:
Ismaël ou Issac ?
ْسحَاك
ْ ِ إِسْماعِيلْ أَوْ إ:ْأُضْحِيَ ْة إبْرَاهِيم
Préambule :
Si dans le monde musulman, notamment dans les communautés sunnites, il est communément
admis que le fils auprès duquel « السالَ ْم
َ إ ْب َراهِي ْم َعل ْي ِه : Ibrahim (Abraham) paix sur lui » allait
commettre un sacrifice était « Ismaïl (Ismaël) paix sur lui : السالَ ْم
َ إس َماعِ يل َعل ْي ِه
ْ », il en est
autrement dans le monde Judéo-Chrétien qui accuse les musulmans d’avoir manipulé les
écritures bibliques et de s’en être inspirés pour affirmer que Ismaïl (Ismaël) paix sur lui était
l’objet de ce sacrifice. Ce à quoi les musulmans répondent que ce sont eux (les banou Israïl :
les fils d’Israël) qui ont falsifié la Thora en affirmant que c’est « Is’hâq (Issac) paix sur lui »
qu’Ibrahim (Abraham) paix sur lui mena à l’autel du sacrifice
Nous sommes donc dans une configuration où d’illustres commentateurs du livre sacré et de
la sunna prophétique adoptent des avis différents tout en s’appuyant sur les mêmes versets
coraniques pour étayer leurs propos. La différence se trouvant dans l’interprétation que faisait
chacun des deux courants sus-mentionnés.
Nous allons donc présenter les arguments de chacun de ces courants et nous déclinerons notre
propre analyse en apportant des arguments irréfutables que l’enfant concerné par le sacrifice
est bien « Ismaïl (Ismaël) paix sur lui : السالَ ْم
َ إس َماعِ يل َعل ْي ِه
ْ ».
Il existe dans le texte coranique des versets qui relate en détail la « vision en songe »
d’Ibrahim (Abraham) paix sur lui où il se voit sacrifier son fils par amour et par obédience à
Allah le Seigneur de l’univers. Sauf que le nom du fils vu dans la vision qu’il a eu dans son
songe n’est pas explicitement mentionné, d’où les grands débats qui depuis, animent les
savants et exégètes de l’islam sur l’identité du fils en question.
Nous allons donc présenter les versets coraniques qui relatent l’événement et nous les
soumettront à une analyse rigoureuse.
V 99 ِين
ِ س َي ْهد ٌ َو َقال َ إِ ِّني َذاه
َ ِب إِلَى َر ِّبي
1
Grands « Oulémas : savants versés dans l’étude du livre sacré) : Connus comme étant de grands
commentateurs du Coran et de la Sunna prophétique.
2
Également savants et exégètes du Coran
Et il dit : « Moi, je m’en vais vers mon Seigneur et Il me guidera.
َالصالِحِين
َّ ََب لِي مِن
ْ َر ِّب ه
V100
Seigneur, fais-moi don d'une (progéniture) d'entre les vertueux »
َّ َف َب
ٍ ش ْر َناهُ ِبغُاَل ٍم َحل
ِيم
V101
Nous lui fîmes la bonne annonce d'un garçon longanime
Considérons le v 53 : S 15, pour bien le comprendre il est important de mentionner le contexte
dans lequel la révélation de celui-ci s’est faite. Pour cela il est nécessaire de citer le verset qui
le précède en l’occurrence le v 52 :
ِ ساَل ًما َقالَ إِ َّنا مِن ُك ْم َو
" َجلُون َ إِ ْذ دَ َخلُوا َعلَ ْي ِه َف َقالُوا : Quand ils entrèrent chez lui et dirent : « Salam »
- Il dit : « Nous avons peur de vous »."
L’événement en question concerne l’envoi par Allah d’anges [exterminateurs] en direction du
peuple de Lot paix sur lui ( السالَ ْم َ وط َعلَ ْي ِه َ ُ )لpour faire périr les cités de Sodome et Gomorrhe.
Les anges en question s’invitent à la demeure d’Abraham (Ibrahim) paix sur lui afin de
l’avertir de l’ordre d’Allah et en même temps lui faire part d’une bonne nouvelle, celle
d’avoir un descendant.
