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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ....................................................... 1
PARTIE I : LE ROLE ACTUEL DU COMMISSAIRE AUX
COMPTES DANS LA PREVENTION DES DIFFICULTES
DES ENTREPRISES EN FRANCE ET DANS D’AUTRES
GRANDS PAYS.......................................................... 6
CHAPITRE 1 : LA CONTINUITE DE L’EXPLOITATION ET
SA PRISE EN COMPTE DANS L’AUDIT. ....................... 8
CHAPITRE 2 : LA PARTICIPATION DU CAC A LA
PREVENTION DES DIFFICULTES DANS LE CADRE DE SA
MISSION PERMANENTE. ........................................ 22
CHAPITRE 3 : L’INEFFICACITE DE CES DISPOSITIFS ET
L’INSECURITE DES AUDITEURS LEGAUX FACE AUX
RISQUES LIES A CES FAILLITES................................. 36
PARTIE II : PROPOSITIONS POUR UN ROLE PLUS ACTIF
DU CAC SANS REMETTRE EN CAUSE SON
INDEPENDANCE. .................................................... 45
CHAPITRE 1 : AVANT LA SURVENANCE DE
DIFFICULTES, FAIRE EN SORTE QU’UNE
COMMUNICATION S’INSTAURE DE MANIERE
SYSTEMATIQUE ENTRE LE CLIENT ET LE CAC. .......... 46
CHAPITRE 2 : CHANGER LA PROCEDURE D’ALERTE DU
CAC ET L’ARTICULER AVEC DES OBLIGATIONS
D’INFORMATIONS COMPTABLES NOUVELLES ......... 61
CHAPITRE 3 : PERMETTRE AU CAC D’ASSISTER SON
CLIENT DANS LA DEFINITION ET LA CONDUITE DES
MESURES DE PREVENTION ET DE TRAITEMENT DES
DIFFICULTES. ......................................................... 73
CONCLUSION ........................................................ 88
ANNEXE 1 REPARTITION DES EMPLOIS SELON LE TYPE
D’ENTREPRISE EN 2011 .......................................... 91
ANNEXE 2 : NOMBRE D’ENTREPRISES EN FRANCE EN
2011 ..................................................................... 92
BIBLIOGRAPHIE ..................................................... 93
LE COMMISSAIRE AUX COMPTES ET LA
PREVENTION DES DIFFICULTES : COMMENT
ACCOMPAGNER LE CLIENT SANS S’IMMISCER
DANS SA GESTION
SYNTHESE
1
finalement conduit les associés d’Arthur Andersen à
dissoudre leur cabinet et rejoindre d’autres réseaux
en ordre dispersé. A la suite de cette faillite, les
autorités américaines avaient édicté une loi, Sarbanes-
Oxley, dont l’objectif affiché était l’amélioration des
procédures d’audit et du contrôle interne pour
restaurer la confiance des investisseurs. En France,
une loi similaire, la Loi sur la Sécurité Financière
poursuit le même objectif et avec des moyens
similaires qui ont consisté en la stricte séparation au
sein des cabinets d’audit, des activités de certification
et des activités non audit (conseil en matière fiscale
notamment). Le souci du législateur dans les deux cas
était de s’assurer que l’on peut avoir confiance dans le
travail des auditeurs et donc dans les comptes
certifiés. La question centrale dans la réforme de
l’audit menée tant aux Etats Unis qu’en France était
donc surtout le renforcement de l’indépendance de
l’auditeur. Il s’agissait d’assurer que les décisions
d’investissement soient toujours prises sur la base
d’états financiers fiables quand ils sont certifiés. En
légiférant de la sorte, on a voulu limiter les soupçons
sur la qualité du travail des auditeurs quand survient
une faillite d’entreprise et les risques de mise en jeu
de leur responsabilité dans ces mêmes faillites.
2
L’accent est donc mis sur la certification et la fiabilité
des comptes annuels, laissant de côté la question d’un
rôle accru des auditeurs auprès de leurs clients en
difficulté.
3
client est laissé à ses conseils habituels : experts-
comptables, avocats, consultants divers. Ce dispositif
est tout à fait satisfaisant pour les entités qui ont un
expert-comptable et un avocat ainsi que pour les
grandes entreprises qui ont en interne les
compétences pour mettre en place des actions de
redressement. Entre ces deux types d’entreprises et
d’organisations, il existe plusieurs cas d’entités qui ne
font pas recours aux services d’un expert-comptable
ou d’un avocat mais qui sont dotées d’un commissaire
aux comptes. Dans de telles situations que peut faire
ce dernier pour suppléer l’absence de conseil externe
en matière de prévention ? Une position stricte
consiste à s’en tenir au déclenchement en temps utile
de la procédure d’alerte et s’assurer que toutes les
étapes sont correctement traitées. Cette solution si
elle est satisfaisante du point de vue du respect de
non immixtion dans la gestion est toutefois frustrante
dans la mesure où bien souvent l’alerte est
déclenchée alors que les difficultés sont déjà en place.
Par ailleurs, le déclenchement de l’alerte est trop
souvent une conséquence de l’audit des comptes
annuels, entre deux clôtures il est parfois difficile de
connaître l’état réel des affaires du client. Or une
bonne prévention, par définition, consiste en une
4
action en amont et se base sur une information fiable
et de qualité. C’est dans ce cadre contraint et tout en
ayant en tête le caractère permanent de sa mission de
contrôle des entités dans lesquelles il est nommé que
le commissaire aux comptes peut se poser la question
de l’accompagnement de ses clients en difficultés. Il
convient dans un premier temps de bien faire un état
des lieux des outils et des procédures à la disposition
du commissaire aux comptes pour s’acquitter de cette
tâche et également d’en mesurer l’efficacité et les
limites. Ce sera l’objet d’une première partie. Dans
une seconde partie nous essaierons de proposer des
pistes pour une intervention plus active auprès de nos
clients pour pallier les insuffisances relevées dans la
première partie.
5
PARTIE I : LE ROLE ACTUEL DU COMMISSAIRE
AUX COMPTES DANS LA PREVENTION DES
DIFFICULTES DES ENTREPRISES EN FRANCE ET
DANS D’AUTRES GRANDS PAYS.
