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L'effet tunnel en gestion de projet

 
L'effet tunnel, c'est la première cause d'échec des projets. Nous allons voir
dans un premier temps de quoi il s'agit, et ensuite la façon de l'éviter.
Dans un projet, il y a toujours deux acteurs principaux : le client,
également appelé maître d'ouvrage, qui a exprimé un besoin et attend
une solution répondant à ce besoin, et le maître d’œuvre qui est en charge
de la conception et de la réalisation de la solution.
Un projet dure en général de quelques mois à plusieurs années. L'effet
tunnel c'est lorsque pendant toute la durée du projet, le maître d'ouvrage
et le maître d’œuvre ne se parlent pas. Conséquence de cet état de fait, le
résultat est le plus souvent extrêmement décevant, quand le projet n'est
pas complètement raté.
La question que l'on peut se poser c'est pourquoi ce phénomène est-il
aussi fréquent et aussi grave. En fait il y a trois types de situations assez
différentes, décrivons-les.

Dans le premier cas, le  maître d'ouvrage et le maître d’œuvre


appartiennent au même organisme. Ils sont donc obligés de travailler
ensemble. C'est le cas notamment lorsqu'une division de l'organisme
s'adresse à la direction des services informatiques pour faire évoluer son
outil de travail. Tout comme dans les couples en crise il y a en général
longtemps que se sont établis des rapports détestables. Les utilisateurs
sont habitués à attendre longtemps la réponse à leur besoin et sont
régulièrement déçus du résultat. Symétriquement les services
informatiques sont convaincus d'avoir affaire à des utilisateurs sont
grincheux et jamais satisfaits. S'ajoute à ceci le fait que chacun, isolé dans
sa tour d'ivoire est convaincu que l'autre est structurellement incapable de
comprendre ses contraintes.
Le deuxième cas de figure est celui des projets publics. Ici la situation est
différente. Le maître d’œuvre a été choisi à la suite d'un appel d'offres, sur
la base d'un cahier des charges auquel il a répondu en aveugle tant celui-
ci était mal rédigé et faute d'avoir eu la réponse aux questions qu'il se
posait légitimement. Pourquoi a-t-il répondu dans ces conditions ? Il faut
bien remplir le carnet de commande ! On raconte que dans beaucoup
d'entreprise de maîtrise d’œuvre, le premier dossier ouvert lors d'un
nouveau projet est le dossier contentieux. Lorsque le projet démarre, le
maître d’œuvre découvre très vite que son interlocuteur maîtrise
d'ouvrage est soit incompétent, soit n'est pas au courant du projet, soit
encore qu'entre réunions, vacances et congés maladie, il est plus
insaisissable qu'une anguille. Dès lors, on est dans le tunnel. Le maître
d’œuvre n'a plus qu'à alimenter le dossier contentieux avec les éléments
de preuve qui lui permettrons en fin de projet de démontrer devant le
tribunal l'incurie de la maîtrise d'ouvrage.
Le troisième et dernier cas est celui ou le projet met en jeu deux
entreprises du secteur marchand. Les choses devraient bien se passer
puisque les deux parties ont librement choisi de travailler ensemble. De
fait, en début de projet l'ambiance est généralement bonne, alors,
pourquoi l'effet tunnel ? Mettons-nous d'abord à la place du maître
d'ouvrage. Il a choisi le fournisseur avec qui il avait le plus d'affinités. Il a
répondu à toutes les questions et fourni tous les éléments nécessaires
pour que la maîtrise d’œuvre puisse faire un bon travail. En conséquence
de quoi il fait confiance et laisse faire. Même état d'esprit positif coté
maîtrise d’œuvre. Le projet est passionnant,
on déborde d'idées, on prend des initiatives sans toujours demander
l'accord du client (il pourrait ne pas être d'accord, ce serait frustrant).
Quand on prend du retard, on n'en parle pas au client : à quoi bon
l'inquiéter inutilement, on rattrapera le temps perdu et on livrera à
l'heure.
Que viennent des difficultés techniques et on fait assaut d'imagination
pour les résoudre, on tord un peu le cou au cahier des charges mais c'est
pour la bonne cause. Ici encore on est dans le tunnel. On y est entré de
bonne foi mais on y est bel et bien et les conséquences seront là encore
catastrophique. Le client s'inquiète de ne pas être livré à la date
convenue. On tente de se justifier en lui expliquant à quel point on s'est
battu contre les éléments. Rien n'y fait, il reste furieux. Et lorsqu'on
achève enfin et qu'il découvre l'écart entre ce qu'on lui livre et ce qu'il
espérait, sa colère monte encore d'un cran.
Alors, direz-vous, comment faire pour éviter ce désastreux effet tunnel ?
C'est extrêmement simple, cela tient en deux règles :

- D'abord jalonner le projet. Le mot peut paraître énigmatique mais la


réalité est simple. Jalonner un projet c'est fixer de trois à cinq objectifs
intermédiaires, les jalons du projet.
Chaque jalon donnera lieu à une rencontre avec le client à l'occasion de
laquelle il constatera que tout ce qui devait être fait est réellement fait et
que cela lui convient. Si ce n'est pas le cas on décidera d'un commun
accord des mesures correctives ou au pire de la nouvelle orientation à
donner au projet.

- La première règle était purement technique, la deuxième est


comportementale. Elle consiste pour le maître d’œuvre à jouer franc jeu,
c'est à dire à ne rien cacher au client des difficultés rencontrées. L'effet
est double : sur le plan opérationnel cela permet de trouver la meilleure
solution au problème c'est à dire la plus acceptable par le client. Sur le
plan psychologique cela renforce le client dans l'idée qu'il a bien choisi son
fournisseur et qu'il peut lui faire confiance. Les chefs de projet ont
tendance à penser qu'ils se diminuent en avouant une faiblesse, en fait
c'est l'inverse qui est vrai.

Voilà pour cette question importante de l'effet tunnel. Je vous invite à


diffuser autour de vous le dessin qui illustre cet article et à faire part de
vos expériences et commentaires.

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