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Le traumatisme

psychique

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Cette collection s’adresse prioritairement aux étudiants de niveau
Licence/Baccalauréat du premier cycle universitaire, BTS-DUT, Hautes écoles et/ou IUFM,
en leur procurant un aperçu condensé et un outil de révision des matières enseignées.
Certains ouvrages sont également destinés aux niveaux Master, voire Doctorat.

économie
Abdelmalki L., Mundler P., Économie de l’environnement et du développement durable
Asensio A., Le fonctionnement des économies de marché. Micro et macroéconomie de l’équilibre général
Blancheton B., Histoire de la mondialisation
Farvaque é., Paty S., économie de la démocratie

Marketing
Croué Ch., Marketing international et mondialisation. Effets sur le consommateur
Dupont é., Développer et lancer un nouveau produit
Joly B., La communication
Joly B., La vente et ses techniques pratiques
Joly B., Le marketing

Pédagogie - sous la direction de Sabine KAHN et Bernard REY


Comité scientifique : Les professeurs Anne Barrère  (Université Paris 1), Marc Bru (Université Toulouse 2), Michel Fabre (Université Nantes), Yves Lenoir (Université
Sherbrooke), Lucie Mottier Lopez (Université Genève), Patrick Rayou (Université Paris 8), Laurent Talbot (Université Toulouse 2), Frédéric Tupin (Université Nantes), Isabelle
Vinatier (Université Nantes).
Carette V., Rey B., Savoir enseigner dans le secondaire. Didactique générale
Kahn S., Pédagogie différenciée
Philippe J., Fabriquer le savoir enseigné

Politique
Baron-Yellès N., L’Espagne aujourd’hui. De la prospérité à la crise
Copinschi Ph., La fin du pétrole. Vie et mort d’une ressource stratégique
Fournier B., La socialisation politique. Concepts et méthodes, à paraître (2011)
Gaillard M., France-Europe. Politique européenne de la France de 1950 à nos jours
Gounin Y., La France en Afrique. Le combat des Anciens et des Modernes
Ribémont Th., Introduction au droit des étrangers en France, à paraître (2011)
Orfali B., L’adhésion. Militer, s’engager, rêver
Tétart Fr., Nationalismes régionaux. Un défi pour l’Europe

Psychologie
Fleury-Bahi G., Psychologie et environnement. Des concepts aux applications
Josse E., Le traumatisme psychique. Chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent
Orfali B., L’adhésion. Militer, s’engager, rêver
Valence A., Les représentations sociales

E-business & e-communication


Benghozi P.J., Bergadaà M., Burkhart E., Web : enjeux de confiance

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Psychologie

Le traumatisme
psychique
Evelyne Josse
Préface de Louis Crocq

Chez le nourrisson,
l’enfant et l’adolescent

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Pour toute information sur notre fonds et les nouveautés dans votre domaine de spécialisation,
consultez notre site web : www.deboeck.com

© Groupe De Boeck s.a., 2011 1re édition


Rue des Minimes 39, B-1000 Bruxelles
Tous droits réservés pour tous pays.
Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie)
partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le
communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
Imprimé en Belgique
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : janvier 2011 ISSN 2032-7528
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2011/0074/097 ISBN 978-2-8041-6394-5

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Présentation de l’auteur

Évelyne Josse est psychologue clinicienne diplômée de l’Université Libre de


Bruxelles. Formée à l’hypnothérapie éricksonnienne, à l’EMDR (Eye Movement
Desensitization and Reprocessing) et à la thérapie brève, elle pratique en tant
que psychothérapeute en privé. Elle est aussi superviseur de psychothérapeutes,
expert en hypnose judiciaire et formatrice en psychotraumatologie.
Elle est également consultante en psychologie humanitaire et a travaillé
depuis 1992 pour différentes ONG (Médecins Sans Frontières, Médecins du
Monde-France, Comité International de la Croix Rouge, etc.). Elle a développé
une expertise dans la prise en charge des populations victimes de violence ainsi
que du personnel expatrié victime d’un incident critique.
Auparavant, elle a exercé dans des hôpitaux universitaires auprès d’adultes
atteints du VIH/SIDA et d’enfants malades du cancer. Elle a également été assis-
tante en faculté de Psychologie à l’Université Libre de Bruxelles au service de
psychologie du développement.
Elle a rédigé de nombreux articles sur le traumatisme psychique et les
violences sexospécifiques qu’elle a mis à disposition sur son site http://www.resi-
lience-pys.com. Elle est l’auteur du livre Le pouvoir des histoires thérapeutiques.
L’hypnose éricksonienne dans la guérison des traumatismes psychiques, paru en 2007
aux éditions La Méridienne/Desclée de Brouwer, ainsi que de l’ouvrage Inter-
ventions en santé mentale dans les violences de masse, écrit en collaboration avec
Vincent Dubois, paru en 2009 aux éditions De Boeck.
Visitez le site de l’auteur www.resilience-psy.com.
Liste des abréviations

ASD : Acute Stress Disorder


CIM : Classification Internationale des Maladies et des problèmes de santé
connexes
C-PTSD : Complex Post-traumatic Stress Disorder
DESNOS : Disorder of Extreme Stress not Otherwise Specified
DSM : Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder
ESA : État de Stress Aigu
ESTP : État de Stress Post-Traumatique
ICD : International Statistical Classification of Diseases and Related Health
Problems
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
PTSD : Post-Traumatic Stress Disorde
Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier chaleureusement mon père pour son soutien


tout au long de cette aventure et pour la traque sans merci qu’il a livrée aux
fautes d’orthographe et de style. Ma gratitude à son égard dépasse bien large-
ment le cadre de la rédaction de cet ouvrage.
Mes plus vifs remerciements pour sa préface et sa relecture à Monsieur
Louis Crocq, psychiatre et docteur en psychologie, ancien Médecin Général
des Armées, Professeur Associé Honoraire à l’université René Descartes à Paris
V, ancien président de la Section de psychiatrie militaire et de catastrophes de
l’Association Mondiale de Psychiatrie, fondateur et président honoraire de l’Asso-
ciation de Langue Française pour l’Etude du Stress et du Trauma (ALFEST) et
créateur du Réseau National des Cellules d’Urgence Médico-Psychologiques. Le
Professeur Louis Crocq, dont les travaux sur la névrose traumatique et la névrose
de guerre font autorité internationalement, restera toujours pour moi un mentor.
Ma profonde reconnaissance pour leur relecture, leurs remarques et leurs
réflexions pertinentes à Claire Van Pevenage, docteur en psychologie, psycho-
logue à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola, conseillère scientifique
à la Faculté des Sciences Psychologiques et de l’Education de l’Université Libre
de Bruxelles et psychothérapeute ; Jeannine Blomart, docteur en psychologie,
Professeur honoraire de la Faculté des Sciences Psychologiques et de l’Education
de l’Université Libre de Bruxelles et responsable d’une antenne de l’association
« L’école à l’hôpital et à domicile » ainsi qu’à Francine Gillot-de Vries, docteur en
psychologie, Professeur émérite à la Faculté des Sciences Psychologiques et de
l’Education de l’Université Libre de Bruxelles.
Pour terminer, je voudrais remercier toutes les victimes rencontrées en consul-
tation et lors de mes périples au service des organisations humanitaires qui m’ont
inspiré ce livre ainsi qu’à mes collègues et amis qui, d’une manière ou d’une
autre, m’ont encouragé à l’écrire
Préface

Voici un excellent ouvrage, documentaire et didactique, qui arrive à point


pour nous éclairer sur une question encore mal connue ou controversée : les
enfants peuvent-ils souffrir d’un traumatisme psychique, au même titre que les
adultes ? Ou, sinon, sous quelle forme ? Et sous quelle forme selon l’âge et le stade
de développement ?
Évelyne Josse est bien au fait de la question, tant par ses acquis universitaires
et théoriques que par son expérience de terrain, qui l’a conduite sur de multiples
« chantiers » ONG de guerre et de trauma, de par le monde. Dès le titre, qu’elle
a formulé en connaissance de cause, elle se montre presque « provocatrice » en
mentionnant en premier lieu le trauma des nourrissons, tant il est vrai que, si le
sens commun admet le trauma chez les enfants et les adolescents, il répugne
à le discerner chez les nourrissons, protégés en théorie par leur fusion avec la
mère et dont le psychisme angélique nous paraît à mille lieues du trauma. Et
pourtant, dans la mesure où le trauma, rencontre inopinée avec le réel de la mort
et du néant, renvoie brutalement aux éprouvés initiaux (d’avant le langage) de
jouissance par réplétion alimentaire ou de désespoir par anéantissement, il est
coextensif, quasi familier, au monde du nourrisson.
Le plan de l’ouvrage est simple : quatre chapitres, consacrés successivement
1) à l’événement traumatique, 2) à la phase aiguë de l’enfant face à l’événement
traumatisant, 3) à la phase à long terme, et 4) aux spécificités selon l’âge. Et le
style est alerte, concis et rapide bien que dense dans son contenu ; tellement
alerte que l’on prend grand plaisir à suivre le cheminement de la pensée qu’il
exprime. En outre, l’intention didactique est claire, comme une démonstration,
avec des vignettes cliniques judicieusement choisies, et un résumé à la fin de
chaque partie.
Du traumatisme, défini comme un phénomène d’effraction et de déborde-
ment des défenses du psychisme (dont la défense qui consiste à attribuer un sens
à l’événement agressant), on retiendra qu’il provoque une dissociation au sens
de Pierre Janet, puisque la partie du préconscient attachée au corps étranger que
l’effraction laisse subsister dans le psychisme inspire des réactions automatiques
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
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de répétition de l’expérience non intégrée (sursauts, reviviscences, cauchemars),


tandis que le reste de la conscience continue de fonctionner normalement, de
façon élaborée, circonstanciée et adaptée. Et, concernant la conscience enfantine,
Évelyne Josse adopte comme point de départ la distinction de Lenore Terr entre
traumatismes de type I relatifs à une agression unique, et traumatismes de type
II, relatifs à une agression continuée ou répétée ; mais elle y ajoute pertinemment
les traumatismes de type III, relatifs à des agressions multiples exercées préco-
cement et maintenues ensuite pendant une longue période ; ce qui introduit
une autre distinction, entre traumatismes simples et traumatismes complexes.
Elle mentionne aussi la distinction entre traumatismes directs (vécus par le sujet
lui-même) et traumatismes indirects (qui seraient éprouvés indirectement au
contact prolongé avec une personne traumatisée ou par écoute de ses plaintes).
Le distinguo est admis dans le monde anglo-saxon, depuis les observations effec-
tuées sur les enfants évacués de Londres pendant le Blitz ; mais, signalons qu’aux
yeux de l’école francophone, il s’agit de « victimes indirectes », mais non de « trau-
matismes indirects », ce dernier vocable étant un non-sens puisqu’il n’y a pas eu
confrontation directe avec le réel de la mort ; pour les puristes francophones, il
n’y a de traumatismes que directs, même si les victimes indirectes ont éprouvé
quelque chose « de l’ordre du trauma ». La controverse est loin d’être terminée,
compte tenu de réflexions sur la transmission intergénérationnelle du trauma-
tisme (Arménie, Shoah et autres circonstances), que l’auteur mentionne à cette
occasion.
Le grand mérite d’Évelyne Josse est d’avoir finement analysé, dépecé, les
facteurs du trauma chez l’enfant : qu’est-ce qui fait que tel événement violent
va provoquer un trauma chez l’enfant ? Facteurs liés à l’événement, facteurs liés
à l’enfant, facteurs attenant au milieu de récupération. Elle souligne un facteur
pathogène fréquemment observé, qui est le cas de figure de la défection paren-
tale, lorsque l’enfant découvre avec désarroi ou désespoir que ses parents, dont
il entretenait jusqu’alors une image de protection et de toute-puissance, sont
eux-mêmes vulnérables, impuissants et effrayés face à l’événement traumatique,
quand ils ne se lancent pas dans une fuite éperdue, oubliant tous leurs devoirs. Il
s’ensuit dans l’esprit de l’enfant un énorme décontenancement et une impression
de vulnérabilité extrême, sans ultime rempart. C’est dans ce cas de figure que
l’on peut dire que l’enfant expérimente deux traumas à la fois : le sien propre et,
en miroir, celui de ses parents dont il constate la terreur et l’impuissance ; et il ne
Préface
11

s’agit pas d’un trauma « indirect », mais d’un deuxième trauma direct, par immer-
sion dans un partage de la terreur commune à tous ceux qui sont présents, dans
l’immédiat de l’événement.
Évelyne Josse a regroupé dans son chapitre « la phase aiguë » : d’une part la
phase immédiate des premières heures ou du premier jour, et d’autre part la
période post-immédiate qui suit (du deuxième au trentième jour). Elle rappelle à
juste titre que les sujets exposés à un événement potentiellement traumatisant ne
le vivent pas tous sur le mode du trauma : un quart environ le vivent sur le mode
du stress adapté ; les autres le vivent comme un trauma, dans l’effroi, l’horreur, le
sentiment d’impuissance et l’impression d’abandon ; et, surtout, ils le vivent avec
un cortège de symptômes de dissociation et de détresse (voir dans le livre l’inven-
taire et le commentaire très pertinents de ces symptômes) ; le tout donnant lieu
aux réactions de stress dépassé (sidération, agitation, actes automatiques), voire
à des réactions franchement névrotiques et psychotiques (ce qui, en passant,
soulève le problème des rapports du trauma et de la psychose, problème que
Ferenczi avait pointé en qualifiant le premier instant traumatique de « psychose
passagère »). Notons qu’Évelyne Josse consacre des pages passionnantes au trau-
matisme silencieux de l’enfant, à suspecter en particulier dans les cas d’agression
sexuelle par un adulte, un proche, voire un parent.
Quant à la période post-immédiate, ou bien elle voit tout rentrer progressi-
vement dans l’ordre, ou bien elle voit s’installer un syndrome post-traumatique
(ou plus précisément psycho-traumatique), avec persistance des symptômes de
dissociation et apparition de symptômes psycho-traumatiques spécifiques, tels
que symptômes de reviviscence, conduite d’évitement et symptômes d’hyperac-
tivité neurovégétative. Cette période post-immédiate mérite alors – dans ce cas
de figure – le nom de période de latence ou d’incubation (Charcot, avec son
vocabulaire imagé « fin-de-siècle », parlait de période de méditation, de contem-
plation et de rumination). Ici encore, Évelyne Josse s’attache à inventorier dans le
tableau clinique ce qui est particulier à l’enfant, à savoir les symptômes non spéci-
fiques, tels qu’anxiété, dépression, comportements régressifs et troubles somato-
formes. Elle termine ce chapitre en faisant le point des appellations diagnostiques
de ces phases immédiate et post-immédiate dans les nosographies actuelles : la
CIM-10 (Classification Internationale des Maladies Mentales, révision de 1992) a
bien identifié la phase immédiate (« réaction immédiate à un facteur de stress »),
mais elle laisse confondre la période post-immédiate avec l’état de stress post-
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
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traumatique différé et chronique ; quant à la nosographie américaine du DSM


(Diagnosis and Statistical Manual of Mental Disorders), dans sa révision DSM-IV de
1994, elle ne propose rien pour la phase immédiate du premier jour. Par contre,
elle propose le diagnostic d’état de stress aigu pour un tableau clinique qui
correspond à ce qui a été décrit ci-dessus comme période post-immédiate, et lui
assigne des limites de temps (apparition et durée) précis, soit apparaître dans le
premier mois, et durer plus de deux jours (donc au-delà de la phase immédiate)
et jusqu’à un mois.
Le troisième chapitre, consacré à la phase à long terme (au-delà d’un mois),
récapitule le tableau clinique répondant aux critères du diagnostic d’état de stress
post-traumatique du DSM-IV ; mais il y ajoute l’inventaire des symptômes non
spécifiques (considérés comme « symptômes associés » par les cliniciens améri-
cains, mais de quelle « association » s’agit-il ?) et, surtout, les altérations de la
personnalité, tant il est vrai qu’après l’impact du trauma, le sujet a l’impression
d’avoir changé de personnalité et que ses proches ne le reconnaissent plus. En
fait, comme le précise Évelyne Josse, il s’agit d’une altération de la personna-
lité, et non d’une substitution : le sujet traumatisé n’a plus la même manière de
percevoir le monde, de le penser, de le juger, d’y aimer, de vouloir et d’agir ; il a
établi désormais un autre type de relation au monde, à autrui et à soi-même. Et
les deux caractéristiques d’évitement (avoidance) et d’émoussement (numbing)
ne sont que deux aspects de cette altération de la personne, que Fenichel, cité
par Évelyne Josse, avait définie par le triple blocage des fonctions du moi : fonc-
tion de filtration de l’environnement, fonction de présence au monde, et fonc-
tion d’amour ou de relation à autrui. L’ancienne névrose traumatique étageait
la sémiologie psycho-traumatique sur trois plans : le plan des symptômes spéci-
fiques de reviviscence, le plan des symptômes non spécifiques (car on les observe
aussi dans d’autres pathologies), et le plan, sous-jacent aux deux autres, et lui
aussi spécifique, des altérations de la personnalité. Quoi qu’il en soit, seule la
CIM-10 accorde un diagnostic à part pour ce bouleversement traumatique de la
personnalité : « modification durable de la personnalité après une expérience de
catastrophe ».
Concernant l’enfant, les tableaux cliniques décrits par l’auteur réclament leur
spécificité : rêves terrifiants plutôt que cauchemars répétitifs de l’événement, jeux
reproduisant la violence subie initialement, plaintes somatiques, perturbation des
schémas cognitifs et distorsion de certains souvenirs traumatiques, blocages des
Préface
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apprentissages, anxiété de séparation, dépression muette ; et, surtout, retards de


développement, comportements régressifs et « prématuration traumatique ». Ces
trois derniers ordres de symptômes relèvent en fait de l’altération d’une person-
nalité en devenir ; et les critiques anciennes qui assignaient un pronostic favo-
rable au trauma de l’enfant parce que sa personnalité, non achevée et malléable,
était censée disposer de réserves d’adaptation, se trompaient : c’est justement
parce que la personnalité de l’enfant est en devenir qu’elle n’en est que plus
vulnérable, ébranlée dans ses bases et réceptive à l’action délétère définitive de
facteurs nocifs.
Le quatrième et dernier chapitre traite des spécificités selon l’âge. Avant l’âge
de trois ans, l’enfant traumatisé – ou supposé tel car l’argument (discutable) du
défaut de conscience de l’agression est souvent avancé pour nier cette patho-
logie – réagit par des troubles du fonctionnement global, biophysiologique,
moteur, alimentaire, et de l’attachement à la mère ; on observe des ralentisse-
ments, blocages ou régressions du développement, de l’anorexie, de l’insomnie,
des peurs, des pleurs et des cris, et de l’agrippement désespéré à la mère ; mais
on peut observer aussi, dans les cas sévères, l’immobilité et la résignation muette.
Entre trois et six ans, on peut observer des symptômes pathognomoniques du
trauma, tels que mnésies intrusives, évitements, hypervigilance inquiète, anxiété
de séparation, et comportements agressifs. Entre six et douze ans, l’enfant plus
grand dispose d’un registre plus large de protestation : blocage scolaire, perte
de l’envie de jouer, fantasme de vengeance et de culpabilité, conduites régres-
sives, irritabilité, provocations, colères et agressivité. Quant à l’adolescent, dont la
représentation imaginaire de la mort se rapproche de celle de l’adulte, il dévelop-
pera une symptomatologie similaire à celle de l’état de stress post-traumatique
de l’adulte, mais avec des nuances et des variantes propres au bouleversement
biologique et psychologique de cet âge : accès de dépersonnalisation et de modi-
fication corporelle, opposition au monde adulte, comportements asociaux et
délinquants, conduites ordaliques, idées suicidaires avec ou sans passage à l’acte,
actes d’automutilation et d’autodestruction, y compris par le canal de l’addiction
alcoolique ou toxicomaniaque ou de l’anorexie.
Quel message le livre d’Évelyne Josse nous lègue-t-il ? En premier lieu, si l’en-
fant n’a pas acquis un imaginaire « objectif » de la mort, de niveau adulte, il n’en
résulte pas pour autant qu’il est imperméable à l’expérience traumatique d’évi-
dence subite de la mort et du néant ; son imaginaire du néant, encore proche des
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
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premières expériences de dissociation, est peut-être pire que celui de l’adulte.


En second lieu, son immaturité et le non-achèvement de la construction de sa
personne ne le mettent pas à l’abri du trauma ; au contraire, c’est parce que sa
personne n’est pas achevée qu’elle n’en est que plus fragile, plus vulnérable et
plus réceptive à l’impact du trauma et aux frayages de conduite morbides que
ce trauma va engendrer. En fin de compte, du nourrisson agité protestataire ou
silencieux et résigné, et de l’enfant déjà plus grand atteint dans son attachement
à la mère protectrice, à l’enfant scolarisé décontenancé par la découverte de l’im-
puissance de l’adulte, ou stupéfait par la trahison affective d’un parent abuseur
sexuel, et à l’adolescent bouleversé par le trauma annonciateur de mort alors
qu’il traverse une période de mutation de l’existence, instable mais prometteuse
d’avenir, aucun ne pourra parvenir à l’épanouissement de sa personnalité ; et ce
sont des destins compromis que notre époque donne en partage à ces victimes
de la violence du monde.

Louis Crocq
Introduction

Généralement, l’univers des enfants et des adolescents gravite autour d’évé-


nements prévisibles (se réveiller au sein de la famille, fréquenter l’école, parti-
ciper à des activités extrascolaires, jouer, rencontrer leurs amis, vaquer aux
tâches scolaires et familiales qui leur incombent, etc.), dans un environnement
stable (rythmé par la routine et des rituels quotidiens, hebdomadaires, mensuels,
etc.), peuplé de personnes familières (famille, voisins, amis, condisciples, ensei-
gnants, éducateurs, relations des parents, etc.). Les incidents critiques (agressions
sexuelles et physiques, accidents, catastrophes naturelles, guerre, etc.), les deuils
(décès de membres de la famille et de proches), les séparations (suite à l’exil, à un
rapt parental, etc.) et les pertes diverses (de l’habitation, de l’environnement et
des habitudes suite à un déménagement, un incendie, une catastrophe naturelle,
un conflit armé, etc.) explosent ce monde sécurisant et protecteur.
Longtemps on a cru que les nourrissons, les enfants et les adolescents étaient
insensibles au traumatisme. Les plus jeunes n’avaient, pensait-on, ni la maturité ni
l’expérience pour prendre conscience du danger, réaliser le caractère irréversible
de la mort ou percevoir les souffrances endurées par leur entourage ; quant aux
plus grands, ils ne disposaient pas, jugeait-on, de capacité mnésique à long terme
et ne pouvaient donc qu’oublier rapidement leurs frayeurs et leurs chagrins. On
sait aujourd’hui que c’est précisément l’inverse qui se produit. La personnalité
des jeunes victimes étant malléable et inachevée, elle est aisément perturbée
par l’impact du trauma et risque de subir des altérations indélébiles, voire d’être
modifiée dans ses fondements.
Les événements délétères, en particulier s’ils sont extrêmes, répétés ou
prolongés, peuvent avoir de profondes répercussions, possiblement pérennes,
tant sur le développement physique, cognitif et psychique que sur la santé soma-
tique et mentale ou sur le bien-être psychosocial des jeunes sujets. La sévérité
de leurs troubles dépend de facteurs multiples dont le type et la gravité des
situations vécues, leur âge et leur développement, leur personnalité et leurs anté-
cédents, le climat familial et le réseau social.
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
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Après avoir inventorié les événements susceptibles de se révéler traumatiques


pour les nourrissons, les enfants et les adolescents, cet ouvrage décrit de manière
détaillée les réactions qu’ils peuvent manifester à court, moyen et long termes
ainsi que les répercussions possibles sur leur développement. Un dernier chapitre
brosse les tableaux psychotraumatiques spécifiques en fonction de l’âge des
victimes.
Chapitre 1
L’événement traumatique

S MMAIRE

1. Définition
2. L’événement traumatique
3. Les paramètres des événements traumatisants
4. Les types de traumatismes
5. Les paramètres influençant le développement
des syndromes psychotraumatiques
chez les nourrissons, les enfants et les adolescents

1. Définition

Le mot « traumatisme » vient du grec « trauma », τραυμα, blessure. En méde-


cine, il définit la « transmission d’un choc mécanique exercé par un agent
physique extérieur sur une partie du corps et y provoquant une blessure ou une
contusion »1. Transposé à la psychopathologie, il devient traumatisme psycho-
logique ou trauma, soit « la transmission d’un choc psychique exercé par un
agent psychologique extérieur sur le psychisme, y provoquant des perturbations
psychopathologiques transitoires ou définitives »2.

1
L.  Crocq (2007), Stress et trauma, in L.  Crocq (éd.), Traumatismes psychiques. Prise en
charge psychologique des victimes, Issy-les-Moulineaux, Elsevier Masson.
2
Ibid.
L’événement traumatique
18

Louis Crocq précise que le traumatisme psychique ou trauma est « un phéno-
mène d’effraction du psychisme, et le débordement de ses défenses par les exci-
tations violentes afférentes à la survenue d’un événement agressant ou menaçant
pour la vie ou l’intégrité (physique ou psychique) d’un individu, qui y est exposé
comme victime, témoin ou acteur »3.

2. L’événement traumatique

Chez l’adulte, le traumatisme est lié à une situation où une personne a été
confrontée à la mort ou à la menace de mort, à des blessures graves ou au péril
de tels dommages, à des violences sexuelles ou au risque de telles agressions4.
Cet événement constitue donc une menace pour la vie (mort réelle ou possible)
ou pour l’intégrité physique (lésions corporelles, violation de l’intimité) et/ou
mentale (perte de biens personnels, outrage à l’honneur ou aux droits fonda-
mentaux, etc.) d’une personne ou d’un groupe de personnes. Cet événement
produit une peur intense et/ou un sentiment d’impuissance et/ou d’horreur et/
ou de honte et remet en cause les valeurs essentielles de l’existence que sont la
sécurité, la paix, le bien, la solidarité, la morale, le respect, le prix de la vie, etc.
Or la perception de la dangerosité d’un événement et les réactions émotion-
nelles qui en découlent sont directement tributaires du développement 5 du sujet.

3
Ibid.
4
La version en préparation du DSM-V (sortie prévue en mai 2013) stipule que « The person
was exposed to the following event(s) : death or threatened death, actual or threatened
serious injury, or actual or threatened sexual violation, in one or more of the following
ways : 1) Experiencing the event(s) him/herself, 2) Witnessing the event(s) as they occurred
to others, 3) Learning that the event(s) occurred to a close relative or close friend, 4) Expe-
riencing repeated or extreme exposure to aversive details of the event(s) (for example,
first responders collecting body parts ; police officers repeatedly exposed to details of
child abuse) », American Psychiatric Association (APA), “ DSM-5 Development, Acute Stress
Disorder ”, http://www.dsm5.org/ProposedRevisions/Pages/proposedrevision.aspx?rid=166.
5
« Par développement, on entend la maturité en tant que développement physique,
cognitif, socio-émotionnel, linguistique, comportemental et de capacités motrices générales
ou fines » (OMS (2010), « Santé et développement de l’enfant et de l’adolescent », Genève,
http://www.who.int/child_adolescent_health/topics/development/fr/index.html).
L’événement traumatique
19

Les enfants en bas âge, qui manquent à la fois de maturité et d’expérience,


n’ont pas conscience de la particularité de la mort ni des événements qui boule-
versent leur vie et/ou celle de leur entourage. Les décès et la désorganisation
consécutive à un incident critique s’apparentent pour eux à n’importe quelle
expérience de séparation. Or, pour les petits, la séparation est probablement
l’équivalent de la confrontation avec le réel de la mort pour les adultes. Les
nourrissons sont principalement affectés par la disparition des personnes qui les
maternent (celles qui les nourrissent, les lavent, les accompagnent au moment
du coucher, etc.). Les enfants plus grands sont, eux aussi, touchés par la perte
des personnes en charge de leurs soins quotidiens mais également de celles qui
s’occupent d’eux (qui jouent avec eux, les bercent, les éduquent, etc.). Cette
perte peut être réelle (décès, séparation) mais aussi « affective ». C’est le cas, par
exemple, lorsque les parents, mobilisés par leur propre souffrance, se désinté-
ressent de l’enfant et ne lui fournissent plus un maternage adéquat (absence
« psychique »). Les deux situations sont susceptibles d’entraîner des troubles de
l’attachement, la première par rupture des liens, la deuxième par distorsion des
interactions entretenues par les proches avec le bébé6.
Entre trois et cinq ans, les enfants intègrent petit à petit le concept de mort
mais ne réalisent pas qu’un décès représente une séparation définitive. Ils croient
que le défunt regagnera un jour le foyer ou qu’il « vit » dans un autre monde (d’où
il peut les observer, les entendre, etc.).
À cinq ans, ils saisissent le caractère irréversible de la mort mais non son
universalité. Ils l’envisagent pour les adultes, surtout lorsqu’ils sont âgés, mais pas
pour eux-mêmes ni pour leurs proches.
Entre cinq et huit ans, ils comprennent que toute forme de vie est condamnée
à disparaître, y compris la leur.
Ce n’est que lorsqu’ils sont en mesure de réaliser le caractère mortifère d’un
événement, soit après l’âge de trois ans, que ce dernier pourra se révéler trau-
matique au sens conventionnel du terme. Notons que l’éducation, la culture et
la religion (croyances de l’entourage en la résurrection, l’immortalité de l’âme,
les anges gardiens, etc.) influencent la conceptualisation de la notion de mort et

6
Voir infra les attachements insécure et désorganisé dans le sous-chapitre : « Les variables
liées à l’enfant », p. 50.
L’événement traumatique
20

que les expériences vécues (perte d’animaux ou d’êtres chers, maladie grave de
l’enfant ou d’un proche) en accélèrent généralement la compréhension.
Tout comme la perception de la menace vitale, l’appréciation de la gravité d’une
blessure, de la permanence de ses séquelles (par exemple, handicap sensoriel ou
moteur) et de ses répercussions sur la qualité de la vie future dépendent du déve-
loppement cognitif. Les nourrissons et les jeunes enfants en dessous de cinq ans ne
sont généralement pas en mesure de saisir la sévérité d’une atteinte corporelle. Ce
qui fonde leur souffrance, ce sont les douleurs physiques immédiates consécutives
aux lésions et aux soins médicaux éprouvants. Leur corps n’ayant fait jusqu’alors
que l’objet de soins par leurs proches, les enfants sont plongés dans le plus grand
désarroi de se voir abandonnés aux mains étrangères du personnel médical dont les
manipulations les conduisent à expérimenter la douleur. Leur affliction est majorée
par le fait que leurs parents avaient toujours cherché à les protéger et à les défendre
contre tout tourment. En l’occurrence, c’est vers leur mère (ou son substitut) qu’ils
se tournaient spontanément lorsqu’ils éprouvaient des désagréments et ce, dans
le but d’être soulagés. Ces incompréhensibles modifications du comportement de
leurs parents et de leur investissement à leur égard les plongent dans un grand
désarroi. Les petits sont donc généralement peu affectés psychiquement par leurs
blessures, exception faite des douleurs physiques, mais davantage par le boulever-
sement des modes d’interactions entretenus avec leurs figures d’attachement et le
cas échéant, par l’absence d’un adulte de référence.
Après le tremblement de terre de janvier 2010 en Haïti, de nombreux enfants ont
dû être amputés. Parmi les plus jeunes, ceux ne bénéficiant pas de la présence et du
soutien émotionnel d’un parent attentif présentaient les signes les plus manifestes de
détresse (repli, méfiance par rapport aux intervenants, etc.).
Ne pouvant évaluer l’événement à sa juste mesure, certaines jeunes victimes
n’éprouvent pas d’émotions particulières. C’est le cas, par exemple, de certains
enfants abusés sexuellement. À la recherche d’amour, d’affection ou d’attention,
animés par une curiosité sexuelle infantile non génitale (« présexuelle » selon les
termes de Freud), les enfants peuvent accepter l’activité sexuelle avec l’adulte
abuseur afin d’obtenir des gratifications affectives, non sexuelles au sens génital
du terme7. Parfois même, ils recherchent activement ce contact, voire en tirent

7
Dans ces cas, l’adulte arrive à ses fins sans menace ni violence mais en usant de patience,
de séduction, de cadeaux ou de persuasion et se sert des relations affectives nouées antérieu-
L’événement traumatique
21

un certain plaisir. Ils n’éprouvent alors ni effroi, ni impuissance, ni honte au


moment des faits8. Il n’en reste pas moins qu’en grandissant, certains dévelop-
peront des séquelles traumatiques et souffriront à long terme, de façon plus ou
moins intense, de symptômes invalidant leur quotidien et leur développement
personnel.
A contrario, un incident mineur, voire anodin, peut se révéler traumatique
pour un enfant. Entre deux et sept ans, ils comprennent les propos des adultes
mais ne sont pas en mesure d’évaluer leur véracité. Dès lors, ils ne remettent pas
en question les menaces qu’ils profèrent et les tiennent pour vraies.
George, 3 ½ ans, a fait pipi au lit. Son père le morigène et le menace : « On va te
vendre ». Joignant le geste à la parole, il s’empare du téléphone et appelle un ache-
teur imaginaire. Le garçonnet est terrorisé. Il commence à faire des cauchemars, perd
l’appétit et déclenche des attaques de panique lorsqu’il quitte le foyer pour se rendre
à l’école maternelle.
De plus, leur pensée et leur compréhension du monde étant fortement impré-
gnées d’imaginaire, les enfants sont susceptibles d’interpréter péjorativement des
événements sans gravité9.
Natacha, 5 ½ ans, se promène avec ses parents le long de la plage lorsque dans
un moment d’inattention, ils se perdent de vue. Égarée au milieu des vacanciers, elle
est pétrifiée. Moins de dix minutes sont nécessaires pour clore l’incident mais Natacha
en reste affectée et manifeste rapidement des symptômes traumatiques. Comme
le Petit Poucet dans le célèbre conte de Charles Perrault, elle est persuadée que ses
parents ont volontairement voulu l’abandonner. Leurs tentatives pour l’en dissuader
restent vaines. Natacha devient anxieuse, pleure au moment du coucher, se réveille

rement avec l’enfant (« abus du lien affectif »). Voir É. Josse (2007), « Les violences sexospéci-
fiques à l’égard des enfants », http://www.resilience-psy.com/spip.php?article8.
8
Rappelons que l’enfant ne possède pas la maturité qui lui permettrait de comprendre la
signification ou l’enjeu ni de prévoir les conséquences d’un tel contact sexuel. La responsa-
bilité de l’activité sexuelle avec l’enfant doit toujours être attribuée à l’adulte, peu importe
qui a initié la rencontre et qui en retire satisfaction. En effet, c’est à lui, et non à l’enfant, de
discriminer ce qui constitue une transgression aux normes sociales ou morales et de poser
les interdits.
9
Stade de la pensée préopératoire selon Piaget. Voir infra p. 52.
L’événement traumatique
22

terrorisée par des cauchemars et dessine répétitivement un bonhomme qu’elle dit être
« une petite fille toute seule ».
Ne pouvant percevoir la gravité objective d’un événement, les bébés et les
jeunes enfants sont très influencés par la réaction des adultes qui les entourent.
Ainsi, pour un petit enfant, une lésion superficielle ou une séparation temporaire
peut se révéler plus traumatique qu’une blessure profonde ou que le décès d’un
proche si les parents réagissent par un affolement démesuré ou par une afflic-
tion excessive. Dans l’univers des enfants, les adultes sont protecteurs, résistants,
courageux et invincibles. Les voir angoissés et démunis face aux situations traver-
sées peut avoir des effets délétères sur leur sentiment de sécurité.
En résumé, pour l’enfant, ce qui se révèle traumatique dépend principalement
de son âge et de son développement. Les plus petits souffriront principalement
des douleurs physiques, des séparations brutales, des réactions de leurs proches
au drame qui les frappe (lorsque l’enfant est une victime directe) ainsi que du
vécu subjectif de leur entourage par rapport à ce qu’ils affrontent (lorsque les
proches sont des victimes directes). Plus l’enfant grandit, plus les blessures et la
menace vitale perçue deviennent, comme pour l’adulte, les facteurs étiologiques
principaux de troubles ultérieurs.

3. Les paramètres des événements


traumatisants

Tout autant que les adultes, les enfants et les adolescents peuvent être
victimes d’une catastrophe naturelle, d’un conflit armé, d’un accident ou de la
perte d’un être cher. Ils sont aussi particulièrement exposés aux maltraitances
physiques et sexuelles perpétrées par des proches et sont la proie désignée des
prédateurs pédosexuels. Dans certaines contrées, ils sont également à risque de
pâtir de traditions dommageables, notamment des mutilations sexuelles prati-
quées le plus souvent avant l’âge adulte.
L’événement traumatique peut être soit d’origine naturelle (catastrophes), soit
d’origine humaine (agressions, mauvais traitements, accidents, pertes d’êtres chers).
–– Les traumatismes d’origine naturelle. Les enfants et les adolescents
peuvent être affectés par les catastrophes climatiques (ouragans, foudre,
Les paramètres des événements traumatisants
23

inondations, sécheresse, avalanches, etc.), géologiques (tsunamis, coulées


de boue, glissements de terrain, séismes, éruptions volcaniques) ou biolo-
giques (pandémies10 telles SIDA et épidémies11 mortelles dont choléra, shigel-
lose, fièvres hémorragiques, fièvre typhoïde, fièvre jaune, rougeole, etc.).
–– Les traumatismes d’origine humaine. Parmi les traumatismes d’ori-
gine humaine, retenons la violence et les mauvais traitements (agressions,
maltraitance, négligence, violence psychologique, attitudes malsaines,
traditions et pratiques dommageables), les accidents et la perte de
personnes signifiantes.
• Les agressions sexuelles : l’inceste, les abus sexuels, le viol (commis par
un proche, des pervers sexuels, la soldatesque12, le partenaire sexuel,
un prétendant éconduit, une personne voulant humilier ou imposer
son autorité13, etc.), l’esclavage sexuel et la prostitution forcée (dans
les réseaux de prostitutions en Asie14, chez des particuliers15, au sein de
groupes armés dans les contextes de guerre16, etc.). Assimilables aux

10
Une pandémie est une épidémie qui s’étend à la quasi-totalité d’une population d’un ou
de plusieurs continents, voire dans certains cas de la planète.
11
Une épidémie est le développement ou la propagation rapide d’une maladie infectieuse
aux effets significatifs, le plus souvent par contagion, touchant simultanément un grand
nombre de personnes.
12
Dans les conflits armés, les viols sont parfois utilisés comme une arme de guerre. Il s’agit
généralement de viols de masse (perpétrés sur de nombreuses victimes), multiples (une
victime est agressée à plusieurs reprises) et collectifs (la victime est agressée par plusieurs
assaillants), accompagnés le plus souvent de brutalités et de coups.
13
Certains viols collectifs, appelés aussi « viols en réunion » ou « tournantes », sont consi-
dérés comme légitimes par les agresseurs en ceci qu’ils découragent ou punissent des
comportements jugés immoraux ou asociaux chez la jeune fille (par exemple, tenue vesti-
mentaire considérée comme indécente), châtient un gang adverse, humilient une ethnie
considérée comme inférieure (acte raciste) ou constituent des rites de passage pour être
admis dans un groupe. Au sein de populations d’enfants des rues, le viol est aussi utilisé par
les leaders pour contrôler leur troupe et pour faire respecter la « hiérarchie » de la rue.
14
Un million d’enfants travailleraient dans le commerce du sexe en Asie du Sud-Est.
15
En Afrique, en Amérique latine et en Asie, des enfants sont « adoptés » ou engagés par
des familles pour remplir diverses tâches ménagères et satisfaire sexuellement les hommes
de la maison.
16
Des enfants (garçons et fillettes) sont enrôlés par les belligérants dans certains pays
d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Outre les tâches militaires ou ménagères qui leurs
échoient, ils sont utilisés pour assouvir les besoins sexuels des adultes.
L’événement traumatique
24

violences sexuelles, retenons les soins abusifs et le maternage sexua-


lisé. Ils sont le plus souvent attribués aux mères. Ce nursing patho-
logique est généralement justifié par des prétendues considérations
d’ordre hygiénique, médical ou éducatif. Citons les vérifications anales
et vaginales, les toilettes intravaginales, les lavements excessifs ainsi
que les prises de température injustifiées ou l’administration immo-
dérée de suppositoires par voie rectale.
• La maltraitance physique : les brutalités (par exemple, le fait de secouer
un bébé17, coups et blessures, corrections corporelles, etc.), l’exploi-
tation comme domestique, comme main d’œuvre (dans les ateliers
clandestins, les industries, les gisements de minerais, les travaux des
champs, etc.) ou comme enfants soldats (utilisés comme porteurs,
boucliers humains, détecteurs de mine, ravitailleurs, etc.), etc.
• Les agressions interpersonnelles entre pairs : le racket18, les bagarres
entre jeunes, les guerres entre gangs, les vols avec violence, les jeux
violents19, la violence amoureuse, etc.
• La négligence grave : le défaut de soins, d’alimentation, d’hygiène et/ou
d’éducation, les conditions matérielles de vie intolérables (par exemple,
couchage à même le sol dans une pièce sans lumière ni chauffage), la
privation d’affection, etc.
• La violence psychologique exercée par les adultes ou par les pairs : les
brimades, les humiliations (dévalorisations, injures, etc.), les sarcasmes,
le mépris, le rejet, l’isolement forcé (par exemple, ignorer l’enfant ou
le priver de contacts), l’exclusion (par exemple, l’écarter d’événements
signifiants tels que fêtes familiales ou communautaires), le harcèlement

17
Le fait de secouer un nourrisson peut provoquer un traumatisme crânien nommé
« syndrome du bébé secoué » à l’origine de séquelles irrémédiables (paralysie, retard mental,
cécité, épilepsie, etc.) et dans les cas les plus dramatiques, du décès.
18
Extorsions répétées de biens (argent, objets, vêtements, etc.) ou contrainte à exécuter
des actes sous la menace, parfois accompagnées de violence physique.
19
Par exemple, le petit pont massacreur ou jeu de la cannette, le jeu du carton rouge, le
happy slapping (vidéo-lynchage), etc. Ces « jeux » consistent à passer à tabac un camarade
désigné de manière arbitraire (par exemple, parce qu’il est celui de la classe portant le plus
grand nombre de pièces vestimentaires d’une certaine couleur) ou parce qu’il a « raté » une
épreuve (ne pas avoir saisi une balle, une cannette de soda, etc.).
Les paramètres des événements traumatisants
25

(par exemple, enfant désigné comme bouc émissaire par ses condis-
ciples), la cyberintimidation20, les privations de toutes sortes (nourri-
ture, loisirs, sorties, etc.), les menaces, le chantage, la soumission à des
règles et à des rites rigides (édictés par le chef de famille, le gourou d’un
mouvement sectaire philosophique, spirituel ou religieux, etc.), etc.
• Les attitudes malsaines : un climat et des conduites sexualisés, la promis-
cuité sexuelle, l’exhibitionnisme et les confidences érotiques de la part
d’adultes (au sein de la famille, dans les sectes, etc.).
• Les traditions et pratiques dommageables : les mutilations sexuelles
(clitoridectomie21, excision22, infibulation23, etc.), les mariages forcés24,
les mariages des filles violées25, les rites de passage assortis de bruta-
lités26, etc.

20
La cyberintimidation (en anglais, cyberbullying) englobe tout acte d’intimidation commis
par le biais du courrier électronique, des blogs, des chats et des sites de réseautage social
(MSN, Facebook, MySpace, etc.). Elle est en constante augmentation et évolue au rythme
des nouvelles technologies. La cyberintimidation cause d’autant plus de ravages qu’elle
n’est limitée ni dans l’espace ni dans le temps. En effet, les données sensibles (par exemple,
révélation de l’orientation sexuelle), les rumeurs et les fausses allégations sont diffusées
rapidement à un grand nombre d’internautes. De plus, l’information est potentiellement
pérenne car enregistrée simultanément sur de multiples ordinateurs, elle ne peut être éradi-
quée aisément. Soulignons encore que les attaques sont souvent plus virulentes que celles
lancées dans les cours d’école, les agresseurs réalisant moins leur portée face à leur écran que
lorsqu’ils sont confrontés aux réactions de leur victime.
21
Ablation de l’extrémité du clitoris ou du capuchon clitoridien.
22
Excision partielle ou totale du clitoris et souvent, des petites lèvres.
23
Également appelée circoncision pharaonique : clitoridectomie totale, ablation des petites
lèvres, incision presque totale des grandes lèvres et suture de ce qui reste des grandes lèvres
couvrant l’urètre et l’entrée du vagin et ne laissant qu’un minime pertuis très postérieur pour
le passage de l’urine et des règles.
24
La coutume consistant à marier des enfants ou de jeunes adolescents (en particulier des
fillettes) est répandue dans de nombreux endroits du monde (par exemple, au Bengladesh,
au Népal, en Somalie, en Afrique subsaharienne, etc.).
25
Dans certaines sociétés, la fille violée se voit imposer d’épouser son agresseur afin de
laver l’honneur de sa famille.
26
La douleur et la sexualité occupent une place essentielle dans les rites de passage (par
exemple, douloureuses morsures de fourmis venimeuses sur le sexe des garçonnets).
L’événement traumatique
26

Les actes de violence peuvent être commis par :


–– un membre de la famille : un parent, un grand-parent, un oncle ou une
tante, un frère ou une sœur, un cousin ou une cousine, etc. (par exemple,
dans les abus sexuels et la violence intrafamiliale).
–– une connaissance : un voisin (par exemple, dans les génocides, les abus
sexuels, etc.), un professeur, un éducateur ou un responsable d’organisa-
tion fréquentées par l’enfant, un représentant religieux (par exemple, dans
les abus sexuels), un médecin (par exemple, dans les erreurs médicales,
les excisions27, etc.), un pair ou un enfants plus âgé (par exemple, dans
le racket, les jeux violents, les vols, les bagarres entre bandes, le harcèle-
ment, la cyberintimidation, etc.), etc.
–– un étranger (par exemple, dans les vols de toutes sortes, les viols, les
guerres, etc.).

Il est fréquent qu’un enfant ou un adolescent subissant une forme de violence


(sexuelle, physique ou psychologique) soit également exposé à des violences
d’une autre nature. Par exemple, un garçonnet peut être battu (violence
physique), violé (violence sexuelle) et humilié (violence psychologique) par son
père ou le compagnon de sa mère.
L’enfant ou le jeune peut être victime de la violence familiale, communautaire
ou collective. Par exemple, une fillette peut subir un inceste dans son propre
foyer (violence familiale), être sexuellement agressée par un gang semant la
terreur dans son quartier (violence communautaire) ou être violée par un mili-
cien exhorté par ses chefs à agir ainsi dans le cadre d’un conflit armé (violence
collective).
L’enfant ou l’adolescent peut avoir été sujet de la violence ou en avoir été
témoin (par exemple, avoir vu sa mère être battue par son père, avoir été présent
lors d’un inceste perpétré sur un frère ou une sœur, avoir assisté à des meurtres
ou à des viols dans les contextes de génocides et de conflits armés, etc.). Il peut
également en être acteur. Dans les contextes de conflits armés, il n’est pas rare
que des enfants et des jeunes soient partie prenante de la violence collective.

27
Certains médecins acceptent de pratiquer les excisions à l’hôpital. Si les risques d’infec-
tion et de saignement sont ainsi diminués, il n’en est rien des nombreuses conséquences
néfastes pour la santé reproductive et sexuelle.
Les paramètres des événements traumatisants
27

Ainsi, durant le génocide rwandais, 24,7 % des agressions à l’égard des femmes
tutsi ont été perpétrées par des enfants28. Dans de nombreux pays, des enfants
soldats sont traumatisés d’avoir, sous la contrainte, commis des exactions cruelles
comme violer ou tuer un membre de leur famille et d’avoir participé à des rites
ignobles tels que des actes cannibales (boire le sang de leur victime et manger
leur chair29). En temps de paix, des jeunes peuvent également être entraînés par
des proches à se livrer à des actes barbares ou avoir provoqué accidentellement
une catastrophe.
Le père de Khalil navigue dans un milieu louche. À ses activités professionnelles
légales, il en mêle d’illicites, ce qui l’expose aux menaces, aux chantages et aux règle-
ments de compte. Khalil a une quinzaine d’années lorsque son père l’initie à torturer
des maîtres-chanteurs et autres personnages gênants. Vingt ans plus tard, devenu
adulte, Khalil continue d’être la proie de cauchemars sanglants qui le réveillent en
sueur deux à trois fois chaque nuit.
Marc a 7 ans, sa sœur trois de moins. Ils sont assis sur le siège arrière lorsque le
garçonnet défie sa sœur de sauter du véhicule en marche. La petite ouvre la portière,
tombe et se blesse grièvement. Suite à l’accident, Marc développe une souffrance trau-
matique faite de cauchemars et de souvenirs intrusifs de la chute.
–– Les accidents : les accidents domestiques (chutes, brûlures thermiques
et chimiques, intoxications médicamenteuses et chimiques, coupures,
suffocations et asphyxies, électrocutions, morsures par un animal domes-
tique, etc.), les explosions accidentelles, les accidents de loisirs et de sport
(noyades, chutes de cheval, de vélo, de ski, etc.), les incendies, les erreurs
médicales, les accidents routiers, ferroviaires et aériens, les accidents tech-
nologiques, industriels et nucléaires, etc.
–– Les pertes de personnes signifiantes : l’abandon de l’enfant par ses
parents, le décès tragique d’un proche (membres de la famille, amis,
condisciples, éducateurs, voisins, etc.), la rupture des liens après une sépa-
ration conjugale (divorce, rapt parental) ou familiale (par exemple, suite

28
AVEGA « Agahozo » (1999), « Étude sur les violences faites aux femmes », document de
l’association, Kigali.
29
Des nombreux cas de cannibalisme ont été rapportés au Libéria durant les différentes
guerres qui ont secoué le pays jusqu’en 2003. Les enfants soldats mangeaient le cœur de
leurs victimes pour devenir invincibles.
L’événement traumatique
28

à l’expatriation, l’émigration, l’incarcération ou l’enrôlement au sein des


forces armées d’un parent, suite à la dispersion accidentelle de la famille
au cours de la fuite dans les conflits armés, au déménagement, au change-
ment d’établissement scolaire, etc.), l’éloignement de l’enfant en raison de
son hospitalisation (gravement malade ou grièvement blessé), etc.
Plus encore que les adultes, les enfants et les adolescents sont sensibles aux
ruptures affectives. En effet, les relations qu’ils établissent avec des figures d’atta-
chement constituent le substrat sur lequel se tissent leurs sentiments de sécu-
rité et de confiance30. Une séparation brutale peut compromettre gravement
leur développement émotionnel et conduire ultérieurement à des troubles de
la personnalité31. La privation de « tuteur de développement »32 non compensée
par des « tuteurs de résilience »33 se révèle d’autant plus pernicieuse qu’elle est
précoce.

