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De la performance financière à la performance globale : Quels outils de

mesure ?
Latifa HAMDANI
Université Hassan II-Casablanca

Résumé

Face aux enjeux environnementaux et sociaux, le rôle de l’entreprise dans la société s’est
progressivement élargi. La mission de l’entreprise ne se limite plus à l’atteinte d’objectifs
financiers à court et à moyen terme pour satisfaire les actionnaires mais elle inclut également
des préoccupations sociales et environnementales qui visent à promouvoir la prospérité
économique, la justice sociale et la qualité de l’environnement. De ce fait, la conception
traditionnelle (financière) de la performance est remise en cause en faveur d’une performance
plus large et plus globale.

La performance globale est un concept multidimensionnel complexe qui génère des


définitions diverses. Sa complexité ne réside pas uniquement dans la diversité de ses
conceptions mais aussi dans la multitude de ses dispositifs d’évaluation. Dans ce contexte, de
nombreux chercheurs en gestion analysent comment adapter les outils de mesure traditionnels
aux nouveaux impératifs sociaux et environnementaux de développement.

Dans ce cadre, cet article a pour objectif de présenter les différentes conceptualisations de la
performance dans une première partie et d’examiner dans une deuxième partie les principaux
dispositifs d’évaluation de la performance en mettant en évidence leurs limites pour intégrer
les différentes dimensions de la performance globale de l’entreprise.

Mots-clés : Performance financière – Performance globale – Dispositifs d’évaluation

1
Introduction
La performance a longtemps été un concept unidimensionnel, mesurée par le seul profit, en
raison du poids des propriétaires dans le processus de décision (Saulquin et al. 2007). Dans
cette perspective, la mesure de la performance vise essentiellement la création de la valeur
pour les actionnaires.

Cependant, dans un contexte économique en pleine mutation, caractérisé notamment par la


mondialisation, l’intensification de la concurrence et la conscientisation aux enjeux
environnementaux et sociaux, plusieurs facteurs ont entrainé l’apparition de modes de gestion
plus responsables et orientés sur le long terme et une prise de conscience que le pilotage de
l’entreprise ne se réduit pas au seul aspect financier. Les entreprises sont appelées à adapter
leur mode de gestion à ces nouvelles préoccupations qui visent à assurer la durabilité de
l’entreprise et de son environnement à plus long terme.

La responsabilité des entreprises ne se limite plus à la maximisation de la valeur pour


satisfaire les actionnaires mais elle s’est élargie en intégrant des préoccupations sociales et
environnementales pour promouvoir le développement durable. Ainsi la performance de
l’entreprise ne saurait se mesurer uniquement à l’aune du résultat financier (à court terme). En
effet, la durabilité de la performance de l’entreprise suppose la considération d’autres intérêts,
à savoir ceux des salariés, des clients, des fournisseurs, de l’environnement naturel et des
générations futures. Les entreprises sont appelées à redéfinir la notion de la performance et à
adapter par conséquent leurs système de pilotage aux nouvelles exigences de
l’environnement.

L’intérêt porté à la question de la performance n’a cessé de préoccuper les théoriciens et les
praticiens. C’est un concept qui débouche sur des divergences selon les auteurs et les
praticiens qui l’ont abordé (Saulquin et Mauppetie, 2002). En l’absence d’une définition de
la performance acceptée et partagée par tous les chercheurs, il est question de délimiter les
contours du concept de la performance et son évolution vers une approche globale intégrant à
la fois les volets économique, social et environnemental et de présenter ses principaux outils
de mesure développés dans la littérature du management ainsi que leurs limites. Il est question
également de mettre en évidence les avantages présentés par la Balanced scorecard, outil
propice de pilotage et de mesure de la performance globale, et ses évolutions.

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1. De la performance financière à la performance globale

La performance est appréhendée depuis longtemps sous un angle financier qui traduit les
attentes des actionnaires. Au cours du vingtième siècle, le concept de la performance s’est
élargi. La responsabilité de l’entreprise ne se limite plus aux actionnaires mais intègre
d’autres parties prenantes (clients, fournisseurs, salariés, associations, ONG…), ainsi la
performance définie en terme financier ne suffit plus (Kaplan et Norton, 1996).