6
patrimoine de l’entité et donc le cas échéant donnent
le signal des difficultés présentes ou à venir. A cette
première ressource, le droit français ajoute une
procédure spécifique, la procédure d’alerte qui est
l’outil par excellence de la participation du
commissaire aux comptes à la prévention des
difficultés. Cette procédure a peu d’équivalents dans
les autres grand pays, notamment parce que le droit
commercial français présente la spécificité d’être
codifié et de source législative, il dispose même de
tribunaux spécifiques. Par ailleurs, en France, le
commissaire aux comptes relève du ministère de la
justice alors que dans la plupart des autres pays, il
relève au mieux des autorités de contrôle des activités
financières ou le plus souvent d’ordres professionnels
organisés en personnes morales de droit privé. Ceci lui
donne en théorie des marges d’action larges et une
réelle indépendance vis-à-vis de ses clients. Nous
verrons quand nous aborderons la question de
l’efficacité de ces dispositifs, que celle-ci est en réalité
limitée, notamment par la méfiance qui peut exister
chez le client d’une part et par l’aspect ponctuel de la
relation entre le commissaire aux comptes et son
client, malgré le caractère permanent de la mission.
7
CHAPITRE 1 : LA CONTINUITE DE L’EXPLOITATION
ET SA PRISE EN COMPTE DANS L’AUDIT.
1
Slogan de la Compagnie Nationale des Commissaires aux comptes
qui résume bien la nature de la mission du professionnel de l’audit.
8
A. La prise en compte de la continuité
d’exploitation dans l’approche d’audit et dans le
rapport sur les comptes annuels.
9
être particulièrement attentif au respect de ce
principe par l’entité.
L’attention du commissaire aux comptes est appelée
dès les phases de prise connaissance de l’entité et
d’évaluation du risque d’anomalies significatives. En
effet, cette phase est celle où le commissaire acquiert
le plus de connaissance sur les faits significatifs
survenus dans l’entité et donc ceux susceptibles de
remettre en cause la continuité d’exploitation. La
norme précise également que le cas échéant, en
présence de tels faits, il doit s’informer auprès de la
direction de l’entité de son analyse des mêmes faits et
sur les plans mis en œuvre pour rétablir la situation. Il
doit alors accomplir des diligences lui permettant de :
− Vérifier les hypothèses sur lesquelles sont
construites ces analyses ;
− De s’assurer que cette analyse couvre une
période d’au moins douze mois après la
clôture de l’exercice.
En l’absence d’une telle analyse, il doit s’informer
auprès de la direction de l’entité sur les « raisons qui
l’ont amenée à établir des comptes dans une
perspective de continuité d’exploitation ».
La vigilance du commissaire aux comptes doit
s’exercer tout au long de sa mission et porter sur tous
10
les indices qu’il peut relever d’une possible
détérioration de la continuité d’exploitation. Il doit
porter son attention sur les faits comme les pertes de
lignes de crédit, de clients importants, la détérioration
du délai de règlement des fournisseurs…
A ce stade, il s’agit pour le commissaire aux comptes,
sans en faire une recherche exhaustive, de
collationner les indices pouvant laisser à penser que la
continuité d’exploitation est compromise. Du point de
vue de la prévention des difficultés, il s’agit ici de les
prévenir en les détectant très en amont, c’est-à-dire
avant que la situation qui caractérise les défaillances
d’entreprises, à savoir les difficultés de paiement, ne
s’installe. C’est donc un rôle de vigie qui est attribué
aux commissaires aux comptes en France, mais
également dans tous les pays appliquant les normes
ISA en matière de prévention des faillites à travers sa
mission de certification des comptes.
Ces diligences du commissaire aux comptes pour
apprécier l’existence d’indices de détérioration de la
continuité d’exploitation, trouvent leur traduction
dans les comptes annuels qu’il est amené à certifier.
11
2. Etablissement des comptes annuels
12
voire les salariés par l’intermédiaire de leurs
représentants ou directement. L’établissement des
comptes dans une perspective de continuité
d’exploitation participe donc de l’information des
parties intéressées sur l’état réel de l’entité. La bonne
information est une condition essentielle de la
détection de difficultés éventuelles, les comptes
annuels permettent donc à tous leurs destinataires
d’anticiper les difficultés à venir et éventuellement de
faciliter leur résolution en adoptant une approche
constructive avec les dirigeants de l’entité. Ainsi des
comptes annuels qui montrent des incertitudes sur la
pérennité de l’entité vont amener un banquier à
accorder plus facilement des remises de dettes si,
malgré l’incertitude, on pense que des actions
peuvent encore être menées pour y remédier. Les
organismes de protection sociale ou l’administration
fiscale peuvent aussi facilement accorder des délais de
paiement. Certes, tous les partenaires de l’entité en
présence de telles difficultés n’adopteront pas
forcément une attitude conciliante (notamment les
fournisseurs) et il faut donc veiller à ce que
l’information soit la plus précise possible. Dans cette
optique, le rôle du commissaire aux comptes est
crucial dans l’appréciation des difficultés que connaît
13
une entité et de leur correcte traduction dans les
comptes annuels.
14
B. Quels risques juridiques pour le CAC en
cas de compromission de la continuité
d’exploitation ?
15
responsabilité peut être recherchée, en dehors de
toute collusion et dans quels cas ?
16
morales et d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à
5 ans pour les personnes physiques. La seule
certification de comptes établis dans une perspective
de continuité d’exploitation et sans mention dans
l’annexe, alors que ladite continuité d’exploitation est
compromise, est en principe passible d’une sanction
pénale. En effet, le fait de certifier revient à confirmer
des informations mensongères établies par l’entité. Le
commissaire aux comptes qui est un vérificateur, doit
comme nous l’avons vu dans la première section,
apprécier l’exactitude de ces informations. S’il
confirme des informations volontairement altérées, à
moins de prouver qu’il ne pouvait le voir, malgré des
diligences effectuées dans le respect des normes
d’exercice professionnel, alors il commet le délit de
confirmation d’information mensongère. En fait, il
s’agit ici d’un premier délit commis par l’entité, le
commissaire aux comptes se rendant coupable de
complicité, sauf les cas de diligences insuffisantes ou
s’il a lui-même été victime de tromperies.
En matière disciplinaire, la responsabilité du
commissaire aux comptes peut être recherchée par les
instances professionnelles, si le commissaire aux
comptes a accompli sa mission en ignorant les règles
régissant l’exercice de sa mission, notamment en ne
17
respectant pas le référentiel normatif. Les sanctions
disciplinaires encourues vont de l’avertissement à la
radiation.