4. Les types de traumatismes

4.1 Les traumatismes de type I, II et III, simples


et complexes
C’est à Lenore Terr34 que l’on doit la première typologie des traumatismes.
Elle distingue deux catégories : les traumatismes de type I et de type II.
–– Elle entend par traumatisme de type I un traumatisme induit par un
événement unique, limité dans le temps, présentant un commencement
net et une fin claire.

30
Voir infra les différents type d’attachements dans le sous-chapitre : « Les variables liées à
l’enfant », p. 50.
31
Voir infra les attachements insécures et désorganisés dans le sous-chapitre : « Les variables
liées à l’enfant », p. 50.
32
Selon l’expression de Boris Cyrulnik.
33
Selon l’expression de Boris Cyrulnik.
34
L.C. Terr (1991), “ Childhood traumas : an outline and overview ”, Am. J. Psychiatry, 148 :
10-20.
Les types de traumatismes
29

–– Elle parle de traumatisme de type II lorsque l’événement à l’origine


des troubles s’est répété, lorsqu’il a été présent constamment ou qu’il a
menacé de se reproduire à tout instant durant une longue période.

Eldra Solomon et Kathleen Heide35 spécifient une troisième catégorie, le trau-


matisme de type III, pour décrire les conséquences d’événements multiples,
envahissants et violents débutant à un âge précoce et présents durant une longue
période.
Judith Herman36, professeur à la Harvard Medical School, choisit de classer les
traumatismes en deux catégories : les traumatismes simples et complexes.
–– Sa définition des traumatismes simples les assimile aux traumatismes
de type I définis par Terr.
–– Par traumatisme complexe, elle désigne le résultat d’une victimi-
sation chronique d’assujettissement à une personne ou à un groupe
de personnes. Dans ces situations, la victime est généralement captive
durant une longue période (mois ou années), sous le contrôle de l’auteur
des actes traumatogènes et incapable de lui échapper. Ces traumatismes
complexes sont à rapprocher des traumatismes de type II précisés par Terr
et s’ils débutent à un âge précoce, aux traumatismes de type III définis par
Solomon et Heide.

Les agressions et les accidents peuvent ne constituer qu’un événement ponc-


tuel dans la vie d’un enfant ou d’un jeune alors que les abus sexuels, la maltraitance
physique et sexuelle, les rackets, l’esclavage sexuel, l’enfermement dans les camps
de détention et de concentration, le travail forcé, les traditions dommageables
et l’exposition aux violences conjugales sont le plus souvent caractérisés par une
addition et une succession de violences. Les premiers exposent les enfants et les
adolescents à un événement unique, circonscrit dans le temps,  imprévisible et
d’apparition brutale ; les seconds les soumettent à une violence durable, répétée,
exempte de surprise, voire prévisible. Les premiers sont des traumatismes de type

35
E.P. Solomon & K.M. Heide (1999), “ Type III Trauma : Toward a More Effective Concep-
tualization of Psychological Trauma ”, Int J Offender Ther Comp Criminol., 43 : 202-210.
36
J. Herman (1997), Trauma and recovery : The aftermath of violence from domestic abuse to
political terror, New York, Basic Books.
L’événement traumatique
30

I selon la terminologie de Terr ou traumatisme simple selon Herman, les seconds


sont des traumatismes de type II selon Terr, de type III selon Solomon et Heide
ou encore des traumatismes complexes selon Herman.
Il est important de ne pas confondre un enfant dont la vie est émaillée de
nombreux traumatismes simples (par exemple, chutes et accidents répétés) avec
celui qui souffre de traumatisme complexe.

4.2 Les traumatismes directs et indirects


4.2.1. Les traumatismes directs

On parle de traumatisme direct lorsque la victime a été confrontée au senti-


ment de mort imminente, à l’horreur ou au chaos. Elle peut avoir été sujet, acteur
ou témoin de l’agression ou de la menace soudaine qui a mis en danger sa vie,
son intégrité physique ou mentale ou celles d’autrui.
L’enfant ou l’adolescent peut être la victime directe d’un incident critique qu’il
a enduré (traumatisme simple de type I ou complexe de type II ou III), dont il
a été le témoin ou qu’il a provoqué volontairement ou involontairement. Par
exemple, il peut avoir subi une agression, un accident, une catastrophe natu-
relle ou des abus sexuels, être perturbé après avoir assisté à une bagarre, un
viol, un meurtre ou aux violences entre ses parents ou souffrir d’avoir causé des
dommages à autrui.

4.2.2. Les traumatismes indirects : la cicatrice sans la blessure

L’enfant ou l’adolescent peut être une victime indirecte d’un événement,


c’est-à-dire pâtir psychologiquement d’une situation vécue par autrui.

4.2.2.1. La transmission du traumatisme


La traumatisation indirecte se définit comme une souffrance spécifique
éprouvée par les personnes en relation étroite avec un sujet ou un groupe de
sujets en détresse.
En 1939, au début de la seconde guerre mondiale, devant la menace de
bombardement des grandes villes, en particulier de Londres, le gouvernement
Les types de traumatismes
31

britannique a pris la décision d’évacuer 1.500.000 enfants vers les campagnes,


notamment vers Cambridge. Les premiers résultats, antérieurs aux bombar-
dements, sur les effets de l’évacuation rapportés par la Société Britannique de
Psychologie sont rassurants, le pourcentage d’enfants évacués présentant des
troubles était comparable à celui de la période antérieure de paix (8 %). Mais dès
les premiers mois de 1941, lorsque surviennent les bombardements, la préva-
lence des troubles atteint 45 à 50 % des enfants qu’ils aient été évacués ou non37 !
Les enfants pris sous le feu des bombardements ont manifesté les réactions les
plus intenses tandis que les enfants évacués ont souffert de conséquences plus
persistantes et plus pernicieuses. Éloigner les enfants du danger ne leur avait
donc pas épargné la souffrance traumatique. On découvrait ainsi qu’un enfant,
même très petit, pouvait être « contaminé » par le vécu de son entourage38.

4.2.2.2. La transmission intergénérationnelle des traumatismes

Vers la fin des années 1960, des professionnels de la santé mentale ont
remarqué que nombre d’enfants de rescapés de la Shoah nés après la guerre
présentaient des signes cliniques analogues à ceux de leurs parents et ce, même
si ces derniers avaient tu les atrocités qu’ils avaient endurées39. Ils manifestaient
fréquemment des troubles dépressifs et anxieux (vulnérabilité dans les situations

37
S. Isaacs, S.C. Brown & P.H. Thoulness (1941), The Cambridge evacuation survey, London,
Methuen.
38
Voir M.F. Barnes (1997), Understanding the secondary traumatic stress of parents, in
C.R. Figley, Burnout in Families : The Systemic Costs of Caring, CRC Press, 75-90 ; C.A. Erickson
(1989), Rape and the family, in C.R. Figley (1989), Treating stress in families, New York,
Brunner/Mazel, 257-290 ; C.R. Figley (1983), Catastrophes : A overview of family reactions,
in C.R. Figley & H.I. McCubbin (1983), Stress and the Family : Volume II : Coping with Catas-
trophe, New York, Brunner/Mazel, 3-20.
39
Voir H. Barocas & C. Barocas (1973), “ Manifestations of concentration camp effect on
the second generation ”, American Journal of Psychiatry, 130, 820-821 ; H.  Epstein (2005),
Le traumatisme en héritage. Conversations avec des fils et filles de survivants, Paris, La Cause
des Livres ; J. Kestenberg (1983), “ Psychoanalysis of children of survivors of the Holocaust :
Case presentation and assessment ”, Journal of the American Psyhoanalytic Association, 28,
775-804 ; C.  Vegh (1979), Je ne lui ai pas dit au-revoir, Paris, Gallimard ; N.  Zajde (2005),
Enfants de survivants, Paris, Odile Jacob ; L.  Williams-Keeler (1998), “ PTSD transmission : a
review of secondary traumatization in Holocaust survivor families ”, Canadian Psychology,
http://findarticles.com/p/articles/mi_qa3711/is_199811/ai_n8810928.
L’événement traumatique
32

de stress, réactions de panique, terreurs, peurs injustifiées pour eux-mêmes et


leurs proches dont peur d’être persécutés et de mourir, phobies, impression de
menace de mort imminente, sentiments d’insécurité, angoisse de séparation). Ils
démontraient une susceptibilité plus grande à développer un syndrome psycho-
traumatique en cas d’incident critique40. Leur sommeil était agité par des cauche-
mars similaires à ceux qui hantaient les nuits des survivants. Dans leurs relations,
ils se montraient méfiants, facilement irritables et sujets à des explosions d’agres-
sivité. Ils éprouvaient d’intenses sentiments de culpabilité principalement liés à
la sexualité ainsi qu’aux sentiments ambivalents mêlant honte, pitié, admiration,
ressentiment et colère conçus à l’égard de leurs parents. Certains retournaient
leur agressivité contre eux-mêmes et adoptaient des comportements autodes-
tructeurs. N’ayant pas été confrontés personnellement à la persécution antisémite
et à l’extermination des juifs, ils ne comprenaient pas ce qui les faisait souffrir.
Isi, enfant de parents rescapés d’un camp de concentration, raconte : « Depuis
tout petit, je rêve que je m’enfuis, que je fracasse la porte de ma chambre et que je
m’échappe. Je cours, je cours, je cours sans m’arrêter, je dois dépasser de nombreux
obstacles… C’est horrible… »
Ces diverses réactions évoquant le psychotraumatisme de leurs parents
rescapés, les cliniciens ont émis l’hypothèse que les traumatismes extrêmes
pouvaient se transmettre d’une génération à l’autre. Les observations d’enfants
de parents victimes de torture et de parents portés disparus en Argentine ont
renforcé ce postulat41.
Les recherches menées auprès des descendants de survivants de la Shoah et
du génocide arménien concluent qu’intégrer de tels traumatismes nécessite au
moins deux générations42.

40
Z. Solomon, M. Kotler & M. Mikulincer (1988), “ Combat-Related Posttraumatic Stress
Disorder among second-generation Holocaust survivors : Preliminary findings ”, American
Journal of Psychiatry, 7, 865-868 ; R. Rosenheck & P. Nathan (1985), “ Secondary Traumatiza-
tion in children of Vietnam Veterans ”, Hospital and Community Psychiatry, 5, 538-539.
41
H.  Flamand, « La transmission intergénérationnelle : des traumatismes », http://www.
minkowska.com/article.php3 ?id_article=157 ; M. Vinar (1988), Exil et torture, Paris, Denoël.
42
Voir J.J. Sigal, V.F. DiNicola & M.  Buonvino (1988), “ Grandchildren of survivors : Can
negative effects of prolonged exposure to excessive stress be observed two generations
later ? ”, Canadian Journal of Psychiatry, 33, 207-212 ; J. Altounian (1990), Ouvrez-moi seule-
ment les chemins d’Arménie. Un génocide aux déserts de l’inconscient, Paris, Les Belles Lettres ;
Les types de traumatismes
33

Des termes tels que traumatisme indirect, traumatisme secondaire et trau-


matisme empathique sont utilisés pour décrire la transmission des traumatismes
entre les générations.
Le psychotraumatisme des descendants est une « pathologie acquise » 43 d’une
génération à l’autre dont le mode de transmission serait le récit des horreurs
subies par les parents ou, paradoxalement, le silence, les secrets et les non-dits.
En effet, les enfants privés d’information sur les épreuves que leur famille a traver-
sées présentent davantage de symptômes que les autres44. L’inhibition massive
des affects et les troubles dépressifs des parents joueraient également un rôle
primordial dans le développement de symptômes chez les enfants.
Notons que si le traumatisme peut se transmettre d’une génération à l’autre,
il en va de même des capacités de résilience45. Les études ont montré que les
enfants et petits-enfants de rescapés présentent certains traits de caractère qui
sont ceux qui ont permis à leurs ascendants de survivre. Ils démontrent une
grande capacité à faire face et à s’adapter aux challenges. Ils font preuve d’initia-
tive et de ténacité. Manifestant des fortes aspirations à se réaliser, ils se tournent
vers les hautes études, ce qui les conduit à réussir socialement. Mus par des
valeurs familiales fortes, ils fondent des couples et des familles stables46.

V.  Yeghicheyan (1983), « Des problèmes de filiation après le vécu collectif d’un géno-
cide (à propos de la minorité arménienne en diaspora) », Revue française de psychanalyse,
4, 971-985 ; M.-L. Aubignat (2007), « Répercussions psychopathologiques de la Seconde
Guerre mondiale sur la troisième génération », JIDV 14, tome 5, no 2, janvier 2007, http://
www.jidv.com/njidv/index.php/archives/par-numero/jidv-14/120-jidv-14/217-repercus-
sions-psychopathologiques-de-la-seconde-guerre-mondiale-sur-la-troisieme-generation-
43
Selon H. Krystal (1988), Integration and Self-healing : Affect-Trauma-Alexithymia, London,
Routledge.
44
C.  Rousseau (1994), « La place du non-dit : éthique et méthodologie de la recherche
avec les enfants réfugiés », Santé mentale au Canada, hiver 1993-1994, 13-17.
45
On appelle résilience la capacité à rebondir après un événement traumatique ou une
situation difficile prolongée. Actuellement, il n’existe pas de consensus entre spécialistes
quant aux critères d’évaluation de la résilience. Sont souvent retenus la compétence sociale
(activités, style d’attachement, relations sociales, réussite scolaire et intellectuelle, inser-
tion professionnelle) et la symptomatologie clinique (bien-être psychologique, absence de
troubles psychiatriques). Notons qu’un individu peut manifester de la résilience dans un
domaine et non dans un autre.
46
Voir H. Epstein (2005), Le traumatisme en héritage. Conversations avec des fils et filles de
survivants, Paris, La Cause des Livres.
L’événement traumatique
34

L’enfant ou l’adolescent peut donc être la victime indirecte d’événements


anciens vécus par son entourage proche mais peut également souffrir des consé-
quentes funestes d’une violence actuelle exercée à l’encontre d’un tiers. Par
exemple, il peut être douloureusement éprouvé par le fait que sa mère, ébranlée
par le viol qu’elle a subi, soit devenue incapable de s’occuper correctement de lui.
Il peut aussi développer une véritable symptomatologie traumatique au contact
d’un frère ou d’une sœur blessé accidentellement, gravement malade, etc.

5. Les paramètres influençant


le développement des syndromes
psychotraumatiques chez les NOURRISSONs,
LES enfants et les adolescents

L’exposition à un événement grave ne suffit pas pour engendrer une souf-


france traumatique. Tous les enfants et adolescents ayant vécu un événement
pénible ou effrayant ne développent donc pas un syndrome psychotraumatique.
Plus encore que celles des adultes, leurs réactions sont modulées, voire détermi-
nées, par une multiplicité de facteurs.
Les paramètres influençant l’apparition des symptômes, leur fréquence et/
ou leur intensité ainsi que le processus de récupération psychique se divisent en
trois catégories : les variables liées à l’événement, les facteurs propres à l’individu
et les caractéristiques du milieu de récupération. Plus les facteurs de risque se
cumulent, plus l’apparition d’un trouble post-traumatique est probable et poten-
tiellement grave et chronique.

5.1 Les variables liées à l’événement

La sévérité d’un incident critique est fonction de sa nature, de sa durée et de


sa fréquence. Dans les cas de violence, l’identité de l’agresseur et sa proximité
relationnelle avec la jeune victime constituent également des variables essentielles.
Le lien entre la gravité objective d’un événement et son impact est plus relatif
chez l’enfant que chez l’adulte. Plus il est jeune, plus le facteur déterminant de sa
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
35

souffrance semble être le vécu subjectif de son entourage direct. Plus il grandit,
plus les blessures et la menace vitale perçue deviennent, comme pour l’adulte, les
causes majeures de troubles ultérieurs.
–– L’intensité et la gravité de l’événement. Parmi les incidents critiques
les plus délétères frappant les enfants et les adolescents, citons :
• La perte tragique d’une personne signifiante. Elle est d’autant plus
dommageable pour l’enfant ou le jeune qu’il était attaché affective-
ment au défunt (tuteur de développement). Le décès d’un être cher est
une épreuve pour les tout petits comme pour les enfants plus grands.
Néanmoins, nous l’avons vu, la compréhension du concept de mort
évolue avec la maturité.
Anne, une fillette de 10 ans, est en vacances avec ses parents. Alors que
la famille est en ballade, son père, jusqu’à ce jour en bonne santé, se
plaint subitement de céphalées violentes, se prend la tête dans les mains
et s’écroule raide mort, la bouche ouverte et les yeux écarquillés. Sa mère,
désespérée par la disparition tragique de son époux, sombrera dans une
dépression profonde qui durant plusieurs années la rendra inapte à offrir à
sa fille l’affection dont elle a besoin.
Béatrice a 8 ans lorsqu’on lui annonce le décès brutal de sa mère tuée sur
l’autoroute par un conducteur roulant à contresens.
Martin a 5 ans lorsqu’une nuit, se rendant aux toilettes, il trouve son père
pendu au dessus de la baignoire.
• Les violences sexuelles. Les troubles psychotraumatiques sont plus
marqués lorsque l’agression est sévère (la pénétration pénienne serait
plus traumatogène que les attouchements47), qu’elle est perpétrée par
un proche (les symptômes seraient plus importants si l’agresseur est le
père48) et que le degré de violence physique et de coercition est élevé

47
Voir G.  Vila, Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer les
risques de conséquences à moyen et long terme ?, in Fédération française de psychiatrie
(2004), « Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir », http://
lincesteparlonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF.
48
Ibid.
L’événement traumatique
36

(par exemple lorsque l’auteur a recouru ou menacé de recourir à la


violence physique, au meurtre, etc.)49.
Brigitte a 12 ans lorsque sa mère quitte le foyer, l’abandonnant à la garde
de son père. Celui-ci l’entraîne alors dans les travers de sa vie débridée et
l’implique personnellement dans les partouzes qu’il organise avec ses amis.
Depuis sa plus tendre enfance jusqu’au jour de ses 18 ans où elle fuit sa
famille, Pamela sera régulièrement abusée par son père.
Immaculée, une petite rwandaise, a 4 ans lorsqu’en 1994, durant le géno-
cide, elle est sauvagement violée par trois génocidaires.
Germaine, une jeune congolaise du Sud Kivu, a 11 ans lorsque son père
l’emmène dans la chambre en lui déclarant qu’il va lui montrer « comment
vivre avec un garçon ». La fillette se débat lorsqu’il tente de la pénétrer. Il
se saisit du couteau déposé au pied du lit et la menace : « Je te tue si tu
refuses ». Après qu’il l’a violée, elle s’enfuit et cherche de l’aide auprès des
voisins qui la chassent en la traitant de sorcière.
• La maltraitance physique. Elle laisse d’autant plus de séquelles psychiques
que les violences sont graves et fréquentes.
Alain naît dans un foyer heureux jusqu’au jour où alité de longs mois suite
à un accident de travail, son père désœuvré se met à boire. Très rapide-
ment, il devient violent avec son épouse qu’il maltraite devant Alain et son
frère. Quelques mois plus tard, il s’en prend aux enfants. En moins d’un an,
les violences sont devenues quotidiennes. À bout de force, la mère prend la
fuite avec ses fils et se réfugie dans un foyer pour femmes battues.
Simon ne se souvient pas d’un seul geste de tendresse de la part de son
père. Toute son enfance et son adolescence, il n’a reçu de lui que des coups
de pieds, de poings et de ceinture.
• La négligence grave.
Martine a 5 ans lorsque ses parents se séparent. Leur père déménageant
à l’étranger, elle et sa cadette âgée de 3 ans sont confiées à la garde
exclusive de leur mère. Pour assurer les fins de mois difficiles, cette dernière

Voir D.A. Wolfe, L. Sas & C. Wekerle (1994), “ Factors associated with the development
49

of posttraumatic stress disorder among child victims of sexual abuse ”, Child abuse Negl
1994, 18, 37-50.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
37

cherche un travail d’appoint et trouve un emploi de serveuse dans un débit


de boisson. Lorsqu’elle preste les soirs de fin de semaine, ses filles restent
seules dans l’appartement, sans surveillance. Martine est chargée de s’oc-
cuper de sa petite sœur (lui donner son repas, la mettre au lit, etc.). La mère
rentre de plus en plus tard, traînant au bar après son service et finit par
découcher régulièrement ne rejoignant son domicile que le lendemain en
fin de matinée. Un week-end, elle ne rentre pas. Le frigo est vide. Martine
est désemparée devant sa petite sœur qui pleure de faim. Elle demande de
l’aide aux voisins de palier. Ils accueillent les enfants et alertent l’assistance
sociale.
• La violence psychologique.
Rodrigo, à peine sorti de l’adolescence, nous illustre la violence psycho-
logique exercée par son père : « Et pourtant, il ne nous a jamais frappé.
Parfois, je me dis que cela aurait peut-être été préférable. Les coups, ça fait
mal sur le moment mais après ça passe. Il nous a cassés, moi et mon frère.
Il a brisé ma personnalité. Je me sens comme une merde. C’est d’ailleurs ce
qu’il nous disait toujours « Vous n’êtes que des merdes, on ne tirera jamais
rien de bon de vous. » J’ai brillamment réussi cette année d’étude supé-
rieure et je me sens quand même comme une merde… ».
« Il y avait les injures, bien sûr. Et les critiques. Rien ne trouvait grâce à
ses yeux. Les cousins, les voisins, tous faisaient toujours mieux, parlaient
mieux, jouaient mieux, réussissaient mieux à l’école, pissaient mieux, bref,
ils étaient mieux en tout et tout le temps. Mais finalement, mes pires souve-
nirs, c’est quand il me promettait quelque chose qui me faisait vraiment
plaisir comme aller au cinéma ou voir un match de foot et qu’au moment
de partir, il disait en ricanant « Je n’ai pas le temps, j’ai une urgence, je n’ai
pas d’argent, la voiture est en panne, il n’y a pas suffisamment d’essence »
ou un truc du genre. Il me regardait avec un sourire mauvais. Il prenait un
plaisir évident à me faire mal, à me faire souffrir » rapporte Émile, un grand
adolescent qui vient de quitter le foyer parental.
• Les accidents graves. Ils sont d’autant plus néfastes à la santé mentale
qu’ils ont occasionné des blessures importantes. Une fois guéris, les
enfants blessés souffrent davantage de symptômes psychotrauma-
tiques que ceux qui s’en sont sortis sains et saufs. Toutefois, para-
doxalement, dans la phase post-immédiate, ils présentent générale-
L’événement traumatique
38

ment moins de troubles que leurs pairs indemnes. La sollicitude de


l’entourage, les soins dont ils sont l’objet et la mobilisation psychique
exercée par les sensations physiques douloureuses leur apporteraient
une diversion temporaire qui postposerait la confrontation au trau-
matisme. Les enfants qui n’ont pas été blessés devraient quant à eux
faire face immédiatement à la charge émotionnelle et subjective de
l’événement 50.
Suite à une mauvaise chute ayant causé une fracture d’une vertèbre
lombaire, Sarah, 7 ans, sera hospitalisée plusieurs semaines et devra porter
un corset pendant trois mois. Elle se comporte normalement jusqu’à ce
qu’on lui retire ledit corset. Dès cet instant, elle marche à pas comptés et se
montre effrayée par de multiples activités et situations refusant de rouler en
vélo, de courir et de sauter, de faire de la gymnastique, de nager, de monter
dans un véhicule, etc.
Brûlé par de l’huile bouillante au deuxième et troisième degré sur une
grande partie du corps, Anatole, 5 ans, est hospitalisé de longues semaines
dans un service spécialisé. Sur le plan psychologique, tout semble se passer
correctement jusqu’au retour à domicile où dès la première nuit, il se réveille
en hurlant. Au fil du temps, la crainte des cauchemars tient l’enfant éveillé
de plus en plus longtemps.
• L’exposition à un danger vital pour soi ou pour autrui et la confrontation à
la mort d’autrui. Le risque de trouble traumatique est plus élevé lorsque
l’enfant et/ou ses proches ont été exposés à un danger vital ou qu’il
a été confronté à la mort d’autrui. Parmi les situations les plus drama-
tiques, citons les catastrophes naturelles de grande ampleur et les
conflits armés.
Dans les catastrophes naturelles, les enfants et les jeunes ont pu
attendre les secours dans des conditions difficiles sur le plan psycho-
logique (incertitude par rapport à l’arrivée de l’aide dans un délai
suffisant pour avoir la vie sauve, inquiétude pour l’entourage, etc.),
physique (sans pouvoir boire, manger, se mouvoir, en étant parfois

50
C.J. Frederick (1985), Children traumatized by catastrophic situations, in S.  Eth &
R.S. Pynoos (1985), Post-traumatic stress disorders in children, Washington D.C., American
Psychiatric Press.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
39

blessé et en souffrant douloureusement, etc.) et environnemental


(espaces clos, poussiéreux, inondés, accablants de chaleur ou glacés,
etc.). Ils peuvent avoir perdu des proches, être en situation d’expec-
tation dramatique quant à des êtres chers disparus ou grièvement
blessés, avoir été confrontés au spectacle de victimes mutilées ou
décédées, parfois en masse, etc.
En janvier 2010, à Port-au-Prince, le séisme a piégé Mislaine, une jeune fille
de 15 ans, dans les décombres de la maison familiale. Durant trois jours,
elle a attendu les secours, la jambe écrasée sous un linteau, aux côtés du
cadavre de sa sœur. La douleur l’a torturée et la soif l’a tenaillée. Avec la
chaleur, une odeur fétide a rapidement alourdi l’atmosphère. Peu après
avoir été dégagée des gravats, sa jambe, nécrosée et infestée de vers, a dû
être amputée. Deux jours plus tard, la gangrène a gagné l’autre membre.
« Comment pourrais-je penser à l’avenir alors que je ne vais plus avoir mes
jambes ? Et je n’ai plus personne pour s’occuper de moi. Mes parents et mes
sœurs, tout le monde est mort. Je n’ai plus personne… », nous dit l’adoles-
cente.
Les conflits armés ont aussi leur cortège d’atrocités tels qu’avoir
été menacé de mort, avoir dû se cacher pour échapper à une mort
certaine, avoir subi un viol, la torture ou des mauvais traitements, avoir
été blessé, avoir échappé à des mitraillages, des pilonnages d’artillerie
ou à des bombardements aériens, avoir vu ses parents, ses frères et
sœurs terrorisés, violés, battus ou tués, avoir été abandonné et laissé
seul sans abri, sans nourriture ni protection, avoir vu des cadavres
jonchant les rues, avoir été expulsé et jeté sur les chemin de l’exode
dans des conditions effrayantes, etc.
Innocent est burundais. Lorsque je le rencontre en 2002, il est hospitalisé
pour un traumatisme crânien provoqué par un éclat de grenade. Dans cet
incident, il a également perdu des doigts et des orteils. Outre les blessures
physiques, il souffre de violents maux de tête, d’acouphènes51 et d’impor-
tants troubles du comportement (hallucinations, discours incohérent,
angoisses, etc.).

51
Les acouphènes sont des perceptions de sensations sonores en l’absence de tout stimulus
extérieur (bourdonnements, sifflements, grésillements, tintements, etc.).
L’événement traumatique
40

–– Le degré d’exposition au(x) facteur(s) traumatisant(s).


Le risque d’apparition de symptômes post-traumatiques et d’altération de
la personnalité sont d’autant plus élevés que l’enfant ou l’adolescent a subi
des incidents critiques répétés, de nature diverse, sur une longue période.
En anglais, cette corrélation entre le degré d’exposition et l’intensité de la
réaction du sujet est appelée « dose effect » ou « dose response ».

• La durée. Des événements subis sur une longue période prédisent


généralement une symptomatologie traumatique sévère.
Depuis sa plus tendre enfance jusqu’à sa puberté, Julie a subi les abus
répétés de son oncle de quinze ans son aîné. Les agressions ont pris fin
lorsqu’il s’est marié. Devenue adulte, épouse et mère de deux enfants, Julie
continue de s’automutiler régulièrement et d’être hantée par des idées de
suicide pour, dit-elle, « tuer la bête » en elle.
• La récurrence ou le risque de récurrence de l’événement traumatique. Il
existe une relation entre l’apparition d’un tableau traumatique et par
exemple, la récidive des sévices52 ou les répliques d’un séisme.
Henriette et Rose sont sœurs jumelles. Cette année-là, pour la première
fois, elles passent leurs vacances d’été chez leur grand-père. Le dernier jour
de leur séjour, il les attouche sexuellement toutes les deux. Elles sont alors
âgées d’une dizaine d’années. Deux ans plus tard, à l’heure de la rentrée
au lycée, les parents décident de mettre Rose en pensionnat et de confier
Henriette aux soins de son grand-père car, très pris par leurs activités de
commerçants, ils n’ont pas le temps de superviser leurs travaux scolaires.
Le week-end, parents et enfants se retrouvent dans la maison familiale.
Rapidement, la mère s’inquiète de l’état de sa fille Henriette qui se plaint
de cauchemars et de gastralgies, éprouve de plus en plus de difficulté à
terminer ses repas, refuse de jouer avec sa sœur et se replie dans un silence
angoissé. Le grand-père n’a plus jamais eu de geste déplacé mais l’exposi-
tion au risque permanent de récidive a provoqué l’éclosion d’une sympto-
matologie psychotraumatique.

52
L.C. Terr (1991), “ Childhood Traumas : An Outline and Overview ”, Am J Psychiatry 1991,
148, 10-20.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
41

Dans le décours du terrible tremblement de terre qui a secoué Haïti en


2010, à chaque réplique sismique, Phénide, une fillette de 4 ans, court se
réfugier dans les bras de sa mère en hurlant « Je ne veux pas mourir ! Je ne
veux pas que tu meures ! »
• La fréquence. Une fréquence soutenue des événements traumatiques
est le plus souvent prédictive d’un devenir psychopathologique sévère.
Tous les dimanches, Louise est abusée sexuellement par son beau-frère dans
l’atelier où il l’attire en prétextant lui apprendre la mécanique. Devenue
adulte, Louise se dit très déprimée et angoissée. Elle n’attend rien de bon
de la vie et pense souvent au suicide.
• La multiplicité des facteurs traumatisants. L’importance des symptômes
post-traumatiques est fortement corrélée au nombre d’événements
traumatisants vécus53.
Durant le génocide rwandais de 1994, Espérance a perdu 17 personnes
de sa famille proche (parents, fratrie, neveux et nièces) sans compter les
oncles, les tantes, les cousins, etc., et se retrouve donc seule au monde.
Elle ignore où et comment ses parents sons morts et se pose de cruelles
questions : « Mes sœurs et ma mère ont-elles été violées avant d’être tuées ?
Leur corps a-t-il été dévoré par les chiens54 ? ». Elle a fui sa région natale et
ne peut envisager d’y retourner. En effet, elle a été menacée de mort : un
paysan, proche de sa famille, est venu l’avertir qu’il avait reçu une grosse
somme d’argent pour l’assassiner. La logique des commanditaires Hutus de
ce meurtre peut se résumer comme suit : pas de rescapés, pas de témoins
donc pas de condamnation pour les génocidaires. En 2004, après 9 ans de
danger permanent, Espérance trouvera asile dans un pays occidental.
« Quand les Serbes ont attaqué la première fois, je me suis réfugié dans la
montagne. Nous étions plusieurs du village. On dormait dans les arbres et
on devait s’accrocher. Les personnes de tête et de queue se relayaient parce
c’était eux qui avaient le plus froid. En huit jours, j’ai dormi dix heures. Je
ne pensais pas que c’était possible. Les derniers jours, on n’avait plus rien

53
G.  Realmuto, A.  Masten, L.F. Carole, J.  Hubbard, A.  Grotelhshen & B.  Chlun (1992),
“ Adolescent survivors of massive childhood trauma in Cambodoa : life events and current
symptoms ”, Jal of Traumatic Stress, 5, 4, 589-600.
54
De nombreux cadavres ont été dévorés par les chiens.
L’événement traumatique
42

à manger. Pendant deux jours et demi, je n’ai rien mangé du tout. Les
enfants pleuraient. On n’en pouvait plus. Alors, on s’est rendu. Les Serbes
nous ont tout pris. Ils ont pris notre argent, nos papiers, nos bijoux, tout. Et
puis, ils nous ont amené au camp de Keraterm55. On était cinq cents dans
un hangar de deux cents cinquante mètres. Je suis resté deux mois sans me
laver et sans changer de vêtements. » Ce jeune de 16 ans décrit ensuite en
détail les tortures dont lui et ses compagnons d’infortune ont fait l’objet.
Lorsque je le rencontre en décembre 1992, il est hébergé dans un camp
de réfugiés à Zagreb en Croatie. Il n’a aucune idée de ce que l’avenir lui
réserve. Il n’a plus d’espoir.
• La proximité physique de l’agent stressant 56. Plus l’enfant ou le jeune est
proche physiquement du danger vital, par exemple de l’épicentre d’un
séisme ou de l’impact d’une bombe, plus il risque de présenter  des
séquelles traumatiques.
–– L’identité de l’agresseur et sa proximité relationnelle avec la
victime. Le risque de traumatisme est plus important si l’agresseur est
une personne ayant autorité morale et/ou jouissant de la confiance de
l’enfant ou du jeune57 (membre de la famille ou de l’institution de place-
ment où il réside, amis et connaissances de la famille, baby-sitter, nourrice,
voisins, religieux, enseignants, éducateurs, responsables de centre sportif
ou de loisirs, etc.). Plus il est proche affectivement de la victime, plus le
risque de perturbation est important. Par exemple, les troubles sont plus
sévères si l’auteur est un membre de la famille censé protéger la victime
tel le père ou la mère.
Il y a deux ans, pour échapper aux abus sexuels perpétrés par son beau-père,
François a quitté le foyer familial. Il avait 16 ans à peine. Depuis, il a aban-
donné sa scolarité et squatte avec son chien dans un building désaffecté. Il

55
Camp de concentration serbe en Krajina, dans le Nord de la Bosnie.
56
R.S. Pynoos, C.J. Frederick, K. Nader et al. (1987), “ Life threat and post-traumatic stress
in school-age children ”, Archives of General Psychiatry 1987, 148, 10-20 ; R.S. Pynoos et al.
(1993), “ Post-traumatic Stress Reactions in Children After the 1988 Armenian Earthquake ”,
British Journal of Psychiatry 1993, 163, 239-247.
57
M.C. Mouren-Simeoni (1994), Syndrome de stress post-traumatique, in M.C. Mouren-
Siméoni, G.  Vila & L.  Vera, Troubles anxieux de l’enfant et de l’adolescent, Paris, Maloine,
42-47.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
43

vit de la générosité des voisins et de mendicité. Sa mère, qu’il voit à l’insu


du conjoint de celle-ci, lui donne un peu d’argent. Peu à peu, il s’est mis à
consommer de la bière et de la drogue. Il raconte : « C’était mon père, enfin,
mon beau-père mais je l’appelais « papa ». J’avais 5 ans quand il a rencontré
ma mère. Je me demande d’ailleurs si c’est ma mère qu’il a choisie ou moi… Je
ne pouvais pas lui échapper… Ma mère fermait les yeux. Je dis qu’elle fermait
les yeux parce que vous trouvez ça normal, vous, quand elle sortait le soir avec
une copine qu’elle ne trouve rien d’anormal à ce que mon beau-père lui dise :
« Nous, on va se faire une soirée entre hommes, on va se mettre au lit et on va
regarder un bon film ! » ? Ok, quand j’avais 5 ans, ça passe mais à 15, vous ne
trouvez pas qu’elle aurait du se poser des questions ? Bon, et puis, quand j’étais
petit, comme tous les enfants, j’avais tout le temps envie d’être avec elle mais
ado, j’ai continué à être dans ses jupes. J’allais faire les courses même quand
elle allait s’acheter des fringues. Je ne voulais pas rester seul avec lui. Elle, ça
lui faisait plaisir que son fils chéri l’accompagne mais moi, je me dis qu’elle
aurait quand même du se poser des questions. Et puis, ça n’allait pas à l’école.
J’avais tout le temps des échecs. Enfin, voilà, moi, je pense qu’il y avait des tas
de trucs qui montraient que ça n’allait pas mais j’étais coincé… Je ne pouvais
pas échapper à ce pervers et je ne pouvais pas lui en parler à elle parce qu’elle
n’était pas prête à entendre. Avec ses parents, mes grands-parents, ce n’était
pas génial. En fait, ma mère, c’est quelqu’un de très fragile. Elle n’osait pas
affronter ses parents. Bref, j’ai l’impression qu’elle n’a pas voulu voir pour ne
pas se retrouver seule et pour ne pas être la cible des critiques de ses parents.
Pourtant avec le métier qu’elle fait… mais comme on dit, ce sont les cordon-
niers qui sont les plus mal chaussés. J’adore ma mère mais je lui en veux de
rester avec lui. Lui, je le déteste. »
Lorsqu’il était adolescent, Gérard a été abusé par un prêtre pédophile ensei-
gnant au collège dans lequel il poursuivait sa scolarité. Il dit : « Vous vous
rendez compte ? Chantre de la religion et chantre de la vertu ! C’était complè-
tement schizophrène, non ? D’une part, l’Église vous chante les louanges de
l’abstinence, elle condamne les relations en dehors du mariage et elle vous
promet l’enfer si vous vous livrez à des actes contre nature et vous vous faites
sodomiser par un type pas très chaste avec lequel vous n’êtes pas passé devant
Monsieur Maire ! Mes parents, c’était des petites gens, alors, vous pensez, les
prêtres, les enseignants, la religion, l’enseignement supérieur pour eux qui
L’événement traumatique
44

avaient commencé à travailler à quinze ans… Ils avaient un respect infini pour
tout ça. C’était même plus que du respect, c’était de l’obséquiosité. Ma mère
disait toujours quand elle parlait à ses amies ou aux voisines : « Il est entre de
bonnes mains ». Elle ne pensait pas si bien dire ! Elle était fière que je poursuive
mes études dans un collège aussi réputé. Ils se saignaient aux quatre veines
pour assurer mon avenir… Et qu’est-ce que je pouvais dire ? Ce salopard était
au-dessus de tout soupçon… Je n’avais aucun recours… aucun secours… Ca
m’a foutu en l’air une bonne partie de ma vie… et ce n’est pas fini… »
–– L’absence ou la présence des parents et/ou d’adultes de confiance
durant l’occurrence de l’événement traumatique et le cas échéant, leurs
réactions adaptées ou inadéquates. Lorsqu’un adulte est présent aux
côtés de l’enfant ou du jeune au moment de l’événement, il arrive qu’il
puisse le protéger physiquement du danger ou lui épargner la vision de
scènes atroces en l’écartant du théâtre du drame. Il peut aussi lui apporter
un soutien émotionnel immédiat en le rassurant, le calmant, le consolant et
en lui expliquant la situation. Confronté seul à l’événement, la jeune victime
ne bénéficie pas de ces protections physiques et/ou psychologiques.
Christelle, dont le père a été sauvagement assassiné par un oncle schizophrène
alors qu’elle était âgée de 11 ans, raconte : « Je n’ai pas vu grand-chose. Ce
que je me souviens, c’est que mon frère et moi, on jouait dans le jardin. Ma
mère est venue nous chercher et elle nous a dit de rentrer dans la maison. Il
faisait beau, c’était les vacances et on ne comprenait pas pourquoi elle voulait
nous faire rentrer. Je me rappelle avoir un peu rouspété. Je ne sais plus ce
qu’elle a dit mais j’ai compris que ce n’était pas le moment de discuter. Elle
nous a fait faire le grand tour pour éviter qu’on voie le cadavre et elle nous a
conduits chez la voisine. La police est arrivée très rapidement. On a entendu
les sirènes. Mon frère et moi, on regardait par la fenêtre. Je me souviens qu’il y
a avait plusieurs combis. Un peu plus tard, plein de journalistes sont arrivés. Il
y avait un fameux remue-ménage devant la maison. C’était impressionnant…
Aujourd’hui, avec le recul, je me demande comment elle a réussi à garder la
tête froide. Elle a vu son mari dans une mare de sang, transpercé d’une dizaine
de coups de couteau, elle ne s’est pas arrêtée, elle n’a pas hurlé, elle a tout
de suite pensé à ses enfants. C’est fou, non ? Elle a foncé sur nous avec pour
seule idée de nous protéger de cette vision d’horreur et de nous mettre à l’abri.
Quand on y pense… Chapeau ! »
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
45

Lisbeth rapporte : « Quand mes parents se battaient, mon frère me prenait


contre lui pour que je ne puisse pas voir ce qui se passait. J’avais peur, bien
sûr mais je me sentais rassurée par mon grand frère protecteur. Il est d’ailleurs
toujours resté mon grand frère protecteur »
Nous l’avons vu, dans l’univers des enfants, les adultes sont protecteurs,
résistants, courageux et invincibles. Si l’attitude de l’adulte face à la
situation adverse correspond à cette représentation, il peut être rassuré.
A  contrario, s’il le perçoit angoissé et impuissant, il peut être profondé-
ment perturbé, ce qui pourra favoriser l’apparition d’un trouble trauma-
tique.
Jude a 12 ans lorsqu’elle et sa mère sont victimes d’un home-jacking58 . Elle
témoigne : « Ma mère a entendu du bruit et elle s’est levée et elle les a vus (les
cambrioleurs) depuis la mezzanine qui donne sur le salon. Elle a complètement
perdu les pédales. Elle s’est mise à hurler. Évidemment, je me suis réveillée et je
me suis levée. Elle s’agitait dans tous les sens. Un des gars l’a giflée plusieurs
fois violemment pour qu’elle se taise. Elle s’est tue et elle a cessé de s’agiter
mais elle est tombée dans une sorte d’hébétude. Elle s’est assise par terre,
complètement perdue. Je n’oublierai jamais son regard hagard. Ca m’a foutu
une de ces trouilles ! Le gars lui a demandé les clés de sa voiture. Elle était
incapable de les lui donner. Je pense qu’à ce moment-là, elle ne savait même
plus où se trouvaient ses clés. C’est moi qui ai pris le rôle de l’adulte. J’ai été
dans son sac, j’ai donné les clés et ils sont partis. Et puis, c’est moi qui ai pris le
téléphone et qui ai appelé ma grand-mère à l’aide. Après, ça, je peux vous dire
que, dans ma vie, tout est parti en vrille. J’avais peur de tout. J’avais l’impres-
sion que j’avais une immense responsabilité sur les épaules. Subitement, cette
mère brillante femme d’affaire que je croyais forte n’était plus qu’une pauvre
petite chose dont j’avais la responsabilité. À 12 ans, c’est lourd… »
Les adolescents, quant à eux, peuvent être fortement choqués par l’at-
titude des adultes qu’ils jugent au crible des valeurs morales : courage,
altruisme, dévouement, générosité, vérité, justice, etc. Si ceux-ci se sont
montrés pleutres, égoïstes, lâches, sans cœur, méchants, malhonnêtes ou
partiaux, leur confiance en l’humanité peut s’en trouver ruinée.

58
Un home-jacking est un vol de véhicule, souvent violent, commis après s’être emparé
des clés dans une habitation.
L’événement traumatique
46

Florence, victime d’une tentative de viol par son oncle alors qu’elle était âgée d’une
quinzaine d’années nous livre : « Ca s’est passé dans ma chambre. Il est venu la nuit et
je me suis réveillée parce qu’il était en train de me toucher. Ce n’était pas la première
fois et mes parents le savaient. Mes parents dormaient dans la chambre à côté. Ils
n’ont pas bougé. Ma mère dit qu’ils ont entendu que je criais : « Va-t-en ! Va-t-en ! »
mais que mon père l’en a empêchée de venir voir ce qui se passait. Il lui aurait dit que
j’étais sûrement en train de rêver. Ils ont été lâches. Ils ont préféré étouffer l’affaire
pour qu’il n’y ait pas un scandale dans la famille. »
Nicolas avait 14 ans lorsque son domicile a été ravagé par un incendie. « Mon
père s’est sauvé et m’a planté là. Il est passé devant ma chambre, il a crié pour que
je sorte mais il n’a même pas ouvert la porte. Chacun pour soi ! C’est le voisin qui est
venu me chercher. L’escalier commençait à brûler quand on est descendu… Jusque
là, mon père, c’était mon héros ! Ça a complètement changé ce que je pensais de lui
mais aussi de ce que je pensais de toute l’humanité. Si mon père avait été capable de
manquer de courage au point de me laisse crever, qu’est-ce que je pouvais espérer des
autres ? Jeune adulte, vers 20 ans, j’ai été voir un psy et j’ai travaillé ça. Je me suis dit
que c’était normal parce que dans ces cas-là, on ne réfléchit pas. C’est l’instinct, on
sauve sa peau. Enfin, en tout cas, j’essayais de m’en convaincre pour ne plus lui en
vouloir. Mais maintenant, je suis devenu papa, alors, tout ça, ça ne tient plus. Jamais
je ne pourrais laisser mon fils. »

5.2 Les variables liées à l’enfant


La manière dont une jeune victime va réagir à un événement délétère est
fonction de son âge et de son développement, de sa personnalité, de ses antécé-
dents et de facteurs de vulnérabilité qui lui sont propres.
–– L’âge de l’enfant et son stade de développement. Le type d’événe-
ment pouvant se révéler traumatisant et les réactions des jeunes victimes
diffèrent selon leur maturité émotionnelle et cognitive. En effet, l’âge et
le développement de l’enfant conditionnent la perception, la compréhen-
sion et le souvenir qu’il se forge des événements. Toutefois, les enfants de
tous âges sont susceptibles de présenter des troubles post-traumatiques et
des altérations de la personnalité.
Longtemps on a cru que l’enfant était imperméable au traumatisme. Son
psychisme était censé protégé tant par son immaturité intellectuelle (il ne
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
47

pouvait pas comprendre la situation) que par le cocon de son univers de


jeu et d’imaginaire. Par ailleurs, la plasticité mentale et sa faculté d’oubli
lui permettaient, croyait-on, de ne laisser aucune place dans sa conscience
pour de mauvaises réminiscences. Or c’est précisément l’inverse qui se
produit. C’est parce qu’elle est malléable et inachevée que la personnalité
de l’enfant est plus aisément perturbée par l’impact du trauma et prompte
à adopter des attitudes et des conduites morbides. Ces dernières sont des
réactions d’adaptation immédiate à une réalité insupportable mais alors
qu’elles auraient pu être abandonnées par une personnalité adulte, elles
ont tendance à persister et à s’ancrer solidement dans celle de l’enfant et
l’adolescent.
Des incidents répétés vécus à un âge précoce (traumatismes complexes
de type III tels maltraitance physique ou sexuelle, négligence grave, etc.)
entraînent un risque plus élevé de développer un traumatisme complexe
que s’ils sont plus tardifs. Il est pertinent de supposer que la précocité
des violences, a fortiori si elles sont réitérées, interfère avec la formation
de mécanismes de défense psychique élaborés59, l’établissement d’une
relation de qualité avec un adulte signifiant60, l’acquisition d’une fonction
réflexive61 adéquate, l’apprentissage du contrôle et de la régulation des
affects, etc. Les enfants violentés plus tardivement pourraient quant à eux
recourir à ces mécanismes adaptatifs pour moduler leur souffrance.
Notons toutefois que le bébé peut être partiellement protégé de l’impact
traumatique d’un événement simple de type I (par exemple, un accident,
une maladie grave) grâce à son ignorance. En effet, son immaturité ne lui
permet pas de réaliser qu’il a encouru un danger mortel, que ses blessures
sont irréversibles ou que son futur est compromis. Il ne peut donc être
affecté par de telles pensées ni éprouver de l’effroi face à sa situation. Il est

59
Les mécanismes de défense sont des processus psychiques inconscients visant à défendre
le Moi des pulsions jugées inconciliables ou dangereuses ainsi que des affects qui y sont liés.
Le Moi se défend principalement contre l’angoisse. Voir infra « Les mécanismes de défense »,
p. 53.
60
Voir infra l’attachement sécure dans le sous-chapitre : « Les variables liées à l’enfant »,
p. 50.
61
La fonction réflexive est la capacité de comprendre ses propres attitudes et celles d’autrui
en tenant compte des émotions, des croyances et des attentes implicites qui les étayent.
L’événement traumatique
48

cependant indispensable qu’il soit protégé des stimuli intenses en prove-


nance du monde extérieur par des parents rassurants, aptes à remplir
leur rôle de pare-excitation62. Il appartient aux figures principales d’atta-
chement de combler par des ressources externes le déficit de ressources
personnelles internes du nourrisson. Donald Winnicott63 affirmait : « Un
bébé, ça n’existe pas64. » En effet, le nourrisson n’existe pas sans une
personne (généralement, la mère) qui lui prodigue des soins. Il est partie
intégrante de l’unité duelle qu’il constitue avec elle. De la qualité de cette
relation dépendent son état et son évolution psychiques.
Soulignons que l’immaturité (physique, émotionnelle et cognitive) liée au
jeune âge est un des déterminants de la violence exercée par les adultes
à l’égard des enfants et des adolescents. Dans la relation adulte-enfant,
l’adulte65 est indéniablement le plus fort. En effet, sa situation d’autorité, ses
ressources, sa force physique, sa taille, ses connaissances, son expérience
relationnelle, etc., sont sans commune mesure avec celles des enfants. Ces
avantages lui confèrent un pouvoir qu’il lui est aisé d’exercer sur l’enfant.
Cette supériorité est renforcée par le fait que le plus faible, l’enfant, est
dépendant de l’adulte pour sa survie, qu’il lui accorde sa confiance, qu’il
croit lui devoir obéissance, qu’il désire conserver son affection, qu’il n’a
pas la force physique qui lui permettrait de le repousser, qu’il peut facile-

62
Terme employé par Freud dans son livre Au-delà du principe du plaisir (S. Freud (1920, éd.
1971), Au delà du principe du plaisir, Paris, Petite bibliothèque Payot). « La fonction consiste
à protéger l’organisme contre les excitations en provenance du monde extérieur, qui par
leur intensité, risqueraient de le détruire » (Laplanche et Pontalis (1967, éd. 1984), Vocabu-
laire de la psychanalyse, Paris, Presses Universitaires de France). Dans Au-delà du principe du
plaisir, Freud définit le traumatisme comme « toutes excitations externes assez fortes pour
faire effraction dans la vie psychique du sujet ». Il constitue donc une effraction du pare-exci-
tation. Chez le tout petit, la fonction de pare-excitation est essentiellement assumée par la
mère.
63
Pédiatre, psychiatre et psychanalyste britannique.
64
Traduction de “ There is no such thing as a baby ”, déclaration faite en 1942 lors d’une
conférence et qu’il a présentée dans un article en 1952 au colloque de la British Psycho-
Analytical Society (D.W. Winnicott (1952, éd. 1992), Anxiety Associated with Insecurity, in
Through Paediatrics to Psychoanalysis : Collected Papers, Karnac Books, coll. Karnac Classics
Series, 99).
65
Notons que la notion d’adulte est subjective et dépend de l’âge de l’enfant. Ainsi, pour
les jeunes enfants un adolescent de 14-15 ans est généralement perçu comme un adulte.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
49

ment être dupé en raison de sa naïveté, qu’il ne comprend pas nombre


de situations, qu’il est limité dans ce qu’il peut exprimer, qu’il n’est pas en
mesure d’appréhender ou de refuser les situations qui lui sont imposées,
qu’il ignore ses droits, qu’il est démuni face à l’appareil judiciaire et poli-
cier, etc.
–– La personnalité et les facteurs de vulnérabilité propres à l’enfant
et à ses antécédents. Il existe une multitude de variables personnelles,
antérieures et postérieures à l’incident critique, susceptibles d’affecter le
destin psychique de la jeune victime.
Son histoire personnelle (événements douloureux antérieurs tels sépara-
tions, pertes, maladies, accidents et déplacements significatifs) conditionne
partiellement ses forces et sa vulnérabilité psychique face aux événements
délétères. Par exemple, la qualité de l’attachement précoce entre l’enfant
et sa mère (ou son substitut) joue un rôle important dans le développe-
ment des troubles ultérieurs. En effet, l’attachement constitue le terreau
sur lequel se forment l’estime de soi, le sentiment de sécurité, les schèmes
de causalité66 et les modèles d’interactions intimes et sociales. Les diffé-
rents styles d’attachement ont été décrits en 1978 par Mary Ainsworth67,
une psychologue américaine. Elle a observé les réactions des bébés de 12
à 18 mois en « situation étrange » (en anglais, strange situation), procédure
expérimentale standardisée scandée de séparations et de retrouvailles
entre l’enfant, la mère et une femme inconnue du nourrisson. Ses observa-
tions l’ont conduite à distinguer trois catégories d’attachement. Quelques
années plus tard, en 199068, Mary Main et Judith Solomon ont introduit
une catégorie supplémentaire.

