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Abdelmalki L., Mundler P., Économie de l’environnement et du développement durable
Asensio A., Le fonctionnement des économies de marché. Micro et macroéconomie de l’équilibre général
Blancheton B., Histoire de la mondialisation
Farvaque é., Paty S., économie de la démocratie
Marketing
Croué Ch., Marketing international et mondialisation. Effets sur le consommateur
Dupont é., Développer et lancer un nouveau produit
Joly B., La communication
Joly B., La vente et ses techniques pratiques
Joly B., Le marketing
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Baron-Yellès N., L’Espagne aujourd’hui. De la prospérité à la crise
Copinschi Ph., La fin du pétrole. Vie et mort d’une ressource stratégique
Fournier B., La socialisation politique. Concepts et méthodes, à paraître (2011)
Gaillard M., France-Europe. Politique européenne de la France de 1950 à nos jours
Gounin Y., La France en Afrique. Le combat des Anciens et des Modernes
Ribémont Th., Introduction au droit des étrangers en France, à paraître (2011)
Orfali B., L’adhésion. Militer, s’engager, rêver
Tétart Fr., Nationalismes régionaux. Un défi pour l’Europe
Psychologie
Fleury-Bahi G., Psychologie et environnement. Des concepts aux applications
Josse E., Le traumatisme psychique. Chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent
Orfali B., L’adhésion. Militer, s’engager, rêver
Valence A., Les représentations sociales
Le traumatisme
psychique
Evelyne Josse
Préface de Louis Crocq
Chez le nourrisson,
l’enfant et l’adolescent
s’agit pas d’un trauma « indirect », mais d’un deuxième trauma direct, par immer-
sion dans un partage de la terreur commune à tous ceux qui sont présents, dans
l’immédiat de l’événement.
Évelyne Josse a regroupé dans son chapitre « la phase aiguë » : d’une part la
phase immédiate des premières heures ou du premier jour, et d’autre part la
période post-immédiate qui suit (du deuxième au trentième jour). Elle rappelle à
juste titre que les sujets exposés à un événement potentiellement traumatisant ne
le vivent pas tous sur le mode du trauma : un quart environ le vivent sur le mode
du stress adapté ; les autres le vivent comme un trauma, dans l’effroi, l’horreur, le
sentiment d’impuissance et l’impression d’abandon ; et, surtout, ils le vivent avec
un cortège de symptômes de dissociation et de détresse (voir dans le livre l’inven-
taire et le commentaire très pertinents de ces symptômes) ; le tout donnant lieu
aux réactions de stress dépassé (sidération, agitation, actes automatiques), voire
à des réactions franchement névrotiques et psychotiques (ce qui, en passant,
soulève le problème des rapports du trauma et de la psychose, problème que
Ferenczi avait pointé en qualifiant le premier instant traumatique de « psychose
passagère »). Notons qu’Évelyne Josse consacre des pages passionnantes au trau-
matisme silencieux de l’enfant, à suspecter en particulier dans les cas d’agression
sexuelle par un adulte, un proche, voire un parent.
Quant à la période post-immédiate, ou bien elle voit tout rentrer progressi-
vement dans l’ordre, ou bien elle voit s’installer un syndrome post-traumatique
(ou plus précisément psycho-traumatique), avec persistance des symptômes de
dissociation et apparition de symptômes psycho-traumatiques spécifiques, tels
que symptômes de reviviscence, conduite d’évitement et symptômes d’hyperac-
tivité neurovégétative. Cette période post-immédiate mérite alors – dans ce cas
de figure – le nom de période de latence ou d’incubation (Charcot, avec son
vocabulaire imagé « fin-de-siècle », parlait de période de méditation, de contem-
plation et de rumination). Ici encore, Évelyne Josse s’attache à inventorier dans le
tableau clinique ce qui est particulier à l’enfant, à savoir les symptômes non spéci-
fiques, tels qu’anxiété, dépression, comportements régressifs et troubles somato-
formes. Elle termine ce chapitre en faisant le point des appellations diagnostiques
de ces phases immédiate et post-immédiate dans les nosographies actuelles : la
CIM-10 (Classification Internationale des Maladies Mentales, révision de 1992) a
bien identifié la phase immédiate (« réaction immédiate à un facteur de stress »),
mais elle laisse confondre la période post-immédiate avec l’état de stress post-
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
12
Louis Crocq
Introduction
S MMAIRE
1. Définition
2. L’événement traumatique
3. Les paramètres des événements traumatisants
4. Les types de traumatismes
5. Les paramètres influençant le développement
des syndromes psychotraumatiques
chez les nourrissons, les enfants et les adolescents
1. Définition
1
L. Crocq (2007), Stress et trauma, in L. Crocq (éd.), Traumatismes psychiques. Prise en
charge psychologique des victimes, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson.
2
Ibid.
L’événement traumatique
18
Louis Crocq précise que le traumatisme psychique ou trauma est « un phéno-
mène d’effraction du psychisme, et le débordement de ses défenses par les exci-
tations violentes afférentes à la survenue d’un événement agressant ou menaçant
pour la vie ou l’intégrité (physique ou psychique) d’un individu, qui y est exposé
comme victime, témoin ou acteur »3.
2. L’événement traumatique
Chez l’adulte, le traumatisme est lié à une situation où une personne a été
confrontée à la mort ou à la menace de mort, à des blessures graves ou au péril
de tels dommages, à des violences sexuelles ou au risque de telles agressions4.
Cet événement constitue donc une menace pour la vie (mort réelle ou possible)
ou pour l’intégrité physique (lésions corporelles, violation de l’intimité) et/ou
mentale (perte de biens personnels, outrage à l’honneur ou aux droits fonda-
mentaux, etc.) d’une personne ou d’un groupe de personnes. Cet événement
produit une peur intense et/ou un sentiment d’impuissance et/ou d’horreur et/
ou de honte et remet en cause les valeurs essentielles de l’existence que sont la
sécurité, la paix, le bien, la solidarité, la morale, le respect, le prix de la vie, etc.
Or la perception de la dangerosité d’un événement et les réactions émotion-
nelles qui en découlent sont directement tributaires du développement 5 du sujet.
3
Ibid.
4
La version en préparation du DSM-V (sortie prévue en mai 2013) stipule que « The person
was exposed to the following event(s) : death or threatened death, actual or threatened
serious injury, or actual or threatened sexual violation, in one or more of the following
ways : 1) Experiencing the event(s) him/herself, 2) Witnessing the event(s) as they occurred
to others, 3) Learning that the event(s) occurred to a close relative or close friend, 4) Expe-
riencing repeated or extreme exposure to aversive details of the event(s) (for example,
first responders collecting body parts ; police officers repeatedly exposed to details of
child abuse) », American Psychiatric Association (APA), “ DSM-5 Development, Acute Stress
Disorder ”, http://www.dsm5.org/ProposedRevisions/Pages/proposedrevision.aspx?rid=166.
5
« Par développement, on entend la maturité en tant que développement physique,
cognitif, socio-émotionnel, linguistique, comportemental et de capacités motrices générales
ou fines » (OMS (2010), « Santé et développement de l’enfant et de l’adolescent », Genève,
http://www.who.int/child_adolescent_health/topics/development/fr/index.html).
L’événement traumatique
19
6
Voir infra les attachements insécure et désorganisé dans le sous-chapitre : « Les variables
liées à l’enfant », p. 50.
L’événement traumatique
20
que les expériences vécues (perte d’animaux ou d’êtres chers, maladie grave de
l’enfant ou d’un proche) en accélèrent généralement la compréhension.
Tout comme la perception de la menace vitale, l’appréciation de la gravité d’une
blessure, de la permanence de ses séquelles (par exemple, handicap sensoriel ou
moteur) et de ses répercussions sur la qualité de la vie future dépendent du déve-
loppement cognitif. Les nourrissons et les jeunes enfants en dessous de cinq ans ne
sont généralement pas en mesure de saisir la sévérité d’une atteinte corporelle. Ce
qui fonde leur souffrance, ce sont les douleurs physiques immédiates consécutives
aux lésions et aux soins médicaux éprouvants. Leur corps n’ayant fait jusqu’alors
que l’objet de soins par leurs proches, les enfants sont plongés dans le plus grand
désarroi de se voir abandonnés aux mains étrangères du personnel médical dont les
manipulations les conduisent à expérimenter la douleur. Leur affliction est majorée
par le fait que leurs parents avaient toujours cherché à les protéger et à les défendre
contre tout tourment. En l’occurrence, c’est vers leur mère (ou son substitut) qu’ils
se tournaient spontanément lorsqu’ils éprouvaient des désagréments et ce, dans
le but d’être soulagés. Ces incompréhensibles modifications du comportement de
leurs parents et de leur investissement à leur égard les plongent dans un grand
désarroi. Les petits sont donc généralement peu affectés psychiquement par leurs
blessures, exception faite des douleurs physiques, mais davantage par le boulever-
sement des modes d’interactions entretenus avec leurs figures d’attachement et le
cas échéant, par l’absence d’un adulte de référence.
Après le tremblement de terre de janvier 2010 en Haïti, de nombreux enfants ont
dû être amputés. Parmi les plus jeunes, ceux ne bénéficiant pas de la présence et du
soutien émotionnel d’un parent attentif présentaient les signes les plus manifestes de
détresse (repli, méfiance par rapport aux intervenants, etc.).
Ne pouvant évaluer l’événement à sa juste mesure, certaines jeunes victimes
n’éprouvent pas d’émotions particulières. C’est le cas, par exemple, de certains
enfants abusés sexuellement. À la recherche d’amour, d’affection ou d’attention,
animés par une curiosité sexuelle infantile non génitale (« présexuelle » selon les
termes de Freud), les enfants peuvent accepter l’activité sexuelle avec l’adulte
abuseur afin d’obtenir des gratifications affectives, non sexuelles au sens génital
du terme7. Parfois même, ils recherchent activement ce contact, voire en tirent
7
Dans ces cas, l’adulte arrive à ses fins sans menace ni violence mais en usant de patience,
de séduction, de cadeaux ou de persuasion et se sert des relations affectives nouées antérieu-
L’événement traumatique
21
rement avec l’enfant (« abus du lien affectif »). Voir É. Josse (2007), « Les violences sexospéci-
fiques à l’égard des enfants », http://www.resilience-psy.com/spip.php?article8.
8
Rappelons que l’enfant ne possède pas la maturité qui lui permettrait de comprendre la
signification ou l’enjeu ni de prévoir les conséquences d’un tel contact sexuel. La responsa-
bilité de l’activité sexuelle avec l’enfant doit toujours être attribuée à l’adulte, peu importe
qui a initié la rencontre et qui en retire satisfaction. En effet, c’est à lui, et non à l’enfant, de
discriminer ce qui constitue une transgression aux normes sociales ou morales et de poser
les interdits.
9
Stade de la pensée préopératoire selon Piaget. Voir infra p. 52.
L’événement traumatique
22
terrorisée par des cauchemars et dessine répétitivement un bonhomme qu’elle dit être
« une petite fille toute seule ».
Ne pouvant percevoir la gravité objective d’un événement, les bébés et les
jeunes enfants sont très influencés par la réaction des adultes qui les entourent.
Ainsi, pour un petit enfant, une lésion superficielle ou une séparation temporaire
peut se révéler plus traumatique qu’une blessure profonde ou que le décès d’un
proche si les parents réagissent par un affolement démesuré ou par une afflic-
tion excessive. Dans l’univers des enfants, les adultes sont protecteurs, résistants,
courageux et invincibles. Les voir angoissés et démunis face aux situations traver-
sées peut avoir des effets délétères sur leur sentiment de sécurité.
En résumé, pour l’enfant, ce qui se révèle traumatique dépend principalement
de son âge et de son développement. Les plus petits souffriront principalement
des douleurs physiques, des séparations brutales, des réactions de leurs proches
au drame qui les frappe (lorsque l’enfant est une victime directe) ainsi que du
vécu subjectif de leur entourage par rapport à ce qu’ils affrontent (lorsque les
proches sont des victimes directes). Plus l’enfant grandit, plus les blessures et la
menace vitale perçue deviennent, comme pour l’adulte, les facteurs étiologiques
principaux de troubles ultérieurs.
Tout autant que les adultes, les enfants et les adolescents peuvent être
victimes d’une catastrophe naturelle, d’un conflit armé, d’un accident ou de la
perte d’un être cher. Ils sont aussi particulièrement exposés aux maltraitances
physiques et sexuelles perpétrées par des proches et sont la proie désignée des
prédateurs pédosexuels. Dans certaines contrées, ils sont également à risque de
pâtir de traditions dommageables, notamment des mutilations sexuelles prati-
quées le plus souvent avant l’âge adulte.
L’événement traumatique peut être soit d’origine naturelle (catastrophes), soit
d’origine humaine (agressions, mauvais traitements, accidents, pertes d’êtres chers).
–– Les traumatismes d’origine naturelle. Les enfants et les adolescents
peuvent être affectés par les catastrophes climatiques (ouragans, foudre,
Les paramètres des événements traumatisants
23
10
Une pandémie est une épidémie qui s’étend à la quasi-totalité d’une population d’un ou
de plusieurs continents, voire dans certains cas de la planète.
11
Une épidémie est le développement ou la propagation rapide d’une maladie infectieuse
aux effets significatifs, le plus souvent par contagion, touchant simultanément un grand
nombre de personnes.
12
Dans les conflits armés, les viols sont parfois utilisés comme une arme de guerre. Il s’agit
généralement de viols de masse (perpétrés sur de nombreuses victimes), multiples (une
victime est agressée à plusieurs reprises) et collectifs (la victime est agressée par plusieurs
assaillants), accompagnés le plus souvent de brutalités et de coups.
13
Certains viols collectifs, appelés aussi « viols en réunion » ou « tournantes », sont consi-
dérés comme légitimes par les agresseurs en ceci qu’ils découragent ou punissent des
comportements jugés immoraux ou asociaux chez la jeune fille (par exemple, tenue vesti-
mentaire considérée comme indécente), châtient un gang adverse, humilient une ethnie
considérée comme inférieure (acte raciste) ou constituent des rites de passage pour être
admis dans un groupe. Au sein de populations d’enfants des rues, le viol est aussi utilisé par
les leaders pour contrôler leur troupe et pour faire respecter la « hiérarchie » de la rue.
14
Un million d’enfants travailleraient dans le commerce du sexe en Asie du Sud-Est.
15
En Afrique, en Amérique latine et en Asie, des enfants sont « adoptés » ou engagés par
des familles pour remplir diverses tâches ménagères et satisfaire sexuellement les hommes
de la maison.
16
Des enfants (garçons et fillettes) sont enrôlés par les belligérants dans certains pays
d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Outre les tâches militaires ou ménagères qui leurs
échoient, ils sont utilisés pour assouvir les besoins sexuels des adultes.
L’événement traumatique
24
17
Le fait de secouer un nourrisson peut provoquer un traumatisme crânien nommé
« syndrome du bébé secoué » à l’origine de séquelles irrémédiables (paralysie, retard mental,
cécité, épilepsie, etc.) et dans les cas les plus dramatiques, du décès.
18
Extorsions répétées de biens (argent, objets, vêtements, etc.) ou contrainte à exécuter
des actes sous la menace, parfois accompagnées de violence physique.
19
Par exemple, le petit pont massacreur ou jeu de la cannette, le jeu du carton rouge, le
happy slapping (vidéo-lynchage), etc. Ces « jeux » consistent à passer à tabac un camarade
désigné de manière arbitraire (par exemple, parce qu’il est celui de la classe portant le plus
grand nombre de pièces vestimentaires d’une certaine couleur) ou parce qu’il a « raté » une
épreuve (ne pas avoir saisi une balle, une cannette de soda, etc.).
Les paramètres des événements traumatisants
25
(par exemple, enfant désigné comme bouc émissaire par ses condis-
ciples), la cyberintimidation20, les privations de toutes sortes (nourri-
ture, loisirs, sorties, etc.), les menaces, le chantage, la soumission à des
règles et à des rites rigides (édictés par le chef de famille, le gourou d’un
mouvement sectaire philosophique, spirituel ou religieux, etc.), etc.
• Les attitudes malsaines : un climat et des conduites sexualisés, la promis-
cuité sexuelle, l’exhibitionnisme et les confidences érotiques de la part
d’adultes (au sein de la famille, dans les sectes, etc.).
• Les traditions et pratiques dommageables : les mutilations sexuelles
(clitoridectomie21, excision22, infibulation23, etc.), les mariages forcés24,
les mariages des filles violées25, les rites de passage assortis de bruta-
lités26, etc.
20
La cyberintimidation (en anglais, cyberbullying) englobe tout acte d’intimidation commis
par le biais du courrier électronique, des blogs, des chats et des sites de réseautage social
(MSN, Facebook, MySpace, etc.). Elle est en constante augmentation et évolue au rythme
des nouvelles technologies. La cyberintimidation cause d’autant plus de ravages qu’elle
n’est limitée ni dans l’espace ni dans le temps. En effet, les données sensibles (par exemple,
révélation de l’orientation sexuelle), les rumeurs et les fausses allégations sont diffusées
rapidement à un grand nombre d’internautes. De plus, l’information est potentiellement
pérenne car enregistrée simultanément sur de multiples ordinateurs, elle ne peut être éradi-
quée aisément. Soulignons encore que les attaques sont souvent plus virulentes que celles
lancées dans les cours d’école, les agresseurs réalisant moins leur portée face à leur écran que
lorsqu’ils sont confrontés aux réactions de leur victime.
21
Ablation de l’extrémité du clitoris ou du capuchon clitoridien.
22
Excision partielle ou totale du clitoris et souvent, des petites lèvres.
23
Également appelée circoncision pharaonique : clitoridectomie totale, ablation des petites
lèvres, incision presque totale des grandes lèvres et suture de ce qui reste des grandes lèvres
couvrant l’urètre et l’entrée du vagin et ne laissant qu’un minime pertuis très postérieur pour
le passage de l’urine et des règles.
24
La coutume consistant à marier des enfants ou de jeunes adolescents (en particulier des
fillettes) est répandue dans de nombreux endroits du monde (par exemple, au Bengladesh,
au Népal, en Somalie, en Afrique subsaharienne, etc.).
25
Dans certaines sociétés, la fille violée se voit imposer d’épouser son agresseur afin de
laver l’honneur de sa famille.
26
La douleur et la sexualité occupent une place essentielle dans les rites de passage (par
exemple, douloureuses morsures de fourmis venimeuses sur le sexe des garçonnets).
L’événement traumatique
26
27
Certains médecins acceptent de pratiquer les excisions à l’hôpital. Si les risques d’infec-
tion et de saignement sont ainsi diminués, il n’en est rien des nombreuses conséquences
néfastes pour la santé reproductive et sexuelle.
Les paramètres des événements traumatisants
27
Ainsi, durant le génocide rwandais, 24,7 % des agressions à l’égard des femmes
tutsi ont été perpétrées par des enfants28. Dans de nombreux pays, des enfants
soldats sont traumatisés d’avoir, sous la contrainte, commis des exactions cruelles
comme violer ou tuer un membre de leur famille et d’avoir participé à des rites
ignobles tels que des actes cannibales (boire le sang de leur victime et manger
leur chair29). En temps de paix, des jeunes peuvent également être entraînés par
des proches à se livrer à des actes barbares ou avoir provoqué accidentellement
une catastrophe.
Le père de Khalil navigue dans un milieu louche. À ses activités professionnelles
légales, il en mêle d’illicites, ce qui l’expose aux menaces, aux chantages et aux règle-
ments de compte. Khalil a une quinzaine d’années lorsque son père l’initie à torturer
des maîtres-chanteurs et autres personnages gênants. Vingt ans plus tard, devenu
adulte, Khalil continue d’être la proie de cauchemars sanglants qui le réveillent en
sueur deux à trois fois chaque nuit.
Marc a 7 ans, sa sœur trois de moins. Ils sont assis sur le siège arrière lorsque le
garçonnet défie sa sœur de sauter du véhicule en marche. La petite ouvre la portière,
tombe et se blesse grièvement. Suite à l’accident, Marc développe une souffrance trau-
matique faite de cauchemars et de souvenirs intrusifs de la chute.
–– Les accidents : les accidents domestiques (chutes, brûlures thermiques
et chimiques, intoxications médicamenteuses et chimiques, coupures,
suffocations et asphyxies, électrocutions, morsures par un animal domes-
tique, etc.), les explosions accidentelles, les accidents de loisirs et de sport
(noyades, chutes de cheval, de vélo, de ski, etc.), les incendies, les erreurs
médicales, les accidents routiers, ferroviaires et aériens, les accidents tech-
nologiques, industriels et nucléaires, etc.
–– Les pertes de personnes signifiantes : l’abandon de l’enfant par ses
parents, le décès tragique d’un proche (membres de la famille, amis,
condisciples, éducateurs, voisins, etc.), la rupture des liens après une sépa-
ration conjugale (divorce, rapt parental) ou familiale (par exemple, suite
28
AVEGA « Agahozo » (1999), « Étude sur les violences faites aux femmes », document de
l’association, Kigali.
29
Des nombreux cas de cannibalisme ont été rapportés au Libéria durant les différentes
guerres qui ont secoué le pays jusqu’en 2003. Les enfants soldats mangeaient le cœur de
leurs victimes pour devenir invincibles.
L’événement traumatique
28
30
Voir infra les différents type d’attachements dans le sous-chapitre : « Les variables liées à
l’enfant », p. 50.
31
Voir infra les attachements insécures et désorganisés dans le sous-chapitre : « Les variables
liées à l’enfant », p. 50.
32
Selon l’expression de Boris Cyrulnik.
33
Selon l’expression de Boris Cyrulnik.
34
L.C. Terr (1991), “ Childhood traumas : an outline and overview ”, Am. J. Psychiatry, 148 :
10-20.
Les types de traumatismes
29
35
E.P. Solomon & K.M. Heide (1999), “ Type III Trauma : Toward a More Effective Concep-
tualization of Psychological Trauma ”, Int J Offender Ther Comp Criminol., 43 : 202-210.
36
J. Herman (1997), Trauma and recovery : The aftermath of violence from domestic abuse to
political terror, New York, Basic Books.
L’événement traumatique
30
Vers la fin des années 1960, des professionnels de la santé mentale ont
remarqué que nombre d’enfants de rescapés de la Shoah nés après la guerre
présentaient des signes cliniques analogues à ceux de leurs parents et ce, même
si ces derniers avaient tu les atrocités qu’ils avaient endurées39. Ils manifestaient
fréquemment des troubles dépressifs et anxieux (vulnérabilité dans les situations
37
S. Isaacs, S.C. Brown & P.H. Thoulness (1941), The Cambridge evacuation survey, London,
Methuen.
38
Voir M.F. Barnes (1997), Understanding the secondary traumatic stress of parents, in
C.R. Figley, Burnout in Families : The Systemic Costs of Caring, CRC Press, 75-90 ; C.A. Erickson
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Brunner/Mazel, 257-290 ; C.R. Figley (1983), Catastrophes : A overview of family reactions,
in C.R. Figley & H.I. McCubbin (1983), Stress and the Family : Volume II : Coping with Catas-
trophe, New York, Brunner/Mazel, 3-20.
39
Voir H. Barocas & C. Barocas (1973), “ Manifestations of concentration camp effect on
the second generation ”, American Journal of Psychiatry, 130, 820-821 ; H. Epstein (2005),
Le traumatisme en héritage. Conversations avec des fils et filles de survivants, Paris, La Cause
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Enfants de survivants, Paris, Odile Jacob ; L. Williams-Keeler (1998), “ PTSD transmission : a
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http://findarticles.com/p/articles/mi_qa3711/is_199811/ai_n8810928.
