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TRANSPORT MARITIME
GENS DE MER
Doctrine NTG
La responsabilité disciplinaire
et pénale du pilote maritime
> Commandant François LAFFOUCRIÈRE
C1NM – AFNI – Pilote maritime de la station de pilotage du Havre – Fécamp
Master 2 de droit de la mer et des activités portuaires – Doctorant
(1) Cass. soc., 15 mars 1972, Bull. civ. V, n° 224, p. 205. « Est considéré comme capitaine celui qui exerce régulièrement la part
de commandement d’un bâtiment quels que soient le tonnage, l’affectation de celui-ci et l’effectif de son équipage et ce même si
l’intéressé n’a pas assumé effectivement les fonctions de mandataire commercial de l’armateur. »
(2) Martin NDENDE et Gaëlle GUEGUEN-HALLOUËT, Pilotage maritime, Rép. Com. Dalloz, juin 2002.
(3) François LAFFOUCRIÈRE, La responsabilité civile du pilote, DMF 2008, 595.
(4) Le commandant John COTA, pilote du « Cosco Busan », a été condamné le 17 juillet 2009 par le Juge Susan ILLSTON
de la Cour de District du Nord de la Californie, et a été incarcéré 10 mois dans une prison fédérale, pour violation du Clean
Water Act de 1977 tel qu’amendé par l’Oil Pollution Act de 1990 et violation de Migratory Bird Treaty Act de 1918.
http://www.marinelog.com/DOCS/NEWSMMIX/2009jul00171.html John COTA avait également déjà fait l’objet de mesures
disciplinaires puisque sa licence de pilote lui avait été retirée temporairement en décembre 2007 par le « State Board of Pilot
Commissioners » avant son départ à la retraite. Andy PIERCE, TradeWinds, 9 avril 2008.
(5) Cette loi a été promulguée aux USA à la suite de l’échouement, le 24 mars 1989, du navire pétrolier « Exxon Valdez »
dans le détroit du Prince William en Alaska, entraînant une pollution majeure.
(6) Michel RENAUT, Le Tribunal maritime commercial doit-il se réformer où disparaître ?, DMF 2004, 675.
(7) Ce nouveau code des transports comporte une partie 5 « Transport et navigation maritimes », comprenant un livre V « Les
gens de mer », dans lequel se trouve un Titre 2 « L’équipage » et un Chapitre 4 « Sanctions professionnelles ».
même s’il s’en rapproche. L’autorité pouvant infliger une sanction disciplinaire est,
soit une juridiction disciplinaire, soit un organisme disciplinaire non juridictionnel.
L’intérêt de la distinction réside dans la publicité de « l’audience disciplinaire », l’autorité
attachée aux décisions, les possibilités de recours, les exigences (8) procédurales (9).
Répondent de leur responsabilité disciplinaire « l’ensemble des salariés du secteur privé,
l’ensemble des fonctionnaires, mais également nombre de professionnels indépendants, notamment
ceux, médecins, avocats, architectes, experts-comptables, etc., dont la répression disciplinaire est
confiée à des ordres professionnels, sans compter les fédérations sportives et autres associations ou
syndicats. » (10) La faute ou infraction disciplinaire, différente de l’infraction pénale,
est déterminable aussi bien par un texte ou code de déontologie que par des usages
professionnels, et même par un simple comportement de la personne y compris dans
le cadre de sa vie privée, qui serait nuisible à l’intérêt du groupe (11). À l’inverse, la
sanction disciplinaire doit être impérativement déterminée par un texte et en ce qui
concerne le marin, il s’agit du décret précité n° 60-1193 du 7 novembre 1960, auquel
est soumis le pilote maritime, hors texte spécial. En cas de faute grave dans l’exercice
de sa profession ou de condamnation pour une infraction prévue par le CDPMM,
le marin peut encourir s’il est breveté, diplômé ou certifié, le retrait temporaire ou
définitif, partiel ou total, des droits et prérogatives afférents au brevet, diplôme ou
certificat dont il est titulaire. Dès le Titre 1 du CDPMM, « Dispositions générales »,
il est possible de s’apercevoir que si l’abrogation du CDPMM et son incorporation
dans le nouveau code des transports n’était pas déjà en cours, il faudrait certainement
procéder à son « dépoussiérage » (12). Il aurait certainement été plus judicieux en
1960, de créer une partie réglementaire qui aurait intégré le titre 2 et dans laquelle
il aurait été possible de transférer les dispositions de nature réglementaire ainsi que
tout ce qui a trait au contraventionnel (13). Le titre 3, « Des infractions maritimes »,
dans son chapitre 1 traite, entre autre, des larges pouvoirs attribués au capitaine, et
il est remarquable que, hors urgence, le capitaine ne peut consigner une personne,
française ou non, que sous le contrôle du procureur de la république (14). Le droit
maritime peut paraître parfois obsolète et désuet, impression renforcée quand un texte
en vigueur contient encore des peines de travaux forcés à temps (15). L’article 63 a
(8) Joël MORET-BAILLY, Les institutions disciplinaires, Mission de recherche droit & justice, 2003, pp. 13-28.