66
Ensemble de croyances inférant les causes des comportements et des événements et par
là même, leur accordant un sens.
67
M.D.S. Ainsworth, M.C. Blehar, E.  Waters & S.  Wall (1978), Patterns of attachment : a
psychological study of the strange situation, Hillsdale, NJ, Lawrence Erlbaum Associates.
68
M. Main & J. Solomon (1990), Procedures for identifying infants as disorganized/diso-
riented during the Ainsworth Strange Situation, in M.T. Greenberg, D.  Cicchetti & E.M.
Cummings, Attachment during the preschool years : Theory, research and intervention, Chicago,
University of Chicago Press, 121-160.
L’événement traumatique
50

• L’attachement sécure ou sécurisé (en anglais, secure). Les enfants


« sécures » (groupe  B) entretiennent de nombreux échanges affectifs
positifs avec leur mère. Ils recherchent son réconfort et son soutien et
l’utilisent comme base de sécurité lorsqu’ils explorent le monde qui
les entoure. Ils protestent brièvement à son départ, l’accueillent avec
plaisir au moment des retrouvailles et retournent à leurs jeux une fois
réconfortés. S’ils sont stressés, ils la laissent volontiers les réconforter
mais se montrent prudents à l’égard des étrangers.
• L’attachement insécure évitant ou anxieux évitant (en anglais, insecure
avoidant). Les enfants « insécures-évitants » (profil  A) partagent peu
d’interactions avec leur mère et ne semblent pas affectés par son
départ. À son retour, ils évitent sa proximité et son contact, lui préfé-
rant leurs jouets. S’ils éprouvent de la détresse, ils acceptent d’être
consolés par un étranger. Ce type d’attachement peut résulter d’expé-
riences répétées de rejet par la mère.
• L’attachement insécure ambivalent ou anxieux ambivalent/insécure résis-
tant ou anxieux resistant (en anglais, insecure ambivalent ou insecure
resistant). Les enfants « insécures-ambivalents » (groupe C) ne semblent
pas à l’aise, explorent peu leur environnement et restent fréquemment
accrochés à leur mère. Au moment de la séparation, ils manifestent
une grande détresse. Au retour, ils alternent entre recherche de contact
et rejet coléreux. Ils s’apaisent avec difficulté et reprennent leurs jeux
avec réticence. Ils éprouvent de grandes difficultés à interagir avec un
étranger. Ce type d’attachement est généralement induit par l’incons-
tance de la mère à répondre aux besoins émotionnels de son bébé.
• L’attachement insécure désorganisé ou anxieux désorganisé/insecure
désorienté ou anxieux désorienté (en anglais, insecure-disorganized/diso-
riented). Les enfants « insécures désorganisés » (groupe  D) ne possè-
dent pas de stratégie d’adaptation cohérente et réagissent de manière
imprévisible. Lors des retrouvailles, leur comportement est désorga-
nisé (mouvements non dirigés, interrompus, etc.), contradictoire (par
exemple, mouvement d’approche suivi d’un recul ou accompagné de
colère) et étrange. Leurs postures évoquent le stress (stéréotypies tels
balancements, positions asymétriques, etc.), l’appréhension, la confu-
sion, voire la dépression. Ils ne parviennent pas à utiliser leur mère pour
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
51

réguler leurs émotions. Ils semblent être aux prises avec un paradoxe :
leur figure d’attachement paraît être à la fois source de réconfort et
d’effroi. Appartiennent souvent à cette catégorie les enfants victimes
de négligence ou de violence, exposés à la mésentente conjugale et
au divorce, ayant perdu une figure d’attachement majeure à un âge
précoce ainsi que les enfants dont les parents sont perturbés (dépres-
sion et autres troubles psychiatriques, alcoolisme)69 ou traumatisés par
des événements de vie parfois anciens70 (transmission transgénération-
nelle).
L’équipement initial apporté par les relations précoces nouées avec les
figures d’attachement joue, selon le cas, un rôle protecteur ou multiplie la
vulnérabilité tout au long de la vie, notamment quand le sujet est confronté
à des circonstances difficiles. Ainsi, les enfants ayant tissé un attachement
anxieux (évitant, ambivalent/résistant, ou désorganisé/désorienté) présen-
tent un risque accru de troubles anxieux, de plaintes somatiques, de
comportements oppositionnels et agressifs et de repli sur soi.
Le fonctionnement psychologique préalable de la jeune victime (person-
nalité introvertie, timorée, peureuse, évitante, émotionnelle, peu sociable,
repliée sur elle-même, dépourvue de sens pratique, etc.) peut la prédis-
poser à développer des troubles post-traumatiques. Ainsi, l’inhibition
comportementale, manifestée par une timidité, une réserve et des réac-
tions de retrait face aux personnes, aux lieux ou aux situations non fami-
liers serait prédictive de la survenue de désordres anxieux (notamment,
angoisse de séparation, anxiété généralisée, troubles phobiques). Cette
caractéristique possède une forte composante génétique71. Une émotion-

69
K. Lyons-Ruth & D. Jacobvitz (1999), Attachment disorganization : Unresolved loss, rela-
tional violence and lapses in behavioral and attentional strategies, in J. Cassidy & P. Shaver,
Handbook of attachment, New York, Guilford Press, 520-554.
70
M.  Main & E.  Hesse (1990), Parents’ unresolved traumatic experiences are related to
infant disorganized attachment status, in M.T. Greenberg, D. Ciccehetti & E.M. Cummings,
Attachment in the preschool years : Theory, research, and intervention, Chicago, University of
Chicago Press, 161-184.
71
Voir J. Kagan (1999), The concept of behavioral inhibition, in L.A. Schmidt & J. Schulkin,
Extreme fear, shyness, and social phobia. Origins, biological mechanisms, and clinical outcomes,
New York, Oxford University Press.
L’événement traumatique
52

nalité élevée et des scores bas de sociabilité72 favoriseraient l’émergence


de désordres anxieux et dépressifs. Cette vulnérabilité pourrait toutefois
être modulée par des variables telles que l’estime de soi, le support social
et le contexte environnemental.
Les antécédents de l’enfant ou de l’adolescent (personnalité pré-morbide,
psychopathologie avérée) peuvent également infléchir ses réactions et
contribuer à la sévérité du tableau psychotraumatique.
Si la jeune victime tire des bénéfices secondaires de sa souffrance (solli-
citude de l’entourage, assouplissement des règles éducatives, satisfaction
hâtive de ses désirs, etc.), la restauration de son équilibre psychique peut
s’en trouver retardée.
Des facteurs cognitifs peuvent également contribuer à inaugurer ou à chro-
niciser les troubles traumatiques. Ainsi, la perception et l’interprétation
subjective d’un événement s’avèrent déterminantes chez les enfants et les
adolescents, plus encore probablement que chez les adultes. Par exemple,
la pensée magique, très prégnante durant la période préopératoire73, peut
accroître considérablement le risque de trauma. En effet, nous l’avons vu,
un incident mineur peut être appréhendé comme menaçant et générer de
l’effroi. Par ailleurs, à cette période, les enfants peuvent être convaincus
d’avoir provoqué par la force de leur volonté le drame qui les accable
ou être convaincus qu’il leur est infligé pour les punir. Les sentiments de
culpabilité et de honte qui en découlent sont des éléments importants
dans l’éclosion d’une souffrance traumatique ou dans sa perpétuation.

72
On entend par émotionnalité, une réactivité émotionnelle intense. Voir A.H. Buss
& R.  Plomin (1984), Temperament : early developing personality traits, Hillsdale, Laurence
Erlbaum Associates.
73
Stade définit par Piaget. Cette étape du développement est caractérisée par l’apparition
de la fonction symbolique, c’est-à-dire de l’aptitude à évoquer ou invoquer un objet absent
grâce à un substitut le représentant. La pensée magique est l’une des caractéristiques du
stade préopératoire. Voir J. Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses
Universitaires de France, coll. Que sais-je ?
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
53

A contrario, certaines caractéristiques individuelles s’avèrent favorables au


maintien et à la restauration de l’équilibre psychique. Elles constituent des
ressources internes favorisant la résilience. Sans être exhaustif, citons :
• Les mécanismes de défense : avoir la capacité d’utiliser de façon adéquate
les mécanismes de défense tels le clivage74, l’intellectualisation75, l’hu-
mour76, la sublimation77, l’altruisme78, l’activisme79, etc.
• Les compétences émotionnelles : être capable de réguler ses affects
(en particulier, la peur, la colère, le rejet, etc.), de vivre une gamme
étendue d’émotions et de relativiser, être assertif80, faire preuve d’opti-
misme, etc.
• Les compétences sociales : être doté d’une personnalité sociable, tournée
vers autrui, empathique, douée de capacité réflexive81, habile à établir

74
Le clivage du Moi induit une scission entre une partie du Moi en contact avec une
réalité acceptée et une autre partie soustraite d’une réalité anxiogène. Deux potentialités
contradictoires coexistent au sein du Moi, l’une prédisposant à tenir compte de la réalité,
l’autre à la dénier. Dans le contexte d’un traumatisme, le clivage constitue une scission entre
l’expérience effroyable et la partie saine du Moi protégée du souffle traumatique.
75
L’intellectualisation évacue de la conscience la signification émotionnelle des conflits et
des menaces. En donnant au sujet le sentiment de maîtrise et en lui évitant un affrontement
émotionnel trop brutal, ce mécanisme de défense diminue l’anxiété et préserve l’estime de soi.
76
Au sens restreint retenu par Freud, l’humour consiste à présenter une situation vécue
comme traumatisante de manière à en dégager les aspects plaisants, ironiques ou insolites.
C’est dans ce cas seulement qu’il peut être considéré comme un mécanisme de défense.
77
La sublimation revêt ici une acception différente de celle communément admise en
psychanalyse. Au sens freudien, la sublimation conduit le sujet à remplacer une représenta-
tion sexuelle initiale par une autre non sexuelle. Dans le contexte de la résilience, la dimen-
sion sublimatoire désigne l’investissement de l’imaginaire pour échapper à une réalité insou-
tenable. Les rêveries, les souvenirs positifs et l’idéalisation d’une situation ou de personnes
permettent la constitution d’un espace interne inviolable où l’enfant peut se ressourcer.
78
L’altruisme est le dévouement à autrui qui permet au sujet d’échapper à un conflit intra-
psychique.
79
L’activisme est un moyen de gérer des conflits psychiques ou des situations traumatiques
par le recours à l’action. Ce mécanisme a pour effet d’obérer la réflexion et la confrontation
aux affects, l’hyperactivité empêchant le repos psychique.
80
L’assertivité ou affirmation de soi est la capacité d’exprimer ses sentiments et ses pensées
sans agressivité ni manipulation.
81
En attribuant un sens aux comportements d’autrui, cette fonction les rend plus prévisibles
et donc moins difficiles à gérer sur le plan émotionnel et comportemental. Ceci explique
L’événement traumatique
54

des relations sociales durables et de bonne qualité (dans la famille,


avec les voisins, à l’école, avec les jeunes du quartier, dans les centres
de loisirs, etc.), capable de solliciter du soutien et d’accepter de l’aide,
investie dans des activités diverses (scolarité, pratique sportive, artis-
tique, religieuse, politique ou citoyenne, mouvements de jeunesse,
lecture, etc.), etc.
• La relation à soi : pouvoir agir avec indépendance, être pourvu d’un
profond sentiment d’identité personnelle, avoir de l’estime pour soi82,
éprouver un sentiment d’utilité et de compétence personnelle, se
reconnaître des expériences de réussite, etc.
• L’habilité à résoudre les problèmes : pouvoir faire preuve d’abstraction,
d’analyse et d’introspection, être pragmatique, être flexible dans la
façon de penser, être capable de relativiser, être à même de trouver
des solutions alternatives, etc.
• La capacité à formuler des projets de vie et la détermination à les atteindre :
être à même d’identifier ses besoins et ses attentes, pouvoir se projeter
dans l’avenir et anticiper, se fixer des buts, avoir la volonté et la force
de fournir les efforts nécessaires pour les atteindre, être persévérant,
etc.

5.3 Les variables liées au milieu de récupération

Davantage encore que celles des adultes, les réactions des enfants et des
adolescents à un événement potentiellement traumatisant sont modulées par des
facteurs contextuels et environnementaux, en particulier familiaux. Les enfants

pourquoi une fonction réflexive adéquate est un facteur majeur de résilience. Voir P. Fonagy,
M. Steele, H. Steele, A. Higgitt & M. Target (1994), “ The Emmanuel Miller memorial lecture
1992. The theory and practice of resilience ”, Journal of Child Psychology and Psychiatry and
Allied Disciplines, 35, 231-257 ; O. Bernazzani (2001), « Transmission intergénérationnelle des
problèmes psychologiques liés à la victimisation au cours de l’enfance : facteurs de risque et
de protection », Revue québécoise de psychologie, vol. 22, no 1, 2001.
82
La qualité des relations précoces avec les figures parentales joue un rôle majeur dans le
développement ultérieur de l’estime de soi et la qualité des relations avec l’entourage à l’âge
adulte. Voir supra, p. 49.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
55

les plus jeunes et les adolescents seraient encore plus influencés par ces derniers83
que les enfants en période de latence84.
–– Le climat familial avant l’événement. Les tensions conjugales et
intrafamiliales (ambiance dépressive, relations conjugales conflictuelles,
couple désuni, conflit avec la belle-famille, etc.), les relations probléma-
tiques entre l’enfant et son entourage, la présence de nombreux facteurs
de stress (précarité socioéconomique, famille nombreuses, parents
mineurs, foyer monoparental, parents d’un enfant né du viol, etc.) consti-
tuent un contexte fragile peu propice à l’émergence de mécanismes de
soutien fonctionnels dans les situations adverses. A contrario, la cohésion
de la famille, l’absence de conflit, les relations de bonne qualité renforcent
les mécanismes opérants pour prendre soin des sujets les plus vulnérables.
–– La stabilité du milieu de vie. La stabilité offerte par la famille permet
d’annihiler l’impression de chaos du monde et de défaillance des adultes
qu’éprouvent les enfants et les jeunes suite aux bouleversements occa-
sionnés par un événement tragique. Avoir une routine quotidienne (se
lever, se coucher et manger à heures régulières, participer aux activités
scolaires et fréquenter des compagnons de jeux, etc.) les aide à récupérer
et à s’adapter aux nouvelles situations en contribuant à créer un senti-
ment de continuité et de sécurité. Cette stabilité est malheureusement très
souvent compromise dans les familles dysfonctionnelles ainsi que dans les
contextes de violence collective, d’exode et d’exil.
–– La capacité de soutien de l’entourage direct. Des réactions fami-
liales négatives dans le décours d’un incident critique ou suite à la révé-
lation d’agressions sexuelles sont prédictives d’une plus grande sévérité
des symptômes traumatiques. Pour les plus petits, la réaction parentale
serait d’ailleurs l’élément déterminant la survenue de troubles ultérieurs.

83
Voir B.L. Green, M.  Korol, M.C. Grace, M.G. Vary, A.C. Leonard, G.C. Gleser &
S.  Smitson-Cohen (1991), “ Children and Disaster : Age, Gender, and Parental Effects on
PTSD Symptoms ”, J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1991, 30, 945-951 ; G.  Vila & M.C.
Mouren-Simeoni (1999), « État de stress post-traumatique chez le jeune enfant : mythe ou
réalité ? », Annales médico-psychologiques, 1999, 157, 7, 456-469.
84
En psychanalyse, la période de latence désigne la période débutant au déclin de la sexua-
lité infantile (vers 6 ans) et s’achevant avec l’avènement de la puberté. Elle est caractérisée
par une diminution des pulsions sexuelles et une augmentation des intérêts intellectuels.
L’événement traumatique
56

Inversement, l’attitude positive des parents et de la famille proche est un


facteur essentiel dans le maintien et la restauration de l’équilibre mental
des enfants et des adolescents.
Les proches peuvent atténuer la souffrance des jeunes victimes en répon-
dant adéquatement à leurs signaux de détresse par des gestes de récon-
fort, des paroles rassurantes, une écoute attentive, une attitude patiente
et compréhensive, des explications adaptées à leurs besoins, une affection
et une acceptation inconditionnelles, etc.
L’entourage n’est cependant pas toujours à même d’offrir la stabilité, la
protection, la sécurité, l’attention et l’amour dont les enfants et les jeunes
ont besoin et ce, pour des raisons diverses :
• L’agresseur est un membre de la famille. Dans les cas de violences intra-
familiales, les familles sont souvent dysfonctionnelles à de multiples
niveaux. Aussi n’est-il pas étonnant que la jeune victime ne reçoive
généralement pas d’appui du parent non-maltraitant. Les raisons sont
diverses : ce dernier ignore les abus (physiques ou sexuels) ou feint de
les ignorer ; il les dénie ; il n’accorde aucun crédit aux allégations de son
enfant ; il est confronté à l’impossibilité de choisir entre la parole de ce
dernier et celle de son conjoint ; il est lui-même perturbé par les révé-
lations d’agression ; il craint la dissolution de la famille (par exemple,
femmes dépendantes affectivement et financièrement) ; il redoute les
représailles de l’auteur ; il subit lui-même la violence intrafamiliale, etc.
Charlotte, abusée sexuellement dans son enfance par son oncle témoigne :
« Je me demande bien où se trouvait ma tante quand mon oncle me faisait
tout ça… avec mon petit cousin qui regardait… Il était tout petit, je ne sais
pas, 4 ou 5 ans peut-être… Je me demande s’il se souvient de tout ça… On
n’en a jamais parlé… Je ne peux pas croire que ma tante ne savait pas…
Un jour, il est venu dans ma chambre la nuit. Je me suis réveillée parce qu’il
était en train de me toucher. J’ai crié. Ma tante dormait dans la chambre à
côté. Ce n’est pas possible qu’elle n’ait rien entendu. De mon point de vue,
c’est toute cette famille qui était dingue, pas seulement mon oncle. »
Josiane, abusée dans son enfance par son père et dans son adolescence
par son beau-père, raconte : « Quand j’ai dit à ma mère que mon père me
faisait des choses, elle m’a prise sous le bras et on est parties mais quand
ça a recommencé avec son nouveau compagnon, là, elle m’a dit qu’elle
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
57

n’avait pas les moyens de le quitter. Elle est restée avec lui pour son fric !
Moi, je me dis qu’il faut avoir un sacré problème pour qu’une mère ne
protège pas ses enfants ! Je suis partie dès que j’ai eu 18 ans. Je suis partie
vivre avec mon copain. Il m’a beaucoup soutenue et avec son aide, j’ai
entamé un procès contre mon beau-père. Mon copain m’a poussée à le
faire avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’il y ait prescription. Les flics ont
fait une perquisition chez mon beau-père et chez un de ses amis. Pendant
que ça se passait, il me filmait… La police a retrouvé des cassettes vidéo
chez son ami… J’ai prévenu ma mère qu’elle risquait d’être poursuivie pour
complicité. Du coup, elle a eu peur et elle l’a quitté mais presque dix ans
après les faits ! J’ai pitié d’elle. Je l’aime mais elle m’énerve. Elle reste pour le
fric et elle part parce qu’elle a peur pour elle mais moi, là-dedans, elle n’en
avait rien à foutre, je pouvais crever la gueule ouverte. C’est une pauvre
fille… Dans cette famille, ils sont tous malades… »
• Les adultes sont perturbés. Les adultes, aux prises avec leurs propres
difficultés, ne sont parfois plus en mesure d’assurer correctement leurs
fonctions parentales. Divers facteurs contribuent à miner leur capacité
à prendre soin de leurs enfants :
–– Ils souffrent eux-mêmes de traumatismes psychiques suite aux
événements endurés ; ils pleurent un proche ; ils sont stressés par
leurs conditions actuelles d’existence ; ils sont inquiets pour l’avenir ;
ils sont affaiblis physiquement, etc. Tourmentés par la peur, l’im-
puissance, le ressentiment et la culpabilité, ils peuvent se montrer
moins soucieux de réconforter leur progéniture et de satisfaire ses
besoins. Dans les cas les plus dramatiques, le stress peut même les
conduire à négliger leurs enfants, voire à les maltraiter.
Jean-Marie, victime de l’incendie du domicile familial alors qu’il était
âgé de 15 ans, rapporte : « On a tout perdu dans cet incendie… Tout…
Les objets, les vêtements mais aussi nos souvenirs comme les albums
photos, des choses qu’on ne pourra jamais retrouver, qu’on ne peut pas
racheter. Ca, c’est le pire… Et évidemment, pour ma mère qui venait de
perdre ses parents peu de temps auparavant, c’était terrible. Il n’y avait
plus rien de son passé, plus rien de ses parents… Dans les premiers
temps, elle était super anxieuse. Elle se demandait si on allait avoir
une nouvelle maison, si les assurances allaient rembourser, combien de
L’événement traumatique
58

temps ça allait prendre puis, elle est tombée dans une grave dépression.
Elle ne s’occupait plus de nous (ma sœur et moi). Pendant toute cette
période, on a été livré à nous-mêmes. On a poussé seul comme du
chiendent… »
–– Ils sont bloqués parce qu’ils ne parviennent pas à affronter l’événe-
ment et à accepter leur impuissance à préserver leurs enfants des
attaques du monde extérieur.
Tina, 16 ans, violée à la sortie d’une soirée dansante, explique : « Je ne
raconte pas trop parce que mon père est super-mal. Il n’arrête pas de
dire : « Je n’ai pas pu te protéger ». Il sait bien que c’est ridicule, qu’il n’y
est pour rien mais il dit qu’il pense à ça tout le temps, que c’est plus fort
que lui. Il veut se venger, il veut trouver qui m’a fait ça. C’est difficile
à accepter pour lui, surtout qu’il est policier et que son métier, c’est
de protéger les gens. Et ses enfants, c’est ce qu’il a de plus important.
Il se renferme complètement. On a l’image et pas le son. Et encore, il
s’enferme de plus en plus souvent dans son bureau. Je ne sais pas quoi
faire. Il se met souvent en colère. Je m’en veux, je me dis que c’est à
cause de moi qu’il est mal et lui, il se dit la même chose. On tourne en
rond. J’ai besoin qu’il me prenne dans ses bras, qu’il fasse des activités
avec moi comme avant, qu’on aille nager, qu’on aille faire du vélo mais
il ne veut plus. Je me sens vraiment seule. »
–– Le décès d’un parent et les séparations conjugales laissent des
familles à la charge d’un parent unique. Le chef de ménage,
dépassé par la surcharge de travail, peut ne plus être suffisamment
disponible pour ses enfants.
Antoine, qui avait dix ans lorsque son père a été incarcéré pour pédo-
philie, relate : « Quand mon père est parti en prison, ma mère s’est
retrouvée seule avec nous six. Elle a dû reprendre un travail pour avoir
de l’argent pour nous élever. Temps plein au boulot et à la maison,
les courses, la lessive pour sept personnes, la cuisine, la vaisselle…
Évidemment, on aidait mais quand même, le plus gros, c’était elle qui
le faisait… Elle n’avait pas une minute à nous consacrer. On devait se
débrouiller seuls pour les devoirs. Les grands aidaient les petits mais
pour ce qui est des câlins… Ça, il n’y avait qu’elle qui aurait pu nous
les donner… Et vous savez, on en aurait bien eu besoin… On était
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
59

déboussolé avec ce qui c’était passé. Vous pouvez imaginer… Le père


en prison pour des histoires de mœurs, le rejet des copains de classe, le
rejet des gens du village… »
–– Les craintes et les angoisses liées à leur propre expérience de
l’événement tragique jumelées au bouleversement des habitudes
familiales peuvent modifier le comportement des enfants et des
adolescents. Ils deviennent anxieux, angoissés, passifs, soumis ou
agressifs ; ils régressent à des stades antérieurs de leur développe-
ment, etc. Ces réactions, bien que normales et souvent passagères,
peuvent dérouter les adultes. Dès lors, ils y répondent souvent de
manière inadéquate (minimiser les difficultés, punir, gronder, etc.),
renforçant le tourment des jeunes victimes.
Hubert témoigne : « C’est clair que ça ne devait pas être facile pour lui.
Il avait perdu sa femme et il avait beaucoup de chagrin. C’était une
vraie histoire d’amour entre mon père et ma mère. Mais comme il s’est
retrouvé seul avec deux gamins, il n’y avait pas que le chagrin, il y avait
aussi des choses très terre à terre à gérer. Il a du apprendre à faire le
ménage, la cuisine, la lessive. Il a dû s’occuper de nous pour l’école. Du
temps de ma mère, il ne savait même pas où se trouvait les petites cuil-
lères ! Il rentrait de son boulot et il mettait les pieds sous la table. Tout
était fait, la maison était propre, les gosses avaient fait leurs devoirs.
La petite maison dans la prairie, quoi… Donc, pour lui, ça a été un
moment très difficile. Et nous, je dois dire qu’on était remonté. On n’en
foutait pas une en classe, on était déconcentré pour nos devoirs. Dans
notre chambre, c’était le foutoir. On grimpait sur tout comme des petits
singes. On cassait régulièrement des objets… Ma mère était douce et
patiente. On aimait travailler avec elle en rentrant de l’école mais notre
père, lui, il s’énervait, il nous criait dessus, il nous punissait. Et je pense
que tout ça nous angoissait et qu’on le manifestait par notre compor-
tement. La vie de notre mère tournait autour de nous. Elle était femme
au foyer, donc, vous voyez, nous, on était choyé, on était les rois et
tout d’un coup, plus rien, le vide. Alors, je pense que tout ce chambard
qu’on faisait, c’était notre façon de dire qu’on allait mal. »
Arlette, maltraitée par sa mère, placée en institution et abusée sexuel-
lement par son premier père d’accueil, retrouve un foyer alors qu’elle
L’événement traumatique
60

est âgée de 11 ans. Ses nouveaux parents sont rapidement déconcertés


par cette fillette qui ment sans cesse. Sa mère s’emporte de plus en
plus souvent et sanctionne les mensonges de plus en plus sévèrement.
S’enclenche une spirale infernale ; plus la mère crie et punit, plus Arlette
la craint, se replie sur elle-même et dissimule pour se protéger et plus la
mère, impuissante, se met en colère et sévit.
–– Les parents souffrant d’un handicap mental ou de troubles psychia-
triques (dépression, psychose), toxicomanes ou alcooliques ne sont
pas toujours en mesure de fournir un maternage adéquat.
Brice se rappelle : « Ma mère était tout le temps bourrée. Elle restait
scotchée devant la télévision avec son verre de vin et ses cigarettes.
Même pour les repas, on devait se débrouiller tout seul. Ca arrivait
souvent qu’on n’ait plus de vêtements propres et qu’on se ballade
plusieurs jours avec le même t-shirt maculé. Les courses et l’entretien
de la maison, c’était aussi pour notre pomme. Alors, pour ce qui est de
l’affection… On recevait surtout des claques, des fessées et même des
coups de pied et des coups de martinet. »
L’organisation, l’attitude et la psychopathologie familiale pré et post-
traumatique sont des facteurs déterminants dans le développement des
syndromes psychotraumatiques.
• Les jeunes victimes ne présentent pas de signes manifestes de souffrance.
Certains enfants ne manifestent pas de réactions de détresse. C’est
fréquemment le cas des plus jeunes (en dessous de 5 ans). Les plus
grands peuvent adopter des attitudes défensives et contrôler leurs
réactions. En l’absence de troubles évidents, les adultes sont généra-
lement persuadés que leurs enfants n’ont pas conscience de la gravité
des événements et par conséquent, négligent leur besoin de soutien.
De plus, il peut leur être difficile de détecter des symptômes qu’ils ne
ressentent pas eux-mêmes ou minimiser leur importance s’ils ne sont
pas intenses.
À 16 ans, Élisabeth a été violée par une vague connaissance qu’elle a suivie
dans les bois sous le prétexte fallacieux d’aller récolter des champignons. « Je
pense que personne n’a rien vu. Je ne voulais pas que ça se sache. J’avais
honte. Je me disais que si ça m’était arrivé, c’était de ma faute. Je pensais que
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
61

j’avais été imprudente de suivre ce garçon. Donc, j’ai fait comme si tout allait
bien. Je ne leur ai pas donné l’occasion de m’aider. »
–– La capacité de soutien du réseau social. Les réseaux sociaux et
les relations de voisinage ont un effet protecteur. Les mécanismes de
soutien ambiant agissent comme un tampon et procurent un réservoir
de ressources externes permettant aux jeunes victimes de faire face effi-
cacement aux difficultés qu’elles rencontrent. Ainsi, des relations sociales
de bonne qualité entretenues avec des adultes et des pairs (au sein de
clubs sportifs ou de loisirs, d’associations, de congrégations religieuses,
de mouvements de jeunesse, etc.) et les liens privilégiées établis avec
une personne bienveillante (un membre de la famille, un enseignant, un
éducateur sportif, un voisin, un représentant du culte, des membres d’une
association, etc.) constituent des tuteurs de résilience importants.
Yves, enfant de parents alcooliques et violents, témoigne : « Ce qui m’a sauvé,
ce sont les scouts. Là, j’oubliais tout. J’avais des amis. Je faisais des activités
avec des jeunes de mon âge. Je m’amusais. Je n’entendais pas à tout bout de
champ des injures, je ne recevais pas de coups. Personne ne me brimait. J’étais
comme tous les autres enfants et ça me faisait un bien fou. »
Soulignons que la qualité du réseau social est généralement dépendante
de l’intégration sociale de la famille. Or les familles à transactions violentes
sont souvent repliées sur elles-mêmes. Le relâchement du tissu communau-
taire et du contrôle social informel autour de ces foyers explique partiel-
lement le fait que les enfants y soient exposés à la violence (physique et
sexuelle) mais également qu’ils soient plus à risque de développer des
troubles psychotraumatiques. En effet, la carence affective, le manque
de soutien, le défaut d’encadrement et l’insuffisance de protection ne se
trouvent pas compensés par des relations positives avec des adultes de la
communauté.
Aude raconte : « On n’avait pas le droit d’amener des amis à la maison. On
n’avait pas le droit d’aller chez des amis. On vivait en vase clos. Comme mes
parents avaient quitté la province pour Bruxelles, on n’avait même pas de
famille à proximité. Les autres enfants avaient des activités parascolaires, ils
faisaient du sport, ils étaient dans des mouvements de jeunesse. Nous, rien.
Au début, on avait envie de tas de choses mais on nous répondait toujours
qu’on n’avait pas d’argent à jeter par les fenêtres. En grandissant, j’ai perdu
L’événement traumatique
62

jusqu’à l’envie. Je me suis repliée sur moi-même. Mon frère aussi. Je me sentais
différente des autres. Ils vivaient dans un autre monde qui me semblait à des
années lumière, un monde inatteignable où tout me semblait beau. Nous, on
était entourés d’un mur de silence et de solitude. On était emmurés vivants. »
Le milieu de récupération peut lui-même être traumatisant (victimisa-
tion secondaire85). Ainsi, des attitudes sociales négatives sont prédictives
d’une évolution péjorative. En effet, la stigmatisation et la discrimination
influencent fortement la manière dont les personnes ciblées se considèrent.
Rapidement, les jeunes victimes ont tendance à s’autostigmatiser en inté-
riorisant et en retournant contre elles les perceptions négatives nourries à
leur égard. Elles perdent alors leur confiance en elles et leur sentiment de
valeur personnelle. Elles peuvent également éprouver des sentiments de
culpabilité si elles sont tenues pour fautives de leur infortune comme c’est
fréquemment le cas dans les agressions à caractère sexuel. Déconsidérées
et rejetées, il est fréquent qu’elles en viennent à s’isoler et à éviter tout
contact menaçant.
En République Démocratique du Congo, au cours des conflits armés qui ont
secoué l’Est du pays, de nombreuses fillettes ont été victimes de violences
sexuelles. Même les plus jeunes témoignent de l’opprobre qu’elles subissent.
Elles rapportent être fréquemment moquées, ridiculisées, raillées, injuriées,
humiliées et rabaissées. Par exemple, à leur passage, les enfants et les adoles-
cents parodient des chansons vexatoires dans lesquelles elles sont citées
nommément ; ils interrompent leur conversation ; ils chuchotent et s’esclaffent ;
ils les montrent du doigt, etc. Les relations d’autrefois cessent fréquemment
de leur parler ou de les fréquenter. Considérées comme montrant le mauvais
exemple, elles sont parfois expulsées des établissements scolaires, surtout si
elles sont enceintes des suites du viol.
–– Les soins de santé mentale. Un recours précoce à des soins de santé
mentale de qualité et la poursuite d’un traitement psychologique peut

85
On parle de victimisation secondaire lorsque la victime d’un événement traumatisant est
confrontée à une réaction inadéquate à l’égard de cette victimisation. Cette réaction peut
émaner d’une personne (famille, voisinage, connaissances, condisciples, etc.), d’une institu-
tion (police, justice, services administratifs, etc.), des médias, etc. Elle risque d’aggraver les
dommages physiques ou psychologiques causés par l’incident délétère, voire d’engendrer
de nouvelles souffrances.
Les paramètres influençant le développement des syndromes psychotraumatiques
63

grandement contribuer à la restauration psychique après l’ébranlement


provoqué par un incident critique. Lorsque les proches perçoivent des
perturbations significatives du comportement de leur enfant après qu’il ait
subi un accident, une catastrophe naturelle ou une agression, ils recourent
volontiers à une assistance professionnelle dans les pays où ce type de
service est aisément accessible. Dans les cas de violences intrafamiliales et
dans les pays en voie de développement, il est par contre nettement plus
rare que la jeune victime bénéficie rapidement de soins spécialisés et de
l’intervention de professionnels solidaires et bienveillants.

Résumé
– Les jeunes enfants ne sont pas en mesure de percevoir la menace vitale ou la gravité
d’un événement, d’apprécier ses enjeux ou d’en prévoir les séquelles et les consé-
quences. De ce fait, certains ne manifestent aucune réaction visible et ne semblent
pas éprouver d’émotions particulières. En grandissant, d’aucuns développeront
toutefois des séquelles traumatiques. A contrario, ils peuvent appréhender un inci-
dent mineur comme menaçant et en éprouver de l’effroi.
– Les enfants en bas-âge souffrent principalement des douleurs physiques, des sépara-
tions brutales ainsi que des modifications du comportement de leurs proches et sont
très influencés par le vécu subjectif de leur entourage. Plus ils grandissent, plus les
blessures et la menace vitale deviennent les causes majeures de troubles ultérieurs.
– Les nourrissons, les enfants et les adolescents peuvent être victimes d’une catastrophe
naturelle, d’une agression, d’un conflit armé, d’un accident ou de la perte d’un être
cher. Ils sont aussi particulièrement exposés à la négligence grave et aux violences
psychologiques ainsi qu’aux maltraitances physiques et sexuelles perpétrées par des
proches ou un étranger et sont la proie désignée des prédateurs pédosexuels. Dans
certaines contrées, ils sont également à risque de pâtir de traditions dommageables,
notamment des mutilations sexuelles.
– Le nourrisson, l’enfant et l’adolescent peuvent avoir été sujet (avoir subi) ou témoin
(avoir vu ou entendu) de l’événement adverse. Les plus grands peuvent également en
avoir été acteur (avoir provoqué).
– Les traumatismes simple de type I tels les agressions et les accidents exposent les
nourrissons, les enfants et les adolescents à un événement unique, circonscrit dans
le temps, imprévisible et d’apparition brutale. Les traumatismes complexes de type
II ou III tels les maltraitances physiques et sexuelles, les rackets, l’enfermement dans
les camps de détention, le travail forcé, les traditions dommageables et l’exposition
aux violences conjugales les soumettent à une violence durable, répétée, exempte de
surprise, voire prévisible.
L’événement traumatique
64

– Le nourrisson, l’enfant ou l’adolescent peut être la victime directe d’un événement,


c’est-à-dire avoir été confronté au sentiment de mort imminente, à l’horreur ou au
chaos ou être une victime indirecte, c’est-à-dire pâtir psychologiquement d’une situa-
tion vécue par autrui.
– L’exposition à un événement grave ne suffit pas pour engendrer une souffrance trau-
matique. L’apparition de symptômes, leur fréquence et leur intensité sont influencées
par les paramètres de l’événement, des facteurs propres à la jeune victime ainsi que
par les caractéristiques du milieu de récupération. Plus les facteurs de risque sont
nombreux, plus l’apparition d’un trouble post-traumatique est probable et potentiel-
lement grave et chronique.
– La sévérité d’un événement adverse est fonction de sa nature, de sa durée et de sa
fréquence. Dans les cas de violence, l’identité de l’agresseur et sa proximité relation-
nelle avec le nourrisson, l’enfant ou l’adolescent constituent également des variables
possédant un pouvoir traumatique important.
– Les réactions des jeunes victimes à un événement potentiellement traumatisant sont
fonction de leur âge et de leur développement, de leur personnalité, de leurs antécé-
dents ainsi que de facteurs de vulnérabilité qui leur sont propres.
– Le maintien et la restauration de l’équilibre psychique des jeunes victimes sont
influencées par la qualité des relations familiales, la cohésion et l’organisation de
la famille, la capacité de soutien de l’entourage et du réseau social ainsi que par la
disponibilité de soins spécialisés en santé mentale et l’intervention de professionnels
solidaires et bienveillants.
– Certaines caractéristiques individuelles telles des mécanismes de défense adéquats, des
compétences émotionnelles et sociales de qualité, une bonne estime de soi, l’habileté
à résoudre les problèmes ainsi que la capacité à formuler des projets de vie et la déter-
mination à les atteindre constituent des ressources internes favorisant la résilience.

Vérifiez vos connaissances :


– À partir de quel âge un enfant peut-il développer un syndrome de stress post-trau-
matique au sens conventionnel du terme ?
– Expliquez pourquoi les nourrissons et les grands enfants sont affectés par des événe-
ments de nature différente.
– Qu’entend-on par traumatisme de type I, II et III ?
– Qu’est-ce qu’un traumatisme indirect ?
– Les réactions des enfants à un événement traumatique sont modulées par une multi-
plicité de facteurs. Ceux-ci se subdivisent en trois catégories : les variables liées à
l’événement, les facteurs propres à l’individu et les caractéristiques du milieu de récu-
pération. Citez trois paramètres dans chacune de ces catégories.
CHAPITRE 2
Les réactions des nourrissons,
enfants et adolescents face à
un événement traumatisant

La symptomatologie post-traumatique des enfants86 et des adolescents87 ne se


distingue pas nettement de celle des adultes.
Au moment et dans le décours d’un événement adverse, les enfants et les
adolescents peuvent présenter un ensemble de réactions physiques, émotion-
nelles, cognitives et comportementales. Une minorité va réagir par un stress
adapté ; la plupart vont présenter des réactions de stress dépassé accompagné
d’une détresse péritraumatique, voire même des symptômes traumatiques
(symptômes dissociatifs) et les sujets prédisposés peuvent déclencher des troubles

86
La définition des Nations unies entend par « enfant » tout être humain âgé de moins de
18 ans. Il est évident que les enfants ne forment pas un groupe homogène. En effet, on ne
peut comparer un enfant de 5 ans à un autre de 15 ans. De plus, un enfant peut être défini
différemment au sein de certains groupes culturels et sociaux.
87
L’adolescence « est la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte et se carac-
térise a) par des efforts en vue d’atteindre des buts en rapport avec les attentes du milieu
culturel dominant, et b) par des poussées de développement physique, psychique, affectif
et social ». « La transition est définie par le développement biologique, depuis le début de la
puberté jusqu’à la pleine maturité sexuelle et génésique ; par le développement psychique
depuis les caractéristiques cognitives et affectives de l’enfance jusqu’à celles de l’âge adulte
ainsi que par le passage de totale dépendance socio-économique qui caractérise l’enfance à
une relative indépendance » (OMS (1986), Les jeunes et la santé : défi pour la société. Rapport
d’un groupe d’étude de l’OMS sur la jeunesse et la santé pour tous d’ici l’an 2000, Organisation
Mondiale de la Santé, Série de Rapports techniques 731, Genève, http://whqlibdoc.who.int/
trs/WHO_TRS_731_fre.pdf). Selon l’OMS, cette transition débute avec la puberté, vers l’âge
de 10 ans et s’achève avec la majorité légale, vers 19 ans. Cette catégorisation, utile pour
la planification sanitaire, est évidemment arbitraire et ne tient pas compte des différences
individuelles et culturelles, parfois considérables. Si l’on s’accorde généralement à associer le
début de l’adolescence à la puberté, sa fin est par contre, incertaine et davantage tributaire
de facteurs culturels. En dépit des différences entre individus et entre cultures, certaines
caractéristiques sont communes à tous les adolescents. À tous, cette transition impose des
défis à relever.
Les réactions face à un événement traumatisant
66

psychopathologiques. Ces réactions sont à considérer comme des réponses


normales, du moins attendues, à un événement hors du commun.
Ces premières réactions ne présagent pas de l’évolution mentale des jeunes
victimes. Dès les premiers jours et les premières semaines, certaines voient leurs
troubles s’amender et d’autres commencent à souffrir de symptômes psycho-
traumatiques (phénomènes de reviviscence, conduites d’évitement, état d’alerte),
de désordres anxieux, dépressifs, comportementaux et psychosomatiques, de
troubles du sommeil et des conduites alimentaires, voire de réactions patholo-
giques névrotiques ou psychotiques. Plus fréquemment que les adultes, les jeunes
victimes manifestent des plaintes somatiques et des comportements régressifs et,
ce qui leur est spécifique, des blocages scolaires.
Ces troubles peuvent s’avérer transitoires ou devenir chroniques et se perpé-
tuer jusqu’à l’âge adulte. Les jeunes victimes présentant une activation neurové-
gétative88 ou une dissociation péritraumatique89 sont davantage susceptibles de
développer des désordres psychiques à long terme. Nombre d’entre elles recou-
vreront cependant spontanément leur équilibre psychique.
La personnalité des enfants et des adolescents risque de subir davantage
d’altérations indélébiles que celle de leurs aînés. En effet, le traumatisme peut
imprimer des marques durables sur leur personnalité en devenir et induire des
attitudes et des comportements définitifs. D’où la fréquence de formes cliniques
à dominantes « caractérielles » et « relationnelles » dans les syndromes psycho-
traumatiques des jeunes victimes : exigence insatiable d’affection et rapports
capricieux avec les figures parentales chez les enfants, opposition à l’autorité,
agressivité, conduites antisociales et toxicomaniaques chez l’adolescent.

88
Voir infra, p. 73.
89
G.  Vila, Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer les
risques de conséquences à moyen et long terme ?, in Fédération française de psychiatrie
(2004), Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir, http://linces-
teparlonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF ; P.  Birmes, A.  Brunet, D.  Carreras, J.L. Ducasse,
J.P. Charlet, D.  Lauque, H.  Sztulman & L.  Schmitt (2003), “ The predictive power of peri-
traumatic dissociation and acute stress symptoms for posttraumatic stress symptoms : a
three-month prospective study ”, Am J Psychiatry 2003, 160, 1337-9 ; J.  Difede, J.T. Ptack,
J.  Roberts, D.  Barocas, W.  Rives & W.  Apfeldorf (2002), “ Acute stress disorder after burn
injury : a predictor of posttraumatic stress disorder ? ”, Psychosom Med 2002, 64, 826-34.
symptomatologie post-traumatique
67

Les réactions des jeunes victimes diffèrent selon leur âge. Elles sont également
fortement influencées par la réaction de leur entourage direct ainsi que par le
niveau de détresse et de désorganisation que les événements entraînent dans
leur univers. Confrontés à une situation tragique, les enfants et les adolescents se
tournent instinctivement vers les adultes qui les entourent et s’identifient immé-
diatement à leurs attitudes et réactions. Leur comportement est donc souvent
calqué sur le leur et profondément influencé par ce qu’ils pressentent de leurs
attentes.
Face à une situation potentiellement traumatique, on distingue deux moments
réactionnels :
–– La phase aiguë. Elle commence au moment où l’événement traumatique
se produit et perdure quelques semaines. Elle se subdivise en deux sous-
phases :
• La phase immédiate. Elle démarre dès l’apparition du danger et n’ex-
cède généralement pas deux à trois jours après sa disparition.
• La phase post-immédiate. Elle succède à la phase immédiate. Elle débute
dans les jours suivant l’événement et dure quelques semaines après
son occurrence.
–– La phase à long terme. Elle s’amorce en moyenne un mois après la
situation traumatogène et se prolonge plusieurs mois, plusieurs années,
voire toute la vie selon les individus et le type d’événement.
À ces moments particuliers correspondent différentes réactions :
–– On entend par réactions immédiates, l’ensemble de réactions émotion-
nelles, somatiques, cognitives et comportementales, adéquates ou inadap-
tées à la situation, manifestées par les jeunes victimes dès l’occurrence
d’un incident critique. Ces réponses se maintiennent tant que la menace
persiste puis s’émoussent progressivement.
–– Certaines jeunes victimes vont néanmoins continuer de manifester des
réactions de stress plusieurs jours après que le danger se soit éloigné, voire
vont développer des symptômes relevant du traumatisme. Au-delà de
deux à trois jours, les manifestations ne sont plus générées par la présence
d’un danger immédiat et sont nommées réactions post-immédiates.
Celles-ci peuvent perdurer quelques semaines après l’événement critique.
Les réactions face à un événement traumatisant
68

–– Leur persistance au-delà d’un mois fait suspecter l’apparition d’un véri-
table traumatisme psychique et l’évolution vers la chronicité. Ce sont les
réactions différées et chroniques.

Résumé
– Au moment et dans le décours d’un événement adverse, une minorité de jeunes
victimes va réagir par un stress adapté, la majorité par un stress dépassé. Les sujets
prédisposés peuvent déclencher des troubles psychopathologiques.
– Dès les premiers jours et les premières semaines, certaines victimes voient leurs
troubles disparaître et d’autres commencent à souffrir de symptômes traumatiques
et/ou de désordres non spécifiques.
– Ces troubles peuvent s’avérer transitoires ou devenir chroniques et se perpétuer
jusqu’à l’âge adulte.

