrontés. Mon objectif de comprendre est aussi
partagé intellectuellement leur expérience pour retrouver le sens de leur
construction communicative. La « vérité », ici, doit être mise entre guillemets car
la compréhension que l’on a d’un phénomène est valable uniquement dans le
contexte où il se déroule. En approche qualitative, il ne faut pas avoir d’a priori
sur l’objet d’étude[20]. Il s’agit de tenter de comprendre, du point de vue des
acteurs qui ont vécu l’enjeu, qui l’on décrit, lesquels ont partagé des opinions. On
retiendra que la priorité est ici accordée au « terrain », c'est-à-dire, aux éditoriaux
que fait l’objet signifiant. J’aimerais bien avoir l’aide d’un logiciel qui me
permettrait de créer des noyaux sémantiques et des codifications nodales de
mots-clés. La description et les constructions sémantiques croisées me servent de
traitement de données. Il semble évident qu’une étude de ce genre implique un
énorme effort pour repérer des interactions, des structures, des constructions de
significations, des émergences de sens, de jeux, toute une panoplie
d’élaborations individuelles de l’enjeu qui pourraient m’amener à des conclusions
plus précises et corroborées.

Bibliographie:

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[1] Traité Constitutionnel Européen.


[2] On entend que les rapports démocratiques et de démocratisation ont changé en vertu, entre
autre, de la volatilité du vote et des préférences des citoyens électeurs.
[3] L’espace public s’institutionnalise à partir du moment que les gens en parlent. On le mesure
par de sondages, on crée des canaux de communication qui impliquent la reconnaissance d’un
émetteur, d’un message et d’un récepteur, peut importe si la communication se fait top-down ou
botton-up.
[4] L’opinion publique comme produit collectif de la communication politique dans l’espace public.
La méfiance est due au fait que l’opinion dominante n’est pas toujours l’opinion publiée. La
première correspond à l’agrégation d’opinions individuelles. La deuxième est l’opinion de l’élite.
Souvent, le découplage se vérifie entre les deux types, ce qui provoque le mécontentement de
certains acteurs publiques (ex : mouvements altermondialistes).
[5] La cohérence est mesurée avec la permanence d’un discours pour ou contre, sa pertinence,
répétition et redondance argumentative afin de renforcer l’idée originale.
[6] Saillance et popularité ont coïncidé dans cet enjeu. Elles dépendent non seulement des médias
mais aussi de l’opinion publique. Pendant notre travail, nous irons essayer de prouver avec de
données de sondages et d’acteurs intervenants leur forte présence dans cette campagne.
[7] Évidement que ma recherche est très limitée du point de vue des données. Les médias écrits
ne constituent pas l’unique moyen ni le plus important informateur des électeurs. Néanmoins,
commentant un sondage de 1998 sur l’information des français sur les questions européennes,
Christine Ockrent (France Europe Express) constate que 59% des français se trouvent très bien
informés, la télévision arrive en tête des supports d’informations (42%) devant la presse écrite
(40%). On apprend aussi dans le sondage que la presse écrite incite davantage à être en faveur de
la construction européenne (54%). Ockrent, Christine, 1999, L’Europe à travers la presse, pp 121-
132, in Duhamel, Ph. Méchet, L’État de L’Opinion – Sofres, Paris, Seuil.
[8] Notre recherche permettra de valider ou induire sur le poids de cette affirmation.
[9] Je remarque que ces théories, même si appartenant à la sociologie politique, sont aussi
utilisées par la communication politique. Néanmoins, l’application interprétative n’est pas la
même.
[10] Le cadrage de l’enjeu européen (issue frame) et le cadrage des enjeux nationaux (game
frame).
[11] Évidement que les relations interpersonnelles et le cercle de conversations, milieux du travail
et groupes d’appartenance jouent un rôle important dans la décision de l’individu. Simplement est
impossible pour nous de mesurer ces indicateurs.
[12] Le paradoxe qu’on parle concerne la question fondamentale de cette recherche. Comment un
enjeu autant médiatique et médiatisé à échoué auprès de l’opinion publique.
[13] Zaller formule que sont les électeurs moyennement sophistiqués ceux que peuvent être plus
facilement influencés par l’action des médias. À contrario, les électeurs moins informés et les plus
sophistiqués sont ceux qui représentent les groupes plus difficiles au changement de
comportement.
[14] Il faudrait développer un cadre théorique expliquant quel type de couverture et
d’argumentation sont susceptibles d’être développées dans chaque type de médias et pourquoi.
En plus, il manque pour l’instant la littérature qui nous permet de situer les journaux de référence
dans l’axe. On s’appui sur le ‘common sense’.
[15] En fait, c’est la façon que les médias ont présenté l’enjeu que nous intéresse dans cette
recherche. Donc, nous trouvons pertinente la confrontation argumentative entre les différentes
perspectives de l’enjeu. On considère qu’un journal de gauche focalisera sur le social, un de droite
sur l’économique - issue ownership.
[16] Modèle qui essai de faire la distinction entre les élections nationales et celles du parlement
européen classant celles-ci de deuxième ordre. Plutôt utilisé par la littérature anglo-saxonique.
[17] On considère de deuxième ordre, parce que vis-à-vis la participation des citoyens en d’autres
actes électoraux qui impliquent l’UE, la participation est réduite et l’enjeu ne prend pas une
importance et popularité autant élevés.
[18]On entend ici par jeux nationaux la lutte acharnée entre acteurs individuels, partis politiques,
gouvernement, Président de la République, grosso modo, les rapports de forces internes ; par
opposition aux enjeux européens.
[19] La possibilité de réaliser des entretiens avec les éditeurs et quelques acteurs politiques n’est
pas écartée.
[20] Dont les précautions avec l’élaboration des hypothèses.

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