A travers la réaction qu’eut Abraham (Ibrahim) paix sur lui, on en déduit qu’il s’agit de
l’annonce de la naissance d’Is’hâq (Issac) paix sur lui. En Effet, il répondit aux anges : « …
Nous avons peur de vous : َجلُون ِ … إِ َّنا مِن ُك ْم َو », le "Nous", concerne Abraham (Ibrahim) paix
sur lui et sa femme Sara. La femme ne pouvait être que l’épouse légitime et non Agar (Hagar
ou Hajer) qui était une servante égyptienne d’Abraham (Ibrahim) paix sur lui avec qu’il
enfanta Ismaïl (Ismaël) paix sur lui.
L’épouse légitime étant Sara, il est donc indéniable que l’annonce de la bonne naissance faite
par les anges concerne Is’hâq (Issac) paix sur lui.
3
La capacité et la patience à être endurant et c’est aussi être indulgeant, ce qui permet de pardonner ce qui
pourrait être puni (sources : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/longanimit%C3%A9/47744)
4
Tabari ou Tabarî, de son nom complet Abū Jaʿfar Muhammad Ibn Jarīr Ibn Yazid (persan : )محمد بن جریر طبری,
est un grand historien né en 839 à Amol, au Tabaristan, et mort le 17 février 923 à Bagdad. Il est notamment
célèbre pour son histoire universelle « l'Histoire des prophètes et des rois » (qui traite en égaux des récits
authentiques et des récits forgés), et son commentaire du Coran (sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tabari)
La conclusion à laquelle nous sommes parvenus est renforcée encore plus par la lecture des
versets 28 et 29 de S 51, où les anges annoncent au verset 28 : « [la naissance] d'un garçon plein
ٍ ش ُرو ُه ِبغُاَل ٍم َعل
de savoir : ِيم َّ و َب َ » et au verset 29 qui énonce : « Alors sa femme s'avança en
َ
َ ام َرأ ُت ُه فِي
s’écriant : ص َّر ٍة ْ ت ِ َ» َفأ َ ْق َبل. Or comme nous l’avons mentionné, la femme d’Abraham
(Ibrahim) paix sur lui est Sara. Il y a donc là, un argument fort qui illustre parfaitement que
l’annonce de la bonne naissance concerne Is’hâq (Issac) paix sur lui.
Par ailleurs, des commentateurs coraniques contemporains ont plaidé pour cette thèse en
s’appuyant sur 2 autres versets encore plus explicites et plus significatifs.
La Sourate 11 : Hud ()هود, verset 71 et 72
Dans le verset 71 on y lit : « َس َحاق ْ ِش ْر َناهَا ِبإ َ ام َرأَ ُت ُه َقائِ َم ٌة َف
َّ ض ِح َكتْ َف َب ْ … َو : Sa femme était debout, et
elle rit alors ; Nous lui annonçâmes (la naissance) d’Isaac ».
ُ َقالَتْ َيا َو ْيلَ َتى أَأَلِ ُد َوأَ َنا َع : Elle dit : « Malheur à moi ! Vais-je
Dans le verset 72 on y lit : « …جو ٌز
enfanter alors que je suis vieille … ». Dans ce verset, il est évident que la femme en question est
Sara l’épouse légitime d’Abraham (Ibrahim) paix sur lui, car la servante Hajar (Hagar) a enfanté
d’Ismaïl (Ismaël) paix sur lui à un âge normal pour l’enfantement.
Sur ce dernier point, il est important de signaler que dans le texte coranique lorsqu’une
annonce de "naissances" est révélée par Allah, celles-ci n’ont lieu que dans un contexte
miraculeux, comme ça été le cas pour :
Isa’(Jésus) paix sur lui ( )عيسى عليه السالمdont la naissance se fait sans l’intervention
de l’homme.
Zacharie paix sur lui (الم, )زكرياء عليه السet son épouse qui ont eu un fils : Jean-
Baptiste (Yahia) paix sur lui ( )يحيى عليه السالمà un âge très avancé de la vieillesse.
Issac (Is’hâq) paix sur lui (إس َحاقْ عليه السالم
ْ ) que Sara et Abraham (Ibrahim) paix sur
lui ont eu à un âge où ils étaient très vieillissants
A la lecture de tous ses arguments, par ailleurs fortement étayés, on pourrait soutenir la thèse
que l’enfant concerné par le sacrifice auquel Abraham (Ibrahim) paix sur lui allait se livrer est
bien Issac (Is’hâq) paix sur lui tant les éléments plaidant pour cette idée sont solides.