L’événement traumatique
32
40
Z. Solomon, M. Kotler & M. Mikulincer (1988), “ Combat-Related Posttraumatic Stress
Disorder among second-generation Holocaust survivors : Preliminary findings ”, American
Journal of Psychiatry, 7, 865-868 ; R. Rosenheck & P. Nathan (1985), “ Secondary Traumatiza-
tion in children of Vietnam Veterans ”, Hospital and Community Psychiatry, 5, 538-539.
41
H. Flamand, « La transmission intergénérationnelle : des traumatismes », http://www.
minkowska.com/article.php3 ?id_article=157 ; M. Vinar (1988), Exil et torture, Paris, Denoël.
42
Voir J.J. Sigal, V.F. DiNicola & M. Buonvino (1988), “ Grandchildren of survivors : Can
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later ? ”, Canadian Journal of Psychiatry, 33, 207-212 ; J. Altounian (1990), Ouvrez-moi seule-
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Les types de traumatismes
33
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cide (à propos de la minorité arménienne en diaspora) », Revue française de psychanalyse,
4, 971-985 ; M.-L. Aubignat (2007), « Répercussions psychopathologiques de la Seconde
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www.jidv.com/njidv/index.php/archives/par-numero/jidv-14/120-jidv-14/217-repercus-
sions-psychopathologiques-de-la-seconde-guerre-mondiale-sur-la-troisieme-generation-
43
Selon H. Krystal (1988), Integration and Self-healing : Affect-Trauma-Alexithymia, London,
Routledge.
44
C. Rousseau (1994), « La place du non-dit : éthique et méthodologie de la recherche
avec les enfants réfugiés », Santé mentale au Canada, hiver 1993-1994, 13-17.
45
On appelle résilience la capacité à rebondir après un événement traumatique ou une
situation difficile prolongée. Actuellement, il n’existe pas de consensus entre spécialistes
quant aux critères d’évaluation de la résilience. Sont souvent retenus la compétence sociale
(activités, style d’attachement, relations sociales, réussite scolaire et intellectuelle, inser-
tion professionnelle) et la symptomatologie clinique (bien-être psychologique, absence de
troubles psychiatriques). Notons qu’un individu peut manifester de la résilience dans un
domaine et non dans un autre.
46
Voir H. Epstein (2005), Le traumatisme en héritage. Conversations avec des fils et filles de
survivants, Paris, La Cause des Livres.
L’événement traumatique
34
souffrance semble être le vécu subjectif de son entourage direct. Plus il grandit,
plus les blessures et la menace vitale perçue deviennent, comme pour l’adulte, les
causes majeures de troubles ultérieurs.
–– L’intensité et la gravité de l’événement. Parmi les incidents critiques
les plus délétères frappant les enfants et les adolescents, citons :
• La perte tragique d’une personne signifiante. Elle est d’autant plus
dommageable pour l’enfant ou le jeune qu’il était attaché affective-
ment au défunt (tuteur de développement). Le décès d’un être cher est
une épreuve pour les tout petits comme pour les enfants plus grands.
Néanmoins, nous l’avons vu, la compréhension du concept de mort
évolue avec la maturité.
Anne, une fillette de 10 ans, est en vacances avec ses parents. Alors que
la famille est en ballade, son père, jusqu’à ce jour en bonne santé, se
plaint subitement de céphalées violentes, se prend la tête dans les mains
et s’écroule raide mort, la bouche ouverte et les yeux écarquillés. Sa mère,
désespérée par la disparition tragique de son époux, sombrera dans une
dépression profonde qui durant plusieurs années la rendra inapte à offrir à
sa fille l’affection dont elle a besoin.
Béatrice a 8 ans lorsqu’on lui annonce le décès brutal de sa mère tuée sur
l’autoroute par un conducteur roulant à contresens.
Martin a 5 ans lorsqu’une nuit, se rendant aux toilettes, il trouve son père
pendu au dessus de la baignoire.
• Les violences sexuelles. Les troubles psychotraumatiques sont plus
marqués lorsque l’agression est sévère (la pénétration pénienne serait
plus traumatogène que les attouchements47), qu’elle est perpétrée par
un proche (les symptômes seraient plus importants si l’agresseur est le
père48) et que le degré de violence physique et de coercition est élevé
47
Voir G. Vila, Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer les
risques de conséquences à moyen et long terme ?, in Fédération française de psychiatrie
(2004), « Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir », http://
lincesteparlonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF.
48
Ibid.
L’événement traumatique
36
Voir D.A. Wolfe, L. Sas & C. Wekerle (1994), “ Factors associated with the development
49
of posttraumatic stress disorder among child victims of sexual abuse ”, Child abuse Negl
1994, 18, 37-50.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
37
50
C.J. Frederick (1985), Children traumatized by catastrophic situations, in S. Eth &
R.S. Pynoos (1985), Post-traumatic stress disorders in children, Washington D.C., American
Psychiatric Press.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
39
51
Les acouphènes sont des perceptions de sensations sonores en l’absence de tout stimulus
extérieur (bourdonnements, sifflements, grésillements, tintements, etc.).
L’événement traumatique
40
52
L.C. Terr (1991), “ Childhood Traumas : An Outline and Overview ”, Am J Psychiatry 1991,
148, 10-20.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
41
53
G. Realmuto, A. Masten, L.F. Carole, J. Hubbard, A. Grotelhshen & B. Chlun (1992),
“ Adolescent survivors of massive childhood trauma in Cambodoa : life events and current
symptoms ”, Jal of Traumatic Stress, 5, 4, 589-600.
54
De nombreux cadavres ont été dévorés par les chiens.
L’événement traumatique
42
à manger. Pendant deux jours et demi, je n’ai rien mangé du tout. Les
enfants pleuraient. On n’en pouvait plus. Alors, on s’est rendu. Les Serbes
nous ont tout pris. Ils ont pris notre argent, nos papiers, nos bijoux, tout. Et
puis, ils nous ont amené au camp de Keraterm55. On était cinq cents dans
un hangar de deux cents cinquante mètres. Je suis resté deux mois sans me
laver et sans changer de vêtements. » Ce jeune de 16 ans décrit ensuite en
détail les tortures dont lui et ses compagnons d’infortune ont fait l’objet.
Lorsque je le rencontre en décembre 1992, il est hébergé dans un camp
de réfugiés à Zagreb en Croatie. Il n’a aucune idée de ce que l’avenir lui
réserve. Il n’a plus d’espoir.
• La proximité physique de l’agent stressant 56. Plus l’enfant ou le jeune est
proche physiquement du danger vital, par exemple de l’épicentre d’un
séisme ou de l’impact d’une bombe, plus il risque de présenter des
séquelles traumatiques.
–– L’identité de l’agresseur et sa proximité relationnelle avec la
victime. Le risque de traumatisme est plus important si l’agresseur est
une personne ayant autorité morale et/ou jouissant de la confiance de
l’enfant ou du jeune57 (membre de la famille ou de l’institution de place-
ment où il réside, amis et connaissances de la famille, baby-sitter, nourrice,
voisins, religieux, enseignants, éducateurs, responsables de centre sportif
ou de loisirs, etc.). Plus il est proche affectivement de la victime, plus le
risque de perturbation est important. Par exemple, les troubles sont plus
sévères si l’auteur est un membre de la famille censé protéger la victime
tel le père ou la mère.
Il y a deux ans, pour échapper aux abus sexuels perpétrés par son beau-père,
François a quitté le foyer familial. Il avait 16 ans à peine. Depuis, il a aban-
donné sa scolarité et squatte avec son chien dans un building désaffecté. Il
55
Camp de concentration serbe en Krajina, dans le Nord de la Bosnie.
56
R.S. Pynoos, C.J. Frederick, K. Nader et al. (1987), “ Life threat and post-traumatic stress
in school-age children ”, Archives of General Psychiatry 1987, 148, 10-20 ; R.S. Pynoos et al.
(1993), “ Post-traumatic Stress Reactions in Children After the 1988 Armenian Earthquake ”,
British Journal of Psychiatry 1993, 163, 239-247.
57
M.C. Mouren-Simeoni (1994), Syndrome de stress post-traumatique, in M.C. Mouren-
Siméoni, G. Vila & L. Vera, Troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent, Paris, Maloine,
42-47.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
43
avaient commencé à travailler à quinze ans… Ils avaient un respect infini pour
tout ça. C’était même plus que du respect, c’était de l’obséquiosité. Ma mère
disait toujours quand elle parlait à ses amies ou aux voisines : « Il est entre de
bonnes mains ». Elle ne pensait pas si bien dire ! Elle était fière que je poursuive
mes études dans un collège aussi réputé. Ils se saignaient aux quatre veines
pour assurer mon avenir… Et qu’est-ce que je pouvais dire ? Ce salopard était
au-dessus de tout soupçon… Je n’avais aucun recours… aucun secours… Ca
m’a foutu en l’air une bonne partie de ma vie… et ce n’est pas fini… »
–– L’absence ou la présence des parents et/ou d’adultes de confiance
durant l’occurrence de l’événement traumatique et le cas échéant, leurs
réactions adaptées ou inadéquates. Lorsqu’un adulte est présent aux
côtés de l’enfant ou du jeune au moment de l’événement, il arrive qu’il
puisse le protéger physiquement du danger ou lui épargner la vision de
scènes atroces en l’écartant du théâtre du drame. Il peut aussi lui apporter
un soutien émotionnel immédiat en le rassurant, le calmant, le consolant et
en lui expliquant la situation. Confronté seul à l’événement, la jeune victime
ne bénéficie pas de ces protections physiques et/ou psychologiques.
Christelle, dont le père a été sauvagement assassiné par un oncle schizophrène
alors qu’elle était âgée de 11 ans, raconte : « Je n’ai pas vu grand-chose. Ce
que je me souviens, c’est que mon frère et moi, on jouait dans le jardin. Ma
mère est venue nous chercher et elle nous a dit de rentrer dans la maison. Il
faisait beau, c’était les vacances et on ne comprenait pas pourquoi elle voulait
nous faire rentrer. Je me rappelle avoir un peu rouspété. Je ne sais plus ce
qu’elle a dit mais j’ai compris que ce n’était pas le moment de discuter. Elle
nous a fait faire le grand tour pour éviter qu’on voie le cadavre et elle nous a
conduits chez la voisine. La police est arrivée très rapidement. On a entendu
les sirènes. Mon frère et moi, on regardait par la fenêtre. Je me souviens qu’il y
a avait plusieurs combis. Un peu plus tard, plein de journalistes sont arrivés. Il
y avait un fameux remue-ménage devant la maison. C’était impressionnant…
Aujourd’hui, avec le recul, je me demande comment elle a réussi à garder la
tête froide. Elle a vu son mari dans une mare de sang, transpercé d’une dizaine
de coups de couteau, elle ne s’est pas arrêtée, elle n’a pas hurlé, elle a tout
de suite pensé à ses enfants. C’est fou, non ? Elle a foncé sur nous avec pour
seule idée de nous protéger de cette vision d’horreur et de nous mettre à l’abri.
Quand on y pense… Chapeau ! »
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
45
58
Un home-jacking est un vol de véhicule, souvent violent, commis après s’être emparé
des clés dans une habitation.
L’événement traumatique
46
Florence, victime d’une tentative de viol par son oncle alors qu’elle était âgée d’une
quinzaine d’années nous livre : « Ca s’est passé dans ma chambre. Il est venu la nuit et
je me suis réveillée parce qu’il était en train de me toucher. Ce n’était pas la première
fois et mes parents le savaient. Mes parents dormaient dans la chambre à côté. Ils
n’ont pas bougé. Ma mère dit qu’ils ont entendu que je criais : « Va-t-en ! Va-t-en ! »
mais que mon père l’en a empêchée de venir voir ce qui se passait. Il lui aurait dit que
j’étais sûrement en train de rêver. Ils ont été lâches. Ils ont préféré étouffer l’affaire
pour qu’il n’y ait pas un scandale dans la famille. »
Nicolas avait 14 ans lorsque son domicile a été ravagé par un incendie. « Mon
père s’est sauvé et m’a planté là. Il est passé devant ma chambre, il a crié pour que
je sorte mais il n’a même pas ouvert la porte. Chacun pour soi ! C’est le voisin qui est
venu me chercher. L’escalier commençait à brûler quand on est descendu… Jusque
là, mon père, c’était mon héros ! Ça a complètement changé ce que je pensais de lui
mais aussi de ce que je pensais de toute l’humanité. Si mon père avait été capable de
manquer de courage au point de me laisse crever, qu’est-ce que je pouvais espérer des
autres ? Jeune adulte, vers 20 ans, j’ai été voir un psy et j’ai travaillé ça. Je me suis dit
que c’était normal parce que dans ces cas-là, on ne réfléchit pas. C’est l’instinct, on
sauve sa peau. Enfin, en tout cas, j’essayais de m’en convaincre pour ne plus lui en
vouloir. Mais maintenant, je suis devenu papa, alors, tout ça, ça ne tient plus. Jamais
je ne pourrais laisser mon fils. »
59
Les mécanismes de défense sont des processus psychiques inconscients visant à défendre
le Moi des pulsions jugées inconciliables ou dangereuses ainsi que des affects qui y sont liés.
Le Moi se défend principalement contre l’angoisse. Voir infra « Les mécanismes de défense »,
p. 53.
60
Voir infra l’attachement sécure dans le sous-chapitre : « Les variables liées à l’enfant »,
p. 50.
61
La fonction réflexive est la capacité de comprendre ses propres attitudes et celles d’autrui
en tenant compte des émotions, des croyances et des attentes implicites qui les étayent.
L’événement traumatique
48
62
Terme employé par Freud dans son livre Au-delà du principe du plaisir (S. Freud (1920, éd.
1971), Au delà du principe du plaisir, Paris, Petite bibliothèque Payot). « La fonction consiste
à protéger l’organisme contre les excitations en provenance du monde extérieur, qui par
leur intensité, risqueraient de le détruire » (Laplanche et Pontalis (1967, éd. 1984), Vocabu-
laire de la psychanalyse, Paris, Presses Universitaires de France). Dans Au-delà du principe du
plaisir, Freud définit le traumatisme comme « toutes excitations externes assez fortes pour
faire effraction dans la vie psychique du sujet ». Il constitue donc une effraction du pare-exci-
tation. Chez le tout petit, la fonction de pare-excitation est essentiellement assumée par la
mère.
63
Pédiatre, psychiatre et psychanalyste britannique.
64
Traduction de “ There is no such thing as a baby ”, déclaration faite en 1942 lors d’une
conférence et qu’il a présentée dans un article en 1952 au colloque de la British Psycho-
Analytical Society (D.W. Winnicott (1952, éd. 1992), Anxiety Associated with Insecurity, in
Through Paediatrics to Psychoanalysis : Collected Papers, Karnac Books, coll. Karnac Classics
Series, 99).
65
Notons que la notion d’adulte est subjective et dépend de l’âge de l’enfant. Ainsi, pour
les jeunes enfants un adolescent de 14-15 ans est généralement perçu comme un adulte.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
49
66
Ensemble de croyances inférant les causes des comportements et des événements et par
là même, leur accordant un sens.
67
M.D.S. Ainsworth, M.C. Blehar, E. Waters & S. Wall (1978), Patterns of attachment : a
psychological study of the strange situation, Hillsdale, NJ, Lawrence Erlbaum Associates.
68
M. Main & J. Solomon (1990), Procedures for identifying infants as disorganized/diso-
riented during the Ainsworth Strange Situation, in M.T. Greenberg, D. Cicchetti & E.M.
Cummings, Attachment during the preschool years : Theory, research and intervention, Chicago,
University of Chicago Press, 121-160.
L’événement traumatique
50
réguler leurs émotions. Ils semblent être aux prises avec un paradoxe :
leur figure d’attachement paraît être à la fois source de réconfort et
d’effroi. Appartiennent souvent à cette catégorie les enfants victimes
de négligence ou de violence, exposés à la mésentente conjugale et
au divorce, ayant perdu une figure d’attachement majeure à un âge
précoce ainsi que les enfants dont les parents sont perturbés (dépres-
sion et autres troubles psychiatriques, alcoolisme)69 ou traumatisés par
des événements de vie parfois anciens70 (transmission transgénération-
nelle).
L’équipement initial apporté par les relations précoces nouées avec les
figures d’attachement joue, selon le cas, un rôle protecteur ou multiplie la
vulnérabilité tout au long de la vie, notamment quand le sujet est confronté
à des circonstances difficiles. Ainsi, les enfants ayant tissé un attachement
anxieux (évitant, ambivalent/résistant, ou désorganisé/désorienté) présen-
tent un risque accru de troubles anxieux, de plaintes somatiques, de
comportements oppositionnels et agressifs et de repli sur soi.
Le fonctionnement psychologique préalable de la jeune victime (person-
nalité introvertie, timorée, peureuse, évitante, émotionnelle, peu sociable,
repliée sur elle-même, dépourvue de sens pratique, etc.) peut la prédis-
poser à développer des troubles post-traumatiques. Ainsi, l’inhibition
comportementale, manifestée par une timidité, une réserve et des réac-
tions de retrait face aux personnes, aux lieux ou aux situations non fami-
liers serait prédictive de la survenue de désordres anxieux (notamment,
angoisse de séparation, anxiété généralisée, troubles phobiques). Cette
caractéristique possède une forte composante génétique71. Une émotion-
69
K. Lyons-Ruth & D. Jacobvitz (1999), Attachment disorganization : Unresolved loss, rela-
tional violence and lapses in behavioral and attentional strategies, in J. Cassidy & P. Shaver,
Handbook of attachment, New York, Guilford Press, 520-554.
70
M. Main & E. Hesse (1990), Parents’ unresolved traumatic experiences are related to
infant disorganized attachment status, in M.T. Greenberg, D. Ciccehetti & E.M. Cummings,
Attachment in the preschool years : Theory, research, and intervention, Chicago, University of
Chicago Press, 161-184.
71
Voir J. Kagan (1999), The concept of behavioral inhibition, in L.A. Schmidt & J. Schulkin,
Extreme fear, shyness, and social phobia. Origins, biological mechanisms, and clinical outcomes,
New York, Oxford University Press.
L’événement traumatique
52
72
On entend par émotionnalité, une réactivité émotionnelle intense. Voir A.H. Buss
& R. Plomin (1984), Temperament : early developing personality traits, Hillsdale, Laurence
Erlbaum Associates.
73
Stade définit par Piaget. Cette étape du développement est caractérisée par l’apparition
de la fonction symbolique, c’est-à-dire de l’aptitude à évoquer ou invoquer un objet absent
grâce à un substitut le représentant. La pensée magique est l’une des caractéristiques du
stade préopératoire. Voir J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses
Universitaires de France, coll. Que sais-je ?
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
53
74
Le clivage du Moi induit une scission entre une partie du Moi en contact avec une
réalité acceptée et une autre partie soustraite d’une réalité anxiogène. Deux potentialités
contradictoires coexistent au sein du Moi, l’une prédisposant à tenir compte de la réalité,
l’autre à la dénier. Dans le contexte d’un traumatisme, le clivage constitue une scission entre
l’expérience effroyable et la partie saine du Moi protégée du souffle traumatique.
75
L’intellectualisation évacue de la conscience la signification émotionnelle des conflits et
des menaces. En donnant au sujet le sentiment de maîtrise et en lui évitant un affrontement
émotionnel trop brutal, ce mécanisme de défense diminue l’anxiété et préserve l’estime de soi.
76
Au sens restreint retenu par Freud, l’humour consiste à présenter une situation vécue
comme traumatisante de manière à en dégager les aspects plaisants, ironiques ou insolites.
C’est dans ce cas seulement qu’il peut être considéré comme un mécanisme de défense.
77
La sublimation revêt ici une acception différente de celle communément admise en
psychanalyse. Au sens freudien, la sublimation conduit le sujet à remplacer une représenta-
tion sexuelle initiale par une autre non sexuelle. Dans le contexte de la résilience, la dimen-
sion sublimatoire désigne l’investissement de l’imaginaire pour échapper à une réalité insou-
tenable. Les rêveries, les souvenirs positifs et l’idéalisation d’une situation ou de personnes
permettent la constitution d’un espace interne inviolable où l’enfant peut se ressourcer.
78
L’altruisme est le dévouement à autrui qui permet au sujet d’échapper à un conflit intra-
psychique.
79
L’activisme est un moyen de gérer des conflits psychiques ou des situations traumatiques
par le recours à l’action. Ce mécanisme a pour effet d’obérer la réflexion et la confrontation
aux affects, l’hyperactivité empêchant le repos psychique.
80
L’assertivité ou affirmation de soi est la capacité d’exprimer ses sentiments et ses pensées
sans agressivité ni manipulation.
81
En attribuant un sens aux comportements d’autrui, cette fonction les rend plus prévisibles
et donc moins difficiles à gérer sur le plan émotionnel et comportemental. Ceci explique
L’événement traumatique
54
Davantage encore que celles des adultes, les réactions des enfants et des
adolescents à un événement potentiellement traumatisant sont modulées par des
facteurs contextuels et environnementaux, en particulier familiaux. Les enfants
pourquoi une fonction réflexive adéquate est un facteur majeur de résilience. Voir P. Fonagy,
M. Steele, H. Steele, A. Higgitt & M. Target (1994), “ The Emmanuel Miller memorial lecture
1992. The theory and practice of resilience ”, Journal of Child Psychology and Psychiatry and
Allied Disciplines, 35, 231-257 ; O. Bernazzani (2001), « Transmission intergénérationnelle des
problèmes psychologiques liés à la victimisation au cours de l’enfance : facteurs de risque et
de protection », Revue québécoise de psychologie, vol. 22, no 1, 2001.
82
La qualité des relations précoces avec les figures parentales joue un rôle majeur dans le
développement ultérieur de l’estime de soi et la qualité des relations avec l’entourage à l’âge
adulte. Voir supra, p. 49.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
55
les plus jeunes et les adolescents seraient encore plus influencés par ces derniers83
que les enfants en période de latence84.
–– Le climat familial avant l’événement. Les tensions conjugales et
intrafamiliales (ambiance dépressive, relations conjugales conflictuelles,
couple désuni, conflit avec la belle-famille, etc.), les relations probléma-
tiques entre l’enfant et son entourage, la présence de nombreux facteurs
de stress (précarité socioéconomique, famille nombreuses, parents
mineurs, foyer monoparental, parents d’un enfant né du viol, etc.) consti-
tuent un contexte fragile peu propice à l’émergence de mécanismes de
soutien fonctionnels dans les situations adverses. A contrario, la cohésion
de la famille, l’absence de conflit, les relations de bonne qualité renforcent
les mécanismes opérants pour prendre soin des sujets les plus vulnérables.
–– La stabilité du milieu de vie. La stabilité offerte par la famille permet
d’annihiler l’impression de chaos du monde et de défaillance des adultes
qu’éprouvent les enfants et les jeunes suite aux bouleversements occa-
sionnés par un événement tragique. Avoir une routine quotidienne (se
lever, se coucher et manger à heures régulières, participer aux activités
scolaires et fréquenter des compagnons de jeux, etc.) les aide à récupérer
et à s’adapter aux nouvelles situations en contribuant à créer un senti-
ment de continuité et de sécurité. Cette stabilité est malheureusement très
souvent compromise dans les familles dysfonctionnelles ainsi que dans les
contextes de violence collective, d’exode et d’exil.
–– La capacité de soutien de l’entourage direct. Des réactions fami-
liales négatives dans le décours d’un incident critique ou suite à la révé-
lation d’agressions sexuelles sont prédictives d’une plus grande sévérité
des symptômes traumatiques. Pour les plus petits, la réaction parentale
serait d’ailleurs l’élément déterminant la survenue de troubles ultérieurs.