Vérifiez vos connaissances :


– Face à une situation potentiellement traumatisante, on distingue deux moments
réactionnels. Quels sont-ils ?
– À partir de quel moment peut-on suspecter l’apparition d’un véritable traumatisme
psychique ?
CHAPITRE 3
La phase aiguë

S MMAIRE

1. Les réactions immédiates


2. Les réactions post-immédiates
3. Les réactions immédiates et post-immédiates
selon les nosographies internationales

1. Les réactions immédiates

1.1 Réactions manifestes et traumatisme silencieux


Lorsque survient un événement pénible ou effrayant, l’enfant et l’adolescent
peuvent exprimer leur souffrance à travers leur comportement et leurs attitudes,
mais celle-ci peut aussi passer inaperçue.
–– Les réactions manifestes. Dans le décours d’un événement adverse,
certains enfants et adolescents présentent un changement considérable
d’attitude. L’apparition subite de peurs incontrôlables, de pleurs, d’une
prostration, d’un mutisme, de comportements régressifs, de troubles de
l’appétit et du sommeil, de plaintes somatiques ainsi qu’un désinvestis-
sement par rapport à des activités significatives (ludiques, sportives,
scolaires, etc.) sont des signes d’alerte. Ces changements contemporains
d’une situation particulière ou d’une modification de la vie familiale,
survenant après une garde par une nourrice, un baby-sitter ou un parent,
surgissant au retour de l’internat ou d’un camp de vacances doivent inciter
à envisager l’éventualité d’une répercussion traumatique. Toutefois, ces
réactions n’ont guère de spécificité pathognomonique1 et aucune prise

1
« Pathognomonique » se dit d’un signe ou d’un symptôme spécifique d’une affection
suffisant à lui seul à poser le diagnostic.
La phase aiguë
70

isolément n’atteste à coup sûr d’un traumatisme psychique. En effet, des


enfants et des jeunes peuvent manifester des réactions préoccupantes
alors qu’ils n’ont pas été exposés à un événement potentiellement trau-
matisant. C’est la conjonction, la répétition, l’accumulation, la cohérence
et la permanence de signes en rupture avec le comportement antérieur de
l’enfant ou de l’adolescent qui doit faire suspecter un psychotraumatisme.
Notons au passage que l’intensité de ces réactions ne préjuge pas néces-
sairement de leur gravité.
–– Un traumatisme silencieux. Certaines jeunes victimes souffrent sans
manifester de signe visible. C’est fréquemment le cas des plus petits (en
dessous de 5 ans) et des enfants soumis à la violence chronique (physique
ou sexuelle) intra ou extrafamiliale (par exemple, violences sexuelles
commises de manière réitérée au sein du foyer, d’un internat ou d’une insti-
tution scolaire, d’une congrégation religieuse, etc.) dont les réactions au
danger (réactions de stress) se sont émoussées. Même si leur tourment n’est
pas apparent, certains souffrent de désordres profonds que l’on peut quali-
fier de « traumatisme silencieux ». À titre d’exemple, plus de 30 % des enfants
subissant des abus sexuels ne présentent pas de réactions préoccupantes au
moment des faits. En aucun cas, l’absence de symptômes ne signifie que
l’enfant n’est pas éprouvé, qu’il n’a pas besoin d’aide ou qu’il ne présen-
tera pas ultérieurement des troubles. Certains verront d’ailleurs leur état
psychique se dégrader après un temps de latence de plusieurs mois, voire de
plusieurs années. En effet, les expériences délétères peuvent avoir des « effets
dormants »2 et leurs conséquences traumatiques peuvent émerger soudai-
nement, notamment à la faveur d’événements personnels ou familiaux. Par
exemple, un souvenir d’inceste peut resurgir violement, souvent de façon
imprévisible, à la suite d’événements tels une naissance, un mariage, le décès
d’un proche, un reportage télévisé, un rêve, etc. Le plus souvent, certains
signes sont manifestes pour l’entourage et d’autres ne le sont pas.
Nicole a été violée par son oncle à l’âge de 7 ans. Elle est aujourd’hui institu-
trice. Elle dit n’avoir présenté aucun symptôme jusqu’à ce que soient révélés

2
Terme emprunté à Wallerstein et collaborateurs. Ces auteurs nomment ainsi les effets
retardés du divorce sur les enfants. Voir L.  Wallerstein, J.  Lewis & S.  Blakeslee (1990), The
Unexpected Legacy of Divorce : The 25 Year Landmark Study, New York, Hyperion Books.
Les réactions immédiates
71

les abus sexuels subis par une de ses jeunes élèves. « Je vous assure, avant
ça allait. Vous pouvez demander à mes parents, vous pouvez demander à
mon mari, ils vous le diront. C’est vraiment cette histoire à l’école qui a tout
déclenché. Ça a été comme une bombe. Là, tout d’un coup, je me suis sentie
mal, j’ai eu des vertiges et mon histoire m’est revenue. Ce n’est pas qu’elle avait
disparu, je m’en souvenais mais ce que je veux dire, c’est qu’elle m’est revenue
émotionnellement et j’ai envie de dire « physiquement » aussi. J’ai commencé à
faire des cauchemars, à avoir des idées noires, à repousser mon mari et à être
super déprimée. J’ai dû arrêter mon travail. Ce n’était plus possible pour moi de
continuer. Je prends des antidépresseurs et des anxiolytiques mais ça ne sert à
rien. Le psychiatre veut m’hospitaliser en psychiatrie. »
La mère de Sanji nous raconte : « Sanji, c’est l’aîné des garçons. Il avait 16 ans
quand la guerre a commencé chez nous (en Bosnie). Comment j’aurais pu
imaginer, ça, moi ? Comment j’aurais pu penser qu’il allait mal. Le 1er  juin
1992, quand les Serbes ont commencé à tirer, il est sorti. Il a été voir les armes,
il a été voir les tranchées qu’on était en train de creuser. Ça l’intéressait beau-
coup. Il a trouvé ça amusant. Il n’a jamais eu peur. Quand ils (les serbes) sont
arrivés dans le deuxième village, il montait la garde avec les adultes. Il disait :
« Enfin, il se passe quelque chose dans ce petit village. » Aujourd’hui, je ne le
reconnais plus. Il est renfermé sur lui-même, il reste des heures sans parler, il
crie la nuit. Maintenant, il dit qu’avant la guerre, c’était la vraie vie : il jouait
au football, il allait à l’école, il avait ses amis. C’est maintenant qu’il réalise ce
qu’il a perdu. Et il s’ennuie. Il joue au foot et parfois il sort en ville mais en fait,
ça ne l’intéresse plus, il dit qu’il s’ennuie même quand il fait ça. Il voudrait aller
au front parce qu’ici, il s’ennuie. Je ne sais plus quoi faire… »
Arthur a perdu son père dans des circonstances tragiques alors qu’il était
adolescent. « À ce moment-là, ça allait. À cet âge-là, c’est la fuite en avant. Il
y avait les sorties, les amis… Le deuil, on le fait après. »

1.2 Les réactions de stress dépassé


Lorsqu’ils affrontent seuls un événement pénible ou effrayant, les enfants et
les jeunes adolescents réagissent rarement par un stress adapté. En effet, la briè-
veté de leur vie ne leur a pas permis d’acquérir les connaissances nécessaires pour
répondre efficacement aux exigences d’une situation dangereuse.
La phase aiguë
72

Lorsqu’ils sont accompagnés d’un adulte de confiance (un parent, un ensei-


gnant, un éducateur, etc.), ils peuvent sous son conseil adopter un comporte-
ment adéquat (sortir d’un immeuble dans le calme, se protéger sous un meuble,
surveiller un cadet, etc.). Dans l’univers des enfants, les adultes sont protecteurs,
courageux et invincibles. Si l’attitude de ces derniers face à la situation adverse
correspond à cette représentation, ils peuvent être rassurés et agir sous l’effet
d’un stress protecteur. A contrario, s’ils les perçoivent angoissés et impuissants,
ils peuvent être profondément perturbés et exécuter machinalement les ordres
qui leur sont donnés dans un état de stupeur dissociative ou sous l’emprise de la
terreur.
Tout comme chez les adultes, on observe trois modes réactionnels de stress
dépassé : l’hypo-réaction, l’hyper-réaction et la réaction apparemment normale.
–– L’hypo-réaction. Les enfants et les jeunes sont dans un état de choc
caractérisé par la stupeur, la sidération, la prostration, l’hébétude, la déso-
rientation, la confusion et le mutisme.
–– L’hyper-réaction. Les jeunes victimes expriment bruyamment leurs
émotions de peur, d’anxiété, de tristesse, de colère, etc. Ils s’agrippent aux
adultes, crient, pleurent, s’agitent en tous sens, parlent sans discontinuer
(généralement, logorrhée de propos peu construits), ont des accès d’an-
goisse et d’irritabilité, etc. Ce torrent d’émotions peut s’accompagner de
comportements inadaptés à la situation tels que des propos incohérents,
une fuite panique, un délire, des hallucinations ou une sérénité inappro-
priée.
Raphaëlle a 4 ans. Dans la chambre conjugale, son père vient de succomber
des suites d’une longue maladie. Toute la famille est réunie autour du corps
du défunt. Elle danse en chantant une ritournelle improvisée « mon papa est
mort ».
Anna, 8 ans, vient de perdre son papa. Sans raison, elle court s’enfermer dans
les toilettes.
–– La réaction apparemment normale. Sous la conduite d’un adulte,
les enfants peuvent se comporter de manière apparemment normale. Ils
obéissent aux consignes mais de manière mécanique, comme des auto-
mates.
Les réactions immédiates
73

Les réactions de stress dépassé sont principalement marquées par la détresse


péri-traumatique et les symptômes dissociatifs :
–– La détresse péritraumatique. Selon l’âge de la jeune victime, la
détresse péri-traumatique peut se traduire par une peur intense, des senti-
ments de tristesse, d’horreur, d’impuissance, de honte ou de culpabilité,
de la colère, la perception d’une menace vitale ainsi que par des sensations
physiques désagréables (impression d’être proche de l’évanouissement,
besoin d’uriner ou d’aller à la selle, sueurs, tremblements, palpitations).
Comme pour les adultes, la détresse péri-traumatique serait prédictive
d’une symptomatologie traumatique ultérieure. Des auteurs ont montré
que l’effroi et les symptômes d’anxiété ainsi que les manifestations physio-
logiques d’hyperactivité neurovégétative qui les accompagnent sont étroi-
tement corrélés à l’apparition d’un trouble psychotraumatique3.
–– Les symptômes dissociatifs4. On dit des personnes qu’elles sont
dissociées, lorsqu’elles sont déconnectées d’une partie de la réalité. « Les
troubles dissociatifs ont en commun une perte partielle ou complète
des fonctions normales d’intégration des souvenirs, de la conscience, de
l’identité ou des sensations immédiates et du contrôle des mouvements
corporels5. » Les réactions dissociatives péri-traumatiques relèvent du
stress mais également du traumatisme.

3
G. Vila (2004), Maltraitances sexuelles. Quels sont les éléments permettant d’évaluer les
risques de conséquences à moyen et long terme ?, in Fédération française de psychiatrie,
Conséquences des maltraitances sexuelles : reconnaître, soigner, prévenir, http://lincestepar-
lonsen.org/articles/EVALUA~1.PDF.
4
C’est à Pierre Janet que l’on doit le concept de dissociation. Près d’un siècle plus tard,
dans les années 1980, ses travaux seront redécouverts par les psychiatres américains. Cette
notion sera intégrée au DSM-III-R sous l’appellation « trouble dissociatif ». Voir P.  Janet
(1885), « Note sur quelques phénomènes de somnambulisme », Bulletin de la Société de
Psychologie physiologique, vol.  1, 24-32 & Revue Philosophique, vol.  21-1 (1886), 190-198 ;
P. Janet (1886), « Les phases intermédiaires de l’hypnotisme », Revue Scientifique (Revue Rose),
3e  série, vol.  1 (vol.  23), 577 – 587 ; P.  Janet (1886), « Les actes inconscients et le dédou-
blement de la personnalité pendant le somnambulisme provoqué », Revue Philosophique,
vol. 22-III, 577-592.
5
Définition de la CIM-10, F44. La CIM-10 est la dixième révision de la Classification Inter-
nationale des Maladies dont l’appellation complète est Classification statistique internationale
des maladies et des problèmes de santé connexes (en anglais, International Statistical Classi-
La phase aiguë
74

Dès le plus jeune âge, l’enfant peut manifester des symptômes dissociatifs :
il fuit sans but dans une course effrénée (action automatique de fugue
dissociative6), il est hébété, son regard est vide, il donne l’impression de
ne pas entendre ou de ne pas comprendre ce qu’on lui dit (stupeur disso-
ciative), il semble ne plus reconnaître les personnes, les lieux et les objets
familiers, il est désorienté et déambule hagard de pièce en pièce (déréa-
lisation7), il devient mutique (trouble moteur dissociatif), etc. Les adoles-
cents peuvent éprouver des sensations de dédoublement (par exemple,
impression se voir eux-mêmes de l’extérieur), d’être spectateur de leur vie,
d’agir de façon machinale à la manière d’un robot ou avoir le sentiment
que leur corps ne leur appartient pas (dépersonnalisation8, décorporalisa-
tion9).
Après avoir subi une expérience terrifiante, Marc, 14 ans, s’est enfui dans la
rue. Il a couru sans but jusqu’à ce qu’il s’effondre sur le trottoir, épuisé et hors
d’haleine. Lorsque son ami parvient à le rejoindre, il est agité, ses gestes désor-
donnés manquent de coordination, son regard est hagard et il semble « être
ailleurs ». Les secours arrivent rapidement. Lorsque les ambulanciers l’inter-
rogent, Marc se tourne vers son ami en demandant affolé : « Hein ? Qu’est-ce
qu’il dit ? Qu’est-ce qu’il dit ? Quoi ? Quoi ? Qu’est-ce qu’il dit ? »
Les enfants et les adolescents ont généralement des souvenirs clairs et
accessibles de l’événement traumatique même si émotionnellement, ils
éprouvent des difficultés à en faire-part. Contrairement aux adultes, le
phénomène d’amnésie dissociative10 est rare chez eux ; plus fréquentes
sont les distorsions mnésiques (par exemple, rappel anarchique de la
succession des événements, interprétations erronées des faits, etc.).

fication of Diseases and Related Health Problems ou ICD-10). Elle est publiée par l’OMS. La
onzième version est prévue pour 2014.
6
Départ soudain sans but préalablement établi et réfléchi.
7
Sens altéré de l’expérience de la réalité 
8
Sens altéré du rapport à soi-même et à son corps.
9
La décorporalisation ou décorporéisation est une forme de dépersonnalisation caracté-
risée par un sentiment d’atteinte de l’intégrité corporelle. Elle se manifeste par une impres-
sion de pesanteur ou d’immatérialité, par une sensation de modification de la densité, du
volume (corps dilaté ou rétréci) ou de la forme du corps ainsi que par la sensation d’une
dissociation de son enveloppe corporelle (impression de flotter au-dessus de son corps).
10
Amnésie partielle ou totale de l’événement critique.
Les réactions immédiates
75

Michèle se souvient que son frère a frappé violemment son père. Or c’est exac-
tement l’inverse qui s’est produit.
Dans les cas extrêmes, la jeune victime peut présenter un état confu-
sionnel  suivi habituellement d’une amnésie rétrograde11 : elle est obnu-
bilée, perplexe, a des hallucinations ou des visions oniriques, le plus
souvent terrifiantes, vécues comme vraies.
Comme pour les adultes, la dissociation péri-traumatique serait fortement
corrélée à l’apparition d’un état de stress aigu et d’un syndrome psycho-
traumatique chronique12.

1.3 Les réactions psychopathologiques aiguës

Tout comme les adultes, les enfants et les adolescents fragiles avant l’événe-
ment traumatique (par exemple, personnalité pré-morbide, névrose ou psychose
avérée) sont susceptibles de réagir de façon excessive ou inadaptée devant une
situation hautement stressante et a fortiori traumatique.

1.3.1. Les réactions névrotiques

–– Les réactions hystériques. Certains enfants et adolescents déclenchent


immédiatement des crises d’agitation (« crises de nerf »), des états crépus-
culaires13 et des symptômes de conversion14 (aphonie, bégaiement, pares-
thésie, paralysie, trouble de l’équilibre, etc.).

11
Limitée à la période de confusion.
12
P.  Birmes, A.  Brunet, D.  Carreras, J.L. Ducasse, J.P. Charlet, D.  Lauque, H.  Sztulman &
L.  Schmitt (2003), “ The predictive power of peritraumatic dissociation and acute stress
symptoms for posttraumatic stress symptoms : a three-month prospective study ”, Am
J Psychiatry 2003, 160, 1337-9 ; J.  Difede, J.T. Ptack, J.  Roberts, D.  Barocas, W.  Rives &
W. Apfeldorf (2002), “ Acute stress disorder after burn injury : a predictor of posttraumatic
stress disorder ? ”, Psychosom Med 2002, 64, 826-34.
13
État caractérisé par une baisse du niveau de la vigilance (désorientation spatio-tempo-
relle, onirisme, amnésie lacunaire) avec conservation de certains automatismes.
14
Les conversions regroupent des troubles disparates sans cause organique pouvant
toucher tous les organes et fonctions corporelles.
La phase aiguë
76

Nadine, 6 ans, devient aphone (conversion hystérique) à l’instant même où elle


découvre sa mère en pleins ébats sexuels avec le prêtre de la paroisse. Elle le
restera plus d’un an.
–– Les réactions phobiques. La jeune victime déclenche des crises de
panique lorsqu’elle est confrontée à des stimuli rappelant l’événement
traumatique (des personnes, des scènes à la télévision, etc.). Elle refuse
de rester seule, elle a peur de l’obscurité (« peur du noir »), elle craint les
personnes étrangères à la famille, etc. Ces séquelles post-traumatiques
sont le plus souvent des pseudo-phobies et ne sont pas seulement le fait
de personnalités phobiques. En effet, elles ont été acquises par condition-
nement à partir d’une situation réelle, ce qui n’est pas le cas des « vraies »
phobies15. Toutefois, l’événement traumatique peut favoriser déclenche-
ment d’une phobie véritable.
Suite à une fellation forcée à l’adolescence, Mina développe une phobie de tout
ce qui pourrait pénétrer son organisme : elle développe une peur irrationnelle
des actes médicaux (vaccinations, prises de sang, etc.) et dentaires intrusifs
(introduction de fraise, forets et aspirateur dentaires dans la bouche, etc.) mais
également des radiographies et des échographies parce que « la lumière et les
rayons entrent dans son corps ».
–– Les réactions obsessionnelles16. Certains enfants se livrent à des rituels
d’allure obsessionnelle, par exemple, vérifier selon un rite établi qu’un
voleur ne se cache pas sous le lit, que les portes sont fermées, etc. La
plupart de ces réactions ne relèvent pas de la névrose obsessionnelle. Elles
sont des tentatives (adéquates ou non) de se protéger d’une nouvelle
occurrence de l’événement traumatique. Néanmoins, un traumatisme
peut inaugurer l’entrée dans une authentique névrose obsessionnelle. Au
stade préopératoire17, entre deux et sept ans, l’enfant est convaincu du
pouvoir magique de ses pensées. Il est donc compréhensible qu’il puisse

15
Une phobie est une anxiété intense et incontrôlée ressentie par une personne lorsqu’elle
est en présence d’objets ou de situations qui n’ont pas en eux-mêmes de caractère dange-
reux. Cette névrose trouve son origine dans un conflit intrapsychique.
16
Dans l’obsession, à l’inverse de la phobie, l’anxiété peut être déclenchée sans que l’objet
ou la situation soit présent ; l’idée seule suffit.
17
J.  Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires de
France, coll. Que sais-je ?
Les réactions immédiates
77

attribuer une action conjuratoire à des idées ou à des actes et en consé-


quence, qu’il puisse se livrer à la répétition de rituels.
Après que son cousin l’ait attouchée sexuellement, Stéphanie, 9 ans, se lave
compulsivement la vulve. Très rapidement, le trouble prend de l’ampleur et
s’étend à tout le corps. Sa toilette quotidienne dure plus d’une heure et elle se
lave les mains jusqu’à 50 fois sur une journée. Progressivement, ses obsessions
et rituels touchent la propreté de ses vêtements et des lieux où elle se tient.

1.3.2. Les réactions psychotiques

Dans le décours d’un événement traumatisant, des jeunes victimes sans anté-
cédents psychiatriques ni neurologiques peuvent présenter des troubles d’allure
psychotique avec états confusionnels, hallucinations et délires dont le thème est
généralement en lien avec les expériences délétères vécues. Nous pensons que
ces réactions s’inscrivent dans le cadre de la perte des fonctions d’intégration des
différents aspects de la réalité provoquée par l’expérience traumatique. De notre
point de vue, elles sont à assimiler aux symptômes dissociatifs, dont elles seraient
l’expression extrême, plutôt qu’à la psychose18. Certains les classent cependant
dans les troubles psychotiques brefs19 ou les bouffées délirantes20. Dans la majo-
rité des cas, les symptômes disparaissent rapidement, sans séquelles ni récidive.
Il existe actuellement très peu de données sur les liens entre événement
traumatisant et éclosion d’une véritable psychose chez les jeunes victimes, en
particulier chez les petits enfants. À l’inverse des troubles psychotiques réaction-
nels post-traumatiques21, les affections psychotiques touchent des enfants et des

18
Par exemple, pour notre part, nous les associons davantage aux états de transe et de
possessions repris dans les troubles dissociatifs de la CIM-10 qu’au trouble psychotique tran-
sitoire de la même nosographie. Nous les rapprochons également de ce que Crocq nomme
l’état confusionnel post-émotionnel (L. Crocq (1999), Les traumatismes psychiques de guerre,
Paris, Odile Jacob).
19
Terminologie du DSM-IV. Le DSM-IV est la quatrième édition du Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorder de l’American Psychiatric Association.
20
Selon le CIM-10.
21
Nous rejoignons Bessoles pour qui ce type de psychose serait post-traumatique
(P. Bessoles (2006), « Psychose post-traumatique : contribution à une théorisation dynamique
du traumatisme aigu post-immédiat », L’Encéphale, vol. 32, no 5, 1, 729-737).
La phase aiguë
78

adolescents prédisposés, porteurs d’une psychose en incubation s’extériorisant


à la faveur des événements. De plus, elles évoluent généralement de manière
chronique avec des rechutes intermittentes.
Le diagnostic de psychose, y compris celui de trouble psychotique bref ou
de bouffée délirante, doit être posé avec prudence, surtout chez le jeune enfant.
En effet, le système permettant de construire les réalités perceptives n’étant pas
achevé aux âges précoces, il est difficile de distinguer chez l’enfant l’hallucination
de son imaginaire normal (par exemple, des enfants s’inventent un compagnon
imaginaire sans que cela ne relève de la psychose).

2. Les réactions post-immédiates

Dans les premiers jours suivant l’événement délétère, les réactions sont souvent
intenses. Généralement, elles s’atténuent rapidement pour disparaître au bout de
quelques jours ou de quelques semaines. Cependant, certaines jeunes victimes
voient leurs troubles persister et d’autres commencent à souffrir de symptômes
préfigurant un syndrome psychotraumatique (symptômes pathognomoniques
d’un traumatisme et pathologies associées). D’autres encore vont inaugurer ou
confirmer une psychopathologie névrotique ou psychotique telles que décrites
dans les réactions immédiates.

2.1 L’apparition d’un syndrome post-traumatique

Le syndrome post-traumatique survient toujours après une phase de latence


variant de quelques jours à quelques semaines, voire à quelques mois ou années
après l’événement critique22. Généralement, il apparait plus rapidement chez

22
Le DSM (dans la version IV et dans la future version V) considère qu’on ne peut parler
d’État de Stres Post-Traumatique qu’après un mois minimum après l’événement trauma-
tique. Voir infra « Les réactions immédiates et post-immédiates » selon les nosographies inter-
nationales, p. 143.
Les réactions post-immédiates
79

l’enfant que chez l’adulte, après un délai très court. Il s’observe fréquemment dès
l’âge de 3 ans23.
Le syndrome post-traumatique se caractérise par la reviviscence de l’événe-
ment adverse sous forme de symptômes intrusifs, par l’évitement des stimuli qui
lui sont associés et par une activation neurovégétative (symptômes pathognomo-
niques). Le danger ayant disparu, ces troubles ne peuvent être imputés au seul
stress et doivent être attribués au traumatisme. Généralement, ils s’estompent
et disparaissent spontanément au bout de quelques semaines. On qualifie de
forme aiguë ce tableau de stress post-traumatique de brève durée. Leur persis-
tance au-delà d’un mois fait suspecter l’installation d’un véritable traumatisme
psychique et l’évolution vers la chronicité.
–– Les symptômes intrusifs. Il s’agit de manifestations par lesquelles la
jeune victime a l’impression d’être ramenée dans le passé et de réexpé-
rimenter l’événement initial, voire même de le revivre. Ces reviviscences,
vécues comme réelles et actuelles, surviennent spontanément, hors la
volonté du sujet et provoquent une angoisse ou une détresse intense.
• Les flash-back. Comme les adultes quoique moins souvent, les enfants
et les adolescents peuvent avoir de brèves hallucinations leur donnant
l’impression d’être ramenés au moment de l’événement. Ces expé-
riences sont particulièrement éprouvantes pour les jeunes enfants qui
distinguent difficilement la limite entre l’imaginaire et la réalité.
• Les souvenirs répétitifs de l’événement. Les adultes se plaignent d’être
assiégés à tout moment par des souvenirs intrusifs de l’événement
alors que les enfants rapportent davantage de rappels désagréables
survenant lorsqu’ils s’ennuient (par exemple, en classe, devant leurs
devoirs scolaires ou la télévision), qu’ils sont inoccupés ou sur le point
de s’endormir.

Voir M.S. Scheeringa et al. (1995), “ Two Approaches to the Diagnosis of Post-traumatic
23

Stress Disorder in Infancy and Early Childhood ”, J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 1995,
34, 191-200 ; L.C. Terr (1988), “ What Happens to Early Memories of Trauma ? A Study of
Twenty Children Under Age Five at the Time of Documented Traumatic Events ”, J Am Acad.
Child Adolesc Psychiatry, 27, 96-104 ; G. Vila & M.C. Mouren-Simeoni (1999), « État de stress
post-traumatique chez le jeune enfant : mythe ou réalité ? », Annales médico-psychologiques,
157, 456-469.
La phase aiguë
80

• Les cauchemars. Les cauchemars de répétition sont moins fréquents


que chez les adultes. Les rêves effrayants des enfants présentent
souvent peu ou pas de ressemblance avec l’événement traumatique et
chez les plus jeunes (avant cinq ans), leur contenu n’est habituellement
pas reconnaissable.

• L’impression que l’événement pourrait se renouveler. Tout comme l’adulte,


l’enfant ou l’adolescent peut avoir le sentiment que le danger guette
et qu’un drame pourrait à nouveau frapper, en particulier lorsque ses
pensées ou un stimulus extérieur (bruit inopiné, film violent, etc.) le
ramènent au traumatisme originaire.

• Les phénomènes moteurs élémentaires. Comme chez l’adulte, les revivis-


cences peuvent s’accompagner de la réaction motrice élémentaire que
l’enfant ou le jeune a eue lors de l’événement telle que sursauter ou se
recroqueviller.

• Les conduites de répétition et les jeux répétitifs. À l’occasion d’un déclen-


cheur évoquant l’événement traumatique, la jeune victime peut réitérer
les comportements complexes qu’elle a tenus pendant l’événement.

En Croatie, en 1992, les enfants déplacés de la ville de Vukovar (Slavonie


orientale), en sécurité dans le camp de Špansko à Zagreb, se cachent sous
les tables au passage des avions.

Dans les cas d’abus sexuels, ces comportements de répétition sont


souvent caractérisés par des aspects sexuels. Par exemple, les enfants
peuvent manifester des préoccupations sexuelles excessives pour leur
âge (curiosité soudaine portée aux parties génitales des êtres humains
ou des animaux, questionnement récurrent sur la sexualité, voyeu-
risme, allusions répétées et inadéquates à la sexualité), se livrer à des
conduites auto-érotiques prématurées, parfois compulsives (attou-
chements des parties génitales, masturbation excessive, y compris
en public, introduction d’objets dans le vagin ou l’anus) ou adopter
des conduites sexuellement provocantes et exhibitionnistes. Certains
présentent un comportement séducteur et sexualisé, érotisant leur
rapport à autrui, attribuant une connotation sexuelle injustifiée aux
Les réactions post-immédiates
81

attitudes des adultes, voire harcelant ou agressant sexuellement des


adultes ou d’autres enfants.24
Outre ces comportements adoptés pendant les faits, ces conduites de
répétition se traduisent par le besoin de représenter l’incident critique,
notamment par le biais d’activités ludiques. De manière répétée, voire
compulsive, le plus souvent sans plaisir ni amusement, les enfants et
les adolescents mettent en scène des aspects ou des thèmes de l’évé-
nement traumatique dans leurs dessins, leurs jeux ou leurs fantaisies
(saynètes, histoires qu’ils s’inventent, etc.). Par exemple, les jeunes
victimes d’agressions sexuelles peuvent s’adonner à des jeux très sexua-
lisés de « papa et maman » ou du « docteur » particulièrement réalistes
ou violents  ou, avec force gestes et bruitage, simuler des rapports
sexuels entre leurs jouets (poupées, ours en peluche, etc.).  Dans les
contextes de conflit armé ou de post-conflit, les enfants et les adoles-
cents dessinent des combats, des bombardements et des arrestations,
ils jouent à la guerre entre eux, ils reconstituent des batailles par le
biais de figurines qu’ils entrechoquent violemment ou lisent des revues
dont les héros sont des soldats.
Alors que je suis en entretien avec sa maman, Alice, 5 ans, patiente en
dessinant. Elle est très agitée, les traits de son visage sont tendus et ses
coups de crayon témoignent d’une rage manifeste. Subitement, elle se lève
et me tend ses dessins en déclarant : « Ça, c’est que ma mamy me fait ».
Tous se ressemblent à s’y méprendre. Ils représentent un bonhomme, les
jambes écartées par une grosse boule. Elle désigne le personnage : « Ça,
c’est moi », pointe la sphère : « Ça, c’est ma mamy. Tu vois, c’est sa tête »
puis attire mon attention sur une excroissance : « Et ça, c’est sa langue ». Sa
mère est sous le choc. Depuis quelques semaines, Alice reproduit sans cesse

24
Les troubles de la conduite sexuelle et les comportements sexuels précoces doivent dans
tous les cas faire suspecter des abus sexuels. On se rappellera néanmoins qu’ils ne consti-
tuent pas une preuve irréfutable d’agression sexuelle. En effet, les enfants manifestent géné-
ralement une grande curiosité sexuelle. À l’adolescence, les bouleversements hormonaux et
pulsionnels stimulent également cet intérêt. La masturbation, même intensive, est banale
avant l’âge de 3 ans. De plus, l’enfant peut reproduire des scènes qu’il a surprises (par
exemple, adultes se livrant à des rapports sexuels en réalité ou à la télévision).
La phase aiguë
82

ces quelques traits grossiers mais c’est la première fois qu’elle en fournit
l’explication.
En 1992, en Croatie, dans les camps de réfugiés de Bosnie, les enfants
dessinent la guerre, s’affrontent dans des jeux guerriers et complètent les
albums d’images autocollantes à l’aide de vignettes détachables représen-
tant des soldats (voir photos).

« Moj doživljaj rata » (mon expérience de la guerre),


Croatie, Zagreb, 1993

Ana, 11 ans
Les réactions post-immédiates
83

Adriana, 13 ans

Adela, 14 ans
La phase aiguë
84

Camp de réfugiés de Bosnie, Špansko, Zagreb, Croatie, 1993


(photos Évelyne Josse)
Les réactions post-immédiates
85

• La détresse et la réactivité physiologique. Comme les adultes, les jeunes


victimes ressentent de la détresse, en particulier de la peur, et mani-
festent des troubles physiques tels que maux de ventre, nausées et
diarrhée lorsqu’elles sont exposées à des indices rappelant l’événement
traumatique.
–– Les conduites d’évitement et l’émoussement de la réactivité
générale. Tout comme l’adulte, l’enfant ou l’adolescent fuit ce qui lui
rappelle l’événement traumatique. Il se tient à l’écart du théâtre du drame
(lieu) ; il se garde d’approcher l’auteur de son malheur ainsi que toute
personne qui lui ressemble (personnes) ; il refuse d’aborder les faits allant
jusqu’à se boucher les oreilles lorsqu’ils sont évoqués en sa présence
(conversations) ; il se replie dans l’imaginaire et la rêverie pour échapper
aux pensées et aux sentiments suscités par les événements ; il proteste
violemment lorsqu’il est écarté des proches qui le rassurent, renâclant,
par exemple, à se rendre à l’école, à jouer avec ses amis, à rester seul ou
à aller se coucher ; etc.
Alexandra témoigne : « Quand j’étais enfant et adolescente, j’avais des rêves.
Je faisais ma vie dans ma tête. Je m’imaginais en détail comment serait ma vie
quand je serais grande. Je m’imaginais me marier, avoir des enfants, travailler,
tout cela dans le détail. C’était la seule façon de me protéger. C’était la seule
façon d’échapper aux coups de ma mère et aux abus de mon oncle. Mainte-
nant, ces rêves sont devenus un cauchemar parce que je ne parviens plus à
sortir de ma tête. »
Depuis le début d’incendie de la cuisine causé par l’embrasement du grille-
pain, Adeline, 5 ans, évite tout ce qui a trait au feu. Elle refuse, par exemple,
que sa mère fasse couler de l’eau chaude pour éviter d’attiser la flamme du
brûleur du chauffe-eau.
Dans les cas d’abus sexuels, les conduites d’évitement peuvent se traduire
par une méfiance ou une peur subite des adultes du sexe opposé ou du
même sexe (en fonction du genre de l’abuseur). Les plus petits peuvent
se débattre et hurler vigoureusement au moment de les langer ou de la
toilette de leurs organes génitaux, esquisser des mouvements de protec-
tion à l’approche ou lorsqu’on les touche. Les plus grands peuvent refuser
brutalement de se déshabiller à l’heure du coucher et de se dévêtir en
public dans des lieux ad hoc (piscine, plage, vestiaire sportif, etc.) ou
La phase aiguë
86

devant des personnes étrangères, avoir tendance à se barricader la nuit,


négliger subitement leur hygiène, refuser obstinément, sans raison appa-
rente ni compréhensible, de côtoyer ou de rester seul en présence d’une
personne jusqu’alors appréciée ou tolérée, rejeter tout ce qui touche à la
sexualité, etc. Les adolescents peuvent déclarer leur volonté de ne pas
s’engager dans une relation amoureuse et sexuelle25. Ces évitements
peuvent contribuer au développement de troubles du développement
psychosexuel.
L’émoussement de la réactivité générale se traduit par une un désintérêt
progressif pour les relations (réduction des interactions avec l’entourage
parental, familial et amical, conduites d’évitement relationnel, froideur,
sentiment de détachement et anesthésie affective, etc.) et pour les acti-
vités (jeu, loisirs, télévision, scolarité, etc.) ainsi que par un sentiment
d’avenir bouché. Cet émoussement se rencontre principalement dans les
traumatismes complexes de type II et III.
–– L’activation neurovégétative persistante. Le système neurovégé-
tatif26 régit le fonctionnement des viscères27 et entretient les fonctions
vitales de base28. Son activation se manifeste par des troubles du sommeil
(difficulté d’endormissement, sommeil interrompu, agité ou non répara-
teur), de l’alimentation, des sphincters, de l’irritabilité, des accès de colère
et de l’agressivité, des difficultés de concentration, de l’hypervigilance,
des états d’alerte à la pensée des événements, des réactions excessives
de sursaut ainsi que par un comportement imprudent ou autodestruc-
teur. Chez l’enfant comme chez l’adule, une fréquence cardiaque élevée
au repos en phase immédiate serait prédictive d’un trouble traumatique
ultérieur29.

25
Pour banales qu’elles puissent être, ces déclarations doivent être interrogées lorsqu’elles
sont couplées à d’autres signes préoccupants.
26
Le système neurovégétatif, également appelé système nerveux autonome, est constitué
des systèmes orthosympathique et parasympathique.
27
Cerveau, cœur, intestin, poumons, etc.
28
Respiration, circulation sanguine, digestion, excrétion de l’urine et des matières fécales.
29
R.A. Bryant, A.G. Harvey, R.M. Guthrie & M.L. Moulds (2000), “ A prospective study
of psychophysiological arousal, acute stress disorder and posttraumatic stress disorder ”, J
Abnorm Psychol 2000, 109, 341-4.
Les réactions post-immédiates
87

2.2 L’apparition de symptômes non spécifiques


aux syndromes post-traumatiques

Tout comme les adultes, dans le décours d’un incident critique, les nourris-
sons, les enfants et les adolescents manifestent fréquemment des troubles non
spécifiques aux syndromes post-traumatiques30. Parmi les plus fréquents, citons
les troubles anxieux, dépressifs, psychosomatiques et comportementaux ainsi
que les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
Certains symptômes éclosent précocement dès les premiers jours, d’autres
plus tardivement31. Certains disparaissent au bout de quelques semaines ou
de quelques mois (tels les comportements régressifs, les troubles d’apprentis-
sage), d’autres peuvent perdurer jusqu’à l’âge adulte (par exemple, les désordres
anxieux et dépressifs, certains troubles du comportement).

2.2.1. Les troubles anxieux

Après un événement effrayant, les enfants et les adolescents deviennent


souvent craintifs et anxieux, voire angoissés alors que la plupart d’entre eux ne
l’étaient pas auparavant ou du moins, pas autant. Leurs peurs sont partiellement
déterminées par la nature de l’événement traumatique. Voici quelques exemples :
–– Les adultes protecteurs ont été impuissants à assurer la sécurité
de l’enfant ou de l’adolescent. Dans l’univers des enfants et des jeunes
adolescents, les adultes contrôlent la plupart des ressources, semblent
tout savoir et sont tout-puissants à les protéger du danger et à assurer leur
propre sécurité. Une guerre, une catastrophe naturelle, un accident, un

30
Ces troubles sont dits non spécifiques dans la mesure où on les retrouve dans des affec-
tions mentales autres que les syndromes psychotraumatiques. Nous préférons la désigna-
tion « symptômes non spécifiques » à celles de « pathologies associées » et de « symptômes
co-morbides » fréquemment utilisées. En effet, de notre point de vue, ces troubles font
partie intégrante des syndromes psychotraumatiques, les symptômes pathognomoniques
ne constituant qu’une fraction du tableau que peuvent manifester les personnes souffrant
des suites d’un événement traumatique.
31
Voir « Les symptômes non spécifiques aux syndromes post-traumatiques » dans la phase
à long terme.
La phase aiguë
88

décès inopiné ou tout autre événement les exposant à la souffrance vient


brutalement démentir ce pouvoir absolu. Ayant vu les adultes vulnérables
et impuissants, ils en concluent être à la merci de nombreuses formes de
violence et de danger. À la suite de telles expériences, les jeunes victimes
perçoivent le monde comme un univers dangereux duquel émane une
menace permanente et vivent avec le sentiment que d’autres catastrophes
surviendront. Leurs préoccupations portent essentiellement sur leur survie
et celle des membres de leur famille (peur des maladies mortelles, de la
séparation, de la mort, des accidents, des agressions, des rapts, etc.).
Depuis l’incendie survenu dans la cuisine, Adeline, 5 ans, a perdu confiance
dans la capacité de sa mère à la protéger. Elle est très anxieuse, a régulièrement
des attaques de panique et adopte de nombreux comportements d’évitement.
Tous les soirs, elle rappelle à sa maman de couper le gaz, d’éteindre les phares
de sa voiture, de verrouiller les portes, etc. Il lui arrive de pleurer angoissée en
disant : « Je veux qu’il y ait deux grands (des adultes) à la maison » et d’expli-
quer son souhait, argument à l’appui : « Si on part en vélo et que je suis fati-
guée, s’il y a deux grands, un des deux peut me porter et l’autre, peut porter
mon vélo ». Sa mère dira : « Elle a 5 ans et elle est devenue adulte ».
–– L’agresseur est un adulte censé assurer la protection de l’enfant
ou de l’adolescent. Lorsque l’enfant ou l’adolescent est victime de
maltraitance physique ou sexuelle, il craint généralement, souvent à juste
titre, que l’auteur l’agresse à nouveau, qu’il prenne des mesures de répres-
sion à son encontre, voire qu’il soit incarcéré ou qu’il se suicide en cas de
révélation des abus. Ces peurs sont renforcées par les propos de l’agres-
seur. Lorsque l’adulte profère des menaces de punition, de rétorsion ou de
suicide, l’enfant ne doute pas de sa volonté ou de sa capacité à les mettre
à exécution. Par ailleurs, il redoute souvent de dévoiler les agressions car
il appréhende de ne pas être cru, d’être rejeté, de subir la colère de ses
proches ou d’être responsable de l’éclatement de la famille.
Plusieurs années durant son adolescence, Caroline a été violée par le mari de
sa sœur aînée. Lorsqu’elle se rebiffait, il la menaçait de révéler à sa mère les
amourettes qu’elle entretenait avec un garçon de son âge. Craignant les repré-
sailles de cette femme violente pour qui tout était prétexte à la battre, Caro-
line se soumettait aux fantasmes sexuels les plus pervers de son beau-frère.
Lorsqu’elle le défiait de dévoiler ses comportements coupables, il se moquait
Les réactions post-immédiates
89

d’elle lui disant qu’elle y gagnerait d’être traitée de menteuse et d’être punie en
conséquence car sa mère n’accorderait aucun crédit à ses absurdes propos.
–– Un adulte protecteur est en danger ou est décédé. L’enfant ou
l’adolescent peut redouter la disparition d’une figure parentale protectrice
et en conséquence, avoir peur de se retrouver seul, sans personne pour
prendre soin de lui. Par exemple, lorsqu’il assiste impuissant à la violence
entre ses parents, il peut craindre que son père assassine sa mère, surtout
s’il l’a entendu la menacer de mort, ou qu’elle succombe des suites d’un
mauvais coup. S’il a survécu à un séisme meurtrier, il peut être effrayé à
l’idée qu’une nouvelle occurrence emporte ses proches. Après avoir perdu
brutalement un parent, il peut s’inquiéter pour la vie du survivant.
Après le séisme en Haïti en 2010, à chaque réplique, Phénide, 4 ans, court
dans les bras de sa mère en hurlant « Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas
que tu meures ! »
Noémie raconte : « Mon père est décédé d’une rupture d’anévrisme. J’avais
6 ans. L’année suivante, ma tante est décédée et quelques mois plus tard, mon
oncle. Nous avons recueilli ma cousine, leur fille unique. Elle avait le même âge
que moi. Quelques mois plus tard, elle a fait un AVC 32. Elle s’en est sortie mais
est restée hémiplégique. En moins d’un an, j’avais vu mourir trois personnes
proches dont mon père et j’avais vu ma cousine se retrouver sans parent. Je
me demandais qui allait être le suivant. Ma cousine, avec son AVC, avait eu
sa dose, donc, je me disais que le suivant ne pouvait être que ma mère ou
moi. J’ai commencé à trembler pour ma mère. Si elle mourait, je n’aurais plus
eu personne pour s’occuper de moi et j’aurais dû aller à l’orphelinat. Cette
pensée me terrorisait. J’avais peur tout le temps, peur qu’elle ne soit pas à
la sortie de l’école pour venir me chercher, peur qu’elle ne revienne pas du
travail, peur quand elle partait sans moi, peur tout le temps. Aujourd’hui, je
suis adulte et j’ai toujours peur pour elle et j’ai peur pour moi, pour ma fille et
pour mon mari. J’ai tout le temps des flashs. Par exemple, je suis sur l’autoroute
et je vois l’accident qui pourrait se produire : la voiture qui déboite et qui vient
s’emboutir dans la mienne, le camion qui freine brutalement et que je ne peux
pas éviter, ce genre de choses ; si ma mère prend l’avion, j’allume la radio et

Accident vasculaire cérébral.


32
La phase aiguë
90

je me dis : « On va annoncer que son avion s’est crashé ». Ça m’empoisonne à


tout moment. »

Comme chez les adultes, les troubles anxieux se présentent chez les enfants
et les adolescents sous forme de crises d’angoisse, d’agitation désordonnée, de
fuites en avant et de surveillance inquiète de l’environnement. De nouvelles peurs
sans lien apparent avec l’événement traumatique peuvent également apparaître.
Chez les jeunes enfants, ces réactions s’accompagnent fréquemment de pleurs
et de cris, de nausées, de céphalées ou de coliques. Chez les adolescents, elles
se doublent de sensations physiques désagréables dues à l’activation neurové-
gétative orthosympathique (palpitations, tremblements, sensations d’évanouisse-
ment, gêne ou oppression respiratoire, vomissements, vertiges, etc.).
Ces troubles anxieux induisent fréquemment des conduites d’évitement, des
troubles du sommeil, des difficultés de concentration, etc.
Outre ces manifestations anxieuses rencontrées tant chez les enfants que chez
les adultes, on trouve des réactions spécifiques à l’enfance telles l’attachement
anxieux et l’exacerbation des peurs infantiles.
–– L’attachement anxieux33. Les jeunes enfants réagissent souvent aux
expériences effrayantes par un attachement anxieux. Ils craignent que
les êtres aimés les abandonnent ou disparaissent, surtout s’ils ont perdu
un proche. Dès lors, les plus petits ont peur lorsque des personnes qui
prennent habituellement soin d’eux, en particulier leur mère, disparaissent
de leur champ visuel et s’agrippent à elles en présence d’étrangers. Les
plus grands manifestent de l’angoisse, de la colère ou du désespoir quand
on les en sépare et protestent lorsqu’on les laisse seuls (par exemple, dans
leur chambre au moment du coucher, à la toilette, etc.). L’attachement
est normalement empreint d’anxiété chez les petits de moins de trois ans
mais dans les cas de traumatisme, il est noyauté de plus d’angoisse et le
reste à un âge plus avancé.
–– L’exacerbation des peurs infantiles. Dès la naissance, le nourrisson
craint les bruits forts et les mouvements soudains. Vers le sixième mois,
il commence à appréhender les lieux et les personnes qu’il ne connaît

Voir supra l’attachement insécure ou anxieux, p. 50.


33
Les réactions post-immédiates
91

pas et redoute d’être séparé de ses dispensateurs de soin34. Vers l’âge de


deux-trois ans et jusqu’à cinq-six ans, l’enfant a peur du noir, des cambrio-
leurs, des loups, des monstres, des fantômes, des sorcières et d’autres
créatures imaginaires. Chez les jeunes victimes, ces peurs infantiles sont
souvent exacerbées à l’âge auquel elles apparaissent habituellement et ont
tendance à persister aux stades ultérieurs de développement.
Charline a 4 ans ½. En se levant la nuit pour satisfaire un besoin urgent, elle
a croisé un cambrioleur qui a pris la fuite en la voyant. Depuis, elle craint les
voleurs, les monstres, les sorcières et autres créatures malfaisantes mais aussi
les bonnes fées, les gentils magiciens, les belles sirènes, etc. Elle refuse d’aller se
coucher si sa mère ne vérifie pas qu’aucun être ne se cache sous son lit ou dans
sa garde-robe.

2.2.2. Les troubles dépressifs

Dès leur prime enfance, les jeunes victimes peuvent manifester des symp-
tômes dépressifs après un événement traumatique. Avec le temps, ceux-ci
peuvent évoluer vers une organisation franchement dépressive.
Chez le nourrisson, la dépression apparaît après une phase de détresse et
de protestation active et bruyante (agitation, cris, pleurs)35. La prévalence de
la sémiologie dépressive augmente avec l’âge. Les enfants plus grands et les
adolescents peuvent présenter des désordres thymiques rapidement après les
événements adverses. Ceux-ci se traduisent par du désarroi, de la tristesse, des
sentiments de solitude, de la passivité ainsi que par une inhibition motrice et
intellectuelle.

34
Pour René Arpad Spitz, psychiatre et psychanalyste américain d’origine hongroise, l’an-
goisse du huitième mois est un des organisateurs du développement de la relation objectale.
À l’heure actuelle, cette angoisse semble apparaitre vers le sixième mois. Voir note en bas de
page  132.
35
D’après René Spitz, cette phase de protestation durerait en moyenne un mois. Voir la
dépression anaclitique dans « Les troubles dépressifs » dans le chapitre consacré à la phase à
long terme.
La phase aiguë
92

L’humeur des jeunes victimes est souvent labile oscillant entre d’une part
l’excitation, la colère, et l’agressivité et d’autre part, la tristesse, la prostration et
le repli sur soi.
Lorsqu’ils ont des réactions de retrait, les bébés, les enfants et les adolescents
délaissent leurs activités (ils cessent de jouer alors mais se livrent sans plaisir à des
jeux de répétition ; ils se désintéressent des loisirs, de la télévision, de l’ordinateur,
de l’école, etc.) et leurs relations habituelles (parents, amis, famille, etc.).
Outre ces réactions, les enfants et les adolescents éprouvent fréquemment
des sentiments de culpabilité excessifs ou inappropriés. Confrontés à une catas-
trophe naturelle, un accident ou le décès tragique d’un être cher, ils s’interrogent
généralement sur leur implication. Ces sentiments de culpabilité peuvent être
particulièrement intenses entre deux et sept ans, lorsque les enfants, au stade
de l’intelligence préopératoire36, accordent des pouvoirs magiques à la pensée
et recourent à leur imagination pour expliquer ce qu’ils ne sont pas en mesure
de comprendre. Ainsi, ils peuvent être persuadés d’avoir provoqué l’événement
dévastateur par la force de leur volonté ou être convaincus que le malheur qui
les accable leur est infligé pour sanctionner leur comportement. Ces convictions
trouvent un terreau fertile dans les cultures où les drames sont interprétés comme
un châtiment divin. Les sentiments de culpabilité sont également fortement
renforcés en cas de suicide d’un proche, en particulier d’une figure parentale.
Jeremy à trois ans. Lors de sa première hospitalisation, il se réveille la nuit en
criant : « C’est ma faute ! C’est ma faute ! » expliquant tantôt que s’il est malade, c’est
parce qu’il a maltraité son petit cousin tantôt parce qu’il a été méchant avec ses
parents. Il dira aussi à diverses reprises qu’il ne veut pas guérir indiquant ainsi qu’il
juge sa punition méritée eu égard à la jalousie coupable qu’il éprouve pour son cousin
et aux sentiments ambivalents qu’il porte à ses parents.
Dans les cas de viol, l’enfant ou l’adolescent peut se sentir coupable parce qu’il
n’a pas tenté de repousser l’agresseur. Il assimile sa soumission à une approbation
et peut aller jusqu’à croire qu’il a provoqué l’agression par son imprudence, son
attitude ou sa tenue provocante.

36
J.  Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires de
France, coll. Que sais-je ?
Les réactions post-immédiates
93

Lors d’un festival de musique, Élodie, 16 ans, a été victime d’une tentative de viol
par trois garçons. Elle déclare : « Je n’ai eu que ce que je mérite… D’ailleurs, la première
chose que mon père m’a dite, c’est : “ Mais pourquoi tu as quitté tes amies ? Qu’est-ce
qui t’as pris d’aller te balader toute seule ? En plus, tu as vu comment tu étais habillée ?
C’est de la provocation ou quoi ? Mais ce n’est pas possible, tu cherches les ennuis ou
quoi ? ”. Ca veut bien dire que c’est de ma faute… »
Si la société véhicule des préjugés et si l’entourage adopte une attitude accu-
satrice, les sentiments de culpabilité des jeunes victimes s’en trouveront égale-
ment fortifiés.
Liliane, 17 ans, a été violée par son oncle. Elle a reçu le soutien de ses parents mais
a été tenue pour responsable de l’agression par les autres membres de la famille. Ses
grands-parents auxquels elle était très attachée l’ont chassée de chez eux et ses tantes
lui ont demandé : « Mais qu’est-ce que tu as fait, toi, pour qu’il en arrive là ? ».
Julienne, une jeune Congolaise de 16 ans ½, résidant dans la province du Nord-
Kivu, a été violée par trois militaires alors qu’elle se rendait au marché. Enceinte des
suites de l’agression, elle a été renvoyée de son école sous prétexte que son exemple
risquait de dévoyer ses condisciples.