18
ce fait, il est fortement probable qu’en cas de
survenance de faillite d’une société dotée d’un
commissaire aux comptes les diverses partie
prenantes tentent de mettre en cause la
responsabilité du commissaire aux comptes. Mais en
matière civile, il faut prouver l’existence d’un
dommage et démontrer que le dommage résulte de
l’action (ou de l’inaction ou de la négligence) du
commissaire aux comptes pour que celui-ci soit
condamné à verser des dommages et intérêts.
Dans les cas de faillites d’entreprises, il faut
démontrer que le dommage résulte de décisions
prises par le demandeur en raison d’informations
erronées mais certifiées par le commissaire aux
comptes. Là encore, on retrouve la question de la
confiance que la signature du commissaire aux
comptes est censée inspirer. Il résulte de ceci que la
question n’est pas ici de savoir si le commissaire aux
comptes a certifié intentionnellement ou pas des
comptes faux, il suffit qu’il les ait certifiés. Le
demandeur n’a plus qu’à démontrer la causalité avec
le préjudice qu’il a subi.
La probabilité que la responsabilité civile du
commissaire aux comptes soit recherchée à l’occasion
19
de la faillite d’une entité dont il contrôle les comptes
paraît de ce fait relativement forte.
Outre le dommage financier immédiat que subirait un
commissaire aux comptes qui serait ainsi reconnu
responsable, le risque existe également pour lui de
voir sa réputation entachée, or la réputation est le
principal actif d’un commissaire aux comptes (comme
pour d’autres professions libérales).
20
c’était un signal fort de défiance qui était envoyé par
le marché et ceci a sans doute autant pesé que le
risque de devoir indemniser les actionnaires d’Enron.
La réputation doit donc en toute occasion être
préservée et le commissaire aux comptes n’a dans
cette optique que le référentiel normatif sur lequel
s’appuyer.
21
limite pas son rôle à la seule certification de la
continuité d’exploitation, elle tire la conséquence de
ce que le commissaire aux comptes a l’ obligation de
porter attention aux faits susceptibles de la mettre en
cause en imposant au professionnel de mettre en
œuvre une procédure particulière.
22
procédure n’a pas à notre connaissance d’équivalents
dans les autres grands pays et est un prolongement de
la mission légale de certification des comptes annuels.
23
A. En amont des difficultés : la procédure
d’alerte
24
1. Approche essentiellement comptable, de
ce fait la procédure suit généralement
l’établissement de comptes.
25
Sous l’hypothèse de parfaite information du
commissaire aux comptes, la procédure d’alerte a
donc comme objectif de prévenir les difficultés avant
leur survenance. Par ailleurs, en mettant le dirigeant
« en demeure » de répondre, elle le force à anticiper
les problèmes, voire simplement à en prendre
connaissance. Si l’hypothèse centrale est respectée,
alors en théorie on a un instrument efficace pour
éviter les défaillances d’entreprises. Si cette
procédure fonctionnait parfaitement, on devrait
même envisager d’étendre l’obligation de nommer un
commissaire aux comptes à plus d’entités.
Dans la réalité, la procédure d’alerte est difficile à
mettre en œuvre du fait de la difficulté à connaitre
l’état réel de l’entité. Cette difficulté tient
principalement au fait qu’en dehors de la période de
contrôle des comptes annuels, le commissaire aux
comptes n’est informé de la situation de sa cliente
que fortuitement. La communication entre le client et
son commissaire aux comptes n’est pas constante. De
toutes façons, à supposer que le client communique
régulièrement, notamment qu’il relève les faits
susceptibles de compromettre la continuité
d’exploitation, on ne voit pas très bien ce que le
déclenchement de la procédure apporterait de plus.
26
En effet, en informant le commissaire aux comptes, le
client montre ainsi qu’il est conscient des difficultés, la
notion d’alerte est donc toute relative dans pareil cas.
Le commissaire aux comptes se retrouve ainsi à devoir
se conformer à une obligation pour la forme
exclusivement.
Dans quel cas alors, la procédure est-elle efficace ? La
procédure d’alerte peut être un instrument efficace
avec la découverte fortuite de faits compromettant la
pérennité de l’entité. En pratique, ceci se produit dans
le court normal de la mission du commissaire aux
comptes et dans un contexte où le client n’a pas
pleinement pris la mesure des problèmes mais adopte
un comportement coopératif. De ce fait, la procédure
d’alerte est le plus souvent déclenchée à l’occasion du
contrôle des comptes annuels et se fonde donc
essentiellement sur l’analyse de la comptabilité. Le
commissaire aux comptes va particulièrement porter
son attention sur les faits significatifs de l’exercice et
les indicateurs issus de son analyse des comptes
annuels.
Cependant, la survenance de difficultés peut être très
rapide et se situer en dehors de la période à laquelle
le commissaire intervient dans l’entité. Si comme dans
la plupart des cas, l’entité ne communique pas avec
27
son commissaire aux comptes en dehors de la période
d’arrêté des comptes, alors les difficultés peuvent
survenir et s’installer. Il est donc très difficile pour le
commissaire aux comptes de lancer la procédure au
bon moment et à bon escient.
28
communiquer ses difficultés tardivement. La
procédure si elle est déclenchée ne joue plus alors son
rôle d’alerte.
Quand le commissaire aux comptes déclenche la
procédure à l’issue de ses travaux d’audit des comptes
annuels, il est souvent à craindre que la situation est
déjà très compromise et là aussi la procédure s’avère
n’être qu’un exercice auquel l’auditeur est contraint
mais qui n’apporte pas grand-chose en matière de
prévention des difficultés.
Par ailleurs, la détection de faits de nature à exposer
l’entité à une menace sur sa pérennité, cause une
difficulté récurrente au professionnel : comment
apprécier leur gravité et donc l’opportunité de
déclencher la procédure d’alerte, sachant que cela
déclenche une communication au président du
Tribunal de commerce (au Tribunal de Grande
Instance pour les autres entités de droit privé non
commerçantes ayant une activité économique). En
effet, la procédure ne précise pas comment mesurer
la gravité des faits, ni quels faits précis doivent être
pris en compte. De fait, l’auditeur doit se baser sur son
seul jugement professionnel pour apprécier
l’opportunité de la procédure d’une part, le caractère
suffisant de la réponse des dirigeants d’autre part.
29
Face à une telle imprécision, il est tentant d’adopter
un comportement mécanique : déclencher la
procédure à chaque fois, au risque d’agacer les clients
si cela n’est pas fondé. A l’inverse, on peut craindre
aussi que le professionnel tarde à déclencher la
procédure alors qu’il le faudrait.
