Droit de
l’environnement
Professeur :
Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
Introduction
Les objectifs du cours :
- Connaitre les principes, les règles juridiques et les processus institutionnels qui régissent
les réponses juridiques actuelles aux problèmes environnementaux.
- À la fin du cours on aura l’occasion de développer une compréhension critique des
différents instruments et de comprendre les avantages et les inconvénients de ces
instruments.
- Apprécier les tensions et les questions théoriques qui se posent quand on parle de la
protection de l’environnement au niveau juridique et au niveau des politiques
environnementales.
- Connaissance approfondie de certains secteurs clés (climat, biodiversité).
Les objectifs de la séance :
- Obtenir une vision d’ensemble du cours
- De comprendre de façon critique les enjeux du droit de l’environnement.
- De connaitre les grandes étapes de son évolution : les piliers historiques du
développement de cette branche du droit
- Acquérir une connaissance des sources et des acteurs qui sont centraux au droit de
l’environnement.
La méthode d’enseignement :
- Live qui est enregistré et posté sur UV et les slides seront également publiées.
- Cours oral + activités de réflexion avec Padlet.
- Chaque séance sera accompagnée par des lectures disponibles sur UV. Ces lectures sont
divisées en 3 catégories :
o Essentielles : il faut les lire avant la séance, ce sont des lectures
préparatoires. Il faut lire ces lectures mais en restant dans le cadre du cours donc
si dans une lecture, il y a des éléments supplémentaires au cours, il ne faut pas les
connaitre.
o Formelles : il ne faut pas les lire en préparation de la séance mais il faut les
maitriser et les mobiliser dans l’ensemble de la séance en préparation de
l’examen.
o Supplémentaires : elles permettent un apprentissage approfondi, elles sont
facultatives, on ne doit pas les connaitre pour l’examen mais c’est un bonus.
- Examen : c’est un écrit et les informations viendront plus tard mais ce sera des questions
ouvertes.
- Ressources : pas de syllabus mais il y a les lectures sur UV.
- RDV via team le mardi de 14h à 16h.
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Enfin l’économie en tant qu’outil qui fournit des informations (exemple rôle de l'économie pour
évaluer le prix du carbone). L’expertise économique fait partie d’une des connaissances liées à la
protection de l’environnement en tant qu’élément essentiel.
Il y a aussi des limites à ce type de connaissances ! Les choix ne sont pas que des choix techniques.
Il y a donc des choix politiques à faire : les valeurs gèrent et conduisent la direction de ces choix
en même temps que les incertitudes (par rapport aux effets, à certains processus scientifiques ou
physiques).
2. Droit de l’environnement – quel « droit » ?
Le droit de l’environnement est le droit des problèmes environnementaux. Il y a plusieurs
définitions des problèmes environnementaux (il y a des complexités) et le droit de
l’environnement n’est pas toujours bien encadré en tant que droit spécifique. La littérature qui
s’intéresse à la définition du droit de l’environnement est très large et elle est surtout développée
dans le monde anglosaxon. Celui-ci a développé 3 définitions principales :
- Une définition descriptive : le droit de l’environnement est le droit pertinent à la
protection de l’environnement dans une juridiction spécifique. C’est l’ensemble des règles
de la législation contraignante qui fait partie de ces systèmes juridiques. C’est une
description de droit positif. Elle pose des problèmes car on ne sait pas exactement si c’est
un droit autonome ou c’est l’ensemble des règles qu’on peut repérer dans le droit fiscal,
etc. Ce n’est donc pas une description très particulière.
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On ne va pas trouver une définition spécifique d’environnement dans les différentes sources ou
instruments de droit de l’environnement. C’est intéressant car quand on parle d’environnement,
on a l’impression d’avoir une idée très claire de ce que « environnement » veut dire. Intuitivement,
c’est facile mais pratiquement, c’est très difficile à cerner. Au niveau juridique, le droit
international de l’environnement offre quelques exemples mais il n’y a pas de définition
générale.
Exemple 1 : C’est un exemple de régime jurisprudentiel de la Cour Internationale de Justice dans
un avis consultatif de 1996. La Cour dit pour la première fois que l’environnement n’est pas une
abstraction mais bien l’espace où vit les êtres humains et dont dépend la qualité de vie et de leur
santé y compris pour les générations futures. Cette définition de l’environnement est très
anthropocentrique : elle se fonde sur l’utilité que les êtres humains ont de l’environnement (ils y
vivent et leur qualité de vie dépend de la qualité de l’environnement). La définition que donne ici
la Cour est une définition extrêmement centrée sur l’anthropocentrisme et pas une définition de
l’environnement comme sujet de protection en soi.
La plupart des définitions qu’on a de l’environnement viennent des sources conventionnelles (les
traités). On pourrait avoir plusieurs définitions des traités.
L’approche est ici très différente car il y a une concentration sur les ressources naturelles
abiotiques, biotiques, l’air, l’eau, le sol, la faune et la flore. Cette définition donne une spécificité
plus approfondie du concept d’environnement tandis que la CIJ n’avait pas parlé des éléments de
l’environnement. Cette définition donne des indications sur les interactions mais elle pose aussi
les biens qui composent l’héritage culturel (les biens matériaux) et les aspects caractéristiques du
paysage qui est un bien complexe qui comprend les biens naturels et humains.
Il n’y a pas de définition plus spécifique dans le droit européen.
Exemple 3 : définition développée dans le cadre de la législation secondaire. A savoir une directive
de l’UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur
l’environnement. Ici c’est une définition qui a été développée dans ce cadre pour évaluer les
effets de certains projets sur l’environnement. Quand on veut évaluer les effets, il faut avoir une
définition de l’environnement et ici la définition est très large : C’est l’homme, la faune et la flore
(caractère anthropocentrique et égocentrique), le sol, l’eau, l’air, le climat (introduction du climat
comme élément de l’environnement), les biens matériels et le patrimoine culturel et l’interaction
de tous ces facteurs.
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Le droit mou (soft law) sont des normes non juridiquement contraignantes et dérivent par
exemple de résolutions, déclarations, lignes directrices, codes de conduite, principes, … et n’ont
pas une force juridiquement obligatoire mais qui ont quand même des fonctions, un rôle
d’influence sur l’évolution du droit de l’environnement. Elles ne sont pas contraignantes donc la
conformité n’est pas requise mais ces instruments, dans de nombreuses circonstances,
influencent le changement de comportement et conduit même à la conclusion des traités. Les
principales fonctions du droit mou sont de construire une base de consentement sur des principes
généraux pour un traité à établir, il peut être utilisé par des acteurs qui n’ont pas les pouvoirs de
conclure des traités. On pourrait l’utiliser pour aider à renverser les limites du consentement. À
partir du moment que les Etats n’arrivent pas à avoir un consentement uniforme pour conclure un
traité, le droit mou pourrait offrir une sorte de guide pour les Etats qui ont déjà obtenu une sorte
de coopération. Il y a pleins d’exemples surtout dans le cadre du programme des NU pour
l’environnement mais aussi dans le cadre du travail d’autres organisations internationales.
2. Les sources de droit européen de l’environnement
Pour ce qui est du droit UE de l’environnement : l’origine de l’intérêt pour l’environnement
est reliée à la Conférence de Stockholm. Le conseil européen de Paris de 1992 a proposé un
engagement actif de l’UE pour la nécessité de déclarer une politique environnementale
commune. La politique environnementale n’était pas considérée comme base juridique de l’action
de l’institution dans le traité de Rome. En 1985, la Cour s’est prononcée pour la première fois en
disant que la protection de l’environnement est un objectif d’intérêt général de la communauté
européenne. L’année suivante, on a avec l’Acte Unique Européen, l’introduction d’une base
juridique et l’introduction d’un niveau élevé de protection pour l’environnement comme objectif.