83
Voir B.L. Green, M. Korol, M.C. Grace, M.G. Vary, A.C. Leonard, G.C. Gleser &
S. Smitson-Cohen (1991), “ Children and Disaster : Age, Gender, and Parental Effects on
PTSD Symptoms ”, J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1991, 30, 945-951 ; G. Vila & M.C.
Mouren-Simeoni (1999), « État de stress post-traumatique chez le jeune enfant : mythe ou
réalité ? », Annales médico-psychologiques, 1999, 157, 7, 456-469.
84
En psychanalyse, la période de latence désigne la période débutant au déclin de la sexua-
lité infantile (vers 6 ans) et s’achevant avec l’avènement de la puberté. Elle est caractérisée
par une diminution des pulsions sexuelles et une augmentation des intérêts intellectuels.
L’événement traumatique
56
n’avait pas les moyens de le quitter. Elle est restée avec lui pour son fric !
Moi, je me dis qu’il faut avoir un sacré problème pour qu’une mère ne
protège pas ses enfants ! Je suis partie dès que j’ai eu 18 ans. Je suis partie
vivre avec mon copain. Il m’a beaucoup soutenue et avec son aide, j’ai
entamé un procès contre mon beau-père. Mon copain m’a poussée à le
faire avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’il y ait prescription. Les flics ont
fait une perquisition chez mon beau-père et chez un de ses amis. Pendant
que ça se passait, il me filmait… La police a retrouvé des cassettes vidéo
chez son ami… J’ai prévenu ma mère qu’elle risquait d’être poursuivie pour
complicité. Du coup, elle a eu peur et elle l’a quitté mais presque dix ans
après les faits ! J’ai pitié d’elle. Je l’aime mais elle m’énerve. Elle reste pour le
fric et elle part parce qu’elle a peur pour elle mais moi, là-dedans, elle n’en
avait rien à foutre, je pouvais crever la gueule ouverte. C’est une pauvre
fille… Dans cette famille, ils sont tous malades… »
• Les adultes sont perturbés. Les adultes, aux prises avec leurs propres
difficultés, ne sont parfois plus en mesure d’assurer correctement leurs
fonctions parentales. Divers facteurs contribuent à miner leur capacité
à prendre soin de leurs enfants :
–– Ils souffrent eux-mêmes de traumatismes psychiques suite aux
événements endurés ; ils pleurent un proche ; ils sont stressés par
leurs conditions actuelles d’existence ; ils sont inquiets pour l’avenir ;
ils sont affaiblis physiquement, etc. Tourmentés par la peur, l’im-
puissance, le ressentiment et la culpabilité, ils peuvent se montrer
moins soucieux de réconforter leur progéniture et de satisfaire ses
besoins. Dans les cas les plus dramatiques, le stress peut même les
conduire à négliger leurs enfants, voire à les maltraiter.
Jean-Marie, victime de l’incendie du domicile familial alors qu’il était
âgé de 15 ans, rapporte : « On a tout perdu dans cet incendie… Tout…
Les objets, les vêtements mais aussi nos souvenirs comme les albums
photos, des choses qu’on ne pourra jamais retrouver, qu’on ne peut pas
racheter. Ca, c’est le pire… Et évidemment, pour ma mère qui venait de
perdre ses parents peu de temps auparavant, c’était terrible. Il n’y avait
plus rien de son passé, plus rien de ses parents… Dans les premiers
temps, elle était super anxieuse. Elle se demandait si on allait avoir
une nouvelle maison, si les assurances allaient rembourser, combien de
L’événement traumatique
58
temps ça allait prendre puis, elle est tombée dans une grave dépression.
Elle ne s’occupait plus de nous (ma sœur et moi). Pendant toute cette
période, on a été livré à nous-mêmes. On a poussé seul comme du
chiendent… »
–– Ils sont bloqués parce qu’ils ne parviennent pas à affronter l’événe-
ment et à accepter leur impuissance à préserver leurs enfants des
attaques du monde extérieur.
Tina, 16 ans, violée à la sortie d’une soirée dansante, explique : « Je ne
raconte pas trop parce que mon père est super-mal. Il n’arrête pas de
dire : « Je n’ai pas pu te protéger ». Il sait bien que c’est ridicule, qu’il n’y
est pour rien mais il dit qu’il pense à ça tout le temps, que c’est plus fort
que lui. Il veut se venger, il veut trouver qui m’a fait ça. C’est difficile
à accepter pour lui, surtout qu’il est policier et que son métier, c’est
de protéger les gens. Et ses enfants, c’est ce qu’il a de plus important.
Il se renferme complètement. On a l’image et pas le son. Et encore, il
s’enferme de plus en plus souvent dans son bureau. Je ne sais pas quoi
faire. Il se met souvent en colère. Je m’en veux, je me dis que c’est à
cause de moi qu’il est mal et lui, il se dit la même chose. On tourne en
rond. J’ai besoin qu’il me prenne dans ses bras, qu’il fasse des activités
avec moi comme avant, qu’on aille nager, qu’on aille faire du vélo mais
il ne veut plus. Je me sens vraiment seule. »
–– Le décès d’un parent et les séparations conjugales laissent des
familles à la charge d’un parent unique. Le chef de ménage,
dépassé par la surcharge de travail, peut ne plus être suffisamment
disponible pour ses enfants.
Antoine, qui avait dix ans lorsque son père a été incarcéré pour pédo-
philie, relate : « Quand mon père est parti en prison, ma mère s’est
retrouvée seule avec nous six. Elle a dû reprendre un travail pour avoir
de l’argent pour nous élever. Temps plein au boulot et à la maison,
les courses, la lessive pour sept personnes, la cuisine, la vaisselle…
Évidemment, on aidait mais quand même, le plus gros, c’était elle qui
le faisait… Elle n’avait pas une minute à nous consacrer. On devait se
débrouiller seuls pour les devoirs. Les grands aidaient les petits mais
pour ce qui est des câlins… Ça, il n’y avait qu’elle qui aurait pu nous
les donner… Et vous savez, on en aurait bien eu besoin… On était
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
59
j’avais été imprudente de suivre ce garçon. Donc, j’ai fait comme si tout allait
bien. Je ne leur ai pas donné l’occasion de m’aider. »
–– La capacité de soutien du réseau social. Les réseaux sociaux et
les relations de voisinage ont un effet protecteur. Les mécanismes de
soutien ambiant agissent comme un tampon et procurent un réservoir
de ressources externes permettant aux jeunes victimes de faire face effi-
cacement aux difficultés qu’elles rencontrent. Ainsi, des relations sociales
de bonne qualité entretenues avec des adultes et des pairs (au sein de
clubs sportifs ou de loisirs, d’associations, de congrégations religieuses,
de mouvements de jeunesse, etc.) et les liens privilégiées établis avec
une personne bienveillante (un membre de la famille, un enseignant, un
éducateur sportif, un voisin, un représentant du culte, des membres d’une
association, etc.) constituent des tuteurs de résilience importants.
Yves, enfant de parents alcooliques et violents, témoigne : « Ce qui m’a sauvé,
ce sont les scouts. Là, j’oubliais tout. J’avais des amis. Je faisais des activités
avec des jeunes de mon âge. Je m’amusais. Je n’entendais pas à tout bout de
champ des injures, je ne recevais pas de coups. Personne ne me brimait. J’étais
comme tous les autres enfants et ça me faisait un bien fou. »
Soulignons que la qualité du réseau social est généralement dépendante
de l’intégration sociale de la famille. Or les familles à transactions violentes
sont souvent repliées sur elles-mêmes. Le relâchement du tissu communau-
taire et du contrôle social informel autour de ces foyers explique partiel-
lement le fait que les enfants y soient exposés à la violence (physique et
sexuelle) mais également qu’ils soient plus à risque de développer des
troubles psychotraumatiques. En effet, la carence affective, le manque
de soutien, le défaut d’encadrement et l’insuffisance de protection ne se
trouvent pas compensés par des relations positives avec des adultes de la
communauté.
Aude raconte : « On n’avait pas le droit d’amener des amis à la maison. On
n’avait pas le droit d’aller chez des amis. On vivait en vase clos. Comme mes
parents avaient quitté la province pour Bruxelles, on n’avait même pas de
famille à proximité. Les autres enfants avaient des activités parascolaires, ils
faisaient du sport, ils étaient dans des mouvements de jeunesse. Nous, rien.
Au début, on avait envie de tas de choses mais on nous répondait toujours
qu’on n’avait pas d’argent à jeter par les fenêtres. En grandissant, j’ai perdu
L’événement traumatique
62
jusqu’à l’envie. Je me suis repliée sur moi-même. Mon frère aussi. Je me sentais
différente des autres. Ils vivaient dans un autre monde qui me semblait à des
années lumière, un monde inatteignable où tout me semblait beau. Nous, on
était entourés d’un mur de silence et de solitude. On était emmurés vivants. »
Le milieu de récupération peut lui-même être traumatisant (victimisa-
tion secondaire85). Ainsi, des attitudes sociales négatives sont prédictives
d’une évolution péjorative. En effet, la stigmatisation et la discrimination
influencent fortement la manière dont les personnes ciblées se considèrent.
Rapidement, les jeunes victimes ont tendance à s’autostigmatiser en inté-
riorisant et en retournant contre elles les perceptions négatives nourries à
leur égard. Elles perdent alors leur confiance en elles et leur sentiment de
valeur personnelle. Elles peuvent également éprouver des sentiments de
culpabilité si elles sont tenues pour fautives de leur infortune comme c’est
fréquemment le cas dans les agressions à caractère sexuel. Déconsidérées
et rejetées, il est fréquent qu’elles en viennent à s’isoler et à éviter tout
contact menaçant.
En République Démocratique du Congo, au cours des conflits armés qui ont
secoué l’Est du pays, de nombreuses fillettes ont été victimes de violences
sexuelles. Même les plus jeunes témoignent de l’opprobre qu’elles subissent.
Elles rapportent être fréquemment moquées, ridiculisées, raillées, injuriées,
humiliées et rabaissées. Par exemple, à leur passage, les enfants et les adoles-
cents parodient des chansons vexatoires dans lesquelles elles sont citées
nommément ; ils interrompent leur conversation ; ils chuchotent et s’esclaffent ;
ils les montrent du doigt, etc. Les relations d’autrefois cessent fréquemment
de leur parler ou de les fréquenter. Considérées comme montrant le mauvais
exemple, elles sont parfois expulsées des établissements scolaires, surtout si
elles sont enceintes des suites du viol.
–– Les soins de santé mentale. Un recours précoce à des soins de santé
mentale de qualité et la poursuite d’un traitement psychologique peut
85
On parle de victimisation secondaire lorsque la victime d’un événement traumatisant est
confrontée à une réaction inadéquate à l’égard de cette victimisation. Cette réaction peut
émaner d’une personne (famille, voisinage, connaissances, condisciples, etc.), d’une institu-
tion (police, justice, services administratifs, etc.), des médias, etc. Elle risque d’aggraver les
dommages physiques ou psychologiques causés par l’incident délétère, voire d’engendrer
de nouvelles souffrances.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
63
Résumé
– Les jeunes enfants ne sont pas en mesure de percevoir la menace vitale ou la gravité
d’un événement, d’apprécier ses enjeux ou d’en prévoir les séquelles et les consé-
quences. De ce fait, certains ne manifestent aucune réaction visible et ne semblent
pas éprouver d’émotions particulières. En grandissant, d’aucuns développeront
toutefois des séquelles traumatiques. A contrario, ils peuvent appréhender un inci-
dent mineur comme menaçant et en éprouver de l’effroi.
– Les enfants en bas-âge souffrent principalement des douleurs physiques, des sépara-
tions brutales ainsi que des modifications du comportement de leurs proches et sont
très influencés par le vécu subjectif de leur entourage. Plus ils grandissent, plus les
blessures et la menace vitale deviennent les causes majeures de troubles ultérieurs.
– Les nourrissons, les enfants et les adolescents peuvent être victimes d’une catastrophe
naturelle, d’une agression, d’un conflit armé, d’un accident ou de la perte d’un être
cher. Ils sont aussi particulièrement exposés à la négligence grave et aux violences
psychologiques ainsi qu’aux maltraitances physiques et sexuelles perpétrées par des
proches ou un étranger et sont la proie désignée des prédateurs pédosexuels. Dans
certaines contrées, ils sont également à risque de pâtir de traditions dommageables,
notamment des mutilations sexuelles.
– Le nourrisson, l’enfant et l’adolescent peuvent avoir été sujet (avoir subi) ou témoin
(avoir vu ou entendu) de l’événement adverse. Les plus grands peuvent également en
avoir été acteur (avoir provoqué).
– Les traumatismes simple de type I tels les agressions et les accidents exposent les
nourrissons, les enfants et les adolescents à un événement unique, circonscrit dans
le temps, imprévisible et d’apparition brutale. Les traumatismes complexes de type
II ou III tels les maltraitances physiques et sexuelles, les rackets, l’enfermement dans
les camps de détention, le travail forcé, les traditions dommageables et l’exposition
aux violences conjugales les soumettent à une violence durable, répétée, exempte de
surprise, voire prévisible.
L’événement traumatique
64
86
La définition des Nations unies entend par « enfant » tout être humain âgé de moins de
18 ans. Il est évident que les enfants ne forment pas un groupe homogène. En effet, on ne
peut comparer un enfant de 5 ans à un autre de 15 ans. De plus, un enfant peut être défini
différemment au sein de certains groupes culturels et sociaux.
87
L’adolescence « est la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte et se carac-
térise a) par des efforts en vue d’atteindre des buts en rapport avec les attentes du milieu
culturel dominant, et b) par des poussées de développement physique, psychique, affectif
et social ». « La transition est définie par le développement biologique, depuis le début de la
puberté jusqu’à la pleine maturité sexuelle et génésique ; par le développement psychique
depuis les caractéristiques cognitives et affectives de l’enfance jusqu’à celles de l’âge adulte
ainsi que par le passage de totale dépendance socio-économique qui caractérise l’enfance à
une relative indépendance » (OMS (1986), Les jeunes et la santé : défi pour la société. Rapport
d’un groupe d’étude de l’OMS sur la jeunesse et la santé pour tous d’ici l’an 2000, Organisation
Mondiale de la Santé, Série de Rapports techniques 731, Genève, http://whqlibdoc.who.int/
trs/WHO_TRS_731_fre.pdf). Selon l’OMS, cette transition débute avec la puberté, vers l’âge
de 10 ans et s’achève avec la majorité légale, vers 19 ans. Cette catégorisation, utile pour
la planification sanitaire, est évidemment arbitraire et ne tient pas compte des différences
individuelles et culturelles, parfois considérables. Si l’on s’accorde généralement à associer le
début de l’adolescence à la puberté, sa fin est par contre, incertaine et davantage tributaire
de facteurs culturels. En dépit des différences entre individus et entre cultures, certaines
caractéristiques sont communes à tous les adolescents. À tous, cette transition impose des
défis à relever.
Les réactions face à un événement traumatisant
66
88
Voir infra, p. 73.
89
G. Vila, Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer les
risques de conséquences à moyen et long terme ?, in Fédération française de psychiatrie
(2004), Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir, http://linces-
teparlonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF ; P. Birmes, A. Brunet, D. Carreras, J.L. Ducasse,
J.P. Charlet, D. Lauque, H. Sztulman & L. Schmitt (2003), “ The predictive power of peri-
traumatic dissociation and acute stress symptoms for posttraumatic stress symptoms : a
three-month prospective study ”, Am J Psychiatry 2003, 160, 1337-9 ; J. Difede, J.T. Ptack,
J. Roberts, D. Barocas, W. Rives & W. Apfeldorf (2002), “ Acute stress disorder after burn
injury : a predictor of posttraumatic stress disorder ? ”, Psychosom Med 2002, 64, 826-34.
symptomatologie post-traumatique
67
Les réactions des jeunes victimes diffèrent selon leur âge. Elles sont également
fortement influencées par la réaction de leur entourage direct ainsi que par le
niveau de détresse et de désorganisation que les événements entraînent dans
leur univers. Confrontés à une situation tragique, les enfants et les adolescents se
tournent instinctivement vers les adultes qui les entourent et s’identifient immé-
diatement à leurs attitudes et réactions. Leur comportement est donc souvent
calqué sur le leur et profondément influencé par ce qu’ils pressentent de leurs
attentes.
Face à une situation potentiellement traumatique, on distingue deux moments
réactionnels :
–– La phase aiguë. Elle commence au moment où l’événement traumatique
se produit et perdure quelques semaines. Elle se subdivise en deux sous-
phases :
• La phase immédiate. Elle démarre dès l’apparition du danger et n’ex-
cède généralement pas deux à trois jours après sa disparition.
• La phase post-immédiate. Elle succède à la phase immédiate. Elle débute
dans les jours suivant l’événement et dure quelques semaines après
son occurrence.
–– La phase à long terme. Elle s’amorce en moyenne un mois après la
situation traumatogène et se prolonge plusieurs mois, plusieurs années,
voire toute la vie selon les individus et le type d’événement.
À ces moments particuliers correspondent différentes réactions :
–– On entend par réactions immédiates, l’ensemble de réactions émotion-
nelles, somatiques, cognitives et comportementales, adéquates ou inadap-
tées à la situation, manifestées par les jeunes victimes dès l’occurrence
d’un incident critique. Ces réponses se maintiennent tant que la menace
persiste puis s’émoussent progressivement.
–– Certaines jeunes victimes vont néanmoins continuer de manifester des
réactions de stress plusieurs jours après que le danger se soit éloigné, voire
vont développer des symptômes relevant du traumatisme. Au-delà de
deux à trois jours, les manifestations ne sont plus générées par la présence
d’un danger immédiat et sont nommées réactions post-immédiates.
Celles-ci peuvent perdurer quelques semaines après l’événement critique.
Les réactions face à un événement traumatisant
68
–– Leur persistance au-delà d’un mois fait suspecter l’apparition d’un véri-
table traumatisme psychique et l’évolution vers la chronicité. Ce sont les
réactions différées et chroniques.
Résumé
– Au moment et dans le décours d’un événement adverse, une minorité de jeunes
victimes va réagir par un stress adapté, la majorité par un stress dépassé. Les sujets
prédisposés peuvent déclencher des troubles psychopathologiques.
– Dès les premiers jours et les premières semaines, certaines victimes voient leurs
troubles disparaître et d’autres commencent à souffrir de symptômes traumatiques
et/ou de désordres non spécifiques.
– Ces troubles peuvent s’avérer transitoires ou devenir chroniques et se perpétuer
jusqu’à l’âge adulte.
S MMAIRE
1
« Pathognomonique » se dit d’un signe ou d’un symptôme spécifique d’une affection
suffisant à lui seul à poser le diagnostic.
La phase aiguë
70
2
Terme emprunté à Wallerstein et collaborateurs. Ces auteurs nomment ainsi les effets
retardés du divorce sur les enfants. Voir L. Wallerstein, J. Lewis & S. Blakeslee (1990), The
Unexpected Legacy of Divorce : The 25 Year Landmark Study, New York, Hyperion Books.
Les réactions immédiates
71
les abus sexuels subis par une de ses jeunes élèves. « Je vous assure, avant
ça allait. Vous pouvez demander à mes parents, vous pouvez demander à
mon mari, ils vous le diront. C’est vraiment cette histoire à l’école qui a tout
déclenché. Ça a été comme une bombe. Là, tout d’un coup, je me suis sentie
mal, j’ai eu des vertiges et mon histoire m’est revenue. Ce n’est pas qu’elle avait
disparu, je m’en souvenais mais ce que je veux dire, c’est qu’elle m’est revenue
émotionnellement et j’ai envie de dire « physiquement » aussi. J’ai commencé à
faire des cauchemars, à avoir des idées noires, à repousser mon mari et à être
super déprimée. J’ai dû arrêter mon travail. Ce n’était plus possible pour moi de
continuer. Je prends des antidépresseurs et des anxiolytiques mais ça ne sert à
rien. Le psychiatre veut m’hospitaliser en psychiatrie. »
La mère de Sanji nous raconte : « Sanji, c’est l’aîné des garçons. Il avait 16 ans
quand la guerre a commencé chez nous (en Bosnie). Comment j’aurais pu
imaginer, ça, moi ? Comment j’aurais pu penser qu’il allait mal. Le 1er juin
1992, quand les Serbes ont commencé à tirer, il est sorti. Il a été voir les armes,
il a été voir les tranchées qu’on était en train de creuser. Ça l’intéressait beau-
coup. Il a trouvé ça amusant. Il n’a jamais eu peur. Quand ils (les serbes) sont
arrivés dans le deuxième village, il montait la garde avec les adultes. Il disait :
« Enfin, il se passe quelque chose dans ce petit village. » Aujourd’hui, je ne le
reconnais plus. Il est renfermé sur lui-même, il reste des heures sans parler, il
crie la nuit. Maintenant, il dit qu’avant la guerre, c’était la vraie vie : il jouait
au football, il allait à l’école, il avait ses amis. C’est maintenant qu’il réalise ce
qu’il a perdu. Et il s’ennuie. Il joue au foot et parfois il sort en ville mais en fait,
ça ne l’intéresse plus, il dit qu’il s’ennuie même quand il fait ça. Il voudrait aller
au front parce qu’ici, il s’ennuie. Je ne sais plus quoi faire… »
Arthur a perdu son père dans des circonstances tragiques alors qu’il était
adolescent. « À ce moment-là, ça allait. À cet âge-là, c’est la fuite en avant. Il
y avait les sorties, les amis… Le deuil, on le fait après. »
3
G. Vila (2004), Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer les
risques de conséquences à moyen et long terme ?, in Fédération française de psychiatrie,
Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir, http://lincestepar-
lonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF.
4
C’est à Pierre Janet que l’on doit le concept de dissociation. Près d’un siècle plus tard,
dans les années 1980, ses travaux seront redécouverts par les psychiatres américains. Cette
notion sera intégrée au DSM-III-R sous l’appellation « trouble dissociatif ». Voir P. Janet
(1885), « Note sur quelques phénomènes de somnambulisme », Bulletin de la Société de
Psychologie physiologique, vol. 1, 24-32 & Revue Philosophique, vol. 21-1 (1886), 190-198 ;
P. Janet (1886), « Les phases intermédiaires de l’hypnotisme », Revue Scientifique (Revue Rose),
3e série, vol. 1 (vol. 23), 577 – 587 ; P. Janet (1886), « Les actes inconscients et le dédou-
blement de la personnalité pendant le somnambulisme provoqué », Revue Philosophique,
vol. 22-III, 577-592.
5
Définition de la CIM-10, F44. La CIM-10 est la dixième révision de la Classification Inter-
nationale des Maladies dont l’appellation complète est Classification statistique internationale
des maladies et des problèmes de santé connexes (en anglais, International Statistical Classi-
La phase aiguë
74
Dès le plus jeune âge, l’enfant peut manifester des symptômes dissociatifs :
il fuit sans but dans une course effrénée (action automatique de fugue
dissociative6), il est hébété, son regard est vide, il donne l’impression de
ne pas entendre ou de ne pas comprendre ce qu’on lui dit (stupeur disso-
ciative), il semble ne plus reconnaître les personnes, les lieux et les objets
familiers, il est désorienté et déambule hagard de pièce en pièce (déréa-
lisation7), il devient mutique (trouble moteur dissociatif), etc. Les adoles-
cents peuvent éprouver des sensations de dédoublement (par exemple,
impression se voir eux-mêmes de l’extérieur), d’être spectateur de leur vie,
d’agir de façon machinale à la manière d’un robot ou avoir le sentiment
que leur corps ne leur appartient pas (dépersonnalisation8, décorporalisa-
tion9).