On peut se poser également la même question sur les
procédures qui sont interrompues alors qu’il faudrait
les poursuivre, ou qui sont interrompues sur la foi
d’informations jugées satisfaisantes alors que les faits
postérieurs montrent qu’elles ne l’étaient pas. En
effet, à l’issue de la première phase de la procédure
d’alerte, le commissaire aux comptes, décide sur la
base de la réponse du dirigeant s’il poursuit la
procédure ou si, au contraire, il l’abandonne. Que les
informations données par le dirigeant s’avèrent
contredites par la réalité ou qu’au contraire le
professionnel interrompe la procédure à tort, la loi
Warsmann 2 (loi 2011-525) permet depuis 2012 de
reprendre la procédure là où elle s’était arrêtée. Il n’y
a donc plus en théorie de problème lié à l’interruption
de la procédure, mais les problèmes liés à la
connaissance en temps utile des difficultés du fait du
manque de communication, demeurent.
30
La procédure d’alerte conçue comme un outil de
prévention des difficultés n’est efficace que si
certaines conditions sont réunies : communication des
faits au commissaire aux comptes et bonne
coopération de l’entité. Toutefois, il ne faut pas
surestimer son utilité : elle reste surtout un
instrument pour inciter les dirigeants des entreprises à
prendre la mesure de la gravité éventuelle de leur
situation. Et parce qu’elle reste une procédure où
n’interviennent que le client et son commissaire aux
comptes, elle ne peut pas vraiment permettre dans
son cadre de résoudre les difficultés qui se présentent
à l’entité. Le rôle de la procédure d’alerte n’est pas de
piloter une restructuration des activités d’une entité
en difficulté mais d’inciter cette dernière à le faire.
Le commissaire aux comptes a donc un rôle limité
dans le dispositif de prévention des difficultés des
entreprises, ceci tient à son rôle qui est avant tout de
garantir que l’information comptable et financière est
régulière et sincère. Ce rôle de certificateur des
comptes justifie l’exigence d’indépendance vis-à-vis de
l’entité, et de fait on n’a pas jugé possible de lui
confier un rôle plus important dans les procédures
collectives par exemple.
31
B. Le rôle du CAC dans les procédures
collectives
32
de l’entité peut être également amené à livrer des
informations sur le déroulement des événements qui
ont précédé l’ouverture de la procédure collective. A
cet effet, il est délié de son obligation de secret
professionnel vis-à-vis du juge de la procédure.
Il peut paraître étonnant que la loi écarte de situations
cruciales pour les entreprises, l’un des acteurs qui sont
censés avoir la meilleure connaissance de l’état de
l’entité. Ceci se justifie pourtant par le respect du
principe de non immixtion dans la gestion de l’entité.
De ce fait, le législateur n’a pas jugé utile d’impliquer
davantage le commissaire aux comptes dans le
traitement des difficultés des entités. Par ailleurs, il
faut noter que la plupart des entités pouvant faire
l’objet d’une procédure collective ne sont pas dotées
d’un commissaire aux comptes. Enfin, le rôle que le
commissaire aux comptes aurait pu jouer d’assistance
de son client face aux créanciers est dévolu au
mandataire judiciaire dans les procédures de
sauvegarde et de redressement judiciaire et dans une
certaine mesure au conciliateur dans la procédure de
conciliation.
33
autour la notion de continuité d’exploitation que les
comptes qu’il certifie doivent respecter, à défaut il
doit déclencher la procédure d’alerte. Il joue un rôle
très important dans la détection des difficultés. Par
ailleurs au cours des procédures collectives, voire de
la procédure de conciliation il peut lui être demandé
de fournir des attestations relatives à la situation
financière et à l’activité de l’entité. Hors de ces
situations, il n’a pas de rôle actif dans le traitement
des difficultés du fait de l’incompatibilité entre sa
mission de certification des comptes annuels et des
activités de conseil à ses clients. Pourtant entre cette
limite stricte et une position plus permissive il peut y
avoir de la place pour des interventions plus actives.
On pourrait notamment sans trop faire d’entorse aux
principes de non immixtion dans la gestion et
d’indépendance permettre aux commissaires aux
comptes d’assister son client de manière plus
poussée, au moins dans les phases antérieures aux
procédures collectives et procédure de conciliation.
Ainsi le commissaire aux comptes, du fait de sa
connaissance non seulement de l’entité mais aussi
d’autres secteurs et sa maîtrise de l’environnement
réglementaire, peut apporter un concours
appréciable, notamment pour les entités de petites
34
dimensions mais suffisamment importantes pour
n’être plus dotées d’un expert-comptable. Il pourrait
par exemple donner l’information sur les divers
dispositifs d’aide aux entreprises en difficultés autres
que le recours aux procédures collectives (Comité des
Chefs de Services Financiers, CIRI CODEFI, Mandataire
Ad Hoc) et sur la manière de les solliciter. Il nous
semblerait même possible que le commissaire aux
comptes fournisse une assistance dans l’établissement
des dossiers, pour autant qu’il respecte toujours
l’obligation de ne pas produire lui-même l’information
comptable mais qu’il se limite à l’attester.
35
CHAPITRE 3 : L’INEFFICACITE DE CES DISPOSITIFS
ET L’INSECURITE DES AUDITEURS LEGAUX FACE
AUX RISQUES LIES A CES FAILLITES.
36
dispositif est d’une efficacité limitée dans la
prévention parce que l’alerte ne concerne que les
entités dotées d’un commissaire aux comptes. Mais
même dans ces dernières, le dispositif ne nous paraît
pas d’une très grande efficacité pour les raisons
suivantes :
− L’alerte même poussée à sa dernière phase
n’implique pas forcément que l’entité se
saisisse du problème relevé par le
commissaire aux comptes ;
− Le commissaire aux comptes est d’abord un
« certificateur », de ce fait la relation avec les
clients reste très souvent limitée au sujet de
l’audit des comptes annuels ;
− L’alerte procède souvent de la revue des
comptes annuels, or les difficultés peuvent
intervenir dans la période intermédiaire.