2.2.3. Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage

Après un événement tragique, les jeunes victimes manifestent fréquemment


des comportements régressifs.
–– Les comportements régressifs. D’anciennes habitudes refont surface,
par exemple, en fonction de l’âge de l’enfant : la crainte des personnes
étrangères à la famille, le retour à une alimentation liquide (biberon),
l’abandon de la marche, l’énurésie nocturne secondaire, l’encoprésie37,
la succion du pouce, l’agrippement à un objet transitionnel (« doudou »)38,

37
Défécation involontaire ou incontinence (impossibilité de retenir) des selles sans cause
organique. L’encoprésie est un moyen pour certains enfants d’exprimer leur opposition ou
leur agressivité. Elle est nettement plus rare que l’énurésie.
38
Défini au début des années 1950 par Donald Winnicott, pédiatre, psychiatre et psycha-
nalyste britannique, l’objet transitionnel est un objet privilégié choisi par l’enfant, généra-
lement doux au toucher, permettant au bébé de lutter contre l’angoisse de type dépressif
(angoisse de perte d’objet, soit de l’objet maternel).
La phase aiguë
94

la régression verbale (retour à une expression par cris et pleurs ou au


parler « bébé »), le balancement machinal, la dépendance affective aux
parents avec difficulté de s’autonomiser, la recherche de protection, etc.
Tous ces comportements sont des moyens adoptés par les enfants pour
se réconforter lorsqu’ils sont fatigués, contrariés ou malades. C’est une
manifestation habituelle de leurs angoisses.
Thierry, 5 ans, dormait paisiblement à l’arrière de la voiture conduite par sa
mère lorsque cette dernière fût victime d’un car-jacking39. Le malfrat roula plus
d’un kilomètre avant de se rendre compte qu’un enfant occupait le siège arrière
et d’abandonner le véhicule sur le bord de la route. Depuis, Thierry pleure dès
que sa mère quitte son champ visuel, refuse de loger chez ses grands-parents,
réclame un biberon à l’heure du coucher (comme sa petite sœur de 8 mois) et
refait pipi au lit.
Bruno a été adopté par une famille dysfonctionnelle (violence physique entre
les parents, violence psychologique à l’égard des enfants, en particulier vis-à-
vis de Bruno, enfant adopté). Il explique : « L’adolescence, je l’ai eue tard. Je suis
resté gamin longtemps. Je restais dans ma bulle. Je restais dans mon truc. Je ne
me suis pas autonomisé comme les autres. »
À l’adolescence, des craintes propres à des stades antérieurs du dévelop-
pement peuvent être réactivées.
–– Les perturbations scolaires et les difficultés d’apprentissage.
L’école est souvent un des meilleurs révélateurs du malaise et de la souf-
france des jeunes victimes. De nombreux enfants et adolescents éprouvés
par des expériences douloureuses rencontrent des difficultés d’apprentis-
sage du fait de l’altération de leurs capacités cognitives. En effet, comme
pour les adultes, leurs facultés mentales d’attention, de concentration intel-
lectuelle, de raisonnement, de réflexion et de mémorisation sont souvent
affaiblies. Le déficit de concentration et l’inattention, observés tant en
famille qu’à l’école, résultent notamment de la résurgence des souvenirs
traumatiques et des échappées dans des mondes fantasmatiques.

39
Un car-jacking est un vol de véhicule avec usage de violence et/ou de menace vis-à-vis
du conducteur.
Les réactions post-immédiates
95

Outre les difficultés d’apprentissage, les plus jeunes peuvent refuser de


fréquenter l’école (notamment en raison des angoisses de séparation) ou avoir
besoin de la présence constante d’un adulte pour mener à bien leurs tâches
scolaires.

2.2.4. Les troubles du comportement

Les troubles de conduite sont très fréquemment rencontrés chez les enfants et
les adolescents ayant vécu un événement traumatisant. Leur souffrance se traduit
par des comportements agressifs, des troubles du sommeil et des désordres
alimentaires et chez les plus grands, également par des dépendances. Ils peuvent
masquer une dépression en particulier chez l’adolescent.
–– Les comportements auto-agressifs. Très jeune, l’enfant peut adopter
des comportements agressifs tournés contre lui-même : s’arracher les
cheveux, se griffer, se ronger les ongles à sang, se frapper, se cogner la
tête contre les murs, se blesser volontairement, etc. À partir de six ans,
peuvent apparaître des idées suicidaires et des questionnements sur la
mort ainsi que des conduites destructrices (ingestion volontaire de
produits toxiques ou d’objets dangereux, jeux d’évanouissement40, etc.).
À l’adolescence, le risque d’automutilations (scarifications, brûlures, arra-
chage des cheveux, etc.) et de passage à l’acte suicidaire s’accroît. Ces
comportements peuvent être un moyen de s’amender de la culpabilité
(comportements autopunitifs) ou de sortir d’états dissociatifs (impression
d’irréalité, dépersonnalisation, sentiment de détachement, émoussement,
etc.).
Émeline a 16 ans lorsqu’elle est violée à la sortie d’une soirée dansante orga-
nisée à l’occasion de l’anniversaire d’un ami. Elle se juge imprudente d’avoir
voulu rejoindre son domicile à pied après la fête. Elle s’adresse d’autant plus
de reproches qu’elle a agi ainsi malgré les protestations de ses copains qui
estimaient hasardeux de se promener seule dans les rues de la cité à une heure

40
Pratique qui consiste à provoquer une asphyxie par strangulation à l’aide d’un lien. Ces
« jeux » portent différents noms : jeu du foulard, rêve indien, rêve bleu, cosmos, jeu de la
tomate, jeu de la grenouille, etc. Ils ne sont pas l’apanage des jeunes traumatisés mais ils
risquent de les attirer plus encore que leurs pairs.
La phase aiguë
96

aussi tardive. Emeline explique : « J’ai une telle rage en moi contre moi, il faut
que ça sorte. J’ai l’impression que si ça ne sort pas, je vais exploser mais surtout
quand je me taillade comme ça les poignets (avec une lame de rasoir), ça fait
mal et c’est comme si ça me réveillait, c’est comme si ça me ramenait dans la
réalité. J’ai tout le temps l’impression d’être dans du coton, dans une sorte de
brouillard, j’ai l’impression que les choses autour de moi, ce n’est pas réel, que
je ne suis pas moi. Je suis moi sans être moi. C’est difficile à expliquer. C’est
comme si j’étais déconnectée. Quand je me coupe, c’est comme si on remettait
la prise dans la fiche. Je veux que ça s’arrête. Je n’en peux plus. C’est horrible.
J’en ai marre. Je veux redevenir moi-même, je veux redevenir moi ! »
–– Les comportements hétéro-agressifs. Les nourrissons, les enfants
et les adolescents peuvent se montrer agressifs, voire violents. Ils brisent
des objets, frappent dans les murs et défoncent les portes. Ils profèrent
des insultes, intimident (menaces verbales, actes d’intimidation tels que
brandir un couteau de cuisine, etc.) et agressent (en fonction de l’âge :
mordre, tirer les cheveux, griffer, frapper, distribuer coups de pied et
de poing, lancer des objets en direction d’autrui). Cette agressivité est
tournée contre leurs pairs (frères et sœurs, compagnons de jeu, condis-
ciples, etc.), les adultes (le plus souvent, les proches tels la mère) et les
animaux domestiques. Ils s’adonnent également à la pratique de jeux
violents41 avec leurs camarades.
Notons que les comportements agressifs (frapper, mordre, etc.) sont
banals et très courants chez les tout-petits. À cet âge, c’est leur fréquence
et leur persistance malgré les remontrances qui doit alarmer.
Ces comportements agressifs peuvent être une manière pour les jeunes
victimes d’exprimer leurs angoisses et leurs frustrations ou de décharger
un trop plein d’énergie. Pour les adolescents, ils peuvent être une tenta-
tive de rétablir leur sentiment de dignité humaine et de maîtrise sur
leur destinée après avoir vécu des expériences délétères qui les en ont
dépouillé.

41
Par exemple, le petit pont massacreur ou jeu de la cannette, le jeu du carton rouge, le
happy slapping (vidéo-lynchage), etc. Pas plus que les jeux d’évanouissement, ils ne sont
spécifiquement pratiqués par les enfants et les adolescents ayant traversé une épreuve trau-
matogène mais ils peuvent constituer pour eux un exutoire séduisant.
Les réactions post-immédiates
97

Hugues a 17 ans. Il a été pris à partie par une bande de jeunes qui l’ont délesté
de son téléphone portable, de son MP3 et de son argent. « J’ai dû baisser la
tête… devant des gamins, en plus. Tu te rends compte ? Ils étaient plus jeunes
que moi ! Je suis sûr que le plus vieux n’avait pas 15 ans. Je me tape vraiment
la honte. J’ai été humilié par des gamins… Mes parents me disent que j’ai
bien fait de donner tout ce que j’avais, que devant un couteau, ça ne sert à
rien de faire le malin, que ma vie est plus importante et blablabla. Je sais bien
qu’ils ont raison mais c’est plus fort que moi, j’ai la haine et si je pouvais les
retrouver, je leur trouerais la peau. Maintenant, je ne cède plus sur rien. Je ne
veux plus me laisser faire. Tu vois, je roule en scooter et bien, hier, un con dans
une grosse bagnole a essayé de me prendre ma priorité de droite, je l’ai vu
mais je me suis quand même engagé, on a failli se rentrer dedans mais j’aurais
préféré crever plutôt que de céder. Après, je me suis dis : « T’es con, pourquoi
t’as réagi comme ça ? » mais sur le moment même, ce qui m’est venu, c’est :
« Ah non, celui là, je ne vais pas le laisser m’entuber ! » Evidemment, ça vient
de se passer et je suppose qu’il faut un peu de temps pour digérer. Je suppose
que c’est normal mais j’espère que je ne vais pas rester comme ça, prêt à péter
la gueule au premier connard venu. »
Dans les cas d’agressions physiques ou sexuelles, les enfants et plus
encore les adolescents sont souvent en colère contre l’agresseur (idée de
vengeance) mais aussi contre eux-mêmes de ne pas s’être défendu.
Sybille, 16 ans, a été violée lors d’un festival de musique. Elle est en colère : « Je
ne pense qu’à ça, à le crever, à lui arracher les couilles et à les lui faire bouffer.
Je voudrais le voir souffrir à petit feu. Je ne veux pas le crever tout de suite, ce
serait trop facile, je veux le faire souffrir. Je veux l’entendre appeler sa mère. Je
voudrais lui faire payer ce qu’il m’a fait. C’est dégueulasse. Il a pris son pied
et maintenant, il est cool, il est avec ses potes, il se promène, personne ne sait
que c’est un porc. Sa vie continue et la mienne, elle est foutue… Je lui en veux
et je m’en veux aussi à moi. Je n’ai même pas crié. Je n’ai même pas essayé de
me défendre. Une nouille, je suis restée comme une nouille ! »
Après un décès, les enfants et les adolescents peuvent éprouver de la
colère vis-à-vis du défunt lui-même, du sort ou de la personne qu’il juge
responsable de la disparition de l’être cher (conducteur ayant provoqué
un accident de la route, meurtrier, soldats ennemis, etc.). « Comment a-t-il
pu mourir alors que j’avais besoin de lui ? », « C’est injuste qu’il soit mort
La phase aiguë
98

maintenant », « Je vais le venger » sont autant de réflexions qui traduisent


leurs amertume.
Lorsque les jeunes victimes ne peuvent décharger leur agressivité pour
se défendre ni se venger de l’agresseur ou du destin, certaines déplacent
leur colère sur des objets, sur autrui (enfants, adultes, animaux) ou sur
elles-mêmes. A contrario, d’autres inhibent toute émotion violente. Elles
peuvent également alterner ces deux modes passant sans transition d’un
état contrôlé à des crises de colère irrépressibles.
–– Les conduites à risque. Plus que les autres groupes d’âge, les adoles-
cents adoptent des comportements à risque (relations sexuelles non
protégées, usage abusif de substances psychotropes, adhésion à des
bandes délinquantes, comportement provocateur envers l’autorité, sports
extrêmes, conduite automobile imprudente42, « jeux » dangereux43, actes
délictuels, fugues, prostitution, enrôlement dans les forces armées, etc.),
ce qui les conduit à mettre leur santé (physique et mentale) et leur sécurité
en péril (accidents, overdoses, répression violente en réponse aux provo-
cations, contamination par les IST44 dont le VIH/SIDA, grossesse précoce
et non désirée, violences sexuelles subies, basculement dans la traite des
êtres humains, etc.). Ces comportements à risque peuvent constituer
des conduites ordaliques45. Les adolescents se mettent délibérément en
danger au cours d’épreuves comportant un risque vital et dont l’issue
est laissée selon leurs croyances, au hasard, à la destinée ou à Dieu. Ces
conduites se distinguent des comportements suicidaires, les sujets n’ayant
pas pour objectif de mourir mais de tester leur courage et leur droit à

42
Rouler vite, sans casque en deux roues, sans ceinture en voiture, etc.
43
Pratiquer le jeu du foulard (voir supra, p.  95), s’accrocher aux voitures avec une planche
de skateboard ou à patins à roulette, foncer vers un véhicule et s’écarter de sa trajectoire au
dernier moment, brûler intentionnellement des feux au rouge, etc.
44
Infections sexuellement transmissibles.
45
L’ordalie est un rite judiciaire faisant appel au jugement divin pour trancher de l’inno-
cence ou de la culpabilité d’un prévenu. Elle a été pratiquée en Europe jusqu’au Moyen Âge
et l’est encore de nos jours dans certaines peuplades africaines. L’ordalie soumet l’accusé à
une épreuve qu’il réussit si les dieux ou les esprits le considèrent innocent (par exemple, aux
temps anciens, traverser un bûcher sans se brûler ou en Afrique, survivre à l’absorption d’un
poison). Contrairement à l’ordalie, dans les conduites ordaliques, le sujet joue sa vie de son
plein gré.
Les réactions post-immédiates
99

vivre46. La fréquence de ces conduites après un traumatisme peut s’expli-


quer par le fait que les jeunes ont besoin de restaurer leur identité et leur
valeur personnelle après avoir été opprimés ou humiliés ou bien encore
qu’ils ressentent la nécessité de s’assurer de la légitimité de leur existence
alors que d’autres sont morts. C’est aussi un moyen d’éprouver des sensa-
tions fortes pour retrouver le sentiment d’exister (et parfois, pour sortir
d’un état dissociatif) ou d’expurger un trop plein d’excitation. Notons que
ces conduites ordaliques peuvent masquer un état dépressif. Les dangers
liés aux affrontements armés, l’incertitude quant à l’avenir, l’ennui ressenti
lorsque la situation se stabilise et la défaillance du contrôle social habituel
sont quelques autres des raisons qui promeuvent la tendance des jeunes à
négliger les conséquences de leurs comportements.
Sébastien a fêté ses 18 ans il y a deux mois à peine. Il a obtenu son permis
de conduire provisoire à 17 ans. Depuis qu’il sait manœuvrer un véhicule et
bien que la loi ne l’autorise pas à conduire sans guide, il emprunte, à l’insu
de son père, la voiture de sa mère récemment suicidée. La nuit, après avoir
consommé des drogues hypnogènes, il « fait des petits chemins » : il s’engage
dans des sentiers forestiers équestres non carrossables et roule le plus rapide-
ment possible. 
–– L’instabilité motrice. L’instabilité motrice se rencontre principalement
chez le petit enfant. L’enfant bouillonne d’énergie. Son activité, mal
contrôlée et désordonnée, ne poursuit pas de but précis. Il est agité (il
est en perpétuel mouvement, gigote, se tortille, etc.), turbulent, bruyant
(il crie, il pleure) et maladroit. Il ne reste pas en place, grimpe sur tout,
touche et s’empare de tout ce qui se trouve à sa portée.
Cette hyperactivité peut avoir un rôle contre-dépressif. Dans ce cas, l’en-
fant s’agite pour ne pas penser à sa tristesse et à ses causes.
Il convient de distinguer une hyperactivité pathologique de l’intense acti-
vité des enfants « plein de vie ». En effet, rappelons que l’instabilité motrice
est normale chez l’enfant en âge de marcher. Il explore le monde qui
l’entoure, teste les limites imposées par l’autorité parentale et se défoule.

46
La frontière entre conduites ordaliques et comportements suicidaires est néanmoins
parfois très ténue.
La phase aiguë
100

–– Les troubles du sommeil. Le nourrisson et l’enfant peuvent refuser


d’aller se coucher (pleurer, protester, se relever, trouver des prétextes pour
retarder l’heure d’aller au lit, etc.) ou de dormir sans la présence d’un
adulte (par exemple, hors dans la chambre des parents) et craindre l’obs-
curité (la peur du noir est souvent couplée avec l’exigence que la lumière
reste allumée dans la chambre).
Les bébés, les enfants et les adolescents peuvent éprouver des difficultés
d’endormissement et manifester des insomnies communes (ils se réveillent
fréquemment et en fonction de leur âge, babillent, pleurent, crient,
jouent, lisent, etc.) ou des insomnies agitées et bruyantes (suivant leur
âge, ils pleurent, crient, s’agitent, frappent des poings, se cognent la tête
contre les parois du lit, se lèvent, réveillent leurs parents, se retournent
sans cesse dans leur lit, etc.). Plus inquiétant, le nourrisson peut présenter
des insomnies calmes (il reste immobile, regarde fixement le plafond, sans
crier ni pleurer ou se manifester d’une quelconque manière). Le sommeil
des plus petits comme celui des plus grands peut être ponctué de réveils
multiples, parfois anxieux. Celui des enfants en bas-âge peut être agité
de terreurs nocturnes et celui de leurs aînés, de cauchemars. Chez les
enfants, le thème des cauchemars peut ou non être en rapport avec l’évé-
nement traumatisant (ils éprouvent souvent des difficultés à les décrire),
chez les adolescents, il est généralement en lien avec lui.
Notons que les troubles du sommeil sont fréquents chez les nourrissons
et les enfants. Ils ne doivent alerter que s’ils sont combinés à d’autres
signes inquiétants. Le coucher est un moment sensible car il éloigne
l’enfant de ses parents, ce qui réactive ses angoisses de séparation. Pour
l’assumer sans le vivre comme une rupture, il investit un espace transi-
tionnel47 (rituels du coucher tels que raconter une histoire, doudou).
Ce besoin, plus prégnant s’il a vécu des expériences effrayantes ou des
séparations douloureuses, le conduit à allonger la durée des rituels (avoir
soif ou devoir se rendre aux toilettes au moment d’aller dormir, vouloir
qu’on lui raconte une deuxième histoire, etc.). Entre trois et cinq ans,

47
L’espace « transitionnel » ou « potentiel » définit par Winnicott est une « aire intermé-
diaire » ni intérieure ni extérieure, un « espace paradoxal » entre la réalité intérieure de l’en-
fant et la réalité extérieure (entre le Moi et le non-Moi, le dedans et le dehors). L’objet
transitionnel (le doudou) constitue le signe le plus visible des processus transitionnels.
Les réactions post-immédiates
101

les peurs du noir, des voleurs, du loup, des monstres et autres person-
nages maléfiques, normales à ces âges, peuvent contribuer aux difficultés
d’endormissement. Lorsqu’ils se réveillent en proie à leurs cauchemars, ils
sont terrorisés et craignent de se rendormir. Les histoires effrayantes qui
peuplent leur sommeil peuvent sembler aux plus petits aussi réelles que
leur quotidien car ils ne distinguent pas aisément le rêve de la réalité. Les
plus grands, même s’ils savent que ce qu’ils ont vu dans leur sommeil est
irréel, redoutent de se rendormir, craignant d’être à nouveau confrontés
aux images redoutables.
Les hypersomnies48 sont relativement fréquentes chez l’adolescent. Le
sommeil peut devenir un refuge contre des difficultés qu’il doit affronter
ou être un signe de dépression.
–– Les troubles des conduites alimentaires. Les nourrissons, les enfants
et les adolescents peuvent présenter des troubles alimentaires après avoir
traversé un événement adverse.
Les enfants en bas-âge peuvent souffrir d’anorexie : ils serrent les lèvres,
ils refusent de téter ou de manger, ils stockent les aliments dans la bouche
sans déglutir, les recrachent, les régurgitent ou les vomissent. Notons
que l’anorexie est fréquente chez le nourrisson, notamment à l’occasion
du sevrage, d’un changement de régime alimentaire ou d’une poussée
dentaire. Elle ne doit alerter que si elle persiste ou si elle est associée à
des signes psychopathologiques (apathie, immobilité, retrait, indifférence,
retard de développement staturo-pondéral, de la motricité ou du pré-
langage, etc.). Généralement, la mère interprète le refus alimentaire de
son enfant comme un rejet de sa personne. Elle se sent disqualifiée dans
son rôle de nourricière et les relations avec sa progéniture s’en trouvent
souvent perturbées. Son angoisse et ses attitudes (par exemple, forcer le
refus de s’alimenter) peuvent contribuer à renforcer les désordres alimen-
taires du bébé. D’autres nourrissons peuvent manifester des comporte-
ments hyperphagiques : ils réclament la nourriture en criant, s’agitent lors
du repas, sucent le sein ou le biberon avec avidité et semblent habités par

48
Trouble caractérisé par un besoin excessif de sommeil manifesté par un allongement de
la durée de la nuit et une somnolence diurne.
La phase aiguë
102

une faim insatiable. Plus préoccupants, mais heureusement beaucoup plus


rares, sont le pica49, la coprophagie50 et le mérycisme51.
Chez les enfants pré-pubères, l’anorexie reflète souvent un trouble sévère.
La prédominance féminine est moins nette qu’à l’adolescence. Elle se
manifeste par une restriction et un contrôle alimentaire. L’hyperactivité
physique, les vomissements provoqués et la prise de laxatifs ou de diuré-
tiques, fréquents chez les adolescents, sont exceptionnels à cet âge. Moins
inquiétants et plus répandus sont l’appétence excessive pour les sucreries,
le grignotage anxieux et l’hyperphagie (pouvant conduire à l’obésité).
Bernard, 11 ans ½ a été victime de racket. Depuis, il manifeste des troubles du
comportement alimentaire et a pris de l’embonpoint. Dès que ses parents ont
le dos tourné, il en profite pour se ruer sur le réfrigérateur, il se lève la nuit pour
manger et cache des friandises sous son lit.
À l’adolescence, les troubles alimentaires (boulimie et anorexie) sont rela-
tivement fréquents. L’anorexie touche davantage les filles que les garçons.
Les adolescents, principalement les filles, peuvent devenir obèses ou
cachectiques suite à des troubles du comportement alimentaire. Après
avoir subi des violences sexuelles, l’obésité ou la maigreur peut leur tenir
lieu de protection par l’amoindrissement de leur séduction.
–– Les conduites addictives. Tabagisme, alcoolisme, toxicomanie et
boulimie peuvent apparaître à l’adolescence dans le décours d’un événe-
ment traumatique.

2.2.5. Les troubles somatoformes52 

Dès les premiers jours ou les premières semaines après l’événement trauma-
tique, les enfants et les adolescents peuvent se plaindre, tout comme les adultes,

49
Ingestion répétée de substances non comestibles (terre, cailloux, papier, ficelles, cheveux,
etc.) alors que l’enfant est en âge de distinguer les objets des aliments (soit après 18 mois).
50
Ingestion d’excrément.
51
Régurgitation volontaire du bol alimentaire dans la bouche suivie de sa remastication
avant une nouvelle déglutition.
52
Les troubles somatoformes regroupent les troubles fonctionnels et les douleurs sans
cause organique et les maladies psychosomatiques avec atteinte lésionnelle.
Les réactions post-immédiates
103

de maux physiques sans cause organique ainsi que de l’aggravation d’une maladie
préexistante.
Chez l’adolescent, les symptômes somatiques risquent d’accroître les angoisses
à propos de leur personne physique et de leur vulnérabilité.
–– Les symptômes neurovégétatifs d’origine psychosomatique. Les
grands enfants et les adolescents peuvent souffrir de vertiges, de lipo-
thymies53, de tremblements, de sueurs, de palpitations cardiaques54, de
tachycardie55, de troubles gastro-intestinaux (nausées, vomissements,
diarrhée ou constipation), de sensations de striction laryngée (« boule
dans la gorge »), d’oppression respiratoire et de sensations d’étouffe-
ment pseudo-asthmatiques (sensation de souffle coupé ou de poids sur la
poitrine empêchant de respirer), etc.
–– L’asthénie physique d’origine psychosomatique. Elle se manifeste
chez les grands enfants mais surtout chez les adolescents par une fatigue
permanente résistant au repos, par un épuisement rapide au moindre
effort physique, par l’impression persistante d’être sans force ou par une
lassitude générale.
–– Les douleurs psychogènes56. Les jeunes victimes présentent fréquem-
ment des douleurs diffuses et erratiques (céphalées, douleurs musculaires,
douleurs thoraciques, gastralgies57, etc.). Certaines douleurs sont spécifi-
quement liées à l’événement traumatique subi. Par exemple, dans les cas
d’agressions et d’abus sexuels, la jeune victime peut se plaindre d’algies
pelviennes, abdominales, gynécologiques, urinaires ou anales, d’anisme58,
de maux de gorge ou de gêne à la déglutition, etc.
Si ces plaintes peuvent être l’expression de la tristesse, de la peur, de l’an-
goisse ou d’un traumatisme, rappelons toutefois qu’elles peuvent égale-

53
Évanouissements de brève durée.
54
Perception inhabituelle des battements du cœur, généralement désagréable.
55
Accélération du rythme cardiaque.
56
Psychogène se dit d’un trouble ou d’une affection dont l’origine est purement psychique.
57
Douleur localisée dans l’estomac.
58
On appelle anisme la contraction paradoxale du sphincter anal externe au cours d’un
effort de défécation.
La phase aiguë
104

ment signer une maladie organique ou résulter des séquelles de violences


physiques.
–– Les maladies psychosomatiques. Les nourrissons, les enfants et les
adolescents peuvent souffrir d’un regain de symptômes de maladies
psychosomatiques antérieures à l’expérience traumatique telles que
coliques, colites, asthme, eczéma, psoriasis, etc.

3. Les réactions immédiates et post-immédiates


selon les nosographies internationales

La névrose traumatique a longtemps prévalu pour décrire les syndromes post-


traumatiques. Le récent développement des nosographies psychiatriques interna-
tionales a entraîné l’éclatement de ce concept et redistribué les symptômes dans
de nouvelles entités syndromiques.
Les modèles principaux de classifications sont le Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorder, dénommé DSM IV59 et la Classification Internatio-
nale des Maladies, dite CIM-1060. Tous deux répertorient des entités diagnos-
tiques se rapportant aux réactions psychotraumatiques. La description de ces
syndromes concerne la population adulte de structure névrotique (ou psycho-
tique compensée) et aucun paragraphe n’est spécifiquement dédié aux enfants.
L’American Psychiatric Association et l’Organisation Mondiale de la Santé consi-
dèrent que les critères de ces entités diagnostiques sont applicables aux enfants.
S’il existe bien un noyau de symptômes communs aux adultes et aux enfants, les
manifestations sont toutefois fonction de l’âge des jeunes victimes. Même si l’on
peut souligner leur insuffisance pour les petits enfants, ces entités restant la réfé-
rence pour les plus grands et les adolescents, nous avons choisi de les présenter
ci-dessous.

59
American Psychiatric Association (1994), DSM IV (Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorder, Washington D.C., American Psychiatric Press.
60
Organisation Mondiale de la Santé (OMS) (2008), Classification statistique internationale
des maladies et des problèmes de santé connexes CIM-10, Genève.
Les réactions immédiates et post-immédiates selon les nosographies internationales
105

–– En 1980, suite aux séquelles traumatiques durables manifestées par les


vétérans du Vietnam, le DSM III61, introduit dans sa nosographie un
trouble psychiatrique nommé « Post-Traumatic Stress Disorder », généra-
lement signalé par l’acronyme PTSD, traduit en français par État de Stress
Post Traumatique ou ESPT62. En 1994, l’American Psychiatric Association
effectue un pas de plus dans la reconnaissance des phénomènes post-trau-
matiques en validant dans le DSM-IV le diagnostic d’Acute Stress Disorder,
ASD, en français État de Stress Aigu ou ESA.
L’État de Stress Aigu est classé parmi les troubles anxieux et englobe tant
les réactions de survenue immédiate que les réponses post-immédiates
perdurant jusqu’à quatre semaines après l’incident. Une seule annotation
concernant les enfants a été ajoutée dans le critère 2 du cluster A.
–– La CIM-10 décrit la réaction aiguë à un facteur de stress apparaissant dans
les minutes suivant l’incident critique et disparaissant en quelques heures,
tout à plus en quelques jours. Elle distingue ce trouble immédiat de l’état
de stress post-traumatique, réactions différées apparaissant quelques
semaines ou mois après l’événement traumatique mais elle reste muette
sur les manifestations présentées dans l’entre-temps.

L’État de Stress Aigu (ESA) selon le DSM-IV


A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments
suivants étaient présents :
(1) le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou des événe-
ments durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés
ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels
son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée
(2) la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un senti-
ment d’impuissance ou d’horreur. N.B. Chez les enfants, un comportement
désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations.

61
Le DSM III est la troisième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorder,
American Psychiatric Association, 1980.
62
Voir « Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales » dans le
chapitre consacré aux conséquences à long terme.
La phase aiguë
106

B. Durant l’événement ou après avoir vécu l’événement perturbant, l’individu a présenté


trois (ou plus) des symptômes dissociatifs suivants :
(1) un sentiment subjectif de torpeur, de détachement ou une absence de réaction
émotionnelle
(2) une réduction de la conscience de son environnement (par ex.  « être dans le
brouillard »)
(3) une impression de déréalisation
(4) de dépersonnalisation
(5) une amnésie dissociative (par ex. incapacité à se souvenir d’un aspect important
du traumatisme)
C. L’événement traumatique est constamment revécu de l’une (ou plusieurs) des
manières suivantes : images, pensées, rêves, illusions, épisodes de flash-back récur-
rents, ou sentiments de revivre l’expérience, ou souffrance lors de l’exposition à ce
qui peut rappeler l’événement traumatique.
D. Evitement persistant de stimulus qui éveillent la mémoire du traumatisme (par ex.,
pensées, sentiments, conversations, activités, endroits, gens).
E. Présence de symptômes anxieux persistants ou bien manifestations d’une activation
neurovégétative (par ex., difficultés lors du sommeil, irritabilité, difficultés de concen-
tration, hypervigilance, réaction de sursaut exagérée, agitation motrice).
F. La perturbation entraîne une détresse cliniquement significative ou une altération
du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants ou
altère la capacité du sujet à mener à bien certaines obligations comme obtenir une
assistance nécessaire ou mobiliser des ressources personnelles.
G. La perturbation dure un minimum de 2 jours et un maximum de 4 semaines suivant
l’événement traumatique.
H. La perturbation n’est pas due aux effets physiologiques directs d’une substance
(p. es. Une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou une affection médi-
cale générale, n’est pas uniquement une exacerbation d’un trouble préexistant de
l’Axe I ou II.
Les réactions immédiates et post-immédiates selon les nosographies internationales
107

La réaction aiguë à un facteur de stress (F43.0) selon la CIM-10


Trouble transitoire, survenant chez un individu ne présentant aucun autre trouble
mental manifeste, à la suite d’un facteur de stress physique et psychique exceptionnel
et disparaissant habituellement en quelques heures ou en quelques jours. La survenue
et la gravité d’une réaction aiguë à un facteur de stress sont influencées par des facteurs
de vulnérabilité individuels et par la capacité du sujet à faire face à un traumatisme. La
symptomatologie est typiquement mixte et variable et comporte initialement un état
d’« hébétude » caractérisé par un certain rétrécissement du champ de la conscience et
de l’attention, une impossibilité à intégrer des stimuli et une désorientation. Cet état
peut être suivi d’un retrait croissant vis-à-vis de l’environnement, ou d’une agitation avec
hyperactivité (réaction de fuite ou fugue). Le trouble s’accompagne fréquemment de
symptômes neurovégétatifs d’une anxiété panique (tachycardie, transpiration, bouffées
de chaleur). Les symptômes se manifestent habituellement dans les minutes suivant la
survenue du stimulus ou de l’événement stressant et disparaissent en l’espace de 2 à
3 jours (souvent en quelques heures). Il peut y avoir une amnésie partielle ou complète
de l’épisode. Quand les symptômes persistent, il convient d’envisager un changement
de diagnostic.

Résumé
– Lorsque survient un événement pénible ou effrayant, les enfants et les adolescents
peuvent exprimer leur souffrance par leur comportement et leurs attitudes mais elle
peut aussi passer inaperçue.
– Face à une situation pénible ou effrayante, les jeunes victimes réagissent rare-
ment par un stress adapté. Généralement, elles manifestent des réactions de stress
dépassé  sous forme d’état de choc ou d’agitation, voire de réactions mécaniques
dont l’apparente normalité est souvent trompeuse. Ces réactions sont marquées par
la détresse péri-traumatique et les symptômes dissociatifs. Les sujets prédisposés
peuvent déclencher des troubles psychopathologiques névrotiques (hystériques,
phobiques ou obsessionnels) ou des désordres psychotiques (trouble réactionnel
post-traumatique, trouble psychotique bref, bouffées délirante ou autres affections
psychotiques vraies).
– Ces réactions disparaissent souvent au bout de quelques jours ou de quelques
semaines. Cependant, certaines jeunes victimes voient leurs troubles persister et
d’autres commencent à souffrir de symptômes préfigurant un syndrome psychotrau-
matique. D’autres encore vont inaugurer ou confirmer une psychopathologie névro-
tique ou psychotique.
La phase aiguë
108

– Généralement, chez les jeunes victimes, le syndrome post-traumatique apparait rapi-


dement après l’événement critique. Il s’observe fréquemment dès l’âge de 3 ans. Il
se caractérise par la reviviscence de l’événement adverse sous forme de symptômes
intrusifs (flash-back, souvenirs répétitifs, cauchemars, impression que l’événement
pourrait se renouveler, phénomènes moteurs élémentaires, conduite de répétition et
jeux répétitifs, détresse et réactivité physiologique à l’exposition d’indices rappelant
l’événement), par l’émoussement de la réactivité générale (désintérêt pour l’entourage
et les activités) et l’évitement des stimuli qui lui sont associés (lieux, personnes, conver-
sations, pensées et sentiments) ainsi que par une hyper activation neurovégétative.
– Les nourrissons, les enfants et les adolescents manifestent fréquemment des troubles
non spécifiques aux syndromes post-traumatiques tels les troubles anxieux (crises
d’angoisse, agitation, surveillance inquiète de l’environnement, attachement anxieux,
exacerbation des peurs infantiles), des symptômes dépressifs (désarroi, tristesse,
sentiment de solitude, inhibition motrice et intellectuelle, repli sur soi, sentiments de
culpabilité excessifs et inappropriés), des désordres psychosomatiques (symptômes
neurovégétatifs, asthénie, douleurs psychogènes, regain d’une maladie psychosoma-
tique préexistante), des perturbations du comportement (auto – et hétéro-agressivité,
conduites à risque, instabilité motrice, troubles du sommeil, désordres alimentaires,
dépendances) ainsi que des comportements régressifs et des difficultés d’apprentissage.
– Le DSM-IV répertorie l’État de Stress Aigu englobant tant les réactions de survenue
immédiate durant au moins deux jours que les réponses post-immédiates perdurant
jusqu’à quatre semaines après l’incident. La CIM-10 décrit la réaction aiguë à un
facteur de stress apparaissant dans les minutes suivant l’incident critique et disparais-
sant en quelques heures, tout à plus en quelques jours.

Vérifiez vos connaissances :


– Qu’est-ce qu’un traumatisme silencieux ?
– Citez et détaillez les trois modes réactionnels du stress dépassé.
– Quels sont les symptômes immédiats les plus prédictifs d’un trouble psychotrauma-
tique ultérieur ?
– Nommez et définissez trois symptômes intrusifs.
– Dans le décours d’un incident critique, les jeunes victimes manifestent fréquemment
des troubles non spécifiques aux syndromes post-traumatiques. Quels sont les plus
fréquents ?
– Quelles sont les manifestations anxieuses spécifiques aux enfants ?
– Le DSM-IV et la CIM-10 répertorient des entités diagnostiques se rapportant aux
réactions psychotraumatiques manifestées dans le décours d’un événement poten-
tiellement traumatisant. Comment se nomment-elles ?
CHAPITRE 4
La phase à long terme

S MMAIRE

1. Les syndromes psychotraumatiques


2. Les psychopathologies
3. Les syndromes psychotraumatiques
selon les nosographies internationales

Au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les signes pathogno-


moniques du traumatisme et les symptômes non spécifiques apparus dans les
premières semaines suivant l’événement pénible ou effrayant vont soit dispa-
raître soit se perpétuer plusieurs mois ou années, voire toute la vie des sujets. Les
psychopathologies névrotique ou psychotique peuvent également se confirmer
chez les individus les plus fragiles.

1. Les syndromes psychotraumatiques

La persistance des réactions au-delà de quelques semaines après l’incident


critique, voire l’apparition de signes supplémentaires ou plus intenses, fait
suspecter l’installation d’un véritable traumatisme psychique et l’évolution vers la
chronicité. Longtemps après les événements, lorsque l’enfant grandit, de nouveaux
symptômes peuvent encore s’ajouter au tableau (par exemple, des sentiments de
culpabilité chez les victimes d’abus sexuels1). Rappelons également que dans les
premiers temps après l’événement, certaines jeunes victimes ne manifestent pas
de signe visible de souffrance (traumatisme silencieux). Certaines verront cepen-


1
Voir infra, p. 118.
La phase à long terme
110

dant leur état psychique se dégrader, parfois après plusieurs années, par exemple
à la faveur d’un stress important ou d’une exposition à un événement qui évoque
directement ou symboliquement la scène initiale2.
Le type et la gravité des événements (traumatismes complexes de type II et
III), le stade du développement de la victime au moment de son occurrence et la
capacité de soutien de l’entourage sont quelques uns des facteurs déterminant la
chronicité du syndrome traumatique.
La sémiologie psychotraumatique à long terme, différée et chronique
comprend trois volets : l’état de stress post-traumatique, les symptômes non
spécifiques et la réorganisation de la personnalité. Il recouvre un large éventail de
tableaux cliniques s’étendant des formes paucisymptomatiques3 aux cas sévères
organisés en névrose traumatique en passant par les états modérés.
L’état de stress post-traumatique est restrictif et tient compte principalement
des symptômes traumatiques pathognomoniques. Or la plupart des victimes ne
présentent pas, ou pas uniquement, ce type de manifestations mais souffrent de
désordres anxieux, de signes de dépression, de troubles du comportement et/
ou de somatisations. Ces symptômes non spécifiques peuvent prédominer, voire
occulter, une symptomatologie traumatique plus discrète. Outre ces divers symp-
tômes, la personnalité de certains enfants subit des transformations notables.
Cette organisation morbide de la personnalité signe la névrose traumatique,
phase ultime du syndrome traumatique.

1.1 L’état de stress post-traumatique

L’état de stress post-traumatique regroupe les symptômes pathognomo-


niques des syndromes psychotraumatiques à savoir les reviviscences, les conduites
d’évitement et l’activation neurovégétative4.

2
Première relation amoureuse (par exemple, une victime d’abus sexuel ou de viol qui
s’engage dans une relation sentimentale), accident ou maladie grave du sujet ou d’un de ses
proches, deuil d’un proche, émission télévisée, etc.
3
Présentant peu de symptômes.
4
Voir supra « L’apparition d’un syndrome post-traumatique » dans le chapitre consacré
aux réactions post-immédiates, p. 78.
Les syndromes psychotraumatiques
111

Ces troubles s’accompagnent d’un ensemble de réactions au niveau


émotionnel, cognitif, comportemental et somatique.
–– Au niveau émotionnel.  Parmi les réactions émotionnelles communé-
ment observées chez les victimes retenons la peur, l’anxiété et l’angoisse
(troubles manifestés de jour par des peurs irrationnelles et incontrôlées,
des frayeurs, des terreurs, des crises d’angoisse, des pseudo-phobies,
des conduites d’évitement et la nuit par un sommeil agité, des réveils en
sursaut, des terreurs nocturnes), la tristesse, le désespoir, l’apathie, la perte
de curiosité et de motivation pour tout, les sentiments de honte et de
culpabilité, l’altération de la capacité à désirer, à vouloir et à se projeter
dans l’avenir, la colère, etc.
–– Au niveau cognitif
• Le syndrome de répétition. C’est à Otto Fenichel, médecin et psycha-
nalyste autrichien, que l’on doit, en 1945, la première description
de ce syndrome5. Les flash-back, les souvenirs répétitifs, les cauche-
mars, l’impression que l’événement pourrait se renouveler ainsi que
la détresse et la réactivité physiologique en constituent les différentes
modalités. Ce syndrome pathognomonique occupe une place centrale
dans la clinique du post-traumatisme.
Jean, grièvement blessé à 16 ans au cours d’une fusillade où cours de
laquelle son père fût tué nous dit : « Ça s’est passé il y a plus de 25 ans et
tous les jours, je me réveille en pensant à ces mots : “ tueries du Brabant ”6 .
Il n’y a pas un jour depuis que c’est arrivé où je n’y ai pas pensé. Ce n’est
pas que je veux y penser. Je ne veux pas y penser mais c’est plus fort que
moi. Je n’ai pas d’image mais je pense à ces mots “ tueries du Brabant ”. »
• Les symptômes dissociatifs. Longtemps après l’incident critique, les
enfants et les adolescents peuvent manifester des symptômes dissocia-

5
O. Fenichel (1945, trad. fr. 1987), La théorie psychanalytique des névroses, Paris, Presses
Universitaires de France.
6
Sont appelées « tueries du Brabant Wallon » une vingtaine de crimes et attaques commis
en Belgique (notamment dans des grandes surfaces commerciales), principalement dans la
province du Brabant wallon, entre 1982 et 1985 et au cours desquelles 28 personnes trou-
vèrent la mort.
La phase à long terme
112

tifs tels la dépersonnalisation, la déréalisation et les conduites de répé-


tition (répétition de comportements effectués pendant l’événement).
• L’altération des capacités cognitives. Les jeunes victimes présentent
fréquemment un affaiblissement de leurs facultés mentales d’atten-
tion, de concentration intellectuelle, de raisonnement et de réflexion
ainsi qu’une fatigabilité psychique (parfois accompagnée de céphalées
lors d’efforts intellectuels).
• Les troubles de mémoire. Les enfants et les adolescents peuvent souf-
frir de rappels spontanés, répétitifs et envahissants de l’événement
traumatique (syndrome de répétition). S’ils ont vécu des événements
répétés (dans le cas des traumatismes complexes), ils constatent parfois
en grandissant qu’ils ont oubliés des pans entiers de leur histoire.
Jérémie a grandi au sein d’un foyer aux prises avec la violence. Il raconte :
« Je me souviens de ma chambre mais c’est à peu près tout, oui, aussi de
quelques objets dans le salon mais ça se limite à pas grand-chose. Et de ce
que j’y ai vécu, seulement quelques flashs. Je vois ma mère assise par terre,
il est derrière elle, il lui tient les mains en l’air et il lui donne des coups de
pieds dans les reins. J’ai aussi un souvenir à la mer où je cours avec un cerf-
volant. Un mauvais souvenir et un bon, c’est pas bien lourd… Même de
l’école, je ne me souviens pas… J’ai l’impression de ne pas avoir de racines.
Je n’ai pas d’histoire d’enfance. On m’a volé mon enfance. C’est comme si
je n’avais pas vécu pendant toutes ces années. Je me demande comment
on peut oublier autant de choses… J’avais 15 ans quand mon père a quitté
ma mère et qu’on a déménagé. Après, j’ai des souvenirs, plein de souvenirs,
des bons, des mauvais, une vie d’ado, quoi ! C’est impressionnant, non ?,
ne rien se souvenir jusqu’à ses 15 ans. »
Ils peuvent également manifester des oublis récurrents concernant la
vie courante (avec pour conséquence, par exemple, d’égarer leurs effets
personnels, d’oublier leurs cahiers à l’école ou à la maison, etc.), des
difficultés à se remémorer certains événements (trouble de la mémoire
d’évocation) ou à mémoriser de nouvelles informations (troubles de la
mémoire de fixation).
• Une perturbation des schémas cognitifs. La compréhension que les enfants
et les adolescents ont d’eux-mêmes, des adultes, des événements, de
la vie et du futur est déterminée par un entrelacs de croyances de base,
Les syndromes psychotraumatiques
113

de présuppositions et de représentations mentales7 qui constituent


leur cadre de référence. Les conceptions telles que les adultes sont
bons, protecteurs, courageux et invincibles, que la vie poursuit un but
(se marier, avoir des enfants, bâtir une maison, exercer une profession,
etc.) ou que l’univers est sensé, prédictible et logique (par exemple, en
étant gentil et obéissant, on obtient de bonnes choses ; en étudiant, on
réussit ; les personnes âgées meurent avant les jeunes, etc.) s’en trouve
ruinées. A contrario, d’autres croyances de soi, du monde et du futur
vont se construire ou être renforcées. Ainsi, l’enfant pourra penser qu’il
ne vaut rien, qu’il ne mérite que de mauvaises choses et qu’il n’est
pas digne d’être aimé, que la vie peut basculer brutalement et tragi-
quement à tout moment, que le monde est malveillant et dangereux,
qu’on ne peut accorder sa confiance à personne, etc. Ces « pensées
automatiques » négatives induisent une distorsion de la réalité propice
aux erreurs d’interprétation et de jugement et constituent un facteur
de risque dépressif8.
Les troubles cognitifs peuvent entraîner des difficultés d’apprentissage et des
échecs scolaires.
–– Au niveau comportemental. L’impact traumatique se manifeste
par des conduites d’évitement, par des troubles du sommeil et de l’ap-
pétit, par des dépendances, voire par un comportement inhabituel ou
étrange. L’hyper-activation neurovégétative se traduit notamment sur le
plan comportemental par un état d’alerte (hypervigilance, difficulté à
se reposer, à se relaxer, à s’endormir) et par des réponses motrices plus
rapides (réaction exagérée de sursaut, agressivité).

7
Nous appelons « cadre de référence », ce réseau conceptuel inconscient qui détermine
l’appréhension du monde.
8
A.T. Beck (1983), Cognitive therapy of depression : new perspectives, in P.J. Clayton &
J.  Barret, Treatment of depression : old controversies and new approaches, New York, Raven
Press, 265-290.
La phase à long terme
114

1.2 Les symptômes non spécifiques aux syndromes post-


traumatiques

Outre les troubles anxieux et dépressifs, les comportements régressifs et les


difficultés d’apprentissage, les troubles du comportement et les désordres soma-
toformes déjà décrits dans le chapitre consacré aux réactions post-immédiates,
les jeunes victimes peuvent au cours du temps développer des nouveaux symp-
tômes.

1.2.1. Les troubles anxieux

Les crises d’angoisse, les pseudo-phobies, l’agitation désordonnée, la


surveillance inquiète de l’environnement, les peurs infantiles et l’attachement
anxieux apparus dans le décours de l’événement adverse peuvent durer long-
temps. Avec le temps, chez les plus grands, cette anxiété peut se manifester sous
forme de trouble hyperanxiété9 (anxiété chronique avec plaintes somatiques)
ou d’anxiété généralisée10 plus diffuse mais fréquemment morbide. De plus, les
jeunes victimes se montrent également souvent plus réactives que leurs pairs face
aux stress ordinaires de la vie quotidienne.
Depuis que Laure, 6 ans, a été sévèrement mordue par un chien, elle se montre
craintive et se plaint fréquemment de maux de ventre. Auparavant prompte à accepter
les invitations à déloger chez ses grands-parents ou ses amies, elle répugne aujourd’hui
à quitter son domicile.
Notons que le développement et l’installation des troubles anxieux peuvent être
influencés par l’attitude de l’entourage direct. Ainsi, les parents anxieux, concevant
de nombreuses situations comme menaçantes, ont tendance à surprotéger leurs
enfants et à les encourager à adopter des conduites d’évitement. De même, les
angoisses et les peurs des enfants et des adolescents peuvent être entretenues
par les propos inquiets des adultes quant à la disparition d’un proche, la guerre,
la potentialité d’un nouveau séisme, les séquelles et les handicaps résultant d’un
accident, les difficultés financières consécutives à l’événement, l’avenir, etc.


9
Selon la terminologie de la CIM-10.
10
Selon le DSM-IV.
Les syndromes psychotraumatiques
115

1.2.2. Les troubles dépressifs

Les jeunes victimes ayant traversé des événements délétères extrêmes ou


répétés manifestent fréquemment des symptômes dépressifs allant de la simple
tristesse à des états dépressifs francs.
Dès le plus jeune âge, les enfants peuvent présenter une souffrance dépres-
sive patente. La dépression du nourrisson, heureusement rare, est dite anacli-
tique. Le terme anaclitique indique qu’elle est une réaction à la perte d’objet11. En
effet, elle est liée à la séparation réelle de la figure d’attachement principale (par
exemple, décès de la mère, hospitalisation, placement en institution, etc.) ou à
son absence « psychique » (mère happée par ses difficultés personnelles incapable
de satisfaire les besoins affectifs de sa progéniture). Son processus dynamique
diffère fondamentalement de celui qui prévaut dans la dépression de l’adulte.
La dépression du tout petit est plus proche de l’indifférence morne que de la
tristesse : les bébés sont apathiques (atonie thymique12 sans pleurs ni larmes),
leurs gestes sont rares et ralentis et leur regard fixe, très profond, contraste avec
une mimique pauvre. Ce tableau est parfois associé à des conduites répétitives
et monotones (se balancer, mordiller sans lien avec la dentition, se masturber
à l’excès, se cogner la tête etc.)13. Dans les cas les plus graves, cette dépression
anaclitique évolue vers l’hospitalisme14.