Cette base juridique a mené avec le traité de Maastricht à faire de l’environnement un domaine
d’action officielle de la communauté européenne. Le traité d’Amsterdam a introduit le
développement durable comme objectif et le principe d’intégration de l’environnement dans
toute politique sectorielle. Cela veut dire que quand l’UE s’engage dans une politique industrielle,
elle doit intégrer des considérations environnementales dans l’élaboration de la législation. Dans
le traité de Lisbonne, on a la reconnaissance de la base juridique de l’environnement dans le titre
20 du TFUE et en particulier les articles 191 192 et 193. Ici, comme dans le droit international de
l’environnement, on a les mêmes sources : on parle de droit primaire (TUE et TFUE et Charte des
droits fondamentaux de l’UE qui comporte en son article 37 une reconnaissance de la protection
environnementale) et les PGD. On a les accords internationaux conclus par l’UE et beaucoup
d’accords internationaux de nature environnementale voient l’UE comme partie à ces accords. Il y
a aussi le droit dérivé avec les règlements, les directives et les décisions.
L’article 191 nous indique les objectifs de la politique de l’UE en matière d’environnement. Ces
objectifs sont la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l’environnement. Ici,
il n’y a pas de définition de l’environnement. C’est donc un sens large. Il y a une relation entre
qualité de l’environnement et santé des personnes : il y a un objectif d’utilisation prudente et
rationnelle des ressources naturelles, la promotion, sur le plan international, de mesures
destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement, et en
particulier la lutte contre le changement climatique. Il est intéressant de voir comment l’UE
s’oppose à une politique environnementale globale. On peut déjà ici lier cette réponse juridique à
la compréhension des caractéristiques des problèmes environnementaux qui sont collectifs,
polycentriques. Le droit y répond par une vision du rôle de l’UE dans ce cadre. Le second alinéa de
l’article 191 §2 du TFUE donne une idée des principes.
3. La protection de l’environnement dans la Constitution belge
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Pour ce qui est de l’environnement dans la constitution belge : l’article 7 bis reconnait l’objectif du
développement durable dans sa dimension sociale, économique et environnementale dans
l’exercice des compétences de l’Etat, des communautés et des régions. C’est une constitution
innovante dans ce contexte. L’article 23 reconnaît à chacun le droit de mener une vie conforme à
la dignité humaine et à cette fin, la loi reconnaît, garantit un nombre de droits dont celui à la
protection d’un environnement sain. Au niveau de source de droit belge, la Constitution reconnait
soit le droit à la protection d’un environnement sain de façon générale soit l’objectif du
développement durable à tout niveau du gouvernement.
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Les régions ont une compétence relative à la protection de l’environnement en Belgique. C’est
une compétence régionale avec la politique de l’eau. C’est la LSRI qui le prévoit en son article 6.
Cet article mentionne aussi les matières connectées à la protection de l’environnement. Il y a une
sorte de clarification de la définition de l’environnement parce qu’on voit comment les régions
sont aussi compétentes pour ce qui concerne l’aménagement du territoire, la rénovation rurale, la
conservation de la nature, politique économique et politique de l’énergie.
4. Acteurs privés
Les acteurs privés sont importants non seulement parce qu’ils peuvent être considérés comme
des acteurs qui opèrent dans les activités économiques et ont un impact fort sur l’environnement
mais ils sont aussi actifs dans le financement de projets de protection environnementale, les
transferts de technologies modernes, développement de projets énergétiques … Ils participent à
la gouvernance environnementale comme acteur dans leur expertise économique ou technique
et ils participent au développement des instruments de droit mou.
5. Organisations Non Gouvernementales
De plus en plus, on a un nombre d’ONG qui s’occupent d’environnement. Elles constituent
un contrepoids au secteur privé. Il y a 3 fonctions principales des ONG :
- la formulation des intérêts de la société civile,
- l’assistance dans la mise en œuvre de la législation parfois avec une expertise technique,
scientifique, politique mais même juridique et
- ils canalisent la pression publique qui est lié au droit procédural
6. Cours et tribunaux
- Interprétation descriptive : les cours sont utilisés pour régler des problèmes liés à des
différends entre individus, Etats et autres acteurs.
- Quand on parle de l’interprétation théologique, on parle aussi du rôle des cours et
tribunaux pour donner au droit une définition de raisonnement juridique au niveau du
développement du droit de l’environnement et voir le droit dans le cadre de l’objectif de
l’interprétation
- Quand on parle de l’interprétation jurisprudentielle : développer des concepts innovants
pour l’évolution dans ce domaine du droit.
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Les mots clés de la distinction sont : « relation entre précision (à l’égard d’un comportement) et
généralité (à l’égard d’un principe) », « le rôle du juge ». Il n’y a pas que la jurisprudence comme
source de principes. Le niveau international contribue à l’élaboration des principes mais ils
peuvent être développés à chaque échelon d’un système juridique.
La relation entre « principe » et « règle de droit » : quelles sont les citations qui nous viennent de la
doctrine pour distinguer entre « principe de droit » et « règle de droit » ? Il n’y a pas beaucoup
d’explications techniques sur cette distinction dans la jurisprudence. La jurisprudence utilise
« principe » et « règle » mais la définition nous vient plutôt d’une réflexion de la doctrine. D’abord,
Ronald Dworkin, un juriste anglais indique que les règles sont applicables de façon « tout ou
rien » (soit on l’applique soit pas) tandis que le principe énonce une raison qui plaide dans un sens,
mais qui ne nécessite pas de décision particulière. On commence là à voir la relation entre
généralité et particularité. Ensuite, Daniel Bodansky indique que les principes incarnent des
normes juridiques, mais les normes qu’ils contiennent sont plus générales que les règles et ne
spécifient pas d’actions particulières.
Un principe est général, n’implique pas une action particulière tandis qu’une règle juridique
prévoit un comportement particulier et a normalement un effet contraignant.
2. Nature
Il est souvent difficile d’établir le paramètre ou le statut juridique des principes. Cette difficulté
nous vient en particulier parce que dans leur application pratique, les principes sont très différents
entre eux (par rapport à la source, au contexte, à l’évolution). En général, normalement, les
principes sont considérés comme non contraignant (ils font partie du droit mou) à moins d’être
encrés dans des sources de droit dur ou dans des règles contraignantes de droit coutumier. En
général aussi, le statut juridique dépend du principe et de la manière dont il a évolué. C’est du cas
par cas. Par exemple, il y a des principes qui sont devenus des règles (pensons notamment au
principe de prévention) et il y a des principes qui sont encore controversés : pour certains
principes, une partie de la doctrine ou de la jurisprudence pousse vers le durcissement du principe
dans une règle et il y a une partie de la doctrine ou de la jurisprudence qui considère qu’il s’agit
toujours d’un principe de droit mou (pensons notamment au principe de précaution).
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En d’autres mots, la nature dépend des principes dont on parle. Certains restent de nature non
contraignante et donc de droit mou. D’autres sont devenus des règles de droit dur.
Concepts / principes / règles : il y a un degré de relation entre ces 3 idées. Un concept est une idée,
une approche ou une définition qui décrit un phénomène et qui sert de base pour la formulation
de normes primaires. Le concept donne la motivation, la justification pour régler un certain sujet
(pensons notamment au concept de développement durable). Un principe prévoit une action plus
précise qu’un concept mais a en général une approche de nature non contraignante à moins que
son contenu soit traduit dans une règle. Une règle prescrit un comportement plus précis qu’un
principe et de nature normalement contraignante.
Le fondement de la relation entre ces 3 idées est une question de degré. C’est-à-dire, on peut
considérer le concept comme une norme d’orientation mise en œuvre par les principes qui, à leur
tour, sont concrétisés de manière spécifique et particulière dans une règle.
4. Fonctions
Les principes ont une fonction identitaire : rappelons-nous de l’idée selon laquelle le droit
international et européen de l’environnement sont des domaines spécifiques de branches de droit
plus larges (droit international public et droit européen). Cela veut dire que la fonction identitaire
des principes de droit de l’environnement spécifie la nature du droit de l’environnement
international ou européen parce qu’elle donne la spécificité de la discipline.
Les principes ont une fonction conciliatoire : c’est-à-dire une fonction de concilier des intérêts.
Dans le droit de l’environnement, typiquement, les intérêts qui sont les plus en balance sont les
intérêts du développement économique et parfois le développement technologique et la
protection de l’environnement. Le rôle des principes est donc d’aider à concilier les 2 intérêts.