1.1. La conception financière de la performance

Le concept de la performance est couramment utilisé tant dans la littérature que dans les
milieux organisationnels pour désigner un certain niveau d’excellence. Il est largement utilisé
sans que sa définition fasse l’unanimité. C’est un mot valise qui a reçu plusieurs acceptions et
qui appartient à la famille des termes polysémiques (Bourguignon, 1996).

Etymologiquement, le mot performance remonte au XII siècle. Il vient de l’ancien français


parformer qui signifiait « accomplir, exécuter » (petit Robert). Il apparait en anglais, au XV
siècle, avec le verbe to perform dont vient le mot performance qui signifiait à la fois
l’accomplissement d’un processus, d’une tâche avec les résultats qui en découlent et le succès
que l’on peut y attribuer (Y. Pesqueux, 2004).

Depuis les années quatre-vingt, de nombreux auteurs se sont attachés à définir la notion de la
performance de l’entreprise (Bouquin ,1986 ; Bescos et al. 1993 ; Bourguignon, 1995 ;
Bessire, 1999...). Cette notion n’est utilisée en contrôle de gestion que par transposition de son
sens en anglais. Elle désigne alors l’action, son résultat et son succès.

Le choix de l’un de ces trois sens influence l’approche retenue pour évaluer la performance
et /ou celle des acteurs qui contribuent à sa réalisation.

La définition de Bourguignon(2000) regroupe les trois sens recensés et apparait la plus


adaptée. En effet, il définit la performance comme « la réalisation des objectifs
organisationnels, quelque soient la nature et la variété de ces objectifs. Cette réalisation peut
se comprendre au sens strict (résultat- aboutissement) ou au sens large du processus qui mène
au résultat (action)… ».

La performance n’existe que si on peut la mesurer et cette mesure ne peut en aucun cas se
limiter à la connaissance d’un résultat (Lebas, 1995). L’évaluation de la performance se
construit au regard d’un référentiel d’une échelle de mesure.

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Bouquin(2004) estime que les résultats atteints sont évalués en les comparants aux résultats
souhaités ou à des résultats référentiels. Il représente la problématique générale de la
performance de la manière suivante :

La performance, selon toujours cet auteur, est associée à trois principes fondamentaux :
l’économie, l’efficience et l’efficacité. L’économie consiste à se procurer les ressources au
moindre coût ; l’efficience met en relation les résultats et les moyens et permet de maximiser
la quantité produite à partir d’une quantité donnée de ressources(en rapportant un indicateur
de résultat à un indicateur des capitaux employés : la rentabilité, la productivité…). Enfin
l’efficacité qui traduit l’aptitude de l’entreprise à atteindre les objectifs et les finalités
poursuivis.

En se rattachant à cette définition, mesurer la performance revient à mesurer les trois


dimensions qui la composent.

Cependant, il existe de nombreuses difficultés associées à ces mesures. L’efficacité se mesure


en rapportant les résultats aux objectifs. Cette mesure fait face à deux obstacles. Le premier
réside dans l’identification des objectifs qui peuvent être parfois contradictoires, ambigus et
non explicite. Quant au second, il réside dans la difficulté de l’obtention d’un consensus
relatif à la pluralité des buts recherchés. Ainsi il peut y avoir absence de consensus ou même
conflit dans la définition des finalités d’une organisation.

L’efficience n’est pas exempte de difficultés. Elle se mesure en général par le ratio résultats-
moyens difficile à évaluer notamment dans le cas des activités de services ou les activités
discrétionnaires.

La définition de Bouquin privilégie la perspective gestionnaire et financière à court terme qui


consistait à réaliser un profit avec le moins de ressources possibles.

La logique financière de la performance a fait l’objet de fortes critiques dans la littérature


existante (Dohou-Renaud, 2007 ; Bouquin, 2004 ; Lebass, 1995 ; Kaplan-Johnson,1987).

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Cette vision unidimensionnelle est remise en cause par Kaplan et Johnson (1987, p.259) :
« les mesures à court terme devront être remplacées par de multiples indicateurs non
financiers qui constituent de meilleurs cibles et ont une meilleure valeur prédictive quant aux
objectifs de rentabilité à long terme ».

Le débat sur la performance invite les entreprises à compléter les critères de gestion
exclusivement financiers et économiques par des mesures décrivant d’autres aspects de leur
fonctionnement.