37
En premier lieu, à chaque phase de la procédure,
l’appréciation des faits par le commissaire aux
comptes et l’entité peuvent diverger et le texte
régissant la procédure ne propose pas de
méthodologie pour prendre la « bonne » décision. Le
commissaire aux compte ne peut compter que sur son
jugement professionnel pour apprécier la suite à
donner à la procédure. Ceci a deux conséquences : le
commissaire aux comptes peut prendre une position
qui sera par la suite démentie par les faits et ce
faisant, il donne matière à mise en cause de sa
responsabilité en cas de faillite par la suite. En second
lieu, même si la procédure d’alerte est poussée
jusqu’à sa dernière phase, le commissaire aux
comptes n’a jamais la faculté d’imposer à l’entité de
prendre des mesures pour résoudre ses difficultés. A
chaque phase de l’alerte, son action consiste à attirer
l’attention des dirigeants d’abord, du président du
Tribunal de commerce, des associés par la suite. A
aucun moment, il n’a de garantie que sa démarche ait
d’autre effet que celui d’un échange d’informations
avec l’entité. On voit ici que le fait que le commissaire
aux comptes est d’abord un certificateur et en aucun
cas un « censeur » ne lui donne pas beaucoup de
38
latitude pour peser sur la prévention des difficultés
auprès de ses clients.
39
le commissaire aux comptes revient alors à un
exercice purement formel.
40
avoir dans la mesure où elle se heurte au principe
d’indépendance du commissaire aux comptes et de
liberté du dirigeant d’entreprise. Par ailleurs, dans la
mesure où la procédure est faite pour être déclenchée
très tôt, elle peut s’avérer avoir surestimé le risque.
Cette procédure qui n’a pas beaucoup d’équivalents
dans les autres pays s’avère donc problématique à
mettre en œuvre à bon escient et peut à notre avis
créer plus de problème qu’elle n’en résout,
notamment en ce qu’elle est une autre occasion de
mise en cause de la responsabilité du commissaire aux
comptes.
41
tient au problème de sa responsabilité civile, voire
pénale et disciplinaire. En effet, dans ce domaine, la
tentation est grande pour les parties prenantes d’une
entreprises en liquidation (associés, créanciers,
administrations) de rechercher la responsabilité du
professionnel en premier lieu pour obtenir des
indemnisations. Fort heureusement, nous n’avons pas
en France de régime d’indemnisations comparable à
ce qui se fait aux Etats Unis, et il est peu probable
qu’un scandale du type d’Enron produise les mêmes
conséquences chez nous. Et de plus ce qui était
poursuivi dans l’affaire Enron, c’est la collusion entre
le cabinet et son client à travers les prestations de
conseil données par une autre équipe que l’équipe
d’audit.
42
celui-ci a certifié des comptes mensongers. De leurs
côté les créanciers de l’entité en liquidation peuvent
vouloir rechercher dans des comptes erronés mais
certifiés, la source de leurs pertes. Ainsi le banquier
qui perd la créance qu’il avait sur l’entité peut arguer
que sans la certification du commissaire aux comptes,
il n’aurait pas eu confiance dans les comptes établis
dans une perspective de continuité d’exploitation. De
même les autres créanciers peuvent invoquer l’erreur
sur l’état réel de l’entité issue de la lecture des états
financiers certifiés.
43
strictement à ses obligations, il est probable que soit
recherchée sa responsabilité.
44
PARTIE II : PROPOSITIONS POUR UN ROLE PLUS
ACTIF DU CAC SANS REMETTRE EN CAUSE SON
INDEPENDANCE.
45
CHAPITRE 1 : AVANT LA SURVENANCE DE
DIFFICULTES, FAIRE EN SORTE QU’UNE
COMMUNICATION S’INSTAURE DE MANIERE
SYSTEMATIQUE ENTRE LE CLIENT ET LE CAC.
46
auprès des clients, la mise en place de reportings et de
budgets.
47
ou internes pouvant avoir un impact significatif sur
l’activité du client.
48
lui communiquer les résultats aussi souvent qu’il
effectue un tel exercice. Les bénéfices d’une telle
organisation sont clairs ; le chef d’entreprise serait en
mesure de comprendre la formation de son chiffre
d’affaires, d’en mesurer la récurrence, d’identifier les
actions à mener pour le maintenir et l’augmenter.
49
cet aspect du contrôle interne. Toutefois, il convient
de veiller à bien prendre en compte la taille du client
et les spécificités de son activité. L’exercice ne doit pas
se transformer en contrainte lourde pour les clients.
2. Communication du niveau de la
trésorerie
50
client des outils simples de prévision de la trésorerie à
charge pour ce dernier de se les approprier et
d’échanger régulièrement sur ce prévisionnel. Bien sûr
il n’est pas dans la mission des commissaires aux
comptes d’assurer la formation de ses clients à la
gestion où au contrôle interne, mais une information
minimale sur les conclusions à tirer de l’analyse des
outils de suivi de la trésorerie peut être échangée. Cet
échange est de nature à améliorer le contrôle interne
du client et ceci s’inscrit pleinement dans la mission
du commissaire aux comptes. En effet, même si ce
n’est pas aussi bien codifié que pour les entités
d’intérêt public (ci-après EIP), le commissaire aux
comptes doit à l’issue de sa mission relever les
faiblesses de contrôle interne et faire des suggestions
d’amélioration. Il est certain que proposer la mise en
place d’un suivi formalisé de la trésorerie et
conduisant à une analyse des causes de sa variation
améliore le contrôle interne et de plus sert l’objectif
de prévention des difficultés.
51
3. Communication des faits significatifs de
la période
52
outils et une communication régulière, la survenance
de difficultés pour l’entité pourrait être efficacement
anticipée. Les avantages pour l’entité sont évidents, la
bonne information permet de prendre de bonnes
mesures de redressement en temps utile. Le
commissaire aux comptes de son côté limiterait les
risques de mise en œuvre trop tardive de la procédure
d’alerte et donc de l’accomplissement de sa mission
telle qu’elle est prévue par la loi. De manière
incidente, la mission de certification des comptes
annuels serait également facilitée puisqu’on aurait en
amont effectué une partie du travail de prise de
connaissance de l’entité et de son organisation. Par
ailleurs, cette approche prospective de la prévention
des difficultés contribue à la promotion d’une
« culture » du reporting, du contrôle de gestion et du
contrôle interne auprès des clients. Il y a donc des
avantages certains à ce que les commissaires aux
comptes enrichissent de la sorte leur mission auprès
de leurs clients.
Il y a cependant une limite à cette approche : elle ne
peut être fondée que sur la parfaite coopération du
client. Or il n’est pas certain que le client y voit un
intérêt particulier hormis dans les cas où il est déjà en
difficulté. De ce fait, il peut être utile d’envisager une
53
voie plus contraignante pour obtenir de tels résultats ;
on pourrait envisager d’élargir l’obligation de
production de documents financiers prévisionnels à
d’autres entités que celles qui y sont déjà astreintes.