Les principes ont une fonction architecturale : cela veut dire qu’ils œuvrent comme base sur
laquelle un régime juridique se pose. C’est l’exemple du changement climatique : il y a plusieurs
principes qui sont typiques de l’élaboration qu’on a eu dans le régime du changement climatique
comme le principe des responsabilités communes mais différenciées. C’est un principe typique du
changement climatique et c’est sur ce principe que la structure de normes qu’on a trouve sa base.
Les principes ont une fonction interprétative : c’est aider à l’interprétation des règles spécifiques.
Il s’agit d’aider et de conduire à interpréter les conditions d’application des normes et des
instruments juridiques de nature contraignante.
Les principes ont une fonction de décision : il s’agit de supporter les juges dans la décision relative
à un différend en droit de l’environnemental.
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Il y a des principes qui sont établis dans le droit international de l’environnement mais il y a en fait
un partage des principes en droit international et en droit européen. La plupart de ces principes
sont ensuite traduits et reflétés dans le droit national. Il y a cependant des principes qui sont
propres au droit international et d’autres qui sont partagés avec d’autres juridictions.
1) Vision d’ensemble
Normalement, on trouve une longue liste des principes. Le graphe permet de les organiser par
but, avec l’intention de certains principes qui se fondent sur l’idée de prévention (principes qui
aident, qui gèrent la conduite des Etats de façon générale pour prévenir les dommages
environnementaux) et ceux qui suivent une idée de distribution, d’équilibre entre les coûts et les
profits liés à l’utilisation de ressources naturelles et de ressources de l’environnement.
Il y a un vieil arrêt d’un tribunal arbitral. Il énonce qu’aucun Etat n’a le droit d’user de son territoire
ou d’en permettre l’usage de manière que des fumées [ses activités] provoquent un préjudice sur
le territoire d’un autre Etat ou aux propriétés des personnes qu’y se trouvent, s’il s’agit de
conséquences sérieuses. Il a jugé un différend entre USA et Canada. C’est l’affaire Fonderie Trail
de 1941. L’affaire trouve son origine dans les activités d’une fonderie implantée en Colombie
britannique en 1896. Cette fonderie transformait du zinc et du plomb avec des conséquences
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Ne pas causer de dommages ne conduit pas à adopter une conduite positive, ça ne dit pas aux
Etats comment ils doivent se comporter. Par conséquent, 2 questions se posent :
a) quelles sont les limites que le principe impose aux Etats et à leur souveraineté par rapport
à l’utilisation de leur territoire ?
b) quelle est la conséquence de ce type d’action ? En effet, on s’intéresse en fait aux
dommages transfrontaliers au territoire d’autres Etats mais on ne se pose pas la question
du dommage à l’environnement en tant que tel, à l’environnement qui ne se trouve pas
sous la juridiction d’un Etat mais qui se trouve dans des zones communes.
Pour y répondre, le principe d’utilisation non dommageable devient plus élaboré et donne
l’origine au principe de prévention.
3) Principe de prévention
Ce principe répond à la première question, à celle de savoir quel type d’obligation les Etats ont
pour mettre en œuvre le principe d’utilisation non dommageable. Le principe de prévention
impose une obligation positive : ne pas causer de dommage à l’environnement par une action de
prévention. Il s’agit de prévenir activement le dommage environnemental. On passe d’un principe
qui reconnaît une responsabilité à un principe qui demande une action préventive pour éviter la
responsabilité. Le principe de prévention va plus loin que celui d’utilisation non dommageable. Ils
sont 2 principes différents mais ont une relation : le principe de prévention aide à la prévention de
la responsabilité.
Bien sûr, le principe de prévention en droit de l’environnement est un principe général. Cela veut
dire qu’on le retrouve aussi dans le droit européen et parfois par transposition du droit européen
dans le droit national.
Quel type de responsabilité s’applique au dommage qui se manifeste dans les zones qui ne sont
pas un des territoires d’un autre Etat ? Le principe 21 indique 3 choses :
- Il affirme le droit souverain des Etats à utiliser leurs ressources : ils peuvent faire ce qu’ils
veulent sur leur territoire.
- Il limite à ce droit : c’est une limite qui est celle de prévenir les dommages à
l’environnement.
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L’obligation est devenue partie du droit coutumier. C’est un bel exemple pour illustrer la
transformation d’un principe en une règle. La CIJ, dans l’avis consultatif sur la licéité des armes
nucléaires indique que « l’obligation générale qu’ont les Etats de veiller à ce que les activités
exerces dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent l’environnement dans
d’autres Etats ou dans les zones ne relevant d’aucune juridiction nationale fait maintenant partie
du corpus des règles du droit international de l’environnement ».
Le droit coutumier a son origine dans la pratique des Etats, en particulier par rapport à ce qu’ils
font au niveau national. On ne prend donc pas seulement en compte les relations que les Etats
ont au niveau international mais bien sûr aussi par rapport à ce qu’ils font au niveau national.
Il y a une indication par la jurisprudence : l’affaire des usines des pâtes à papier et l’avis sur la
responsabilité dans la zone du TIDM. En général, le principe de prévention demande une diligence
requise dans les activités qui ont la possibilité d’avoir des effets sur l’environnement. Cela signifie
de devoir coopérer pour la mise en place et l’application des mesures appropriées, procéder à une
étude d’impact environnemental et appliquer une approche de précaution. Bien sûr, une
obligation de diligence requise n’est qu’une obligation de moyen et n’est pas une obligation de
résultat. Dans les faits, elle reste une indication assez générale.
On peut avoir une vision d’ensemble des principes du droit de l’environnement dans l’article 191 §2
TFUE. Il dispose que « la politique de l’Union dans le domaine de l'environnement vise un niveau
de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions
de l'Union. Elle est fondée sur les principes de 1 précaution et 2 d'action préventive, 3 sur le
principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et 4 sur le
principe du pollueur - payeur ». Le niveau élevé de protection fait partie de l’objectif de la
politique environnementale de l’UE.
Ce niveau de protection élevé est général mais en même temps, il prend en compte la nécessité
de tenir compte des différentes situations qui se présentent au niveau régional. En général, il est
un contrepoids à la centralité de l’intégration économique au niveau européen, au niveau du
marché intérieur.
Le principe de correction est un principe général mais il est un peu plus spécifique que les autres :
il s’applique de façon plus particulière aux questions relatives aux déchets et aux émissions de
tout ordre. L’idée centrale du principe de correction est que les problèmes environnementaux
doivent être gérés plus efficacement et ils le seront s’ils sont gérés à leur source et quand
l’intervention porte sur l’objet même qui a provoqué un impact environnemental.
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La CJUE, dans l’affaire relative à la crise des déchets dans la région Italienne, donne une
clarification du principe de correction. Elle indique « il appartient à chaque région, commune ou
autre entité locale de prendre les mesures appropriées pour constituer un réseau adéquat et
intégré d’installations afin d’assurer la réception ; le traitement et l’élimination de des déchets et
que ceux-ci soient éliminés aussi près que possible du lieu de leur production, en vue de limiter
leur transport autant que faire se peut ».
Initialement, le principe de correction pose une question relative à la relation entre « marché » et
« protection environnementale ». La question est de savoir si les Etats membres peuvent
interdire, par exemple, l’importation ou l’exportation de déchets dans l’UE. Certains Etats
membres n’ont pas la capacité de gérer la production de déchets et par conséquence, ils
deviennent un bien qui pourraient être gérés, éliminés dans un autre Etat membre. Y a-t-il une
violation du principe de correction ? La Cour a donné une solution à cette question. En fait,
l’interdiction de l’importation est alignée sur le principe.
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Le principe de précaution est essentiel et vise à ce que, par prudence, certaines mesures soient
prises même en absence de certitudes scientifiques. L’idée centrale c’est de ne pas attendre pour
agir qu’un risque qu’on soupçonne se vérifie. Le risque est donc ici un concept central et le rôle de
l’incertitude est central pour comprendre le principe de précaution. Une des premières
élaborations remonte au principe 15 de la Déclaration de Rio qui indique que « pour protéger
l’environnement, des mesures de précaution doivent être largement appliquées par les Etats
selon leur capacité … en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de
certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption
de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement ». Dans l’élaboration du
principe 15 (qui a ensuite été modulé de manière différente au cours de ses élaborations futures),
il y a des éléments importants :
1. Structure du principe
2. Prévention c. Précaution
Quid de la différence entre le principe de prévention et le principe de précaution ? Voilà encore ici
le rôle central de l’incertitude ! Dans ce cadre, la mise en œuvre va avoir une intensité différente.