11
La relation d’objet ou relation objectale est la relation qu’entretient un individu avec
l’objet vers lequel se tournent ses pulsions (celui-ci pouvant être une personne, en particulier
les figures principales d’attachement telles la mère).
12
Comportement d’indifférence souvent précédé d’une phase de détresse et de protesta-
tion.
13
Retrait dans l’autostimulation et l’autosensorialité.
14
D’après Spitz, durant le premier mois de séparation, l’enfant recherche activement sa
mère (ou sa figure d’attachement principale) et refuse le contact avec autrui (phase de
protestation). Il use de tous les moyens dont il dispose pour la faire revenir : il s’agite, crie
et pleure bruyamment ; il se jette par terre, etc. Dès le deuxième mois, constatant que ses
tentatives restent sans effet, il se replie sur lui-même (réaction que l’on peut rapprocher de
l’impuissance acquise de Seligman). Il pleure moins et de manière monotone ; il se désin-
téresse de son environnement ; il refuse de jouer, de s’alimenter et de s’habiller ; il devient
inactif et reste de longues heures couchés à plat ventre ; il dort peu, passant ses journées
et ses nuits dans une veille et insomnie calmes ; il cesse de se développer tant physique-
ment qu’intellectuellement et manifeste de moins en moins d’expressions faciales (phase de
désespoir correspondant à la dépression). À partir du troisième mois, si l’enfant est pris en
La phase à long terme
116

Le risque de développer un trouble dépressif s’accroît lorsque l’enfant grandit,


en particulier à l’adolescence. Les symptômes se traduisent pas un malaise affectif
profond, de la tristesse, du désespoir, des idées et des conduites suicidaires, une
baisse du sentiment de valeur personnelle et d’estime de soi (sentiment d’inu-
tilité), de l’ennui, des sentiments de solitude, de la passivité, de la négligence
(par exemple, tendance à égarer ses affaires, à négliger son hygiène, etc.), une
inhibition motrice et intellectuelle, un blocage des émotions ainsi que par des
sentiments de précarité de l’existence et d’avenir bouché (désintérêt affirmé par
rapport à la scolarité actuelle, à l’activité professionnelle future et à la vie sociale).
Notons que les fantasmes d’absence d’avenir peuvent être fortement influencés
par l’attitude et le discours des adultes de l’entourage.
Depuis l’incendie qui a détruit sa maison, André, 9 ans, traîne comme une âme
en peine. Il se plaint d’ennui mais refuse toutes les propositions d’activité que sa mère
lui soumet.
Alexandra témoigne : « Je pensais tout le temps à me jeter par la fenêtre. C’était le
seul moyen que je voyais pour sortir. Et il fallait que je sorte pour me protéger. Vous
vous rendez compte, je voulais mourir pour me protéger de celle qui m’avait donné la
vie. Heureusement, je ne l’ai pas fait… »
Lorsqu’ils ont des réactions de retrait, outre le fait qu’ils délaissent leurs
activités (loisirs, scolarité) et leurs relations habituelles (parents, amis, famille,
etc.), les enfants et les adolescents ont tendance à se réfugier dans l’imaginaire
(échappée dans la rêverie). Si ce repli sur soi se prolonge, il entraîne une perte
des acquis intellectuels et psychomoteurs pouvant aller jusqu’à la régression à
un stade antérieur du développement. Ce retrait diffère également, voire inter-
rompt, la socialisation, altérant le rapport au monde et aux autres et provoquant
une perte progressive de contact avec la réalité. Dans les cas les plus sévères, les
jeunes victimes s’isolent de leur entourage, se réfugiant, mutiques, dans un coin
ou dans leur lit, parfois en position fœtale.

charge par des personnes capables de lui offrir une relation humaine de qualité suffisante, il
commence à accepter le contact, les soins, la nourriture et le jeu. Il n’est plus en mesure de
reconnaître sa mère si celle-ci réapparaît (phase de détachement). Si au contraire la sépa-
ration se prolonge sans qu’il ait pu trouver de substitut maternel, il cesse de pleurer, refuse
tout contact, arrête de s’alimenter, perd ses acquis (moteurs, intellectuels, etc.), tombe
fréquemment malade et évolue vers un état de marasme, voire vers la mort (hospitalisme).
Les syndromes psychotraumatiques
117

La vie d’Alex, 10 ans, a été émaillée d’événements pénibles : des nombreux décès
inopinés de proches, la décompensation psychotique de son père en sa présence et
des maltraitances graves de la part d’un condisciple (coups et blessures volontaires,
chute dans les escaliers provoquée intentionnellement, etc.). Alex n’a pas d’amis. Il ne
souhaite pas recevoir ses compagnons de classe à la maison et décline les invitations à
se rendre aux fêtes qu’ils organisent ; à l’école, à l’heure de la récréation et du déjeuner,
il se tient seul, à l’écart de tous. Il se plaint fréquemment de douleurs abdominales, n’a
pas d’appétit et rencontre d’importantes difficultés d’apprentissage. Il s’exprime peu et
avec difficulté. Il répète souvent : « Je suis nul » et a déjà évoqué ses idées suicidaires.
Il est très fréquemment réveillé par ses cauchemars. Il rêve parfois que toute sa famille
se suicide en raison de sa nullité.
Bruno raconte : « Quand j’étais petit, je me réfugiais dans une bulle de silence. À
l’école, dans la famille, je ne me sentais pas à ma place, nulle part. J’avais peur de
ma mère qui criait tout le temps, j’avais peur de ma belle-mère (la seconde épouse
du père) qui me frappait, j’avais peur des enfants à l’école. J’étais différent : j’étais
étranger (Bruno a été adopté), j’étais petit. Je ne me sentais pas à la hauteur. J’avais
un sentiment d’insécurité en permanence. Je partais dans mon monde imaginaire pour
échapper aux gens. Les gens pensaient que je n’étais pas normal, que j’étais débile.
Ils se moquaient de moi parce que j’étais tout le temps dans la lune. Je ne comprenais
pas ce qu’on me disait. Je restais tout seul. Je n’avais aucun ami. Je restais immobile,
des heures, perdus dans mon monde imaginaire. »
Chez les jeunes victimes, plus fréquemment que chez l’adulte, la dépres-
sion peut se traduire par des troubles psychosomatiques15. Elle peut aussi être
masquée par des troubles du comportement. En effet, l’instabilité motrice, les
conduites régressives, les troubles alimentaires, les protestations, les revendica-
tions, les agissements agressifs, les passages à l’acte délinquant, etc. peuvent être
une défense contre la dépression. Chez la plupart, l’humeur alterne entre des
attitudes de lutte manifestées par des perturbations du comportement (agitation,
agressivité, etc.) et l’effondrement dépressif (tristesse, inhibition motrice, repli
sur soi, etc.). On parle alors de dépression hostile ou agressive, l’hostilité faisant
partie à part entière du tableau dépressif16.

15
Voir infra, p. 124.
16
A.  Féline, P.  Hardy & M. de Bonis (1991), La dépression : études, Issy-les-Moulineaux,
Elsevier Masson, coll. Médecine et psychothérapie.
La phase à long terme
118

Nous l’avons vu, dans le décours d’un événement délétère, les enfants et les
adolescents éprouvent fréquemment des sentiments de culpabilité excessifs ou
inappropriés. Ces sentiments peuvent également apparaître tardivement, en
particulier dans les cas de violences intrafamiliales répétées et d’abus sexuels.

Dans les cas d’abus sexuels, l’enfant ou l’adolescent peut se sentir coupable
parce qu’il se croit responsable des actes qu’il a subis. N’ayant pas repoussé ni
dénoncé l’auteur, il a le sentiment d’avoir approuvé l’activité sexuelle. Il s’accuse
d’y avoir consenti, voire même de l’avoir instiguée en charmant ou en aguichant
l’adulte. Ces sentiments de culpabilité sont d’autant plus intenses que l’auteur
l’accable en lui renvoyant une image de séducteur et de provocateur. Ils sont
fortement renforcés s’il a ressenti du plaisir ou retiré un bénéfice secondaire du
rapprochement intime (cadeaux, passe-droits, etc.). Plus la jeune victime grandit,
plus elle peut souffrir de s’en être laissé compter et de ne pas avoir tenté de faire
cesser les abus ou de les avoir tu.

Sophie se remémore : « Au début, je dois dire que je ne pensais rien de spécial. À la
limite, c’était normal. Mon grand-père me disait qu’il m’aimait et que j’étais sa petite
préférée. Il me disait que ces caresses qu’il me faisait, c’était pour me faire plaisir à
moi et que toutes les femmes aiment ça. Et à la vérité, ce n’était pas désagréable. Puis,
en grandissant, ça m’a rendue dingue. Je m’en voulais terriblement. Je me disais que
j’étais idiote. Comment avais-je pu être aussi stupide ? Il me disait que je ne devais
rien dire, que c’était notre secret à nous deux, que j’étais une grande fille et que j’étais
assez intelligente que pour pouvoir garder un secret. Il disait des trucs du genre qu’il
n’y a que les petites sottes qui ne savent pas tenir leur langue… Même enfant, ça
aurait du me mettre la puce à l’oreille. Je me suis fait avoir et je pense que finalement,
c’était ça, le pire. Je m’en veux plus à moi qu’à lui. »

Si l’agresseur est le père, l’enfant peut éprouver de la culpabilité parce qu’il a


l’impression de trahir sa mère.

Estelle confie : « Mon père faisait ses saloperies sur moi dans la remise au fond du
jardin. J’étais gênée quand je revenais dans la cuisine. J’étais toute rouge. Je me sentais
coupable vis-à-vis de ma mère comme si je lui avais fait quelque chose à elle, comme
si je lui avais fait du mal à elle. C’est ridicule parce que c’est à moi que ça faisait du
mal mais c’est comme ça. Je redoutais qu’elle l’apprenne parce que je savais que ça lui
ferait tellement mal… »
Les syndromes psychotraumatiques
119

Lorsqu’elle est maltraitée physiquement ou psychologiquement par un


proche, la jeune victime peut se culpabiliser croyant que les violences sont méri-
tées en raison de quelque insuffisance personnelle ou qu’elles sont une punition
de méchancetés ou d’erreurs qu’elle aurait commises.

Delphine relate : « Je me souviens de la première fois que mon père m’a frappée.
Je devais avoir 6 ou 7 ans. Comme il avait toujours été assez juste avant que son
entreprise ne soit déclarée en faillite, je pensais que je l’avais bien mérité. Je me sentais
coupable parce que j’avais fait quelque chose de mal même si en fait, je ne savais pas
ce que j’avais bien pu faire de répréhensible. Il a été de plus en plus violent et donc, j’ai
pensé que s’il avait cessé de m’aimer, c’était bien parce que j’avais un problème. Et un
jour, il m’a montré une carte postale représentant une jolie petite fille blonde, avec de
belles boucles et il m’a dit : “ C’est une petite fille comme ça que j’aurais voulu ”. Je me
rappellerai toujours de cette image. Cette petite fille, on aurait dit un ange. Alors, j’ai
compris et je me suis dit que c’était normal qu’il me batte. Je n’étais tout simplement
pas ce que j’aurais du être. »

Témoin de la violence conjugale, l’enfant ou l’adolescent éprouve fréquem-


ment une culpabilité post-traumatique résultant de son impuissance à stopper les
agressions et à protéger son parent maltraité.

Sacha déclare : « Évidemment, j’en voulais à mon père de frapper ma mère. Je le


détestais cordialement. Mais je m’en voulais à moi aussi de ne pas oser la défendre. Je
sais que c’est idiot, j’avais 5 ans et je ne pouvais pas arrêter un homme saoul et violent
de 40 ans mais en grandissant, je perdais cette notion et je me disais que j’aurais
quand même pu essayer. Je me disais que si je m’étais interposé, il aurait peut-être
arrêté, qu’il aurait peut-être réalisé ce qu’il était en train de faire. »

Tout comme les adultes, les enfants peuvent souffrir de la culpabilité du survi-
vant lorsque des personnes, généralement un proche, ont péri.

Héloïse nous dit : « J’étais triste d’avoir perdu ma petite sœur. En plus, je voyais ma
mère si désespérée… Je me culpabilisais de ne pas être morte à sa place. Ma mère était
terrassée par son décès et elle ne s’occupait plus de moi, alors, forcément, je me disais
qu’elle préférait ma sœur à moi et qu’elle regrettait que ce soit moi qui soit vivante.
Dans mes prières, je demandais au Bon Dieu de ramener ma sœur et de me prendre à
sa place. Je lui disais de faire le changement pendant mon sommeil, qu’il n’avait qu’à
mettre ma sœur à ma place dans le lit. Je lui disais que tout le monde serait content. »
La phase à long terme
120

Le secret qui entoure les agressions sexuelles, la maltraitance physique, la


violence conjugale et les génocides provoque honte et dévalorisation.
Henri nous livre : « Ma mère m’avait interdit de raconter à mes amis d’école ce qui
se passait à la maison. Elle disait que ça ne regardait pas les gens. Bien sûr, avec le
recul, j’ai compris qu’elle avait honte de se faire tabasser par son baron de mari et
de le laisser, lui le noble auteur de mes jours, me battre comme plâtre. Et elle avait
certainement honte de ne pas trouver le courage de quitter cette ordure. Vous savez,
la petite noblesse de province et son souci d’honorabilité, de respectabilité, la terreur
du qu’en dira-t-on… Mais à cette époque-là, je ne réfléchissais pas si loin. C’était plus
confus. Mais ce qui est certain, c’est que j’avais honte. Quand mes copains parlaient
de leurs week-ends, de leurs vacances, de bons moments passés en famille, je devenais
rouge pivoine. J’avais envie de disparaître. Je me sentais honteux à un point indes-
criptible. Vous savez, les enfants cachent leurs bêtises, les trucs dont ils ont honte. Et
comme je devais cacher les violences intrafamiliales, c’était forcément honteux. »
La culpabilité et le honte érodent l’estime et la confiance en soi des enfants
et des adolescents. Cette déflation de leur valeur personnelle et de leurs compé-
tences s’exprime dans leur discours par des phrases stéréotypées du type « Je ne
sais pas », « Je n’y arriverai pas », « Je suis nul », etc.

1.2.3. Les retards de développement, les comportements régressifs et


la prématuration traumatique

Après un événement tragique, les jeunes victimes manifestent fréquemment


un recul dans les apprentissages ou une perte d’aptitudes récemment acquises.
L’appauvrissement des acquis peut conduire à des retards, voire à la régression à
un stade antérieur du développement.
–– Le ralentissement de l’évolution du développement psychomo-
teur. En fonction de l’âge de l’enfant, on constate des retards dans l’acqui-
sition posturale ou du tonus (position assise, marche), de la coordination
(maladresse), du langage, de la propreté, etc.
–– La régression dans le développement. Les nourrissons, les enfants
et les adolescents peuvent manifester une régression dans les habiletés
motrices, le contrôle sphinctérien, le langage, les comportements alimen-
taires, l’autonomie, etc.
Les syndromes psychotraumatiques
121

–– Les perturbations scolaires et les difficultés d’apprentissage. Le


ralentissement du fonctionnement intellectuel, la difficulté de fixer son
attention sur les tâches scolaires et le désinvestissement de l’école peuvent
avoir des répercussions négatives sur l’acquisition des connaissances et
conduire à une baisse des résultats scolaires, voire à des échecs.
Sandra, victime de la violence paternelle, témoigne : « Mon frère et moi, on
n’était pas des mauvais élèves. On n’avait juste pas la tête à ça. »
Après la fusillade où cours de laquelle il a été blessé à 16 ans et son père tué,
Jean nous dit : « J’aurais dû continuer mes études mais j’étais ailleurs. »
Au bout de quelques mois, les performances scolaires redeviennent géné-
ralement normales si l’événement délétère n’est pas d’ordre sexuel et qu’il
ne s’est produit qu’une seule fois (traumatisme de type I).
L’incertitude quant à l’avenir décourage souvent les grands enfants et les
adolescents de fournir les efforts nécessaires et de s’appliquer à leur travail
scolaire (« À quoi bon étudier puisque je ne sais pas ce que je vais devenir »)
et les poussent à déserter les bancs de l’école (école buissonnière, décro-
chage scolaire). De plus, les modifications du développement cognitif
peuvent entraîner chez eux des difficultés à poser des choix, induire un
manque de discernement et grever leur capacité de raisonnement.
–– La prématuration traumatique. Si certaines jeunes victimes
régressent, d’autres, au contraire, manifestent des capacités de dévelop-
pement accrues (langage, apprentissages intellectuels, habilités sociales,
autonomisation, etc.). On parle alors de « progression traumatique » ou de
« prématuration traumatique ».
Émilie, victime dans son enfance de négligence et de mauvais traitements,
nous raconte : « À 8 ans, j’étais adulte. C’est moi qui m’occupais de mon petit
frère. Il avait deux ans de moins que moi. Le matin, personne ne se levait pour
nous. Ma mère m’avait mis un réveil et démerde-toi ! Je me levais et je m’ha-
billais. Quand j’étais prête, j’allais réveiller mon petit frère. Je faisais en sorte de
le laisser dormir le plus longtemps possible. J’étais une vraie mère à 8 ans ! Pas
étonnant que j’ai eu mon premier enfant si jeune (à 17 ans)… Donc, j’allais le
réveiller, je lui préparais son petit déjeuner, je l’aidais à s’habiller et je l’accom-
pagnais à l’école. Et n’allez pas croire que je laissais le bordel à la maison !
Non ! Je débarrassais la table, je faisais la petite vaisselle et je rangeais ! Nickel
La phase à long terme
122

chrome, tout propre ! Et le soir, je l’aidais pour ses devoirs et je préparais son
cartable. »
Certains enfants et adolescents atteignent de hauts niveaux de perfor-
mances. L’investissement scolaire peut constituer un mécanisme de
défense, les jeunes victimes s’appliquant à leur travail d’écolier pour barrer
l’accès aux pensées intrusives. Chez l’adolescent, il peut également être le
fruit d’une prise de conscience de ses responsabilités.
Nathalie, victime de violences intrafamiliales, témoigne : « Comme ça n’allait
pas à la maison, un truc super important pour moi, c’était l’école. Je m’accro-
chais à ça. J’avais besoin d’être la chouchoute du prof, d’être la préférée et ça a
marché sauf en 6e primaire. La prof ne m’aimait vraiment pas et mes résultats
sont passés de plus de 90 % à moins de 70 %. Ça a été affreux. J’ai vécu l’enfer
cette année-là. L’année suivante, je suis entrée dans le cycle supérieur et ça
s’est bien passé à nouveau et je suis remontée dans les 90 %. »
Lorsque l’événement traumatique initie la jeune victime aux activités
et connaissances réservées aux adultes, il arrive qu’elle tire orgueil du
nouveau statut que lui octroie sa victimisation. Par exemple, les abus
sexuels lui confèrent un savoir sur la sexualité qu’elle peut vivre comme
une preuve de maturité.
Pascal, abusé par un homme adulte durant son adolescence, témoigne : « Le
but était de le masturber. Lui, s’occupait peu de moi. Il me donnait un peu
d’argent de poche. Ça me permettait de tenir le rang auprès de mes copains.
Mes parents n’avaient pas beaucoup de moyens. Je ne recevais pas d’argent de
poche. Alors, cet argent, ça me permettait d’acheter des petits trucs comme les
autres. Plusieurs fois, il a photographié mon sexe. Ça me choquait mais en même
temps, ça me plaisait d’être mis en avant. Je recevais un peu de sous et en plus,
je pouvais aussi conduire sa voiture. C’était au moins aussi important que de
recevoir de l’argent. Je me sentais dans le monde des grands, dans le monde des
adultes. Je rentrais dans le monde des adultes par une porte dérobée. »
Clémence, abusée par le copain de sa sœur aînée alors qu’elle était âgée de
12 ans, raconte : « Ma sœur avait tout pour elle. Elle était belle, elle était intelli-
gente. C’était la préférée de mes parents. J’avais beaucoup de choses pour moi
mais à l’époque, je ne m’en rendais pas compte. Alors, même si j’étais terrorisée
par Herbert, son copain, même si ça me dégoûtait tout ce qu’il me faisait faire,
Les syndromes psychotraumatiques
123

même si physiquement, ça me faisait mal, j’étais fière. Ça me mettait au même


niveau que ma sœur qui avait 4 ans de plus que moi. Ça me mettait même
au-dessus d’elle parce qu’il me disait tout le temps : « Tu es bonne, tu es meil-
leure que ta sœur ». Je me disais : « C’est bien fait pour elle, elle ne l’aura jamais
entièrement pour elle ». Je m’en veux à mort… Pourtant, j’adorais ma sœur… »

1.2.4. Les troubles du comportement 


Les troubles du sommeil, les désordres des conduites alimentaires, l’instabilité
motrice, les conduites addictives et les comportements auto-agressifs déjà étudiés
dans le chapitre consacré aux réactions post-immédiates peuvent perdurer sur
une longue période, voire même jusqu’à l’âge adulte.
Les comportements hétéro-agressifs peuvent s’accroître lorsque la victime
grandit. Nous l’avons vu, ces passages à l’acte sont favorisés par l’exposition à
des facteurs environnementaux violents mais ils sont également inspirés par la
colère. Dans les cas d’agressions physiques ou sexuelles, en raison de la crainte
des représailles et de la honte, l’enfant ou l’adolescent réprime généralement sa
colère au moment des faits mais l’exprime, parfois avec virulence, lorsqu’elles
ont pris fin ou lorsqu’il est en âge de se défendre. Il est souvent en colère contre
l’agresseur (idée de vengeance) mais aussi contre lui-même de s’être laissé duper
et d’avoir enduré sans protester. Il éprouve également du ressentiment contre son
entourage qui ne l’a pas protégé (par exemple, contre sa mère en cas d’inceste
ou de maltraitance commis par le père ou le beau-père), qui ne l’a pas compris ou
qui l’a conduit à mener une vie différente de celle de ses camarades.
Héloïse raconte : « Sur le coup, je n’étais pas malheureuse. C’était normal. Mon
père me battait, ma mère n’était jamais là le soir et le week-end, j’étais chez ma
grand-mère alcoolique. Vers 6-7 ans, je suis devenue agressive avec ma mère. Je lui
en voulais de tout ce que je vivais, de ne pas avoir une vie normale, de ne pas vivre
comme les autres enfants. Toute petite, je faisais déjà de terribles cauchemars d’agres-
sivité. Je blessais des gens, j’en tuais mais je ne me rendais pas compte que ce n’était
pas normal. C’est en grandissant que je me suis rendue compte de ça. »
Ces comportements agressifs peuvent devenir une composante de la person-
nalité des victimes17.

Voir supra « Les altérations de la personnalité », p. 124.


17
La phase à long terme
124

1.2.5. Les troubles somatoformes

L’asthénie physique d’origine psychosomatique et les douleurs psychogènes


déjà décrites dans les réactions post-immédiates peuvent perdurer à long terme.
Avec le temps peuvent apparaître des troubles psychosomatiques dermatolo-
giques (allergies, eczéma, psoriasis, urticaire, chute des cheveux et pelade), respi-
ratoires (asthme) et digestifs (coliques, vomissements, diarrhées, gastralgies18,
ulcères). Il est également fréquent d’assister à la décompensation de pathologies
psychosomatiques préexistantes (diabète, asthme).
En septembre 1973, Carla a 6 ans. Un coup d’État militaire vient de renverser
le président socialiste démocratiquement élu Salvador Allende. Son père, engagé dans
le gouvernement déchu, craignant pour sa vie et celle de sa famille, opte pour l’exil. Le
lendemain, ils quittent précipitamment le Chili et sont accueillis en Belgique, à Anvers.
Un mois après leur arrivée, ils apprennent le décès de la grand-mère maternelle au
cours d’un interrogatoire musclé. « J’ai eu des crises d’asthme très peu de temps après
être arrivée en Belgique. Chaque fois que j’avais une crise, j’avais envie de pleurer
mais je ne savais pas pourquoi. Quand je suis retournée au Chili pour la première fois,
je devais avoir une vingtaine d’années à l’époque, je me suis rendue compte que ces
pleurs, c’était pour ma grand-mère et il y a eu une très nette amélioration de mon
asthme. »
Les nourrissons subissant une perte significative d’avec une figure d’attache-
ment peuvent présenter un retard de croissance staturo-pondéral pouvant mener
dans de rares cas au « nanisme psychosocial », encore appelé « nanisme de frustra-
tion », « nanisme de détresse » ou « nanisme par carence psychoaffective ».

1.3 Les altérations de la personnalité

Plus que celles des adultes, la personnalité des nourrissons, des enfants et
des adolescents risque de subir des altérations indélébiles, voire d’être modi-
fiée dans ses fondements. En effet, les événements délétères, en particulier s’ils
sont extrêmes, répétés ou prolongés, sont susceptibles d’imprimer des marques
durables sur la personnalité en devenir des jeunes victimes et d’induire des

Douleur localisée dans l’estomac.


18
Les syndromes psychotraumatiques
125

attitudes et des comportements définitifs. Les agressions exercées contre leur


personne, les interactions violentes entre individus, la transgression du contrat
social19, des valeurs morales et des tabous, la douleur physique, la souffrance
psychique, la séparation d’avec des êtres chers et la confrontation à la mort
vont mettre en péril le développement de leur personnalité et de leurs compé-
tences relationnelles, sociales et affectives. D’où la fréquence des formes cliniques
à dominantes « caractérielles » et « relationnelles » ainsi que des troubles de la
personnalité dans les syndromes psychotraumatiques des enfants et des adoles-
cents.
Les changements dans la personnalité rencontrés dans les syndromes psycho-
traumatiques, en particulier s’ils sont constitués en névrose traumatique orga-
nisée, se signalent par des altérations du caractère, de la relation à soi, à autrui,
au monde et à la temporalité.
–– Les altérations du caractère. Chez les jeunes victimes, les modifica-
tions de la personnalité sont fréquemment accompagnées par des troubles
caractériels. Ceux-ci se manifestent par une perturbation du compor-
tement, de la communication et de l’adaptation dans le domaine des
émotions et des pulsions (allant du débordement à l’inhibition en passant
par l’hyper-contrôle). Ces désordres peuvent perdurer à l’âge adulte.
Chez l’enfant, ces troubles du caractère, manifestes tant en famille qu’à
l’école, sont marqués par de la résistance passive, de l’opposition, des
refus d’obéissance, une indifférence aux remontrances, des attitudes de
défi, des comportements provocateurs, des manifestations d’hostilité
envers les adultes, des crises de colère, des conduites agressives verbales
ou physiques (en fonction de l’âge : encoprésie, actes violents contre les
biens, brutalités à l’égard des compagnons de jeux, etc.), des comporte-
ments auto-agressifs (s’arracher les cheveux, se griffer, se cogner la tête
contre les murs, etc.), des caprices, des fugues, des cachotteries, des
mensonges, de la mythomanie, etc. Notons qu’entre deux et sept ans,
période durant laquelle la pensée magique prédomine, il est normal que
l’enfant affabule pour se protéger d’un environnement insécurisant ou

19
On entend par « contrat social » le pacte établi par la communauté des humains dans le
but d’établir une société organisée et hiérarchisée. Il est un ensemble de conventions et de
lois garantissant la perpétuation du corps social.
La phase à long terme
126

frustrant : il se raconte des histoires, s’invente une vie différente, s’imagine


d’autres parents et fantasme sur des situations ou des personnes qui n’ont
d’existence que dans son esprit.
À l’adolescence, les troubles caractériels prennent la forme de fanfaron-
nades, d’opposition à l’autorité, de rébellion, d’attitudes provocatrices,
de comportements querelleurs, asociaux et délinquants (vols, bagarres,
dégradation intentionnelle de matériel, etc.), de comportements sexuels
inappropriés et agressifs (viols), de prises de risque inconsidéré (proximité
sexuelle, rapports sexuels non protégés, sports extrêmes, jeux d’évanouis-
sement, etc.), de conduites autodestructrices (scarifications, automutila-
tions, passages à l’acte suicidaire, troubles du comportement alimentaire,
abus d’alcool et prise de toxiques, etc.), de fugues, etc. Rappelons toute-
fois que les attitudes contestataires et la propension à tester les limites
sont caractéristiques de l’adolescence.
Les enfants et les adolescents présentant ce type de troubles caractériels
semblent incapables de modifier leur comportement pour protéger les
relations qu’ils entretiennent avec leurs parents et d’autres adultes signi-
fiants (enseignants, éducateurs sportifs, voisins, etc.).
Notons que ces comportements sont favorisés par l’exposition à des
facteurs environnementaux violents. Dans les contextes de violence intra-
familiale ou politique (guerre, génocide, etc.), les modèles d’individus et
les modes d’interaction violents, la politique, l’idéologie et le fanatisme
approuvant, voire exaltant, la violence normalisent les passages à l’acte
agressif. En grandissant dans ces environnements, les enfants et les adoles-
cents apprennent que la violence est une façon admissible et usuelle de
résoudre les problèmes. Les valeurs de base (la notion de bien et de mal, le
respect, la loyauté, l’honnêteté, la tolérance, la solidarité, la responsabilité,
le courage, la vérité, le prix de la vie, etc.) se construisent difficilement sur
un tel terreau. Leur jugement moral, leur socialisation et leurs attitudes
envers autrui s’en trouveront inévitablement influencés.
Alors qu’il était âgé de quinze ans, Khalil a du assister et participer aux séances
de torture organisées par son père mafieux sur ses rivaux. Il confie : « J’ai appris
à ne plus avoir peur et en plus, je faisais tout ça (les tortures) avec la béné-
diction de Dieu le père, le père suprême : le mien ! Au début, j’étais horrifié,
Les syndromes psychotraumatiques
127

j’avais peur mais très vite, j’ai ressenti comme une sorte de hargne qui me
faisait plaisir. Et maintenant, quand je suis en colère, je retrouve cette espèce
de plaisir. Alors, je cherche la bagarre. C’est pour ça que j’évite de boire. Quand
je bois, je ne me contrôle plus. Quand je suis à jeun, ça me demande parfois
beaucoup d’effort de me contrôler mais quand j’ai bu, rien ne m’arrête, je
fonce. Ça, je ne veux plus. Je ne peux plus me le permettre. Je ne veux pas être
catalogué de crapule. J’ai un bon boulot, j’ai une femme formidable. Je veux
être quelqu’un de bien, de respectable mais ce n’est pas toujours facile. »
Confrontés à la violence d’un pair ou d’un adulte, les enfants et les adoles-
cents risquent de s’identifier à l’agresseur20. Leurs comportements agressifs
sont alors le résultat d’un renversement des rôles : agressés, ils deviennent
auteurs de violence par imitation des attitudes et des comportements de
l’agresseur. Au lieu d’éprouver de la peur, ils l’inspirent et terrorisent leur
entourage.
À l’opposé de ces débordements, certaines jeunes victimes contrôlent,
voire inhibent, leurs émotions et leurs pulsions. Elles deviennent des
enfants et des adolescents modèles s’attelant à ne déranger personne et
à satisfaire les demandes de leur entourage (ils obéissent, s’appliquent à
l’école, etc.). Ils évitent de créer des problèmes, ne crient pas, ne pleurent
pas, s’expriment peu, ne bougent pas, s’isolent, bref se comportent
comme s’ils n’existaient pas. Certains peuvent toutefois exploser soudai-
nement de manière violente et inattendue, les rares émotions exprimées
relevant généralement du registre de la colère. Ce type de comporte-
ment est fréquent chez les enfants vivant dans des familles à transactions
violentes21.
Nathalie, victime de violence maternelle dans son enfance et son adolescence,
témoigne à l’âge adulte : « Je ne voulais pas déranger. Je voulais être parfaite,
ne rien oublier. Aujourd’hui encore, j’essaie d’être la personne que les gens
aimeraient que je sois plutôt que la personne que je voudrais être. Je fais les

20
L’identification à l’agresseur est un mécanisme de défense. Il a été décrit par Anna Freud
en 1936 (A. Freud (1936, 15e éd. 2001), Le Moi et les mécanismes de défense, Paris, Presses
Universitaires de France, coll. Bibliothèque de psychanalyse).
21
Voir infra le faux-self dans « Les altérations du rapport à soi-même », p. 130.
La phase à long terme
128

choses parce que c’est bien de les faire ou parce qu’il faut les faire et non parce
que je voudrais les faire. »
Les nourrissons gravement négligés tout comme les enfants et les adoles-
cents soumis à la violence intrafamiliale ou à des abus sexuels répétés
frappent souvent par leur caractère passif, aboulique et apathique. Cette
altération de la personnalité résulte de l’absence de contrôle sur l’envi-
ronnement. Si un bébé pleure ou crie sans que son entourage réagisse
et satisfasse ses besoins, il se détache progressivement de la réalité et
s’engourdit dans un état léthargique22. L’incapacité à agir sur son univers
et à mobiliser autrui à considérer ses besoins engendre une « résignation
acquise » ou « impuissance acquise »23. De même, l’absence de maîtrise sur
les violences intrafamiliales et les abus sexuels réduit les enfants et les
adolescents à l’impuissance et provoque leur défaite mentale devant le
danger. Cette démoralisation et passivité induite s’accompagnent souvent
d’états dissociatifs, les jeunes victimes se réfugiant dans l’imaginaire pour
échapper à leur environnement mortifère. Dans de tels contextes, elles ne
développent qu’un registre limité de capacité d’autoprotection, d’analyse
et d’action. En instaurant des conditions propices à de nouvelles victimisa-
tions, ces piètres compétences font d’elles des proies faciles pour d’autres
agresseurs. L’« impuissance apprise » est susceptible d’être réactivée tout
au long de l’existence à chaque fois que la personne est confrontée à un
danger ou à une situation rappelant le traumatisme initial. Elle peut, pour
certains, du nourrisson à l’adolescent, conduire à la dépression.
Géraldine a 39 ans aujourd’hui. Elle a été battue et abusée sexuellement par
son beau-père durant son enfance. Elle témoigne : « Je me mets toujours dans
des situations pas possibles. On dirait que je le cherche. À ce moment-là, c’est
comme si j’étais incapable de réfléchir. Je me laisse entraîner et je me laisse
faire. Évidemment, le lendemain, je suis morte de honte. Ca me fait beaucoup

22
Pouvant, dans les cas les plus sévères, mener à l’hospitalisme.
23
Traduction de « learned helplessness », selon la théorie générale des effets de l’incontrô-
labilité de Seligman (M.P.E. Seligman (1975), Helplessness : On depression, development, and
death, San Francisco, Freeman). La résignation acquise est une notion issue des théories de
l’apprentissage et du conditionnement. Elle se définit comme la résultante d’expériences
répétées d’insuccès entraînant l’abandon des efforts et se caractérise par un déficit de réac-
tion face aux événements.
Les syndromes psychotraumatiques
129

souffrir. La dernière fois, c’était samedi passé. J’ai été dîner chez des amis. Ils
avaient invité un copain célibataire. Ils voulaient que je le rencontre. Ils jouent
un peu les agences matrimoniales ! En fait, il ne m’intéressait pas du tout. Je
peux même dire qu’il me dégoûtait. Je le trouvais vieux, il avait les cheveux
gras, son ventre était énorme. Beurk ! Quand j’y repense, mes poils se hérissent.
Bon, donc, il m’a proposé de me ramener chez moi et il s’est invité pour un
dernier verre. Vous devinez la suite… Et je n’ai pas su dire non. Je ne sais pas
pourquoi j’accepte tout ça… Après tout ce que j’ai vécu dans mon enfance…
Mais c’est peut-être justement à cause de ça parce qu’en fait, à ce moment-là,
je suis pétrifiée comme je l’étais devant mon beau-père… »
–– Les altérations du rapport à soi-même. Les sentiments de culpa-
bilité, de honte ou d’infériorité fréquents dès le stade préopératoire24
induisent une baisse de l’estime de soi et du sentiment de valeur person-
nelle. Cette perception négative se confirme souvent en grandissant. Les
enfants évoluant dans un climat de menace permanente voient généra-
lement s’affaiblir leur confiance en eux : ils deviennent des êtres inquiets,
indécis, versatiles et pusillanimes.
Nathalie, devenue jeune adulte, traumatisée par une mère violente, raconte :
« Je ne m’aime pas, je m’en veux de tout, je culpabilise beaucoup, j’ai toujours
l’impression que je fais mal, je me trouve moche. Je suis persuadée qu’on ne
peut pas m’aimer, que je n’aurai jamais une vie comme tout le monde, que
je n’ai pas le droit d’avoir une relation normale avec quelqu’un qui m’aime
et j’ai la conviction que je n’aurai jamais d’enfants. Comme j’ai toujours peur
de mal faire, je ne sais jamais ce que je dois faire, alors, j’hésite et je change
tout le temps d’avis. Ma mère me disait que j’étais insupportable, que j’étais
une méchante fille. Pourtant, je vous assure, je faisais tout pour essayer qu’elle
soit contente. Je faisais tout pour qu’elle m’aime. Je n’ai jamais fait de bêtises,
je travaillais bien à l’école, j’obéissais, je n’ai jamais demandé pour sortir, la
première fois que je suis sortie, c’est à 18 ans, après sa mort, je n’ai jamais
fumé, je n’ai jamais bu. Quand elle est morte dans cet accident, j’ai retrouvé
ses carnets et elle avait écrit que j’étais quelqu’un de maléfique. Elle était très
versée dans le paranormal… Je n’avais que 18 ans. Je croyais que c’était vrai.

24
J.  Piaget (1979, éd. 2005), L’épistémologie génétique, Paris, Presses Universitaires de
France, coll. Que sais-je ?
La phase à long terme
130

Finalement, j’avais entendu pendant 18 ans que j’étais mauvaise, alors… J’étais
persuadée que le problème venait de moi. C’est ma première thérapeute qui
m’a fait comprendre que le problème venait de ma mère et qui m’a expliqué
qu’elle était toxique et violente. Maintenant, j’ai compris mais ça ne change
rien dans le concret. Tout ce que j’ai vécu a fondé qui je suis aujourd’hui. Je ne
sais toujours pas ce que je veux, je ne sais pas qui je suis, j’ai toujours difficile
à exprimer les choses, à exprimer mes sentiments, je n’ai aucune confiance en
moi et je ne m’aime pas. »
Nous l’avons vu, certaines jeunes victimes deviennent des enfants et des
adolescents modèles, bien adaptés socialement, souvent performants et
nantis de grandes qualités intellectuelles. Ils ajustent leur comportement
et leurs attitudes afin de ne pas contrarier leurs proches, se conforment à
leurs attentes, voire s’appliquent à leur plaire. Dans les contextes de négli-
gence grave et de violences intrafamiliales (physiques et/ou sexuelles), les
enfants peuvent développer dès leur plus jeune âge un « faux self »25, une
personnalité d’emprunt soumise aux exigences de leur environnement.
Cette adaptation se fait au détriment de leur développement personnel.
En grandissant, nombre d’entre eux éprouveront des sentiments d’inuti-
lité, de vide, d’absence de joie de vivre, de solitude et d’abandon, ils seront

25
C’est à Donald Winnicott que l’on doit la notion de faux self. Il la développe en 1965
dans son article « La théorie de la relation parent-nourrisson » (D. Winnicott (1969, éd.
1989), De la pédiatrie à la psychanalyse, Paris, Payot). Cette notion recouvre un fonction-
nement tant normal que pathologique. Le faux self normal est la partie du Moi permettant
d’établir des rapports avec le monde extérieur. Il s’exprime par une attitude sociale polie,
de bonnes manières et une certaine réserve. Lorsque l’enfant se soumet aux exigences de
son entourage, c’est au prix d’un clivage du Moi. Dans ce cas, le faux self exerce une fonc-
tion défensive en dissimulant le vrai self. Ce dernier, dissocié du faux, est privé de moyens
d’expression et de satisfaction. Le fonctionnement en faux self devient alors pathologique.
En 1966, Winnicott articule la notion de self à celle de « mère suffisamment bonne ».
Dans les premières semaines, la « mère ordinaire normalement dévouée » s’identifie à son
enfant, ce qui lui permet de répondre adéquatement à ses besoins. Ces expériences répé-
tées permettent au bébé de faire progressivement l’expérience de soi. Les défaillances de la
fonction maternelle (rupture dans la continuité des soins, maladie, dépression, traumatisme,
indisponibilité psychique de la mère, etc.) poussent le nourrisson à devenir ce que sa mère
veut qu’il soit et à se créer un faux self (D. Winnicott (1966, éd. 2006), La mère suffisamment
bonne, Paris, Payot, coll. Petite Bibliothèque Payot).
Les syndromes psychotraumatiques
131

dans l’ignorance de ce qu’ils désirent et auront l’impression de ne pas être


eux-mêmes ou d’ignorer qui ils sont.
René, battu par son père durant son enfance, nous livre : « Mon père comman-
dait et moi, je faisais de mon mieux pour le satisfaire mais de toute façon, ce
n’était jamais bien. Par exemple, il me demandait de faire la vaisselle. Je faisais
la vaisselle. Il arrivait et il voyait qu’il y avait quelques gouttes par terre. Il
devenait fou furieux et ça tombait. J’avais très peur de lui. Rien qu’à la manière
dont il ouvrait la porte, je savais de quelle humeur il était. Quand il était
de mauvaise humeur, je me faisais tout petit. À force, de me faire tout petit,
j’en étais devenu transparent. Ce n’est pas une blague ! À deux reprises, mes
parents m’ont oublié chez des amis. Au moment de partir, ils ont oublié de me
prendre avec eux ! J’étais resté sagement assis dans un coin. Transparent, je
vous dis. Encore aujourd’hui, ma mère est fière de raconter à quel point j’étais
un enfant sage. Elle dit toujours : « René, quand je partais, je l’asseyais quelque
part, je lui disais de ne pas bouger et quand je revenais, il était toujours là où je
l’avais laissé ». Elle ne réalise toujours pas que ce n’était pas normal. C’est grâce
à mon épouse que je me suis rendu compte que j’avais toujours tout fait pour
ne pas déplaire, que je me coupais en quatre pour faire plaisir à tout le monde
mais que finalement, moi, je ne savais pas ce que je voulais, je ne savais pas
de quoi j’avais envie, je ne savais pas ce qui me faisait plaisir. En fait, je ne
savais même pas ce que je ressentais. Avant de la rencontrer, je continuais à
fonctionner comme ça avec mes parents. Mon père continuait à me faire peur
alors qu’il est vieux et malade et ma mère qui est un véritable iceberg de froi-
deur continuait de me glacer. »
« Je n’arrive pas à me faire plaisir. Si on me demande “ Qu’est-ce que tu as
envie de faire maintenant ? Qu’est-ce que tu as envie de faire comme activité ?
Qu’est-ce qui te ferait plaisir ? ”, je ne sais pas répondre », nous dit Juliette,
gravement maltraitée dans son enfance.

–– Les troubles relationnels. Divers facteurs vont accroître le risque de


développement de troubles de la relation à autrui, en particulier, le carac-
tère intentionnel des violences subies, le fait qu’elles soient commises par
des proches, la précocité des événements traumatiques dans la vie de
l’enfant, leur répétition sur une longue durée et l’absence de tuteur de
résilience dans l’entourage direct.
La phase à long terme
132

• Les troubles du développement des compétences socio-affectives. L’enfant


se montre maladroit, voire inapte à interagir adéquatement sur le plan
social. Il est incapable d’initier et de répondre de manière appropriée
aux interactions de ses proches par des gestes (pour les nourrissons :
s’agripper, tendre les bras, etc. ; pour les enfants plus grands : aller vers
l’adulte, réclamer des câlins, jouer avec ses pairs, initier un dialogue,
etc.), des regards (pour les bébés : maintenir un contact œil-œil, pour-
suivre du regard ; pour les aînés : regarder quand on les appelle ou
quand on leur parle, etc.), des mimiques (en particulier, le sourire26)
ainsi que par le langage (pour les petits, ce qui tient lieu de commu-
nication : pleurs, vocalisations telles lallation et babil ; pour les enfants
et les adolescents : échanges verbaux), etc. Ces désordres relation-
nels se rencontrent principalement chez les bébés maltraités et les
enfants confrontés précocement à la perte d’une figure d’attachement
couplée à une détérioration des soins parentaux. Chez le nourrisson,
ils peuvent conduire dans les cas extrêmes à la dépression anaclitique,
voire à l’hospitalisme27. Chez l’enfant plus grand et l’adolescent, ils se

26
Le sourire intentionnel apparaît vers le troisième mois. Selon René Spitz, psychiatre et
psychanalyste, le sourire, l’angoisse du huitième mois et l’acquisition du « Non » sont les trois
« organisateurs » du développement de la relation objectale. Le sourire, considéré comme
la première réponse « sociale » du nourrisson, témoigne de sa capacité à distinguer le Moi
du non-Moi (relation préobjectale indifférenciée), l’angoisse du huitième mois marque son
aptitude à distinguer les personnes familières des étrangers et l’acquisition du « Non » signe
son accès à la communication sémantique (entrée dans le champ des relations sociales).
27
La dépression anaclitique et l’hospitalisme ont été décrits peu après la seconde guerre
mondiale par René Spitz suite à l’observation d’enfants précocement séparés de leur mère
(long séjour en hôpital d’où le terme hospitalisme, placement en institution). La dépression
anaclitique survient progressivement chez le nourrisson privé de sa mère après qu’il ait eu
avec elle une relation normale pendant au moins les six premiers mois de sa vie. La privation
partielle d’affects conduit à un tableau clinique de dépression anaclitique allant de réactions
d’angoisse à un arrêt du développement, puis après le troisième mois de séparation, à un
état léthargique. Elle est réversible si l’enfant trouve une figure d’attachement entre la fin
du troisième mois et le cinquième mois de séparation (pour plus de détails, voir la note en
bas de page  115 dans le chapitre « Les troubles dépressifs » dans la section consacrée aux
réactions à long terme). Dans le cas contraire, la dépression anaclitique évolue vers l’hospi-
talisme. L’hospitalisme désigne l’ensemble des troubles somatiques et psychiques (nanisme
psychosocial et retard du développement corporel, de la maîtrise manipulatoire, de l’adap-
tation au milieu et du langage, résistance amoindrie aux infections et dans les cas les plus
Les syndromes psychotraumatiques
133

marquent par un manque d’empathie, une froideur dans les relations


et une anesthésie affective.
• L’attachement anxieux et les angoisses de séparation. Les petits, mais
parfois aussi les enfants plus grands et les jeunes adolescents, craignent
que les personnes auxquelles ils sont attachés les abandonnent ou
disparaissent. L’attachement anxieux peut être l’expression d’une
angoisse profonde de la jeune victime, en particulier lorsqu’elle a perdu
un proche, mais peut aussi être le reflet de la souffrance de l’adulte.
• L’attachement sans discrimination. Si malgré les agressions répétées
dont il est l’objet, le nourrisson, l’enfant ou le jeune adolescent a réussi
à instaurer une relation de confiance avec des adultes, il peut mani-
fester une grande avidité affective mais sur un mode peu individualisé.
En quête d’attention effrénée et permanente, il délivre son affection
sans discernement et se montre familier avec quiconque lui porte de
l’intérêt mais se révèle incapable d’entretenir une relation suivie.
« La semaine, mon père me battait et ma mère s’en foutait. De toute façon,
elle n’était jamais là. Le week-end, j’étais chez ma grand-mère qui était
bourrée toute la journée. Bref, pas le paradis. Mais comme petite fille,
j’avais beaucoup de succès. On me trouvait mignonne, gentille et polie,
alors, on m’aimait bien. Et j’en profitais. Je veux dire que si on s’intéressait à
moi, j’allais volontiers dans les bras, je restais volontiers chez les gens mais
je ne me souviens pas vraiment d’une personne en particulier. Je ne peux
pas dire qu’une personne m’ait vraiment marquée. À mon avis, dès que
je les avais quittées, je les oubliais. Et c’est encore comme ça aujourd’hui.
Si quelqu’un s’intéresse à moi, surtout un homme, je vais lui faire les yeux
doux, je vais lui jouer le grand jeu de la séduction et à ce moment-là, je suis
vraiment sincère, je suis à fond dedans mais j’ai à peine quitté la pièce que
je l’ai déjà oublié. » témoigne Vanessa.
• Les altérations de la relation aux autres. Après une expérience trauma-
tique, le comportement de l’enfant ou de l’adolescent à l’égard de ses
proches est susceptible de se modifier, surtout s’il a subi une agression

graves, marasme et mort) présentés par les bébés privés totalement et durablement de leur
mère (ou d’un substitut maternel). Voir R.A. Spitz (1968, éd. 1997), De la naissance à la
parole. La première année de la vie de l’enfant, Paris, Presses Universitaires de France.
La phase à long terme
134

de la part de l’un d’entre eux. Il interagit de moins en moins avec son


entourage et lui marque un désintérêt progressif, voire manifeste des
conduites d’évitement relationnel. En fonction de son âge, il détourne
le visage, se bouche les oreilles, se cache dans un coin, s’enferme dans
sa chambre, s’isole en portant sur les oreilles des écouteurs diffusant
de la musique, etc. Notons que ces prises de distance par rapport aux
adultes sont banales chez les adolescents. C’est leur intensité associée
à d’autres signes (idées suicidaire, désintérêt pour les pairs et les loisirs,
anorexie, etc.) qui doivent inquiéter.
Au niveau social, les relations qu’entretiennent les victimes sont géné-
ralement empreintes de réserve, de méfiance et de crainte. Elles
tiennent les relations intimes à distance et veillent à ne rien livrer de
personnel dans leurs échanges avec autrui.
Isadora a été attouchée sexuellement par sa sœur aînée durant son
enfance. Aujourd’hui adulte, elle témoigne : « Au niveau du boulot, ça passe
mal. Les gens ne comprennent pas pourquoi je suis si réservée. Ils parlent
de leurs week-ends, de leurs vacances, de leurs enfants, de leur mari ou de
leur femme et moi, je ne raconte jamais rien. Je n’y arrive pas, c’est plus
fort que moi. Mon patron, ça le rend dingue. Il essaie de savoir. Un jour,
il m’a même dit : « Je pense que tu as du subir des choses, c’est la seule
raison qui peut faire que tu te barricades comme ça ». Je suis de plus en
plus rejetée par mes collègues. C’est toujours comme ça que ça se passe
dans mes boulots et ça finit toujours mal… Mais avant ça, avant que je ne
sois dans la vie professionnelle, c’était comme ça à l’école, c’était comme ça
avec les petits voisins, c’était comme ça avec tout le monde. Finalement, on
me foutait la paix parce qu’ils se lassaient vite de moi. Comme je ne parlais
pas, je cessais vite de les intéresser. »
Bernadette, elle aussi abusée dans l’enfance et devenue adulte, nous livre :
« J’ai le contact assez facile et donc, les gens me parlent facilement mais
dès que ça devient trop intime, je casse. Soit, je disparais, je ne donne plus
de nouvelles et je ne réponds plus au téléphone ou aux e‑mails, bon, ça, en
fait, c’est classique, ce n’est jamais moi qui vais téléphoner ou envoyer un
message à quelqu’un et si je réponds, c’est que c’est vraiment nécessaire, je
réponds quand ça concerne des trucs pratico-pratiques, bon, donc, soit je
Les syndromes psychotraumatiques
135

fuis soit je deviens carrément agressive, je dis ou je fais un truc qui fait fuir
l’autre. Je n’arrive pas à accepter quelqu’un dans ma bulle. »
Dans leurs relations à autrui, les jeunes victimes peuvent manifester
de l’irritabilité et de l’agressivité (crises de colère, propos ou actes
agressifs) ainsi que des tendances à répéter des actes de maltraitance,
notamment envers les pairs et les enfants plus jeunes (identification à
l’agresseur).
• L’adaptation relationnelle pathologique. Dans les cas de violences portées
contre sa personne, le bébé, l’enfant ou l’adolescent adopte souvent
des comportements relationnels pathologiques.
Le nourrisson peut manifester une vigilance gelée28 en présence de
l’agresseur. Il est capable prématurément de contrôler sa motricité, de
suspendre son activité, de rester immobile de longs moments, d’in-
terrompre ses babillages, ses rires ou ses pleurs en fonction de l’état
émotionnel de son entourage. Par exemple, il reste calme parce qu’il a
perçu que ses pleurs suscitent l’agressivité de ses parents. À terme, ce
retrait passif éteint ses capacités d’éveil.
L’enfant plus grand et l’adolescent refusent souvent de dépendre des
adultes, il ne compte que sur lui-même, ne cherche pas à être récon-
forté lorsqu’il est anxieux et se centre sur son propre plaisir29. Il ne
manifeste pas de réactions particulières lorsqu’il est séparé de ses
proches ni lorsque son mode de vie est modifié (déménagement, chan-
gement d’école, etc.). Il n’établit que des relations superficielles, parle
peu, respecte la loi du silence et n’exprime pas d’émotions sincères et
véritables. Il se conforme à ce que l’on attend de lui, ne se positionne
pas mais manipule parfois pour préserver ses intérêts. À l’adolescence,
ce mode de relation a minima, peu impliquant émotionnellement,
couplé à la recherche de plaisir peut conduire à la multiplication des
partenaires.