Après avoir subi une expérience terrifiante, Marc, 14 ans, s’est enfui dans la
rue. Il a couru sans but jusqu’à ce qu’il s’effondre sur le trottoir, épuisé et hors
d’haleine. Lorsque son ami parvient à le rejoindre, il est agité, ses gestes désor-
donnés manquent de coordination, son regard est hagard et il semble « être
ailleurs ». Les secours arrivent rapidement. Lorsque les ambulanciers l’inter-
rogent, Marc se tourne vers son ami en demandant affolé : « Hein ? Qu’est-ce
qu’il dit ? Qu’est-ce qu’il dit ? Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il dit ? »
Les enfants et les adolescents ont généralement des souvenirs clairs et
accessibles de l’événement traumatique même si émotionnellement, ils
éprouvent des difficultés à en faire-part. Contrairement aux adultes, le
phénomène d’amnésie dissociative10 est rare chez eux ; plus fréquentes
sont les distorsions mnésiques (par exemple, rappel anarchique de la
succession des événements, interprétations erronées des faits, etc.).
fication of Diseases and Related Health Problems ou ICD-10). Elle est publiée par l’OMS. La
onzième version est prévue pour 2014.
6
Départ soudain sans but préalablement établi et réfléchi.
7
Sens altéré de l’expérience de la réalité
8
Sens altéré du rapport à soi-même et à son corps.
9
La décorporalisation ou décorporéisation est une forme de dépersonnalisation caracté-
risée par un sentiment d’atteinte de l’intégrité corporelle. Elle se manifeste par une impres-
sion de pesanteur ou d’immatérialité, par une sensation de modification de la densité, du
volume (corps dilaté ou rétréci) ou de la forme du corps ainsi que par la sensation d’une
dissociation de son enveloppe corporelle (impression de flotter au-dessus de son corps).
10
Amnésie partielle ou totale de l’événement critique.
Les réactions immédiates
75
Michèle se souvient que son frère a frappé violemment son père. Or c’est exac-
tement l’inverse qui s’est produit.
Dans les cas extrêmes, la jeune victime peut présenter un état confu-
sionnel suivi habituellement d’une amnésie rétrograde11 : elle est obnu-
bilée, perplexe, a des hallucinations ou des visions oniriques, le plus
souvent terrifiantes, vécues comme vraies.
Comme pour les adultes, la dissociation péri-traumatique serait fortement
corrélée à l’apparition d’un état de stress aigu et d’un syndrome psycho-
traumatique chronique12.
Tout comme les adultes, les enfants et les adolescents fragiles avant l’événe-
ment traumatique (par exemple, personnalité pré-morbide, névrose ou psychose
avérée) sont susceptibles de réagir de façon excessive ou inadaptée devant une
situation hautement stressante et a fortiori traumatique.
11
Limitée à la période de confusion.
12
P. Birmes, A. Brunet, D. Carreras, J.L. Ducasse, J.P. Charlet, D. Lauque, H. Sztulman &
L. Schmitt (2003), “ The predictive power of peritraumatic dissociation and acute stress
symptoms for posttraumatic stress symptoms : a three-month prospective study ”, Am
J Psychiatry 2003, 160, 1337-9 ; J. Difede, J.T. Ptack, J. Roberts, D. Barocas, W. Rives &
W. Apfeldorf (2002), “ Acute stress disorder after burn injury : a predictor of posttraumatic
stress disorder ? ”, Psychosom Med 2002, 64, 826-34.
13
État caractérisé par une baisse du niveau de la vigilance (désorientation spatio-tempo-
relle, onirisme, amnésie lacunaire) avec conservation de certains automatismes.
14
Les conversions regroupent des troubles disparates sans cause organique pouvant
toucher tous les organes et fonctions corporelles.
La phase aiguë
76
15
Une phobie est une anxiété intense et incontrôlée ressentie par une personne lorsqu’elle
est en présence d’objets ou de situations qui n’ont pas en eux-mêmes de caractère dange-
reux. Cette névrose trouve son origine dans un conflit intrapsychique.
16
Dans l’obsession, à l’inverse de la phobie, l’anxiété peut être déclenchée sans que l’objet
ou la situation soit présent ; l’idée seule suffit.
17
J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires de
France, coll. Que sais-je ?
Les réactions immédiates
77
Dans le décours d’un événement traumatisant, des jeunes victimes sans anté-
cédents psychiatriques ni neurologiques peuvent présenter des troubles d’allure
psychotique avec états confusionnels, hallucinations et délires dont le thème est
généralement en lien avec les expériences délétères vécues. Nous pensons que
ces réactions s’inscrivent dans le cadre de la perte des fonctions d’intégration des
différents aspects de la réalité provoquée par l’expérience traumatique. De notre
point de vue, elles sont à assimiler aux symptômes dissociatifs, dont elles seraient
l’expression extrême, plutôt qu’à la psychose18. Certains les classent cependant
dans les troubles psychotiques brefs19 ou les bouffées délirantes20. Dans la majo-
rité des cas, les symptômes disparaissent rapidement, sans séquelles ni récidive.
Il existe actuellement très peu de données sur les liens entre événement
traumatisant et éclosion d’une véritable psychose chez les jeunes victimes, en
particulier chez les petits enfants. À l’inverse des troubles psychotiques réaction-
nels post-traumatiques21, les affections psychotiques touchent des enfants et des
18
Par exemple, pour notre part, nous les associons davantage aux états de transe et de
possessions repris dans les troubles dissociatifs de la CIM-10 qu’au trouble psychotique tran-
sitoire de la même nosographie. Nous les rapprochons également de ce que Crocq nomme
l’état confusionnel post-émotionnel (L. Crocq (1999), Les traumatismes psychiques de guerre,
Paris, Odile Jacob).
19
Terminologie du DSM-IV. Le DSM-IV est la quatrième édition du Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorder de l’American Psychiatric Association.
20
Selon le CIM-10.
21
Nous rejoignons Bessoles pour qui ce type de psychose serait post-traumatique
(P. Bessoles (2006), « Psychose post-traumatique : contribution à une théorisation dynamique
du traumatisme aigu post-immédiat », L’Encéphale, vol. 32, no 5, 1, 729-737).
La phase aiguë
78
Dans les premiers jours suivant l’événement délétère, les réactions sont souvent
intenses. Généralement, elles s’atténuent rapidement pour disparaître au bout de
quelques jours ou de quelques semaines. Cependant, certaines jeunes victimes
voient leurs troubles persister et d’autres commencent à souffrir de symptômes
préfigurant un syndrome psychotraumatique (symptômes pathognomoniques
d’un traumatisme et pathologies associées). D’autres encore vont inaugurer ou
confirmer une psychopathologie névrotique ou psychotique telles que décrites
dans les réactions immédiates.
22
Le DSM (dans la version IV et dans la future version V) considère qu’on ne peut parler
d’État de Stres Post-Traumatique qu’après un mois minimum après l’événement trauma-
tique. Voir infra « Les réactions immédiates et post-immédiates » selon les nosographies inter-
nationales, p. 143.
Les réactions post-immédiates
79
l’enfant que chez l’adulte, après un délai très court. Il s’observe fréquemment dès
l’âge de 3 ans23.
Le syndrome post-traumatique se caractérise par la reviviscence de l’événe-
ment adverse sous forme de symptômes intrusifs, par l’évitement des stimuli qui
lui sont associés et par une activation neurovégétative (symptômes pathognomo-
niques). Le danger ayant disparu, ces troubles ne peuvent être imputés au seul
stress et doivent être attribués au traumatisme. Généralement, ils s’estompent
et disparaissent spontanément au bout de quelques semaines. On qualifie de
forme aiguë ce tableau de stress post-traumatique de brève durée. Leur persis-
tance au-delà d’un mois fait suspecter l’installation d’un véritable traumatisme
psychique et l’évolution vers la chronicité.
–– Les symptômes intrusifs. Il s’agit de manifestations par lesquelles la
jeune victime a l’impression d’être ramenée dans le passé et de réexpé-
rimenter l’événement initial, voire même de le revivre. Ces reviviscences,
vécues comme réelles et actuelles, surviennent spontanément, hors la
volonté du sujet et provoquent une angoisse ou une détresse intense.
• Les flash-back. Comme les adultes quoique moins souvent, les enfants
et les adolescents peuvent avoir de brèves hallucinations leur donnant
l’impression d’être ramenés au moment de l’événement. Ces expé-
riences sont particulièrement éprouvantes pour les jeunes enfants qui
distinguent difficilement la limite entre l’imaginaire et la réalité.
• Les souvenirs répétitifs de l’événement. Les adultes se plaignent d’être
assiégés à tout moment par des souvenirs intrusifs de l’événement
alors que les enfants rapportent davantage de rappels désagréables
survenant lorsqu’ils s’ennuient (par exemple, en classe, devant leurs
devoirs scolaires ou la télévision), qu’ils sont inoccupés ou sur le point
de s’endormir.
Voir M.S. Scheeringa et al. (1995), “ Two Approaches to the Diagnosis of Post-traumatic
23
Stress Disorder in Infancy and Early Childhood ”, J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1995,
34, 191-200 ; L.C. Terr (1988), “ What Happens to Early Memories of Trauma ? A Study of
Twenty Children Under Age Five at the Time of Documented Traumatic Events ”, J Am Acad.
Child Adolesc Psychiatry, 27, 96-104 ; G. Vila & M.C. Mouren-Simeoni (1999), « État de stress
post-traumatique chez le jeune enfant : mythe ou réalité ? », Annales médico-psychologiques,
157, 456-469.
La phase aiguë
80
24
Les troubles de la conduite sexuelle et les comportements sexuels précoces doivent dans
tous les cas faire suspecter des abus sexuels. On se rappellera néanmoins qu’ils ne consti-
tuent pas une preuve irréfutable d’agression sexuelle. En effet, les enfants manifestent géné-
ralement une grande curiosité sexuelle. À l’adolescence, les bouleversements hormonaux et
pulsionnels stimulent également cet intérêt. La masturbation, même intensive, est banale
avant l’âge de 3 ans. De plus, l’enfant peut reproduire des scènes qu’il a surprises (par
exemple, adultes se livrant à des rapports sexuels en réalité ou à la télévision).
La phase aiguë
82
ces quelques traits grossiers mais c’est la première fois qu’elle en fournit
l’explication.
En 1992, en Croatie, dans les camps de réfugiés de Bosnie, les enfants
dessinent la guerre, s’affrontent dans des jeux guerriers et complètent les
albums d’images autocollantes à l’aide de vignettes détachables représen-
tant des soldats (voir photos).
Ana, 11 ans
Les réactions post-immédiates
83
Adriana, 13 ans
Adela, 14 ans
La phase aiguë
84
25
Pour banales qu’elles puissent être, ces déclarations doivent être interrogées lorsqu’elles
sont couplées à d’autres signes préoccupants.
26
Le système neurovégétatif, également appelé système nerveux autonome, est constitué
des systèmes orthosympathique et parasympathique.
27
Cerveau, cœur, intestin, poumons, etc.
28
Respiration, circulation sanguine, digestion, excrétion de l’urine et des matières fécales.
29
R.A. Bryant, A.G. Harvey, R.M. Guthrie & M.L. Moulds (2000), “ A prospective study
of psychophysiological arousal, acute stress disorder and posttraumatic stress disorder ”, J
Abnorm Psychol 2000, 109, 341-4.
Les réactions post-immédiates
87
Tout comme les adultes, dans le décours d’un incident critique, les nourris-
sons, les enfants et les adolescents manifestent fréquemment des troubles non
spécifiques aux syndromes post-traumatiques30. Parmi les plus fréquents, citons
les troubles anxieux, dépressifs, psychosomatiques et comportementaux ainsi
que les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
Certains symptômes éclosent précocement dès les premiers jours, d’autres
plus tardivement31. Certains disparaissent au bout de quelques semaines ou
de quelques mois (tels les comportements régressifs, les troubles d’apprentis-
sage), d’autres peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte (par exemple, les désordres
anxieux et dépressifs, certains troubles du comportement).
30
Ces troubles sont dits non spécifiques dans la mesure où on les retrouve dans des affec-
tions mentales autres que les syndromes psychotraumatiques. Nous préférons la désigna-
tion « symptômes non spécifiques » à celles de « pathologies associées » et de « symptômes
co-morbides » fréquemment utilisées. En effet, de notre point de vue, ces troubles font
partie intégrante des syndromes psychotraumatiques, les symptômes pathognomoniques
ne constituant qu’une fraction du tableau que peuvent manifester les personnes souffrant
des suites d’un événement traumatique.
31
Voir « Les symptômes non spécifiques aux syndromes post-traumatiques » dans la phase
à long terme.
La phase aiguë
88
d’elle lui disant qu’elle y gagnerait d’être traitée de menteuse et d’être punie en
conséquence car sa mère n’accorderait aucun crédit à ses absurdes propos.
–– Un adulte protecteur est en danger ou est décédé. L’enfant ou
l’adolescent peut redouter la disparition d’une figure parentale protectrice
et en conséquence, avoir peur de se retrouver seul, sans personne pour
prendre soin de lui. Par exemple, lorsqu’il assiste impuissant à la violence
entre ses parents, il peut craindre que son père assassine sa mère, surtout
s’il l’a entendu la menacer de mort, ou qu’elle succombe des suites d’un
mauvais coup. S’il a survécu à un séisme meurtrier, il peut être effrayé à
l’idée qu’une nouvelle occurrence emporte ses proches. Après avoir perdu
brutalement un parent, il peut s’inquiéter pour la vie du survivant.
Après le séisme en Haïti en 2010, à chaque réplique, Phénide, 4 ans, court
dans les bras de sa mère en hurlant « Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas
que tu meures ! »
Noémie raconte : « Mon père est décédé d’une rupture d’anévrisme. J’avais
6 ans. L’année suivante, ma tante est décédée et quelques mois plus tard, mon
oncle. Nous avons recueilli ma cousine, leur fille unique. Elle avait le même âge
que moi. Quelques mois plus tard, elle a fait un AVC 32. Elle s’en est sortie mais
est restée hémiplégique. En moins d’un an, j’avais vu mourir trois personnes
proches dont mon père et j’avais vu ma cousine se retrouver sans parent. Je
me demandais qui allait être le suivant. Ma cousine, avec son AVC, avait eu
sa dose, donc, je me disais que le suivant ne pouvait être que ma mère ou
moi. J’ai commencé à trembler pour ma mère. Si elle mourait, je n’aurais plus
eu personne pour s’occuper de moi et j’aurais dû aller à l’orphelinat. Cette
pensée me terrorisait. J’avais peur tout le temps, peur qu’elle ne soit pas à
la sortie de l’école pour venir me chercher, peur qu’elle ne revienne pas du
travail, peur quand elle partait sans moi, peur tout le temps. Aujourd’hui, je
suis adulte et j’ai toujours peur pour elle et j’ai peur pour moi, pour ma fille et
pour mon mari. J’ai tout le temps des flashs. Par exemple, je suis sur l’autoroute
et je vois l’accident qui pourrait se produire : la voiture qui déboite et qui vient
s’emboutir dans la mienne, le camion qui freine brutalement et que je ne peux
pas éviter, ce genre de choses ; si ma mère prend l’avion, j’allume la radio et
Comme chez les adultes, les troubles anxieux se présentent chez les enfants
et les adolescents sous forme de crises d’angoisse, d’agitation désordonnée, de
fuites en avant et de surveillance inquiète de l’environnement. De nouvelles peurs
sans lien apparent avec l’événement traumatique peuvent également apparaître.
Chez les jeunes enfants, ces réactions s’accompagnent fréquemment de pleurs
et de cris, de nausées, de céphalées ou de coliques. Chez les adolescents, elles
se doublent de sensations physiques désagréables dues à l’activation neurové-
gétative orthosympathique (palpitations, tremblements, sensations d’évanouisse-
ment, gêne ou oppression respiratoire, vomissements, vertiges, etc.).
Ces troubles anxieux induisent fréquemment des conduites d’évitement, des
troubles du sommeil, des difficultés de concentration, etc.
Outre ces manifestations anxieuses rencontrées tant chez les enfants que chez
les adultes, on trouve des réactions spécifiques à l’enfance telles l’attachement
anxieux et l’exacerbation des peurs infantiles.
–– L’attachement anxieux33. Les jeunes enfants réagissent souvent aux
expériences effrayantes par un attachement anxieux. Ils craignent que
les êtres aimés les abandonnent ou disparaissent, surtout s’ils ont perdu
un proche. Dès lors, les plus petits ont peur lorsque des personnes qui
prennent habituellement soin d’eux, en particulier leur mère, disparaissent
de leur champ visuel et s’agrippent à elles en présence d’étrangers. Les
plus grands manifestent de l’angoisse, de la colère ou du désespoir quand
on les en sépare et protestent lorsqu’on les laisse seuls (par exemple, dans
leur chambre au moment du coucher, à la toilette, etc.). L’attachement
est normalement empreint d’anxiété chez les petits de moins de trois ans
mais dans les cas de traumatisme, il est noyauté de plus d’angoisse et le
reste à un âge plus avancé.
–– L’exacerbation des peurs infantiles. Dès la naissance, le nourrisson
craint les bruits forts et les mouvements soudains. Vers le sixième mois,
il commence à appréhender les lieux et les personnes qu’il ne connaît
Dès leur prime enfance, les jeunes victimes peuvent manifester des symp-
tômes dépressifs après un événement traumatique. Avec le temps, ceux-ci
peuvent évoluer vers une organisation franchement dépressive.
Chez le nourrisson, la dépression apparaît après une phase de détresse et
de protestation active et bruyante (agitation, cris, pleurs)35. La prévalence de
la sémiologie dépressive augmente avec l’âge. Les enfants plus grands et les
adolescents peuvent présenter des désordres thymiques rapidement après les
événements adverses. Ceux-ci se traduisent par du désarroi, de la tristesse, des
sentiments de solitude, de la passivité ainsi que par une inhibition motrice et
intellectuelle.
34
Pour René Arpad Spitz, psychiatre et psychanalyste américain d’origine hongroise, l’an-
goisse du huitième mois est un des organisateurs du développement de la relation objectale.
À l’heure actuelle, cette angoisse semble apparaitre vers le sixième mois. Voir note en bas de
page 132.
35
D’après René Spitz, cette phase de protestation durerait en moyenne un mois. Voir la
dépression anaclitique dans « Les troubles dépressifs » dans le chapitre consacré à la phase à
long terme.
La phase aiguë
92
L’humeur des jeunes victimes est souvent labile oscillant entre d’une part
l’excitation, la colère, et l’agressivité et d’autre part, la tristesse, la prostration et
le repli sur soi.
Lorsqu’ils ont des réactions de retrait, les bébés, les enfants et les adolescents
délaissent leurs activités (ils cessent de jouer alors mais se livrent sans plaisir à des
jeux de répétition ; ils se désintéressent des loisirs, de la télévision, de l’ordinateur,
de l’école, etc.) et leurs relations habituelles (parents, amis, famille, etc.).
Outre ces réactions, les enfants et les adolescents éprouvent fréquemment
des sentiments de culpabilité excessifs ou inappropriés. Confrontés à une catas-
trophe naturelle, un accident ou le décès tragique d’un être cher, ils s’interrogent
généralement sur leur implication. Ces sentiments de culpabilité peuvent être
particulièrement intenses entre deux et sept ans, lorsque les enfants, au stade
de l’intelligence préopératoire36, accordent des pouvoirs magiques à la pensée
et recourent à leur imagination pour expliquer ce qu’ils ne sont pas en mesure
de comprendre. Ainsi, ils peuvent être persuadés d’avoir provoqué l’événement
dévastateur par la force de leur volonté ou être convaincus que le malheur qui
les accable leur est infligé pour sanctionner leur comportement. Ces convictions
trouvent un terreau fertile dans les cultures où les drames sont interprétés comme
un châtiment divin. Les sentiments de culpabilité sont également fortement
renforcés en cas de suicide d’un proche, en particulier d’une figure parentale.
Jeremy à trois ans. Lors de sa première hospitalisation, il se réveille la nuit en
criant : « C’est ma faute ! C’est ma faute ! » expliquant tantôt que s’il est malade, c’est
parce qu’il a maltraité son petit cousin tantôt parce qu’il a été méchant avec ses
parents. Il dira aussi à diverses reprises qu’il ne veut pas guérir indiquant ainsi qu’il
juge sa punition méritée eu égard à la jalousie coupable qu’il éprouve pour son cousin
et aux sentiments ambivalents qu’il porte à ses parents.
Dans les cas de viol, l’enfant ou l’adolescent peut se sentir coupable parce qu’il
n’a pas tenté de repousser l’agresseur. Il assimile sa soumission à une approbation
et peut aller jusqu’à croire qu’il a provoqué l’agression par son imprudence, son
attitude ou sa tenue provocante.
36
J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires de
France, coll. Que sais-je ?
Les réactions post-immédiates
93
Lors d’un festival de musique, Élodie, 16 ans, a été victime d’une tentative de viol
par trois garçons. Elle déclare : « Je n’ai eu que ce que je mérite… D’ailleurs, la première
chose que mon père m’a dite, c’est : “ Mais pourquoi tu as quitté tes amies ? Qu’est-ce
qui t’as pris d’aller te balader toute seule ? En plus, tu as vu comment tu étais habillée ?
C’est de la provocation ou quoi ? Mais ce n’est pas possible, tu cherches les ennuis ou
quoi ? ”. Ca veut bien dire que c’est de ma faute… »
Si la société véhicule des préjugés et si l’entourage adopte une attitude accu-
satrice, les sentiments de culpabilité des jeunes victimes s’en trouveront égale-
ment fortifiés.
Liliane, 17 ans, a été violée par son oncle. Elle a reçu le soutien de ses parents mais
a été tenue pour responsable de l’agression par les autres membres de la famille. Ses
grands-parents auxquels elle était très attachée l’ont chassée de chez eux et ses tantes
lui ont demandé : « Mais qu’est-ce que tu as fait, toi, pour qu’il en arrive là ? ».
Julienne, une jeune Congolaise de 16 ans ½, résidant dans la province du Nord-
Kivu, a été violée par trois militaires alors qu’elle se rendait au marché. Enceinte des
suites de l’agression, elle a été renvoyée de son école sous prétexte que son exemple
risquait de dévoyer ses condisciples.
37
Défécation involontaire ou incontinence (impossibilité de retenir) des selles sans cause
organique. L’encoprésie est un moyen pour certains enfants d’exprimer leur opposition ou
leur agressivité. Elle est nettement plus rare que l’énurésie.
38
Défini au début des années 1950 par Donald Winnicott, pédiatre, psychiatre et psycha-
nalyste britannique, l’objet transitionnel est un objet privilégié choisi par l’enfant, généra-
lement doux au toucher, permettant au bébé de lutter contre l’angoisse de type dépressif
(angoisse de perte d’objet, soit de l’objet maternel).
La phase aiguë
94
39
Un car-jacking est un vol de véhicule avec usage de violence et/ou de menace vis-à-vis
du conducteur.
Les réactions post-immédiates
95
Les troubles de conduite sont très fréquemment rencontrés chez les enfants et
les adolescents ayant vécu un événement traumatisant. Leur souffrance se traduit
par des comportements agressifs, des troubles du sommeil et des désordres
alimentaires et chez les plus grands, également par des dépendances. Ils peuvent
masquer une dépression en particulier chez l’adolescent.
–– Les comportements auto-agressifs. Très jeune, l’enfant peut adopter
des comportements agressifs tournés contre lui-même : s’arracher les
cheveux, se griffer, se ronger les ongles à sang, se frapper, se cogner la
tête contre les murs, se blesser volontairement, etc. À partir de six ans,
peuvent apparaître des idées suicidaires et des questionnements sur la
mort ainsi que des conduites destructrices (ingestion volontaire de
produits toxiques ou d’objets dangereux, jeux d’évanouissement40, etc.).