1.2. La performance globale

Le concept de la performance globale émerge en Europe avec l’apparition du développement


durable et ses origines remontent aux années 1950 aux Etats-Unis avec le concept de la
responsabilité sociale des entreprises.

Cette nouvelle réalité a entrainé l’évolution progressive de ce concept vers une vision plus
large, plus globale et tridimensionnelle (Reynaud, 2003), incluant les trois objectifs du
développement durable (économique, sociale et environnemental).

En effet une large littérature (Kalika ,1988 ; Kaplan et Norton, 1992 ; Morin et al ; Capron et
Quairel, 2005, Baret…) s’est penchée sur la conceptualisation de la performance en tant que
modèle globalisant. Les travaux précurseurs dans ce domaine remontent, en 1997, au groupe
de travail du commissariat général du plan dans lequel Marcel Le petit définit la performance
globale comme « une visée (ou un but) multidimensionnelle, économique, sociale et sociétale,
financière et environnementale, qui concerne aussi bien les entreprises que les sociétés
humaines, autant les salariés que les citoyens ».

Selon Marmuse (1997) « la performance revêt des aspects multiples, sans doute convergents,
mais qui méritent d’être abordés dans une logique plus globale que la seule appréciation de
rentabilité pour l’entreprise ou pour l’actionnaire ».

La performance globale se définit par « la réunion de la performance financière, de la


performance sociale et de la performance sociétale » (Germain, Trébucq, 2004) ou par
« l’agrégation des performances économiques, sociales et environnementales » (Baret, 2006 et
Renault, 2003). Elle se définit par des indicateurs multi- critères et multi-acteurs et non plus
par une mesure en quelque sorte unique tels que la qualité du produit et du service, la
mobilisation des employés, la productivité, la satisfaction de la clientèle, la sécurité des
installations, etc.

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Capron et Quairel considèrent que la performance globale de l’entreprise est « une conception
holistique cherchant à désigner une intégration des performances dans une approche
synthétique … Cette intégration peut sous-entendre une cohérence entre les trois dimensions
avec des modèles de causalité reliant différents facteurs issus de dimensions différentes »
(2005).

Schéma1 : la performance globale de l’entreprise (Reynaud, 2003)

Ces auteurs semblent définir la performance globale de la même façon. La performance


globale sera définit comme l’agrégation des performances économiques, sociales et
environnementales. Ainsi, pour piloter et mesurer la performance globale, la nécessité de
disposer d’informations non financières, en particulier sociales et environnementales
s’impose. C’est pourquoi des chercheurs analysent comment les outils traditionnels de
pilotage et de mesure de la performance peuvent être adaptés pour intégrer les nouveaux
impératifs sociaux et environnementaux.

2. Les principaux outils de mesure de la performance globale et leurs


limites

A l’instar de l’évolution qu’à connu le concept de performance, le rôle du contrôle de gestion


en matière de pilotage de la performance, autrefois basé sur la performance économique, a
évolué vers le pilotage de la performance sociale et environnementale.

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En effet, certain chercheurs se sont attelés à analyser comment les outils traditionnels de
pilotage et de mesure de la performance peuvent être adaptés pour prendre en compte les
préoccupations du développement durable. Il s’agit d’intégrer dans les systèmes de pilotage
traditionnels de la performance des informations extracomptables, en particuliers sociales et
environnementales.

Henri et Journeault (2006) ont introduit au contrôle de gestion la notion d’éco-contrôle. C’est
un système de pilotage et de contrôle qui comporte un volet sociétal qui vise à sensibiliser les
entreprises de l’impact de leurs activités sur l’environnement et le développement durable
(Pasquero, 2005 ; Capron et Quairel-Lanoiselée, 2004 ; Igalens, 2004).

2.1. Les principaux outils de mesure de la performance globale

Il existe une pluralité d’outils de contrôle de gestion sociétale, qui répondent aux
préoccupations du développement durable pour piloter et mesurer la performance
environnementale d’une entreprise.