28
Vigilance gelée est la traduction de « frozen watchfulness », locution définie par Ounsted
et collaborateurs (C. Ounsted, R.  Oppenheimer & J.  Lindsay (1974), “ Aspects of bonding
failure : The psychopathology and psychotherapeutic treatment of families of battered
children ”, Developmental Medical Child Neurology, 16,447-456).
29
Voir supra l’attachement insécure-évitant, p 50.
La phase à long terme
136

Arlette était encore bébé lorsque sa mère maltraitante a été déchue de


ses droits parentaux. Abusée sexuellement dans la famille qui l’a recueillie,
elle est transférée dans une institution de placement où elle séjournera
avant de retrouver un nouveau foyer. Ses parents d’accueil sont rapide-
ment déconcertés par cette fillette de onze ans. Elle se montre serviable,
obéissante et semble s’accommoder de tout mais ils découvrent stupéfaits
qu’elle dissimule et ment sans cesse pour assouvir ses désirs sans courir le
risque d’un refus et d’un conflit. Par exemple, ils retrouvent, cachés dans
sa chambre, les sandwiches dont elle avait dit s’être délectée, des livres
scolaires qu’elle n’avait soi-disant pas reçus, des menus objets qu’elle avait
acquis grâce à de l’argent volé, etc. Elle ne manifeste pas d’émotion, ni
joie ni tristesse. Les tentatives pour lui faire plaisir semblent sans effets
(cadeaux, excursions, etc.) et elle accueille les punitions avec flegme sans
paraître aucunement affectée. Après plusieurs mois passés auprès d’eux,
elle ne leur démontre pas d’attachement spécifique. Elle ne leur exprime
aucune tendresse, ne recherche pas leur présence ni leur affection et ne leur
parle pas plus que ne le nécessitent les affaires courantes. Elle ne paraît ni
contrariée ni contente de les quitter lorsqu’elle part en voyage scolaire et
ne tente pas de les contacter par téléphone. Bien qu’ils se montrent très
patients, qu’ils essayent de la comprendre, qu’ils lui expliquent qu’ils sont
prêts à accéder à ses désirs s’ils sont raisonnables, Arlette continue de se
taire, de mentir et de voler.
À l’adolescence, les enfants abusés sexuellement sexualisent parfois
leurs relations : ils séduisent et aguichent sans discrimination, ils
s’adonnent précocement à des rapports sexuels, parfois de façon
compulsive, multiplient les partenaires, entretiennent des relations
intimes avec des personnes plus âgées, etc. Ce comportement s’ex-
plique partiellement par le fait que l’enfant abusé peut en arriver à
confondre tendresse et sexualité. Il y a pour lui, selon l’expression de
Ferenczi, une « confusion des langues »30 entre tendresse et assouvisse-
ment sexuel. À l’adolescence, cette confusion peut conduire le jeune à
rechercher l’activité sexuelle afin d’obtenir des gratifications émotion-

30
S. Ferenczi (1932, éd. 2004), Confusion de langue entre les adultes et l’enfant, Paris, Payot,
coll. Petite Bibliothèque Payot.
Les syndromes psychotraumatiques
137

nelles, de compenser une perte affective ou de combler la solitude.


La sexualité peut également devenir un moyen d’oublier les soucis,
de diminuer l’anxiété, de se relaxer et de trouver du plaisir. Lorsque
l’adulte a eu recours à la violence physique pour commettre ses méfaits
sur l’enfant, ce dernier devenu adolescent peut faire abusivement état
de sa sexualité pour asseoir son pouvoir, contrôler autrui ou se faire
respecter (identification à l’agresseur).
Dans certains cas, les victimes établissement des liens pathologiques
de confiance, d’empathie, de complicité ou de compassion avec l’au-
teur des violences31.
Françoise a été abusée par son père dès sa plus tendre enfance jusqu’à
ce qu’elle quitte le foyer familial pour se marier. Elle nous raconte : « Ça
va vous paraître délirant mais en fait, j’étais très attachée à mon père.
Pour moi, la méchante, c’était ma mère, pas lui. Je savais bien que ce que
mon père me faisait et me faisait faire n’était pas normal mais il disait
que ça se passait parce qu’on s’aimait et que c’est normal entre des gens
qui s’aiment. Il disait que ce n’était pas courant qu’un papa et sa petite
fille s’aiment autant, qu’on avait beaucoup de chance mais que c’était
notre secret à nous et que personne ne devait savoir parce que les gens ne
comprendraient pas, ils n’étaient pas assez intelligents pour ça. Ça, c’était
quand j’étais petite. Plus grande, il ne disait plus rien parce que c’était
devenu normal, enfin, je veux dire habituel. Je pense que j’ai quand même
capté assez vite que ce n’était pas normal mais ma mère était tellement
méchante que je comprenais qu’il n’aille pas vers elle. Et je ne lui en voulais
pas. Je le trouvais tellement malheureux. J’avais un peu pitié de lui, en
fait… Ma mère n’arrêtait pas de l’humilier, de se moquer de lui, de le criti-
quer, de le comparer aux autres hommes qui étaient tous mieux que lui. Un
jour, elle l’a même giflé devant moi en disant qu’il était nul et en plus, que
c’était une nouille. Elle était méchante avec lui mais elle n’était pas gentille
avec moi. Elle me critiquait aussi assez souvent, pas comme elle le faisait
avec mon père mais quand même… En tout cas, elle ne me disait jamais
quelque chose de gentil. Je ne me rappelle pas qu’elle m’ait un jour donné

31
Ces liens d’affection et de confiance avec l’abuseur ou avec le parent violent rappellent
le syndrome de Stockholm rencontré chez les adultes.
La phase à long terme
138

de l’affection, je ne me souviens pas qu’elle m’ait pris sur les genoux ou


qu’elle m’ait embrassé, par exemple. Un véritable remède contre l’amour !
Mon père et moi, entre nous, on l’appelait Sœur Sourire. Mon père, lui,
était gentil, il était doux, il m’encourageait, il me félicitait. Il s’intéressait à
moi, il me demandait comment ça s’était passé à l’école, il s’intéressait à
mes amis, à mes devoirs, à mes notes scolaires, à mon sport. Vous voyez,
c’était un père, un vrai père en dehors de ces abus. Bon, évidemment,
aujourd’hui, avec le recul, tout ça, c’est difficile… »
Lorsqu’il était adolescent Khalil a torturé avec son père les ennemis de ce
dernier. Il dit : « À l’époque, j’avais une certaine fierté parce que si mon père
me prenait avec lui, c’est qu’il avait confiance en moi. Je pense qu’il voulait
m’endurcir pour me préparer à la vie. Il ne faut pas le juger trop vite. Pour
que vous compreniez, il faut que je remette ça dans le contexte. Mon père
avait fait la guerre d’Algérie. Il avait vécu des horreurs. Il était très trau-
matisé, il se réveillait en hurlant la nuit. D’ailleurs, il en est mort. Je veux
dire qu’il est devenu alcoolique, et je suis certain que c’est à cause de tout
ce qu’il a vécu qu’il buvait, et l’alcool a fini par l’emporter… Il ne parlait
pas de ce qu’il avait vécu mais de temps en temps, il faisait une allusion
qui sous-entendait qu’il s’était livré à des actes de barbarie. Comme je
suis moitié algérien dans un pays assez raciste il faut le dire, je pense que
d’une certaine manière, il voulait que je sois prêt à me défendre. Bon, donc,
j’étais fier parce que je ne craquais pas, c’était atroce, j’étais terrorisé, j’étais
horrifié mais je le cachais, je montrais à mon père que j’étais un homme,
un vrai, un dur, un homme comme lui. C’est moche à dire mais j’avais du
mépris pour ma mère. C’est moche parce que ma mère, c’est une mère
formidable mais comme elle n’était pas dans le secret et qu’elle ignorait
tout, elle ne faisait pas partie des initiés. Vous comprenez ? C’était comme
si elle était moins que nous. L’élu, c’était moi !… Aujourd’hui, je me dis que
si je lui avais parlé, elle m’aurait protégé de ce père qui avait de sérieux
problèmes de santé mentale. Bien sûr, elle savait que ça ne tournait pas
très rond dans sa tête mais jamais elle n’aurait pu imaginer ça, évidem-
ment… Je n’arrive toujours pas à en vouloir à mon père. Il a été traumatisé
pendant la guerre d’Algérie et c’est évident que c’est pour ça qu’il était
violent mais ce que je ne comprends toujours pas, c’est pourquoi, alors qu’il
a été tellement traumatisé, pourquoi il m’a fait vivre ça, à moi aussi… Il
Les syndromes psychotraumatiques
139

m’aimait… C’est pour ça, c’est parce que je sais qu’il m’aimait que je crois
qu’il voulait me rendre plus fort… C’est raté… »

–– Une altération de la relation au monde extérieur. Les jeune


victimes peuvent éprouver un sentiment prolongé et récurrent de déta-
chement et/ou d’insécurité (monde extérieur perçu comme malveillant,
menaçant et dangereux), manifester moins d’intérêt pour leurs activités
(jeux, loisirs, télévision, ordinateur, école, etc.) et présenter des troubles
dissociatifs (épisodes transitoires de déréalisation).
Nathalie, traumatisée par une mère violente durant sa jeunesse et aujourd’hui
adulte, témoigne : « J’ai facilement peur. Je suis toujours sur le qui-vive. Je m’en
rends compte parce je réagis beaucoup plus que les autres. Par exemple, s’il y
a un bruit un peu fort, je sursaute alors que les autres n’ont aucune réaction. »
–– Une altération de la relation au temps. Le traumatisme pervertit le
présent par le retour récurrent des événements délétères sous forme de
réminiscences (flash-back, souvenirs intrusifs, ruminations, cauchemars,
etc.). Il altère également le concept de futur. En effet, les enfants et les
adolescents, en particulier lorsqu’ils ont subi des traumatismes complexes,
éprouvent fréquemment des difficultés à désirer et à se projeter dans
l’avenir, a fortiori dans un futur positif (par exemple, ils ne savent pas ce
qu’ils veulent faire quand ils seront « grands »). Ils expriment des senti-
ments de précarité de l’existence (ils ont l’impression que le futur four-
mille de dangers et ne leur réserve que de mauvaises surprises) et d’avenir
bouché (ils se désintéressent de leur futur professionnel et de leur vie
sociale à venir ou sont convaincus que l’accès à de telles opportunités leur
est barré). Le passé n’échappe pas au souffle traumatique. Si l’amnésie
dissociative est rare dans le décours des événements (peu après les faits
l’enfant se souvient généralement de ce qu’il a vécu), les victimes deve-
nues adolescentes et adultes, réalisent qu’elles ont oublié des pans entiers
de leur histoire.
Nathalie rapporte : « Je suis fort dans le futur. Je suis tout le temps en train de
prévoir le futur. Je pense toujours à ce qui pourrait arriver. Je me dis : “ On verra
bien ” mais ça, c’est avec la tête, pas avec les tripes. Avec les tripes, je me dis
que ça n’ira pas, je m’imagine toujours le pire, je me dis que je ne vais pas y
arriver. Le passé, je le ressasse et en même temps, c’est bizarre mais j’ai oublié
La phase à long terme
140

plein de choses. Ma sœur qui est plus jeune que moi rappelle parfois des anec-
dotes qu’on a vécues ensemble et moi, je ne m’en souviens pas. Le présent, je
n’en profite pas. Je suis tout le temps sur mes gardes, je me contrôle, je veux
être parfaite, j’ai peur qu’on puisse me reprocher quelque chose même si c’est
un bête truc. »
Ismir, un jeune bosniaque de 17 ans, nous déclarait en 1992, alors que la
guerre battait son plein en ex-Yougoslavie : « Une guerre, ça dure combien
de temps ? On n’en sait rien… Je vais bientôt avoir 18 ans. Avant, j’étudiais,
j’avais des projets, je voulais devenir mécanicien mais maintenant… On attend
que j’aie 18 ans pour m’envoyer au front. Ce sera sans doute pour la prochaine
mobilisation. Alors, vous savez, mon futur… Mon futur, c’est être tué sur le
front… »
Carole a vécu dans une famille violente. Aujourd’hui adulte, elle livre : « Avant,
je ne me rendais pas compte de ça. Les enfants ne s’interrogent pas sur leur
passé. Ca commence à l’adolescence, ça, de revisiter son passé parce que c’est
à ce moment-là que vous commencez à avoir des amis et vos premières rela-
tions amoureuses. C’est à ce moment-là que s’établissent les premières rela-
tions intimes où on se raconte, où on explique qui on est, ce qu’on a vécu et
tout ça. Et là, je me suis rendue compte que je ne me souvenais de rien. J’avais
quelques flashs mais c’est tout. Mes amis pensaient que je mentais, qu’il y
avait des choses que je ne voulais pas leur dire mais j’avais vraiment oublié et
ça n’est d’ailleurs jamais revenu… Même les chouettes choses, je les ai oubliées…
J’ai pu reconstruire mon histoire avec mes frères et sœurs, avec ma grand-mère,
avec ma voisine et c’est comme ça que je sais ce qui s’est passé. »

Face aux symptômes décrits ci-dessus, les diagnostics de trouble de l’adap-


tation32, de trouble dissociatif de la personnalité (personnalité multiple)33 et de

32
Selon le DSM-IV et la CIM-10.
33
Le trouble dissociatif de la personnalité désigne la présence chez une personne « de
deux ou plusieurs identités ou « états de personnalité » distincts, chacun ayant ses modalités
constantes et particulières de perception, de pensée et de relation concernant l’environne-
ment et soi-même » (définition du DSM-IV, 1994). Les différentes personnalités ne consti-
tuent pas des entités discrètes et autonomes. Il s’agit davantage d’une dissociation d’une
même personnalité, d’une même identité. Auparavant, ce trouble était dénommé « Trouble
de la personnalité multiple ». Des épisodes aigus de dépersonnalisation anxieuse peuvent
prendre le caractère d’un véritable dédoublement de la personnalité.
Les syndromes psychotraumatiques
141

trouble de la personnalité borderline (états-limites, cas-limites34), dépendante35,


histrionique (hystérique)36, évitante37 (phobique), narcissique38 ou antisociale
(psychopathe)39 sont souvent posés chez les victimes ayant subi dans leur enfance
ou l’adolescence des événements délétères extrêmes, répétés ou prolongés40.
Espérons que dans un avenir proche, le DSM-V introduise une nouvelle caté-
gorie diagnostique, le C-PTSD41 ou le DESNOS42, et que la CIM élargisse les
critères d’admissibilité de son actuelle « modification durable de la personna-
lité après une expérience de catastrophe » 43 à d’autres catégories de victimes.
De nouvelles entités syndromiques dans les nomenclatures internationales, une
bonne connaissance de la névrose traumatique et une anamnèse bien conduite
devraient permettre de conclure plus souvent à des troubles subséquents à un
événement traumatique.

34
Trouble de la personnalité borderline pour le DSM-IV et personnalité émotionnellement
labile pour la CIM-10.
35
Selon le DSM-IV et la CIM-10.
36
Selon la terminologie du DSM-IV et de la CIM-10.
37
Trouble de la personnalité évitante selon le DSM-IV et personnalité anxieuse (évitante)
pour la CIM-10.
38
Selon le DSM-IV et la CIM-10.
39
Trouble de la personnalité antisociale pour le DSM-IV et personnalité dyssociale pour la
CIM-10.
40
Voir infra « Les psychopathologies », p. 142.
41
Complex Post-traumatic Stress Disorder, en français état de stress post-traumatique
complexe. Terme proposé par Judith Herman.
42
Disorder of Extreme Stress not Otherwise Specified ou DESNOS, traduit en français par
trouble de stress extrême non spécifié outre mesure. Dénomination proposée par T. Luxen-
berg, J. Spinazzola, B. van der Kolk. Voir infra « Les syndromes psychotraumatiques selon les
nosographies internationales », p. 148.
43
Voir infra « Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales »,
p. 148.
La phase à long terme
142

2. Les psychopathologies

Les victimes ayant subi dans leur enfance ou leur l’adolescence des événe-
ments délétères, surtout s’ils ont été extrêmes, répétés ou prolongés, risquent de
développer une psychopathologie névrotique ou psychotique.
Les événements traumatiques précoces risquent d’induire une organisation
pathologique de la personnalité tandis que les événements plus tardifs sont
davantage des facteurs précipitant la survenue d’une psychopathologie préexis-
tante.
–– Les névroses. L’anxiété est présente dans toutes les névroses. Il n’est donc
pas étonnant qu’un événement traumatique puisse instaurer les circons-
tances propices au déclenchement de l’anxiété névrotique.
Le trauma se prête principalement au développement des névroses
phobiques44. Les enfants anxieux, sujets à des peurs spécifiques et ayant
tendance à l’évitement pourront ainsi présenter précocement une névrose
phobique.
L’impact traumatique peut également favoriser l’éclosion d’une névrose
hystérique45. Rappelons au passage que traumatisme et hystérie partagent
un passé commun dans les théories freudiennes. En effet, Freud, dans
ses premières théories sur l’hystérie, considérait que les symptômes hysté-
riques étaient la conséquence d’un traumatisme, généralement sexuel,
advenu durant l’enfance et oublié à l’âge adulte. L’hystérie était donc,
selon lui, la réponse corporelle (conversion hystérique) à un traumatisme46.
Nous l’avons vu dans le chapitre consacré aux réactions immédiates, le
traumatisme peut initier une névrose obsessionnelle. Toutefois, lorsqu’une
névrose obsessionnelle est installée, les obsessions et les rituels protègent
généralement les individus des agressions psychiques d’un événement
délétère.

44
Trouble de la personnalité évitante selon le DSM-IV et personnalité anxieuse (évitante)
pour la CIM-10.
45
Personnalité histrionique selon la terminologie du DSM-IV et de la CIM-10.
46
Théorie connue sous le nom de « neurotica » (théorie des névroses). En 1897, Freud
abandonne l’hypothèse d’un événement traumatique réellement vécu à l’origine de l’hys-
térie et opte pour une étiologie de type fantasmatique.
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
143

–– Les psychoses. Lorsque leur entourage se montre insensible à leurs


besoins ou qu’ils sont plongés dans un climat de violence, certains enfants
échappent à cet environnement mortifère en se repliant dans l’imaginaire.
Les phénomènes dissociatifs tels la dépersonnalisation, la déréalisation et
les phénomènes hallucinatoires corrompent eux-aussi l’appréhension de
la réalité (cf. les personnalités multiples). Cette rupture de contact avec la
réalité hypothèque la construction harmonieuse de l’identité des jeunes
victimes. Or une identité fragmentée et déstructurée offre un terrain
propice à l’éclosion et au développement des psychoses. En effet, ces
enfants risquent d’entrer dans des mécanismes de type autistique, schi-
zoïde, voire schizophrénique.

3. Les syndromes psychotraumatiques selon


les nosographies internationales

Nous l’avons vu dans le chapitre précédent, les nosographies internationales


sont les modèles de référence pour la description des troubles traumatiques du
grand enfant et de l’adolescent.

3.1 L’état de stress post-traumatique

Le DSM et la CIM répertorient tous deux un état de stress post-traumatique.


Leurs auteurs considèrent que les critères de l’ESTP sont valides pour diagnos-
tiquer les troubles traumatiques des jeunes victimes. Notons cependant que si
adultes et enfants partagent un noyau commun de symptômes, il existe néan-
moins de grande variation dans les réactions des enfants en fonction de leur
groupe d’âge.
–– C’est en 1980, dans le DSM-III, qu’apparaît pour la première fois le syndrome
d’état de Stress Post-Traumatique ou ESPT (en anglais, Post-Traumatic Stress
Disorder ou PTSD). Sa description s’appliquait à la population adulte sans
aucune mention spécifique aux enfants. En 1987, dans la version DSM-III-
R et en 1994, dans le DSM-IV, sont ajoutées quelques brèves références
concernant les enfants (voir les nota bene dans le tableau ci-dessous).
La phase à long terme
144

L’ESPT est classé parmi les troubles anxieux. Il inclut les mêmes critères
que l’Etat de Stress Aigu hormis les symptômes dissociatifs. La nouvelle
version, le DSM-V, dont la publication est prévue en 2013, adjoint les alté-
rations des cognitions et de l’humeur.
–– La CIM-10 présente un état de stress post-traumatique mais ne donne pas
d’informations propres aux enfants.

L’État de Stress Post-Traumatique selon le DSM-IV


A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments
suivants étaient présents :
(1) le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou des événe-
ments durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés
ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels
son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée
(2) la réaction du sujet à l’événement s’est traduite par une peur intense, un senti-
ment d’impuissance ou d’horreur. N.B. Chez les enfants, un comportement
désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations.
B. L’événement traumatique est constamment revécu, de l’une (ou de plusieurs) des
façons suivantes :
(1) souvenirs répétitifs et envahissants de l’événement provoquant un sentiment de
détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions. N.B. Chez
les jeunes enfants peut survenir un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des
aspects du traumatisme
(2) rêves répétitifs de l’événement provoquant un sentiment de détresse. N.B. Chez
les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable
(3) impression ou agissements « comme si » l’événement allait se reproduire (incluant
le sentiment de revivre l’événement, des illusions, des hallucinations, et des
épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au
cours d’une intoxication). N.B. Chez les jeunes enfants, des reconstitutions du
traumatisme peuvent survenir
(4) sentiment intense de détresse psychique lors de l’exposition à des indices internes
ou externes évoquant ou ressemblants à un des aspects de l’événement trauma-
tique en cause
(5) réactivité physiologique lors de l’exposition à des indices internes ou externes
pouvant évoquer ou ressembler à un des aspects de l’événement traumatique en
cause
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
145

C. Évitement persistant des stimulus associés au traumatisme et émoussement de


la  réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la
présence d’au moins trois des manifestations suivantes :
(1) efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au
traumatisme
(2) efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs
du traumatisme
(3) incapacité de se rappeler d’un aspect important du traumatisme
(4) réduction nette de l’intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de
la participation à ces mêmes activités
(5) sentiment de détachement d’autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux
autres
(6) restriction des affects (par ex. incapacité à éprouver des sentiments tendres)
(7) sentiment d’avenir « bouché » (par ex., pense ne pas pouvoir faire carrière, se
marier, avoir des enfants, ou avoir un cours normal de la vie)
D. Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne
préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d’au moins deux
manifestations suivantes :
(1) difficulté d’endormissement ou sommeil interrompu
(2) irritabilité ou accès de colère
(3) difficulté de concentration
(4) hypervigilance
(5) réaction de sursaut exagéré
E. La perturbation dure plus d’un mois.
F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération
du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

Spécifier si :
Aigu : si la durée des symptômes est de moins de trois mois.
Chronique : si la durée des symptômes est de trois mois ou plus.
Spécifier si :
Survenue différée : si le début des symptômes survient au moins six mois après le
facteur de stress
La phase à long terme
146

L’État de stress post-traumatique selon la CIM-10


Ce trouble constitue une réponse différée ou prolongée à une situation ou à un événe-
ment stressant exceptionnellement menaçant ou catastrophique et qui provoquerait des
symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus. Des facteurs prédispo-
sants, comme certains traits de personnalité ou des antécédents de type névrotique,
peuvent favoriser la survenue du syndrome ou aggraver son évolution ; ces facteurs ne
sont toutefois ni nécessaires ni suffisants pour expliquer la survenue de ce syndrome.
Les symptômes typiques comprennent la reviviscence répétée de l’événement trauma-
tique, dans des souvenirs envahissants, des rêves ou des cauchemars ; ils surviennent
dans un contexte durable d’« anesthésie psychique » et d’émoussement émotionnel, de
détachement par rapport aux autres, d’insensibilité à l’environnement, d’anhédonie et
d’évitement des activités ou des situations pouvant réveiller le souvenir du traumatisme.
Il existe habituellement une peur et un évitement des stimuli associés au traumatisme.
Dans certains cas, l’exposition à des stimuli réveillant brusquement le souvenir ou la revi-
viscence du traumatisme ou de la réaction initiale peut déclencher une crise d’angoisse,
une attaque de panique ou une réaction agressive. Les symptômes précédents s’accom-
pagnent habituellement d’une hyperactivité neurovégétative, avec hypervigilance, état
de « qui-vive » et insomnie, associés fréquemment à une anxiété, une dépression, ou une
idéation suicidaire. Le trouble peut être à l’origine d’un abus d’alcool ou d’une substance
psycho-active.
La période séparant la survenue du traumatisme et celle du trouble peut varier de
quelques semaines à quelques mois. L’évolution est fluctuante, mais se fait vers la
guérison dans la plupart des cas. Dans certains cas, le trouble peut présenter une évolu-
tion chronique, durer de nombreuses années, et conduire à une modification durable
de la personnalité (F62.0).
Directives pour le diagnostic : Le diagnostic repose sur la mise en évidence de symp-
tômes typiques survenus dans les six mois suivant un événement traumatisant et hors du
commun. Lorsque la survenue est différée de plus de six mois, un diagnostic « probable »
reste encore possible si les manifestations cliniques sont typiques et si elles ne peuvent
être attribuées à un autre trouble.
Inclure : névrose traumatique

3.2 Les altérations de la personnalité

Les entités syndromiques d’état de stress post-traumatique proposées par la


CIM et le DSM ne rendent pas compte de tous les aspects de la névrose trau-
matique. En effet, elles ne comprennent pas de description des altérations de la
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
147

personnalité présentées par de nombreuses victimes, notamment par celles ayant


subi des événements extrêmes et/ou prolongés.
–– La CIM-10 comble partiellement cette lacune. Elle répertorie un trouble
dénommé « modification durable de la personnalité après une expérience
de catastrophe ». Cependant, elle le réserve exclusivement aux otages,
aux rescapés de catastrophe et de la déportation ainsi qu’aux victimes de
terrorisme et de torture.
–– Actuellement, aucune entité du DSM ne couvre les altérations de la
personnalité consécutives à un événement traumatique. Une réflexion est
en cours en vue d’introduire dans la future version une nouvelle caté-
gorie diagnostique, le trauma complexe ou, en anglais, complex trauma
syndrome47. Judith Herman48 suggère l’appellation Complex Post-trau-
matic Stress Disorder ou C-PTSD, en français « état de stress post-trau-
matique complexe ». D’autres49 proposent la dénomination « Disorder of
Extreme Stress not Otherwise Specified » ou DESNOS, traduit en français
par « trouble de stress extrême non spécifié outre mesure ».

47
Voir T. Luxenberg, J. Spinazzola & B. van der Kolk (2001), “ Complex Trauma and Disor-
ders of Extreme Stress (DESNOS) Diagnosis. Part One : Assessment ”, Directions in Psychiatry
2001, 21 : 373-392 ; S. Roth, E. Newman, D. Pelcovitz, B. van der Kolk & F.S. Mandel (1997),
“ Complex PTSD in Victims Exposed to Sexual and Physical Abuse : Results from the DSM-
IV. Field Trial for Posttraumatic Stress Disorder ”, Journal of Traumatic Stress, Vol. 10, No. 4,
1997, dpelcovitz.googlepages.com/complexptsdsymptomsinsurvivorsofchildhoodabuse.
pdf ; B. van der Kolk, S. Roth, D. Pelcovitz, S. Sunday & J. Spinazzola (2005), “ Disorders of
Extreme Stress : The Empirical Foundation of a Complex Adaptation to Trauma ”, Journal
of Traumatic Stress, Vol.  18, No.  5, October 2005, 389-399, http://www.traumacenter.
org/products/pdf_files/specialissuecomplextraumaoct2006jts3.pdf ; R.  Yehuda (2001), The
assessment and the treatment of complex PTSD, in Traumatic Stress, American Psychiatric
Press, Chapter  7 www.traumacenter.org/products/pdf.../Complex_PTSD.pdf  ; J.  Herman
(1997), Trauma and recovery : The aftermath of violence from domestic abuse to political terror,
New York, Basic Books.
48
J. Herman (1997), op. cit.
49
T. Luxenberg, J. Spinazzola, B. van der Kolk (2001), op. cit.
La phase à long terme
148

F62-0 Modification durable de la personnalité après une expérience de


catastrophe selon la CIM-10
Modification durable de la personnalité, persistant au moins deux ans, à la suite de
l’exposition à un facteur de stress catastrophique. Le facteur de stress doit être d’une
intensité telle qu’il n’est pas nécessaire de se référer à une vulnérabilité personnelle pour
expliquer son effet profond sur la personnalité. Le trouble se caractérise par une atti-
tude hostile ou méfiante envers le monde, un retrait social, des sentiments de vide
ou de désespoir, par l’impression permanente d’être « sous tension » comme si on était
constamment menacé et par un détachement. Un état de stress post-traumatique
(F43-1) peut précéder ce type de modification de la personnalité.
Modification de la personnalité après : captivité prolongée avec risque d’être tué à tout
moment, désastres, expériences de camp de concentration, exposition prolongée à
des situations représentant un danger vital, comme le fait d’être victime du terrorisme,
torture

Trouble de stress extrême non spécifié outre mesure,


critères proposés pour le DSM-V
(par T. Luxenberg T. et al.50, traduction Évelyne Josse)

I. Altération de la régulation des émotions et des impulsions


A. Difficulté à réguler les affects
B. Difficulté à moduler la colère
C. Comportements autodestructeurs
D. Préoccupations suicidaires
E. Difficulté à moduler les pulsions sexuelles
F. Prise de risque excessive

II. Altération de l’attention ou de la conscience


A. Amnésie
B. Épisodes dissociatifs transitoires et dépersonnalisation

50

T. Luxenberg, J. Spinazzola & B. van der Kolk (2001), “ Complex Trauma and Disorders
50

of Extreme Stress (DESNOS) Diagnosis. Part One : Assessment ”, Directions in Psychiatry 2001,
21 : 373-392.
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
149

II. Trouble de la perception de soi


A. Inefficacité
B. Impression de préjudice permanent
C. Sentiment de culpabilité et de responsabilité
D. Honte
E. Impression de n’être compris par personne
F. Minimisation des expériences situations dangereuses

IV. Altérations des relations interpersonnelles Incapacité à faire confiance


A. Incapacité à faire confiance
B. Victimisations répétées
C. Victimisation d’autres personnes

V. Somatisation
A. Troubles du système digestif
B. Douleur chronique
C. Symptômes cardio-pulmonaires
D. Symptômes de conversion
E. Troubles sexuels

VI. Altération dans les systèmes de représentation


A. Désespoir
B. Pertes des convictions de base

Les critères diagnostiques de la « modification durable de la personnalité


après une expérience de catastrophe » et du DESNOS sont proches des symp-
tômes décrits dans les catégories diagnostiques « borderline »51 de ces mêmes
classifications internationales (« personnalité émotionnellement labile » pour la

51
Pour les psychanalystes, une personnalité « borderline » ou « état limite » ou encore « cas
limite » est un type d’organisation de personnalité située entre une structure névrotique et
une structure psychotique. Selon le DSM et la CIM, le trouble de personnalité limite est un
syndrome caractérisé par une instabilité de l’humeur, une difficulté à contrôler les pulsions
et les impulsions ainsi que par des relations interpersonnelles instables.
La phase à long terme
150

CIM-10 et « trouble de la personnalité borderline » pour le DSM-IV). Pour certains


spécialistes, il s’agirait d’une seule et même entité tandis que pour d’autres, les
symptomatologies se distingueraient par l’origine des troubles. Les états limites
seraient par essence des troubles de l’attachement alors que le trauma complexe
serait davantage un trouble dysthymique52.

Résumé
– Au bout de quelques jours ou de quelques semaines, les signes pathognomoniques du
traumatisme et les symptômes non spécifiques apparus dans les premières semaines
suivant l’événement pénible ou effrayant vont soit disparaître soit se perpétuer plusieurs
mois ou années, voire toute la vie des sujets. Les psychopathologies névrotiques ou
psychotiques peuvent également se confirmer chez les individus les plus fragiles.
– La sémiologie psychotraumatique à long terme, différée et chronique comprend trois
volets : l’état de stress post-traumatique, les symptômes non spécifiques et la réorga-
nisation de la personnalité.
– L’état de stress post-traumatique regroupe les symptômes pathognomoniques  des
syndromes psychotraumatiques à savoir les reviviscences, les conduites d’évitement
et l’activation neurovégétative.
– Les troubles anxieux et dépressifs, les comportements régressifs et les difficultés d’ap-
prentissage, les troubles du comportement et les désordres somatoformes apparus
dans le décours de l’événement peuvent perdurer, voire s’aggraver. De nouveaux
symptômes peuvent émerger au cours du temps, par exemple, pour les troubles
anxieux, le trouble hyperanxiété et l’anxiété généralisée ; pour les désordres dépres-
sifs, la dépression anaclitique chez le nourrisson (pouvant mener à l’hospitalisme
dans les cas les plus graves) et chez les plus grands, la dépression franche (retrait,
perte de contact avec la réalité, honte, culpabilité, etc.) ou la dépression hostile ; pour
les comportements régressifs, les retards de développement et d’apprentissage ou, a
contrario, les capacités accrues et pour les troubles psychosomatiques, les patholo-
gies dermatologiques, respiratoires et digestives.

52
Le trouble dysthymique ou dysthymie est un trouble de l’humeur chronique et profond.
Il est caractérisé par des symptômes dépressifs moins sévères que dans la dépression majeure
ou le trouble dépressif récurrent mais ils se manifestent sur une très longue période. Ce
terme a été introduit en 1980 dans le DSM-III. Auparavant, ces troubles étaient considérés
tantôt comme des troubles de l’humeur, tantôt comme des troubles de la personnalité.
Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies internationales
151

– Les événements délétères, surtout s’ils sont extrêmes, répétés ou prolongés, sont
susceptibles d’imprimer des marques durables sur la personnalité en devenir des jeunes
victimes et d’induire des attitudes et des comportements définitifs. Ces changements
dans la personnalité se signalent par des altérations du caractère (troubles caracté-
riels, inhibition des émotions et des pulsions, faux self), de la relation à soi (baisse de
l’estime de soi et du sentiment de valeur personnelle), à autrui (déficit de compétence
socio-affective, attachement anxieux ou sans discrimination, angoisse de séparation,
désintérêt ou méfiance par rapport à autrui, évitement relationnel, liens pathologiques
avec l’agresseur, etc.), au monde (désintérêt pour les activités, sentiment d’insécurité et
de détachement, troubles dissociatifs) et à la temporalité (réminiscences traumatiques,
difficulté à appréhender le futur, a posteriori positivement).
– Les victimes ayant subi dans leur enfance ou leur l’adolescence des événements délé-
tères, surtout s’ils ont été extrêmes, répétés ou prolongés, risquent de développer
une psychopathologie névrotique ou psychotique. Les événements traumatiques
précoces risquent d’induire une organisation pathologique de la personnalité tandis
que les événements plus tardifs sont davantage des facteurs précipitant la survenue
d’une psychopathologie préexistante.
– Le DSM-IV et la CIM-10 répertorient tous deux un état de stress post-traumatique.
La CIM-10 comprend également un trouble dénommé « modification durable de
la personnalité après une expérience de catastrophe » rendant compte des altéra-
tions de la personnalité. Une réflexion est en cours en vue d’introduire dans la future
version du DSM une nouvelle catégorie diagnostique couvrant les symptômes du
syndrome psychotraumatique organisé en névrose.

Vérifiez vos connaissances :


– Quels sont les symptômes pathognomoniques du syndrome de stress post-trauma-
tique ?
– Quels sont les troubles non spécifiques aux syndromes post-traumatiques les plus
fréquents dans la phase à long terme ?
– Décrivez les troubles dépressifs de l’enfant.
– Comment s’expriment les troubles anxieux chez la jeune victime ?
– La personnalité des nourrissons, des enfants et des adolescents risque de subir des
altérations indélébiles, voire d’être modifiée dans ses fondements. Pourquoi ?
– Donnez quelques exemples d’altération du caractère ?
– À l’âge adulte, quelles sont les troubles de la personnalité et les psychopathologies
que peuvent présenter des personnes victimisées dans leur enfance ou leur adoles-
cence ?
CHAPITRE 5
Les spécificités selon l’âge

S MMAIRE

1. Le premier âge (avant 3 ans)


2. Les enfants entre 3 à 6 ans
3. Les enfants de 6 à 12 ans
4. Les adolescents

1. Le premier âge (avant 3 ans)

En dessous de 3 ans, les enfants ne sont pas en mesure de percevoir la menace


vitale ou la gravité d’un événement, raison pour laquelle ils sont très sensibles au
vécu subjectif de leur entourage et sont fortement influencés par sa réaction
aux événements adverses. Ce qui fonde leur souffrance, ce sont principalement
les douleurs physiques (maltraitances physiques et sexuelles, atteintes corporelles
suite à un accident, etc.), les séparations brutales (hospitalisation ou décès d’un
parent, rapt parental, etc.) ainsi que l’inaptitude psychique d’une figure d’at-
tachement à répondre à leurs besoins (négligence grave, parents alcooliques,
toxicomanes, souffrant d’un syndrome psychotraumatique ou d’une psychose,
endeuillés, etc.).
Dans le décours de telles situations, l’immaturité empêchant les enfants en
bas âge d’identifier leurs émotions et de les exprimer verbalement, ils mani-
festent leur souffrance par un trouble du fonctionnement global. En grandissant,
certains présenteront des désordres du comportement, voire des troubles de la
personnalité.
Les spécificités selon l’âge
154

1.1 La phase aiguë

Dès le plus jeune âge, l’enfant peut développer des troubles anxieux, dépres-
sifs, comportementaux et somatoformes ainsi des comportements régressifs et
des difficultés d’apprentissage.
–– Les troubles anxieux. Si un de ses proches est la source de ses tour-
ments, il sursaute et esquisse des mouvements de protection à son
approche ou à la vue de personnes ressemblantes (par exemple, les
hommes/les femmes, le personnel médical, etc.). Il pleure en présence
du parent maltraitant ou manifeste une vigilance gelée, este en alerte et
interagit peu avec son entourage. Si la cause de sa souffrance est externe
au noyau familial, il cherche activement protection auprès de ses parents
(il se réfugie dans leurs bras lorsqu’il est confronté à l’agresseur, il les
alerte en hurlant lorsqu’on le touche, etc.) et réagit par un attachement
anxieux (il s’agrippe à ses figures d’attachement en présence d’étrangers,
il manifeste de l’angoisse, de la colère ou du désespoir quand il en est
séparé et proteste lorsqu’on le laisse seul dans sa chambre au moment du
coucher ou à la toilette, etc.).
–– Les troubles dépressifs. Nombreux sont les bébés qui après avoir
vécu une expérience de perte (séparation, décès, absence « affective » par
indisponibilité « psychique » de la figure d’attachement) pleurent et crient
parce qu’ils sont désorientés ou effrayés par une situation inconnue. Ils
peuvent ensuite manifester des signes de désespoir tels des pleurs mono-
tones et continus, de l’apathie et un désintérêt progressif pour l’environ-
nement (personnes, activités, jeux). S’ils ne reçoivent pas l’attention dont
ils ont besoin, ils risquent de développer une dépression anaclitique, voire
un syndrome d’hospitalisme. Les jeunes enfants peuvent traverser une
période de choc (insensibilité provisoire), puis manifester du chagrin et/
ou de la colère. Ils alternent souvent hyperactivité (agitation, instabilité
motrice, répétition des cris ou des pleurs) et hypoactivité (retrait, apathie,
gestes rares et ralentis, conduites répétitives et monotones telles balance-
ment, rythmies auto-agressives, etc.).
–– Les retards de développement, les difficultés d’apprentissage et
les comportements régressifs. Le ralentissement et l’arrêt du déve-
Le premier âge (avant 3 ans)
155

loppement se traduisent par des retards dans l’acquisition posturale ou


du tonus (position assise, marche), de la coordination (maladresse), du
langage, de la propreté, etc. La régression du développement se manifeste
par un retour à une alimentation liquide, la perte du désir de marcher,
l’agrippement à la mère et la crainte des personnes étrangères à la
famille. Dans le domaine relationnel, ces troubles du développement se
manifestent par un déficit des compétences socio-affectives (incapacité
à communiquer adéquatement avec son entourage), des altérations de la
relation aux autres (diminution des interactions, désintérêt progressif pour
l’entourage, conduites d’évitement relationnel) ou un attachement sans
discrimination.
–– Les troubles du comportement. Possédant peu de moyens d’exprimer
son malaise et sa souffrance, l’enfant en bas-âge les extériorise principale-
ment à travers son fonctionnement corporel, en particulier par le biais du
sommeil et de l’alimentation, fonctions physiologiques essentielles mais
également support de la relation mère-enfant.
• Les comportements auto-agressifs. Très jeune, l’enfant peut adopter
des comportements agressifs tournés contre lui-même : s’arracher les
cheveux, se griffer, se ronger les ongles à sang, se frapper, se cogner la
tête contre les murs, se blesser volontairement, etc.
• Les comportements hétéro-agressifs. L’enfant peut manifester des
comportements agressifs envers les autres enfants et/ou les adultes
(morsures, coups, griffures, arrachage de cheveux, etc.).
• L’instabilité motrice. Lorsqu’il présente une instabilité motrice, l’enfant
en âge de marcher bouillonne d’énergie. Son activité est mal contrôlée
et désordonnée ; elle ne poursuit pas de but précis. Il est agité (il est
en perpétuel mouvement, gigote, se tortille, etc.), turbulent, bruyant
(il crie, il pleure) et maladroit. Il ne reste pas en place, grimpe sur tout,
touche et s’empare de tout ce qui se trouve à sa portée.
• Les troubles du sommeil. L’enfant peut refuser d’aller se coucher (pleurer,
protester, se relever, allonger la durée des rituels et trouver des
prétextes pour retarder l’heure d’aller au lit, etc.) ou de dormir sans la
présence d’un adulte (par exemple, hors de la chambre des parents) et
craindre l’obscurité. Il peut éprouver des difficultés d’endormissement
Les spécificités selon l’âge
156

et manifester des insomnies communes (il se réveille fréquemment,


babille, pleure, crie, joue) ou des insomnies agitées (il pleure bruyam-
ment, crie, s’agite, frappe des poings, se cogne la tête contre les parois
du berceau, se lève dans son lit, etc.). Plus inquiétant, il peut présenter
des insomnies calmes (il reste immobile, regarde fixement le plafond,
sans crier ni pleurer ou se manifester d’une quelconque manière). Le
sommeil peut être ponctué de réveils multiples, parfois anxieux et être
agité de terreurs nocturnes.
• Les troubles des conduites alimentaires. Les enfants en bas-âge peuvent
souffrir d’anorexie : ils serrent les lèvres, ils refusent de téter ou de
manger, ils conservent les aliments dans la bouche sans déglutir, les
recrachent, les régurgitent ou les vomissent. D’autres nourrissons
peuvent manifester des comportements hyperphagiques : ils récla-
ment la nourriture en criant, s’agitent lors du repas, sucent le sein ou
le biberon avec avidité et semblent habités par une faim insatiable. Plus
préoccupants, mais heureusement beaucoup plus rares, sont le pica, la
coprophagie et le mérycisme.
–– Les troubles somatoformes. Les nourrissons peuvent souffrir d’un
regain de symptômes d’une maladie psychosomatique préexistante telle
que coliques, colites, asthme, eczéma, etc.
S’il n’est pas pris en charge par des personnes capables de lui offrir une
relation humaine de qualité suffisante, le nourrisson subissant la perte de
sa figure principale d’attachement peut présenter un retard de croissance
staturo-pondérale pouvant mener dans de rares cas au nanisme psychoso-
cial.
La plupart de ces réactions sont banales et n’ont guère de spécificité trau-
matique. Par exemple, l’attachement empreint d’anxiété, les comportements
agressifs, l’instabilité motrice, l’opposition au coucher, l’insomnie et l’anorexie
sont courants chez le nourrisson. D’autres signes sont plus inquiétants tels l’in-
somnie calme, la vigilance gelée, les rythmies, le pica, la coprophagie et le méry-
cisme. Aucun signe pris isolément n’atteste à coup sûr d’un traumatisme. C’est
la conjonction, la répétition, l’accumulation, la cohérence et la permanence de
signes en rupture avec le comportement antérieur de l’enfant qui permettent
d’émettre l’hypothèse d’un psychotraumatisme. Notons toutefois que certains
Le premier âge (avant 3 ans)
157

troubles peuvent signer un autisme ou une psychose infantile sans rapport avec
les événements traumatiques ou avoir une cause organique (par exemple, pour
le retard staturo-pondéral ou le développement psychomoteur).

1.2 La phase à long terme

Sous l’impact du trauma, la personnalité en formation des enfants en bas âge


risque de subir des dommages irrémédiables, voire de se structurer selon des
modes pathologiques.
En grandissant, les nourrissons gravement négligés, soumis à la violence intra-
familiale ou à des abus sexuels répétés manifestent fréquemment des troubles
caractériels susceptibles de perdurer à l’âge adulte. Ceux-ci se traduisent par de
l’opposition à l’autorité, des attitudes provocatrices, des crises de colère ainsi que
par des comportements querelleurs, asociaux et délinquants. Dans les cas les
plus dramatiques, l’identification à des modèles parentaux pathologiques (par
exemple, parents sadiques prenant plaisir à maltraiter leur progéniture, psycho-
pathes brutalisant ou violant leur conjoint ou d’autres personnes en présence de
leurs enfants, etc.) peut conduire ces victimes, parfois dès avant l’adolescence,
à commettre sans aucun sentiment de culpabilité, des actes d’une violence
extrême1 (incendies criminels, agressions, vols assortis de coups et blessures,
viols, homicides, etc.). Elles sont susceptibles de conserver des attitudes violentes
et maltraitantes durant toute leur vie.
À l’opposé de ces débordements violents, d’autres bébés deviennent des
enfants et des adolescents passifs, abouliques et apathiques, se réfugiant dans
l’imaginaire pour échapper à leur environnement mortifère (états dissociatifs).
Certains développent dès leur plus jeune âge un « faux self », une personnalité
d’emprunt répondant aux exigences de leur environnement. Dans ces condi-
tions, les jeunes victimes ne déploient qu’un registre limité de capacité d’au-
toprotection, d’analyse et d’action. En instaurant les conditions propices à de

1
D’après Maurice Berger et coll., « cette violence, liée à une identification incorpora-
tive pathologique, s’est structurée dans les deux premières années de la vie » (M. Berger,
E.  Bonneville, P.  André & C.  Rigaud (2007), « L’enfant très violent : origine, devenir, prise
en charge, Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’adolescence », vol.  55, no  7, 353-361
(novembre 2007).
Les spécificités selon l’âge
158

nouvelles victimisations, ces piètres compétences font d’elles des proies faciles
pour d’autres agresseurs et explique leur prédisposition à subir des violences au
cours de leur vie. L’adaptation à l’entourage pathogène (par la passivité, la fuite
dans la rêverie, le faux self, etc.) se faisant au détriment de leur développement
personnel, nombre d’anciennes victimes éprouvent à l’âge adulte des sentiments
d’inutilité, de vide, d’absence de joie de vivre, de solitude et d’abandon ; ils sont
dans l’ignorance de ce qu’ils désirent  et ont l’impression de ne pas être eux-
mêmes ou d’ignorer qui ils sont.
Les relations intimes et sociales qu’entretiennent ces enfants tôt soumis à la
violence sont souvent perturbées. Devenus adolescents et adultes, maîtrisant
mal les codes régissant les échanges humains, ils se montrent maladroits, voire
inaptes à interagir adéquatement avec autrui et réagissent parfois de manière
imprévisible (attitudes non congruentes, susceptibilité et interprétations égocen-
triques des situations relationnelles entraînant malentendus et conflits, ruptures
relationnelles brutales incompréhensibles, etc.). Les relations qu’ils établissent
sont souvent empreintes de froideur (manque d’empathie, anesthésie affec-
tive), de réserve, de méfiance et de crainte. Certains refusent de dépendre des
autres, ne comptent que sur eux-mêmes, ne cherchent pas à être réconfortés
lorsqu’ils sont anxieux ou tristes et se centrent sur leur propre plaisir. D’autres
peuvent manifester une grande avidité affective sur un mode peu individualisé
(attachement sans discrimination). Leur quête d’attention effrénée et permanente
peut les conduire à l’adolescence à multiplier les partenaires. Ils entretiennent
des rapports humains a minima, les impliquant peu émotionnellement mais se
révèlent incapables d’entretenir une relation suivie. Certaines jeunes victimes
établissent des relations franchement pathologiques  avec autrui. Par exemple,
les enfants abusés, devenus adolescents et adultes, peuvent sexualiser leurs rela-
tions à outrance : ils séduisent et aguichent à tout va, ils s’adonnent précocement
à des rapports sexuels, parfois de façon compulsive, avec de nombreux parte-
naires, entretiennent des relations intimes avec des personnes plus âgées, etc.
Dans certains cas, les victimes établissement de liens pathologiques de confiance,
d’empathie, de complicité ou de compassion avec l’auteur des violences.
Les maltraitances et les séparations précoces accroissent le risque de présenter
des troubles psychopathologiques durant toute la vie des anciennes victimes et
en particulier, un trouble de l’humeur (épisodes dépressifs majeurs, idéation suici-
daire, tentatives de suicide, etc.), un désordre anxieux (trouble panique, anxiété
Les enfants entre 3 à 6 ans
159

sociale, anxiété généralisée, etc.) et des troubles du comportement (tabagisme,


boulimie, alcoolisme, toxicomanie).
Ces bébés, devenus de grands enfants, des adolescents et des adultes sont
souvent diagnostiqués personnalité borderline (état-limite), antisociale (psycho-
pathe), dépendante ou narcissique. Plus grave encore, le diagnostic de trouble
dissociatif de la personnalité (personnalité multiple) ou de psychose est parfois
posé. En effet, le repli dans l’imaginaire ainsi que les phénomènes dissociatifs et
hallucinatoires corrompent l’appréhension de la réalité, hypothéquant la construc-
tion harmonieuse de l’identité. En favorisant des mécanismes autistiques, schi-
zoïdes, voire schizophréniques, cette identité fragmentée et déstructurée offre un
terrain propice à l’éclosion et au développement des psychoses.