À l’adolescence, le risque d’automutilations (scarifications, brûlures, arra-
chage des cheveux, etc.) et de passage à l’acte suicidaire s’accroît. Ces
comportements peuvent être un moyen de s’amender de la culpabilité
(comportements autopunitifs) ou de sortir d’états dissociatifs (impression
d’irréalité, dépersonnalisation, sentiment de détachement, émoussement,
etc.).
Émeline a 16 ans lorsqu’elle est violée à la sortie d’une soirée dansante orga-
nisée à l’occasion de l’anniversaire d’un ami. Elle se juge imprudente d’avoir
voulu rejoindre son domicile à pied après la fête. Elle s’adresse d’autant plus
de reproches qu’elle a agi ainsi malgré les protestations de ses copains qui
estimaient hasardeux de se promener seule dans les rues de la cité à une heure
40
Pratique qui consiste à provoquer une asphyxie par strangulation à l’aide d’un lien. Ces
« jeux » portent différents noms : jeu du foulard, rêve indien, rêve bleu, cosmos, jeu de la
tomate, jeu de la grenouille, etc. Ils ne sont pas l’apanage des jeunes traumatisés mais ils
risquent de les attirer plus encore que leurs pairs.
La phase aiguë
96
aussi tardive. Emeline explique : « J’ai une telle rage en moi contre moi, il faut
que ça sorte. J’ai l’impression que si ça ne sort pas, je vais exploser mais surtout
quand je me taillade comme ça les poignets (avec une lame de rasoir), ça fait
mal et c’est comme si ça me réveillait, c’est comme si ça me ramenait dans la
réalité. J’ai tout le temps l’impression d’être dans du coton, dans une sorte de
brouillard, j’ai l’impression que les choses autour de moi, ce n’est pas réel, que
je ne suis pas moi. Je suis moi sans être moi. C’est difficile à expliquer. C’est
comme si j’étais déconnectée. Quand je me coupe, c’est comme si on remettait
la prise dans la fiche. Je veux que ça s’arrête. Je n’en peux plus. C’est horrible.
J’en ai marre. Je veux redevenir moi-même, je veux redevenir moi ! »
–– Les comportements hétéro-agressifs. Les nourrissons, les enfants
et les adolescents peuvent se montrer agressifs, voire violents. Ils brisent
des objets, frappent dans les murs et défoncent les portes. Ils profèrent
des insultes, intimident (menaces verbales, actes d’intimidation tels que
brandir un couteau de cuisine, etc.) et agressent (en fonction de l’âge :
mordre, tirer les cheveux, griffer, frapper, distribuer coups de pied et
de poing, lancer des objets en direction d’autrui). Cette agressivité est
tournée contre leurs pairs (frères et sœurs, compagnons de jeu, condis-
ciples, etc.), les adultes (le plus souvent, les proches tels la mère) et les
animaux domestiques. Ils s’adonnent également à la pratique de jeux
violents41 avec leurs camarades.
Notons que les comportements agressifs (frapper, mordre, etc.) sont
banals et très courants chez les tout-petits. À cet âge, c’est leur fréquence
et leur persistance malgré les remontrances qui doit alarmer.
Ces comportements agressifs peuvent être une manière pour les jeunes
victimes d’exprimer leurs angoisses et leurs frustrations ou de décharger
un trop plein d’énergie. Pour les adolescents, ils peuvent être une tenta-
tive de rétablir leur sentiment de dignité humaine et de maîtrise sur
leur destinée après avoir vécu des expériences délétères qui les en ont
dépouillé.
41
Par exemple, le petit pont massacreur ou jeu de la cannette, le jeu du carton rouge, le
happy slapping (vidéo-lynchage), etc. Pas plus que les jeux d’évanouissement, ils ne sont
spécifiquement pratiqués par les enfants et les adolescents ayant traversé une épreuve trau-
matogène mais ils peuvent constituer pour eux un exutoire séduisant.
Les réactions post-immédiates
97
Hugues a 17 ans. Il a été pris à partie par une bande de jeunes qui l’ont délesté
de son téléphone portable, de son MP3 et de son argent. « J’ai dû baisser la
tête… devant des gamins, en plus. Tu te rends compte ? Ils étaient plus jeunes
que moi ! Je suis sûr que le plus vieux n’avait pas 15 ans. Je me tape vraiment
la honte. J’ai été humilié par des gamins… Mes parents me disent que j’ai
bien fait de donner tout ce que j’avais, que devant un couteau, ça ne sert à
rien de faire le malin, que ma vie est plus importante et blablabla. Je sais bien
qu’ils ont raison mais c’est plus fort que moi, j’ai la haine et si je pouvais les
retrouver, je leur trouerais la peau. Maintenant, je ne cède plus sur rien. Je ne
veux plus me laisser faire. Tu vois, je roule en scooter et bien, hier, un con dans
une grosse bagnole a essayé de me prendre ma priorité de droite, je l’ai vu
mais je me suis quand même engagé, on a failli se rentrer dedans mais j’aurais
préféré crever plutôt que de céder. Après, je me suis dis : « T’es con, pourquoi
t’as réagi comme ça ? » mais sur le moment même, ce qui m’est venu, c’est :
« Ah non, celui là, je ne vais pas le laisser m’entuber ! » Evidemment, ça vient
de se passer et je suppose qu’il faut un peu de temps pour digérer. Je suppose
que c’est normal mais j’espère que je ne vais pas rester comme ça, prêt à péter
la gueule au premier connard venu. »
Dans les cas d’agressions physiques ou sexuelles, les enfants et plus
encore les adolescents sont souvent en colère contre l’agresseur (idée de
vengeance) mais aussi contre eux-mêmes de ne pas s’être défendu.
Sybille, 16 ans, a été violée lors d’un festival de musique. Elle est en colère : « Je
ne pense qu’à ça, à le crever, à lui arracher les couilles et à les lui faire bouffer.
Je voudrais le voir souffrir à petit feu. Je ne veux pas le crever tout de suite, ce
serait trop facile, je veux le faire souffrir. Je veux l’entendre appeler sa mère. Je
voudrais lui faire payer ce qu’il m’a fait. C’est dégueulasse. Il a pris son pied
et maintenant, il est cool, il est avec ses potes, il se promène, personne ne sait
que c’est un porc. Sa vie continue et la mienne, elle est foutue… Je lui en veux
et je m’en veux aussi à moi. Je n’ai même pas crié. Je n’ai même pas essayé de
me défendre. Une nouille, je suis restée comme une nouille ! »
Après un décès, les enfants et les adolescents peuvent éprouver de la
colère vis-à-vis du défunt lui-même, du sort ou de la personne qu’il juge
responsable de la disparition de l’être cher (conducteur ayant provoqué
un accident de la route, meurtrier, soldats ennemis, etc.). « Comment a-t-il
pu mourir alors que j’avais besoin de lui ? », « C’est injuste qu’il soit mort
La phase aiguë
98
42
Rouler vite, sans casque en deux roues, sans ceinture en voiture, etc.
43
Pratiquer le jeu du foulard (voir supra, p. 95), s’accrocher aux voitures avec une planche
de skateboard ou à patins à roulette, foncer vers un véhicule et s’écarter de sa trajectoire au
dernier moment, brûler intentionnellement des feux au rouge, etc.
44
Infections sexuellement transmissibles.
45
L’ordalie est un rite judiciaire faisant appel au jugement divin pour trancher de l’inno-
cence ou de la culpabilité d’un prévenu. Elle a été pratiquée en Europe jusqu’au Moyen Âge
et l’est encore de nos jours dans certaines peuplades africaines. L’ordalie soumet l’accusé à
une épreuve qu’il réussit si les dieux ou les esprits le considèrent innocent (par exemple, aux
temps anciens, traverser un bûcher sans se brûler ou en Afrique, survivre à l’absorption d’un
poison). Contrairement à l’ordalie, dans les conduites ordaliques, le sujet joue sa vie de son
plein gré.
Les réactions post-immédiates
99
46
La frontière entre conduites ordaliques et comportements suicidaires est néanmoins
parfois très ténue.
La phase aiguë
100
47
L’espace « transitionnel » ou « potentiel » définit par Winnicott est une « aire intermé-
diaire » ni intérieure ni extérieure, un « espace paradoxal » entre la réalité intérieure de l’en-
fant et la réalité extérieure (entre le Moi et le non-Moi, le dedans et le dehors). L’objet
transitionnel (le doudou) constitue le signe le plus visible des processus transitionnels.
Les réactions post-immédiates
101
les peurs du noir, des voleurs, du loup, des monstres et autres person-
nages maléfiques, normales à ces âges, peuvent contribuer aux difficultés
d’endormissement. Lorsqu’ils se réveillent en proie à leurs cauchemars, ils
sont terrorisés et craignent de se rendormir. Les histoires effrayantes qui
peuplent leur sommeil peuvent sembler aux plus petits aussi réelles que
leur quotidien car ils ne distinguent pas aisément le rêve de la réalité. Les
plus grands, même s’ils savent que ce qu’ils ont vu dans leur sommeil est
irréel, redoutent de se rendormir, craignant d’être à nouveau confrontés
aux images redoutables.
Les hypersomnies48 sont relativement fréquentes chez l’adolescent. Le
sommeil peut devenir un refuge contre des difficultés qu’il doit affronter
ou être un signe de dépression.
–– Les troubles des conduites alimentaires. Les nourrissons, les enfants
et les adolescents peuvent présenter des troubles alimentaires après avoir
traversé un événement adverse.
Les enfants en bas-âge peuvent souffrir d’anorexie : ils serrent les lèvres,
ils refusent de téter ou de manger, ils stockent les aliments dans la bouche
sans déglutir, les recrachent, les régurgitent ou les vomissent. Notons
que l’anorexie est fréquente chez le nourrisson, notamment à l’occasion
du sevrage, d’un changement de régime alimentaire ou d’une poussée
dentaire. Elle ne doit alerter que si elle persiste ou si elle est associée à
des signes psychopathologiques (apathie, immobilité, retrait, indifférence,
retard de développement staturo-pondéral, de la motricité ou du pré-
langage, etc.). Généralement, la mère interprète le refus alimentaire de
son enfant comme un rejet de sa personne. Elle se sent disqualifiée dans
son rôle de nourricière et les relations avec sa progéniture s’en trouvent
souvent perturbées. Son angoisse et ses attitudes (par exemple, forcer le
refus de s’alimenter) peuvent contribuer à renforcer les désordres alimen-
taires du bébé. D’autres nourrissons peuvent manifester des comporte-
ments hyperphagiques : ils réclament la nourriture en criant, s’agitent lors
du repas, sucent le sein ou le biberon avec avidité et semblent habités par
48
Trouble caractérisé par un besoin excessif de sommeil manifesté par un allongement de
la durée de la nuit et une somnolence diurne.
La phase aiguë
102
Dès les premiers jours ou les premières semaines après l’événement trauma-
tique, les enfants et les adolescents peuvent se plaindre, tout comme les adultes,
49
Ingestion répétée de substances non comestibles (terre, cailloux, papier, ficelles, cheveux,
etc.) alors que l’enfant est en âge de distinguer les objets des aliments (soit après 18 mois).
50
Ingestion d’excrément.
51
Régurgitation volontaire du bol alimentaire dans la bouche suivie de sa remastication
avant une nouvelle déglutition.
52
Les troubles somatoformes regroupent les troubles fonctionnels et les douleurs sans
cause organique et les maladies psychosomatiques avec atteinte lésionnelle.
Les réactions post-immédiates
103
de maux physiques sans cause organique ainsi que de l’aggravation d’une maladie
préexistante.
Chez l’adolescent, les symptômes somatiques risquent d’accroître les angoisses
à propos de leur personne physique et de leur vulnérabilité.
–– Les symptômes neurovégétatifs d’origine psychosomatique. Les
grands enfants et les adolescents peuvent souffrir de vertiges, de lipo-
thymies53, de tremblements, de sueurs, de palpitations cardiaques54, de
tachycardie55, de troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements,
diarrhée ou constipation), de sensations de striction laryngée (« boule
dans la gorge »), d’oppression respiratoire et de sensations d’étouffe-
ment pseudo-asthmatiques (sensation de souffle coupé ou de poids sur la
poitrine empêchant de respirer), etc.
–– L’asthénie physique d’origine psychosomatique. Elle se manifeste
chez les grands enfants mais surtout chez les adolescents par une fatigue
permanente résistant au repos, par un épuisement rapide au moindre
effort physique, par l’impression persistante d’être sans force ou par une
lassitude générale.
–– Les douleurs psychogènes56. Les jeunes victimes présentent fréquem-
ment des douleurs diffuses et erratiques (céphalées, douleurs musculaires,
douleurs thoraciques, gastralgies57, etc.). Certaines douleurs sont spécifi-
quement liées à l’événement traumatique subi. Par exemple, dans les cas
d’agressions et d’abus sexuels, la jeune victime peut se plaindre d’algies
pelviennes, abdominales, gynécologiques, urinaires ou anales, d’anisme58,
de maux de gorge ou de gêne à la déglutition, etc.
Si ces plaintes peuvent être l’expression de la tristesse, de la peur, de l’an-
goisse ou d’un traumatisme, rappelons toutefois qu’elles peuvent égale-
53
Évanouissements de brève durée.
54
Perception inhabituelle des battements du cœur, généralement désagréable.
55
Accélération du rythme cardiaque.
56
Psychogène se dit d’un trouble ou d’une affection dont l’origine est purement psychique.
57
Douleur localisée dans l’estomac.
58
On appelle anisme la contraction paradoxale du sphincter anal externe au cours d’un
effort de défécation.
La phase aiguë
104
59
American Psychiatric Association (1994), DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorder, Washington D.C., American Psychiatric Press.
60
Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2008), Classification statistique internationale
des maladies et des problèmes de santé connexes CIM-10, Genève.
Les réactions immédiates et post-immédiates selon les nosographies internationales
105
61
Le DSM III est la troisième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder,
American Psychiatric Association, 1980.
62
Voir « Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales » dans le
chapitre consacré aux conséquences à long terme.
La phase aiguë
106
Résumé
– Lorsque survient un événement pénible ou effrayant, les enfants et les adolescents
peuvent exprimer leur souffrance par leur comportement et leurs attitudes mais elle
peut aussi passer inaperçue.
– Face à une situation pénible ou effrayante, les jeunes victimes réagissent rare-
ment par un stress adapté. Généralement, elles manifestent des réactions de stress
dépassé sous forme d’état de choc ou d’agitation, voire de réactions mécaniques
dont l’apparente normalité est souvent trompeuse. Ces réactions sont marquées par
la détresse péri-traumatique et les symptômes dissociatifs. Les sujets prédisposés
peuvent déclencher des troubles psychopathologiques névrotiques (hystériques,
phobiques ou obsessionnels) ou des désordres psychotiques (trouble réactionnel
post-traumatique, trouble psychotique bref, bouffées délirante ou autres affections
psychotiques vraies).
– Ces réactions disparaissent souvent au bout de quelques jours ou de quelques
semaines. Cependant, certaines jeunes victimes voient leurs troubles persister et
d’autres commencent à souffrir de symptômes préfigurant un syndrome psychotrau-
matique. D’autres encore vont inaugurer ou confirmer une psychopathologie névro-
tique ou psychotique.
La phase aiguë
108
S MMAIRE
1
Voir infra, p. 118.
La phase à long terme
110
dant leur état psychique se dégrader, parfois après plusieurs années, par exemple
à la faveur d’un stress important ou d’une exposition à un événement qui évoque
directement ou symboliquement la scène initiale2.
Le type et la gravité des événements (traumatismes complexes de type II et
III), le stade du développement de la victime au moment de son occurrence et la
capacité de soutien de l’entourage sont quelques uns des facteurs déterminant la
chronicité du syndrome traumatique.
La sémiologie psychotraumatique à long terme, différée et chronique
comprend trois volets : l’état de stress post-traumatique, les symptômes non
spécifiques et la réorganisation de la personnalité. Il recouvre un large éventail de
tableaux cliniques s’étendant des formes paucisymptomatiques3 aux cas sévères
organisés en névrose traumatique en passant par les états modérés.
L’état de stress post-traumatique est restrictif et tient compte principalement
des symptômes traumatiques pathognomoniques. Or la plupart des victimes ne
présentent pas, ou pas uniquement, ce type de manifestations mais souffrent de
désordres anxieux, de signes de dépression, de troubles du comportement et/
ou de somatisations. Ces symptômes non spécifiques peuvent prédominer, voire
occulter, une symptomatologie traumatique plus discrète. Outre ces divers symp-
tômes, la personnalité de certains enfants subit des transformations notables.
Cette organisation morbide de la personnalité signe la névrose traumatique,
phase ultime du syndrome traumatique.
2
Première relation amoureuse (par exemple, une victime d’abus sexuel ou de viol qui
s’engage dans une relation sentimentale), accident ou maladie grave du sujet ou d’un de ses
proches, deuil d’un proche, émission télévisée, etc.
3
Présentant peu de symptômes.
4
Voir supra « L’apparition d’un syndrome post-traumatique » dans le chapitre consacré
aux réactions post-immédiates, p. 78.
Les syndromes psychotraumatiques
111
5
O. Fenichel (1945, trad. fr. 1987), La théorie psychanalytique des névroses, Paris, Presses
Universitaires de France.
6
Sont appelées « tueries du Brabant Wallon » une vingtaine de crimes et attaques commis
en Belgique (notamment dans des grandes surfaces commerciales), principalement dans la
province du Brabant wallon, entre 1982 et 1985 et au cours desquelles 28 personnes trou-
vèrent la mort.
La phase à long terme
112
7
Nous appelons « cadre de référence », ce réseau conceptuel inconscient qui détermine
l’appréhension du monde.
8
A.T. Beck (1983), Cognitive therapy of depression : new perspectives, in P.J. Clayton &
J. Barret, Treatment of depression : old controversies and new approaches, New York, Raven
Press, 265-290.
La phase à long terme
114
9
Selon la terminologie de la CIM-10.
10
Selon le DSM-IV.
Les syndromes psychotraumatiques
115
11
La relation d’objet ou relation objectale est la relation qu’entretient un individu avec
l’objet vers lequel se tournent ses pulsions (celui-ci pouvant être une personne, en particulier
les figures principales d’attachement telles la mère).
12
Comportement d’indifférence souvent précédé d’une phase de détresse et de protesta-
tion.
13
Retrait dans l’autostimulation et l’autosensorialité.
14
D’après Spitz, durant le premier mois de séparation, l’enfant recherche activement sa
mère (ou sa figure d’attachement principale) et refuse le contact avec autrui (phase de
protestation). Il use de tous les moyens dont il dispose pour la faire revenir : il s’agite, crie
et pleure bruyamment ; il se jette par terre, etc. Dès le deuxième mois, constatant que ses
tentatives restent sans effet, il se replie sur lui-même (réaction que l’on peut rapprocher de
l’impuissance acquise de Seligman). Il pleure moins et de manière monotone ; il se désin-
téresse de son environnement ; il refuse de jouer, de s’alimenter et de s’habiller ; il devient
inactif et reste de longues heures couchés à plat ventre ; il dort peu, passant ses journées
et ses nuits dans une veille et insomnie calmes ; il cesse de se développer tant physique-
ment qu’intellectuellement et manifeste de moins en moins d’expressions faciales (phase de
désespoir correspondant à la dépression). À partir du troisième mois, si l’enfant est pris en
La phase à long terme
116
charge par des personnes capables de lui offrir une relation humaine de qualité suffisante, il
commence à accepter le contact, les soins, la nourriture et le jeu. Il n’est plus en mesure de
reconnaître sa mère si celle-ci réapparaît (phase de détachement). Si au contraire la sépa-
ration se prolonge sans qu’il ait pu trouver de substitut maternel, il cesse de pleurer, refuse
tout contact, arrête de s’alimenter, perd ses acquis (moteurs, intellectuels, etc.), tombe
fréquemment malade et évolue vers un état de marasme, voire vers la mort (hospitalisme).
Les syndromes psychotraumatiques
117
La vie d’Alex, 10 ans, a été émaillée d’événements pénibles : des nombreux décès
inopinés de proches, la décompensation psychotique de son père en sa présence et
des maltraitances graves de la part d’un condisciple (coups et blessures volontaires,
chute dans les escaliers provoquée intentionnellement, etc.). Alex n’a pas d’amis. Il ne
souhaite pas recevoir ses compagnons de classe à la maison et décline les invitations à
se rendre aux fêtes qu’ils organisent ; à l’école, à l’heure de la récréation et du déjeuner,
il se tient seul, à l’écart de tous. Il se plaint fréquemment de douleurs abdominales, n’a
pas d’appétit et rencontre d’importantes difficultés d’apprentissage. Il s’exprime peu et
avec difficulté. Il répète souvent : « Je suis nul » et a déjà évoqué ses idées suicidaires.
Il est très fréquemment réveillé par ses cauchemars. Il rêve parfois que toute sa famille
se suicide en raison de sa nullité.
Bruno raconte : « Quand j’étais petit, je me réfugiais dans une bulle de silence. À
l’école, dans la famille, je ne me sentais pas à ma place, nulle part. J’avais peur de
ma mère qui criait tout le temps, j’avais peur de ma belle-mère (la seconde épouse
du père) qui me frappait, j’avais peur des enfants à l’école. J’étais différent : j’étais
étranger (Bruno a été adopté), j’étais petit. Je ne me sentais pas à la hauteur. J’avais
un sentiment d’insécurité en permanence. Je partais dans mon monde imaginaire pour
échapper aux gens. Les gens pensaient que je n’étais pas normal, que j’étais débile.
Ils se moquaient de moi parce que j’étais tout le temps dans la lune. Je ne comprenais
pas ce qu’on me disait. Je restais tout seul. Je n’avais aucun ami. Je restais immobile,
des heures, perdus dans mon monde imaginaire. »
Chez les jeunes victimes, plus fréquemment que chez l’adulte, la dépres-
sion peut se traduire par des troubles psychosomatiques15. Elle peut aussi être
masquée par des troubles du comportement. En effet, l’instabilité motrice, les
conduites régressives, les troubles alimentaires, les protestations, les revendica-
tions, les agissements agressifs, les passages à l’acte délinquant, etc. peuvent être
une défense contre la dépression. Chez la plupart, l’humeur alterne entre des
attitudes de lutte manifestées par des perturbations du comportement (agitation,
agressivité, etc.) et l’effondrement dépressif (tristesse, inhibition motrice, repli
sur soi, etc.). On parle alors de dépression hostile ou agressive, l’hostilité faisant
partie à part entière du tableau dépressif16.
15
Voir infra, p. 124.
16
A. Féline, P. Hardy & M. de Bonis (1991), La dépression : études, Issy-les-Moulineaux,
Elsevier Masson, coll. Médecine et psychothérapie.
La phase à long terme
118
Nous l’avons vu, dans le décours d’un événement délétère, les enfants et les
adolescents éprouvent fréquemment des sentiments de culpabilité excessifs ou
inappropriés. Ces sentiments peuvent également apparaître tardivement, en
particulier dans les cas de violences intrafamiliales répétées et d’abus sexuels.
Dans les cas d’abus sexuels, l’enfant ou l’adolescent peut se sentir coupable
parce qu’il se croit responsable des actes qu’il a subis. N’ayant pas repoussé ni
dénoncé l’auteur, il a le sentiment d’avoir approuvé l’activité sexuelle. Il s’accuse
d’y avoir consenti, voire même de l’avoir instiguée en charmant ou en aguichant
l’adulte. Ces sentiments de culpabilité sont d’autant plus intenses que l’auteur
l’accable en lui renvoyant une image de séducteur et de provocateur. Ils sont
fortement renforcés s’il a ressenti du plaisir ou retiré un bénéfice secondaire du
rapprochement intime (cadeaux, passe-droits, etc.). Plus la jeune victime grandit,
plus elle peut souffrir de s’en être laissé compter et de ne pas avoir tenté de faire
cesser les abus ou de les avoir tu.