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Si on parle de risque connu, les décideurs publics doivent agir sans hésitation en appliquant une
approche de prévention. Lorsqu’on parle de risque soupçonné, on pense à appliquer le principe
de précaution. La distinction repose donc sur le type de risque. Le principe de précaution
demande de ne pas retarder l’adoption de mesures visant à éviter ce risque.
Le principe de précaution est une des réponses disponibles pour les autorités publiques dans leur
analyse du risque environnemental ou bien pour la santé.
L’analyse du risque commence par une évaluation du risque c’est-à-dire l’établissement qui se
base sur les connaissances scientifiques qui correspondent à un calcul entre le degré de
probabilité et la gravité des effets potentiels. C’est justement ici que le principe de précaution
souligne l’incertitude puisque c’est au moment de l’évaluation du risque qu’on reconnaît la
condition relative aux connaissances.
(EVALUATION DU RISQUE)
Ensuite, il faut déterminer le niveau du risque acceptable. Si la première est une évaluation
scientifique, la secondes est une évaluation politique : la gestion du risque impose aux décideurs
une sorte de balance d’intérêts et une sorte d’identification de ce que sont les risques acceptables
et ceux qui ne le sont pas. C’est à ce moment que les mesures de précaution vont prendre place.
(GESTION DU RISQUE)
En dernier lieu, il y a une relation entre le public et les autorités, pouvoirs pour communiquer le
risque et le type de gestion du risque.
(COMMUNICATION DU RISQUE)
Il faut toujours voir l’application du principe de précaution en relation avec des autres intérêts
(l’intérêt du développement économique et l’innovation scientifique). A appliquer un principe de
précaution avec des risques qui sont hypothétiques (qui n’ont pas une base concrète), alors, la
balance des intérêts pourrait paralyser le système. Le principe est donc compliqué !
Quid du statut juridique ? Est-ce un principe ? Est-ce une règle ? Est-ce un principe qui deviendra
une règle ? Il n’y a pas de réponse uniforme : les cours et tribunaux internationaux ne sont pas
d’accord. Même la doctrine n’est pas OK.
D’abord, la Cour a été plutôt réticente à appliquer le principe de précaution : elle a reconnu la
présente d’une volonté des Etats d’appliquer le principe de précaution mais n’a pas résolu des
différends en l’utilisant en tant que tel. On se réfère ici à l’affaire Gabcikovo-Nagymaros. C’était
une affaire relative à un barrage sur le Danube. C’était un différend entre la Hongrie et la
Slovaquie. La Cour, en général, utilise le principe de précaution dans sa fonction interprétative
c’est-à-dire pour interpréter et appliquer des obligations internationales de nature
conventionnelle et, par conséquent, de nature contraignante. C’est donc un outil et une aide à
l’interprétation mais la Cour ne se prononce pas en tant que renversement de la charge de la
preuve. Normalement, l’application du principe de précaution impose un renversement de la
charge de la preuve. C’est-à-dire que c’est à l’acteur qui mène l’activité potentiellement
dangereuse pour l’environnement de prouver que l’activité, en fait, ne comporte pas de risque.
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La CJUE est aussi très claire sur le statut juridique : « il en résulte que le principe de précaution
peut être défini comme un principe général du droit communautaire imposant aux autorités
compétentes de prendre des mesures appropriées en vue de prévenir certains risques potentiels
pour santé publique, la sécurité et l'environnement, en faisant prévaloir les exigences liées à la
protection de ces intérêts sur les intérêts économiques. » « principe autonome découlant des
dispositions […] du traité ». On le sait parce que le traité, dans l’article 191, indique que le principe
de précaution est un principe clair de la protection de l’environnement et de la possibilité
d’obtenir un niveau de protection élevé.
La CJUE a aussi clarifié l’évolution du principe général sous l’évaluation du risque. Même lorsqu’il
est impossible de réaliser une évaluation scientifique complète, les autorités publiques
compétentes doivent agir. C’est ici que l’évaluation du risque est importante parce que dès lors
qu’on essaie de faire une évaluation du risque mais qu’on ne parvient pas à avoir des réponses
claires et certaines, cela n’évite pas la possibilité et l’obligation d’agir même s’il faut prendre en
compte les circonstances particulières du cas d’espèce. En d’autres termes, dans les affaires Pfizer
Animal Health c. Conseil et Alpharma Inc. c. Conseil dit la CJUE, « l'impossibilité de réaliser une
évaluation scientifique complète des risques ne saurait empêcher l'autorité publique compétente
de prendre des mesures préventives », « l'autorité publique compétente doit veiller à ce que les
mesures qu'elle prend, même s'il s'agit de mesures préventives, soient fondées sur une
évaluation scientifique des risques aussi exhaustive que possible compte tenu des circonstances
particulières du cas d'espèce.
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
A. Origine
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
Nous avons vu dans la première séance le travail de la commission mondiale sur l’environnement
et le développement de 1987. Ce travail est central pour la compréhension de ce concept. Juste au
moment auquel la commission a commencé à travailler, il n’y avait pas vraiment de définition sur
laquelle on pouvait s’appuyer pour comprendre le développement durable. La commission a
produit le fameux rapport « Notre Avenir à Tous » aussi appelé « rapport Brundtland » du nom de
la présidente de la commission. Il nous a donné une définition pratique du développement
durable. Cette définition nous indique un mode de développement qui répond aux besoins des
générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux
leurs. Il faut désarticuler la définition.
Tout d’abord, on se fonde sur un type de développement car normalement, quand on parle de ça,
on parle d’un développement économique (cf. Déclaration de Stockholm) qui doit tenir compte
des besoins. Ici, la définition des besoins n’est pas donnée. Identifier les besoins c’est un concept
large. On peut avoir des besoins qui sont soit économiques soit de protection de l’environnement.
Ce qui est intéressant, c’est la relation entre génération présente et génération future. On le voit
comme élément essentiel et récurent de la définition du concept de développement durable. Le
développement durable c’est quelque chose qui met en relation la génération présente et la
génération future avec cette idée de garder la capacité de répondre aux besoins de la génération
future, de garder un certain stock de ressources pour la génération future.
B. Contenu
Ensuite, vient l’importante déclaration de Rio sur les principes de droit de l’environnement et de
développement durable. Elle nous donne une définition un peu plus spécifique. La définition du
principe 3 nous dit que les besoins sont tout d’abord à satisfaire équitablement (déjà, il nous
donne une sorte de définition d’action de satisfaire de manière équitable les besoins relatifs au
développement de l’environnement). On a donc 2 piliers : protection environnement et
développement économique. Ici, on a une clarification de la définition du rapport Brundtland ou
du rapport de la commission qui nous donne un peu plus de contenu.
Un pilier économique
Un pilier environnemental
Un pilier société
On part donc d’une définition qui ne donne aucun pilier (rapport de la commission – rapport
Brundtland) à une définition qui contient 2 piliers (Rio) et à une définition contenant 3 piliers qui
sont les éléments du développement durable. Cela veut dire qu’on a un objectif de
développement économique, un objectif de protection de l’environnement mais on a aussi un
objectif de satisfaire les besoins de la génération présente et de la génération future en tant que
développement sociétal. Il faut par exemple satisfaire les besoins relatifs à la santé, à l’éducation,
à l’emploi, à l’équité, …
Il y a donc ici un plan très ambitieux parce que la durabilité du développement durable c’est un
plan qui essaie de cerner l’intégration de ces 3 piliers. Le centre d’intégration des 3 piliers est le
développement durable. Nous ne devons pas être surpris par le fait que la mise en œuvre du
concept de développement durable est très difficile. Elle est toujours en cours. En 2015, une
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
approche par cible a été adoptée : il y a des objectifs listés et développés par les Nations Unies. À
en regarder individuellement chaque objectif, il n’y a pas que des objectifs environnementaux
mais aussi des objectifs liés au développement sociétale, des objectifs plutôt liés au
développement économique, et des objectifs environnementaux …
C. Critiques
Bien sûr, il y a des critiques. Voyons un aperçu de ce que la doctrine indique comme point de
tension. Ce ne sont pas nécessairement des critiques mais ce sont plutôt des analyses sur les
points de tension qu’on a dans le concept de développement durable.