Certaines approches ont une portée limitée, raison pour laquelle elles seront hors champ de
l’étude. Il s’agit des approches de la comptabilité environnementale et sociale qui
s’intéressent à l’un des volets du développement durable. De même que les différentes
initiatives de reporting social(le bilan social), de normalisation environnementale(les normes
ISO 14 001, EMAS, le guide SD21 000)) et de normalisation sociale (les normes SA 8000,
AA 1000, ISO 26 000) qui proposent des lignes directrices pour la prise en compte des enjeux
du développement durables dans la stratégie et le management de l’entreprise plutôt que des
outils pour mesurer les résultats obtenus (Douhou et Berland).

En revanche, les outils qui fournissent le mieux une vision globale de la performance seront
abordés. La Triple Bottom Line (triple bilan : TBL) et la Global Reporting Initiative (GRI)
mesurent la performance globale d’une entreprise en fonction de sa triple contribution à la
prospérité économique, à la qualité de l’environnement et au capital social.

La Triple Bottom Line, développée par Elkington J., est l’approche anglo-saxonne de la
mesure de la performance globale qui correspond à l’ensemble des valeurs et des processus
qu’une entreprise doit mettre en œuvre pour minimiser tout dommage résultant de son activité
pour créer de la valeur économique, sociale et écologique.

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La TBL est un bilan segmenté selon les trois dimensions du développement durable, établies
de manière séparée sans tenir compte des relations de causalités existantes entre elles. Elle ne
prend pas en compte les trois problématiques du développement durable simultanément.

Quant à la Globale Reporting Initiative (GRI), créée en 1997 par la collaboration entre la
Coalition for Environmentally Responsible Economies (CERES) et le Programme des Nations
Unies pour l’Environnement (PNUE). Elle correspond au standard de reporting le plus avancé
en matière de développement durable. Les indicateurs de la performance de la GRI sont
classés selon les trois dimensions du développement durable (économique, social et
environnemental). Les indicateurs économiques évaluent les retombées de l’activité de
l’entreprise sur la situation économique de ses différentes parties prenantes (clients,
fournisseurs, employés, actionnaires etc…) et sur les systèmes économiques au niveau local,
national et mondial. Les indicateurs sociaux évaluent les impacts de l’entreprise sur les
systèmes sociaux dans lesquels elle opère. Quant aux indicateurs environnementaux, ils
mesurent les impacts sur les écosystèmes.

Ces deux dernières approches, à savoir la TBL et la GRI, évaluent séparément les trois piliers
du développement durable sans prendre en compte les interactions entre les différentes
performances. Il manque néanmoins une notion d’intégration, qui est très importante selon
Dubigeon (2002) car elle exprime la relation existante entre la performance de l’entreprise et
le bilan global pour la société. Ainsi, restreindre les indicateurs de performance à ces trois
catégories peut ne pas suffire à saisir la totalité de la performance d’une organisation. Par
conséquent un quatrième axe doit être pris en compte en plus des dimensions économique,
sociale et environnementale : la performance intégrée (Lignes Directrices, 2002, p.44). La
GRI poursuit ces efforts en encourageant les organisations à élaborer des indicateurs intégrés
capable de rendre compte de la performance globale. Il n’existe pas d’indicateurs qui
permettent le croisement entre les trois dimensions. Ils se limitent à deux dimensions :
indicateurs duals qui mesurent la contribution du social ou de l’environnement à la dimension
économique par le biais des ratios de productivité : socio-efficacité et éco- efficacité.
Cependant, Ces indicateurs se heurtent à des obstacles techniques(les difficultés d’agrégation
des informations et de la définition d’une méthode de calcul commune) et culturels (les
différences de contexte législatif).

Aucun des outils de mesure présentés ci-dessus ne permet d’intégrer les trois dimensions du
développement durable et de fournir la mesure d’une performance globale.

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De nombreuses recherches ont montré que la Balanced ScoreCard (BSC) peut combler les
limites des outils de contrôle de gestion présentés ci haut. La BSC constitue l’outil de contrôle
de gestion incontournable pour le pilotage et la mesure de la performance globale de
l’entreprise (Figge et al. 2002 ; Germain et Trebucq, 2004 ; Zingales et al., 2004 ; Germain et
Gates, 2007).