54
disponible et réalisable et du passible exigible, un
tableau de financement, un plan de financement et un
compte de résultat prévisionnel. Nous l’avons vu,
l’une des clés de la bonne anticipation des difficultés
c’est la bonne information sur l’état réel de l’activité
de l’entité. Il pourrait donc être opportun d’élargir la
base des entités concernées par l’obligation
d’établissement des documents prévisionnels, en effet
les seuils de chiffre d’affaires ou d’effectif paraissent
cibler un trop faible nombre d’entreprises. Selon
l’Institut National de Statistiques et d’Etudes
Economiques (INSEE), le nombre d’entreprises
concernées sur un total de 3,11 millions en 2011 1 est
au maximum de 143 000, si l’on considère que toutes
les PME dépassent au moins l’un des deux seuils, ce
qui n’est pas le cas. On peut également supposer
qu’un grand nombre d’entre elles sont dotées d’un
commissaire aux comptes compte tenu des seuils
imposant d’en nommer un. L’ensemble de ces 143 000
entreprises emploient 12 millions de salariés en 2011
1
Source INSEE, Les catégories d’entreprise en France : de la
microentreprise à la grande entreprise.
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=if4
55
sur un total de 14, 93 millions 1. Ainsi, l’élargissement
de cette obligation à la totalité des PME, à l’instar des
entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des grandes
entreprises permettrait de couvrir des entreprises
employant la moitié de l’effectif salarié en France
(23,8 millions de salariés en 2011 tous secteurs
confondus 2). Certes, il s’agit d’imposer une contrainte
supplémentaire dans un moment où ce thème est
souvent décrié. Il y toutefois des avantages certains à
cela. En premier lieu, une telle mesure améliorerait la
qualité de l’information financière des entreprises et
partant leur réactivité, leur « agilité » selon le thème à
la mode. En second lieu, et dans la mesure où le
commissaire aux comptes trouverait là un rôle à jouer,
on augmenterait l’efficacité de la procédure d’alerte
et on pourrait réagir sans doute plus tôt dans les
entreprises dont la situation se dégrade.
Pour atténuer la lourdeur de cette contrainte
nouvelle, on pourrait en contrepartie revoir la nature
1 1
Source INSEE, Les catégories d’entreprise en France : de la
microentreprise à la grande entreprise.
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=if4
2
Source INSEE, Emploi salarié et non salarié par secteur d'activité
en 2014 ;
http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?ref_id=natnon03146
56
et la structure des documents à produire ainsi que la
forme de l’intervention du CAC.
57
En effet, il n’est pas forcément nécessaire d’établir un
état de l’actif disponible et du passif exigible tant que
la trésorerie est suffisante et que le prévisionnel de
trésorerie ne montre pas de tensions sur celle-ci. Par
ailleurs, le tableau de financement de l’exercice clos,
ou du semestre clos n’est plus utile, si le prévisionnel
de trésorerie est mis à jour régulièrement.
58
commissaire aux comptes et son client, il faut prévoir
que les documents prévisionnels donnent lieu à une
communication au commissaire aux comptes. Celui-ci
en retour, enverrait une communication écrite à son
client qui ne serait ni un rapport, ni une attestation
mais un avis ou un commentaire. Le commissaire aux
comptes conserverait la faculté de communiquer sur
d’éventuelles irrégularités en application de l’article
L.823-12 du Code de commerce. Les documents ainsi
établis serviraient à améliorer entre deux audits la
connaissance que le commissaire aux comptes a de
ses clients et lui permettraient sans faire de conseil,
d’attirer l’attention de son client sur les signes de
difficultés qu’il pense relever.
59
Celle-ci serait centrée sur l’appui aux dirigeants plutôt
que l’accomplissement d’une obligation
professionnelle. C’est aussi une façon de valoriser la
mission du commissaire aux comptes auprès de son
client.
60
CHAPITRE 2 : CHANGER LA PROCEDURE D’ALERTE
DU CAC ET L’ARTICULER AVEC DES OBLIGATIONS
D’INFORMATIONS COMPTABLES NOUVELLES
61
A. Quelle que soit la phase à laquelle
s’arrête l’alerte donner au commissaire aux
comptes des outils de suivi et d’évaluation des
mesures prises par le dirigeant.
62
les outils d’un suivi des déclarations de la direction sur
les mesures à mettre en œuvre, ni même sur les
documents à produire à l’appui de cette réponse du
dirigeant. Cette lacune empêche un suivi de la
procédure par le commissaire aux comptes de même
qu’elle peut être propice à un relâchement de
l’attention du dirigeant. Il nous semble de ce fait
intéressant d’enrichir la procédure d’alerte en
précisant la forme de la communication de l’entité
vers son commissaire aux comptes d’une part, en
aménageant les étapes de la procédure d’autre part.
63
les éléments de réponse qui lui sont apportés sont
satisfaisants, c’est-à-dire que le dirigeant lui apporte
des éléments de réponse assurant que la continuité
d’exploitation n’est pas compromise ou que la
continuité d’exploitation étant menacée, le dirigeant
en a pris la mesure et compte prendre les mesures à
même de la rétablir.
Il faut relever qu’à la différence des dispositions sur
les documents financiers prévisionnels, l’article L.234
du code de commerce relatif à la procédure d’alerte
ne précise pas quels éléments de réponse doit fournir
le dirigeant. Il est probable que le législateur a voulu
ménager une forme de souplesse dans cet échange
entre le commissaire aux comptes et son client. De
même, la procédure repose sur la découverte quasi
fortuite de faits de nature à compromettre la
continuité d’exploitation et en aucun cas sur un
échange régulier et volontaire entre le client et son
commissaire aux comptes. L’ensemble de ces lacunes
fait comme nous l’avons relevé dans la première
partie que la procédure peut être déclenchée à
contretemps et reste surtout une obligation
professionnelle pour le commissaire aux comptes plus
qu’un instrument réellement efficace pour aider à la
prévention des défaillances d’entreprises.
64
La procédure devrait donc, au moins sur ce point être
repensée et précisée sur la forme de la réponse du
dirigeant dans la phase 1 ou des organes concernés
par les phases suivantes. Il est notamment souhaitable
que l’on oblige l’entité à étayer sa réponse écrite par
la production d’un budget prévisionnel précisant :
• L’impact ou l’absence d’impact sur l’activité
des faits relevés par le commissaire aux
comptes
• La contribution au redressement des mesures
envisagées dans le cas où l’entité admet le
bien-fondé des observations du courrier
initial du commissaire aux comptes.