Cependant une lecture plus pointue, plus fine et plus technique se basant sur la lecture littérale
et linguistique du texte sacré va prouver le contraire.
C’est ce genre de détail infime dont la négligence est bien souvent à l’origine de beaucoup
d’erreurs dans les interprétations du texte sacré. Cet argumentaire a été fortement défendu par
Ibn-Kathîr5 qui note qu’il y a d’abord l’annonce du « Fils longanime » au verset 101 dont
le nom n’est pas expressément mentionné et que par la suite, au verset 112, il y a une
nouvelle annonce d’une naissance dont le nom est clairement cité : Is’hâq (Issac) et ce
par l’utilisation de la conjonction de coordination « Et » qui implique 2 événements
différents. Il apparait donc évident que le « Fils longanime » ne peut-être qu’Ismaël
(Ismaïl).
En outre, l’analyse du 1er segment du verset 113 : « َس َحاق ْ ِار ْك َنا َعلَ ْي ِه َو َعلَى إ
َ َو َب : Et Nous le
bénîmes ainsi que Isaac » nous éclaire sur le fait qu’il y a 2 personnages concernés par
l’énoncé au début du verset qui se poursuit : « ٌ َومِن ُذ ِّر َّيتِ ِه َما ُم ْحسِ نٌ َو َظالِ ٌم ِّل َن ْفسِ ِه ُمبِين : Et de
leurs descendances il y aura [l'homme] de bien et celui qui sera manifestement injuste
envers lui-même ». Le personnage cité à côté d’Is’hâq (Issac) ne peut pas être Abraham
(Ibrahim) car il a déjà une descendance. Ce sont donc les fils de celui-ci dont il est question et
De la descendance que chacun des 2 enfants aura. On constate donc, qu’Is’hâq est
nommément cité à chaque fois dans les versets et Ismaël (Ismaïl) est désigné à la 3eme
personne du singulier. Ce qui nous permet d’affirmer avec force que le « Fils Longanime »
désigne bien Ismaël (Ismaïl).
Pour ceux qui seront encore enclins à quelques doutes après que nous ayons développé tout
cet argumentaire, voici un verset qui devrait apporter une preuve irréfutable sur l’identité du
« Fils Longanime » et qui ne saurait souffrir d’aucune contestation.
Sourate 11 : Hud ()هُو ْد, verset 71
5
Ibn Kathīr ( )ابن كثيرde son nom complet Abu al-Fiḍā ‘Imād Ad-Din Ismā‘īl ibn ‘Umar ibn Kathīr al-Qurashī
Al-Damishqī ( قي,,ي الدمش,,ير القرش,,ر بن كث,,ماعيل بن عم,,دين إس,,اد ال,,داء عم,,و الف,, )أبest un juriste traditionnaliste et
historien. Il est né en 701 AH / 1301 apr. J.-C. à Bosra (sud de la Syrie) et mort le 7 cha'ban 774 AH / 1er février
1373 apr. J.-C.) à Damas. Il y est enterré aux côtés de Ibn Taymiyyah dont il fut l'un des élèves, et qui était une
haute figure de la doctrine du salaf. Il fut un grand commentateur du Coran
َ ُش ْر َناهَا ِبإِ ْس َحاقَ َومِن َو َراءِ إِ ْس َحاقَ َي ْعق
وب َ ام َرأَ ُت ُه َقائِ َم ٌة َف
َّ ض ِح َكتْ َف َب ْ َو
Sa femme était debout, et elle rit alors ; Nous lui annonçâmes donc (la naissance d')
Isaac, et après Isaac, Jacob.
Ce verset doit-être remis dans le contexte où il a été révélé. Il fait suite aux versets relatant la
visite de 2 anges, hôtes d’Abraham (Ibrahim) paix sur lui, pour lui annoncer d’une part qu’ils
ont été missionnés par Allah pour punir (exterminer) le peuple de Lot paix sur lui : détruire
les cités de Sodome et Gomorrhe et d’autres parts faire l’annonce d’une bonne nouvelle à sa
femme (Sara) de la naissance d’Is’hâq (Issac) qui lui-même aura pour descendance Jacob
َ قوب َعلَ ْي ِه ا ْل
(Yâaqub) paix sur lui : سالَ ْم ْ َي ْع.