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
A. Éléments
Il y a 3 éléments principaux.
1. Equité intergénérationnelle
Le second élément est l’utilisation. Le principe de développement durable ne dit pas qu’il faut
préserver les ressources naturelles et ne pas les exploiter. Au contraire, c’est justement un
principe de balance et par conséquent, un des éléments du principe est l’utilisation. Mais cette
utilisation ne doit pas être une utilisation indiscriminée. Le principe nous donne une qualification
de cette utilisation c’est-à-dire, selon les textes, les définitions on peut trouver « utilisation
durable », « utilisation raisonnable », « utilisation sage ». Ce qui est à la base du concept ce sont les
limites de l’exploitation des ressources naturelles spécifiques : on ne considère pas
l’environnement de manière générale mais on parle plutôt de ressources naturelles spécifiques.
Par exemple, on parle de stock de poissons. Et, une utilisation durable ou raisonnable sera une
utilisation qui limite la pêche à un niveau qui garantit le rétablissement de l’espèce. C’est ici qu’on
a le premier exemple dans l’affaire de l’arbitrage entre Etats Unis et Royaume – Uni parce qu’à la
base, le différend concernait l’utilisation durable de la ressource. Donc, l’évaluation de l’élément
du développement durable nous impose de considérer les limites au taux d’exploitation. Les
limites sont indiquées par les données scientifiques relatives à la reconstruction de ressources. Ici,
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
3. Utilisation équitable
Le troisième élément est l’utilisation équitable. Ici, on parle d’autre chose : on ne se focalise pas
sur la protection de la ressource naturelle mais on se focalise sur l’accès équitable à cette
ressource pour les générations présentes. On parle de la façon dans laquelle l’utilisation par un
Etat doit tenir compte des besoins des autres Etats. On a donc encore ici le concept de besoin, le
concept d’équité et le souci de la génération présente. Une des applications la plus caractéristique
de cet élément est appliquée aux ressources naturelles partagées, en particulier par exemple aux
rivières internationales aussi bien que dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale.
B. Statut juridique
1. Jurisprudence
Une des premières interprétations du concept de développement durable qui nous vient de la CIJ
est la définition que la Cour nous donne dans l’affaire projet Gabčíkovo-Nagymaros relative à
l’utilisation durable de ressources de la rivière du Danube entre Hongrie et Slovaquie. C’est un
arrêt très important. C’est un arrêt central pour le droit de l’environnement en général mais aussi
pour plusieurs concepts. Ici, le concept de développement durable donné par la Cour c’est
justement la nécessité de concilier développement économique et protection de l’environnement
mais le statut juridique reconnu par la Cour est le statut souple de concept. Ce n’est pas une
élaboration contraignante mais c’est un concept guide. Dans la même affaire, cependant, on a
une opinion individuelle qui en fait essaie un peu plus loin. Le juge nous dit que le développement
durable est un principe qui fait partie intégrante du droit international moderne (cf. la discussion
entre concept et principe). On voit ici qu’on essaie d’être un peu plus spécifique et de lui donner
un statut juridique un peu plus fort. On se souviendra que le concept renvoie à une idée, une
approche, une définition qui décrit un phénomène et qui sert de base pour l’élaboration d’un
principe. Ici, le juge affirme que le concept de développement durable fait partie intégrante du
droit international de l’environnement qui nous sert à dissiper les tensions entre 2 droits établis.
C’est donc un principe important qui nous donne aussi une indication interprétative (principe de
balance). Et, il reconnaît aussi que ce principe est un principe de droit international en vertu de sa
nécessité logique. Il reconnaît les valeurs centrales de ce principe en droit de l’environnement. Il
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
faut reconnaître quand même que c’est une opinion individuelle et que la Cour avait n’avait pas
reconnu le développement durable comme principe mais bel et bien comme concept.
Dans une affaire récente de 2010, l’affaire des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay qui
opposait Argentine et Uruguay, il y a une sorte de reconsidération du développement durable
défini en tant qu’objectif. La Cour reconnaît la nécessité de trouver un équilibre entre utilisation
raisonnable et protection environnementale dans cet objectif de développement durable. Elle
reconnaît le lien entre ces éléments mais cependant, le développement durable reste un objectif
plutôt de politique qu’une norme, une règle de droit international de l’environnement.
2. Doctrine
L’ambiguïté du statut juridique non clarifié est reflétée dans les débats en doctrine. On part d’une
interprétation plutôt progressiste, plutôt contraignante de Philippe Sands qui dit que sans doute,
ici, on a déjà une règle de droit international coutumier qui érige une application du principe
d’intégration (intégrer des objectifs différents, intégrer différentes parties du droit international).
La professeure pense que c’est une interprétation ambitieuse, un peu provocatrice parce que la
Cour n’est pas tellement claire sur cela. La Cour n’a jamais reconnu une règle de droit
international coutumier relative au développement durable. Quand même, c’est un débat qui est
en cours.
Du côté de la doctrine francophone, il y a un travail très minutieux fait par Virginie Barral qui nous
dit que le développement durable est un outil interprétatif pour les juges. Ici, on a parlé beaucoup
du rôle de concept, du rôle de principe. La fonction de principe de développement durable est
une fonction interprétative. Souvenons-nous de la fonction interprétative listée au premier cours :
le juge doit régler et décider le différend sur la base des guides donnés par le principe. Et, quand
on parle du principe inscrit dans un texte d’un accord international, c’est qu’il impose une
obligation de moyens et non une obligation de résultat. VBarral distingue entre le principe au
niveau interprétatif et le principe inclut dans le droit dur de droit international, dans un traité.
Dans ce dernier cas, il donne une obligation de moyens qui s’articule à travers l’obligation de
prévenir et minimiser les dommages, intégrer les considérations environnementales au projet de
développement, coopérer, mettre en place une étude d’impact sur l’environnement, et engager
les communautés affectées. V Barral répète des principes et des règles qui font déjà partie du
corpus de droit de l’environnement et elle le place le développement durable dans le grand
ensemble. C’est ici qu’on voit comment les autres principes mettent en œuvre le développement
durable (cf. E. Fisher).
Enfin, on arrive à une autre interprétation qui est assez moins contraignante : c’est
l’interprétation de Dupuy et Vinuales. Ils nous disent en fait qu’il n’est pas plus qu’un concept, il
représente une norme d’orientation et on ne peut pas dire qu’il y a une norme contraignante avec
une valeur plus forte que ça parce que la question de savoir s’il peut être une norme primaire
n’est toujours pas résolue en droit international.
Pensez-vous que l’ambiguïté du concept de développement durable est une force ou une
faiblesse pour sa mise en œuvre juridique ? Pourquoi ?
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
L’état de l’environnement dans l’UE et les progrès réalisés dans le domaine de la protection et de
la conservation des ressources naturelles en Europe sont décourageants. C’est une des
conclusions du récent rapport de l’agence européenne de l’environnement. L’agence a produit un
rapport en 2020 qui nous a mis en alerte. Les conclusions de l’agence nous disent qu’on a un souci
de durabilité : nous sommes confrontés à des défis urgents en matière de durabilité et l’UE a
besoin de solutions urgentes. Ici, la promotion du concept de développement durable que
l’agence de l’environnement nous indique c’est encore un concept de promotion du
développement international qui intègrent équitablement les considérations sociétales,
économiques et environnementales (les 3 piliers qui constituent le concept de développement
durable). Le concept est, aux yeux de l’agence européenne de l’environnement, un des principaux
défis de ce siècle.
En fait, quand on parle de développement durable, ce n’est pas un concept qui était juste en
vogue quand on a commencé à parler de protection environnementale à la conférence de Rio
mais c’est un concept qui est toujours au centre des débats relatifs à la protection de
l’environnement. La raison de cette centralité est liée à la balance et à l’ampleur que ce concept
implique.