2. Les enfants entre 3 à 6 ans

Tout comme leurs cadets, les jeunes enfants sont perméables à la réaction
de leur entourage aux drames qui les accablent et souffrent de la perte d’une
figure d’attachement (réelle ou affective) ainsi que de la désorganisation de leur
environnement consécutive aux situations délétères. En grandissant, ils prennent
progressivement conscience de la gravité d’un événement et la menace vitale
perçue peut causer un véritable traumatisme. Notons toutefois qu’ils sont suscep-
tibles d’interpréter péjorativement des événements sans gravité et qu’un incident
mineur peut dès lors se révéler traumatisant.

2.1 La phase aiguë

Lorsqu’ils affrontent seuls un événement pénible ou effrayant, les jeunes


enfants réagissent généralement par un stress dépassé. Certains sont dans un état
de choc caractérisé par la stupeur, la sidération, la désorientation, la confusion et
le mutisme. D’autres expriment bruyamment leurs émotions de peur, de tristesse
et de colère (ils s’agrippent aux adultes, crient, pleurent, s’agitent, etc.). Lorsqu’ils
sont accompagnés d’un adulte de confiance, ils peuvent être rassurés si ce dernier
a une attitude adéquate mais très perturbés dans le cas contraire.
Les spécificités selon l’âge
160

Certains enfants déclenchent immédiatement des réactions hystériques


(crises d’agitation, états crépusculaires et symptômes de conversion tels aphonie,
bégaiement, paresthésie, paralysie, trouble de l’équilibre, etc.), phobiques ou
obsessionnelles, voire des symptômes d’allure psychotique (hallucinations, bouf-
fées délirantes). Ces réactions sont d’autant plus extrêmes et fréquentes chez le
jeune enfant qu’il est incapable d’exprimer sa souffrance par le langage parlé. En
ce qui concerne les symptômes psychotiques, soulignons qu’au stade préopéra-
toire le système permettant de construire les réalités perceptives est inachevé et
que la pensée magique prédomine. Il est donc parfois difficile de distinguer chez
le jeune enfant l’hallucination de son imaginaire normal.
Dans les jours et les semaines suivant un événement pénible ou effrayant,
les jeunes victimes peuvent développer un syndrome de stress post-traumatique
ainsi que des symptômes non spécifiques. Cependant, si certaines manifestent un
changement considérable d’attitude, d’autres souffrent sans manifester de signe
visible (traumatisme silencieux).
–– Les symptômes traumatiques. Dès l’âge de trois ans peuvent appa-
raître des symptômes dissociatifs : l’enfant est hébété, son regard est vide, il
donne l’impression de ne pas entendre ou de ne pas comprendre ce qu’on
lui dit (stupeur dissociative), il semble ne plus reconnaître les personnes,
les lieux et les objets familiers, il est désorienté et déambule hagard de
pièce en pièce (déréalisation), il devient mutique (trouble moteur disso-
ciatif). Après une phase de latence très courte, peut survenir un syndrome
de répétition (souvenirs intrusifs des événements pénibles, parfois
déformés et plus rarement, flash-back ; cauchemars et terreurs nocturnes ;
dessins, jeux et conduites de répétition, etc.), des comportements d’évite-
ment (méfiance à l’égard des personnes et situations évoquant l’incident
critique, refus de parler ou d’entendre parler du drame, retrait dans l’ima-
ginaire pour échapper aux pensées et sentiments suscités par les événe-
ments) et un émoussement de la réactivité générale (retrait émotionnel,
désintérêt pour les activités habituelles, etc.).
–– Les troubles anxieux. Ils se manifestent sous forme de crises d’angoisse,
d’agitation désordonnée, de surveillance inquiète de l’environnement
et d’attachement anxieux. De nouvelles peurs sans lien apparent avec
l’événement traumatique peuvent également apparaître. Ces réactions
Les enfants entre 3 à 6 ans
161

anxieuses s’accompagnent fréquemment de pleurs et de cris, de nausées,


de céphalées ou de coliques.
–– Les troubles dépressifs. Les jeunes enfants peuvent présenter des
signes dépressifs tels tristesse, inhibition, perte de curiosité et d’enthou-
siasme pour les activités et relations habituelles, mutation d’intérêt, etc.
Les sentiments de culpabilité, de honte ou d’infériorité, fréquents au stade
préopératoire, induisent une baisse de l’estime de soi et du sentiment de
valeur personnelle. Cette perception négative se confirme souvent en
grandissant.
–– Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
D’anciennes habitudes refont surface, par exemple, l’énurésie nocturne
et plus rarement l’encoprésie, la succion du pouce, l’attachement à un
objet transitionnel, la régression verbale (retour à une expression par cris
et pleurs ou au parler « bébé »), la dépendance affective aux parents avec
difficulté de s’autonomiser, la recherche de protection, etc.
–– Les troubles du comportement.
• Les comportements auto-agressifs et hétéro-agressifs. Les jeunes enfants
peuvent adopter des comportements agressifs envers eux-mêmes
(s’arracher les cheveux, se griffer, se cogner la tête contre les murs,
etc.) ou envers autrui (mordre, tirer les cheveux, griffer, frapper, distri-
buer coups de pied et de poing, lancer des objets en direction d’autrui,
etc.).
• L’instabilité motrice. Tout comme leurs benjamins, ils peuvent déployer
une activité pathologique.
• Les troubles du sommeil. Les enfants protestent au moment du coucher,
réclament la présence d’un adulte, éprouvent des difficultés à trouver
le sommeil, se plaignent d’insomnies (communes ou agitées), de
cauchemars et de réveils anxieux. La peur du noir, des voleurs, du
loup, des monstres et autres créatures imaginaires, normales à ces
âges, peuvent contribuer aux difficultés d’endormissement. Lorsqu’ils
se réveillent en proie à leurs cauchemars, ils sont terrorisés et craignent
de se rendormir.
• Les troubles des conduites alimentaires. L’anorexie, très rare chez le jeune
enfant, reflète un trouble sévère. Moins inquiétants et plus répandus
Les spécificités selon l’âge
162

sont l’appétence excessive pour les sucreries, le grignotage anxieux et


l’hyperphagie.
–– Les troubles somatoformes. Les jeunes victimes présentent fréquem-
ment des somatisations douloureuses (céphalées, douleurs abdominales
et musculaires, gastralgies, douleurs diffuses, etc.). Elles peuvent aussi
souffrir de douleurs psychogènes spécifiques à l’expérience traumatique
subie (par exemple, dans les cas d’agressions sexuelles, algies pelviennes,
gynécologiques, urinaires ou anales, anisme, maux de gorge, gêne à la
déglutition, etc.).
Le stress et la souffrance traumatique peuvent concourir à l’éclosion d’une
maladie psychosomatique ou en aggraver le développement (coliques,
colites, asthme, eczéma, psoriasis, etc.).
Dans les cas sévères et heureusement très rares, les enfants ayant vécu
des événements traumatiques répétés (négligence grave, maltraitance)
peuvent présenter des retards de croissance staturo-pondérale.

2.2 La phase à long terme

Comme pour leurs cadets, le traumatisme peut imprimer des marques


durables sur leur personnalité en devenir et induire des attitudes et des compor-
tements définitifs.
Les jeunes enfants gravement négligés, soumis à la violence intrafamiliale ou
à des abus sexuels répétés manifestent fréquemment des troubles caractériels
susceptibles de perdurer aux différents âges de la vie. Ils sont marqués par de
la résistance passive, de l’opposition, des refus d’obéissance, une indifférence
aux remontrances, des attitudes de défi, des comportements provocateurs, des
manifestations d’hostilité envers les adultes, des crises de colère et des conduites
agressives (encoprésie, brutalités à l’égard des compagnons de jeux, etc.). Ils
se traduisent également par des caprices, des cachotteries, des mensonges et
de la mythomanie. Notons toutefois qu’entre deux et sept ans, période durant
laquelle la pensée magique prédomine, il est normal que l’enfant affabule pour se
protéger d’un environnement insécurisant ou frustrant : il se raconte des histoires,
s’invente une vie différente, s’imagine d’autres parents et fantasme sur des situa-
tions ou des personnes qui n’ont d’existence que dans son esprit. En grandissant,
Les enfants de 6 à 12 ans
163

ces troubles caractériels peuvent s’aggraver et déboucher sur des comportements


délinquants, parfois extrêmement violents.
En revanche, d’autres enfants contrôlent, voire inhibent, leurs émotions
et leurs pulsions. Ils deviennent des enfants modèles s’attelant à ne déranger
personne et à satisfaire les demandes de leur entourage. Ils évitent de créer des
problèmes, ne crient pas, ne pleurent pas, s’expriment peu, ne bougent pas,
s’isolent, bref se comportent comme s’ils n’existaient pas. Evoluant dans un
climat de menace permanente, ils voient généralement s’affaiblir leur confiance
en eux : ils deviennent des êtres inquiets, indécis, versatiles et pusillanimes. Ils
peuvent toutefois exploser soudainement de manière violente et inattendue, les
rares émotions exprimées relevant généralement du registre de la colère.
En raison des troubles du développement psychique et socio-affectif, les rela-
tions qu’entretiennent ces jeunes enfants négligés ou soumis à la violence sont
souvent perturbées. Tout comme leurs cadets maltraités encore plus précoce-
ment, ils peuvent présenter un désordre des conduites sociales, de la méfiance,
une anesthésie affective, des attachements sans discrimination et établir des rela-
tions pathologiques  avec autrui (sexualisation des relations, liens positifs avec
l’agresseur).
Les événements traumatiques extrêmes subis dans la petite enfance risquent
d’induire une organisation pathologique de la personnalité sur un mode
borderline (état-limites), antisocial (psychopathe), dépendant ou narcissique
et lorsqu’une structure névrotique a pu s’ébaucher, sur un mode obsessionnel,
histrionique (hystérique) ou évitant (phobique). Dans les cas les plus graves, ils
peuvent conduire à poser le diagnostic de trouble dissociatif de la personnalité
(personnalité multiple) ou de psychose.

3. Les enfants de 6 à 12 ans

Plus l’enfant grandit, plus il est apte à percevoir le danger et à comprendre


la gravité d’un événement, d’en apprécier les enjeux et d’en prévoir les consé-
quences. Dès lors, la menace vitale perçue et les blessures deviennent, comme
pour l’adulte, les facteurs étiologiques principaux des troubles ultérieurs.
Les spécificités selon l’âge
164

Les plupart des réactions décrites pour les petits de trois à six ans s’appliquent
aux grands enfants et aux préadolescents. Ceux que les événements ont mûri
précocement peuvent également présenter des troubles rencontrés habituelle-
ment chez les adolescents.

3.1 La phase aiguë

Lors de l’occurrence d’un événement adverse et dans son décours, les grands
enfants et les préadolescents réagissent rarement par un stress adapté s’ils ne sont
pas réconfortés par la présence d’un adulte rassurant. Généralement, ils mani-
festent un état de choc ou d’agitation, sont en proie à la terreur, crient, pleurent
ou adoptent des comportements inadaptés (fuite panique, délire, hallucinations
ou sérénité inappropriée). Les sujets prédisposés peuvent déclencher rapidement
des troubles psychopathologiques névrotiques (hystériques, phobiques ou obses-
sionnels) ou des désordres psychotiques (trouble réactionnel post-traumatique,
trouble psychotique bref, bouffées délirantes ou autres affections psychotiques
vraies).
Généralement, ces réactions s’atténuent rapidement pour disparaître après
quelques jours ou quelques semaines. Cependant, certaines jeunes victimes
voient leurs troubles persister et commencent à souffrir de symptômes psycho-
traumatiques.
–– Le syndrome post-traumatique. Les enfants et les préadolescents
peuvent présenter des troubles dissociatifs (déréalisation, dépersonnalisa-
tion), un syndrome de répétition (souvenirs répétitifs, cauchemars, jeux
et dessins répétitifs, impression que l’événement pourrait se reproduire,
etc.), des conduites d’évitement (évitement des lieux, des personnes et
des conversations, repli dans l’imaginaire et la rêverie, refus de s’éloigner
des proches rassurants, etc.) et une activation neurovégétative (irritabilité,
accès de colère et agressivité, difficultés de concentration, hypervigilance,
état d’alerte à la pensée des événements, réaction excessive de sursaut).
–– Les troubles anxieux. Les situations rappelant l’événement trauma-
tique et la crainte qu’il se reproduise déclenchent des crises d’angoisse,
des pseudo-phobies et des pseudo-obsessions, de l’agitation, de l’hyper-
vigilance, voire provoque une anxiété généralisée. Les peurs infantiles et
Les enfants de 6 à 12 ans
165

fantasmatiques (peur des cambrioleurs, du noir, du loup et des créatures


maléfiques imaginaires), les angoisses de séparation et la peur de rester
seul, typiques de la petite enfance, peuvent persister dans cette tranche
d’âge.
–– Les troubles dépressifs. Plus fréquemment que leurs cadets, les grands
enfants et les préadolescents manifestent des symptômes dépressifs et
expriment des sentiments de culpabilité. En grandissant, la sensation
d’être différents s’accroît. Les jeunes victimes sont convaincues qu’elles
subissent ou ont connu des événements que les autres n’ont pas vécus.
Certaines sont persuadées que c’est visible. Elles fuient le regard d’autrui
qu’elles perçoivent comme menaçant et persécuteur, elles deviennent
agressives et se replient sur elles-mêmes.
–– Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
Les enfants peuvent présenter des comportements régressifs et une perte
des acquis (par exemple, perte dans les compétences du langage parlé,
de la lecture et de l’écriture). Avec l’entrée à l’école, apparaissent les
perturbations scolaires et les difficultés d’apprentissage consécutives aux
troubles de la concentration, de l’attention et de la mémoire. Outre les
difficultés d’apprentissage, les plus jeunes peuvent refuser de fréquenter
l’école (notamment en raison des angoisses de séparation) ou réclamer la
présence constante d’un adulte pour mener à bien leurs tâches scolaires.
–– La prématuration traumatique. Certains enfants manifestent des
capacités de développement accrues dans le domaine du langage, des
apprentissages intellectuels, des habilités sociales, de l’autonomisation,
etc.
–– Les troubles du comportement.
• Les comportements auto-agressifs. À partir de six ans, peuvent appa-
raître des idées suicidaires et des questionnements sur la mort ainsi
que des conduites destructrices (automutilation, ingestion volontaire
de produits toxiques ou d’objets dangereux, jeux d’évanouissement,
etc.).
• Les comportements hétéro-agressifs. Plus que leurs cadets, les grands
enfants et les préadolescents manifestent de l’irritabilité, de la colère
Les spécificités selon l’âge
166

et de l’agressivité envers autrui, expriment des idées de vengeance et


s’adonnent à des jeux violents avec leurs camarades.
• Les troubles du sommeil. Les enfants se plaignent de difficulté d’endor-
missement, d’insomnies, de réveils nocturnes et de cauchemars.
• Les troubles des conduites alimentaires. Chez les enfants pré-pubères,
l’anorexie reflète souvent un trouble grave. Les comportements hyper-
phagiques, moins inquiétants et plus courants, peuvent conduire à
l’obésité.
–– Les troubles somatoformes. Les enfants manifestent des plaintes
somatiques (douleurs psychogènes, maladies dermatologiques, respira-
toire, etc.) et des symptômes neurovégétatifs (vertiges, lipothymies, trem-
blements, sueurs, palpitations cardiaques, tachycardie, troubles gastro-
intestinaux, de sensations de striction laryngée, d’oppression respiratoire
et de sensations d’étouffement pseudo-asthmatiques, etc.).

3.2 La phase à long terme

La personnalité des grands enfants et des préadolescents peut être modifiée


par l’impact du trauma mais étant déjà partiellement structurée, elle risque moins
d’être ébranlée dans ses fondements.
Comme leurs cadets, les grands enfants et les préadolescents peuvent mani-
fester des troubles caractériels se traduisant par une perturbation du compor-
tement, de la communication et de l’adaptation dans le domaine des émotions
et des pulsions (allant du débordement à l’inhibition en passant par l’hypercon-
trôle). Leur relation au monde extérieur peut également se trouver altérée. Les
jeunes victimes éprouvent alors un sentiment prolongé et récurrent de détache-
ment et/ou d’insécurité (monde extérieur perçu comme malveillant, menaçant
et dangereux), manifestent moins d’intérêt pour leurs activités (jeux, loisirs, télé-
vision, ordinateur, école, etc.) et présentent des troubles dissociatifs (épisodes
transitoires de déréalisation).
En grandissant, les victimes ont un risque accru de développer un trouble
dépressif, des désordres anxieux, d’adopter des conduites addictives ou de
souffrir d’une maladie psychiatrique. Toutefois, si les événements traumatiques
précoces risquent d’induire une organisation pathologique de la personnalité,
Les adolescents
167

les événements plus tardifs sont davantage des facteurs précipitant la survenue
d’une psychopathologie névrotique ou psychotique préexistante.

4. Les adolescents

Comme pour l’adulte, le traumatisme de l’adolescent est généralement lié à


une situation où il a été confronté à la mort ou à la menace de mort, à des bles-
sures graves ou au péril de tels dommages, à des violences sexuelles ou au risque
de telles agressions. Cet événement constitue donc une menace pour la vie (mort
réelle ou possible) ou pour l’intégrité physique (lésions corporelles, violation de
l’intimité) et/ou mentale (perte de biens personnels, outrage à l’honneur ou aux
droits fondamentaux, etc.) de sa propre personne ou de celle d’autrui.
S’ils sont moins influencés que les jeunes enfants par le vécu subjectif de leur
entourage, les adolescents peuvent toutefois être fortement choqués par l’atti-
tude des adultes qu’ils jugent au crible des valeurs morales : courage, altruisme,
dévouement, générosité, vérité, justice, etc. Si au moment de l’incident critique
ou dans son décours, ceux-ci se sont montrés pleutres, égoïstes, lâches, sans
cœur, méchants, malhonnêtes ou partiaux, leur confiance en l’humanité peut
s’en trouver ruinée.

4.1 La phase aiguë

En fonction de leur maturité et de la gravité des événements, au moment de


l’événement et dans les jours qui suivent, les adolescents vont réagir par un stress
adapté ou vont présenter des réactions de stress dépassé. Les sujets prédisposés
peuvent déclencher des troubles psychopathologiques.
Plus que leurs benjamins, les adolescents peuvent manifester des symptômes
dissociatifs. Ils sont hébétés et désorientés, ils ne comprennent pas ce qui arrive
(stupeur dissociative, état confusionnel), ils courent soudainement sans but établi
(fugue dissociative), ils ont l’impression de vivre un rêve éveillé ou un cauchemar
(déréalisation), ils éprouvent des sensations de dédoublement, d’être spectateur
de leur vie, d’agir de façon machinale (dépersonnalisation) ou ont le sentiment
Les spécificités selon l’âge
168

que leur corps ne leur appartient pas (décorporalisation). Ils ressentent des senti-
ments intenses de peur, d’horreur, de colère ou d’impuissance. Ces émotions se
doublent généralement de sensations physiques désagréables dues à l’activation
neurovégétative orthosympathique (détresse péri-traumatique).
Globalement, les réactions post-immédiates des adolescents sont semblables
à celles des adultes2. Notons cependant que l’adolescence couvrant une large
période de la vie, l’impact d’un événement délétère peut différer entre un jeune
tout juste pubère et un autre quasi adulte.
–– Le syndrome post-traumatique. Les jeunes présentent des symp-
tômes de reviviscence (souvenirs répétitifs et envahissants, flash-back,
cauchemars, jeux et dessins répétitifs, attirance pour les jeux et les films
violents, etc.), des conduites d’évitement et une activation neurovégéta-
tive persistante.
–– Les troubles anxieux et dépressifs. L’anxiété généralisée et la dépres-
sion sont plus fréquentes chez les adolescents que chez leurs cadets.
–– Les comportements régressifs et les difficultés d’apprentissage.
À l’adolescence, des craintes et des comportements propres à des stades
antérieurs du développement peuvent être réactivés.
Le ralentissement du fonctionnement intellectuel peut avoir des répercus-
sions négatives sur l’acquisition des connaissances et conduire à une baisse
des résultats scolaires, voire à des échecs. De plus, l’incertitude quant à
l’avenir décourage souvent les adolescents de fournir les efforts néces-
saires et de s’appliquer à leur travail scolaire (« À quoi bon étudier puisque
je ne sais pas ce que je vais devenir ») et les poussent à déserter les bancs
de l’école (école buissonnière, décrochage scolaire). De plus, les modifi-
cations du développement cognitif peuvent entraîner chez eux des diffi-
cultés à poser des choix, induire un manque de discernement et grever
leur capacité de raisonnement.
–– Les troubles du comportement. À l’adolescence, les indices les
plus évocateurs d’un trauma sont  les comportements asociaux et délin-
quants, les actes d’autodestruction et les addictions. Un contexte défavo-

2
À paraître prochainement du même auteur aux éditions De Boeck dans la collection « Le
point sur », Le traumatisme chez les adultes.
Les adolescents
169

rable peut entraîner des passages à l’acte violents et/ou suicidaires. Ces
comportements possiblement présents chez les adultes sont nettement
plus fréquents chez les adolescents.
• Les comportements auto-agressifs. À l’adolescence, le risque d’auto-
mutilations (scarifications, brûlures, arrachage des cheveux, etc.) et
de passage à l’acte suicidaire s’accroit. Ils peuvent être un moyen de
s’amender de la culpabilité (comportements autopunitifs) ou de sortir
d’états dissociatifs (impression d’irréalité, dépersonnalisation, senti-
ment de détachement, émoussement, etc.).
• Les comportements hétéro-agressifs. Plus que leurs benjamins, les adoles-
cents brisent des objets, frappent sur les murs et défoncent les portes,
profèrent des insultes, intimident (menaces verbales, actes d’intimida-
tion tels que brandir un couteau de cuisine, etc.), agressent et se livrent
à de jeux violents avec leurs camarades. Dans les cas les plus graves, ils
adoptent des comportements d’une violence extrême (agression, vols
avec violence, etc.) ou une sexualité délinquante (par exemple, viols
favorisés par l’abus d’alcool et la prise de drogues).
• Les conduites à risque. Plus que les autres groupes d’âge, les adoles-
cents adoptent des comportements à risque (relations sexuelles non
protégées, usage abusif de substances psychotropes, adhésion à des
bandes délinquantes, comportement provocateur envers l’autorité,
sports extrêmes, conduite automobile imprudente, « jeux » dangereux,
actes délictuels, fugues, prostitution, enrôlement impétueux dans les
forces armées, etc.). Les conduites ordaliques constituent une forme
particulière de mise en danger : les adolescents jouent délibérément
leur vie au cours d’épreuves dangereuses dont l’issue est laissée au
hasard, à la destinée ou à Dieu.
• Les troubles du sommeil. Outre les insomnies et les cauchemars de
répétition, les hypersomnies sont relativement fréquentes chez l’ado-
lescent. Cette dernière constitue une forme de régression ou d’évite-
ment de la réalité angoissante.
• Les troubles des conduites alimentaires. À l’adolescence, les troubles
alimentaires (boulimie et anorexie) sont relativement courants. L’ano-
rexie, plus fréquente chez les filles que chez les garçons, se manifeste
par une restriction et un contrôle alimentaire, l’hyperactivité physique,
Les spécificités selon l’âge
170

les vomissements provoqués et la prise de laxatifs ou de diurétiques.


La boulimie est également plus répandue chez les filles. Suite à ces
désordres alimentaires, les jeunes peuvent devenir obèses ou cachec-
tiques. Après avoir subi des violences sexuelles, l’obésité ou la maigreur
peut leur tenir lieu de protection par l’amoindrissement de leur poten-
tiel de séduction.
• Les conduites addictives. Tabagisme, alcoolisme, toxicomanie et boulimie
peuvent apparaître à l’adolescence dans le décours d’un événement
traumatique.
–– Les troubles somatoformes. Les adolescents peuvent souffrir de
symptômes signant une hyperactivité neurovégétative et de maladies
psychosomatiques (coliques, colites, asthme, eczéma, psoriasis, etc.). Ils
manifestent également fréquemment de l’asthénie (fatigue permanente
résistant au repos, épuisement rapide au moindre effort physique, impres-
sion persistante d’être sans force, lassitude générale). Les victimes d’agres-
sions sexuelles peuvent manifester dysfonctions sexuelles à expression
somatique telle la baisse ou la perte de désir sexuel, l’émoussement du
plaisir sexuel, l’aversion sexuelle, l’anorgasmie, la dyspareunie psycho-
gène, l’impuissance et le vaginisme).

4.2 La phase à long terme

Outre les signes pathognomoniques du traumatisme et les troubles non spéci-


fiques, la personnalité de certains adolescents subit une transformation morbide.
Cette organisation de la personnalité en névrose traumatique apparaît en concor-
dance avec un possible estompement du syndrome post-traumatique. Cette
organisation de la personnalité se traduit notamment par des troubles caractériels
(opposition à l’autorité, comportements asociaux et délinquants, comportements
sexuels agressifs, etc.), la dépendance, la quête affective et la revendication, une
altération de la perception de soi, une modification des croyances et des valeurs
de base, des symptômes dissociatifs ainsi que par des difficultés à établir ou à
maintenir des relations satisfaisantes.
Les adolescents
171

Les adolescents développent parfois des troubles dissociatifs avérés, des


troubles de l’identité ou de la personnalité en particulier dans les traumatismes
extrêmes, répétés ou prolongés.

Résumé
– La souffrance de l’enfant en bas âge se caractérise par un trouble du fonctionne-
ment global : hyperactivité (agitation, instabilité motrice, cris, pleurs) ou retrait (souf-
france dépressive, apathie, gestes rares et ralentis, rythmies), conduites auto – et
hétéro-agressives, désordre des conduites alimentaires (anorexie, polyphagie et plus
préoccupants, pica, coprophagie et mérycisme), troubles du sommeil (refus d’aller
se coucher, difficultés d’endormissement, réveils anxieux, insomnies communes ou
agitées et plus inquiétantes, insomnies calmes), ralentissement, voire régression du
développement (retour à une alimentation liquide, interruption du comportement de
la marche, agrippement à la mère, crainte des personnes étrangères à la famille, etc.)
et maladies psychosomatiques (coliques, colites, asthme, eczéma, etc.).
– Entre 3 et 6 ans, les enfants peuvent manifester des symptômes pathognomoniques
du traumatisme (mnésies intrusives, évitements, hyperactivation neurovégétative),
des signes de dépression (tristesse, inhibition, perte de d’intérêt, sentiments de culpa-
bilité), des troubles anxieux (crises d’angoisse, agitation désordonnée, surveillance
inquiète de l’environnement, attachement anxieux), des comportements agressifs
tournés contre eux-mêmes et contre autrui, des troubles du sommeil, des désordres
alimentaires et des troubles somatoformes.
– Entre 6 et 12 ans, leur registre de réaction s’élargit. Plus que leurs cadets, ils
peuvent  exprimer des idées de vengeance et de culpabilité, présenter de l’irritabi-
lité, de la colère, de l’agressivité et des comportements provocateurs ainsi que des
troubles dépressifs. Avec l’entrée à l’école, apparaissent les perturbations scolaires et
les difficultés d’apprentissage.
– À l’adolescence, les indices les plus évocateurs d’une souffrance sont les comporte-
ments asociaux et délinquants, les actes d’autodestruction (scarifications, automu-
tilations, idées ou passage à l’acte suicidaire, conduites ordaliques), les addictions
(alcoolisme, toxicomanie), les troubles de l’humeur (dépression) et les désordres des
conduites alimentaires (boulimie, anorexie).
– En grandissant, les victimes ont un risque accru de développer un trouble dépressif,
des désordres anxieux, d’adopter des conduites addictives ou de souffrir d’une
maladie psychiatrique.
Les spécificités selon l’âge
172

Vérifiez vos connaissances :


– Quels sont les symptômes les plus préoccupants chez le nourrisson ?
– Quels sont les signes devant faire suspecter une souffrance traumatique chez l’enfant
de 3 à 6 ans ?
– Quels sont les symptômes spécifiques présentés par les grands enfants et les préado-
lescents ?
– Quels sont les indices les plus évocateurs d’un traumatisme psychique chez l’ado-
lescent ?
Conclusion

Maltraitances et agressions physiques, viols et abus sexuels, accidents de tous


ordres, séparations affectives brutales, négligence grave, violence psychologique,
catastrophes naturelles, conflits armés, mutilations sexuelles : les dangers mena-
çant les nouveau-nés, les enfants et les adolescents sont multiples, que ce soit
dans les pays pauvres ou dans les pays riches et aussi bien en temps de paix qu’en
temps de guerre.
Longtemps on a cru que les enfants, plus encore les nourrissons, étaient
imperméables au traumatisme. Leur immaturité et leur inexpérience les proté-
geaient, pensait-on, de percevoir une menace vitale et d’évaluer la gravité d’un
événement, d’en apprécier les enjeux ou d’en prévoir les conséquences. Si l’on
admettait qu’un incident les effrayaient ou les attristaient, on était toutefois
convaincu qu’ils auraient tôt fait de l’oublier, leurs faibles capacités mémorielles
ne pouvant garder longtemps de mauvaises réminiscences. De plus, leur plas-
ticité mentale leur donnait, croyait-on, la chance de s’adapter rapidement aux
modifications environnementales et aux situations nouvelles.
Il est aujourd’hui admis que les enfants peuvent souffrir durablement d’évé-
nements délétères allant même jusqu’à perturber leur vie d’adulte. En dépit de
l’intérêt actuel des chercheurs et des cliniciens pour la question du traumatisme
psychique, les publications traitant des causes et des conséquences de tels événe-
ments sur la santé mentale des jeunes victimes restent rares.
Dans cet ouvrage, nous avons inventorié les événements susceptibles de
générer des conséquences traumatiques depuis la petite enfance jusqu’à l’adoles-
cence. Nous avons ensuite décrit de manière détaillée les réactions que les jeunes
victimes peuvent manifester à court, moyen et long terme ainsi que les réper-
cussions possibles sur leur développement physique, cognitif et psychique. Nous
avons montré que loin d’être immunisée contre l’impact du traumatisme, leur
personnalité en construction est plus aisément perturbée et peut subir davantage
d’altérations permanentes que celle de leurs aînés.
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
174

À ceux qui s’interrogent sur le devenir à l’âge adulte des enfants abusés sexuel-
lement par des pédophiles ou par des proches, battus et gravement négligés
par leurs parents, abandonnés ou séparés brutalement d’un être cher, malmenés
par les catastrophes naturelles et les conflits armés, nous espérons avoir apporté
quelques éléments de réflexion.
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Sites web
David Baldwin’s Trauma Information Pages

http://www.trauma-pages.com

Ce site destiné aux cliniciens et aux chercheurs fournit de nombreuses ressources sur le
traumatisme psychique, tant individuel que collectif. En anglais.

I-Trauma

http://www.info-trauma.org
Ce site a pour vocation de fournir de l’information sur le traumatisme psychique aux
victimes, à leurs proches ainsi qu’aux professionnels. En français et en anglais.

Le Journal International de Victimologie

http://www.jidv.com
Ce site pour professionnels offre en libre accès des articles scientifiques sur la victimo-
logie et le traumatisme psychique. En français et en anglais.

National Center for Posttraumatic Stress Disorder (NCPTSD)

http://www.ncptsd.va.gov
Le National Center for PTSD (NCPTSD) a pour but d’améliorer la prise en charge clinique
et le bien-être social des vétérans de la guerre du Vietnam à travers la recherche, l’édu-
cation et la formation sur le stress post-traumatique et les troubles associés.
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
184

Le site regorge de précieuses ressources destinées aux chercheurs, aux aidants en santé
mentale, au corps médical ainsi qu’aux personnes affectées par un événement trau-
matique et à leur famille. On y trouve des articles, des manuels, des guides, des fiches
techniques, des vidéos et de liens vers d’autres sites. En anglais.
Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
http://www.who.int
L’OMS est l’autorité directrice et coordonatrice dans le domaine de la santé des travaux
ayant un caractère international au sein du système des Nations unies. En français, en
anglais, en arabe, en espagnol, en russe et en chinois.
Rubrique « santé mentale ». Cette rubrique comprend des informations et des docu-
ments sur la santé mentale. En anglais : http://www.who.int/mental_health/en) et en
français : http://www.who.int/topics/mental_health/publications/fr/index.html.
Resilience-psy
http://www.resilience-psy.com
Site d’Évelyne Josse, l’auteur du présent ouvrage. Le site comprend des articles de la
webmestre sur le stress, le traumatisme psychique, la torture, les enfants des rues, les
catastrophes humanitaires, les violences sexuelles et sexospécifiques, etc. En français.
Trauma Psy
http://www.traumapsy.com
Ce site offre de nombreuses informations utiles tant aux personnes victimes qu’aux
professionnels, chercheurs, médias et décideurs politiques. En français.
Index

Index des auteurs Agression 10, 11, 13, 15, 18, 22, 23, 24, 27, 29,
30, 35, 40, 55, 56, 62, 63, 81, 88, 92, 93, 97,
Ainsworth Mary 49 103, 119, 120, 123, 125, 133, 142, 157, 162,
Bessoles Philippe 77, 178 167, 169, 170, 173, 179
Crocq Louis 175, 179, 180 Agression sexuelle 15, 23, 55, 81, 120, 162,
Cyrulnik Boris 28 170, 179
Fenichel Otto 176 Altération de la personnalité 12, 40, 128
Ferenczi Sandor 176 Altération du caractère 151
Figley Charles 175, 176 Altruisme 45, 53, 167
Freud Anna 127, 176 Amnésie 74, 75, 106, 107, 139, 148
Freud Sigmund 20, 48, 53, 142 Anaclitique 91, 115, 132, 150, 154
Heide Kathleen 29, 30, 182 Angoisse 32, 39, 47, 51, 59, 72, 79, 90, 91, 93,
Herman Judith 29, 30, 141, 147, 176 94, 95, 96, 100, 101, 103, 108, 111, 114, 132,
Janet Pierre 9, 73, 177, 180 133, 146, 151, 154, 160, 164, 165, 171
Main Mary 49, 51, 177, 181 Anorexie 13, 101, 102, 134, 156, 161, 166, 169,
Piaget Jean 21, 52, 76, 92, 129, 177 171
Pynoos Robert 38, 42, 176, 181 Anxiété 11, 13, 51, 53, 72, 73, 76, 90, 107, 111,
Seligman Martin 115, 128, 177 114, 137, 142, 146, 150, 156, 158, 159, 164,
Solomon Eldra 29, 182 168
Solomon Judith 29, 30, 49, 177, 181 Apathie 101, 111, 154, 171
Spitz René 91, 115, 132, 133, 178 Apprentissage (difficulté, trouble) 87, 93, 94,
95, 108, 113, 114, 117, 121, 150, 154, 161,
Terr Lenore 10, 28, 29, 30, 40, 79, 182
165, 168, 171
Winnicott Donald 178
Asthénie 103, 108, 124, 170
Attachement 13, 14, 19, 20, 28, 33, 47, 48, 49,
Index des notions 50, 51, 90, 103, 105, 108, 114, 115, 124, 132,
Abus sexuel 23, 26, 29, 30, 42, 70, 71, 80, 81, 133, 135, 136, 144, 150, 151, 153, 154, 155,
85, 103, 109, 110, 118, 122, 128, 157, 162, 156, 158, 159, 160, 161, 170, 171, 175, 177
173 Blessure 17, 18, 20, 22, 24, 30, 35, 37, 39, 47,
Accident 15, 22, 23, 27, 29, 30, 36, 37, 47, 63, 105, 117, 144, 157, 163, 167, 189
49, 63, 87, 88, 89, 92, 97, 98, 110, 114, 129, Bouffée délirante 77, 78, 160, 164
153, 173 Boulimie 102, 159, 169, 170, 171
Activation neurovégétative 66, 79, 86, 90, Catastrophe naturelle 15, 22, 30, 38, 63, 87,
106, 108, 110, 113, 145, 150, 164, 168 92, 173, 174
Activisme 53 Cauchemar 10, 12, 21, 22, 27, 32, 38, 40, 71,
Agitation 11, 75, 90, 91, 106, 107, 108, 114, 80, 85, 100, 101, 108, 111, 117, 123, 139,
117, 154, 160, 164, 171 146, 160, 161, 164, 166, 167, 168, 169
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
186

CIM-8 11, 12, 73, 77, 104, 105, 107, 108, 114, Dépression agressive 117
140, 141, 142, 144, 146, 147, 148, 150, 151, Dépression anaclitique 91, 115, 132, 150, 154
177 Dépression hostile 117, 150
Circoncision pharaonique 25 Déréalisation 74, 106, 112, 139, 143, 160, 164,
Clitoridectomie 25 166, 167
Clivage 53, 130 DESNOS 5, 141, 147, 148, 149, 181
Colère 13, 32, 50, 53, 58, 60, 72, 73, 86, 88, Détresse péritraumatique 65, 66, 73
90, 92, 97, 98, 111, 123, 125, 127, 135, 145, Dissociation 9, 11, 14, 66, 73, 74, 75, 140, 179,
148, 154, 157, 159, 162, 163, 164, 165, 168, 180
171 Douleur 20, 22, 25, 39, 63, 102, 103, 108, 117,
Comportement agressif 13, 95, 96, 123, 127, 124, 125, 149, 153, 162, 166
155, 156, 161, 171 DSM-IV 12, 77, 105, 108, 114, 140, 141, 142,
Comportement auto-agressif 95, 123, 125, 143, 144, 147, 150, 151, 175, 181, 182
155, 161, 165, 169 DSM-V 18, 141, 144, 148
Comportement hétéro-agressif 96, 123, 155, Effroi 11, 21, 47, 51, 52, 63, 73
165, 169 Encoprésie 93, 125, 161, 162
Comportement régressif 11, 13, 66, 69, 87, 93, Esclavage sexuel 23, 29
108, 114, 120, 150, 154, 161, 165, 168, 190
Etat de stress aigu 12, 75
Conduite addictive 102, 123, 166, 170, 171
Etat de stress post-traumatique 11, 12, 13, 105,
Conduite alimentaire 66, 101, 123, 156, 161, 110, 141, 143, 144, 146, 147, 148, 150, 151,
166, 169, 171 177, 179, 190, 191
Conduite à risque 98, 108, 169 Evitement (conduite d’) 11, 12, 66, 79, 85, 86,
Conduite ordalique 13, 98, 99, 169, 171 88, 90, 106, 108, 110, 111, 113, 114, 134,
Conflit armé 15, 22, 23, 26, 28, 38, 39, 62, 63, 142, 146, 150, 151, 155, 160, 164, 168, 169
81, 173, 174, 180 Excision 25, 26
Conversion 75, 76, 142, 149, 160, 181 Faux self 130, 151, 157, 158
Coprophagie 102, 156, 171 Figure d’attachement 51, 115, 124, 132, 153,
Culpabilité 13, 32, 52, 57, 62, 73, 92, 93, 95, 154, 159
98, 108, 109, 111, 118, 119, 120, 129, 149, Flash-back 79, 106, 108, 111, 139, 144, 160,
150, 157, 161, 165, 169, 171 168
Culpabilité du survivant 119 Fugue dissociative 74, 167
Culpabilité post-traumatique 119 Génocide 26, 27, 32, 33, 36, 41, 120, 126, 175,
Cyberbullying 25 183
Cyberintimidation 25, 26 Guerre 7, 9, 15, 23, 24, 26, 27, 30, 31, 33, 71,
Décès 15, 19, 22, 24, 27, 35, 58, 70, 88, 92, 97, 77, 81, 82, 87, 114, 126, 132, 138, 140, 173,
115, 117, 119, 124, 153, 154 175, 176, 178, 179, 180, 183
Décorporalisation 74, 168 Hallucination 39, 72, 75, 77, 78, 79, 144, 160,
Décorporéisation 74 164
Défaite mentale 128 Harcèlement 24, 26
Dépersonnalisation 13, 74, 95, 106, 112, 140, Honte 18, 21, 32, 52, 60, 73, 97, 111, 120, 123,
143, 148, 164, 167, 169 128, 129, 149, 150, 161
Dépression 11, 13, 35, 50, 51, 58, 60, 91, 95, Hospitalisme 115, 116, 128, 132, 150, 154
101, 110, 115, 117, 128, 130, 132, 146, 150, Humiliation 24
154, 168, 171, 176 Humour 53
Index
187

Hyperactivité 11, 53, 73, 99, 102, 107, 146, Pensée automatique négative 113
154, 169, 170, 171 Pensée magique 52, 125, 160, 162
Hyper-réaction 72 Peur 13, 18, 32, 45, 53, 57, 69, 71, 72, 73, 76,
Hypersomnie 101, 169 85, 87, 88, 89, 90, 91, 100, 101, 103, 105,
Hypervigilance 13, 86, 106, 113, 145, 146, 164 108, 111, 114, 117, 126, 127, 129, 131, 139,
Hypo-réaction 72 140, 142, 144, 146, 159, 160, 161, 164, 165,
168, 175
Impuissance (acquise, apprise) 115, 128
Phase de désespoir 115
Inceste 23, 26, 70, 123, 176
Phase de détachement 116
Incident critique 3, 15, 19, 30, 32, 34, 35, 40,
49, 55, 63, 67, 81, 87, 105, 108, 109, 111, Phase de protestation 91, 115
160, 167 Phobie 32, 76, 111, 114, 164
Infibulation 25 Pica 102, 156, 171
Insomnie 13, 100, 115, 146, 156, 161, 166, Polyphagie 171
169, 171 Post-Traumatic Stress Disorder 5, 38, 79, 105,
Instabilité motrice 99, 108, 117, 123, 154, 155, 141, 143, 147, 176, 182
156, 161, 171 Prématuration traumatique 13, 120, 121, 165,
Intellectualisation 53 190
Préopératoire (stade, période) 52, 76, 129,
Jeux répétitifs 80, 108
160, 161
Jeux violents 24, 26, 96, 166, 169
Progression traumatique 121
Latence 11, 55, 70, 78, 160
Prostitution forcée 23
Maltraitance 22, 23, 24, 29, 35, 36, 47, 63, 66,
Psychopathologie 17, 52, 60, 78, 107, 109, 141,
73, 88, 117, 120, 123, 135, 153, 158, 162,
142, 150, 151, 167, 191
176, 182
Psychose 11, 60, 75, 77, 78, 143, 153, 157, 159,
Mariage forcé 25
163
Maternage sexualisé 24
Psychosomatique (maladie, symptome,
Mauvais traitement 22, 23, 39, 121 trouble) 66, 87, 102, 103, 104, 108, 117, 124,
Mère suffisamment bonne 130, 178 150, 156, 162, 170, 171
Mérycisme 102, 156, 171 Psychotraumatisme 32, 33, 70, 156
Mort 9, 10, 13, 14, 15, 18, 19, 30, 32, 35, 38, Racket 24, 26, 29, 63, 102
39, 41, 64, 72, 88, 89, 95, 97, 99, 105, 111, Régression 13, 94, 116, 120, 155, 161, 169, 171
116, 123, 125, 129, 133, 138, 144, 165, 167, Répétition (cauchemar, comportement,
177, 178 conduite, jeux, syndrome) 10, 70, 77, 80,
Mutilations sexuelles 22, 25, 63, 173 81, 92, 108, 111, 112, 131, 154, 156, 160,
Nanisme psychosocial 124, 132, 156 164, 169
Négligence 23, 24, 36, 47, 51, 63, 116, 121, Résignation acquise 128
130, 153, 162, 173 Résilience 28, 33, 53, 54, 61, 64, 131, 176
Négligence grave 24, 36, 47, 63, 130, 153, Reviviscence 10, 11, 12, 66, 79, 80, 108, 110,
162, 173 146, 150, 168
Névrose 7, 12, 75, 76, 104, 110, 111, 125, 141, Self 33, 127, 130, 151, 157, 158, 177
142, 146, 151, 170, 176, 179 Séparation 13, 15, 19, 22, 27, 28, 32, 49, 50,
Névrose traumatique 7, 12, 104, 110, 125, 141, 51, 58, 63, 88, 95, 100, 115, 116, 125, 132,
146, 170, 179 133, 151, 153, 154, 158, 165, 173
Nursing pathologique 24 Soins abusifs 24
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
188

Somatoforme (désordre, trouble) 11, 102, 114, 78, 79, 80, 86, 90, 99, 103, 106, 107, 108,
124, 150, 156, 162, 166, 170, 171, 190 109, 110, 111, 112, 121, 128, 130, 139, 142,
Souvenir répétitif 79, 108, 111, 144, 164, 168 144, 145, 146, 150, 156, 159, 160, 162, 167,
Stress 5, 7, 11, 12, 13, 17, 18, 31, 32, 36, 38, 41, 168, 170, 171, 172, 173, 175, 176, 177, 178,
42, 50, 55, 57, 64, 65, 66, 67, 68, 70, 71, 72, 179, 180, 183, 184, 189, 190
73, 75, 79, 86, 105, 107, 108, 110, 114, 141, Traumatisme complexe 29, 30, 47
143, 144, 145, 146, 147, 148, 150, 151, 159, Traumatisme de type I 28
160, 162, 164, 167, 175, 176, 177, 178, 179, Traumatisme de type II 29
180, 181, 182, 183, 184, 190, 191 Traumatisme de type III 29
Stress dépassé 11, 65, 68, 71, 72, 73, 107, 108, Traumatisme direct 30
159, 167, 190 Traumatisme empathique 33
Stupeur 72, 74, 159, 160, 167 Traumatisme secondaire 33
Sublimation 53 Traumatisme silencieux 11, 69, 70, 108, 109,
Suicide 40, 41, 88, 92, 117, 158 160, 190
Symptôme dissociatif 65, 73, 74, 77, 106, 107, Traumatisme simple 10, 29, 30
111, 144, 160, 167, 170 Travail forcé 29, 63
Symptômes neurovégétatifs 103, 107, 108, 166 Trouble alimentaire 101, 102, 117, 169
Symptôme traumatique 21, 55, 65, 68, 110, Trouble anxieux 51, 87, 90, 105, 108, 114, 144,
160 150, 151, 154, 160, 164, 168, 171, 190
Syndrome de répétition 111, 112, 160, 164 Trouble de l’attachement 19, 150, 177
Syndrome du bébé secoué 24 Trouble dépressif 31, 33, 91, 115, 116, 132,
Syndrome post-traumatique 11, 78, 79, 87, 150, 151, 154, 161, 165, 166, 171, 190
104, 108, 110, 114, 151, 164, 168, 170, 190 Trouble dissociatif 73, 77, 139, 140, 151, 159,
Tentative de suicide 158 163, 164, 166, 171
Torture 32, 39, 42, 126, 147, 148, 178, 184 Trouble psychotique 77, 78, 107, 164
Tournante 23 Tuteur de développement 28, 35
Toxicomanie 102, 159, 170, 171 Tuteur de résilience 28, 61, 131
Traditions et pratiques dommageables 23, 25 Victime directe 22, 30, 64
Transmission intergénérationnelle du  trauma- Victime indirecte 10, 30, 34, 64
tisme 10 Victimisation secondaire 62
Trauma 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 28, Vigilance gelée 135, 154, 156
29, 33, 40, 41, 47, 52, 79, 142, 147, 148, 150, Viol 23, 26, 30, 34, 39, 46, 55, 62, 92, 93, 110,
157, 166, 168, 175, 176, 177, 179, 181, 182, 126, 157, 169, 173
183, 184 Violence psychologique 23, 24, 26, 37, 63, 94,
Traumatisation indirecte 30 173
Traumatisme 3, 9, 10, 11, 15, 17, 18, 22, 23, 24, Violence sexuelle 18, 24, 26, 35, 62, 70, 98,
28, 29, 30, 31, 32, 33, 38, 39, 42, 46, 47, 48, 102, 167, 170, 176, 180, 184
53, 57, 63, 64, 66, 67, 68, 69, 70, 73, 76, 77, Viol en réunion 23
Table des matières

Présentation de l’auteur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

Liste des abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Préface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

Chapitre 1
L’événement traumatique17
1. Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2. L’événement traumatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
3. Les paramètres des événements traumatisants. . . . . . . . . . . . . . . . 22
4. Les types de traumatismes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
4.1 Les traumatismes de type I, II et III, simples et complexes28
4.2 Les traumatismes directs et indirects . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4.2.2. Les traumatismes indirects : la cicatrice sans la blessure . . . . 30
4.2.2.1. La transmission du traumatisme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
4.2.2.2. La transmission intergénérationnelle des traumatismes. . . . . 31
5. Les paramètres influençant le développement des syndromes
psychotraumatiques chez les enfants et les adolescents. . . . . . . . 34
5.1 Les variables liées à l’événement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
5.2 Les variables liées à l’enfant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
5.3 Les variables liées au milieu de récupération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents
190

CHAPITRE 2
Les réactions des nourrissons, enfants et adolescents
face à un événement traumatisant65

CHAPITRE 3
La phase aiguë69
1. Les réactions immédiates . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
1.1 Réactions manifestes et traumatisme silencieux69
1.2 Les réactions de stress dépassé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
1.3 Les réactions psychopathologiques aiguës . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
1.3.1. Les réactions névrotiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
1.3.2. Les réactions psychotiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
2. Les réactions post-immédiates. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
2.1 L’apparition d’un syndrome post-traumatique. . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
2.2 L’apparition de symptômes non spécifiques aux syndromes
post-traumatiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2.2.1. Les troubles anxieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
2.2.2. Les troubles dépressifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
2.2.3. Les comportements régressifs et les difficultés
d’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93
2.2.4. Les troubles du comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
2.2.5. Les troubles somatoformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
3. Les réactions immédiates et post-immédiates selon
les nosographies internationales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

CHAPITRE 4
La phase à long terme109
1. Les syndromes psychotraumatiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
1.1 L’état de stress post-traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
1.2 Les symptômes non spécifiques aux syndromes post-traumatiques. . 114
1.2.1. Les troubles anxieux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
1.2.2. Les troubles dépressifs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
1.2.3. Les retards de développement, les comportements
régressifs et la prématuration traumatique . . . . . . . . . . . . . . 120
1.2.4. Les troubles du comportement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
1.2.5. Les troubles somatoformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
Table des matières
191

1.3 Les altérations de la personnalité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124


2. Les psychopathologies. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
3. Les syndromes psychotraumatiques selon les nosographies
internationales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
3.1 L’état de stress post-traumatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
3.2 Les altérations de la personnalité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

CHAPITRE 5
Les spécificités selon l’âge153
1. Le premier âge (avant 3 ans). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
1.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154
1.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
2. Les enfants entre 3 à 6 ans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
2.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
2.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 162
3. Les enfants de 6 à 12 ans. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
3.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
3.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
4. Les adolescents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
4.1 La phase aiguë . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
4.2 La phase à long terme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170

Conclusion173

Bibliographie175

Index185

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