2.2. La Balanced Scorecard

La Balanced ScoreCard (tableau de bord prospectif) a été présentée initialement, par Kaplan
et Norton au début des années 90 aux Etats Unies, comme un outil de mesure de la
performance de l’entreprise. Son utilisation s’est répandue dans les entreprises et son rôle
s’est étendue au pilotage stratégique de la performance qui n’est pas exclusivement financière.
Cette approche intègre à coté des indicateurs de résultats financiers, des indicateurs liés à des
perspectives non financières en vue d’améliorer les performances financières. Ces
perspectives recouvrent largement les domaines du capital immatériel qui relient les objectifs
à court terme avec les décisions stratégiques à long terme.

Ainsi, la BSC permet de regrouper l’ensemble des indicateurs de performance que peut avoir
une entreprise en quatre axes recouvrant les dimensions suivantes : les résultats financiers, la
satisfaction de clients, les processus internes et l’apprentissage organisationnel. Les
dimensions sont construites sur la base de la vision de la stratégie de l’entreprise et sont
dépendantes les unes des autres.

Il est reproché à la BSC, dans sa version initiale, de créer une hiérarchie entre les quatre axes.
En effet, la satisfaction des clients, les processus internes et l’apprentissage organisationnel ne
constituent que les moyens pour atteindre les objectifs financiers. Ainsi la BSC est un outil
orienté vers le résultat financier et ne peut être considéré comme un outil d’évaluation de la
performance globale.

En revanche, de nombreuses recherches ont montré que la BSC est un outil évolutif et
approprié pour intégrer des préoccupations sociales et environnementales dans le système de
contrôle de gestion traditionnelle. Les principales raisons qui font de La BSC un outil propice
pour intégrer les dimensions qualitatives (Bieker, 2002) sont :

- C’est un outil qui part de la stratégie, la traduit en des objectifs, des indicateurs, des
mesures de la performance ce qui permet de s’assurer que les préoccupations sociales et

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environnementales font partie intégrante de la stratégie de l’entreprise et qu’il ne s’agit pas
d’un discours publicitaire.

- C’est un outil ouvert et adaptable ce qui facilite l’intégration des dimensions sociales
et environnementales aux dimensions traditionnelles de la performance de l’entreprise.

- Dans sa conception initiale, c’est un outil basé sur des aspects qualitatifs et sur des
aspects non financiers d’une part et d’autre part il fait le lien entre le court terme et le long
terme cette logique est compatible avec l’intégration des préoccupations sociales et
environnementales.

- Enfin, il est considéré un dispositif de référence, dans la littérature, en termes de


pilotage et de contrôle de la performance de l’entreprise.

De nombreux auteurs ont proposé l’adaptation de la BSC afin qu’elle permette la mise en
œuvre des stratégies de responsabilité sociale de l’entreprise et qu’elle puisse mesurer la
performance globale (Epstein, 1996 ; Hockerts, 2001 ; Figge et al, 2002 ; Bieker, 2002 ;
Supizet, 2002 ; Zingales et al, 2004 ; Van der Brink et al, 2004 ; Germain et Trébucq, 2004).
Ainsi, sous le nom générique Sustainability Bananced ScoreCard (SBSC), différentes
possibilités de prise en compte des aspects sociaux et environnementaux dans La BSC ont été
mises en évidence :

- Certain auteurs préconisent l’élaboration d’une SBSC durable spécifique, comme


extension du BSC classique, destinée à suivre le déploiement de la stratégie RSE. C’est un
outil de pilotage et de mesure de l’empreinte sociétale de l’entreprise de manière
indépendante. Cependant, cette dissociation comporte un risque à savoir que les
préoccupations sociales et environnementales seront secondaires par rapport à la mission
principale de l’entreprise.

- La majorité des auteurs sont pour une intégration des indicateurs sociaux et
environnementaux à la BSC traditionnelle. Ils sont donc automatiquement intégrés dans la
chaîne de causalité sur les quatre axes existants. Cette conception ne change en rien
l’architecture du modèle de Kaplan et Norton, mais, au contraire l’approfondit par
l’introduction de nouveaux facteurs.