65
satisfaisant de la réponse des dirigeants
d’entités en sera facilitée.
• A l’entité d’accroître sa vigilance face à des
faits qu’elle avait sans doute négligés, et qui
ont amené l’action du commissaire aux
comptes.
66
par le commissaire aux comptes. En effet, pour juger
de l’opportunité de reprendre une procédure que l’on
a interrompue, il faut disposer d’éléments permettant
d’étayer son bien-fondé. Dans la mesure où nous
avons proposé que la réponse des dirigeants soit
accompagnée obligatoirement de documents
prévisionnels, il paraît raisonnable au moins dans le
délai de six mois prévu par la loi que l’entité fournisse
des situations comptables régulières et un rapport sur
l’exécution du budget présenté à l’appui de la réponse
adressée initialement.
La mise en place de cette obligation d’information
permettrait par exemple qu’une procédure d’alerte
qui serait lancée très tôt et suspendue très tôt
également, compte tenu des délais très courts de
chacune des phases, connaisse malgré tout un suivi.
En effet, s’il est simple de suspendre une procédure
d’alerte, il peut s’avérer problématique de la
reprendre si on ne dispose pas d’informations le
justifiant. On peut d’ailleurs se demander si le
législateur en ouvrant cette possibilité n’est pas resté
au milieu du chemin, en effet le délai de six mois
paraît inspiré de la période d’observation des
procédures de sauvegarde et de redressement
67
judiciaire. Peut-être s’agissait-il d’éviter d’alourdir les
contraintes aux entreprises.
68
procédure ouverte à recouvrer une activité normale et
soutenable. La durée de la période d’observation d’au
maximum six mois est déterminée par le juge de la
procédure. L’introduction d’un délai de reprise de la
procédure d’alerte après son interruption est inspirée
de ce délai à la différence qu’il ne s’agit pas de poser
un diagnostic mais pour le commissaire aux comptes
d’apprécier la pertinence des éléments de réponse qui
lui avaient été fournis par l’entité. En effet, comme le
relève la note d’information de la CNCC, le délai laissé
au commissaire aux comptes pour apprécier le
caractère satisfaisant de la réponse de l’entité est très
court à chaque étape de la procédure. Il ne permet
pas au professionnel de faire des analyses étendues
sur la viabilité des mesures proposées. Or dans
l’ancienne formule de la procédure d’alerte, il n’avait
de choix que de contester la réponse de la direction
ou d’interrompre la procédure. Si la procédure est
interrompue et que la situation de l’entité continue de
se dégrader, il fallait déclencher à nouveau une
procédure à sa phase 1. La faculté de reprendre le
cours de la procédure permet de gagner du temps
dans des situations où celui-ci fait toujours défaut.
69
Il reste que le délai permis par la nouvelle procédure
d’alerte est une faculté laissée à la libre appréciation
du commissaire aux comptes et nous pensons qu’il
devrait être systématique et mieux défini. Il s’agit
notamment de préciser le déroulement de ce délai,
ainsi que les diligences que le commissaire aux
comptes pourrait (devrait accomplir) pour conforter
son opinion d’arrêter définitivement la procédure ou
la reprendre jusqu’à son terme.
70
d’une procédure interrompue, n’est donc rien d’autre
que l’exigence d’une information régulière du
commissaire aux comptes par l’entité. Il faudrait donc
accompagner toute procédure d’alerte d’une
obligation de produire des états prévisionnels
d’activité et de trésorerie, ainsi que pendant le délai
d’observation de situations comptables régulières.
71
L’objectif d’améliorer le rôle préventif de la procédure
d’alerte peut donc être atteint par le passage d’une
faculté de reprendre une procédure interrompue dans
un délai de six mois à un délai d’observation
systématique pour permettre au commissaire aux
comptes de s’acquitter de diligences lui permettant de
lever l’incertitude sur la continuité d’exploitation ou,
au contraire, d’en acquérir la conviction suffisante et
de communiquer ses conclusions aux dirigeants,
associés et président du tribunal compétent.
72
difficultés, voire en l’assistant à certaines phases des
procédures de conciliation et de sauvegarde.
73
que le commissaire aux comptes peut porter à la
connaissance de son client, l’existence des différents
moyens et acteurs de la prévention des difficultés.
74
améliorer son suivi par le commissaire aux comptes,
sans pour autant en changer la philosophie. Mais ce
qui nous paraît insatisfaisant c’est que cette
procédure n’a justement qu’une fonction d’alerte,
d’éclairage du dirigeant sur les risques qu’il encourt. Si
les difficultés sont déjà là, le commissaire aux comptes
n’a plus de rôle hormis celui d’attester certains
documents pour les besoins des procédures et de
réaliser certaines diligences directement liées. Si on
voulait donner à la procédure d’alerte une fonction
analogue aux procédures de conciliation et
sauvegarde, c’est-à-dire une situation où l’on conçoit
et met en place un plan de redressement, il faudrait
sans doute changer le rôle du commissaire aux
comptes dans le dispositif.
75
procédure d’alerte, il pourrait s’avérer efficace de
rapprocher le fonctionnement de la procédure
d’alerte des procédures de conciliation ou de
sauvegarde. Dans ces deux procédures, un plan de
conciliation ou de sauvegarde est défini en se fondant
sur des hypothèses sur les ventes, la restructuration
des charges, et en obtenant un plan d’apurement du
passif négocié avec les créanciers. Ces plans de
sauvegarde et de conciliation sont négociés sous
l’autorité du juge de la procédure qui les valide par un
jugement ou une homologation.
Dans la procédure d’alerte, le président du tribunal de
commerce est seulement tenu informé de l’existence
de la procédure et des réponses (ou de l’absence de
réponse) du dirigeant, des administrateurs ou des
associés. L’essentiel de la procédure se déroule entre
le commissaire aux comptes et son client. En effet, la
procédure étant confidentielle, la discrétion de son
déroulement est d’autant mieux assuré que le nombre
de personnes au courant est réduit. De ce fait, il n’y a
pas dans la procédure de déroulement conduisant du
constat à la définition d’un plan et à sa mise en œuvre
avec le tout sous la supervision d’un tiers. Il est vrai
que, par définition l’alerte est une prévention des
difficultés par leur détection très en amont de leur
76
survenance. Mais puisque la procédure dans sa forme
actuelle impose au commissaire aux comptes qui la
déclenche de prendre seul la décision de la poursuivre
ou de l’interrompre, il nous semble important dans le
cas où le dirigeant partage l’appréciation du
professionnel de l’amener à s’inscrire dans un
processus de résolution de la situation. Autrement dit
la procédure d’alerte tant que la chose est possible
doit permettre une résolution des problèmes en
dehors du recours à une solution judiciaire.