(9) Le droit à un procès contradictoire à deux niveaux de juridiction et un délai raisonnable de jugement, dicté par l’article 6-1
de la CEDH, n’est pas systématiquement applicable aux procédures disciplinaires non juridictionnelles.
(10) Joël MORET-BAILLY, op. cit., p. 167.
(11) Joël MORET-BAILLY, op. cit., pp. 54-58.
(12) En effet, son article 3 renvoie au titre 2 qui a été abrogé, l’article 4 renvoie à l’ancien code pénal, et de plus l’article 7
fait mention de « la personne inculpée » notion remplacée depuis par celle de « personne mise en examen ».
(13) Il s’agit de la structure que l’on trouve dans l’actuel code pénal.
(14) La réforme sur la nationalité du capitaine (LOI n° 2008-324 du 7 avril 2008 relative à la nationalité des équipages de
navires), permettant à la France d’être enfin en conformité avec le droit européen, ne remet pas en cause les pouvoirs du
capitaine comme cela a pu être suggéré par des syndicats de capitaines de navire et la question soulevée au colloque organisé
par Mme LE BIHAN-GUENOLE qui s’est tenu au Havre le 13 mars 2008 à l’I.S.E.L.
Patrick CHAUMETTE, « Capitaines, marins : nouveaux enjeux, nouveaux défis », DMF 2008, 366
(15) Article 51 du CDPMM : « Toute personne embarquée qui altère volontairement les vivres, boissons ou autres objets de
consommation par le mélange de substances non malfaisantes est punie de six mois d’emprisonnement.
…/… ; s’il en est résulté la mort sans intention de la donner, la peine est celle des travaux forcés à temps. »
(16) Il s’agit essentiellement de la police des eaux et rades ainsi que de la police de la navigation maritime, applicables à
toute personne quelque soit sa nationalité, sur tout navire dans les eaux territoriales françaises quelque soit son pavillon.
Les règles applicables sont le règlement international pour prévenir les abordages en mer (RIPAM) ainsi que les arrêtés des
préfets maritimes.
(17) Articles 80 et 81 du CDPMM.
(18) C.E., 24 juillet 1931, Navire « Pilote Nivière ». « ledit article s’applique à tout marin breveté ou diplômé, notamment aux
pilotes … » ; il s’agissait de l’article 23, inclus dans le titre II (abrogé) du CDPMM, relatif aux fautes contre la discipline.
DMF1931, 396.
(19) La catégorie des gens-de-mer est plus large que celle des marins qu’elle englobe. La convention du travail maritime
du 23 février 2006 de l’organisation internationale du travail (OIT) inclut dans la notion de gens-de-mer, les marins et les
autres personnes travaillant à bord à quelque titre que ce soit, son article II 1 f) donnant la définition suivante : « gens de
mer ou marin désigne les personnes employées ou engagées ou travaillant à quelque titre que ce soit à bord d’un navire auquel la
présente convention s’applique ; ». Cette convention a déjà été ratifiée par les États maritimes majeurs que sont le Liberia,
les Bahamas et les Iles Marshall. Elle est à l’heure actuelle l’objet d’une décision du Conseil 2007/431/CE, adoptée le 7 juin
2007, autorisant les États membres à la ratifier, dans l’intérêt de la Communauté Européenne, d’ici le 31 décembre 2010.