Hockerts (2001), Kaplan et Norton(2001) estiment que les aspects sociétaux peuvent être
assimilés aux quatre perspectives traditionnelles comme tous les autres aspects stratégiques de
l’entreprise. Quant à Bieker (2002), Germain et Trébucq (2004), ils pensent que si

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l’architecture traditionnelle de la BSC est conservée et que les aspects sociaux et
environnementaux sont insérés dans les quatre axes traditionnels de la BSC, la performance
sociétale de l’entreprise reste subordonnée à la performance financière. Les objectifs et les
indicateurs sociétaux resteront toujours noyés et dominés par ceux de la performance
financière de l’entreprise compte tenu de la dimension court-termiste de la vision financière
qui est à l’opposé des dimensions sociétales qui sont des préoccupations de long terme.
L’orientation financière dominante de la BSC est ainsi maintenue et la performance mesurée
est toujours financière.

- D’autres auteurs sont en faveur d’une modification de l’architecture traditionnelle de


la BSC et proposent d’ajouter une cinquième perspective, appelée axe sociétal (Bieker, 2002),
afin d’élargir le champ des facteurs pris en compte et de signaler l’importance de ce domaine
de performance (Zingales et Hockerts, 2004). D’après Bieker(2002), il faut donner une
importance égale aux cinq dimensions et prendre en compte simultanément la dimension
financière et la dimension sociétale qui doivent être considérées comme interdépendantes.
Quand à l’architecture d’ensemble du système de mesure de la performance, Bieker(2002)
apporte peut de précisions.

Malgré les propositions d’adaptation de la BSC, la mesure d’une performance intégrée reste
problématique. La question est de savoir comment intégrer les dimensions sociétales aux
dimensions traditionnelles. En effet lorsqu’une entreprise veut utiliser la BSC pour piloter et
mesurer son empreinte sociétale, il est nécessaire qu’elle ait au préalable une mission et une
stratégie RSE. L’architecture de la BSC durable à adopter dépend du type d’engagement
sociétal volontairement pris par l’entreprise. Il est possible d’envisager soit un découplage du
système sociétal par rapport au système traditionnel, soit une intégration des dimensions
sociétales et traditionnelles.

Par ailleurs les écrits récents sur la performance mettent en évidence la nécessaire relation
entre les objectifs et la stratégie de l’entreprise d’une part et la construction de la BSC
équilibré et efficace d’autre part. De toute évidence, chaque entreprise aura des indicateurs qui
lui sont propres en fonction de ses objectifs, ses stratégies et son environnement.

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Conclusion
En guise de conclusion, il ressort de la présente contribution qu’aucun des outils présentés ci-
dessus ne permet d’intégrer les trois volets du développement durable et de fournir une
mesure de la performance globale. Un certain nombre de difficultés persistent au niveau de la
mise en place d’un système de pilotage de la performance globale qui s’expliquent
essentiellement par les attentes souvent contradictoires des parties prenantes et de la
prédominance des objectifs économiques et financiers dans les pratiques et la culture des
managers (Crutzen et Van caillie, 2010 ; Fulop et Hernadi, 2014).

Le choix des indicateurs de la performance globale relève donc d’un arbitrage politique. Ces
indicateurs doivent se construire au cours d’un processus concertatif et stratégique en accord
avec les dirigeants et la participation de toutes les parties prenantes de l’entreprise. Dans cette
perspective la performance globale peut être analysée comme une convention sociale co-
construite et négociée entre les dirigeants de l’entreprise et ses différentes parties prenantes.
Comme le précisent Capron et Quairel (2004), « ces objectifs assignés généralement au
développement durable : prospérité économique, justice sociale et qualité environnementale,
au niveau de l’entreprise, engendrent des tensions, ce qui suppose de concilier des intérêts
souvent opposés et par conséquent de trouver des arbitrages et des compromis susceptibles de
satisfaire les différentes catégories de parties concernées ».

La prise en compte des préoccupations du développement durable dans le management doit


constituer aujourd’hui un nouvel enjeu stratégique pour l’entreprise. Ainsi, les outils et les
indicateurs de contrôle de gestion doivent intégrer des aspects sociaux et environnementaux
qui permettent à l’entreprise de mieux gérer la performance dans sa globalité.

Toutefois, la prégnance des objectifs économiques et financiers dans les pratiques et la culture
des managers semble inconciliable avec les trois objectifs assignés au développement durable.
Ce dernier peut être considéré comme un objectif lointain voire utopique, ce qui rend difficile
l’obtention d’une performance globale.

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