Pour parvenir à ce résultat, il faudrait donc amender la
procédure d’alerte en insérant une obligation pour le
dirigeant qui reconnaît l’existence de difficultés de
définir et mettre en œuvre un plan de résolution de
ces difficultés. Ce changement instaurerait
compléterait la proposition de fournir au cours d’un
délai d’observation des informations régulières au
CAC. En effet, la suspicion de difficultés à venir par le
commissaire aux comptes peut donner lieu à plusieurs
réponses possibles de la part du dirigeant :
− Aucune réponse ;
− Une réponse infirmant le risque de
défaillances malgré les signes relevés par le
commissaire aux comptes ;
77
− Une réponse reconnaissant les difficultés
mais qui les considère comme passagères et
ne nécessitant qu’une vigilance sans mesures
particulières ;
− Une réponse reconnaissant l’existence des
difficultés et nécessitant la mise en œuvre
d’un plan de résolution.
78
− Tester les hypothèses de travail
− Aider à concevoir et mettre au point les outils
nécessaires à une meilleure information
comptable et financière (qui peut faire l’objet
d’une diligence directement liée)
− Apporter des éléments d’information sur les
dispositifs existant permettant de traiter les
difficultés des entreprises.
79
moyens. En premier lieu, comme dans toutes les
pistes que nous avons évoquées, il doit pouvoir
compter sur une information fiable et complète de la
part de l’entité. L’information doit toujours procéder
de l’entité et le commissaire aux comptes
conformément aux principes d’indépendance doit en
assurer un examen critique dans le but de se faire une
opinion sur le déroulement du plan. L’objectif final de
cet examen est de décider à la fin de la période
d’observation s’il est opportun de poursuivre, ou s’il
devient nécessaire de placer l’entité sous la protection
d’une procédure de conciliation ou d’une procédure
collective.
80
de suivi avec son client et à l’issue de ce processus
décider de la poursuite ou de l’abandon de la
procédure d’alerte.
81
décisions de gestion et que les documents financiers
et comptables soient produits par l’entité, on peut
ainsi envisager que le commissaire aux comptes
puisse :
− Fournir l’information nécessaire sur les
dispositifs d’aides aux entreprises en
difficulté
− Assister le client dans ses négociations avec
les créanciers, notamment par l’analyse des
documents matérialisant les négociations
(contrats, documents comptables,
projections et budgets…) pour pallier les
carences de compétence du client.
− Proposer plus souvent des diligences
directement liées pour aider à produire des
projections, plans d’affaires, schémas
d’organisation etc.
82
1. Permettre au CAC d’aider le client dans
ses négociations
83
son client à aborder ces négociations, comprendre
leur fonctionnement, comprendre les documents de
transactions et éventuellement répondre aux
demandes des créanciers sur certains points qui
n’impliquent pas l’établissement de documents signés
de sa main. L’idée est ici que le commissaire aux
comptes assiste son client en tant qu’expert du chiffre
en l’absence d’autres experts tel qu’un expert-
comptable.
84
− Elaborer les procédures devant lui permettre
d’améliorer l’information comptable de son
client.
85
se contenter d’aider à élaborer ces documents et les
faire transmettre par le client.
86
analyse pourrait en partie être prise en charge par le
commissaire aux comptes dans le cadre de diligences
directement liées.
Au-delà de l’analyse du passé, l’entité a également
besoin de définir un plan de retour à la normale. Ceci
nécessite parfois des calculs fins et des projections
que l’entité n’est pas toujours capable de faire seule.
Le commissaire aux comptes en tant que
professionnel du chiffre a cette capacité et par ailleurs
dispose d’une connaissance approfondie de son client
et de l’environnement de celui-ci. Il lui serait sans
doute possible d’efficacement seconder son client
pour définir les mesures structurelles qui devraient
être prises et les tester. Bien sûr, on frôle ici
l’immixtion dans la gestion et la seule possibilité que
nous entrevoyons pour qu’elle soit acceptable par les
associés et les créanciers est qu’elle soit supervisée
par un juge.
87
CONCLUSION
88
suppose une parfaite information du commissaire aux
comptes sur l’état réel de son client. L’inefficacité du
dispositif actuel n’est pas son seul défaut. L’existence
de la procédure d’alerte donne un argument
supplémentaire aux créanciers d’une entité pour
mettre en cause la responsabilité du commissaire aux
comptes. En effet, il est tentant pour les créanciers et
les associés d’une entreprise en liquidation d’essayer
d’incriminer le commissaire aux comptes au prétexte
qu’il n’aurait pas déclenché la procédure d’alerte, ou
l’aurait fait à contretemps. De fait, le commissaire aux
comptes pourrait se trouver souvent mis en cause
dans des procédures dans lesquelles le législateur ne
lui a réservé aucun rôle en principe.
89
plus dans le dispositif de prévention et de traitement
des difficultés, notamment dans les phases qui
précèdent l’ouverture de procédures collectives,
comme le mandat ad hoc ou la conciliation. L’idée est
de renforcer la capacité de l’entité à appréhender sa
situation et réfléchir aux voies et moyens de recouvrer
sa santé financière. Le commissaire aux comptes
trouverait là une occasion supplémentaire de valoriser
sa mission auprès de son client, mais surtout, les
entités qui ont atteint une taille suffisante pour se
passer d’un expert-comptable n’ont pas toujours la
compétence en interne pour affronter seules de telles
situations.
90
ANNEXE 1 REPARTITION DES EMPLOIS SELON LE
TYPE D’ENTREPRISE EN 2011
PME1 hors
GE1 ETI1 MIC1,2 Ensemble
MIC1
91
ANNEXE 2 : NOMBRE D’ENTREPRISES EN
FRANCE EN 2011
Figure complémentaire 1 : Entreprises et unités légales en 2011 selon la catégorie d'entreprise, y compris activités financières et assurances
92
BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages :
Doctrine professionnelle :
Sites :
http://www.crcc-
montpellier.fr/cariboost_files/support_participan
93
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consulté le 12 mai 2016.
94