(20) Loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime.
(21) François LAFFOUCRIÈRE, op. cit.
(22) Jean-Claude SOYER, Droit pénal et procédure pénale, L.G.D.J., 2006, 19e édition, p. 128. Le nouveau code pénal
« Tenant compte de l’évolution économique, (il) a consacré largement, dans une construction d’ensemble, la responsabilité pénale
des personnes morales, que la loi Perben II a d’ailleurs généralisée. »
(23) C.E., 24 juillet 1931, Navire « Pilote Nivière », op. cit.
(24) Haute Cour de Justice (division d’Amirauté), Royaume-Uni, 29-30 octobre 1952, navire : « Hans Hoth », DMF 1953, 351.
Pour la Haute Cour, la responsabilité incombe non pas au capitaine qui s’est abstenu de questionner le pilote sur les signaux
portuaires, mais bien au pilote qui n’a pas correctement rempli son obligation de conseil.
(25) Cet article permet au pilote, par l’abandon du cautionnement prévu à l’article 20 de cette même loi, de s’affranchir de
la responsabilité civile résultant des dommages causés au cours des opérations de pilotage.
(26) Tribunal correctionnel de Saint-Nazaire, 10 mars 1934, navires : « Docteur Roux », « Dehorter » et « Jamaïque », DMF 1934, 223.
(27) Nouvelles et informations : « Un pilote condamné pour excès de vitesse », DMF 1961, 767. Note du rapporteur : « Mais ce
qui est à noter dans cette affaire, c’est que le pilote se trouve condamné, et non le capitaine, qui conserve en principe la responsabilité
de son navire. »
(28) Tribunal maritime commercial du Havre, 17 mai 1955, navire : « Atlantic » et remorqueur « Abeille IV », DMF 1955, 556,
note Francis SAUVAGE. « Si le capitaine demeure, en tout état de cause, seul chargé de la direction de son navire, il peut néanmoins,
légitimement, dans cette direction, s’en rapporter à la compétence spécialisée du pilote. » Le naufrage du remorqueur entraîné par
la vitesse jugée excessive du paquebot « Atlantic » avait provoqué la mort de sept marins. Seuls le pilote et le commandant
rescapé du remorqueur ont été condamnés.
(29) Tribunal maritime commercial de Bordeaux, 10 octobre 1962, navires : « Saint-Jacques » et « Bassens », DMF 1963, 488,
note sous jugement : « La responsabilité des pilotes semble avoir été plus gravement engagée que celle des capitaines, ce qui se
justifie par l’autorité incontestable du pilote à bord. »
(30) Tribunal maritime commercial de La Rochelle, 24 juin 1963, navires : « Ile Maurice » et « Rosalain », DMF 1963, 673, note
P. PFISTER. Le pilote et le chef de quart du navire piloté ont tous deux été reconnus coupables d’avoir enfreint le règlement
pour prévenir les abordages en mer provoquant un abordage causant la perte de leur navire.
aux atteintes constitutives d’une CGV, tel un usage non conforme du plan d’eau.
Cependant, dans ce cas, seul le capitaine du navire est expressément nommé, ce
qui exclut la responsabilité du pilote (37).
Le titre V est intitulé « Mesures d’application » et son article unique L351-1
renvoie à la partie réglementaire du code. L’article R311-7 (38) donne certains
pouvoirs aux officiers de port qui peuvent établir une contravention, selon l’article
R311-8 (39), à l’encontre d’un pilote qui contreviendrait à leurs ordres. L’article
R351-1 renvoie au « règlement général de police des ports maritimes de commerce
et de pêche » annexé. Des contraventions peuvent être infligées au pilote qui ne
respecterait pas ce règlement, notamment en ce qui concerne le mouillage d’un
navire ou le non respect de la vitesse par ce même navire (40).