Sophie se remémore : « Au début, je dois dire que je ne pensais rien de spécial. À la
limite, c’était normal. Mon grand-père me disait qu’il m’aimait et que j’étais sa petite
préférée. Il me disait que ces caresses qu’il me faisait, c’était pour me faire plaisir à
moi et que toutes les femmes aiment ça. Et à la vérité, ce n’était pas désagréable. Puis,
en grandissant, ça m’a rendue dingue. Je m’en voulais terriblement. Je me disais que
j’étais idiote. Comment avais-je pu être aussi stupide ? Il me disait que je ne devais
rien dire, que c’était notre secret à nous deux, que j’étais une grande fille et que j’étais
assez intelligente que pour pouvoir garder un secret. Il disait des trucs du genre qu’il
n’y a que les petites sottes qui ne savent pas tenir leur langue… Même enfant, ça
aurait du me mettre la puce à l’oreille. Je me suis fait avoir et je pense que finalement,
c’était ça, le pire. Je m’en veux plus à moi qu’à lui. »
Estelle confie : « Mon père faisait ses saloperies sur moi dans la remise au fond du
jardin. J’étais gênée quand je revenais dans la cuisine. J’étais toute rouge. Je me sentais
coupable vis-à-vis de ma mère comme si je lui avais fait quelque chose à elle, comme
si je lui avais fait du mal à elle. C’est ridicule parce que c’est à moi que ça faisait du
mal mais c’est comme ça. Je redoutais qu’elle l’apprenne parce que je savais que ça lui
ferait tellement mal… »
Les syndromes psychotraumatiques
119
Delphine relate : « Je me souviens de la première fois que mon père m’a frappée.
Je devais avoir 6 ou 7 ans. Comme il avait toujours été assez juste avant que son
entreprise ne soit déclarée en faillite, je pensais que je l’avais bien mérité. Je me sentais
coupable parce que j’avais fait quelque chose de mal même si en fait, je ne savais pas
ce que j’avais bien pu faire de répréhensible. Il a été de plus en plus violent et donc, j’ai
pensé que s’il avait cessé de m’aimer, c’était bien parce que j’avais un problème. Et un
jour, il m’a montré une carte postale représentant une jolie petite fille blonde, avec de
belles boucles et il m’a dit : “ C’est une petite fille comme ça que j’aurais voulu ”. Je me
rappellerai toujours de cette image. Cette petite fille, on aurait dit un ange. Alors, j’ai
compris et je me suis dit que c’était normal qu’il me batte. Je n’étais tout simplement
pas ce que j’aurais du être. »
Tout comme les adultes, les enfants peuvent souffrir de la culpabilité du survi-
vant lorsque des personnes, généralement un proche, ont péri.
Héloïse nous dit : « J’étais triste d’avoir perdu ma petite sœur. En plus, je voyais ma
mère si désespérée… Je me culpabilisais de ne pas être morte à sa place. Ma mère était
terrassée par son décès et elle ne s’occupait plus de moi, alors, forcément, je me disais
qu’elle préférait ma sœur à moi et qu’elle regrettait que ce soit moi qui soit vivante.
Dans mes prières, je demandais au Bon Dieu de ramener ma sœur et de me prendre à
sa place. Je lui disais de faire le changement pendant mon sommeil, qu’il n’avait qu’à
mettre ma sœur à ma place dans le lit. Je lui disais que tout le monde serait content. »
La phase à long terme
120
chrome, tout propre ! Et le soir, je l’aidais pour ses devoirs et je préparais son
cartable. »
Certains enfants et adolescents atteignent de hauts niveaux de perfor-
mances. L’investissement scolaire peut constituer un mécanisme de
défense, les jeunes victimes s’appliquant à leur travail d’écolier pour barrer
l’accès aux pensées intrusives. Chez l’adolescent, il peut également être le
fruit d’une prise de conscience de ses responsabilités.
Nathalie, victime de violences intrafamiliales, témoigne : « Comme ça n’allait
pas à la maison, un truc super important pour moi, c’était l’école. Je m’accro-
chais à ça. J’avais besoin d’être la chouchoute du prof, d’être la préférée et ça a
marché sauf en 6e primaire. La prof ne m’aimait vraiment pas et mes résultats
sont passés de plus de 90 % à moins de 70 %. Ça a été affreux. J’ai vécu l’enfer
cette année-là. L’année suivante, je suis entrée dans le cycle supérieur et ça
s’est bien passé à nouveau et je suis remontée dans les 90 %. »
Lorsque l’événement traumatique initie la jeune victime aux activités
et connaissances réservées aux adultes, il arrive qu’elle tire orgueil du
nouveau statut que lui octroie sa victimisation. Par exemple, les abus
sexuels lui confèrent un savoir sur la sexualité qu’elle peut vivre comme
une preuve de maturité.
Pascal, abusé par un homme adulte durant son adolescence, témoigne : « Le
but était de le masturber. Lui, s’occupait peu de moi. Il me donnait un peu
d’argent de poche. Ça me permettait de tenir le rang auprès de mes copains.
Mes parents n’avaient pas beaucoup de moyens. Je ne recevais pas d’argent de
poche. Alors, cet argent, ça me permettait d’acheter des petits trucs comme les
autres. Plusieurs fois, il a photographié mon sexe. Ça me choquait mais en même
temps, ça me plaisait d’être mis en avant. Je recevais un peu de sous et en plus,
je pouvais aussi conduire sa voiture. C’était au moins aussi important que de
recevoir de l’argent. Je me sentais dans le monde des grands, dans le monde des
adultes. Je rentrais dans le monde des adultes par une porte dérobée. »
Clémence, abusée par le copain de sa sœur aînée alors qu’elle était âgée de
12 ans, raconte : « Ma sœur avait tout pour elle. Elle était belle, elle était intelli-
gente. C’était la préférée de mes parents. J’avais beaucoup de choses pour moi
mais à l’époque, je ne m’en rendais pas compte. Alors, même si j’étais terrorisée
par Herbert, son copain, même si ça me dégoûtait tout ce qu’il me faisait faire,
Les syndromes psychotraumatiques
123
Plus que celles des adultes, la personnalité des nourrissons, des enfants et
des adolescents risque de subir des altérations indélébiles, voire d’être modi-
fiée dans ses fondements. En effet, les événements délétères, en particulier s’ils
sont extrêmes, répétés ou prolongés, sont susceptibles d’imprimer des marques
durables sur la personnalité en devenir des jeunes victimes et d’induire des
19
On entend par « contrat social » le pacte établi par la communauté des humains dans le
but d’établir une société organisée et hiérarchisée. Il est un ensemble de conventions et de
lois garantissant la perpétuation du corps social.
La phase à long terme
126
j’avais peur mais très vite, j’ai ressenti comme une sorte de hargne qui me
faisait plaisir. Et maintenant, quand je suis en colère, je retrouve cette espèce
de plaisir. Alors, je cherche la bagarre. C’est pour ça que j’évite de boire. Quand
je bois, je ne me contrôle plus. Quand je suis à jeun, ça me demande parfois
beaucoup d’effort de me contrôler mais quand j’ai bu, rien ne m’arrête, je
fonce. Ça, je ne veux plus. Je ne peux plus me le permettre. Je ne veux pas être
catalogué de crapule. J’ai un bon boulot, j’ai une femme formidable. Je veux
être quelqu’un de bien, de respectable mais ce n’est pas toujours facile. »
Confrontés à la violence d’un pair ou d’un adulte, les enfants et les adoles-
cents risquent de s’identifier à l’agresseur20. Leurs comportements agressifs
sont alors le résultat d’un renversement des rôles : agressés, ils deviennent
auteurs de violence par imitation des attitudes et des comportements de
l’agresseur. Au lieu d’éprouver de la peur, ils l’inspirent et terrorisent leur
entourage.
À l’opposé de ces débordements, certaines jeunes victimes contrôlent,
voire inhibent, leurs émotions et leurs pulsions. Elles deviennent des
enfants et des adolescents modèles s’attelant à ne déranger personne et
à satisfaire les demandes de leur entourage (ils obéissent, s’appliquent à
l’école, etc.). Ils évitent de créer des problèmes, ne crient pas, ne pleurent
pas, s’expriment peu, ne bougent pas, s’isolent, bref se comportent
comme s’ils n’existaient pas. Certains peuvent toutefois exploser soudai-
nement de manière violente et inattendue, les rares émotions exprimées
relevant généralement du registre de la colère. Ce type de comporte-
ment est fréquent chez les enfants vivant dans des familles à transactions
violentes21.
Nathalie, victime de violence maternelle dans son enfance et son adolescence,
témoigne à l’âge adulte : « Je ne voulais pas déranger. Je voulais être parfaite,
ne rien oublier. Aujourd’hui encore, j’essaie d’être la personne que les gens
aimeraient que je sois plutôt que la personne que je voudrais être. Je fais les
20
L’identification à l’agresseur est un mécanisme de défense. Il a été décrit par Anna Freud
en 1936 (A. Freud (1936, 15e éd. 2001), Le Moi et les mécanismes de défense, Paris, Presses
Universitaires de France, coll. Bibliothèque de psychanalyse).
21
Voir infra le faux-self dans « Les altérations du rapport à soi-même », p. 130.
La phase à long terme
128
choses parce que c’est bien de les faire ou parce qu’il faut les faire et non parce
que je voudrais les faire. »
Les nourrissons gravement négligés tout comme les enfants et les adoles-
cents soumis à la violence intrafamiliale ou à des abus sexuels répétés
frappent souvent par leur caractère passif, aboulique et apathique. Cette
altération de la personnalité résulte de l’absence de contrôle sur l’envi-
ronnement. Si un bébé pleure ou crie sans que son entourage réagisse
et satisfasse ses besoins, il se détache progressivement de la réalité et
s’engourdit dans un état léthargique22. L’incapacité à agir sur son univers
et à mobiliser autrui à considérer ses besoins engendre une « résignation
acquise » ou « impuissance acquise »23. De même, l’absence de maîtrise sur
les violences intrafamiliales et les abus sexuels réduit les enfants et les
adolescents à l’impuissance et provoque leur défaite mentale devant le
danger. Cette démoralisation et passivité induite s’accompagnent souvent
d’états dissociatifs, les jeunes victimes se réfugiant dans l’imaginaire pour
échapper à leur environnement mortifère. Dans de tels contextes, elles ne
développent qu’un registre limité de capacité d’autoprotection, d’analyse
et d’action. En instaurant des conditions propices à de nouvelles victimisa-
tions, ces piètres compétences font d’elles des proies faciles pour d’autres
agresseurs. L’« impuissance apprise » est susceptible d’être réactivée tout
au long de l’existence à chaque fois que la personne est confrontée à un
danger ou à une situation rappelant le traumatisme initial. Elle peut, pour
certains, du nourrisson à l’adolescent, conduire à la dépression.
Géraldine a 39 ans aujourd’hui. Elle a été battue et abusée sexuellement par
son beau-père durant son enfance. Elle témoigne : « Je me mets toujours dans
des situations pas possibles. On dirait que je le cherche. À ce moment-là, c’est
comme si j’étais incapable de réfléchir. Je me laisse entraîner et je me laisse
faire. Évidemment, le lendemain, je suis morte de honte. Ca me fait beaucoup
22
Pouvant, dans les cas les plus sévères, mener à l’hospitalisme.
23
Traduction de « learned helplessness », selon la théorie générale des effets de l’incontrô-
labilité de Seligman (M.P.E. Seligman (1975), Helplessness : On depression, development, and
death, San Francisco, Freeman). La résignation acquise est une notion issue des théories de
l’apprentissage et du conditionnement. Elle se définit comme la résultante d’expériences
répétées d’insuccès entraînant l’abandon des efforts et se caractérise par un déficit de réac-
tion face aux événements.
Les syndromes psychotraumatiques
129
souffrir. La dernière fois, c’était samedi passé. J’ai été dîner chez des amis. Ils
avaient invité un copain célibataire. Ils voulaient que je le rencontre. Ils jouent
un peu les agences matrimoniales ! En fait, il ne m’intéressait pas du tout. Je
peux même dire qu’il me dégoûtait. Je le trouvais vieux, il avait les cheveux
gras, son ventre était énorme. Beurk ! Quand j’y repense, mes poils se hérissent.
Bon, donc, il m’a proposé de me ramener chez moi et il s’est invité pour un
dernier verre. Vous devinez la suite… Et je n’ai pas su dire non. Je ne sais pas
pourquoi j’accepte tout ça… Après tout ce que j’ai vécu dans mon enfance…
Mais c’est peut-être justement à cause de ça parce qu’en fait, à ce moment-là,
je suis pétrifiée comme je l’étais devant mon beau-père… »
–– Les altérations du rapport à soi-même. Les sentiments de culpa-
bilité, de honte ou d’infériorité fréquents dès le stade préopératoire24
induisent une baisse de l’estime de soi et du sentiment de valeur person-
nelle. Cette perception négative se confirme souvent en grandissant. Les
enfants évoluant dans un climat de menace permanente voient généra-
lement s’affaiblir leur confiance en eux : ils deviennent des êtres inquiets,
indécis, versatiles et pusillanimes.
Nathalie, devenue jeune adulte, traumatisée par une mère violente, raconte :
« Je ne m’aime pas, je m’en veux de tout, je culpabilise beaucoup, j’ai toujours
l’impression que je fais mal, je me trouve moche. Je suis persuadée qu’on ne
peut pas m’aimer, que je n’aurai jamais une vie comme tout le monde, que
je n’ai pas le droit d’avoir une relation normale avec quelqu’un qui m’aime
et j’ai la conviction que je n’aurai jamais d’enfants. Comme j’ai toujours peur
de mal faire, je ne sais jamais ce que je dois faire, alors, j’hésite et je change
tout le temps d’avis. Ma mère me disait que j’étais insupportable, que j’étais
une méchante fille. Pourtant, je vous assure, je faisais tout pour essayer qu’elle
soit contente. Je faisais tout pour qu’elle m’aime. Je n’ai jamais fait de bêtises,
je travaillais bien à l’école, j’obéissais, je n’ai jamais demandé pour sortir, la
première fois que je suis sortie, c’est à 18 ans, après sa mort, je n’ai jamais
fumé, je n’ai jamais bu. Quand elle est morte dans cet accident, j’ai retrouvé
ses carnets et elle avait écrit que j’étais quelqu’un de maléfique. Elle était très
versée dans le paranormal… Je n’avais que 18 ans. Je croyais que c’était vrai.
24
J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires de
France, coll. Que sais-je ?
La phase à long terme
130
Finalement, j’avais entendu pendant 18 ans que j’étais mauvaise, alors… J’étais
persuadée que le problème venait de moi. C’est ma première thérapeute qui
m’a fait comprendre que le problème venait de ma mère et qui m’a expliqué
qu’elle était toxique et violente. Maintenant, j’ai compris mais ça ne change
rien dans le concret. Tout ce que j’ai vécu a fondé qui je suis aujourd’hui. Je ne
sais toujours pas ce que je veux, je ne sais pas qui je suis, j’ai toujours difficile
à exprimer les choses, à exprimer mes sentiments, je n’ai aucune confiance en
moi et je ne m’aime pas. »
Nous l’avons vu, certaines jeunes victimes deviennent des enfants et des
adolescents modèles, bien adaptés socialement, souvent performants et
nantis de grandes qualités intellectuelles. Ils ajustent leur comportement
et leurs attitudes afin de ne pas contrarier leurs proches, se conforment à
leurs attentes, voire s’appliquent à leur plaire. Dans les contextes de négli-
gence grave et de violences intrafamiliales (physiques et/ou sexuelles), les
enfants peuvent développer dès leur plus jeune âge un « faux self »25, une
personnalité d’emprunt soumise aux exigences de leur environnement.
Cette adaptation se fait au détriment de leur développement personnel.
En grandissant, nombre d’entre eux éprouveront des sentiments d’inuti-
lité, de vide, d’absence de joie de vivre, de solitude et d’abandon, ils seront
25
C’est à Donald Winnicott que l’on doit la notion de faux self. Il la développe en 1965
dans son article « La théorie de la relation parent-nourrisson » (D. Winnicott (1969, éd.
1989), De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot). Cette notion recouvre un fonction-
nement tant normal que pathologique. Le faux self normal est la partie du Moi permettant
d’établir des rapports avec le monde extérieur. Il s’exprime par une attitude sociale polie,
de bonnes manières et une certaine réserve. Lorsque l’enfant se soumet aux exigences de
son entourage, c’est au prix d’un clivage du Moi. Dans ce cas, le faux self exerce une fonc-
tion défensive en dissimulant le vrai self. Ce dernier, dissocié du faux, est privé de moyens
d’expression et de satisfaction. Le fonctionnement en faux self devient alors pathologique.
En 1966, Winnicott articule la notion de self à celle de « mère suffisamment bonne ».
Dans les premières semaines, la « mère ordinaire normalement dévouée » s’identifie à son
enfant, ce qui lui permet de répondre adéquatement à ses besoins. Ces expériences répé-
tées permettent au bébé de faire progressivement l’expérience de soi. Les défaillances de la
fonction maternelle (rupture dans la continuité des soins, maladie, dépression, traumatisme,
indisponibilité psychique de la mère, etc.) poussent le nourrisson à devenir ce que sa mère
veut qu’il soit et à se créer un faux self (D. Winnicott (1966, éd. 2006), La mère suffisamment
bonne, Paris, Payot, coll. Petite Bibliothèque Payot).
Les syndromes psychotraumatiques
131
26
Le sourire intentionnel apparaît vers le troisième mois. Selon René Spitz, psychiatre et
psychanalyste, le sourire, l’angoisse du huitième mois et l’acquisition du « Non » sont les trois
« organisateurs » du développement de la relation objectale. Le sourire, considéré comme
la première réponse « sociale » du nourrisson, témoigne de sa capacité à distinguer le Moi
du non-Moi (relation préobjectale indifférenciée), l’angoisse du huitième mois marque son
aptitude à distinguer les personnes familières des étrangers et l’acquisition du « Non » signe
son accès à la communication sémantique (entrée dans le champ des relations sociales).
27
La dépression anaclitique et l’hospitalisme ont été décrits peu après la seconde guerre
mondiale par René Spitz suite à l’observation d’enfants précocement séparés de leur mère
(long séjour en hôpital d’où le terme hospitalisme, placement en institution). La dépression
anaclitique survient progressivement chez le nourrisson privé de sa mère après qu’il ait eu
avec elle une relation normale pendant au moins les six premiers mois de sa vie. La privation
partielle d’affects conduit à un tableau clinique de dépression anaclitique allant de réactions
d’angoisse à un arrêt du développement, puis après le troisième mois de séparation, à un
état léthargique. Elle est réversible si l’enfant trouve une figure d’attachement entre la fin
du troisième mois et le cinquième mois de séparation (pour plus de détails, voir la note en
bas de page 115 dans le chapitre « Les troubles dépressifs » dans la section consacrée aux
réactions à long terme). Dans le cas contraire, la dépression anaclitique évolue vers l’hospi-
talisme. L’hospitalisme désigne l’ensemble des troubles somatiques et psychiques (nanisme
psychosocial et retard du développement corporel, de la maîtrise manipulatoire, de l’adap-
tation au milieu et du langage, résistance amoindrie aux infections et dans les cas les plus
Les syndromes psychotraumatiques
133
graves, marasme et mort) présentés par les bébés privés totalement et durablement de leur
mère (ou d’un substitut maternel). Voir R.A. Spitz (1968, éd. 1997), De la naissance à la
parole. La première année de la vie de l’enfant, Paris, Presses Universitaires de France.
La phase à long terme
134
fuis soit je deviens carrément agressive, je dis ou je fais un truc qui fait fuir
l’autre. Je n’arrive pas à accepter quelqu’un dans ma bulle. »
Dans leurs relations à autrui, les jeunes victimes peuvent manifester
de l’irritabilité et de l’agressivité (crises de colère, propos ou actes
agressifs) ainsi que des tendances à répéter des actes de maltraitance,
notamment envers les pairs et les enfants plus jeunes (identification à
l’agresseur).
• L’adaptation relationnelle pathologique. Dans les cas de violences portées
contre sa personne, le bébé, l’enfant ou l’adolescent adopte souvent
des comportements relationnels pathologiques.
Le nourrisson peut manifester une vigilance gelée28 en présence de
l’agresseur. Il est capable prématurément de contrôler sa motricité, de
suspendre son activité, de rester immobile de longs moments, d’in-
terrompre ses babillages, ses rires ou ses pleurs en fonction de l’état
émotionnel de son entourage. Par exemple, il reste calme parce qu’il a
perçu que ses pleurs suscitent l’agressivité de ses parents. À terme, ce
retrait passif éteint ses capacités d’éveil.
L’enfant plus grand et l’adolescent refusent souvent de dépendre des
adultes, il ne compte que sur lui-même, ne cherche pas à être récon-
forté lorsqu’il est anxieux et se centre sur son propre plaisir29. Il ne
manifeste pas de réactions particulières lorsqu’il est séparé de ses
proches ni lorsque son mode de vie est modifié (déménagement, chan-
gement d’école, etc.). Il n’établit que des relations superficielles, parle
peu, respecte la loi du silence et n’exprime pas d’émotions sincères et
véritables. Il se conforme à ce que l’on attend de lui, ne se positionne
pas mais manipule parfois pour préserver ses intérêts. À l’adolescence,
ce mode de relation a minima, peu impliquant émotionnellement,
couplé à la recherche de plaisir peut conduire à la multiplication des
partenaires.
28
Vigilance gelée est la traduction de « frozen watchfulness », locution définie par Ounsted
et collaborateurs (C. Ounsted, R. Oppenheimer & J. Lindsay (1974), “ Aspects of bonding
failure : The psychopathology and psychotherapeutic treatment of families of battered
children ”, Developmental Medical Child Neurology, 16,447-456).
29
Voir supra l’attachement insécure-évitant, p 50.
La phase à long terme
136
30
S. Ferenczi (1932, éd. 2004), Confusion de langue entre les adultes et l’enfant, Paris, Payot,
coll. Petite Bibliothèque Payot.
Les syndromes psychotraumatiques
137
31
Ces liens d’affection et de confiance avec l’abuseur ou avec le parent violent rappellent
le syndrome de Stockholm rencontré chez les adultes.
La phase à long terme
138
m’aimait… C’est pour ça, c’est parce que je sais qu’il m’aimait que je crois
qu’il voulait me rendre plus fort… C’est raté… »
plein de choses. Ma sœur qui est plus jeune que moi rappelle parfois des anec-
dotes qu’on a vécues ensemble et moi, je ne m’en souviens pas. Le présent, je
n’en profite pas. Je suis tout le temps sur mes gardes, je me contrôle, je veux
être parfaite, j’ai peur qu’on puisse me reprocher quelque chose même si c’est
un bête truc. »
Ismir, un jeune bosniaque de 17 ans, nous déclarait en 1992, alors que la
guerre battait son plein en ex-Yougoslavie : « Une guerre, ça dure combien
de temps ? On n’en sait rien… Je vais bientôt avoir 18 ans. Avant, j’étudiais,
j’avais des projets, je voulais devenir mécanicien mais maintenant… On attend
que j’aie 18 ans pour m’envoyer au front. Ce sera sans doute pour la prochaine
mobilisation. Alors, vous savez, mon futur… Mon futur, c’est être tué sur le
front… »
Carole a vécu dans une famille violente. Aujourd’hui adulte, elle livre : « Avant,
je ne me rendais pas compte de ça. Les enfants ne s’interrogent pas sur leur
passé. Ca commence à l’adolescence, ça, de revisiter son passé parce que c’est
à ce moment-là que vous commencez à avoir des amis et vos premières rela-
tions amoureuses. C’est à ce moment-là que s’établissent les premières rela-
tions intimes où on se raconte, où on explique qui on est, ce qu’on a vécu et
tout ça. Et là, je me suis rendue compte que je ne me souvenais de rien. J’avais
quelques flashs mais c’est tout. Mes amis pensaient que je mentais, qu’il y
avait des choses que je ne voulais pas leur dire mais j’avais vraiment oublié et
ça n’est d’ailleurs jamais revenu
Même les chouettes choses, je les ai oubliées
J’ai pu reconstruire mon histoire avec mes frères et sœurs, avec ma grand-mère,
avec ma voisine et c’est comme ça que je sais ce qui s’est passé. »
32
Selon le DSM-IV et la CIM-10.