2. Statut juridique
Où retrouver une référence au développement durable dans le traité ? L’article 3 al.3 du TUE nous
indique la place du développement durable dans le traité. Le développement durable occupe en
vertu de sa place dans le traité un rôle de choix : il constitue un objectif fondamental de l’UE tant
dans sa dimension interne (c’est-à-dire au niveau des institutions européennes et les relations
avec les Etats membres) qu’externe (c’est-à-dire au niveau des relations de l’UE avec les Etats
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
La dimension interne est représentée par l’article 3 al.3 du TUE. Il dispose que l'Union établit un
marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance
économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement
compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et
d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique.
L’article 3 donne les objectifs de l’UE. L’objectif du marché intérieur est évident parce que le
projet européen est tout d’abord un projet d’intégration économique et la création d’un marché
intérieur. Mais, l’UE doit œuvrer pour le développement durable de l’Europe. On retrouve les 3
piliers, fondements dans l’article 3 al.3 TUE. Cet article, bien qu’il renforce l’intérêt par
l’intégration du marché, il reconnaît que l’intégration du marché marche en parallèle avec
un objectif du développement durable. Ainsi, quand on parle du statut juridique du
développement durable dans le traité : il a un statut juridique d’objectif de l’UE avec une valeur
normative c’est-à-dire que bien que le traité n’indique pas de façon concrète, exactement ce qui
doit être intégré dans cette définition. En tant qu’objectif de l’UE, le traité reconnaît le statut
normatif. Cela veut dire que des mesures économiques ou sociétales qui ne prennent pas en
considération un niveau élevé de protection de l’environnement représenteraient une violation
du traité. Voilà pourquoi on parle d’objectif avec une valeur normative. La prof renforce
cet élément car l’objectif en soi est un objectif de politique mais quand on le durcit dans un texte
juridique de nature contraignant, l’objectif reste un objectif mais acquière une valeur normative.
Une fonction d’habilitation : on parle d’une fonction qui élargit la fonction de principe
environnemental dans des autres domaines prévus dans le traité. En vertu du principe
d’intégration, des principes dont on a parlé à la séance dernière (principe de prévention,
principe de précaution, principe de gestion à la source, …) peuvent être considérés et
appliqués dans des domaines autres que l’environnement. Donc, il habilite les principes
environnementaux à s’appliquer dans des autres domaines pour justement promouvoir le
développement durable. En général, il élargit la fonction de tous ces principes qui sont
insérés dans l’article 191 (dont on a parlé dans le chapitre 2).
Le principe d’intégration demande une réconciliation entre divers intérêts qui sont parfois
contradictoires. C’est la difficulté du principe du développement durable et, par conséquent, du
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
principe qui le met en œuvre par intégration. Par exemple, aujourd’hui, quand on parle de la crise
financière de 2008, c’était très facile d’imaginer que les intérêts environnementaux puissent être
mis de côté en faveur de l’intérêt économique, social. Mais, le principe d’intégration essaie
de retenir cette balance.
Quand on regarde l’interprétation du développement durable qui avait été donnée par exemple
dans l’affaire First Corporate Shipping, conclusions de l’avocat général très intéressantes, on se
rend compte que le concept de développement durable ne signifie pas que les intérêts de
l’environnement doivent nécessairement et systématiquement l’emporter sur les intérêts
défendus dans le cadre d’autres politiques. Il met au contraire l’accent sur l’équilibre nécessaire
entre divers intérêts parfois contradictoires. On pourrait tenir les mêmes propos dans un cours
d’économie. Ce que l’avocat général essaie de répéter c’est que quand on applique
le développement durable avec une pratique environnementale, le développement durable n’est
pas en soi nécessairement une protection de l’environnement. Et cette clarification qui est très
importante est renforcée aussi par l’interprétation du principe d’intégration.
Padlet : Dans quelle mesure l’approche de l’avocat général en matière de développement durable
est-elle utile ? “Réponse” : clarification utile, bonne définition mais il ne nous aide pas à indiquer
quelle action il faut mener car c’est le principe même qui ne donne pas une action
précise. Le principe demande de faire une balance au cas par cas.
Une des questions principales qui concerne la mise en œuvre du développement durable dans
l’UE est la question de la réconciliation des intérêts qui est mis en lumière par le principe
d’intégration, par l’interprétation de l’avocat général Leger, par la définition même du
développement durable et ses 3 piliers (développement économique, social et protection de
l’environnement). Bien sûr, il y a des difficultés liées à la réconciliation des intérêts.
Il y a aussi des difficultés aussi qui touchent à une approche procédurale : la réponse des
institutions de l’UE et du droit de l’environnement au niveau de l’UE au principe de
développement durable a toujours été une réponse procédurale. Cela veut dire que pour garantir
le respect du développement durable, le droit de l’UE a mis en place une liste d’obligations
relatives à la mise en place qui sont généralement indéterminées ou qui reposent sur des
mécanismes procéduraux. Cela veut dire l’imposition d’une obligation de faire une étude d’impact
par exemple, une liste d’indicateurs, de cibles qui sont inclus dans la législation qui nous donnent
des processus à suivre pour garantir le développement durable et l’intégration mais qui ne sont
pas des obligations substantielles.
En général, l’UE a donné plutôt une approche « technique » : on fait des évaluations d’analyse de
risques, on fait des évaluations d’impact mais parfois, on reste dans le cadre de ce type
d’obligation.
Enfin, il y a aussi des problèmes de mise en œuvre qui sont liés à la coordination des
institutions responsables pour des différends politiques au niveau de l’UE. C’est bien imaginable.
Quand on a des institutions avec des compétences différentes, il faut mener un dialogue qui doit
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
mener à travailler ensemble pour intégrer des politiques environnementales dans d’autres
politiques.
Ces 3 points sont les points les plus difficiles pour la mise en œuvre du développement durable en
Europe.
Une petite indication du contexte plus large dans lequel le débat sur le développement durable
s’inscrit. Ça, c’est parce que si on analyse en détail l’approche courante au développement
durable au niveau de l’UE, on tombe sur les parties vertes (European Green Deal) pour l’Europe.
Quand on l’analyse les parties vertes, on se pose la question de priorité. Selon une certaine
interprétation, l’UE est en train de bouger d’un concept de développement durable à un concept
d’économie verte. Les 2 ne sont pas nécessairement les mêmes. Il n’y a pas une définition
univoque d’économie verte mais on peut utiliser une définition que la professeure trouve utile et
venant du programme des Nations Unies sur l’environnement en 2011 qui nous donne déjà une
définition d’économie verte en tant qu’une économie qui vise à l’amélioration du bien être
humain et à l’équité sociale en réduisant les risques environnementaux et la pénurie des
ressources. Ici, on a une similarité avec le développement durable mais on a quand même
certaines priorités données à l’aspect économique : on parle de bien être humain (autre façon de
se référer aux besoins), d’équité sociale et on garde quand même une protection de
l’environnement. Le concept d’économie verte, ici, ne vise pas à remplacer le développement
durable mais d’une certaine façon de le renforcer parce qu’il accepte que le développement
durable c’est plutôt un jeu relatif au secteur économique. Et donc, ici, on a une sorte de balance
qui tend plutôt vers l’interprétation économique.
La slide se réfère à certaines critiques de la notion d’économie verte parce que la croissance
économique a plusieurs fois démontré qu’elle peut mener à une dégradation de l’environnement
plus accéléré comme le présente Maria Lee. Et de l’autre côté, il y a quand même des risques à ce
qu'on appelle le délavage vert ou le green Washing. Cela veut dire qu'en fait ce qui nous intéresse
c'est de garder une sorte de statut quo et de présenter une économie qui repose sur certaines
valeurs écologiques mais qui en fait ne met pas en cause les paradigmes de la croissance. Qui
selon des économistes, c’est vraiment le centre de la critique au développement durable. Le
développement durable essaie de gérer 3 piliers centraux tandis que l’économie verte repose sur
un système économique d’exploitation à limiter des ressources.