L’analyse littérale de ce verset est limpide puisqu’elle révèle 2 événements distincts décrétés
par Allah : un événement sous forme d’un terrible châtiment divin et un autre plus heureux
sous forme d’une naissance bénie.
Mais si l’on pousse l’analyse un peu plus, et qu’on essaye de voir quel rapport ce verset
pourrait-il avoir avec le « Sacrifice d’Abraham (Ibrahim) paix sur lui », on se rend compte
qu’il recèle beaucoup plus de sens et de profondeur qu’il n’y paraît.
L’annonce que font les anges à Sara et à Abraham (Ibrahim) est une promesse, une
bénédiction, un signe des bienfaits qu’Allah accorde à ces deux derniers. Or, nous savons
tous qu’Allah tient toujours Ses promesses. Quand il décrète quelque chose, celle-ci devient
vérité absolue et définitive. Cette promesse se résume en une seule phrase :
« Is’hâq (Issac), le fils qu’Allah a accordé à Abraham (Ibrahim), va avoir une descendance
en la personne de Jacob (Yâaqub) ».
Il est donc impossible que la vision en songe du sacrifice, qu’a eu Abraham (Ibrahim) paix
sur lui, puisse concerner Is’hâq (Issac) paix sur lui. Car si le fils devant être sacrifié est Is’hâq
(Issac), alors cela signifierait que ce dernier n’aura pas de descendance (Jacob : Yâaqub), ce
qui contredit totalement la promesse d’Allah envers les 2 époux (Sara et Abraham
[Ibrahim]).
N'oublions pas qu’Allah a qualifié Abraham (Ibrahim) paix sur lui par le terme « ِيف ْ الحن
َ : Al
Hanif » qui a une signification particulièrement forte et expressive dans le texte coranique. En
effet « Al Hanif : ِيف
ْ الحن
َ » veut dire : Une personne qui rejette l’idolâtrie, une personne peu
encline aux fausses croyances, une personne cherchant la vraie religion. Par extension, une
personne saine.
Partant de là, on comprend qu’Abraham (Ibrahim) ayant toutes ces qualités (probité, fidélité,
dévouement…) et ayant une très grande foi en Allah qui pourtant, ne s’était pas encore
ُّ َصدَّ ق
manifesté à lui, ne peut donc pas « confirmer la vision : الر ْؤ َيا َ » mentionnée dans le
verset 105. Allah l’a doté de suffisamment de sagesse et de savoir pour qu’il puisse de lui-
même comprendre que si dans ses songes il a une vision où il immole son fils Is’hâq (Issac),
celle-ci ne peut en aucun cas lui être inspirée par Allah, car elle contredirait la promesse qui
lui a été faite : « Is’hâq (Issac) va avoir Yâaqub (Jacob) comme descendance ». Il aurait donc
logiquement conclu que cette vision est surement l’œuvre du « Malin : ْيطان َ شَ » الet il la
rejetterait de fait comme étant d’inspiration diabolique.
Conclusion
Après avoir exposé clairement les 2 thèses concernant l’identité du fils devant être l’objet du
sacrifice d’Abraham (Ibrahim) et après avoir exposé les arguments des uns et des autres, nous
avons pu démontrer sans l’ombre d’un doute que le fils dont le nom n’est pas mentionné et
qui devait « Immolé » par Abraham (Ibrahim) en signe d’obédience à Allah, est Ismaël
(Ismaïl) De là, nous pouvons établir le récapitulatif suivant :
Le « Garçon longanime : ِيم ٍ » غُاَل ٍم َحلmentionné dans le verset 101 de la Sourate 37 est
Ismaël (Ismaïl) Paix sur lui : السالَ ْم
َ إس َماعِ يل َعل ْي ِه
ْ
ُاَل
Le « Garçon doué de connaissance : » غ م َعلِيمmentionné dans les versets 53 de la
Sourate 15 et le verset 28 de la Sourate 51 est « إس َحاقْ عليه السالم
ْ : Issac (Is’hâq) paix sur
lui »