33
Le trouble dissociatif de la personnalité désigne la présence chez une personne « de
deux ou plusieurs identités ou « états de personnalité » distincts, chacun ayant ses modalités
constantes et particulières de perception, de pensée et de relation concernant l’environne-
ment et soi-même » (définition du DSM-IV, 1994). Les différentes personnalités ne consti-
tuent pas des entités discrètes et autonomes. Il s’agit davantage d’une dissociation d’une
même personnalité, d’une même identité. Auparavant, ce trouble était dénommé « Trouble
de la personnalité multiple ». Des épisodes aigus de dépersonnalisation anxieuse peuvent
prendre le caractère d’un véritable dédoublement de la personnalité.
Les syndromes psychotraumatiques
141
34
Trouble de la personnalité borderline pour le DSM-IV et personnalité émotionnellement
labile pour la CIM-10.
35
Selon le DSM-IV et la CIM-10.
36
Selon la terminologie du DSM-IV et de la CIM-10.
37
Trouble de la personnalité évitante selon le DSM-IV et personnalité anxieuse (évitante)
pour la CIM-10.
38
Selon le DSM-IV et la CIM-10.
39
Trouble de la personnalité antisociale pour le DSM-IV et personnalité dyssociale pour la
CIM-10.
40
Voir infra « Les psychopathologies », p. 142.
41
Complex Post-traumatic Stress Disorder, en français état de stress post-traumatique
complexe. Terme proposé par Judith Herman.
42
Disorder of Extreme Stress not Otherwise Specified ou DESNOS, traduit en français par
trouble de stress extrême non spécifié outre mesure. Dénomination proposée par T. Luxen-
berg, J. Spinazzola, B. van der Kolk. Voir infra « Les syndromes psychotraumatiques selon les
nosographies internationales », p. 148.
43
Voir infra « Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales »,
p. 148.
La phase à long terme
142
2. Les psychopathologies
Les victimes ayant subi dans leur enfance ou leur l’adolescence des événe-
ments délétères, surtout s’ils ont été extrêmes, répétés ou prolongés, risquent de
développer une psychopathologie névrotique ou psychotique.
Les événements traumatiques précoces risquent d’induire une organisation
pathologique de la personnalité tandis que les événements plus tardifs sont
davantage des facteurs précipitant la survenue d’une psychopathologie préexis-
tante.
–– Les névroses. L’anxiété est présente dans toutes les névroses. Il n’est donc
pas étonnant qu’un événement traumatique puisse instaurer les circons-
tances propices au déclenchement de l’anxiété névrotique.
Le trauma se prête principalement au développement des névroses
phobiques44. Les enfants anxieux, sujets à des peurs spécifiques et ayant
tendance à l’évitement pourront ainsi présenter précocement une névrose
phobique.
L’impact traumatique peut également favoriser l’éclosion d’une névrose
hystérique45. Rappelons au passage que traumatisme et hystérie partagent
un passé commun dans les théories freudiennes. En effet, Freud, dans
ses premières théories sur l’hystérie, considérait que les symptômes hysté-
riques étaient la conséquence d’un traumatisme, généralement sexuel,
advenu durant l’enfance et oublié à l’âge adulte. L’hystérie était donc,
selon lui, la réponse corporelle (conversion hystérique) à un traumatisme46.
Nous l’avons vu dans le chapitre consacré aux réactions immédiates, le
traumatisme peut initier une névrose obsessionnelle. Toutefois, lorsqu’une
névrose obsessionnelle est installée, les obsessions et les rituels protègent
généralement les individus des agressions psychiques d’un événement
délétère.
44
Trouble de la personnalité évitante selon le DSM-IV et personnalité anxieuse (évitante)
pour la CIM-10.
45
Personnalité histrionique selon la terminologie du DSM-IV et de la CIM-10.
46
Théorie connue sous le nom de « neurotica » (théorie des névroses). En 1897, Freud
abandonne l’hypothèse d’un événement traumatique réellement vécu à l’origine de l’hys-
térie et opte pour une étiologie de type fantasmatique.
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
143
L’ESPT est classé parmi les troubles anxieux. Il inclut les mêmes critères
que l’Etat de Stress Aigu hormis les symptômes dissociatifs. La nouvelle
version, le DSM-V, dont la publication est prévue en 2013, adjoint les alté-
rations des cognitions et de l’humeur.
–– La CIM-10 présente un état de stress post-traumatique mais ne donne pas
d’informations propres aux enfants.
Spécifier si :
Aigu : si la durée des symptômes est de moins de trois mois.
Chronique : si la durée des symptômes est de trois mois ou plus.
Spécifier si :
Survenue différée : si le début des symptômes survient au moins six mois après le
facteur de stress
La phase à long terme
146
47
Voir T. Luxenberg, J. Spinazzola & B. van der Kolk (2001), “ Complex Trauma and Disor-
ders of Extreme Stress (DESNOS) Diagnosis. Part One : Assessment ”, Directions in Psychiatry
2001, 21 : 373-392 ; S. Roth, E. Newman, D. Pelcovitz, B. van der Kolk & F.S. Mandel (1997),
“ Complex PTSD in Victims Exposed to Sexual and Physical Abuse : Results from the DSM-
IV. Field Trial for Posttraumatic Stress Disorder ”, Journal of Traumatic Stress, Vol. 10, No. 4,
1997, dpelcovitz.googlepages.com/complexptsdsymptomsinsurvivorsofchildhoodabuse.
pdf ; B. van der Kolk, S. Roth, D. Pelcovitz, S. Sunday & J. Spinazzola (2005), “ Disorders of
Extreme Stress : The Empirical Foundation of a Complex Adaptation to Trauma ”, Journal
of Traumatic Stress, Vol. 18, No. 5, October 2005, 389-399, http://www.traumacenter.
org/products/pdf_files/specialissuecomplextraumaoct2006jts3.pdf ; R. Yehuda (2001), The
assessment and the treatment of complex PTSD, in Traumatic Stress, American Psychiatric
Press, Chapter 7 www.traumacenter.org/products/pdf.../Complex_PTSD.pdf ; J. Herman
(1997), Trauma and recovery : The aftermath of violence from domestic abuse to political terror,
New York, Basic Books.
48
J. Herman (1997), op. cit.
49
T. Luxenberg, J. Spinazzola, B. van der Kolk (2001), op. cit.
La phase à long terme
148
50
T. Luxenberg, J. Spinazzola & B. van der Kolk (2001), “ Complex Trauma and Disorders
50
of Extreme Stress (DESNOS) Diagnosis. Part One : Assessment ”, Directions in Psychiatry 2001,
21 : 373-392.
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
149
V. Somatisation
A. Troubles du système digestif
B. Douleur chronique
C. Symptômes cardio-pulmonaires
D. Symptômes de conversion
E. Troubles sexuels
51
Pour les psychanalystes, une personnalité « borderline » ou « état limite » ou encore « cas
limite » est un type d’organisation de personnalité située entre une structure névrotique et
une structure psychotique. Selon le DSM et la CIM, le trouble de personnalité limite est un
syndrome caractérisé par une instabilité de l’humeur, une difficulté à contrôler les pulsions
et les impulsions ainsi que par des relations interpersonnelles instables.
La phase à long terme
150
Résumé
– Au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les signes pathognomoniques du
traumatisme et les symptômes non spécifiques apparus dans les premières semaines
suivant l’événement pénible ou effrayant vont soit disparaître soit se perpétuer plusieurs
mois ou années, voire toute la vie des sujets. Les psychopathologies névrotiques ou
psychotiques peuvent également se confirmer chez les individus les plus fragiles.
– La sémiologie psychotraumatique à long terme, différée et chronique comprend trois
volets : l’état de stress post-traumatique, les symptômes non spécifiques et la réorga-
nisation de la personnalité.
– L’état de stress post-traumatique regroupe les symptômes pathognomoniques des
syndromes psychotraumatiques à savoir les reviviscences, les conduites d’évitement
et l’activation neurovégétative.
– Les troubles anxieux et dépressifs, les comportements régressifs et les difficultés d’ap-
prentissage, les troubles du comportement et les désordres somatoformes apparus
dans le décours de l’événement peuvent perdurer, voire s’aggraver. De nouveaux
symptômes peuvent émerger au cours du temps, par exemple, pour les troubles
anxieux, le trouble hyperanxiété et l’anxiété généralisée ; pour les désordres dépres-
sifs, la dépression anaclitique chez le nourrisson (pouvant mener à l’hospitalisme
dans les cas les plus graves) et chez les plus grands, la dépression franche (retrait,
perte de contact avec la réalité, honte, culpabilité, etc.) ou la dépression hostile ; pour
les comportements régressifs, les retards de développement et d’apprentissage ou, a
contrario, les capacités accrues et pour les troubles psychosomatiques, les patholo-
gies dermatologiques, respiratoires et digestives.
52
Le trouble dysthymique ou dysthymie est un trouble de l’humeur chronique et profond.
Il est caractérisé par des symptômes dépressifs moins sévères que dans la dépression majeure
ou le trouble dépressif récurrent mais ils se manifestent sur une très longue période. Ce
terme a été introduit en 1980 dans le DSM-III. Auparavant, ces troubles étaient considérés
tantôt comme des troubles de l’humeur, tantôt comme des troubles de la personnalité.
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
151
– Les événements délétères, surtout s’ils sont extrêmes, répétés ou prolongés, sont
susceptibles d’imprimer des marques durables sur la personnalité en devenir des jeunes
victimes et d’induire des attitudes et des comportements définitifs. Ces changements
dans la personnalité se signalent par des altérations du caractère (troubles caracté-
riels, inhibition des émotions et des pulsions, faux self), de la relation à soi (baisse de
l’estime de soi et du sentiment de valeur personnelle), à autrui (déficit de compétence
socio-affective, attachement anxieux ou sans discrimination, angoisse de séparation,
désintérêt ou méfiance par rapport à autrui, évitement relationnel, liens pathologiques
avec l’agresseur, etc.), au monde (désintérêt pour les activités, sentiment d’insécurité et
de détachement, troubles dissociatifs) et à la temporalité (réminiscences traumatiques,
difficulté à appréhender le futur, a posteriori positivement).
– Les victimes ayant subi dans leur enfance ou leur l’adolescence des événements délé-
tères, surtout s’ils ont été extrêmes, répétés ou prolongés, risquent de développer
une psychopathologie névrotique ou psychotique. Les événements traumatiques
précoces risquent d’induire une organisation pathologique de la personnalité tandis
que les événements plus tardifs sont davantage des facteurs précipitant la survenue
d’une psychopathologie préexistante.
– Le DSM-IV et la CIM-10 répertorient tous deux un état de stress post-traumatique.
La CIM-10 comprend également un trouble dénommé « modification durable de
la personnalité après une expérience de catastrophe » rendant compte des altéra-
tions de la personnalité. Une réflexion est en cours en vue d’introduire dans la future
version du DSM une nouvelle catégorie diagnostique couvrant les symptômes du
syndrome psychotraumatique organisé en névrose.
S MMAIRE
Dès le plus jeune âge, l’enfant peut développer des troubles anxieux, dépres-
sifs, comportementaux et somatoformes ainsi des comportements régressifs et
des difficultés d’apprentissage.
–– Les troubles anxieux. Si un de ses proches est la source de ses tour-
ments, il sursaute et esquisse des mouvements de protection à son
approche ou à la vue de personnes ressemblantes (par exemple, les
hommes/les femmes, le personnel médical, etc.). Il pleure en présence
du parent maltraitant ou manifeste une vigilance gelée, este en alerte et
interagit peu avec son entourage. Si la cause de sa souffrance est externe
au noyau familial, il cherche activement protection auprès de ses parents
(il se réfugie dans leurs bras lorsqu’il est confronté à l’agresseur, il les
alerte en hurlant lorsqu’on le touche, etc.) et réagit par un attachement
anxieux (il s’agrippe à ses figures d’attachement en présence d’étrangers,
il manifeste de l’angoisse, de la colère ou du désespoir quand il en est
séparé et proteste lorsqu’on le laisse seul dans sa chambre au moment du
coucher ou à la toilette, etc.).
–– Les troubles dépressifs. Nombreux sont les bébés qui après avoir
vécu une expérience de perte (séparation, décès, absence « affective » par
indisponibilité « psychique » de la figure d’attachement) pleurent et crient
parce qu’ils sont désorientés ou effrayés par une situation inconnue. Ils
peuvent ensuite manifester des signes de désespoir tels des pleurs mono-
tones et continus, de l’apathie et un désintérêt progressif pour l’environ-
nement (personnes, activités, jeux). S’ils ne reçoivent pas l’attention dont
ils ont besoin, ils risquent de développer une dépression anaclitique, voire
un syndrome d’hospitalisme. Les jeunes enfants peuvent traverser une
période de choc (insensibilité provisoire), puis manifester du chagrin et/
ou de la colère. Ils alternent souvent hyperactivité (agitation, instabilité
motrice, répétition des cris ou des pleurs) et hypoactivité (retrait, apathie,
gestes rares et ralentis, conduites répétitives et monotones telles balance-
ment, rythmies auto-agressives, etc.).
–– Les retards de développement, les difficultés d’apprentissage et
les comportements régressifs. Le ralentissement et l’arrêt du déve-
Le premier âge (avant 3 ans)
155
troubles peuvent signer un autisme ou une psychose infantile sans rapport avec
les événements traumatiques ou avoir une cause organique (par exemple, pour
le retard staturo-pondéral ou le développement psychomoteur).
1
D’après Maurice Berger et coll., « cette violence, liée à une identification incorpora-
tive pathologique, s’est structurée dans les deux premières années de la vie » (M. Berger,
E. Bonneville, P. André & C. Rigaud (2007), « L’enfant très violent : origine, devenir, prise
en charge, Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’adolescence », vol. 55, no 7, 353-361
(novembre 2007).
Les spécificités selon l’âge
158
nouvelles victimisations, ces piètres compétences font d’elles des proies faciles
pour d’autres agresseurs et explique leur prédisposition à subir des violences au
cours de leur vie. L’adaptation à l’entourage pathogène (par la passivité, la fuite
dans la rêverie, le faux self, etc.) se faisant au détriment de leur développement
personnel, nombre d’anciennes victimes éprouvent à l’âge adulte des sentiments
d’inutilité, de vide, d’absence de joie de vivre, de solitude et d’abandon ; ils sont
dans l’ignorance de ce qu’ils désirent et ont l’impression de ne pas être eux-
mêmes ou d’ignorer qui ils sont.
Les relations intimes et sociales qu’entretiennent ces enfants tôt soumis à la
violence sont souvent perturbées. Devenus adolescents et adultes, maîtrisant
mal les codes régissant les échanges humains, ils se montrent maladroits, voire
inaptes à interagir adéquatement avec autrui et réagissent parfois de manière
imprévisible (attitudes non congruentes, susceptibilité et interprétations égocen-
triques des situations relationnelles entraînant malentendus et conflits, ruptures
relationnelles brutales incompréhensibles, etc.). Les relations qu’ils établissent
sont souvent empreintes de froideur (manque d’empathie, anesthésie affec-
tive), de réserve, de méfiance et de crainte. Certains refusent de dépendre des
autres, ne comptent que sur eux-mêmes, ne cherchent pas à être réconfortés
lorsqu’ils sont anxieux ou tristes et se centrent sur leur propre plaisir. D’autres
peuvent manifester une grande avidité affective sur un mode peu individualisé
(attachement sans discrimination). Leur quête d’attention effrénée et permanente
peut les conduire à l’adolescence à multiplier les partenaires. Ils entretiennent
des rapports humains a minima, les impliquant peu émotionnellement mais se
révèlent incapables d’entretenir une relation suivie. Certaines jeunes victimes
établissent des relations franchement pathologiques avec autrui. Par exemple,
les enfants abusés, devenus adolescents et adultes, peuvent sexualiser leurs rela-
tions à outrance : ils séduisent et aguichent à tout va, ils s’adonnent précocement
à des rapports sexuels, parfois de façon compulsive, avec de nombreux parte-
naires, entretiennent des relations intimes avec des personnes plus âgées, etc.
Dans certains cas, les victimes établissement de liens pathologiques de confiance,
d’empathie, de complicité ou de compassion avec l’auteur des violences.
Les maltraitances et les séparations précoces accroissent le risque de présenter
des troubles psychopathologiques durant toute la vie des anciennes victimes et
en particulier, un trouble de l’humeur (épisodes dépressifs majeurs, idéation suici-
daire, tentatives de suicide, etc.), un désordre anxieux (trouble panique, anxiété
Les enfants entre 3 à 6 ans
159
Tout comme leurs cadets, les jeunes enfants sont perméables à la réaction
de leur entourage aux drames qui les accablent et souffrent de la perte d’une
figure d’attachement (réelle ou affective) ainsi que de la désorganisation de leur
environnement consécutive aux situations délétères. En grandissant, ils prennent
progressivement conscience de la gravité d’un événement et la menace vitale
perçue peut causer un véritable traumatisme. Notons toutefois qu’ils sont suscep-
tibles d’interpréter péjorativement des événements sans gravité et qu’un incident
mineur peut dès lors se révéler traumatisant.
Les plupart des réactions décrites pour les petits de trois à six ans s’appliquent
aux grands enfants et aux préadolescents. Ceux que les événements ont mûri
précocement peuvent également présenter des troubles rencontrés habituelle-
ment chez les adolescents.
Lors de l’occurrence d’un événement adverse et dans son décours, les grands
enfants et les préadolescents réagissent rarement par un stress adapté s’ils ne sont
pas réconfortés par la présence d’un adulte rassurant. Généralement, ils mani-
festent un état de choc ou d’agitation, sont en proie à la terreur, crient, pleurent
ou adoptent des comportements inadaptés (fuite panique, délire, hallucinations
ou sérénité inappropriée). Les sujets prédisposés peuvent déclencher rapidement
des troubles psychopathologiques névrotiques (hystériques, phobiques ou obses-
sionnels) ou des désordres psychotiques (trouble réactionnel post-traumatique,
trouble psychotique bref, bouffées délirantes ou autres affections psychotiques
vraies).
Généralement, ces réactions s’atténuent rapidement pour disparaître après
quelques jours ou quelques semaines. Cependant, certaines jeunes victimes
voient leurs troubles persister et commencent à souffrir de symptômes psycho-
traumatiques.
–– Le syndrome post-traumatique. Les enfants et les préadolescents
peuvent présenter des troubles dissociatifs (déréalisation, dépersonnalisa-
tion), un syndrome de répétition (souvenirs répétitifs, cauchemars, jeux
et dessins répétitifs, impression que l’événement pourrait se reproduire,
etc.), des conduites d’évitement (évitement des lieux, des personnes et
des conversations, repli dans l’imaginaire et la rêverie, refus de s’éloigner
des proches rassurants, etc.) et une activation neurovégétative (irritabilité,
accès de colère et agressivité, difficultés de concentration, hypervigilance,
état d’alerte à la pensée des événements, réaction excessive de sursaut).
–– Les troubles anxieux. Les situations rappelant l’événement trauma-
tique et la crainte qu’il se reproduise déclenchent des crises d’angoisse,
des pseudo-phobies et des pseudo-obsessions, de l’agitation, de l’hyper-
vigilance, voire provoque une anxiété généralisée. Les peurs infantiles et
Les enfants de 6 à 12 ans
165
les événements plus tardifs sont davantage des facteurs précipitant la survenue
d’une psychopathologie névrotique ou psychotique préexistante.
4. Les adolescents
que leur corps ne leur appartient pas (décorporalisation). Ils ressentent des senti-
ments intenses de peur, d’horreur, de colère ou d’impuissance. Ces émotions se
doublent généralement de sensations physiques désagréables dues à l’activation
neurovégétative orthosympathique (détresse péri-traumatique).
Globalement, les réactions post-immédiates des adolescents sont semblables
à celles des adultes2. Notons cependant que l’adolescence couvrant une large
période de la vie, l’impact d’un événement délétère peut différer entre un jeune
tout juste pubère et un autre quasi adulte.
–– Le syndrome post-traumatique. Les jeunes présentent des symp-
tômes de reviviscence (souvenirs répétitifs et envahissants, flash-back,
cauchemars, jeux et dessins répétitifs, attirance pour les jeux et les films
violents, etc.), des conduites d’évitement et une activation neurovégéta-
tive persistante.
–– Les troubles anxieux et dépressifs. L’anxiété généralisée et la dépres-
sion sont plus fréquentes chez les adolescents que chez leurs cadets.
–– Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
À l’adolescence, des craintes et des comportements propres à des stades
antérieurs du développement peuvent être réactivés.
Le ralentissement du fonctionnement intellectuel peut avoir des répercus-
sions négatives sur l’acquisition des connaissances et conduire à une baisse
des résultats scolaires, voire à des échecs. De plus, l’incertitude quant à
l’avenir décourage souvent les adolescents de fournir les efforts néces-
saires et de s’appliquer à leur travail scolaire (« À quoi bon étudier puisque
je ne sais pas ce que je vais devenir ») et les poussent à déserter les bancs
de l’école (école buissonnière, décrochage scolaire). De plus, les modifi-
cations du développement cognitif peuvent entraîner chez eux des diffi-
cultés à poser des choix, induire un manque de discernement et grever
leur capacité de raisonnement.
–– Les troubles du comportement. À l’adolescence, les indices les
plus évocateurs d’un trauma sont les comportements asociaux et délin-
quants, les actes d’autodestruction et les addictions. Un contexte défavo-
2
À paraître prochainement du même auteur aux éditions De Boeck dans la collection « Le
point sur », Le traumatisme chez les adultes.
Les adolescents
169
rable peut entraîner des passages à l’acte violents et/ou suicidaires. Ces
comportements possiblement présents chez les adultes sont nettement
plus fréquents chez les adolescents.
• Les comportements auto-agressifs. À l’adolescence, le risque d’auto-
mutilations (scarifications, brûlures, arrachage des cheveux, etc.) et
de passage à l’acte suicidaire s’accroit. Ils peuvent être un moyen de
s’amender de la culpabilité (comportements autopunitifs) ou de sortir
d’états dissociatifs (impression d’irréalité, dépersonnalisation, senti-
ment de détachement, émoussement, etc.).
• Les comportements hétéro-agressifs. Plus que leurs benjamins, les adoles-
cents brisent des objets, frappent sur les murs et défoncent les portes,
profèrent des insultes, intimident (menaces verbales, actes d’intimida-
tion tels que brandir un couteau de cuisine, etc.), agressent et se livrent
à de jeux violents avec leurs camarades. Dans les cas les plus graves, ils
adoptent des comportements d’une violence extrême (agression, vols
avec violence, etc.) ou une sexualité délinquante (par exemple, viols
favorisés par l’abus d’alcool et la prise de drogues).