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
Ce qui nous intéresse aujourd’hui ce sont les outils que le droit de l’environnement utilise pour la
protection de l’environnement, des ressources naturelles, du climat, …
En particulier, nous nous concentrerons sur 3 types d’instruments : les instruments de contrôle
direct (= instruments contraignants), les instruments économiques et les instruments
volontaires.
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
- Savoir identifier, analyser les avantages et les inconvénients des différents instruments
disponibles dans le droit de l’environnement.
- Analyser des exemples pratiques des différents instruments disponibles dans le droit de
l’environnement.
1. Caractéristiques générales
Quelles sont les caractéristiques générales des instruments de contrôle direct ? Comme on vient
de le dire, le premier élément c’est l’action de l’état ou des autorités administrative. Il y a une
règlementation directe qui provient d’une action de l’état, de la puissance publique. La nature de
cet instrument est unilatérale, c’est-à-dire que la décision s’impose sans que le consentement des
destinataires soient nécessaires. L’initiative est entièrement dans l’espace des autorités
publiques, des autorités administratives. C’est un type d’instrument rigide c’est-à-dire que la règle
s’applique en principe sans dérogation. Et, toute possible dérogation est à interpréter de façon
stricte.
Enfin, le contenu d’un instrument de contrôle direct est un contenu non négociable c’est-à-dire
qu’il n’implique pas des arrangements. Par exemple, il n’y a pas de négociations par rapport à une
autorisation qui peut être octroyée à l’avance du processus administratif ou par exemple il n’y a
pas de négociations relatives aux dérogations ou relatives au changement des conditions à
imposer aux entités.
L’exemple d’autorisation ou d’instrument de contrôle direct que nous verrons est l’instrument
inséré dans la directive sur les émissions industrielles. Cet exemple est un exemple clair
d’instrument de contrôle direct. Il constitue l’autorisation requise pour les installations
industrielles. Les installations industrielles sont couvertes par cette directive.
Cette directive définit les règles visant à prévenir ou si cela n’est pas possible réduire de façon
intégrée les émissions industrielles dans l’air, l’eau et le sol qui proviennent de sources
différentes. Ici, ce qui est important, c’est le concept d’intégration : la réduction et la prévention
intégrée. Cette approche intégrée de la pollution signifie qu’on approche de sources différentes.
Ce qui nous intéresse c’est la pollution en soi et toutes les émissions industrielles de nature
différentes sont approchées de façon intégrée. En fait, ici, on parle d’une directive de 2010 qui a
abrogé une directive précédente qui était justement la directive qui s’appelait « prévention et
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
réduction intégrée de la pollution ». Même si cette nouvelle directive a intégré la précédente, elle
a gardé l’approche intégrée.
Par cette approche intégrée, la directive utilise l’instrument de l’autorisation à l’exploitation c’est-
à-dire un instrument central de contrôle direct qui impose la nécessité d’avoir cette autorisation
pour pouvoir fonctionner. Donc, pour pouvoir exercer les activités économiques d’exploitation
dans différents secteurs, les installations couvertes par cette directive doivent être en possession
d’une autorisation et satisfaire les conditions rattachées à cette autorisation. Donc, le centre de la
directive est l’autorisation. Cette directive couvre énormément de secteurs. Par exemple, le
secteur de l’énergie, la production de minéraux et de métaux, l’industrie chimique, toutes les
activités liées à la gestion des déchets, l’industrie relative à la production de papier et même les
abattoirs et l’élevage intensif des volailles et des porcs (activités différentes par rapport à l’idée
qu’on a des émissions industrielles).
L’élément intéressant de cette directive c’est que toutes les installations couvertes par elle (qui
ont donc obtenu une autorisation) doivent prévenir et réduire la pollution grâce à l’application de
meilleures techniques. Il y a ce critère de « meilleure technique disponible ». Comment cela
fonctionne ? L’autorisation fixe des valeurs limites pour les émissions. Ces valeurs limites sont
basées sur le critère de meilleur technique disponible. Cela veut dire qu’on regarde les meilleures
techniques disponibles relatives à la production d’un tel secteur. Imaginons une industrie
chimique : on regarde quelles sont les performances les meilleures au niveau technique pour
réduire les émissions dans telle industrie et on fixe les valeurs sur la base de cette technique. Il ne
s’agit pas d’imposer l’utilisation à n’importe quel cout, il faut calculer aussi le cout de l’application
de la meilleure technique mais la base pour le niveau d’émissions est considérée en fonction des
techniques disponibles qui permettent de réduire au maximum. Comme on l’imagine, l’idée de
cette directive est d’encourager les opérateurs économiques à mettre en place une efficacité,
efficience technique qui puisse aider à réduire les émissions.
Donc, les valeurs limites sont imposées par la directive sur la base du critère de meilleure
technique disponible qui est définie sur base de documents mis à jour régulièrement par un
bureau qui s’occupe de l’application de la directive. Le document s’appelle « BREFs ».
On le voit, il y a énormément de travail fait par les autorités publiques pour définir le meilleur
niveau de réduction de la pollution possible avec le secteur industriel mais quand même d’une
façon directe avec le contrôle direct. Ces documents nous disent quelles sont les meilleures
techniques et elles constituent la base pour laquelle les valeurs limites qui doivent respectées par
une certaine installation sont introduites dans l’autorisation. Bien sûr, dans cette directive, il y a
une situation par laquelle les autorités nationales doivent garantir des inspections régulières des
installations. Et encore, l’inspection c’est un instrument de contrôle direct.
Comment cela s’applique t’il en Belgique ? L’exemple du permis d’environnement dans la région
bruxelloise. La base juridique pour ce permis est fournie par l’arrêté du gouvernement de 2013
relatif à la prévention et réduction intégrée de la pollution. C’est une transposition de la directive.
L’article 3 nous dit qu’aucune installation couverte par la directive et par l’arrêté peut être
exploitée sans permis d’environnement. On voit ici la transposition dans le cadre national.
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
Question : quels sont les avantages et les inconvénients des instruments de contrôle direct ? (Je
n’ai pas retranscrit mais si vous pensez que c’est important, je laisse le relecteur compléter).
4. Analyse
Le premier avantage c’est la clarté des obligations et des sanctions. Il s’agit de la certitude de
droit en général mais aussi la certitude de manière plus spécifique de ce qu’il faut faire et des
conséquences. Rappelons-nous, on parle d’ici de « command and control », « ordre et contrôle ». Il
y a une possibilité de modulation au cas par cas c’est-à-dire que lorsqu’on a l’approche intégrée à
toute une série de sources de pollution, comme on le voit dans la directive, on a aussi une liste de
conditions qu’on demande à chaque type d’installation, d’industrie. Donc, il y a quand même la
possibilité pour les autorités publiques de moduler, de décider quel(s) type(s) de condition(s) on
va imposer à chaque opérateur. Et, dans les avantages, on peut aussi considérer que beaucoup de
ces instruments de contrôle direct prévoient la possibilité d’une consultation du public dans le
cadre du processus d’octroi de l’autorisation pour engager le public dans les effets d’une certaine
installation. Nous y reviendrons quand nous parlerons dans les séances suivantes lorsque nous
parlerons d’étude d’incidence environnementale et de participation du public.
Mais, on a aussi la possibilité d’engager des discussions avec le secteur régulé au moment de la
définition des conditions pour l’octroi de l’autorisation. Cela veut dire qu’il y a quand même un
échange et l’exemple d’échange qu’on a vu dans la directive est justement celui sur les
documents BREFs et la définition du critère de meilleure technique (le pouvoir public pourrait
consulter l’opérateur économique pour leur demander quel est le niveau technique qu’il prend en
considération. Cela dit, après, c’est un choix direct du pouvoir public).
Au niveau des inconvénients, comme on l’a vu, il y a un caractère peu flexible. Bien qu’il y ait une
possibilité de modulation, après, la règle s’applique de manière rigide, non négociable,
unilatérale.
Et, comme on l’a plus ou moins remarqué, il y a la question de l’évolution de la technologie. Alors,
la règle en principe n’est pas très flexible, ne s’adapte pas à des évolutions technologiques à
moins de changer les conditions dans la loi. La directive 2010 regarde ces problèmes et essaie de
leur donner une solution avec ce critère de meilleure technique disponible mais c’est vrai qu’il y a
une forme de rigidité du système par rapport à l’évolution de la technologie.