La création d’un code des transports doit être l’occasion d’actualiser les textes
précités.
Une codification en cours
C’est la volonté de rendre le droit accessible qui est à l’origine de l’œuvre de
codification du droit, dont celui des transports. Les lois d’habilitation ont une
durée de vie limitée : l’article 84 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de
simplification du droit autorise le Gouvernement à procéder par ordonnance à
l’adoption de la partie législative du Code des transports et elle précise, en son
article 92, la durée de l’habilitation prorogée par l’article 28 de la loi n° 2007-1787
du 20 décembre 2007 au 31 décembre 2008. Un nouveau report avait été accordé.
Les termes (41) de cet article 28, malgré une codification à droit constant,
permettent une adaptation des textes de valeur législative. Il peut s’agir d’assurer
le respect de la hiérarchie des normes ou bien de procéder à un alignement avec
l’esprit du droit positif actuel.
Les deux codes créés en décembre 1926 (42) sont partiellement abrogés et les
dispositions ayant encore un sens reprises pour être intégrées dans le nouveau code
des transports ou dans le code du travail, voire dans le code pénal.
La partie V du code des transports comprend un livre V intitulé « Les gens de
mer » dans lequel sont concentrées les dispositions reprises du CDPMM, du code
du travail maritime et des divers décrets pour leurs dispositions à valeur législative,
(37) Robert REZENTHEL, Le pilotage dans les eaux portuaires, DMF 1988, 355, p. 364 : « Le Conseil d’État a jugé récemment que
les dommages causés à des ouvrages portuaires par un navire, et imputable pour partie à la faute du pilote, engageait la responsabilité
de l’armateur au titre de la contravention de grande voirie » …/… « Il faut plutôt considérer, selon nous, qu’en ne suivant
pas les conseils du pilote, le capitaine commet une faute nautique dont l’armateur doit assurer la responsabilité. »
(38) Article R311-7 : … « Ils donnent des ordres aux capitaines, patrons, pilotes, maîtres haleurs et lamaneurs en tout ce qui
concerne le mouvement des navires et l’accomplissement des mesures de sûreté, d’ordre et de police. » ../… « Ils ont le droit, dans les
cas d’urgence ou d’inexécution des ordres qu’ils auraient donnés, de se rendre à bord et d’y prendre, à la charge des contrevenants,
toutes mesures nécessaires à la manœuvre des navires. »
(39) Article R311-8 : … « Les personnes qui contreviennent aux prescriptions des officiers de port sont punies de l’amende prévue
pour les contraventions de 2e classe. », incluant les pilotes auxquels ils peuvent donner des ordres.
(40) Voir supra
(41) Article 28 de la loi n° 2007-1787 : « … Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de
l’ordonnance, sous réserve des modifications nécessaires : 1° Pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence
rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions,
codifiées ou non, devenues sans objet ; »
(42) Le CDPMM par la loi du 17 décembre 1926, et le code du travail maritime par la loi du 13 décembre 1926.
(55) Proposition : « VII. Les pilotes sont nommés par décision du préfet de région désigné à l’annexe V du décret n° 97-156 du
19 février 1997 portant organisation des services déconcentrés des affaires maritimes ».
(56) Ce conseil de discipline est institué et sa composition définie par l’article 23 du décret n° 60-1193 du 7 novembre 1960
sur la discipline à bord des navires de la marine marchande ; cet article renvoi, au cas où il s’agit de statuer sur un pilote, à
l’article 14 (abrogé) de la loi du 28 mars 1928 qu’il faut entendre comme l’article 13 du décret de 1969.
(57) Une partie de l’article 13 pourrait être intitulée « Mesures d’ordre » et démarrer ainsi : « Mesures d’ordre : Lorsque la
nature des faits reprochés au pilote est susceptible de présenter un danger grave et immédiat pour la sécurité de la navigation, du
port ou des navires servis, le directeur départemental des affaires maritimes peut suspendre sans délai le pilote de ses fonctions pour
une durée maximale de trente jours. … ».