• Les conduites à risque. Plus que les autres groupes d’âge, les adoles-
cents adoptent des comportements à risque (relations sexuelles non
protégées, usage abusif de substances psychotropes, adhésion à des
bandes délinquantes, comportement provocateur envers l’autorité,
sports extrêmes, conduite automobile imprudente, « jeux » dangereux,
actes délictuels, fugues, prostitution, enrôlement impétueux dans les
forces armées, etc.). Les conduites ordaliques constituent une forme
particulière de mise en danger : les adolescents jouent délibérément
leur vie au cours d’épreuves dangereuses dont l’issue est laissée au
hasard, à la destinée ou à Dieu.
• Les troubles du sommeil. Outre les insomnies et les cauchemars de
répétition, les hypersomnies sont relativement fréquentes chez l’ado-
lescent. Cette dernière constitue une forme de régression ou d’évite-
ment de la réalité angoissante.
• Les troubles des conduites alimentaires. À l’adolescence, les troubles
alimentaires (boulimie et anorexie) sont relativement courants. L’ano-
rexie, plus fréquente chez les filles que chez les garçons, se manifeste
par une restriction et un contrôle alimentaire, l’hyperactivité physique,
Les spécificités selon l’âge
170
Résumé
– La souffrance de l’enfant en bas âge se caractérise par un trouble du fonctionne-
ment global : hyperactivité (agitation, instabilité motrice, cris, pleurs) ou retrait (souf-
france dépressive, apathie, gestes rares et ralentis, rythmies), conduites auto – et
hétéro-agressives, désordre des conduites alimentaires (anorexie, polyphagie et plus
préoccupants, pica, coprophagie et mérycisme), troubles du sommeil (refus d’aller
se coucher, difficultés d’endormissement, réveils anxieux, insomnies communes ou
agitées et plus inquiétantes, insomnies calmes), ralentissement, voire régression du
développement (retour à une alimentation liquide, interruption du comportement de
la marche, agrippement à la mère, crainte des personnes étrangères à la famille, etc.)
et maladies psychosomatiques (coliques, colites, asthme, eczéma, etc.).
– Entre 3 et 6 ans, les enfants peuvent manifester des symptômes pathognomoniques
du traumatisme (mnésies intrusives, évitements, hyperactivation neurovégétative),
des signes de dépression (tristesse, inhibition, perte de d’intérêt, sentiments de culpa-
bilité), des troubles anxieux (crises d’angoisse, agitation désordonnée, surveillance
inquiète de l’environnement, attachement anxieux), des comportements agressifs
tournés contre eux-mêmes et contre autrui, des troubles du sommeil, des désordres
alimentaires et des troubles somatoformes.
– Entre 6 et 12 ans, leur registre de réaction s’élargit. Plus que leurs cadets, ils
peuvent exprimer des idées de vengeance et de culpabilité, présenter de l’irritabi-
lité, de la colère, de l’agressivité et des comportements provocateurs ainsi que des
troubles dépressifs. Avec l’entrée à l’école, apparaissent les perturbations scolaires et
les difficultés d’apprentissage.
– À l’adolescence, les indices les plus évocateurs d’une souffrance sont les comporte-
ments asociaux et délinquants, les actes d’autodestruction (scarifications, automu-
tilations, idées ou passage à l’acte suicidaire, conduites ordaliques), les addictions
(alcoolisme, toxicomanie), les troubles de l’humeur (dépression) et les désordres des
conduites alimentaires (boulimie, anorexie).
– En grandissant, les victimes ont un risque accru de développer un trouble dépressif,
des désordres anxieux, d’adopter des conduites addictives ou de souffrir d’une
maladie psychiatrique.
Les spécificités selon l’âge
172
À ceux qui s’interrogent sur le devenir à l’âge adulte des enfants abusés sexuel-
lement par des pédophiles ou par des proches, battus et gravement négligés
par leurs parents, abandonnés ou séparés brutalement d’un être cher, malmenés
par les catastrophes naturelles et les conflits armés, nous espérons avoir apporté
quelques éléments de réflexion.
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Sites web
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http://www.trauma-pages.com
Ce site destiné aux cliniciens et aux chercheurs fournit de nombreuses ressources sur le
traumatisme psychique, tant individuel que collectif. En anglais.
I-Trauma
http://www.info-trauma.org
Ce site a pour vocation de fournir de l’information sur le traumatisme psychique aux
victimes, à leurs proches ainsi qu’aux professionnels. En français et en anglais.
http://www.jidv.com
Ce site pour professionnels offre en libre accès des articles scientifiques sur la victimo-
logie et le traumatisme psychique. En français et en anglais.
http://www.ncptsd.va.gov
Le National Center for PTSD (NCPTSD) a pour but d’améliorer la prise en charge clinique
et le bien-être social des vétérans de la guerre du Vietnam à travers la recherche, l’édu-
cation et la formation sur le stress post-traumatique et les troubles associés.
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
184
Le site regorge de précieuses ressources destinées aux chercheurs, aux aidants en santé
mentale, au corps médical ainsi qu’aux personnes affectées par un événement trau-
matique et à leur famille. On y trouve des articles, des manuels, des guides, des fiches
techniques, des vidéos et de liens vers d’autres sites. En anglais.
Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
http://www.who.int
L’OMS est l’autorité directrice et coordonatrice dans le domaine de la santé des travaux
ayant un caractère international au sein du système des Nations unies. En français, en
anglais, en arabe, en espagnol, en russe et en chinois.
Rubrique « santé mentale ». Cette rubrique comprend des informations et des docu-
ments sur la santé mentale. En anglais : http://www.who.int/mental_health/en) et en
français : http://www.who.int/topics/mental_health/publications/fr/index.html.
Resilience-psy
http://www.resilience-psy.com
Site d’Évelyne Josse, l’auteur du présent ouvrage. Le site comprend des articles de la
webmestre sur le stress, le traumatisme psychique, la torture, les enfants des rues, les
catastrophes humanitaires, les violences sexuelles et sexospécifiques, etc. En français.
Trauma Psy
http://www.traumapsy.com
Ce site offre de nombreuses informations utiles tant aux personnes victimes qu’aux
professionnels, chercheurs, médias et décideurs politiques. En français.
Index
Index des auteurs Agression 10, 11, 13, 15, 18, 22, 23, 24, 27, 29,
30, 35, 40, 55, 56, 62, 63, 81, 88, 92, 93, 97,
Ainsworth Mary 49 103, 119, 120, 123, 125, 133, 142, 157, 162,
Bessoles Philippe 77, 178 167, 169, 170, 173, 179
Crocq Louis 175, 179, 180 Agression sexuelle 15, 23, 55, 81, 120, 162,
Cyrulnik Boris 28 170, 179
Fenichel Otto 176 Altération de la personnalité 12, 40, 128
Ferenczi Sandor 176 Altération du caractère 151
Figley Charles 175, 176 Altruisme 45, 53, 167
Freud Anna 127, 176 Amnésie 74, 75, 106, 107, 139, 148
Freud Sigmund 20, 48, 53, 142 Anaclitique 91, 115, 132, 150, 154
Heide Kathleen 29, 30, 182 Angoisse 32, 39, 47, 51, 59, 72, 79, 90, 91, 93,
Herman Judith 29, 30, 141, 147, 176 94, 95, 96, 100, 101, 103, 108, 111, 114, 132,
Janet Pierre 9, 73, 177, 180 133, 146, 151, 154, 160, 164, 165, 171
Main Mary 49, 51, 177, 181 Anorexie 13, 101, 102, 134, 156, 161, 166, 169,
Piaget Jean 21, 52, 76, 92, 129, 177 171
Pynoos Robert 38, 42, 176, 181 Anxiété 11, 13, 51, 53, 72, 73, 76, 90, 107, 111,
Seligman Martin 115, 128, 177 114, 137, 142, 146, 150, 156, 158, 159, 164,
Solomon Eldra 29, 182 168
Solomon Judith 29, 30, 49, 177, 181 Apathie 101, 111, 154, 171
Spitz René 91, 115, 132, 133, 178 Apprentissage (difficulté, trouble) 87, 93, 94,
95, 108, 113, 114, 117, 121, 150, 154, 161,
Terr Lenore 10, 28, 29, 30, 40, 79, 182
165, 168, 171
Winnicott Donald 178
Asthénie 103, 108, 124, 170
Attachement 13, 14, 19, 20, 28, 33, 47, 48, 49,
Index des notions 50, 51, 90, 103, 105, 108, 114, 115, 124, 132,
Abus sexuel 23, 26, 29, 30, 42, 70, 71, 80, 81, 133, 135, 136, 144, 150, 151, 153, 154, 155,
85, 103, 109, 110, 118, 122, 128, 157, 162, 156, 158, 159, 160, 161, 170, 171, 175, 177
173 Blessure 17, 18, 20, 22, 24, 30, 35, 37, 39, 47,
Accident 15, 22, 23, 27, 29, 30, 36, 37, 47, 63, 105, 117, 144, 157, 163, 167, 189
49, 63, 87, 88, 89, 92, 97, 98, 110, 114, 129, Bouffée délirante 77, 78, 160, 164
153, 173 Boulimie 102, 159, 169, 170, 171
Activation neurovégétative 66, 79, 86, 90, Catastrophe naturelle 15, 22, 30, 38, 63, 87,
106, 108, 110, 113, 145, 150, 164, 168 92, 173, 174
Activisme 53 Cauchemar 10, 12, 21, 22, 27, 32, 38, 40, 71,
Agitation 11, 75, 90, 91, 106, 107, 108, 114, 80, 85, 100, 101, 108, 111, 117, 123, 139,
117, 154, 160, 164, 171 146, 160, 161, 164, 166, 167, 168, 169
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
186
CIM-8 11, 12, 73, 77, 104, 105, 107, 108, 114, Dépression agressive 117
140, 141, 142, 144, 146, 147, 148, 150, 151, Dépression anaclitique 91, 115, 132, 150, 154
177 Dépression hostile 117, 150
Circoncision pharaonique 25 Déréalisation 74, 106, 112, 139, 143, 160, 164,
Clitoridectomie 25 166, 167
Clivage 53, 130 DESNOS 5, 141, 147, 148, 149, 181
Colère 13, 32, 50, 53, 58, 60, 72, 73, 86, 88, Détresse péritraumatique 65, 66, 73
90, 92, 97, 98, 111, 123, 125, 127, 135, 145, Dissociation 9, 11, 14, 66, 73, 74, 75, 140, 179,
148, 154, 157, 159, 162, 163, 164, 165, 168, 180
171 Douleur 20, 22, 25, 39, 63, 102, 103, 108, 117,
Comportement agressif 13, 95, 96, 123, 127, 124, 125, 149, 153, 162, 166
155, 156, 161, 171 DSM-IV 12, 77, 105, 108, 114, 140, 141, 142,
Comportement auto-agressif 95, 123, 125, 143, 144, 147, 150, 151, 175, 181, 182
155, 161, 165, 169 DSM-V 18, 141, 144, 148
Comportement hétéro-agressif 96, 123, 155, Effroi 11, 21, 47, 51, 52, 63, 73
165, 169 Encoprésie 93, 125, 161, 162
Comportement régressif 11, 13, 66, 69, 87, 93, Esclavage sexuel 23, 29
108, 114, 120, 150, 154, 161, 165, 168, 190
Etat de stress aigu 12, 75
Conduite addictive 102, 123, 166, 170, 171
Etat de stress post-traumatique 11, 12, 13, 105,
Conduite alimentaire 66, 101, 123, 156, 161, 110, 141, 143, 144, 146, 147, 148, 150, 151,
166, 169, 171 177, 179, 190, 191
Conduite à risque 98, 108, 169 Evitement (conduite d’) 11, 12, 66, 79, 85, 86,
Conduite ordalique 13, 98, 99, 169, 171 88, 90, 106, 108, 110, 111, 113, 114, 134,
Conflit armé 15, 22, 23, 26, 28, 38, 39, 62, 63, 142, 146, 150, 151, 155, 160, 164, 168, 169
81, 173, 174, 180 Excision 25, 26
Conversion 75, 76, 142, 149, 160, 181 Faux self 130, 151, 157, 158
Coprophagie 102, 156, 171 Figure d’attachement 51, 115, 124, 132, 153,
Culpabilité 13, 32, 52, 57, 62, 73, 92, 93, 95, 154, 159
98, 108, 109, 111, 118, 119, 120, 129, 149, Flash-back 79, 106, 108, 111, 139, 144, 160,
150, 157, 161, 165, 169, 171 168
Culpabilité du survivant 119 Fugue dissociative 74, 167
Culpabilité post-traumatique 119 Génocide 26, 27, 32, 33, 36, 41, 120, 126, 175,
Cyberbullying 25 183
Cyberintimidation 25, 26 Guerre 7, 9, 15, 23, 24, 26, 27, 30, 31, 33, 71,
Décès 15, 19, 22, 24, 27, 35, 58, 70, 88, 92, 97, 77, 81, 82, 87, 114, 126, 132, 138, 140, 173,
115, 117, 119, 124, 153, 154 175, 176, 178, 179, 180, 183
Décorporalisation 74, 168 Hallucination 39, 72, 75, 77, 78, 79, 144, 160,
Décorporéisation 74 164
Défaite mentale 128 Harcèlement 24, 26
Dépersonnalisation 13, 74, 95, 106, 112, 140, Honte 18, 21, 32, 52, 60, 73, 97, 111, 120, 123,
143, 148, 164, 167, 169 128, 129, 149, 150, 161
Dépression 11, 13, 35, 50, 51, 58, 60, 91, 95, Hospitalisme 115, 116, 128, 132, 150, 154
101, 110, 115, 117, 128, 130, 132, 146, 150, Humiliation 24
154, 168, 171, 176 Humour 53
Index
187
Hyperactivité 11, 53, 73, 99, 102, 107, 146, Pensée automatique négative 113
154, 169, 170, 171 Pensée magique 52, 125, 160, 162
Hyper-réaction 72 Peur 13, 18, 32, 45, 53, 57, 69, 71, 72, 73, 76,
Hypersomnie 101, 169 85, 87, 88, 89, 90, 91, 100, 101, 103, 105,
Hypervigilance 13, 86, 106, 113, 145, 146, 164 108, 111, 114, 117, 126, 127, 129, 131, 139,
Hypo-réaction 72 140, 142, 144, 146, 159, 160, 161, 164, 165,
168, 175
Impuissance (acquise, apprise) 115, 128
Phase de désespoir 115
Inceste 23, 26, 70, 123, 176
Phase de détachement 116
Incident critique 3, 15, 19, 30, 32, 34, 35, 40,
49, 55, 63, 67, 81, 87, 105, 108, 109, 111, Phase de protestation 91, 115
160, 167 Phobie 32, 76, 111, 114, 164
Infibulation 25 Pica 102, 156, 171
Insomnie 13, 100, 115, 146, 156, 161, 166, Polyphagie 171
169, 171 Post-Traumatic Stress Disorder 5, 38, 79, 105,
Instabilité motrice 99, 108, 117, 123, 154, 155, 141, 143, 147, 176, 182
156, 161, 171 Prématuration traumatique 13, 120, 121, 165,
Intellectualisation 53 190
Préopératoire (stade, période) 52, 76, 129,
Jeux répétitifs 80, 108
160, 161
Jeux violents 24, 26, 96, 166, 169
Progression traumatique 121
Latence 11, 55, 70, 78, 160
Prostitution forcée 23
Maltraitance 22, 23, 24, 29, 35, 36, 47, 63, 66,
Psychopathologie 17, 52, 60, 78, 107, 109, 141,
73, 88, 117, 120, 123, 135, 153, 158, 162,
142, 150, 151, 167, 191
176, 182
Psychose 11, 60, 75, 77, 78, 143, 153, 157, 159,
Mariage forcé 25
163
Maternage sexualisé 24
Psychosomatique (maladie, symptome,
Mauvais traitement 22, 23, 39, 121 trouble) 66, 87, 102, 103, 104, 108, 117, 124,
Mère suffisamment bonne 130, 178 150, 156, 162, 170, 171
Mérycisme 102, 156, 171 Psychotraumatisme 32, 33, 70, 156
Mort 9, 10, 13, 14, 15, 18, 19, 30, 32, 35, 38, Racket 24, 26, 29, 63, 102
39, 41, 64, 72, 88, 89, 95, 97, 99, 105, 111, Régression 13, 94, 116, 120, 155, 161, 169, 171
116, 123, 125, 129, 133, 138, 144, 165, 167, Répétition (cauchemar, comportement,
177, 178 conduite, jeux, syndrome) 10, 70, 77, 80,
Mutilations sexuelles 22, 25, 63, 173 81, 92, 108, 111, 112, 131, 154, 156, 160,
Nanisme psychosocial 124, 132, 156 164, 169
Négligence 23, 24, 36, 47, 51, 63, 116, 121, Résignation acquise 128
130, 153, 162, 173 Résilience 28, 33, 53, 54, 61, 64, 131, 176
Négligence grave 24, 36, 47, 63, 130, 153, Reviviscence 10, 11, 12, 66, 79, 80, 108, 110,
162, 173 146, 150, 168
Névrose 7, 12, 75, 76, 104, 110, 111, 125, 141, Self 33, 127, 130, 151, 157, 158, 177
142, 146, 151, 170, 176, 179 Séparation 13, 15, 19, 22, 27, 28, 32, 49, 50,
Névrose traumatique 7, 12, 104, 110, 125, 141, 51, 58, 63, 88, 95, 100, 115, 116, 125, 132,
146, 170, 179 133, 151, 153, 154, 158, 165, 173
Nursing pathologique 24 Soins abusifs 24
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
188
Somatoforme (désordre, trouble) 11, 102, 114, 78, 79, 80, 86, 90, 99, 103, 106, 107, 108,
124, 150, 156, 162, 166, 170, 171, 190 109, 110, 111, 112, 121, 128, 130, 139, 142,
Souvenir répétitif 79, 108, 111, 144, 164, 168 144, 145, 146, 150, 156, 159, 160, 162, 167,
Stress 5, 7, 11, 12, 13, 17, 18, 31, 32, 36, 38, 41, 168, 170, 171, 172, 173, 175, 176, 177, 178,
42, 50, 55, 57, 64, 65, 66, 67, 68, 70, 71, 72, 179, 180, 183, 184, 189, 190
73, 75, 79, 86, 105, 107, 108, 110, 114, 141, Traumatisme complexe 29, 30, 47
143, 144, 145, 146, 147, 148, 150, 151, 159, Traumatisme de type I 28
160, 162, 164, 167, 175, 176, 177, 178, 179, Traumatisme de type II 29
180, 181, 182, 183, 184, 190, 191 Traumatisme de type III 29
Stress dépassé 11, 65, 68, 71, 72, 73, 107, 108, Traumatisme direct 30
159, 167, 190 Traumatisme empathique 33
Stupeur 72, 74, 159, 160, 167 Traumatisme secondaire 33
Sublimation 53 Traumatisme silencieux 11, 69, 70, 108, 109,
Suicide 40, 41, 88, 92, 117, 158 160, 190
Symptôme dissociatif 65, 73, 74, 77, 106, 107, Traumatisme simple 10, 29, 30
111, 144, 160, 167, 170 Travail forcé 29, 63
Symptômes neurovégétatifs 103, 107, 108, 166 Trouble alimentaire 101, 102, 117, 169
Symptôme traumatique 21, 55, 65, 68, 110, Trouble anxieux 51, 87, 90, 105, 108, 114, 144,
160 150, 151, 154, 160, 164, 168, 171, 190
Syndrome de répétition 111, 112, 160, 164 Trouble de l’attachement 19, 150, 177
Syndrome du bébé secoué 24 Trouble dépressif 31, 33, 91, 115, 116, 132,
Syndrome post-traumatique 11, 78, 79, 87, 150, 151, 154, 161, 165, 166, 171, 190
104, 108, 110, 114, 151, 164, 168, 170, 190 Trouble dissociatif 73, 77, 139, 140, 151, 159,
Tentative de suicide 158 163, 164, 166, 171
Torture 32, 39, 42, 126, 147, 148, 178, 184 Trouble psychotique 77, 78, 107, 164
Tournante 23 Tuteur de développement 28, 35
Toxicomanie 102, 159, 170, 171 Tuteur de résilience 28, 61, 131
Traditions et pratiques dommageables 23, 25 Victime directe 22, 30, 64
Transmission intergénérationnelle du trauma- Victime indirecte 10, 30, 34, 64
tisme 10 Victimisation secondaire 62
Trauma 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 28, Vigilance gelée 135, 154, 156
29, 33, 40, 41, 47, 52, 79, 142, 147, 148, 150, Viol 23, 26, 30, 34, 39, 46, 55, 62, 92, 93, 110,
157, 166, 168, 175, 176, 177, 179, 181, 182, 126, 157, 169, 173
183, 184 Violence psychologique 23, 24, 26, 37, 63, 94,
Traumatisation indirecte 30 173
Traumatisme 3, 9, 10, 11, 15, 17, 18, 22, 23, 24, Violence sexuelle 18, 24, 26, 35, 62, 70, 98,
28, 29, 30, 31, 32, 33, 38, 39, 42, 46, 47, 48, 102, 167, 170, 176, 180, 184
53, 57, 63, 64, 66, 67, 68, 69, 70, 73, 76, 77, Viol en réunion 23
Table des matières
Présentation de l’auteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Chapitre 1
L’événement traumatique17
1. Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2. L’événement traumatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3. Les paramètres des événements traumatisants. . . . . . . . . . . . . . . . 22
4. Les types de traumatismes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
4.1 Les traumatismes de type I, II et III, simples et complexes28
4.2 Les traumatismes directs et indirects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4.2.2. Les traumatismes indirects : la cicatrice sans la blessure . . . . 30
4.2.2.1. La transmission du traumatisme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4.2.2.2. La transmission intergénérationnelle des traumatismes. . . . . 31
5. Les paramètres influençant le développement des syndromes
psychotraumatiques chez les enfants et les adolescents. . . . . . . . 34
5.1 Les variables liées à l’événement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
5.2 Les variables liées à l’enfant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
5.3 Les variables liées au milieu de récupération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
190
CHAPITRE 2
Les réactions des nourrissons, enfants et adolescents
face à un événement traumatisant65
CHAPITRE 3
La phase aiguë69
1. Les réactions immédiates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
1.1 Réactions manifestes et traumatisme silencieux69
1.2 Les réactions de stress dépassé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
1.3 Les réactions psychopathologiques aiguës . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
1.3.1. Les réactions névrotiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
1.3.2. Les réactions psychotiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
2. Les réactions post-immédiates. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
2.1 L’apparition d’un syndrome post-traumatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
2.2 L’apparition de symptômes non spécifiques aux syndromes
post-traumatiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2.2.1. Les troubles anxieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2.2.2. Les troubles dépressifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
2.2.3. Les comportements régressifs et les difficultés
d’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
2.2.4. Les troubles du comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
2.2.5. Les troubles somatoformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
3. Les réactions immédiates et post-immédiates selon
les nosographies internationales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
CHAPITRE 4
La phase à long terme109
1. Les syndromes psychotraumatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
1.1 L’état de stress post-traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
1.2 Les symptômes non spécifiques aux syndromes post-traumatiques. . 114
1.2.1. Les troubles anxieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
1.2.2. Les troubles dépressifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
1.2.3. Les retards de développement, les comportements
régressifs et la prématuration traumatique . . . . . . . . . . . . . . 120
1.2.4. Les troubles du comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
1.2.5. Les troubles somatoformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
Table des matières
191
CHAPITRE 5
Les spécificités selon l’âge153
1. Le premier âge (avant 3 ans). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
1.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
1.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
2. Les enfants entre 3 à 6 ans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
2.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
2.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
3. Les enfants de 6 à 12 ans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
3.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
3.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
4. Les adolescents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
4.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
4.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Conclusion173
Bibliographie175
Index185