Et enfin, bien qu’il y ait une imposition directe de prévenir et de réduire, il y a toujours la
possibilité de voir l’incapacité d’entraver la dégradation environnementale parce qu’on permet
quand même à des activités d’être exploitées.
Question étudiante : comment combiner la modulation au cas par cas et le caractère peu flexible ?
Cela répond à 2 éléments différents. La modulation au cas par cas arrive au moment de décider les
conditions applicables à une autorisation. La question de la flexibilité s’applique quand
l’autorisation est mise en place, dans les conditions de l’autorisation il n’y a pas de flexibilité.
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Rolland Arnaud – MA2 Droit ULB – 2020 - 2021
Une alternative aux instruments de contrôle direct sont les instruments économiques. On se
rappellera, lors de la séance sur les principes, du principe du pollueur payeur.
1. Caractéristiques générales
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La modulation dans les instruments économiques est plus détaillée et est très technique. Les
instruments typiques de ce type d’approche sont les impôts et les taxes qui fonctionnent par une
régulation des prix c’est-à-dire que les autorités publiques imposent un prix associé à une activité
et par conséquent, les opérateurs économiques décident de leur comportement dans le marché
en fonction de ce prix.
Le système d’échange de quotas en soi s’applique aux émissions de gaz à effet de serre. Le
principe a été développé aussi dans d’autres secteurs. C’est vrai que c’est un système très
complexe. L’idée de l’établir pour le système d’émission de Gaz à effet de serre (GES) en Europe,
ça a donné une idée de vouloir aborder le problème de façon complexe, de façon complète.
Analysons quelques points plus techniques relatifs à la directive sur le système d’échange de
quotas. C’est une directive de 2003 modifiée plusieurs fois. La dernière fois, elle a été modifiée en
2018.
En gros, le but de l’instrument économique d’échange des quotas est de favoriser la réduction
des émissions des GES dans des conditions économiquement efficaces et performantes. Ici, on a
déjà la définition d’un instrument économique : le but de cet instrument est bien sûr de réduire les
émissions mais pas seulement de réduire les émissions car aussi non, on aurait eu un instrument
de contrôle direct. Ici, le but est de réduire mais dans des conditions économiquement efficaces et
performantes. D’une certaine façon, on peut voir comment des inconvénients indiqués dans les
instruments de contrôle direct ont été « répondus » d’une certaine façon avec une approche
économique parce qu’ici, on essaie d’avoir des conditions économiquement efficaces et
performantes.
Le centre de la directive est constitué par l’autorisation à émettre des GES. Donc, ici, encore, on
aura vu que l’autorisation en soi est un instrument de contrôle direct (on le met dans un contexte
d’un instrument économique mais quand même, il faut avoir une autorisation).
La directive couvre tous les États membres (+ Islande, Norvège et Liechtenstein). Elle couvre un
marché large. Elle couvre les secteurs et les gaz indiqués dans l’annexe 1 et 2. Il y a plus de 11 000
installations fixes couvertes et réglées par la directive. Le secteur de l’aviation est aussi couvert. Il
a été un des points critiques des modifications récentes à la directive car comme on l’imagine,
l’aviation a un impact transfrontalier non seulement à travers les États membres mais aussi en
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Il s’agit d’une directive très complexe. L’essentiel est de l’utiliser comme exemple et non analyser
son contenu. L’instrument a connu une certaine évolution.
Au départ, la directive était le système de plafond qui est essentiel (règle la quantité d’émissions).
Dans la première élaboration de la directive, le système de plafond a été décidé au niveau
national. On peut imaginer immédiatement que cela a donné un nombre de problèmes (inégalités
entre États, réflexions objectives sur la capacité de limiter les émissions dans un certain pays). La
seconde caractéristique de la première phase (appelée « phrase expérimentale ») était l’allocation
à titre gratuit de quotas. Donc, les installations couvertes par la directive voyaient une allocation
gratuite du permis. Et pourtant, il n’y avait pas de cout associé et donc, dans le système de
marché, ce type d’allocation a produit des inconvénients très forts et il a aussi donné lieu à une
allocation excessive. Donc, le système n’a pas marché.
Immédiatement, dans la phrase 3, la directive a été changée et le plafond a été décidé de façon
unique au niveau européen. En même temps, l’allocation de quotas, de permis à émettre une
tonne de CO2 a commencé à être mise à échéance par défaut (ca veut rien dire !!). Il y avait un prix
pour les acheter sur le marché. Il y avait bien sûr des dérogations et exceptions pour certains
secteurs essentiels. Mais on voit ici le passage d’une règle qui ne fonctionnait pas à une règle plus
stricte. Aujourd’hui, nous sommes dans une phrase 4 qui commence en 2021 : il y a en général une
procédure de renforcement de la directive. Le principe central est celui d’augmenter le rythme de
réduction annuel et donc il faut essayer de réduire le plafond plus vite à partir de 2021 pour
garantir une compatibilité avec les obligations de l’accord de Paris (il s’agit d’une réduction plus
vite avec taux de 2.2% de réduction par an).
Question : quels sont les avantages ou critiques du système d’échange de quotas d’émissions par
rapport aux instruments de contrôle direct ? Réponse sur Padlet. (Je n’ai pas retranscrit mais si
vous pensez que c’est important, je laisse le relecteur compléter).
3. Analyse
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Les instruments volontaires s’insèrent dans le discours entre contrôle direct et contrôle
économique en essayant de garder la liberté d’entreprise et la détermination de la recherche du
profit.
1. Définition
Une définition qu’on a de règlementation volontaire est : « une série d’instruments qui incluent
des engagements volontaires des entités régulées à réaliser des objectifs en rapport avec
l’environnement qui vont au-delà de la simple conformité règlementaire ». Il y a donc un
engagement volontaire, des objectifs environnementaux et l’idée que cet engagement puisse
aller au-delà de la conformité règlementaire.
2. Caractéristiques générales
Les caractéristiques générales incluent l’absence de recours au contrôle direct. Il y a des infos
environnementales qui sont mises à la disposition du public, une sorte de transparence. Quand on
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propose des instruments volontaires normalement un des bénéfices des opérateurs est celui-là de
pouvoir partager les infos et démontrer un engagement environnemental au public aussi pour
avoir un bénéfice sur le marché au niveau du choix des consommateurs et l’objectif d’une
amélioration de la performance environnementale. On a donc 3 éléments qui sont les
caractéristiques de ce type d’instrument par rapport aux instruments analysés plus tôt.
Il y a des raisons techniques et politiques. Une raison technique est que l’action unilatérale dans
certains domaines n’est pas possible (parce qu’il n’y a pas de compétence, parce que l’état n’a pas
encore légiféré). Mais il y a aussi des raisons politiques ce qui veut dire que la règlementation soit
de type contrôle direct soit de type économique n’est pas approprié. Et pour cette raison, le
jugement est de déplacer la responsabilité des règlementations de l’état aux secteurs privés. On
donne une possibilité de choix de participer avec un instrument volontaire.
Elle aura par conséquence une certification qui démontre qu’elle est une entreprise certifiée SME
et elle devra s’engager pour quand même se conformer à la législation environnementale.
Il y a un cercle : il faut analyser l’état des lieux, planifier, mettre en œuvre des procédures pour
s’améliorer au niveau environnemental (ça change pour toutes les entreprises), contrôler et
recommencer le cercle. Il y a une sorte d’apprentissage à travers cette procédure.
5. Analyse
On imagine tout de suite qu’il y a une utilisation de ressources internes de l’entreprise, il y a une
possibilité de montrer une sorte de leadership, de responsabilité soit aux autorités publiques soit
au public en soi et de partager les informations environnementales (ex : transparence de la
performance environnementale de l’ULB comme organisation). De l’autre côté, il y a un manque
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de débat participatif parce que c’est une action totalement volontaire et dans ce cas-là, elle est
partiellement volontaire parce que le système moderne est encadré dans un instrument de
contrôle direct +/- qui est par exemple dans ce cas-là le règlement SME.
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